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Conseil d'État, 9ème chambre, 21/12/2021, 439916, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait de l'absence de prise en compte de l'ensemble des éléments de sa carrière pour le calcul de sa pension de retraite. Par un jugement n° 1602579 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 20DA00555 du 1er avril 2020, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par Mme A... contre ce jugement. Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 17 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la CNRACL à lui verser la somme de 400 000 euros ; 3°) de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de Mme A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... était agent titulaire au sein du centre hospitalier d'Arras, où elle exerçait des fonctions de sage-femme. Sa mise à la retraite et sa radiation des cadres, sollicitées le 11 mai 2011, lui ayant été accordées à compter du 1er septembre 2011, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a procédé à la liquidation de sa pension de retraite par une décision du 29 mars 2012. Le 20 août 2012, Mme A... a demandé en vain à la caisse la révision des bases de liquidation retenues. Le 5 février 2016, elle lui a demandé de l'indemniser du préjudice de pension subi. Sa demande ayant été rejetée par décision du 19 février 2016, Mme A... a demandé au tribunal administratif de condamner la CNRACL à lui verser la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 janvier 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande indemnitaire. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. / (...) ". 3. Il est constant que le délai dont disposait Mme A... pour se pourvoir contre la décision implicite de rejet de la CNRACL de sa demande du 20 août 2012 tendant à la révision des bases de liquidation de sa pension était expiré lorsque l'intéressée a présenté à la CNRACL, le 5 février 2016, une demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice que lui aurait causé la liquidation de sa pension sur des bases erronées. Or, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que les conclusions de Mme A... dirigées contre le refus opposé le 19 février 2016 par le directeur de la caisse à cette demande indemnitaire, sont exclusivement fondées sur les illégalités qui, selon la requérante, auraient entaché la décision de liquidation de sa pension. Ainsi, ces conclusions tendent en réalité à remettre en question une décision dont l'objet est exclusivement pécuniaire et qui est devenue définitive, avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables. Ces conclusions n'étaient par suite pas recevables. Il y a lieu de substituer ce motif de pur droit et qui ne nécessite l'appréciation d'aucune circonstance de fait nouvelle, aux motifs retenus par le tribunal administratif dans le jugement attaqué dont il justifie, à lui seul, le dispositif. 3. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les moyens soulevés contre les motifs par lesquels le tribunal a rejeté la demande indemnitaire de Mme A... sont inopérants. 4. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A... ne peut qu'être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Caisse des dépôts et consignations. Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 21 décembre 2021. Le président : Signé : M. Thomas Andrieu Le rapporteur : Signé : M. Cyril Martin de Lagarde La secrétaire : Signé : Mme C... D...ECLI:FR:CECHS:2021:439916.20211221
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, , 21/12/2021, 19MA05626, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal régional des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision en date du 15 mars 2018 par laquelle le directeur du département des soins et suivi du blessé et du pensionné de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a rejeté sa demande de prise en charge des frais d'une cure thermale à Axe-les-Thermes, au titre de l'année 2018. Par un jugement n°18 /00017 du 8 octobre 2019, le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, M. B..., représenté par Me Sinard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal régional des pensions militaires de Montpellier du 8 octobre 2019 ; 2°) d'annuler ce refus du 15 mars 2018 ; 3°) de faire droit à sa demande de prise en charge. Il soutient que : - l'établissement de cure thermale dont il demande la prise en charge des frais est agréé pour les orientations thérapeutiques relatives aux affections respiratoires et de la sphère ORL; - l'affection au titre de laquelle il bénéficie d'une pension d'invalidité justifie un traitement par crénothérapie et la prise en charge des frais y afférents, conformément à l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. C... pour statuer par ordonnance dans les cas prévus à l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % pour acouphènes, a demandé le 26 février 2018 la prise en charge des frais de cure thermale à la station d'Axe-les-Thermes au titre de l'année 2018. Par décision du 15 mars 2018, le directeur du département des soins et du suivi du blessé et du pensionné de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a rejeté cette demande. M. B... relève appel du jugement du tribunal régional des pensions militaires de Montpellier, en date du 8 octobre 2019, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus et à la prise en charge de ces frais. 2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l'ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée. / Les soins, produits et prestations pris en charge par l'Etat sont ceux prévus aux articles L. 162-1-7, L. 162-17 et L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans les conditions définies par ces articles ou par les dispositions du présent code. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ". L'article D. 212-8 du même code précise que : " Outre la prise en charge des frais de surveillance médicale et de traitement dans les établissements thermaux, les pensionnés effectuant une cure thermale au titre de l'article L. 212-1 ont droit, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement sur justification de tels frais et au remboursement de leurs frais de transport dans les conditions fixées à l'article D. 211-13, sauf s'ils résident dans la commune où se trouve l'établissement de cure ". 4. Pour refuser de faire droit à la demande de M. B... tendant à la prise en charge des frais de cure thermale à Axe-les-Thermes, le directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale s'est fondé sur le motif, que les premiers juges ont entièrement repris à leur compte, tiré de ce que l'infirmité au titre de laquelle il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité ne nécessite pas un traitement par crénothérapie. 5. Il ne résulte pas de l'instruction que l'infirmité de M. B..., qui ne verse aucune prescription médicale au soutien de ses prétentions, nécessiterait un traitement en cure thermale. S'il affirme que plusieurs études démontrent les bienfaits d'une cure pour le traitement des patients souffrant d'acouphènes et que cette infirmité ressortit de la catégorie des affections de type oto-rhino-laryngologique, il n'assortit cette allégation d'aucune documentation ou référence. Ainsi la circonstance que l'établissement de cure thermale choisi par M. B... serait, d'après les orientations thérapeutiques mentionnées dans la brochure commerciale de la station, agréé pour le traitement des pathologies rhumatismales et des voies respiratoires, et notamment pour les otites et surdités moyennes de l'oreille, est sans incidence sur ses droits à prise en charge tirés des dispositions citées au point 2 de l'article L.212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il suit de là qu'en application des dispositions législatives précitées, M. B... ne peut prétendre à la prise en charge des frais de cure thermale à la station d'Axe-les-Thermes et qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement querellé, le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa demande. 6. Sa requête, qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit donc être rejetée, en application de ces dispositions. O R D O N N E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des armées. Copie en sera adressée à la caisse militaire nationale de sécurité sociale. Fait à Marseille le 21 décembre 2021. N° 19MA056263
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 17MA03936, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 947 238 euros en réparation de préjudices résultant d'agissements survenus à l'occasion de son service. Par un jugement n° 1504411 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par un arrêt avant dire droit n° 17MA03936 du 21 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel formé par M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juillet 2017, a d'une part annulé ce jugement, et d'autre part, après avoir évoqué l'affaire, ordonné la réalisation d'une expertise aux fins de déterminer la date de consolidation du syndrome dépressif de M. A... ainsi que la durée et le taux du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances physiques et psychiques en relation directe avec cette pathologie, et notamment de son préjudice sexuel. Par ordonnance du 13 juin 2019, la président de la Cour a désigné le docteur C... en qualité d'expert. L'expert a remis son rapport le 11 octobre 2019. Ce rapport a été communiqué aux parties, qui ont été invitées à produire leurs observations, le 14 octobre 2019. Par ordonnance du 15 octobre 2019, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais de l'expertise à la somme de 1 200 euros toutes taxes comprises. Par deux mémoires enregistrés le 5 novembre 2019 et le 28 juillet 2021, M. A... a produit des observations sur ce rapport, et maintenu ses précédentes écritures tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 947 238 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de ses préjudices, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en refusant illégalement l'imputabilité au service de sa maladie, l'administration a commis une illégalité fautive ; - la date de consolidation retenue par l'expert est erronée et arbitraire, la cotation à retenir au titre des souffrances endurées sur une période de seize années doit être fixée à 5 / 7, et non à 3 / 7 comme l'a estimé l'expert, et son préjudice sexuel, qui doit être évalué en fonction du retentissement subjectif, a perduré après la consolidation ; - les montants qui lui seront alloués au titre de la réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux seront fixés sous réserve des sommes versées en exécution du jugement à intervenir sur sa demande de pension militaire d'invalidité. Par des mémoires, enregistrés les 8 janvier 2020 et 17 novembre 2020, la caisse nationale militaire de sécurité sociale indique que le montant des prestations servies au titre des dépenses de santé actuelles de M. A... est de 1 794, 32 euros. Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2021, la ministre des armées a produit des observations sur le rapport d'expertise, et conclu à ce que la Cour réduise à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de M. A.... La ministre soutient que : - en raison de l'imputabilité au service du syndrome dépressif de M. A..., seuls peuvent être réparés, au titre de la responsabilité sans faute, les souffrances endurées avant consolidation, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique, le préjudice d'établissement et le préjudice sexuel ; - compte tenu de l'évaluation par l'expert des souffrances endurées, la somme réclamée par le requérant à ce titre est manifestement excessive ; - faute de présenter un caractère permanent, d'après le rapport d'expertise, le préjudice sexuel ne peut être indemnisé ; - le préjudice de carrière est déjà indemnisé forfaitairement par la pension militaire d'invalidité, en cas de responsabilité sans faute de l'Etat et, dans l'hypothèse où la Cour retiendrait la responsabilité pour faute de l'Etat, les prétentions indemnitaires relatives à ce chef de préjudice devraient être réduites, faute pour le requérant de justifier d'une perte de revenus professionnels, et de démonter un lien de causalité directe entre le syndrome dépressif et une perte de chance dans son évolution de carrière, ainsi qu'une impossibilité de travailler à l'issue de son congé de longue maladie ; - en tout état de cause, une éventuelle pension militaire d'invalidité devra être déduite des sommes à allouer au titre de la responsabilité pour faute. Par ordonnance du 8 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 juillet 2021 à 12 heures puis reportée au 1er septembre 2021, à 12 heures, par ordonnance du 29 juillet 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., médecin chef du service de sante´ des armées, atteint d'un syndrome dépressif, a été placé en congé de longue maladie à compter du 25 mars 2011. Par décision du 18 avril 2014, le ministre de la défense a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité qu'il avait présentée au titre de ce syndrome dépressif, le recours présenté par l'intéressé à l'encontre de cette décision étant actuellement pendant devant le tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité de Paris. Par décision du 7 septembre 2015, prise en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 novembre 2014, l'affection ayant justifié ce congé a été reconnue imputable au service. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Toulon la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 947 238 euros en réparation intégrale, d'une part, de son préjudice de carrière et, d'autre part, des souffrances psychiques et physiques, qu'il estime avoir subis en raison de cette maladie professionnelle. Saisie de l'appel de M. A... contre le jugement du 20 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande, la Cour a, par arrêt avant dire droit du 21 mai 2019, d'une part annulé ce jugement, et d'autre part, après avoir évoqué l'affaire, ordonné la réalisation d'une expertise aux fins de déterminer la date de consolidation du syndrome dépressif de M. A... ainsi que la durée et le taux du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances physiques et psychiques en relation directe avec cette pathologie, et notamment de son préjudice sexuel. Sur le cadre juridique applicable : 2. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, reprises aux articles L. 125-2 à L. 132-3 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, devenu l'article L. 133-1 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais d'assistance par une tierce personne. 3. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. En outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. Sur la responsabilité pour faute 4. Aux termes de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense, issu de la loi du 4 août 2014 : " Aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un militaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral mentionnés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ou militaire ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Ces dispositions, qui n'étaient pas en vigueur à la date des faits en cause, s'inspirent du principe selon lequel aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions d'exercice de son service susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour l'application de ce principe, il appartient au militaire qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 5. En premier lieu, la seule circonstance qu'au cours de l'exercice de ses fonctions, un militaire a développé une maladie ayant justifié son placement en congé de longue durée, et ayant été reconnue à ce titre imputable au service n'est pas, par elle-même, de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont le militaire aurait été l'objet. En pareille hypothèse, contrairement aux affirmations du requérant, il ne revient pas à l'administration de rapporter la preuve que cette pathologie trouverait une cause étrangère à des faits de harcèlement moral. 6. En deuxième lieu, pour soutenir avoir été la victime de faits de harcèlement moral à compter de son affectation en 2000, en tant que chef du service d'anesthésie, à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Bégin de Saint-Mandé, puis à partir de son affectation en 2002 à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) du Val-de-Grâce, M. A... fait état de la répétition d'attitudes vexatoires et déplacées, de remarques verbales et de brimades relatives à ses qualités professionnelles et personnelles, de la dévalorisation de ses compétences, des pressions exercées par sa hiérarchie et des oppositions de celle-ci à toutes ses initiatives professionnelles, ainsi que de l'interruption de ses perspectives d'avancement. 7. Toutefois, et d'une part, au cours de son affectation à l'HIA Bégin, si les témoignages d'anciens médecins anesthésistes ou anesthésistes-réanimateurs du service d'anesthésie et de réanimation de cet établissement permettent d'établir l'existence d'un différend entre la direction et les médecins de ce service, que M. A... dirigeait alors, au sujet d'un repos dit de sécurité, ni ces pièces ni aucun autre élément de l'instruction ne sont de nature à faire présumer la commission, à son encontre, d'agissements répétés de harcèlement moral. Il est constant qu'à cette période, la direction de l'établissement n'avait pas autorisé la prise de cette catégorie de repos, pourtant pratiquée par M. A... et par son service à son initiative. Il est tout aussi constant que c'est pour ce motif que M. A... s'est vu infliger le 19 février 2002 une sanction de dix jours d'arrêt, assortie d'un sursis de trois mois par la décision prise le 9 mars 2002 par le ministre de la défense sur recours de l'intéressé, décision n'ayant remis en cause ni le principe ni la matérialité des faits sanctionnés, et du reste non contestée devant le juge. La circonstance que le repos de sécurité était pratiqué au cours de la même période à l'HIA du Val-de-Grâce et qu'il sera plus tard appliqué à l'ensemble des hôpitaux d'instruction des armées, n'est en tout état de cause pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la sanction disciplinaire ainsi infligée. M. A..., qui ne soutient pas avoir désobéi à un ordre manifestement illégal, ne peut ainsi se prévaloir de cette sanction pour faire présumer de faits de harcèlement moral. Si, enfin, M. A... indique dans ses écritures relatives à son affectation à l'HIA Bégin, en contradiction avec les termes de son recours préalable, mentionnant à ce titre l'HIA du Val-de-Grâce, que deux de ses collègues se sont suicidés, qu'un autre a commis une tentative de pendaison dans son bureau, et que deux autres collègues ont été placés en congés de longue durée ou de longue maladie, du fait d'agissements fautifs de ses supérieurs, il n'apporte aucun élément susceptible d'en faire présumer l'existence. 8. A supposer que M. A... considère comme constitutive d'un agissement de harcèlement moral sa mutation d'office à l'HIA du Val-de-Grâce, alors qu'il n'avait sollicité que son changement de poste au sein du même HIA, compte tenu des difficultés relationnelles avec sa direction, il admet lui-même ne pas avoir contesté cette mutation, ni devant sa hiérarchie, ni devant le juge et n'affirme pas qu'elle n'aurait pas été décidée dans l'intérêt du service. 9. D'autre part, au titre de son affectation à l'HIA du Val-de-Grâce, M. A... ne livre aucune précision sur les conditions dans lesquelles il aurait été affecté d'abord au poste de chef du service, puis à celui d'adjoint au chef de ce service, et ne permet donc pas de présumer qu'il s'agirait d'une rétrogradation, susceptible de constituer un agissement de harcèlement moral. Il en va de même de son affectation au poste de chef du département de la formation continue de l'école du Val-de-Grâce, liée à la fermeture du centre d'instruction des infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat (CIIADE) dont il était directeur, selon la ministre des armées qui n'est pas sur ce point contredite. Le courriel daté du 12 mars 2010, à lui envoyé par le médecin général inspecteur et dont copie a été adressée à l'ensemble du personnel du service, se borne à lui demander, en des termes ni discourtois ni excédant les limites du pouvoir hiérarchique, d'adapter son emploi du temps à celui de l'école du Val-de-Grâce et de se conformer à ses directives. Ni cette pièce ni aucun autre élément de l'instruction ne fait apparaître des propos ou agissements de ses supérieurs hiérarchiques, de nature à dévaloriser sa manière de servir. Ses allégations selon lesquelles il aurait été l'objet d'insultes, en salle de réveil, en présence de collègues, infirmières et malades, sa boîte aux lettres professionnelle aurait été retirée sans information préalable, et sa place de stationnement supprimée, ne sont pas assorties des précisions suffisantes pour en apprécier le caractère plausible. Par ailleurs, la note de service du 5 février 2017, par laquelle le chef du département d'anesthésie-réanimation du Val-de-Grâce, dont M. A... était l'adjoint, a fixé les dates de trois réunions pour le même mois, alors que le requérant indique avoir été jusqu'alors chargé d'organiser les réunions de service, ne permet pas de considérer qu'il se serait vu retirer cette prérogative. Si M. A... verse au dossier une attestation d'un médecin ayant été affecté six mois, en 1991, au service d'anesthésie-réanimation de l'HIA du Val-de-Grâce, selon lequel l'ambiance dans le service était délétère du fait du professeur de médecine qui le dirigeait, ce document n'est de pas de nature à éclairer utilement les conditions de travail dans ce même service au cours de la période postérieure. Aucun des éléments d'appréciation dans la notation de M. A... pour l'année 2003, retenus par les différents notateurs appelés à se prononcer, n'est, par son contenu ou sa formulation, susceptible de se rattacher à un agissement de harcèlement moral ou d'en faire présumer l'existence. Il ne résulte pas de l'instruction, pas même de la lettre adressée le 8 décembre 2009 par le chef de l'école du Val-de-Grâce à un général, que la sanction de dix jours avec trois mois de sursis, dont le ministre de la défense avait décidé le 3 mars 2002 qu'elle ne figurerait pas au dossier du militaire, aurait influé sur ses conditions d'avancement ou sur tout autre décision relative à sa carrière. Il ne résulte pas davantage des éléments de l'instance que la carrière de M. A... aurait été illégalement bloquée. Enfin, l'attestation établie le 17 juillet 2012 par un médecin, non plus qu'aucune autre pièce du dossier, ne montre que M. A..., professeur agrégé de médecine, aurait été entravé dans ses activités universitaires et de recherche. 10. Les éléments de fait apportés par M. A..., pris isolément ou cumulativement, ne sont ainsi pas de nature à caractériser des agissements répétés de harcèlement moral dont il aurait été l'objet et qui auraient été à l'origine du syndrome dépressif dont il a souffert à compter de l'année 2000. 11. Enfin, si M. A... invoque en cause d'appel la faute commise par l'Etat du fait de l'illégalité du refus de reconnaître l'imputabilité au service de son affection au titre de son congé de longue durée, ni sa demande d'indemnisation préalable, ni sa demande devant le tribunal ne fondaient ses prétentions indemnitaires sur un tel fait générateur. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est du reste pas allégué, que le syndrome dépressif dont M. A... sollicite la réparation des conséquences dommageables, qui ne trouve pas son origine dans l'illégalité de cette décision de refus, reconnue par jugement définitif du tribunal administratif de Toulon du 21 novembre 2014, aurait été aggravé par cette mesure. Il en va de même du retard avec lequel le ministre de la défense a reconnu l'imputabilité au service de son affection par décision du 7 septembre 2015. De tels faits, présentés à tort par M. A... comme dommageables, ne sont pas davantage rattachables à un harcèlement moral. 12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander la réparation intégrale de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'Etat. Ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice de carrière, qui recouvre les pertes de revenus ainsi que les pertes futures de pension de retraite, et qui est une conséquence de l'atteinte à son intégrité physique et psychique, que l'Etat aurait été condamné à réparer si l'affection avait été regardée comme la conséquence d'une faute, ne peuvent donc qu'être rejetées. Sur la responsabilité sans faute : 13. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs plus contesté par la ministre des armées dans le dernier état de ses écritures, que le syndrome dépressif de M. A..., dont les troubles sont apparus au cours de l'année 2000, et qui a justifié son placement en congé de longue durée à compter du 25 mars 2011, a été reconnu imputable au service par décision du 7 septembre 2015. L'imputabilité au service de cette affection a du reste été confirmée par le rapport d'expertise du 11 juin 2019 rendu sur jugement avant dire droit du tribunal des pensions militaires de Paris, l'expert qualifiant l'affection de dépression chronique séquellaire. M. A... peut ainsi prétendre, ainsi qu'il a été dit au point 3, à l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette infirmité imputable au service, et autres que ceux qu'une pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. 14. A ce titre, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par arrêt avant dire droit, que la date de consolidation de l'affection de M. A... peut être fixée au 25 mars 2011, date de son placement dans la position de congé de longue durée qui lui a permis de s'éloigner utilement et durablement du service. En produisant un certificat médical dit " de consolidation " établi le 21 avril 2017 par un praticien hospitalier exerçant dans le groupe hospitalier Thiais-Fresnes-Rungis, fixant la date de consolidation de son état de santé psychique au 15 avril 2016, sans autre précision, M. A... ne conteste pas efficacement les conclusions sur ce point du rapport d'expertise. La circonstance, également avancée par le requérant, qu'il ait dû après le 25 mars 2011 continuer d'être médicalement pris en charge tous les deux mois et traité de manière médicamenteuse, ne suffit pas à considérer que ses troubles ne seraient pas encore consolidés à cette date. 15. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la Cour, que depuis l'apparition de ses troubles dépressifs, en 2000, jusqu'au 25 mars 2011, date de leur consolidation, M. A... a subi des souffrances physiques et psychiques évaluées à 3 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, lequel correspond également aux troubles d'ordre sexuel subis avant comme après la consolidation, compte tenu des traitements médicamenteux reçus par M. A..., et de la réparation qui lui est due, en condamnant l'Etat à lui verser la somme globale de 10 000 euros. Sur les intérêts : 16. M. A... a droit aux intérêts de la somme de 10 000 euros, en application de l'article 1153 du code civil, à compter du 2 juillet 2015, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par la commission des recours des militaires. Sur les frais d'expertise : 17. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance de la présidente de la Cour du 15 octobre 2019 à 1 200 euros, à la charge de l'Etat. Sur les frais liés à l'instance 18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation de ses souffrances physiques et psychiques. Cette somme produira intérêts à compter du 2 juillet 2015. Article 2 : Les frais d'expertise, pour un montant de 1 200 euros, sont mis à la charge de l'Etat. Article 3: L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre des armées et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Copie en sera transmise à l'expert. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 17MA039364
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/12/2021, 20NT02799, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905556 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 septembre 2020, le 5 février 2021 et le 5 mars 2021, M. A..., représenté par Me Nizart, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 1905556 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité ; 3°) d'ordonner, subsidiairement, une expertise médicale avant-dire droit. Il soutient que : - il est atteint d'une polyglobulie, maladie de Vaquez, complétée par une apnée du sommeil pour laquelle il est appareillé ; - il a été affecté au Kosovo en opération extérieure et le taux de plombémie constaté en 2000 révèle une aggravation de cette plombémie ; le médecin de la base des fusiliers marins et commandos de Lorient a reconnu son exposition au plomb en 1999 au Kosovo ; - les conclusions du service de santé des armées sur ses antécédents de varicelle sont peu probantes et on peut s'interroger sur le fait qu'aucune radiographie n'ait détecté les micronodules disséminés dans ses poumons mais également sur l'absence de réaction des intervenants médicaux militaires comme suite à la dégradation de ses bilans sanguins entre 1995 et 2014, lorsqu'il appartenait aux unités d'intervention de la Marine, qui imposent pourtant de strictes conditions médicales ; - l'état-major du commandement des opérations spéciales connaissait son état de santé et a reconnu l'imputabilité au service de son œdème des membres inférieurs, lequel a été médicalement constaté en juillet 1999 à son retour de mission du Kosovo. Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 janvier 2021, le 22 février 2021 et le 29 mars 2021, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de M. A... n'est fondé et que la preuve de l'imputabilité au service des diverses maladies évoquées n'est pas établie ; il fait en outre valoir que M. A... ne démontre pas l'existence de deux des pathologies dont il fait état et estime qu'en l'espèce une mesure d'expertise ne se justifie pas. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, - et les conclusions de M. Pons, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ancien marin de la Marine Nationale et ancien maître principal fusilier marin, a participé entre 1999 et 2000 aux opérations en ex-Yougoslavie. Il a présenté le 29 juillet 2015 une demande de pension militaire d'invalidité au titre des infirmités résultant d'une plombémie, d'un syndrome dit " de la guerre des Balkans ", d'une apnée du sommeil, d'une maladie dite " de Vaquez " et d'une asbestose. Par une décision du 6 juillet 2016, prise après avis du 14 juin 2016 de la commission consultative médicale des anciens combattants et victimes de guerre, le ministre de la défense a rejeté cette demande. 2. Aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". 3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales du service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 4. En premier lieu, s'agissant de l'infirmité alléguée résultant de sa " plombémie ", M. A... se borne à produire un document à caractère général de l'Institut de veille sanitaire et du service de santé des armées datant du 20 août 2002 relatif à l'évaluation et la surveillance de l'exposition au plomb des militaires français au Kosovo, ainsi qu'une analyse de sang en date du 4 avril 2000 révélant un taux de plomb dans le sang légèrement supérieur aux valeurs recommandées. Ce faisant, il n'apporte aucun élément médical sur cette infirmité alléguée à la date de sa demande de pension, alors même qu'il communique par ailleurs une analyse sanguine contemporaine de sa demande de pension militaire d'invalidité. Enfin, la circonstance que le médecin de la base des fusiliers marins de Lorient ait mentionné en 2002 la plombémie du requérant sur son livret médical militaire ne suffit pas à établir, faute d'autre élément médical probant, l'existence d'une pathologie répertoriée imputable à une exposition au plomb de M. A.... 5. En deuxième lieu, s'agissant de l'infirmité résultant de la pathologie alléguée dite " syndrome de la guerre des Balkans ", M. A... n'apporte aucun élément médical probant établissant qu'il serait affecté des troubles ayant été classés sous cette appellation. S'il fait valoir que la plombémie relevée en 2000 dans ses analyses sanguines a été l'élément déclencheur de cette infirmité, il n'apporte pas davantage sur ce point d'élément probant, que ce soit sur l'existence d'une pathologie de cette nature dont il serait atteint ou sur le caractère effectif du lien qui existerait entre la plombémie révélée par ses analyses sanguines au cours de l'année 2000 et une telle affection. Enfin, si M. A... fait valoir que les conclusions du service de santé des armées sur ses antécédents de varicelle sont peu probantes et s'il s'interroge sur le fait qu'aucune radiographie n'ait détecté les micronodules disséminés dans ses poumons ou sur l'absence de réaction des services médicaux de la Marine nationale suite à la dégradation de ses bilans sanguins, lorsqu'il appartenait aux unités d'intervention de la Marine, il résulte de l'instruction que les opacités micronodulaires calcifiées disséminées dans les poumons de l'intéressé sont exclusivement dus à des antécédents de varicelle, au demeurant non contestés, remontant à l'année 1981. 6. Dans ces conditions, et faute de produire le moindre élément médical concernant le deux infirmités alléguées, résultant de la plombémie et du syndrome dit " de la guerre des Balkans ", M. A... n'établit pas l'existence des pathologies dont il fait état au soutien de sa demande de pension militaire d'invalidité. 7. En troisième lieu, s'agissant de l'apnée du sommeil et de la " maladie de Vaquez ", M. A..., pour établir l'imputabilité au service de ces maladies, fait également valoir que ces infirmités ont pour origine la plombémie dont il a souffert en 2000 mais il n'apporte aucun élément médical probant au soutien de cette affirmation, alors au demeurant que ces affections ne sont pas classées au nombre des maladies causées par le plomb et ses composés. Par ailleurs, s'il indique qu'une polyglobulie a été détectée sur sa personne dès 2002 alors qu'il était en service, il résulte de l'instruction, et notamment de l'analyse de sang faite par le service de santé des armées le 11 juin 2003, qu'il n'était pas atteint d'une telle maladie à cette époque. Au surplus, M. A... ne fait état d'aucun autre élément médical probant quant à la mutation de sa moelle osseuse qu'il impute également, mais sans en rapporter la preuve, à sa plombémie. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les pathologies dites de " l'apnée du sommeil " ou de la " maladie de Vaquez " dont M. A... fait état auraient été constatées durant le service ou auraient, en tout état de cause, pour origine un fait imputable au service. 8. En quatrième et dernier lieu, s'agissant de l'infirmité résultant de l'asbestose dont M. A... affirme être atteint du fait de ses affectations successives sur des bâtiments de la Marine nationale, l'intéressé, qui ne fait état d'aucun symptôme ni d'aucun signe fonctionnel particulier révélant la présence d'une telle pathologie, ne conteste pas ne pas être atteint de cette maladie et n'apporte, en première instance comme en appel, aucun élément à l'encontre de la décision en tant qu'elle rejette sa demande de pension militaire d'invalidité sur ce point. 9. Si M. A... fait valoir, enfin, que l'état-major du commandement des opérations spéciales a reconnu l'imputabilité au service de son œdème des membres inférieurs, qui a été médicalement constaté en juillet 1999 à son retour de mission du Kosovo, il résulte de l'instruction, à supposer même que cet état-major ait une compétence pour reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie, que les éléments médicaux qu'il apporte sur ce point apparaissent sans rapport avec les cinq types d'infirmités résultant de la plombémie, du syndrome dit " de la guerre des Balkans ", de l'apnée du sommeil, de la maladie dite " de Vaquez " et de l'asbestose, qui seules fondaient la demande de pension militaire d'invalidité présentée le 29 juillet 2015. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale subsidiairement sollicitée, qui, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, ne présente pas un caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Rivas, président-assesseur, - M. Guéguen, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021. Le rapporteur, J.-Y. GUEGUEN Le président, L. LAINÉ Le greffier, V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 4 N° 20NT02799
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/12/2021, 20NT02100, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner La Poste à lui verser la somme globale de 160 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de son absence de reclassement avant sa mise à la retraite pour invalidité. Par un jugement n° 1703260 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me Salquain, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 mars 2020 ; 2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 160 000 euros ; 3°) de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut de recherche de reclassement sur un emploi relevant d'un autre corps ou cadre d'emploi d'une autre administration ; - la Poste a commis une faute en ne recherchant pas un poste de reclassement dans un service de l'Etat ; - la Poste a méconnu la liberté de travail reconnue tant par le décret des 2 et 17 mars 1791 que par l'article 5 du préambule de la Constitution de 1946 ; - elle a droit à une indemnisation qui ne pourra être inférieure au salaire qu'elle aurait dû percevoir sur la base du barème de la fonction publique jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite ainsi qu'une indemnisation de la perte de ses droits à pension ; - son préjudice moral sera évalué à la somme de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, La Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le point 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; - l'ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 ; - la loi du 17 mars 1791 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le décret des 2 et 17 mars 1791 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public, - et les observations de Me Cortes, substituant Me Bellanger, représentant La Poste. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., agent technique et de gestion à La Poste, a été victime le 10 septembre 1999, d'un braquage au bureau de poste d'Orly Les Saules où elle exerçait les fonctions de guichetière. L'intéressée, qui a développé un syndrome post-traumatique sévère reconnu imputable au service, a bénéficié de plusieurs mutations sans amélioration de son état de santé avant d'être placée en congé de longue maladie. Par une décision du 6 juillet 2012, Mme A... a été mise à la retraite pour invalidité avec un taux de 20%, laquelle a pris effet au 1er mai 2013. Après le rejet de sa réclamation préalable présentée le 14 décembre 2016, l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme globale de 160 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de son absence de reclassement avant sa mise à la retraite pour invalidité. Elle relève appel du jugement du 31 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si Mme A... soutient que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut de recherche de reclassement au sein d'une autre administration, les premiers juges ont indiqué au point 3 du jugement attaqué que l'obligation de son employeur était circonscrite au " groupe La Poste ". Par suite, le moyen manque en fait et ne peut qu'être écarté. Sur la responsabilité de La Poste : 3. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste (...) sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (...) et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. ". Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction antérieure notamment à l'ordonnance du 25 novembre 2020 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) ". 5. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ou sa mise à la retraite pour invalidité. 6. Il résulte de l'instruction que dans son rapport du 13 février 2012, le docteur D... désigné en qualité d'expert a estimé que Mme A... présentait depuis plus de dix ans une symptomatologie post-traumatique extrêmement sévère avec une atteinte de l'humeur, évoluant vers une sinistrose revendicatrice et un sentiment de colère constant envers son employeur. Il a ajouté que cet état était la conséquence certaine, exclusive et directe de l'accident de service dont elle avait été victime et qu'il la rendait inapte de façon définitive à tout emploi à la Poste. Dans son avis du 7 juin 2012 la commission de reclassement a confirmé l'impossibilité de tout reclassement de l'intéressée. Le docteur B..., médecin du travail à la Poste, a émis le 1er juin 2012 un avis concordant à l'attention des membres de la commission de réforme en indiquant que tout emploi de l'intéressée à La Poste apparaissait définitivement préjudiciable à l'équilibre de son état de santé. S'il a ajouté qu'afin de préserver l'avenir professionnel de l'intéressée, qui était alors âgée de 45 ans, il lui semblait important que " la Poste puisse tout mettre en œuvre pour l'accompagner dans ses souhaits professionnels ", à cette date, aucune disposition n'imposait à l'employeur d'aider au reclassement professionnel de son agent en dehors de son administration d'origine. Les dispositions de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 dans leur rédaction issue de l'article 10 de l'ordonnance du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique, qui prévoit qu'un fonctionnaire inapte à ses fonctions peut être reclassé dans toute administration ou établissement public lorsqu'aucun poste n'est disponible dans son administration d'origine, ne sont en effet entrées en vigueur que le 27 novembre 2020, soit plus de 7 ans après l'admission à la retraite de Mme A.... En outre, la requérante indique elle-même qu'elle a été mutée en févier 2000 au centre de transbordement d'Orly-Siena où elle a présenté un syndrome post-agression puis dans la région Bretagne sans amélioration et que le 31 juillet 2014, elle a été hospitalisée aux urgences du service médico-psychologique du centre hospitalier universitaire de Nantes, à la suite d'un entretien avec son employeur, dans le cadre d'une tentative de médiation. Il suit de là que Mme A... était définitivement inapte à tout emploi à la Poste. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que son employeur n'aurait pas respecté son obligation de recherche de reclassement. 7. Enfin, Mme A... entend rechercher la responsabilité de la Poste en invoquant la violation de la liberté de travailler protégée par le décret des 2 et 17 mars 1791 et le Préambule de la Constitution de 1946. Toutefois, la circonstance qu'elle a été placée à la retraite d'office pour invalidité, ne fait pas obstacle à ce qu'elle exerce certaines activités professionnelles rémunérées qui seraient compatibles avec son état de santé. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut dès lors, et en tout état de cause, qu'être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... E... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement à La Poste de la somme qu'elle sollicite au titre des mêmes frais. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à La Poste. Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gélard, première conseillère, - Mme Malingue, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. COIFFET La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 5 N° 20NT02100
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 19MA05284, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler la décision du 18 juillet 2017, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles fonctionnelles minimes de la plaie de la cuisse droite par balle ". Par un jugement n° 18/00016 du 8 mars 2019, le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : La cour d'appel de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe 18 avril 2019. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 avril, 27 mai, 18 décembre et 30 décembre 2019, 9 juillet, 9 septembre et 6 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Mordacq, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 8 mars 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 18 juillet 2017 de la ministre de la défense ; 3°) d'ordonner à la ministre de la défense de réexaminer sa demande de pension militaire d'invalidité ; Il soutient que son infirmité provoque une gêne fonctionnelle attestée par les certificats médicaux qu'il produit et qu'il doit par suite être indemnisée au taux de 10 %. Par trois mémoires en défense, enregistrés le 3 juillet 2019 et le 13 août et 1er décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Ury, rapporteur, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 16 avril 1940, a servi en qualité de harki du 1er juin 1958 au 31 mars 1962. Le 27 mars 1959 il a été blessé à la cuisse droite par balle et à la face par quelques éclats de grenade. Le 28 avril 2016, faisant valoir à son âge avancé des douleurs permanentes pour marcher, se lever ou se relever après une longue position assise résultant selon lui des séquelles de cette blessure, et un retentissement psychologique, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles de blessure à la cuisse droite par balle survenue en 1959 en Algérie ". Par une décision du 18 juillet 2017, la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles fonctionnelles minimes de la plaie de la cuisse droite par balle ". Par la présente requête, M. B... demande l'annulation du jugement du 8 mars 2019 du tribunal départemental des pensions du Gard qui rejette son recours contre cette décision. Sur le droit applicable au litige : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle (...) sauf faute de la victime détachable du service. " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : (...) 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; (...). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". 4. Par ailleurs, en vertu l'article L. 151-2 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, anciennement article L. 6 de ce code, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 151-6 de ce code, qui reprend les dispositions de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités. Sur le droit à pension : 5. Il est constant que, le 27 mars 1959, M. B..., lors d'une embuscade en Algérie, a été blessé et que cette blessure s'est traduite par une " plaie transfixiante par balle de l'extrémité inférieure de la cuisse droite sans lésions vasculo-nerveuses importantes ". Il résulte de l'instruction, et plus précisément de l'expertise du 20 mars 2017 du médecin conseil près le consulat de France à Alger mandaté par l'administration pour examiner M. B..., que l'intéressé est conscient, coopérant, dyspnéique et qu'il se déplace avec une canne. Celui-ci s'est alors plaint de douleurs des membres inférieurs, dorsalgies et gonalgie bilatérale ainsi que de vertiges. Le médecin conseil a fixé un taux de 10% d'invalidité mais sans mentionner des troubles fonctionnels, ni amyotrophie ou raccourcissement du membre concerné. En l'absence d'une gêne fonctionnelle relevée par cet expert, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a considéré le 14 juin 2017 que le taux d'invalidité correspondant à l'infirmité en cause était inférieur au minimum de 10%. La ministre des armées a alors rejeté la demande de l'intéressé pour ce motif. 6. En premier lieu, d'une part, M. B... produit un certificat médical du 11 mars 2020 signé par un spécialiste en orthopédie et traumatologie qui propose un taux d'incapacité permanente partielle de 90% lié aux dorsalgies, lombalgies, et gonalgies bilatérales rebelles aux médications, en rapport avec des lésions d'arthrose vertébrale dorso-lombaires. Cependant, ce certificat médical, postérieur à la date de la demande de pension du 28 avril 2016, n'explique pas l'état de santé de M. B... en relation avec la blessure du 27 mars 1959 qu'il n'évoque d'ailleurs même pas. Aussi, il ne saurait valablement être retenu pour apprécier le droit à pension de l'intéressé. D'autre part, le requérant produit également un certificat médical du 16 avril 2019 du même spécialiste qui relève une impotence douloureuse des deux genoux avec limitation de la flexion/extension avec retentissement des troubles de l'appui et de la marche sur le bassin (déséquilibre) et le rachis lombaire (arthrose très sévère décompensée). Ce médecin note également un symptôme post-traumatique chez M. B..., et il conclut en indiquant qu'un tel état de santé justifie une indemnisation. Néanmoins, il fait état d'une blessure par perforation au genou gauche et d'un traumatisme du genou droit, alors que la plaie transfixiante porte sur la jambe droite. En outre, M. B... n'a pas demandé à être indemnisé pour une invalidité au rachis lombaire ni pour un syndrome post-traumatique. Par ailleurs, le certificat médical du 2 avril 2019, émanant d'un autre médecin que le précédent, propose un taux d'invalidité de 15% en se référant certes à un traumatisme balistique au genou gauche, mais aussi à des lésions d'arthrose compartimentale des genoux, et à une opération pour canal lombaire étroit d'origine arthrosique en 2016, alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, la blessure en cause porte exclusivement sur la cuisse droite et que les atteintes aux genoux et au canal lombaire sont sans liens établis avec la plaie transfixiante. 7. En deuxième lieu, et d'une part, il résulte des termes de l'expertise médicale du 20 mars 2017 du médecin mandaté par l'administration, que celui-ci a relevé que l'intéressé marche avec un appui (canne). A supposer même, comme l'allègue le requérant sans l'établir par les éléments versés au dossier, que son infirmité participe à sa boiterie, le médecin expert n'a pas retenu sa filiation médicale avec la blessure reçue. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ce médecin n'aurait pas procédé à un examen clinique complet de son état de santé, au seul motif qu'il n'a admis aucune gêne fonctionnelle liée à sa blessure. D'autre part, M. B... soutient que ses dorsalgies sont en relation avec un fait militaire lié à une intervention sur sa colonne vertébrale. Cependant, cette circonstance résulte de ses seules déclarations, notamment au médecin mandaté par l'administration pour l'examiner qui en a fait état dans son expertise du 20 mars 2017, alors d'ailleurs que cet expert médical n'a pas mis en relation les dorsalgies avec la blessure reçue le 27 mars 1959. Enfin, la concession d'une pension militaire d'invalidité qui exige une gêne fonctionnelle objective ne peut être établie au regard des seules douleurs exprimées par le postulant au niveau des deux jambes ou de son état psychologique dégradé. 8. Il résulte dès lors de tout ce qui précède que M. B... n'établit aucune gêne fonctionnelle directement liée à des séquelles de la blessure reçue le 27 mars 1959. Ainsi, il ne démontre pas que le taux d'invalidité de son infirmité doit être fixé à un taux au moins égal à 10% exigé par les dispositions précitées de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour ouvrir droit à pension. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 juin 2019 qui rejette sa contestation de la décision du 18 juillet 2017 de la ministre des armées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 19MA052844
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/12/2021, 19NC02562, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 8 novembre 2017 par laquelle le directeur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du malaise dont elle a été victime le 31 mars 2017. Par un jugement n° 1706693 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 août 2019, Mme A... C... B..., représentée par Me Derrendinger, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1706693 du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 8 novembre 2017 ; 3°) d'enjoindre au directeur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg de reconnaître l'imputabilité au service de son malaise ; 4°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que l'imputabilité au service de son malaise doit être reconnue en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dès lors qu'il est survenu dans le temps et le lieu du service et dans l'exercice de ses fonctions, que le lien entre cet accident et la maladie de Sneddon évoquée par le médecin agréé n'est ni certain, ni exclusif, que ses autres problèmes de santé résultent directement de ses conditions de travail, et qu'aucune faute personnelle ne lui est reprochée. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2020, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par la SELARL CM Affaires publiques, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros à leur verser soit mise à la charge de Mme B.... Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Rees, président, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Blacher, pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Considérant ce qui suit : 1. Agent titulaire des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et affectée depuis le 1er février 2016 à l'accueil du service de psychiatrie, Mme B... a été victime, le 31 mars 2017, peu après la prise de son service, d'un malaise. Le 11 avril 2017, elle a transmis à l'établissement une déclaration d'accident de service, mais par une décision du 8 novembre 2017, le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, au vu de l'avis défavorable de la commission de réforme départementale, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ce malaise. Mme B... relève appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction : 2. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 régissant respectivement la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Le IV de l'article 10, pour la fonction publique hospitalière, dispose ainsi que : " A l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : a) Au deuxième alinéa du 2°, les mots : " ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions " sont remplacés par les mots : ", à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service " ; b) Au 4°, le deuxième alinéa est supprimé ; c) Après le quatrième alinéa du 4°, est inséré un alinéa ainsi rédigé : " Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue durée ". 3. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 mai 2020. 4. Le malaise dont Mme B... a été la victime étant survenu le 31 mars 2017, il s'ensuit que, contrairement à ce qu'elle soutient, les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont applicables au présent litige. 5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 6. Il est constant que Mme B... a été victime, le 31 mars 2017, dans le temps et le lieu du service et dans l'exercice de ses fonctions, d'un infarctus cérébelleux droit dans le territoire de l'artère cérébelleuse supérieure. Toutefois, le malaise est survenu une demi-heure seulement après la prise de son service, et il avait été précédé de céphalées et de nausées dès son réveil, avant de rejoindre son poste de travail. Par ailleurs, si Mme B... soutient qu'elle ne connaissait aucun problème de santé avant la dégradation de ses conditions de travail à partir du mois d'octobre 2016, en raison d'un sous-effectif dans son service, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'examen établi par le médecin agréé le 5 juillet 2017, qu'elle présentait déjà des facteurs de risques multiples, comprenant une hypertension artérielle, un tabagisme actif de 15 cigarettes par jour, qui n'a été sevré que postérieurement à son malaise, des migraines sans aura et une obésité morbide. En revanche, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que la surcharge de travail supportée par l'intéressée a pu être de nature à provoquer son malaise. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, en particulier pas des certificats médicaux des 3 et 4 octobre 2017 que produit la requérante, qui se bornent à rapporter ses propres déclarations à ce sujet, que son hypertension artérielle, diagnostiquée le 1er mars 2017, et constituant l'un des facteurs de risques ayant pu déclencher son malaise, serait elle-même imputable à la dégradation de ses conditions de travail à partir du mois d'octobre 2016. Enfin, Mme B... ne conteste pas les autres facteurs de risques relevés lors de ses examens médicaux. Dans ces conditions, et à supposer que son malaise ne soit pas également lié au syndrome de Sneddon, que le médecin agréé indique suspecter chez elle, sans le diagnostiquer de manière catégorique, il n'est pas établi que ce malaise serait lié à l'exécution du service. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son malaise. 7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme B..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais de l'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme B... en application de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 :Les conclusions des Hôpitaux universitaires de Strasbourg tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. N° 19NC02562 3
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 19MA05731, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités de type " acouphènes droits permanents " et " hypoacousie de l'oreille droite ". Par un jugement n° 18/00044 du 29 août 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a annulé la décision du 9 février 2018 en tant qu'elle refuse une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " dureté de l'oreille droite ", a fait droit à la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... à ce titre, à compter du 3 juin 2016, suivant le taux d'invalidité de 10 %, et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par le ministre des armées, enregistré à son greffe le 14 octobre 2019. Par ce recours, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 29 août 2019 en ce qu'il a annulé sa décision du 9 février 2018 refusant à M. B... une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " dureté de l'oreille droite " et en ce qu'il a accordé à celui-ci un droit à l'indemnisation pour cette infirmité à compter du 3 juin 2016, suivant le taux d'invalidité de 10 % ; 2°) de rejeter la demande de M. B.... La ministre soutient que : - le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé au regard de l'exigence posée par les articles L. 151-6 et L. 711-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, faute de mettre en évidence l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 du même code et de se prononcer sur la nature de l'infirmité pensionnée ; - l'infirmité de type " dureté de l'oreille droite " n'est pas imputable au service car il n'y a pas eu fait précis de service, le fait générateur de l'infirmité n'a pas donné lieu à une constatation médicale qui lui était contemporaine et la pathologie constatée est en relation directe et déterminante avec une maladie d'origine constitutionnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet et 29 septembre 2021, M. B... conclut au rejet du recours. Il soutient que les infirmités d'acouphènes et de surdité de l'oreille droite sont à l'origine d'une gêne fonctionnelle s'exprimant dans sa vie professionnelle et personnelle. Par une ordonnance du 13 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021, à 12 heures. Un mémoire, enregistré le 25 octobre 2021, a été présenté par la ministre des armées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., sergent-chef de la Légion étrangère, a demandé le 3 juin 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, au titre de deux infirmités, l'une de type " Acouphènes droits permanents ", l'autre de type " Hypoacousie de l'oreille droite ". Par décision du 9 février 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande. Par jugement du 29 août 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, après avoir ordonné avant dire droit une expertise médicale par jugement du 10 janvier 2019, a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de pension au titre de l'infirmité de type " Hypoacousie de l'oreille droite " et jugé que M. B... avait droit à une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité, à compter du 3 juin 2016. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du même code, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 3. En outre, l'article L. 4 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. 4. Il résulte de l'instruction que la demande de pension de M. B..., présentée au titre de l'hypoacousie de l'oreille droite diagnostiquée pour la première fois par un spécialiste en otorhinolaryngologie le 8 août 2012, se fonde sur la circonstance que cette infirmité trouverait son origine dans le parcours de tirs auquel il a participé le 19 janvier 2012 en Nouvelle-Calédonie. Alors que le rapport de l'expert rendu le 6 mars 2019, sur jugement avant dire droit du tribunal du 10 janvier 2019, retient que la surdité est en relation directe et certaine avec les exercices de tirs répétés auxquels M. B... s'est livré au cours de l'année 2012, le tribunal a considéré, par le jugement querellé, que des éléments médicaux permettaient de relier cette infirmité au fait de service du 19 janvier 2012. 5. Toutefois, le livret médical de M. B... qui mentionne, à partir de ses déclarations, qu'au 26 mars 2012, il se plaignait depuis trois semaines de sensation désagréable à l'oreille droite, ne fait état ni de surdité, ni d'un fait précis ou de circonstances particulières de service. Si, le 8 août 2012, M. B... a consulté un spécialiste en otorhinolaryngologie qui a diagnostiqué pour la première fois une perte auditive légère à l'oreille droite, et a relevé dans ses antécédents une exposition au bruit par le tir, le certificat médical daté du même jour n'identifie aucune cause de cette infirmité et ne le rattache pas davantage à un fait précis de service. Ainsi, aucun des éléments de l'instruction, contemporains du fait de service auquel l'intimé impute son infirmité, ne fait état de celle-ci ou de ses liens avec un fait précis ou des circonstances particulières de service. Le registre des constatations et le rapport circonstancié du 28 mai 2015, qui indiquent à partir des déclarations de M. B..., qu'il a ressenti des sifflements à l'oreille droite après un parcours de tirs le 19 janvier 2012, ne font pas référence à une perte d'audition et ont été établis longtemps après le fait indiqué, sans qu'aucune pièce versée au dossier ne fasse état d'une enquête qui aurait été effectuée à ce propos. En l'absence d'inscription au registre des constatations, de rapport circonstancié ou de constat médical antérieur à 2015, aucun document officiel n'atteste l'existence d'un choc sonore le 19 janvier 2012. Dans ces conditions, les séances de tir auxquelles M. B... a participé dans le cadre des conditions générales de service auxquelles il était exposé au sein de son unité, ne peuvent être retenues au titre de faits précis de service. Dès lors, en l'absence de circonstances particulières permettant de leur imputer l'affection invoquée, l'intéressé ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'imputabilité au service de l'hypoacousie dont il souffre. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension pour l'infirmité de type " Dureté de l'oreille droite ". Il y a donc lieu d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande de M. B.... DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 18/00044 en date du 29 août 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension pour l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite, est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille tendant à obtenir une pension d'invalidité pour l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 19MA057313
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17/12/2021, 448614
Vu la procédure suivante : M. B... K... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation des préjudices causés par la perte d'audition due à l'exposition au bruit dans l'exercice de ses fonctions. Par un jugement n° 1604919 du 19 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 19BX00464 du 12 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. K... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier et 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexis Goin, auditeur, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. K... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. K..., né le 30 août 1944, a été militaire dans l'armée de l'air du 1er octobre 1962 au 1er septembre 1992. L'exposition au bruit des réacteurs d'avions gros porteurs qu'il a subie dans le cadre de ses fonctions lui a causé une hypoacousie bilatérale de perception, pour laquelle il a s'est vu reconnaître le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % par un jugement du 17 mars 1993 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault, portée à 25 % puis à 100 % par un jugement du 8 avril 2013 du tribunal des pensions de Nouméa. Il a demandé, par un courrier du 22 février 2016, reçu le 24 février 2016, au ministre de la défense l'indemnisation des préjudices non réparés par cette pension. Sa demande ayant été implicitement rejetée, il a formé, le 3 juin 2016, un recours préalable devant la commission des recours des militaires, lequel a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices, non réparés par la pension, causés par la perte d'audition due à l'exposition au bruit dans l'exercice de ses fonctions. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a rejeté son appel contre ce jugement. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. ". Selon l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ". 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 4. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les contestations auxquelles donne lieu l'application du présent livre et du livre II sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions, ou le tribunal des pensions dans les collectivités d'outre-mer, et en appel par la cour régionale des pensions, ou la cour des pensions d' outre-mer dans les collectivités d'outre-mer, du domicile de l' intéressé. " 6. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 5 que le recours formé devant une juridiction statuant sur les contestations en matière de pensions militaires d'invalidité porte sur le fait générateur de la créance née dans le chef de l'Etat du fait d'une infirmité imputable au service, pour l'ensemble des préjudices liés à cette infirmité y compris ceux que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer. Il s'ensuit que l'exercice d'un tel recours interrompt le cours de la prescription, par application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 citée au point 2, pour ceux des préjudices, non réparés par la pension militaire d'invalidité, pour lesquels le titulaire de la pension peut demander, ainsi qu'il a été dit au point 4, une indemnité complémentaire. 7. Pour estimer, après avoir relevé que l'infirmité dont souffre M. K... était consolidée au plus tard le 29 mai 2009, que la prescription de la créance née du préjudice non réparé par sa pension militaire d'invalidité était acquise le 22 février 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a nécessairement retenu que le délai de prescription n'avait pas été interrompu par le recours de l'intéressé devant le tribunal des pensions de Nouméa, formé le 29 mai 2009 et jugé le 8 avril 2013, relatif au montant de la pension militaire d'invalidité qui lui avait été accordée à raison de cette infirmité. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le recours formé en matière de pensions militaires d'invalidité interrompt le cours de la prescription de la créance même à l'égard des préjudices que la pension n'a pas pour objet de réparer, la cour a commis une erreur de droit. 8. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. K... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. K... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 12 novembre 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. K... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... K... et à la ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. I... J..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. E... N..., Mme A... L..., M. D... H..., M. F... M..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur. Rendu le 17 décembre 2021. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl Le rapporteur : Signé : M. Alexis Goin La secrétaire : Signé : Mme G... C...ECLI:FR:CECHR:2021:448614.20211217
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 20MA02379, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Bastia, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Bastia, d'annuler la décision en date du 31 mai 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité de type " asthénopie de l'œil gauche". Par un jugement n° 1901513 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 20 juillet 2020, et les 26 janvier et 31 mars 2021, M. A..., représenté par Me Caporossi-Poletti, demande : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 juin 2020 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision de la ministre des armées du 31 mai 2017 rejetant sa demande de révision de pension ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour déterminer la réalité et le taux de l'aggravation de l'asthénopie dont il souffre. Il soutient que : - la décision rejetant sa demande de révision a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir donné lieu à une expertise médicale, malgré l'annonce qui lui en a été faite, et à l'avis d'un médecin ; - le taux d'invalidité correspondant à l'asthénopie de l'œil gauche doit être réévalué à 10 %, au lieu de 5 %, compte tenu des certificats médicaux qu'il produit. Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mars et 28 avril 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens qui y sont présentés ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 octobre 2021, à 12 heures. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 novembre 2020. Un mémoire, enregistré le 21 octobre 2021, a été présenté par la ministre des armées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, Considérant ce qui suit : 1. M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 90 %, dont 65 % au titre de l'énucléation de l'œil droit consécutive à une blessure oculaire et 5 % au titre de l'asthénopie de l'œil gauche, a demandé le 27 août 2015 la révision de sa pension pour aggravation de cette seconde infirmité. Par jugement du 9 juin 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension. 2. Aux termes de l'article R. 28 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de pension : " Les demandes en révision prévues à l'article L. 29 sont pour tout ce qui concerne les visites médicales et les règles de la procédure, soumises aux dispositions du chapitre V ", lesquelles sont relatives aux demandes de pension. En vertu de l'article R. 7 du même code, la demande de pension est adressée au service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre et dès que ce service est en possession des documents et renseignements nécessaires à l'étude du dossier, il avise l'intéressé des lieu, jour et heure auxquels il sera soumis aux visites médicales réglementaires. L'article R. 11 de ce code dispose en outre que : " Les visites auxquelles sont soumis les militaires ou marins en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un seul médecin que désigne le médecin chef du centre de réforme chargé de l'instruction de la demande. (...) ". L'article R. 12 du code précise quant à lui que : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert doit être mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un certificat qui est revêtu de sa signature. (...)". 3. Il ne résulte d'aucune des dispositions législatives et réglementaires applicables à l'instruction des demandes de révision de pension, qu'avant de statuer sur de telles demandes, la ministre des armées puisse se dispenser de l'avis du médecin expert prévu aux dispositions réglementaires citées au point 2. 4. Il résulte de l'instruction, et il est du reste constant, qu'avant le rejet de sa demande de révision de pension, et alors que par lettre du 9 novembre 2016, le chef du bureau chargé des relations avec les usagers lui indiquait que l'examen de son dossier conduisait l'administration à désigner un médecin-expert pour déterminer son taux d'invalidité, M. A... n'a pas été soumis à une visite médicale effectuée par un médecin-expert, ainsi que le prévoient pourtant les dispositions réglementaires citées au point 2. 5. Certes, pour refuser de faire droit à la demande de révision de pension, présentée au seul titre de l'aggravation de l'infirmité qualifiée d'anesthopie de l'œil gauche, la ministre des armées a considéré que le degré d'invalidité déjà attribué à ce titre constituait le taux maximum prévu par le guide-barème pour une infirmité unique. En effet, alors qu'une circulaire du 7 mars 1980 fixait les modalités d'indemnisation de cette infirmité, en ne prévoyant son indemnisation que pour les personnes souffrant d'une affection neurologique centrale et pour celles pensionnées pour le syndrome dit de Targowla, l'instruction du ministre chargé de la défense, en date du 27 octobre 2009, dont se prévaut la ministre en première instance, prévoit en cas de monophtalmie que l'anesthopie de l'autre œil ouvre droit à une majoration de 5% du taux d'invalidité alloué pour l'infirmité principale. 6. Toutefois, ni le guide-barème, bien que n'évoquant pas l'anesthopie au nombre des infirmités susceptibles de se voir attribuer des degrés d'invalidité, ni en tout état de cause l'instruction ministérielle précitée, dont l'adoption n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire, ne dispensaient la ministre des armées de saisir un médecin-expert de la demande de révision de pension présentée par M. A.... Ainsi, celui-ci est fondé à soutenir, tant devant le tribunal que devant la Cour, que la décision du 31 mai 2017 refusant de faire droit à cette demande est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et qu'elle doit être pour ce motif annulée. 7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque et de la décision du 31 mai 2017. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1901513 du 9 juin 2020 et la décision de la ministre des armées du 31 mai 2017 sont annulés. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021. N° 20MA023792
Cours administrative d'appel
Marseille