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Conseil d'État, 2ème chambre, 20/06/2023, 468163, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 5 novembre 2020 par lesquelles la ministre des armées a rejeté ses demandes de pensions de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme au titre, respectivement, de la pension militaire de retraite et de la pension militaires d'invalidité dont bénéficiait son père. Par un jugement n° 2100038 du 13 septembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes. Par un mémoire, enregistré le 9 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de Me Carbonier, son avocat, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des pensions civiles et militaire de retraire ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes, - les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de Mme A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 5 novembre 2020, la ministre des armées a rejeté les demandes de pensions de réversion présentées par Mme B... A... en tant qu'orpheline majeure infirme au titre, respectivement, de la pension militaire de retraite et de la pensions militaire d'invalidité dont bénéficiait son père. Mme A... défère au Conseil d'Etat le jugement du 13 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions. 2. En premier lieu, il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges en matière de pension de retraite des agents publics. Les contestations relatives aux pensions militaires d'invalidité ne sont pas au nombre de ces litiges. 3. Il en résulte que le jugement attaqué n'a pas été rendu en premier et dernier ressort en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire d'invalidité dont bénéficiait son père. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer à la cour administrative d'appel de Nantes le jugement des conclusions de Mme A... qui, dans cette mesure, présentent le caractère d'un appel. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 5. Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant que celui-ci a statué sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire de retraite dont bénéficiait son père, Mme A... soutient que : - le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où il n'est pas signé et où elle n'a pas pu prendre connaissance des pièces visées versées au dossier ; - le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique en ce qu'il a estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions pour avoir droit à une pension de réversion de retraite. 6. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement des conclusions de la requête de Mme A... dirigées contre le jugement en tant qu'il a rejeté son recours contre la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire d'invalidité dont bénéficiait son père, est attribué à la cour administrative d'appel de Nantes. Article 2 : Les conclusions de Mme A... dirigées contre le jugement en tant qu'il a rejeté son recours contre la décision du 5 novembre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension de réversion, en tant qu'orpheline majeure infirme, au titre de la pension militaire de retraite dont bénéficiait son père, ne sont pas admises. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A.... Copie en sera adressée au ministère des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 25 mai 2023 où siégeaient : M. Jean-Yves Ollier, assesseur, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 20 juin 2023. Le président : Signé : M. Jean-Yves Ollier Le rapporteur : Signé : M. Julien Eche La secrétaire : Signé : Mme Annie Di VitaECLI:FR:CECHS:2023:468163.20230620
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/06/2023, 22MA00430, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par deux requêtes distinctes, M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 8 avril 2019 par laquelle la ministre des armées lui a attribué une pension militaire d'invalidité, en tant qu'elle fixe le taux d'invalidité à seulement 10 %, d'enjoindre à la ministre de fixer le taux de son invalidité à 20 % et d'ouvrir ses nouveaux droits à pension à compter du 15 mars 2017, et, d'autre part, d'annuler la décision du 31 août 2020 par laquelle la ministre des armées, dans le cadre de l'instruction de sa demande de renouvellement de cette pension, a fixé le taux d'invalidité à seulement 15 %, ainsi que la décision du 23 mars 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 31 août 2020, et d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux de son invalidité à 30 % et d'ouvrir ses nouveaux droits à pension à compter du 15 mars 2020. Par deux jugements distincts n° 1911511 et n° 2103075 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. B.... Procédure devant la Cour : I - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22MA00430 les 3 février 2022, 16 février 2023 et 23 mars 2023, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1911511 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) à titre principal, de dire et juger qu'il a droit à une pension au taux de 20 % au titre des blessures reçues en service les 2 novembre 2012 et 21 août 2015 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a violé les dispositions des articles L. 121-1, L. 125-1, L. 125-3 et L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et a insuffisamment motivé sa décision ; - rien ne justifiait que soit écartée une partie du taux d'invalidité au titre d'une antériorité qui n'entraînait aucune invalidité et n'avait aucune incidence fonctionnelle ; en estimant que rien n'a été opposé à l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, le jugement est entaché d'une motivation erronée qui confine à la dénaturation des éléments du dossier ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle est fondée sur l'avis émis par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, lequel n'est prévu que par une circulaire du 12 février 2010 mais pas par une disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, non contradictoire, a eu une influence sur le sens de la décision dès lors qu'il a conduit le ministre à saisir la commission consultative médicale ; - postérieurement à l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 8 janvier 2019, l'administration ne lui a pas communiqué de constat provisoire, et ce, en méconnaissance de l'article R. 151-12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; il a de ce fait été privé d'une voie de recours devant la commission de réforme prévue par l'article R. 151-12-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; si le ministre produit un projet de constat provisoire, établi le 24 janvier 2019, l'instruction du dossier n'était pas encore terminée à cette date et il n'y a pas eu de constat provisoire rectificatif ; - toute évaluation d'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et faire ressortir la gêne fonctionnelle le justifiant en application de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la prise en compte par l'administration d'une invalidité antérieure aux accidents de service pour limiter à 10 % le taux d'invalidité imputable repose sur des avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité et de la commission consultative médicale qui ne contiennent aucune démonstration médicale ; la simple mention d'une lombalgie antérieure aux accidents ne saurait justifier cette décision ; - s'il a existé une erreur du service de santé des armées sur son aptitude postérieurement à l'accident du 2 novembre 2012, cette erreur constitue en elle-même un fait de service au sens de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - compte tenu de la contradiction évidente entre les avis médicaux, le tribunal ne pouvait se prononcer sans l'instauration d'une mesure d'expertise. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février, 21 mars et 30 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 6 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 7 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Par lettre du 24 mai 2023, les parties ont été informées de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, dans ses différentes branches, du moyen relatif au vice de procédure entachant la décision du 8 avril 2019, ainsi que du moyen tiré du défaut de motivation de cette même décision. Par un mémoire enregistré le 26 mai 2023, le ministre des armées a fait connaître ses observations en réponse au moyen d'ordre public. Par un mémoire enregistré le 27 mai 2023, M. B... a fait connaître ses observations en réponse au moyen d'ordre public. II - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22MA00431 les 3 février 2022 et 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2103075 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) à titre principal, de dire et juger qu'il a droit à une pension au taux de 30 % au titre des blessures reçues en service les 2 novembre 2012 et 21 août 2015 à compter du 15 mars 2020 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - cette procédure présente à juger les mêmes questions que celles posées par l'instance n° 22MA00430 ; - ainsi, le tribunal a violé les dispositions des articles L. 121-1, L. 125-1, L. 125-3, L. 151-6, et R. 151-1 à R. 151-18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - rien ne justifiait que soit écartée une partie du taux d'invalidité au titre d'une antériorité qui n'entraînait aucune invalidité et n'avait aucune incidence fonctionnelle ; en estimant que rien n'a été opposé à l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, le jugement est entaché d'une motivation erronée qui confine à la dénaturation des éléments du dossier ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle est fondée sur l'avis émis par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, lequel n'est prévu que par une circulaire du 12 février 2010 mais pas par une disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, non contradictoire, a eu une influence sur le sens de la décision dès lors qu'il a conduit le ministre à saisir la commission consultative médicale ; l'autorité décisionnelle, qui n'a pourtant pas compétence liée, suit systématiquement cet avis ; - quant à l'avis de la commission consultative médicale, il ne fait que reprendre la position antérieure du 8 février 2019, oubliant au passage que le taux n'est plus de 20 % mais de 30 % ; - la prise en compte par l'administration d'une invalidité antérieure aux accidents de service repose sur des avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité et la commission consultative médicale qui ne contiennent aucune démonstration médicale ; la simple mention d'une lombalgie antérieure aux accidents ne saurait justifier cette décision ; - s'il a existé une erreur du service de santé des armées sur son aptitude postérieurement à l'accident du 2 novembre 2012, cette erreur constitue en elle-même un fait de service au sens de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - compte tenu de la contradiction évidente entre les avis médicaux, le tribunal ne pouvait se prononcer sans l'instauration d'une mesure d'expertise. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 21 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - M. B... n'est pas recevable à solliciter l'annulation de l'arrêté de concession du 31 août 2020 ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Un courrier du 6 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 7 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la circulaire n° 230125/DEF/DGA/DRH-MD/SPGRH/FM4 du 12 février 2010 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Une note en délibéré présentée par le ministre des armées, a été enregistrée dans l'instance n° 20MA00430 le 2 juin 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans la Légion Etrangère le 16 décembre 2011 et radié des contrôles le 10 février 2020, s'est vu concéder, par décision du 8 avril 2019, une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour une durée de trois années à compter du 15 mars 2017, au titre de l'infirmité " Séquelles de traumatisme lombaire avec lombalgies L5-S1 chroniques invalidantes ". Dans l'instance enregistrée sous le n° 22MA00430, M. B... relève appel du jugement n° 1911511 du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision en tant que la ministre a fixé son taux d'invalidité à seulement 10 %. 2. Le 3 octobre 2019, M. B... a sollicité le renouvellement de cette pension. Par une décision du 8 septembre 2020, la ministre des armées a octroyé à l'intéressé une pension militaire d'invalidité à titre définitif, et a fixé le taux global d'invalidité à 15 %. M. B... a exercé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision, en tant qu'elle lui refuse un taux d'invalidité à 30 %, devant la commission de recours de l'invalidité, laquelle a rejeté son recours par une décision du 23 mars 2021. Dans l'instance enregistrée sous le n° 22MA00431, M. B... relève appel du jugement n° 2103075 du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 mars 2021 de la commission de recours de l'invalidité. 3. Les recours susvisés nos 22MA00430 et 22MA00431 concernent la situation d'un même militaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt. Sur la régularité des jugements attaqués : 4. Si M. B... soutient que les jugements attaqués sont entachés d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne la justification de la prise en compte d'un état antérieur pour limiter le taux d'invalidité de 10 % retenu par la décision du 8 avril 2019, puis de 15 % par la décision du 23 mars 2021, il doit toutefois être regardé, compte tenu de l'argumentation qu'il développe, comme ayant entendu contester l'appréciation qui a été faite par les premiers juges sur cette question et non la régularité du jugement. 5. Par ailleurs, si M. B... soutient que le tribunal administratif a commis des " dénaturations des pièces du dossier ", ce moyen, qui relève de la cassation, ne saurait être accueilli en appel. Sur le bien-fondé des jugements attaqués : En ce qui concerne la régularité des décisions attaquées : 6. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. Toutefois, le requérant n'est pas recevable à invoquer pour la première fois en appel des moyens contestant la régularité de cette décision, sauf s'il s'agit de moyens d'ordre public. 7. En premier lieu, M. B..., qui n'a pas soulevé devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, puis devant le tribunal administratif de Marseille, des moyens contestant la régularité de la décision du 8 avril 2019, n'est pas recevable à soutenir, pour la première fois en appel, que cette décision serait entachée de vices de procédure et d'un défaut de motivation. Par suite, de tels moyens, irrecevables, ne peuvent qu'être écartés. 8. En second lieu, aux termes de l'article R. 153-3 du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre : " Le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre instruit la demande. Il recueille l'avis de la commission consultative médicale dans les cas prévus par arrêté des ministres chargé des anciens combattants et victimes de guerre et du budget et lorsque l'un ou l'autre des services mentionnés au présent article l'estime utile. / Le dossier est ensuite transmis au service désigné par le ministre chargé du budget pour liquider et concéder les pensions du présent code, qui procède à l'attribution de la pension et à l'envoi du titre de pension, ou indique au service instructeur, s'il y a lieu, les raisons pour lesquelles il rejette, en tout ou partie, l'attribution de la pension. ". La circulaire n° 230125/DEF/DGA/DRH-MD/SPGRH/FM4 relative à la constitution, à l'instruction et à la liquidation des dossiers de pension d'invalidité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre du 12 février 2010, publiée au Bulletin Officiel des Armées (BOC N° 14 du 9 avril 2010, texte 2) dispose que : " 1.2.2.1 Après achèvement de l'instruction médicale du dossier dans les conditions du point 1.2.1. de la présente circulaire, le médecin chargé des PMI du CEM/CR procède à l'examen des droits à pension de l'intéressé et consigne son avis au moyen de l'imprimé figurant en annexe VI. Le médecin chargé des PMI du CEM/CR peut formuler un avis sur l'imputabilité au service de l'infirmité qui ne préjuge pas du résultat de l'étude juridique à effectuer par les services administratifs de la SDP et fait connaître s'il estime opportun que la commission consultative médicale soit saisie, dans les cas où cette saisine ne revêt pas un caractère obligatoire. (...) 1.2.3 Sur le fondement de l'avis du médecin chargé des PMI du CEM/CR sur les aspects médico-légaux du dossier, notamment sur l'imputabilité au service de l'infirmité, et des éléments recueillis au cours de l'instruction administrative, la SDP établit un projet de constat provisoire des droits à pension comportant le cas échéant mention du droit ou de l'absence de droit aux allocations aux grands mutilés, à l'hospitalisation ou à la majoration pour tierce personne. Ce projet devra être conforme, quant au diagnostic et au taux d'invalidité, à l'avis du médecin précité. Si la SDP souhaite une expertise complémentaire, elle transmet le projet de constat provisoire pour recueillir l'avis de la commission consultative médicale (CCM) et l'indiquera sur le constat provisoire des droits à pension ". 9. D'une part, si M. B... persiste à soutenir, dans les mêmes termes qu'en première instance, que la décision du 23 mars 2021, par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 31 août 2020 en tant que la ministre des armées a fixé à 15 % le taux global d'invalidité pour lui octroyer une pension militaire d'invalidité à titre définitif, est entachée d'un vice de procédure résultant de ce que l'intervention du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité n'est pas prévue par les dispositions réglementaires, que ce médecin ne l'a pas examiné avant de rendre son avis, non soumis au contradictoire ni communiqué, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 et 5 de leur jugement. 10. D'autre part, il ne résulte nullement de l'instruction que tant la ministre que la commission de recours de l'invalidité se seraient estimées en situation de compétence liée, de sorte que le moyen tiré de ce que l'administration suit systématiquement l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité doit être écarté. En ce qui concerne le bien-fondé des décisions en litige s'agissant du taux d'invalidité retenu par l'administration : 11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 121-2-3 dudit code précise que : " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". L'article L. 125-3 de ce même code renvoie à un décret le soin de fixer " les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité ". L'article L. 125-5 de ce code dispose que : " Lorsqu'il s'agit d'amputations ou d'exérèses d'organe, les pourcentages d'invalidité figurant aux barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 sont impératifs. Dans les autres cas, ils ne sont qu'indicatifs. ". Enfin, selon l'article L. 151-6 dudit code : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 (...). / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ". 12. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime de deux accidents de service, le 2 novembre 2012 et le 21 août 2015, à l'occasion desquels il a été blessé au dos. Si les suites du premier accident ont été favorables, la radiographie du rachis lombaire réalisée le 6 novembre 2012 a toutefois objectivé l'existence d'une anomalie transitionnelle de la jonction lombo-sacrée avec apophysomégalie gauche de L5 ainsi qu'une néo-articulation transverso-sacrée gauche avec pincement discal au niveau L5-S1 sans lésion osseuse d'origine traumatique. L'existence de cette pathologie antérieure au premier accident est confirmée par l'imagerie médicale du rachis lombaire réalisée le 15 septembre 2015, à la suite du second accident de service, qui a révélé plusieurs anomalies au niveau du disque L5-S1. Si M. B..., qui ne conteste pas l'existence de cet état antérieur, soutient néanmoins qu'il ne pouvait être pris en compte pour fixer le taux d'invalidité appliqué au titre de la pension temporaire qui lui a été octroyée par décision du 8 avril 2019, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale du 14 novembre 2018, que les gênes fonctionnelles dont souffre l'intéressé résultent notamment de lombalgies chroniques et que celui-ci avait déjà été victime de tels symptômes avant l'accident initial du 2 novembre 2012, ainsi que cela ressort de l'extrait du livret médical produit dans l'instance. S'il est certes exact que l'expert n'a pas pris en compte l'antériorité de ces anomalies pour fixer à 20 % le taux d'invalidité, motif pris de ce qu'elles n'auraient pas un caractère péjoratif suffisant, il résulte néanmoins de son rapport que c'est précisément au niveau du disque L5-S1 que M. B... a dû subir une cure chirurgicale de hernie discale le 16 décembre 2016 ainsi qu'une arthrodèse le 24 novembre 2017. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'appelant, compte tenu de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à cette infirmité et à la gêne fonctionnelle en résultant, l'administration était fondée, s'appuyant en cela tant sur l'avis du médecin chargé des pensions du 8 janvier 2019 que sur celui de la commission consultative médicale du 8 février 2019, à prendre en compte cet état antérieur pour déterminer le taux d'invalidité à appliquer, la circonstance que l'intéressé avait été déclaré apte à la suite des tests dits " C... " (A...) le 4 avril 2014 n'étant pas de nature, à cet égard, à établir que les gênes fonctionnelles dont il demeure atteint seraient entièrement imputables aux accidents de services subis en 2012 et 2015. Enfin, alors que, par la décision en litige, la ministre a décidé de suivre l'avis de la commission consultative médicale, selon lequel la part imputable au service de l'invalidité est de 10 %, M. B... ne produit aucune pièce médicale de nature à remettre en cause l'avis de la commission sur ce point. Par suite, c'est à bon droit que, par sa décision du 8 avril 2019, la ministre des armées lui a accordé une pension d'invalidité au taux de 10 % pour la période du 15 mars 2017 au 14 mars 2020. 13. En second lieu, aux termes de l'article R. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " A l'issue du délai de trois ans, pour la ou les infirmités résultant uniquement de blessures, la situation du pensionné doit être définitivement fixée : / 1° Soit par la conversion de la pension temporaire en pension définitive à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif (...) ". 14. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 12, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la pathologie révélée par les examens d'imagerie médicale réalisés après les accidents de service subis en 2012 et 2015 ne pouvait être prise en compte par la commission de recours de l'invalidité lorsqu'elle a rejeté son recours administratif préalable obligatoire par décision du 23 mars 2021, et ainsi confirmé la décision par laquelle la ministre des armées a fixé le taux d'invalidité pris en compte au titre de la pension définitive qui lui a été octroyée pour l'infirmité " Séquelles de traumatisme lombaire avec lombalgies L5-S1 chroniques invalidantes ". L'appelant ne produit par ailleurs pas davantage d'éléments médicaux de nature à remettre en cause ce taux, fixé à 15 % sur une invalidité totale de 30 %, compte tenu de cet état antérieur, sur le fondement tant de l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité émis le 9 juillet 2020 que de celui rendu le 17 décembre 2020 par la commission consultative médicale. Par suite, c'est à bon droit que, par sa décision du 23 mars 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire et confirmé la décision de la ministre des armées lui octroyant une pension définitive au taux de 15 %. 15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ni de se prononcer sur la fin de non-recevoir, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes d'annulation de la décision du 8 avril 2019 de la ministre des armées et de la décision du 23 mars 2021 de la commission de recours de l'invalidité. Ses requêtes d'appel doivent donc être rejetées, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023. N° 22MA00430, 22MA00431 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 15/06/2023, 22BX00397, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Limoges d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour diverses infirmités. Par jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019, le tribunal des pensions militaires a accordé à M. C... un droit à pension au taux de 20 % à compter du 23 septembre 2010 pour l'affection " séquelles de coxarthrose droite traitée par prothèse de hanche, douleurs intermittentes avec limitation des activités sportives " et un droit à pension au taux de 15 % pour l'affection " séquelles de lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale L5-S1 ". Par un arrêt n° 19/00002-3 du 28 octobre 2019, la cour régionale des pensions militaires de Limoges a, sur appel de la ministre des armées et de M. C..., annulé partiellement le jugement du tribunal des pensions de Limoges et accordé une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité n° 3 : acouphènes bilatéraux, au taux d'invalidité de 10 %. Par une décision n° 437228 du 31 janvier 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires de Limoges et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la cour : Par des mémoires, enregistrés les 11 mai, 26 juillet, 30 septembre et 21 octobre 2022, et 11 avril 2023, la ministre puis le ministre des armées demandent à la cour de réformer le jugement du tribunal des pensions militaires de Limoges du 15 mai 2019 en ce qu'il a accordé à M. C... un droit à pension militaire d'invalidité pour séquelles de coxarthrose droite et lombosciatalgies, et de rejeter la demande présentée par M. C... devant ledit tribunal. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal des pensions militaires a accordé à M. C... un droit à pension au taux de 20 % en raison de la coxarthrose dont il souffre ; en effet, l'expert missionné par l'administration n'a pas établi de lien de causalité direct et certain entre la course du 13 novembre 2001 et la coxarthrose, même si cette épreuve a pu la révéler ; dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue au cours du service ou a été favorisée ou déclenchée par les conditions de celui-ci ; ainsi, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ; la responsabilité du service dans cette maladie chronique qu'est l'arthrose de la hanche ne peut donc être retenue, d'autant plus que la marche-course du 13 novembre 2001 était une épreuve banale, la participation de M. C... à cette marche devant être regardée comme des circonstances générales de service ; le Conseil d'Etat a précisé le sens de l'expression " conditions générales de service " dans une décision n° 396419 ; - c'est également par une inexacte qualification des faits que le tribunal a accordé à M. C... un taux d'invalidité de 15 % pour ses lombosciatalgies, qu'il a considérées comme issues d'un vol en avion le 17 juillet 2006 ; le compte-rendu d'hospitalisation de septembre 2006 mentionne la présence d'un lumbago sans évènement déclenchant particulier ; le fait que le livret militaire de l'intéressé mentionne de nombreux antécédents lombalgiques, sans précision sur leur origine, ne saurait suffire à établir leur rattachement au service ; le lien de cause à effet de cette pathologie avec le vol du 17 juillet 2006 n'est en tout cas pas établi dans les conditions exigées par l'article L. 2 du code ; - en revanche, le tribunal a rejeté à bon droit le recours de M. C... au titre des acouphènes bilatéraux ; en effet, la seule circonstance qu'un militaire soit exposé durant sa carrière à divers chocs sonores et que les acouphènes se soient manifestés au cours du service reste insuffisante pour caractériser le fait précis ou les circonstances particulières exigées par l'article 2 du CPMIVG ; - en tout état de cause, la preuve de l'imputabilité d'une affection ne peut être fondée sur la seule circonstance que l'intéressé en était indemne lors de son incorporation ; - à titre subsidiaire, le droit applicable à l'instruction d'une demande de pension militaire est celui en vigueur à la date de la demande. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars, 2 juin, 8 et 16 août 2022, 24 et 27 octobre 2022 et 11 avril 2023, M. C... demande à la cour : 1°) de réformer le jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019 du tribunal des pensions militaires de Limoges en ce qu'il a limité son taux d'invalidité pour coxarthrose droite à 20 % au lieu de 30 %, et en ce qu'il ne lui pas reconnu un taux d'invalidité de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux dont il est affecté ; 2°) de confirmer l'attribution d'une pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux d'invalidité de 15 % en raison des séquelles au pied gauche d'une hernie discale, et de lui attribuer cette pension sur la base d'un taux de 30 % en raison des séquelles des traumatismes qui ont provoqué une coxarthrose de la hanche droite et d'un taux de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux. Il soutient que : - les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés ; - il souffre de trois infirmités irréversibles: séquelles d'une coxarthrose droite, séquelles au pied gauche à la suite d'une hernie discale et séquelles de traumatismes sonores nécessitant le port permanent d'appareils auditifs aux deux oreilles ; pour chacune de ces infirmités, le bénéfice de la présomption d'imputabilité au service doit lui être reconnu ; au surplus, il a, conformément aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, apporté toutes les preuves de l'existence de faits précis et de circonstances particulières de service ; le ministre ne peut s'appuyer, pour lui refuser les taux d'invalidité qu'il réclame, sur le fait que tous les militaires ont les mêmes conditions générales d'exercice, ce qui est faux ; en outre, des microtraumatismes répétés peuvent avoir des conséquences chez certains et pas chez d'autres ; en tout état de cause, l'administration n'a jamais réussi à établir que d'autres facteurs auraient été les causes déterminantes de ses trois pathologies ; par suite, la seule circonstances que lesdites pathologies pourraient avoir été favorisées par d'autres facteurs ne suffit pas à écarter la preuve de leur imputabilité ; - s'agissant de sa coxarthrose, absolument aucune pièce médicale antérieure à l'épreuve de course du 13 novembre 2001 ne fait état d'arthrose à sa hanche droite ; s'agissant de ses douleurs sciatiques, il n'en avait jamais souffert avant 2006 ; si tel avait été le cas, il n'aurait jamais été déclaré apte à s'engager et n'aurait pas été envoyé en opérations extérieures ; tous les examens réalisés avant 2006 sont normaux ; contrairement à ce que peut laisser entendre la rédaction de l'arrêt de renvoi du Conseil d'Etat, il n'a pas souffert de " lombosciatalgies " au pluriel, ni d'une maladie dégénérative du dos, mais d'une seule et même affection, issue d'une hernie discale L5-S1, qui a été opérée en 2006 ; la récupération neurologique ayant été incomplète, il souffre toujours de séquelles de l'unique sciatique survenue en 2006 ; enfin, s'agissant de ses acouphènes, il les rattache à des faits précis, qui se sont déroulés en République centrafricaine, à Djibouti et à Coëtquidan ; - il ressent des douleurs permanentes et a désormais des problèmes physiques qui le handicapent dans sa vie de tous les jours ; la pension militaire d'invalidité ayant pour finalité l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent résultant d'une infirmité contractée en service, il demande que lui soit appliquée la " jurisprudence Brugnot " issue de l'arrêt du Conseil d'Etat du 1er juillet 2005 et que lui soit reconnu un taux d'invalidité de 30 % en raison des séquelles des traumatismes qui ont provoqué une coxarthrose de la hanche droite, un taux d'invalidité de 15 % en raison des séquelles au pied gauche d'une hernie discale et un taux d'invalidité de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux nécessitant le port permanent d'appareils auditifs ; - il renonce à demander l'attribution d'un taux d'invalidité pour les séquelles de paludisme et de leishmaniose, dont il ne souffre pas réellement au quotidien. Par une ordonnance du 20 mars 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 12 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né en 1956, a été engagé le 1er septembre 1976 dans l'armée de terre et a été rayé des cadres le 16 janvier 2015 au grade de colonel. Le 23 septembre 2010, il a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour diverses pathologies dont il est affecté, une coxarthrose de la hanche droite, des séquelles de lombosciatique, des problèmes auditifs à type d'hypoacousie et d'acouphènes bilatéraux, ainsi que les séquelles d'un paludisme, d'une leishmaniose et d'une entorse au genou droit. Le 3 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande, décision que M. C... a contestée devant le tribunal des pensions militaires de Limoges. Par un jugement du 15 mai 2019, ce tribunal a estimé que l'intéressé devait se voir reconnaître un taux d'invalidité de 20 % pour séquelles de coxarthrose droite et de 15 % pour lombosciatalgies, et a rejeté le surplus de ses prétentions. Le ministre des armées et M. C... ayant tous deux relevé appel de ce jugement, la cour régionale des pensions militaires de Limoges, après avoir joint les requêtes, a, par un arrêt du 28 octobre 2019, réformé le jugement en ce qu'il n'avait pas accordé en outre à M. C... un droit à pension au taux d'invalidité de 10 % au titre de l'infirmité " acouphènes bilatéraux ". Sur pourvoi de la ministre des armées, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une décision du 31 janvier 2022, annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires de Limoges et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. La ministre puis le ministre des armées concluent à l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Limoges et au rejet de la demande de M. C.... Par la voie de l'appel incident, M. C... conclut à la réformation du jugement en ce qu'il ne lui pas a reconnu un taux d'invalidité de 30 % en raison des séquelles des traumatismes qui ont provoqué une coxarthrose de la hanche droite et un taux de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". En vertu de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...). / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (...) ". Aux termes de l'article L. 4 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) /3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples ". 3. Il résulte des dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 4. En premier lieu, pour reconnaître à M. C... un droit à pension d'invalidité au taux de 20 % pour la coxarthrose droite dont il souffre et qui lui a valu la pose d'une prothèse totale de hanche, le tribunal des pensions militaires de Limoges a retenu que cette pathologie se rattache par un lien direct et déterminant de cause à effet à la course dite COVAPI (contrôle obligatoire de la valeur physique individuelle) du 13 novembre 2001, qu'elle a considérée comme un fait de service précis qui ne rentre pas dans les circonstances normales de service. 5. Le rapport médical circonstancié établi le 19 décembre 2001 indique que le colonel C... a ressenti, à l'issue de l'épreuve COVAPI du 13 novembre 2001 " une douleur au niveau de la hanche droite ", en raison de laquelle il s'est présenté au médecin militaire le 20 novembre. A la suite de cette consultation, le livret médical de l'intéressé mentionne, à la date du 6 décembre 2001, " arthrose de la hanche ". Si M. C... fait valoir qu'il n'avait jamais souffert de sa hanche auparavant, l'arthrose est, comme le fait valoir le ministre, une maladie dégénérative d'installation progressive à partir de la quarantaine, qui n'est souvent diagnostiquée que lorsque la douleur et la gêne fonctionnelle apparaissent. En l'espèce, alors que la présence d'une arthrose déjà installée a pu être révélée par la marche/course du 13 novembre 2001, la date d'apparition de cette pathologie ne peut être déterminée et M. C... n'établit pas l'existence d'un lien de cause à effet entre l'épreuve COVAPI précitée et cette affection, ni même entre le service et celle-ci, quand bien même les entraînements seraient à l'origine, comme il le soutient, de nombreux micro-traumatismes dus au port de chaussures rigides sans dispositif d'amortissement des chocs, ce qui n'est pas établi. 6. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Limoges a reconnu à M. C... un taux d'invalidité de 20 % pour sa " coxarthrose droite traitée par prothèse de hanche, douleurs intermittentes avec limitation des activités sportives " en la rattachant " par un lien direct et déterminant de cause à effet à un fait de service précis ", en l'occurrence, la marche/course COVAPI du 13 novembre 2001. Dès lors, l'appel incident de M. C... sur ce point, tendant à ce que le taux d'invalidité résultant de cette maladie soit porté à 30 % ne peut qu'être rejeté. 7. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que M. C... souffre de lombosciatalgies, issues d'une lombosciatique traitée par intervention chirurgicale sur une hernie discale L5-S1 le 22 septembre 2006. Il ressort des rapports médicaux versés au dossier que M. C... est rentré de Polynésie française le 17 juillet 2006 et que, dès son arrivée en métropole, à la suite d'un vol qualifié de " prolongé et inconfortable " par les conclusions du rapport d'expertise du Dr B... du 6 avril 2016, au demeurant peu contemporain des faits, il a ressenti de vives douleurs dans le bas du dos, puis dans la jambe gauche, de la cuisse jusqu'au pied, pour lesquelles il a consulté à plusieurs reprises le médecin militaire les 19, 24 et 28 juillet 2006, puis les 4 et 7 septembre 2006, avant d'être envoyé en consultation au Val-de-Grâce le 8 septembre suivant auprès d'un neurochirurgien, qui a décidé de l'opérer le 22. Cependant, M. C... n'établit pas que l'affection en cause est imputable au vol des 17-19 juillet 2006, dès lors qu'une discopathie suffisamment évoluée pour recevoir une indication chirurgicale ne saurait s'installer en quelques jours, le vol incriminé pouvant là encore avoir agi comme un révélateur de la pathologie discale, dont la sciatique n'est qu'une des manifestations. Ainsi, la circonstance que les douleurs soient apparues après ce vol ne suffit pas à elle seule à démontrer que les lombosciatalgies dont souffre aujourd'hui M. C... s'y rattacheraient par un lien direct et certain. 8. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Limoges a reconnu à M. C... un taux d'invalidité de 15 % relatif à l'infirmité " lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale L5-S1 ". 9. En troisième et dernier lieu, il est également constant que M. C... souffre d'une hypoacousie et d'acouphènes bilatéraux, qui nécessitent désormais le port de prothèses auditives. M. C... impute cette infirmité à des tirs d'entraînement à Coëtquidan et à des tirs réels sans protections auditives en Centrafrique et à Djibouti. Cependant, il se prévaut à cet égard d'un taux d'invalidité de 10 % qui ne peut lui ouvrir droit à une pension militaire d'invalidité au regard des dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires et des victimes de guerre. Par ailleurs, il n'identifie pas une circonstance de tir précise qui serait à l'origine d'une blessure ayant entraîné cette infirmité. 10. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal des pensions militaires de Limoges a refusé de lui reconnaître une invalidité imputable à l'exercice de ses fonctions militaires en raison de ses problèmes auditifs. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019 du tribunal des pensions militaires de Limoges doit être annulé en tant qu'il a reconnu à M. C... un taux d'invalidité de 20 % en raison de la coxarthrose de sa hanche droite et un taux d'invalidité de 15 % en raison des lombosciatalgies dont il est affecté, et que l'appel incident de M. C... doit être rejeté. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019 du tribunal des pensions militaires de Limoges est annulé en tant qu'il a attribué à M. C... un taux d'invalidité de 20 % en raison de la coxarthrose de sa hanche droite et un taux d'invalidité de 15 % en raison des lombosciatalgies dont il est affecté. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal des pensions militaires de Limoges est rejetée en tant qu'elle portait sur l'attribution d'une pension d'invalidité pour coxarthrose et lombosciatalgies. Article 3 : L'appel incident de M. C... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. A... C.... Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023. La rapporteure, Florence Rey-Gabriac La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 22BX00397 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 08/06/2023, 20VE03079, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le recteur de l'académie de Versailles l'a admise à la retraite pour invalidité à compter du 6 septembre 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 24 juin 2018 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert chargé d'évaluer son aptitude à une reprise de fonction ou d'un reclassement, d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de la réintégrer dans ses fonctions ou de la reclasser dans un autre emploi dans lequel les conditions de service sont de nature à lui permettre d'exercer ses fonctions, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1810684 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 13 février 2018 portant admission à la retraite d'office de Mme B... en tant qu'elle prend effet à compter du 6 septembre 2017 et non du 18 avril 2018, enjoint au recteur de l'académie de Versailles de procéder à la régularisation de sa situation pour la période comprise entre le 6 septembre 2017 et le 17 avril 2018 et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et des pièces, enregistrées le 27 novembre 2020, le 3 août 2022, le 25 août 2022 et le 20 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Azoulay, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Versailles du 13 février 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer si elle est en capacité de reprendre ses fonctions ; 3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de l'autoriser à reprendre ses fonctions ou de la reclasser dans un autre emploi dans lequel les conditions de service sont de nature à lui permettre d'assurer les fonctions correspondantes, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'irrégularité de la composition du comité médical ; - l'arrêté du 13 février 2018 a été pris par une autorité incompétente ; - il est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'avis conforme rendu par le service des retraites de l'Etat préalablement à son admission à la retraite ; - l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'avis rendu par la commission de réforme ; à supposer que cet avis ait été prononcé, il a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour l'exposante d'avoir été régulièrement convoquée, d'avoir été invitée à prendre connaissance de son dossier et d'avoir été informée en temps utile de la date à laquelle la commission de réforme devait l'examiner ; la commission de réforme n'a pas été saisie de tous les avis, témoignages et rapports propres à éclairer son avis, notamment pas des avis médicaux rendus le 23 novembre 2017 par un psychiatre ; - l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence de recueil de l'avis du médecin de prévention préalablement à son édiction afin de vérifier que son reclassement n'était pas envisageable et qu'elle était définitivement inapte à toutes fonctions ; - l'avis du comité médical supérieur a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne s'est fondé que sur les pièces du dossier médical dont disposait le comité médical départemental ; il aurait dû se fonder sur l'ensemble des pièces dont il disposait le jour où il a rendu son avis ; la procédure suivie devant ce comité médical supérieur est entachée d'un autre vice tiré de l'absence d'audition de l'exposante et de l'absence d'information de la tenue de sa séance le 12 décembre 2017 ; enfin, il appartient au rectorat d'établir que la composition de ce comité médical supérieur était régulière ; - les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des droits de la défense dès lors que l'arrêté du 13 février 2018 n'a pas été précédé de la saisine du comité médical départemental, qu'elle n'a pas pu présenter d'observations orales avant son édiction et qu'elle n'a pas été informée de la date de la séance du comité médical supérieur ; - le tribunal administratif ne pouvait procéder à la substitution de base légale sollicitée par le rectorat dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations devant le service des retraites de l'Etat et la commission de réforme et, d'autre part, que le rectorat n'aurait pas pu prendre la même décision sur la base de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires, la mise à la retraite d'office sur le fondement de ces dernières dispositions impliquant que l'agent se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; - les décisions contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elles se fondent sur le seul avis de la commission de réforme du 21 avril 2017 alors que de nombreux avis médicaux postérieurs établissent qu'elle était apte à reprendre son travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, la rectrice de l'académie de Versailles conclut au rejet de la requête. Elle s'en remet à ses écritures de première instance. Par un courrier du 13 avril 2023, le magistrat rapporteur a invité, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le rectorat de l'académie de Versailles à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 84-6 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Janicot, - les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique, - et les observations de Me Caron, substituant Me Azoulay, pour Mme B... et celles de Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Après avoir recueilli l'avis du comité médical départemental le 16 mars 2017 et l'avis de la commission de réforme le 20 avril 2017, favorables à l'admission à la retraite de Mme B..., professeur des écoles née en 1984, pour inaptitude totale et définitive à toutes fonctions, la rectrice de l'académie de Versailles a admis, par un arrêté du 13 février 2018, Mme B... à la retraite pour invalidité à compter du 6 septembre 2017. Par un courrier du 23 avril 2018, Mme B... a formé auprès du directeur académique des services de l'éducation nationale du Val-d'Oise un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 13 février 2018 seulement en tant qu'il prend effet avant le 18 avril 2018, date de sa notification, a enjoint au recteur de l'académie de Versailles de procéder à la régularisation de la situation de Mme B... pour la période comprise entre le 6 septembre 2017 et le 17 avril 2018, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme B... interjette appel à l'encontre de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Sur l'existence d'un désistement d'office en première instance : 2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". 3. La rectrice de l'académie de Versailles a fait valoir que, par une ordonnance n° 1913500 du 28 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de Mme B... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en litige, au motif qu'aucun moyen n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que la requérante a produit, le 18 décembre 2019, un mémoire, tendant à ce que sa requête soit mise au rôle, confirmant ainsi le maintien de cette requête. Il suit de là que la rectrice de l'académie de Versailles n'est pas fondée à demander qu'il soit donné acte du désistement de Mme B... en application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative. Sur la légalité des décisions attaquées : 4. Aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances. ". 5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme. La légalité de la décision qu'il appartient à l'autorité administrative de prendre en vue du placement d'office d'un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu'elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s'apprécie au regard de l'ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n'auraient pas été communiqués à l'autorité administrative préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu'ils éclairent cette situation. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire. 6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été mise d'office à la retraite pour invalidité par l'arrêté attaqué du 13 février 2018 sur le fondement du seul rapport médical établi par le docteur F... le 9 février 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de plusieurs documents médicaux, rédigés de manière circonstanciée, établis pour les uns avant la décision attaquée et pour les autres après cette décision mais comportant des éléments éclairant la situation de Mme B... au jour de cette décision, que la décision de mise en retraite pour invalidité de l'intéressée n'était plus justifiée le 13 février 2018 et que Mme B... était apte à reprendre une activité professionnelle. En particulier, il ressort de la contre-expertise établie par le docteur C... le 17 octobre 2017 que " la mise en invalidité n'est plus justifiée à ce jour, alors qu'elle a pu paraître la seule solution envisageable en février 2017 " et que " la reprise de travail à temps complet dans un poste administratif est justifiée ". Par ailleurs, le docteur G..., psychiatre praticien hospitalier à l'hôpital de Pontoise, a indiqué dans un certificat médical établi le 8 janvier 2018, que " la reprise d'une activité professionnelle pourrait lui être bénéfique ". De même, le docteur A..., psychiatre qui a suivi Mme B... lors de son hospitalisation au cours des mois de janvier à juin 2017, indique, dans un certificat médical établi le 23 novembre 2017, que " son état de santé permet aujourd'hui d'envisager un reclassement professionnel ". En outre, le docteur H..., médecin généraliste, a mentionné dans un certificat du 5 décembre 2017 que son état de santé " apparaît à ce jour compatible avec une reprise professionnelle ". Enfin, plusieurs documents médicaux établis postérieurement à la date de la décision contestée confirment que Mme B... était apte à cette date à reprendre une activité professionnelle. Par suite, au vu de l'ensemble de ces pièces médicales qui concluent de manière concordante à son aptitude à reprendre une activité professionnelle, Mme B... est fondée à soutenir que le recteur de l'académie de Versailles a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en la plaçant d'office en retraite pour invalidité par son arrêté du 13 février 2018 et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 6 ci-dessus, il y a lieu d'enjoindre à l'Etat de réintégrer juridiquement Mme B... à compter du 18 avril 2018, de réexaminer son aptitude à exercer des fonctions d'enseignante et, le cas échéant, de la reclasser dans un autre emploi dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 8. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de la requérante tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1810684 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B.... Article 2 : L'arrêté du 13 février 2018 plaçant d'office Mme B... en retraite pour invalidité, ensemble le rejet de son recours gracieux, sont annulés en totalité. Article 3 : Il est enjoint à l'Etat de réintégrer Mme B... à compter du 18 avril 2018, de réexaminer son aptitude à exercer les fonctions d'enseignante et, le cas échéant, de la reclasser dans un autre emploi, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à la rectrice de l'académie de Versailles et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Janicot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023. La rapporteure, M. Janicot La présidente, C. Signerin-Icre La greffière, M. E... La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 20VE03079 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/06/2023, 22MA00816, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les décisions des 13 décembre 2018, 6 et 25 mars 2019 par lesquelles le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a respectivement fait droit à sa demande d'allocation en fixant son montant 28 046 euros, fait partiellement droit à son recours gracieux contre cette décision en lui accordant une somme supplémentaire de 9 348 euros et rejeté le recours gracieux contre cette seconde décision, et d'autre part, à titre principal, d'enjoindre au directeur de l'établissement de réviser son allocation en la fixant à 93 485 euros et subsidiairement, de lui enjoindre de procéder à une nouvelle instruction de son dossier. Par un jugement n° 1904898 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions, a enjoint au directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique de réexaminer la situation de M. A... et de procéder à la liquidation de la somme de 93 485 euros dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, et a mis à la charge de l'établissement public la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédures devant la Cour : I - Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mars, 19 mai et 20 juillet 2022, sous le n° 22MA00816, l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, représenté par Me Abecassis, demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2022 et de rejeter la demande de M. A... ; 2°) subsidiairement, de réformer ce jugement en tant qu'il a fixé le montant correspondant au solde d'allocation principale pour invalidité restant dû et de le fixer à la somme de 56 091 euros ; 3°) de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance. L'établissement public soutient que : - son appel est recevable, dès lors qu'il présente des moyens qui critiquent le jugement attaqué et qui ne sont pas la simple reproduction des écritures en défense de première instance ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'interprétation des dispositions de l'article D. 4123-8 du code de la défense, dès lors que la base de leur raisonnement, tenant à l'allocation complémentaire, est erronée faute de tenir compte du paramètre des enfants à charge dont elle dépend pourtant, que ce texte clair et dépourvu " de maladresses rédactionnelles ", ne laisse aucune marge d'interprétation à l'administration qui en a fait une stricte application, le principe de légalité prévalant sur le principe d'égalité de traitement et que ce dernier principe n'est pas méconnu en cas de différences de situations, ici liées à des différences de taux d'invalidité - l'erreur de fait invoquée pour la première fois en cause d'appel, quant au taux d'invalidité retenu pour le calcul de son allocation, n'est pas établie, puisque ce taux a été fixé par le ministre des armées à 35 %, de sorte que sa demande de révision en ce sens de son allocation est irrecevable ; - en ne réclamant dans ses dernières écritures que la somme de 56 091 euros, l'intimé reconnaît l'erreur commise par le tribunal en omettant de déduire la somme déjà versée à son bénéfice. Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril 2022 et 7 juin 2022, M. A... , représenté par Me Picard, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique à lui verser la somme de 56 091 euros, pour tenir compte de celle qu'il a déjà reçue d'un montant de 37 394 euros, et à ce que soient mis à la charge de l'établissement les entiers dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les moyens d'appel ne sont pas fondés ; - les décisions en litige sont entachées d'une erreur de fait quant au taux d'invalidité qui n'est pas de 35 % mais de 40 %. Par une ordonnance du 21 juillet 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022, à 12 heures. II - Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 mars, 19 mai et 20 juillet 2022, sous le n° 22MA00859, l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, représenté par Me Abecassis, demande à la Cour, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille. L'établissement public soutient que : - sa requête d'appel est recevable ; - les moyens développés dans sa requête d'appel sont sérieux ; - l'erreur de fait invoquée pour la première fois en cause d'appel, quant au taux d'invalidité retenu pour le calcul de son allocation, n'est pas établie, puisque ce taux a été fixé par le ministre des armées à 35 %, de sorte que sa demande de révision en ce sens de son allocation est irrecevable ; - en ne réclamant dans ses dernières écritures que la somme de 56 091 euros, l'intimé reconnaît l'erreur commise par le tribunal en omettant de déduire la somme déjà versée à son bénéfice ; - il existe un risque de non-recouvrement des fonds versés en exécution du jugement attaqué. Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 avril et 7 juin 2022, M. A..., représenté par Me Picard, conclut au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à ce que soit mise à la charge de l'établissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par l'établissement public ne sont pas de nature à justifier le sursis à exécution du jugement attaqué et que celui-ci lui a déjà versé la somme de 37 394 euros. Par une ordonnance du 21 juillet 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022, à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 2007-888 du 15 mai 2007 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Abecassis, représentant l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., caporal-chef de la légion étrangère, titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 35 % à titre temporaire du 27 décembre 2016 au 26 décembre 2019, et radié des contrôles pour réforme définitive, par arrêté du 19 mai 2017, à compter du 21 septembre 2017, a présenté une demande tendant au bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire, sur le fondement de l'article R. 4123-8 du code de la défense. Par une décision du 13 décembre 2018, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a fait droit à sa demande en lui allouant la somme de 28 046 euros, à laquelle il a accepté d'ajouter, par décision du 6 mars 2019, après recours gracieux de l'intéressé, la somme de 9 348 euros. Par une décision du 25 mars 2019, le directeur de l'établissement public a en revanche rejeté le nouveau recours gracieux de M. A... tendant à ce que la somme qu'il estime lui être due au titre de cette allocation soit fixée à 93 485 euros. Par un jugement du 3 janvier 2022, dont l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique relève appel par sa requête n° 22MA00816 et dont il demande le sursis à exécution par sa requête n° 22MA00859, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 13 décembre 2018, 6 mars et 25 mars 2019, a enjoint au directeur de l'établissement de réexaminer la situation de M. A... et de procéder à la liquidation de la somme de 93 485 euros dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, et a mis à la charge de l'établissement public la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative 2. Les requêtes n° 22MA00816 et 22MA00859 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. ". L'article D. 4123-8 du même code dispose que : " Lorsque l'infirmité imputable à l'un des risques exceptionnels spécifiques au métier militaire énumérés à l'article D. 4123-9 entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive, il est versé à l'intéressé : 1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : a) Si celui-ci est marié, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou a des enfants à charge, montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle correspondant à : i) L'indice brut 762 s'il est officier ; ii) L'indice brut 560 s'il est non-officier. b) Dans les autres cas, montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle correspondant à : i) L'indice brut 546 s'il est officier ; ii) L'indice brut 398 s'il est non-officier. c) Pour les taux d'invalidité inférieurs à 40 %, l'allocation principale est calculée proportionnellement aux taux d'invalidité. 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à deux fois la solde budgétaire annuelle correspondant à l'indice brut 702. / Les allocations mentionnées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'affilié. Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ". 4. Il résulte clairement de ces dispositions, d'une part, qu'une allocation principale est versée à tous les militaires qui en ont fait la demande et qui ont été admis à la retraite ou réformés de manière définitive du fait d'une infirmité imputable à un risque exceptionnel spécifique au métier de militaire et pour laquelle un taux d'invalidité a été fixé, quel que soit ce taux, et d'autre part, qu'une allocation complémentaire leur est versée, par enfant à charge, lorsque le taux d'invalidité est égal ou supérieur à 40 %. Pour le calcul de l'allocation principale, est déterminé un montant calculé en multipliant par quatre la solde annuelle correspondant à un indice déterminé en fonction de la situation familiale (suivant que l'intéressé est marié ou non) et suivant le grade (officier ou non). Lorsque le taux d'invalidité est inférieur à 40 %, seule l'allocation principale est versée, proportionnellement aux taux d'invalidité en vertu des dispositions de l'alinéa c) du 1° de l'article D. 4123-8. Lorsque le taux d'invalidité est compris entre 40 % et 100 %, l'intéressé bénéficie du montant maximal de l'allocation principale et d'une allocation complémentaire calculée suivant les modalités prévues par le 2°) de cet article. 5. Il résulte de la fiche descriptive des infirmités du 20 mars 2018, que M. A... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 35 % depuis le 27 décembre 2016. Il ne pouvait ainsi prétendre, en application des dispositions de l'article D. 4123-8 du code de la défense, qu'à une allocation principale liée à l'infirmité ayant entraîné sa réforme définitive, et devant être calculée suivant les modalités prévues au 1° de cet article. En déterminant le montant qui lui était dû à ce titre, par l'application au montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle, soit 106 840 euros, du pourcentage correspondant au taux d'invalidité du militaire, soit 35 %, et en obtenant le montant de 37 394 euros, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a fait une exacte application de ces dispositions. La circonstance, retenue par les premiers juges pour annuler les décisions en litige, que l'application ainsi faite de ce texte par l'administration, qui n'avait pas à l'interpréter en se référant à l'intention de ses auteurs, créerait une rupture d'égalité entre militaires est par elle-même sans incidence sur le sens à attribuer à ce texte et, partant, sur la légalité de ces mesures. Il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les décisions en litige. 6. Néanmoins, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens présentés en première instance et en appel. 7. D'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, les dispositions claires de l'article D. 4123-8 du code de la défense, dont M. A... n'excipe pas de la contrariété avec le principe d'égalité de traitement entre militaires, font obstacle à ce que soit retenue l'interprétation de ce texte dont il revendique le bénéfice, selon laquelle le maximum de l'allocation principale susceptible d'être accordé, pour un taux d'invalidité de 40 %, correspond à un taux de 100 % et l'allocation correspondant au taux d'invalidité inférieur résulte de la multiplication de 40 et de 100 et de la division du résultat par le degré d'invalidité du militaire (40 X 100 : Degré d'invalidité du militaire). 8. D'autre part, en l'absence de décision de l'autorité compétente qui aurait porté le taux d'invalidité attribué à M. A... à un degré supérieur à 35 %, et notamment à un taux supérieur aux 40 % prévus par le 2° de l'article R. 4123-8 du code de la défense, à la suite de l'expertise médicale du 17 novembre 2017 dont il se prévaut, l'intéressé ne peut utilement affirmer qu'en se fondant sur le taux d'invalidité de 35 % pour procéder au calcul de l'allocation, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique aurait commis une erreur de fait. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête d'appel, que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2022 doit être annulé et que la demande présentée par M. A... doit être rejetée. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution : 10. La Cour s'étant prononcée sur l'appel de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique contre le jugement du 3 janvier 2022, il n'y a pas lieu pour elle de statuer sur les conclusions de son recours tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, qui n'est la partie perdante dans aucune des instances, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'intéressé ne peuvent donc qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique aux fins de sursis à exécution du jugement n° 1904898 rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille. Article 2 : Le jugement n° 1904898 rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions d'appel aux fins de condamnation et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique et à M. B... A.... Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023. N° 22MA00816, 22MA008592
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 02/06/2023, 21MA04640, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arles a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service à compter du 25 août 2013 et, d'autre part, d'enjoindre au directeur de cet établissement de reconnaître imputables au service ses arrêts de travail pour maladie à compter du 25 août 2013 jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité. Par un jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 décembre 2019, a enjoint au directeur du centre hospitalier d'Arles, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... à compter du 25 août 2013, a mis à la charge de Mme A... le versement au centre hospitalier d'Arles d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2021 et 5 décembre 2022, le centre hospitalier d'Arles, représenté par la SELARL Favre de Thierrens-Barnouin-Vrignaud-Mazars-Drimaracci, agissant par ELEOM avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de rejeter la requête de Mme A... ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... est suffisamment motivée ; - elle ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ; - en indiquant que la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de Mme A... était tardive, la décision en cause n'est entachée d'aucune erreur de de droit ; - la décision litigieuse n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; les certificats médicaux présentés ne sont pas probants ; - l'administration n'est pas lié par l'avis favorable qui a été rendu par la commission de réforme, lequel est en outre dépourvu de motivation ; aucun élément ne démontre que l'agent aurait exercé ses fonctions dans des conditions anormales. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Icard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 17 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - les observations de Me Icard représentant Mme A..., qui a également présenté des observations. Une note en délibéré et des pièces, enregistrées les 17 mai et 18 mai 2023, ont été produites pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., qui exerçait ses fonctions d'infirmière en soins généraux titulaire au centre hospitalier d'Arles, a été placée en congé de longue maladie puis de longue durée du 25 août 2013 au 24 août 2017, en raison d'un état dépressif. Estimant être victime de harcèlement moral de la part de certains collègues de travail, celle-ci a demandé, par un courrier du 2 février 2017, au directeur du centre hospitalier d'Arles de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie dépressive. Cette demande a été rejetée par une décision du 10 février 2017, laquelle a été annulée par un jugement n° 1702664 du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille, en raison notamment du défaut de consultation préalable de la commission de réforme. Le 30 octobre 2019, la commission de réforme hospitalière a émis un avis favorable à la reconnaissance d'imputabilité de la maladie de Mme A... au service à compter du 25 août 2013. Par une décision du 16 décembre 2019, sa demande de reconnaissance d'imputabilité de sa maladie au service a cependant été à nouveau rejetée. Cette décision a été annulée par un jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille. Le centre hospitalier d'Arles relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite , à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Si les certificats médicaux établis par le médecin traitant de Mme A... entre 2013 et 2017 ont relevé le lien fait par l'intéressée entre ses troubles dépressifs et ses conditions de travail, l'unique attestation d'une collègue de travail datée du 3 juillet 2014 qu'elle produit indiquant, d'une part, qu'elle aurait été victime d'une maltraitance et de pressions de la part de deux agents, d'autre part, qu'elle aurait été sanctionnée par sa hiérarchie qui serait cependant revenue sur cette décision, ne permet pas, à elle-seule, de caractériser un contexte professionnel pathogène depuis l'année 2010, ni, a fortiori, la situation de harcèlement moral qu'elle dénonce, alors qu'elle ne justifie même pas la réalité de la sanction dont elle aurait fait l'objet et de son retrait, et, le cas échéant, leurs motifs. Il en va de même du compte-rendu du médecin du travail effectué le 30 août 2013 puis le 21 octobre 2013, qui, en se limitant à expliquer que Mme A... " se dit être harcelée au sein de son service ", se borne à faire état de son ressenti sans objectiver aucun élément de nature à caractériser une dégradation objective de ses conditions de travail, et, a fortiori, une situation de harcèlement, laquelle ne saurait se déduire des seules doléances exprimées par l'agent. Dans ces conditions, et en dépit de l'avis favorable rendu par la commission de réforme, au demeurant dépourvu de toute précision sur le contexte professionnel en cause, et de la circonstance que l'intéressée ne présentait aucun état antérieur dépressif, les répercussions sur l'état psychologique de Mme A... des difficultés qu'elle soutient avoir éprouvées dans l'exercice de son activité professionnelle ne peuvent être regardées comme résultant des conditions dans lesquelles elle a exercé son activité et, par suite, comme une maladie contractée en service. 5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le centre hospitalier d'Arles est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 décembre 2019 de son directeur et a enjoint à ce dernier de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A.... 6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel. Sur les autres moyens de la demande de Mme A... : 7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie déclarée par un agent doit être regardée comme " refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ", au sens du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et est ainsi au nombre de celles qui, en application de cet article, doivent être motivées. 8. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables notamment les lois des 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986 et mentionne les différentes étapes de la procédure, tels que les décisions successives plaçant Mme A... en congé de longue maladie ou de longue durée, l'avis d'expertise du médecin agréé et l'avis émis par la commission de réforme le 30 octobre 2019. Elle précise les motifs en raison desquels le directeur du centre hospitalier d'Arles a décidé, contrairement à l'avis de la commission de réforme précité, de ne pas reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A..., en indiquant qu'aucune des neuf décisions de placement de congé de maladie n'a été contestée dans les délais requis et que la matérialité de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée n'était pas établie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté comme manquant en fait. 9. Si l'administration a opposé à Mme A... la tardiveté de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, elle l'a néanmoins examiné au fond et estimé, sans entacher, ainsi qu'il est dit au point 4, sa décision d'une erreur d'appréciation, qu'aucun lien direct entre l'affection dont elle souffre et le service n'était caractérisé. Par suite, les moyens tirés de ce que la tardiveté de la demande de reconnaissance de l'imputabilité des arrêts de travail au service aurait été opposée à tort à Mme A... et, au surplus, en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2018 doivent, en tout état de cause, être écartés. 10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2019 du directeur du centre hospitalier d'Arles refusant d'admettre l'imputabilité au service de sa pathologie doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence celles présentées à fin d'injonction. Sur les frais liés au litige : 11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que le centre hospitalier d'Arles demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par Mme A... soient mises à la charge du centre hospitalier d'Arles, qui n'est pas la partie perdante. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par Mme A... est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Arles et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente, - M. Mahmouti, premier conseiller, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2023. N° 21MA04640 2 nl
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/06/2023, 22MA01569, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, et d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux d'invalidité de l'hypoacousie bilatérale à titre principal à 12 %, et à titre subsidiaire à 10 %, celui des acouphènes permanents à 10 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 3 mai 2016. Par un jugement n° 2003847 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2022 et 23 février 2023, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2003847 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) à titre principal, de dire et juger qu'il a droit, à compter du 3 mai 2016, à une pension à raison d'un taux d'invalidité de 12 % au titre de l'hypoacousie bilatérale et de 10 % au titre des acouphènes permanents, l'ensemble en application du barème de 1919 modifié, ou, à titre subsidiaire, de dire et juger qu'il a droit, à compter du 3 mai 2016, à une pension à raison d'un taux d'invalidité de 10 % au titre d'une dureté des deux oreilles en application du barème de 1915 et de 10 % au titre des acouphènes permanents en application du barème de 1919 modifié, ou, très subsidiairement et avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise médicale et de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions ; 4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en ce qui concerne l'infirmité " acouphènes permanents ", il est acquis qu'elle résulte d'un traumatisme sonore bien identifié et documenté de 1985 et non de conditions générales de service ; - en ce qui concerne l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", elle résulte du traumatisme sonore de 1985 rapidement classé " O2 " ; la perte de sélectivité existe dès 1994 et même dès 1992 et n'a pas changé en 22 ans ; aucune mesure d'exemption n'a été prise après le traumatisme de 1985, ce qui constitue en lui-même un second fait de service et une erreur d'appréciation du service de santé militaire ; il peut se prévaloir du barème le plus favorable de 1915 aux termes de l'article L. 125-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, justifiant l'application d'un taux minimum de 10 % voire de 15 %. Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 février et 15 mars 2023, le ministère des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 24 février 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans la Légion Etrangère le 8 septembre 1982 et radié des contrôles le 1er novembre 2018, s'est vu concéder à titre définitif une pension militaire d'invalidité par un arrêté du 23 décembre 2002 pour l'infirmité " Hépatite virale B chronique avec persistance de l'antigène HBS à 7 ans du début de l'infection ". Le 3 mai 2016, M. B... a demandé la révision de sa pension militaire d'invalidité en se prévalant de deux infirmités nouvelles, à savoir une hypoacousie bilatérale et des acouphènes. Par une décision du 17 octobre 2018, la ministre des armées a refusé de réviser sa pension. M. B... relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 3 de ce même code, également dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. ". 3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du même code, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques. 4. En l'espèce, et d'une part, il est constant que M. B... ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, il lui appartient d'apporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. 5. D'autre part, il résulte de l'instruction que la demande de revalorisation de pension présentée par M. B... au titre de deux nouvelles infirmités se fonde sur la circonstance que ces infirmités trouveraient leur origine dans une séance de tirs au fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Etienne (FAMAS) auquel il a participé le 2 juin 1985 à Villemaury. 6. Toutefois, en qui concerne, tout d'abord, l'infirmité " acouphène permanent ", outre que ce n'est que par un rapport du 1er décembre 1986, établi un an et demi après les faits, que le médecin des armées a mentionné, pour la première fois, l'apparition de sifflements au niveau des deux oreilles, ce rapport, imprécis sur la date de l'évènement à l'origine des constatations effectuées, ne peut être regardé comme rapportant la preuve de l'existence d'un fait précis de service à l'origine de l'affection en cause. Une telle preuve ne résulte pas davantage du rapport du 12 mars 1987, qui évoque de manière laconique un traumatisme de septembre 1986, et pas d'avantage du compte rendu d'expertise médicale du 17 juillet 2018 qui évoque, sur la base des seules déclarations de l'intéressé consignées au registre des constatations le 17 avril 1987 seulement, la séance de tirs du 2 juin 1985. Dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exige l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée. 7. En ce qui concerne, ensuite, l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", si l'expertise précitée du 17 juillet 2018 révèle que M. B... est atteint d'une perte auditive évaluée à 33,75 décibels (dB) à droite et 18,75 dB à gauche, correspondant à un taux d'invalidité de 12 %, et que l'expert indique que cette perte est liée à l'exposition sonores des tirs nourris et répétés quotidiennement, pendant plusieurs heures et plusieurs années, il résulte toutefois de l'instruction que ce n'est qu'à l'occasion d'une consultation à l'infirmerie régimentaire le 26 novembre 1986 qu'une surdité de perception bilatérale a été pour la première fois diagnostiquée. Ni ce rapport, pas plus qu'aucune autre des pièces médicales produites par l'appelant, ne permettent d'établir qu'il existerait un lien entre cette hypoacousie et le traumatisme sonore allégué du 2 juin 1985, l'avis rédigé le 2 août 2018 par le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité mentionnant au demeurant la circonstance, non contredite, que l'intéressé présente des antécédents de nombreux épisodes d'otites bilatérales. Dans ces conditions, la seule exposition de M. B... à des nuisances sonores subies à l'occasion de séances d'entraînement au tir sans protection auditive, qui constituent des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires soumis, à cet égard, à des contraintes et sujétions identiques quelle que soit l'unité à laquelle ils appartiennent, ne suffit pas apporter la preuve de l'imputabilité à un fait précis de service de l'hypoacousie bilatérale qui a été diagnostiquée. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 octobre 2018 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction, et tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais d'instance doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023. N° 22MA01569 2
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Marseille
CAA de PARIS, 8ème chambre, 05/06/2023, 22PA02307, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au Tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 26 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour " syndrome anxio-dépressif sur troubles psychotiques ". Par jugement n° 1923673/5-3 du 15 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par requête enregistrée le 18 mai 2022, M. C..., représenté par Me Rouanet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1923673/5-3 du 15 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 26 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ; 3°) d'ordonner une expertise ; 4°) d'enjoindre à la ministre des armées de prendre une décision lui accordant le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à hauteur de 10 % à compter du 22 mars 2016 dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter l'expiration de ce délai. Il soutient que : - la décision du 26 février 2018 est insuffisamment motivée ; - elle a été prise par une autorité incompétente ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - une nouvelle expertise est utile dès lors que par décision du 24 février 2017, la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées de Seine-et-Marne lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé à compter du 12 avril 2016 avec un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 % ; - une pension militaire d'invalidité peut lui être attribuée au titre de son invalidité de 10 % dès lors que l'affection dont il souffre relève d'un événement précis dans sa carrière militaire à savoir le harcèlement dont il a été victime entre 2009 et 2016 et n'était pas préexistante à son incorporation ; son affection correspond à une blessure et non à une maladie. Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. C.... Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 18 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C..., né le 14 novembre 1989, a servi dans l'armée de terre du 1er décembre 2009 jusqu'au 16 novembre 2016, date de sa radiation des contrôles. Le 22 mars 2016, il a sollicité le bénéfice d'une pension d'invalidité pour " syndrome anxio-dépressif sur troubles psychotiques ". Par décision du 26 février 2018, la ministre des armées lui a opposé un rejet au motif que le taux d'invalidité lié à cette infirmité, évalué à 10 %, est inférieur au minimum indemnisable de 30 % susceptible d'ouvrir droit à pension. Par jugement n° 1923673/5-3 du 15 décembre 2021, dont M. C... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le droit de M. C... à obtenir le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité : 2. En premier lieu, M. C... invoque les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée et de l'insuffisance de motivation de cette décision. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés en première instance, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué. Il y a, dès lors, lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par ces derniers. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1 ° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que suite à sa demande de bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, M. C... a été examiné par le docteur A... dans le cadre de la mission d'expertise qui lui a été confiée et qui a conduit à la remise d'un rapport suite à l'examen réalisé le 20 juillet 2017. L'expert indique qu'avant son incorporation, l'intéressé présentait une souffrance psychologique à type d'inhibition sociale avec tendance au repli, une difficulté à s'intégrer dans les groupes où il se trouve et une hypersensibilité au jugement d'autrui, qu'il a affirmé qu'il souffrait de cette difficulté avant de s'engager et que M. C... lui a indiqué que " son passage dans l'institution n'a pas arrangé ses difficultés ". Il précise qu'il a présenté en 2014/2015 un épisode dépressif majeur lié au harcèlement professionnel de sa hiérarchie qu'il aurait subi mais que cet épisode dépressif s'est amendé et que " l'imputabilité à l'événement générateur (harcèlement allégué) n'est à appliquer qu'à l'épisode dépressif aujourd'hui révolu ", de sorte que les troubles de la personnalité dont il souffre aujourd'hui sont les mêmes que ceux qu'il présentait avant son incorporation. L'expert en conclut que M. C... présente un trouble de personnalité de type personnalité évitante préexistant à son engagement à l'origine d'un taux d'invalidité de 10 %. 5. D'une part, si pour contester ces conclusions, M. C... se prévaut de la décision du 12 février 2017 par laquelle la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées de Seine-et-Marne lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé à compter du 12 avril 2016 avec un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %, il n'apporte toutefois aucun élément permettant d'établir que le taux d'invalidité qui lui a ainsi été reconnu serait lié à la même affection dont il s'est prévalu lorsqu'il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité et, en tout état cause, la législation lui ayant permis une telle reconnaissance est distincte de celle applicable aux pensions militaires d'invalidité dont le bénéfice est régi par des textes spécifiques. Par suite, la décision du 26 février 2018 de la ministre des armées n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour ce motif. 6. D'autre part, pour contester la qualification de son infirmité en tant que " maladie contractée en temps de paix " retenue par la décision attaquée, M. C... se prévaut de la circonstance qu'il s'agirait au contraire d'une blessure trouvant son origine dans un fait précis de service au sens et pour l'application des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Toutefois, en se prévalant du feuillet SIGYCOP qui a pour objet de recenser l'aptitude médicale à servir du personnel militaire, M. C... n'établit pas qu'il ne souffrait pas avant son incorporation du trouble de la personnalité mentionné au point 4 du présent arrêt. Par ailleurs, la circonstance que son désinvestissement professionnel apparaisse à compter de 2015 dans les appréciations figurant sur ses feuilles de notation ne permet pas davantage d'établir qu'il aurait été victime d'une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service qualifiable de blessure pouvant lui ouvrir droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité de 10 %. 7. Il s'ensuit, d'une part, que l'infirmité pour laquelle M. C... a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité n'est pas qualifiable de blessure dès lors qu'elle n'est pas liée à une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service mais qu'elle était au contraire préexistante à son incorporation comme l'intéressé l'a lui-même indiqué lors de l'expertise diligentée par la ministre des armées, d'autre part, que cette maladie qui n'est à l'origine que d'un taux d'invalidité de 10 %, inférieur ainsi au seuil minimal de 30 % prévu par les dispositions de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ne peut lui ouvrir droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour " syndrome anxio-dépressif sur troubles psychotiques ". Dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées, Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président de chambre, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère . Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2023. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02307
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 6ème chambre, 06/06/2023, 21NT01696, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de sa qualité de conjointe survivante et le paiement d'intérêts au taux légal. Par un jugement n° 1905726 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 juin 2021 et 2 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 20 juin 2017 ; 3°) de dire et juger qu'elle doit bénéficier d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 4°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts au taux légal sur le montant des prestations dues à compter de la saisine de la cour ; 5°) le cas échéant, d'ordonner une expertise médicale judiciaire afin de déterminer s'il existe un lien de causalité direct entre l'exposition à l'amiante de son mari au sein de la marine nationale et la pathologie dont il est décédé ou si le tabagisme en est la cause exclusive et de mettre les frais de cette expertise à la charge de l'Etat ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par des mémoires, enregistrés les 6 mai et 21 juin 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête présentée par Mme A.... Il soutient que les moyens soulevés par l'intéressée ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1946, a exercé ses fonctions d'électricien d'armes dans la marine nationale entre le 1er avril 1964 et le 3 mai 1995, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Il est décédé le 21 octobre 2016. Le 14 décembre 2016, son épouse a sollicité le versement d'une pension militaire d'invalidité en qualité de conjointe survivante sur le fondement de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une décision du 20 juin 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande aux motifs que " la preuve de l'imputabilité au service de la pathologie de son mari n'était pas établie ". Mme A... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité. Par un jugement du 26 avril 2021 le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement. Sur l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... : 2. Aux termes de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " Ont droit à pension : (...) 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2 du même code : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". L'article L. 3 de ce code institue une présomption d'imputabilité pour les militaires à condition que leur maladie ait été constatée après le 90ème jour de service effectif et avant le 60ème jour suivant leur retour dans leurs foyers et que soit établie médicalement la filiation entre la maladie et l'infirmité invoquée. 3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il incombe à l'intéressé d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 4. Mme A... se prévaut de l'attestation du 13 décembre 2016 du directeur du personnel militaire de la marine du ministère de la défense reconnaissant que son mari a travaillé à plusieurs reprises entre le 15 novembre 1966 et le 22 novembre 1994 sur des bâtiments renfermant des matériaux à base d'amiante. Elle produit également le témoignage de plusieurs collègues de son mari, qui dénoncent la présence d'amiante dans les bâtiments de la marine nationale. Le ministre fait toutefois valoir que M. A... était électronicien d'armes et que son métier consistait à contrôler les machines à bord, à prévenir les risques de pannes et à réparer ou échanger le matériel électronique défectueux. Il souligne que ces fonctions ne figurent pas dans la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire par inhalation de poussières d'amiante correspondant au tableau 30 bis des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale. Il est cependant constant que sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord. Ces matériaux d'amiante avaient tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. 5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du scanner réalisé le 17 décembre 2008, que M. A... présentait plusieurs adénopathies pulmonaires et notamment des " lésions d'emphysème pulmonaire éparses prédominantes au niveau du lobe supérieur de l'hémichamp pulmonaire droit ". En revanche, cet examen n'a révélé aucune calcification pleurale visible, ni d'épaississement suspect de la plèvre ou de signe d'épanchement pleural. En outre, ainsi que l'oppose le ministre, M. A... présentait un facteur de risque lié à une forte consommation de tabac durant de nombreuses années. Or, ainsi que l'a rappelé la commission consultative médicale dans ses avis des 15 juin 2017 et 5 avril 2018, les données de la science confirment que l'asbestose, à la différence du tabagisme, ne peut être responsable des lésions d'emphysème. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'imputabilité au service de l'adénocarcinome primitif bronchique à l'origine du décès de M. A... ne pouvait être regardée comme établie. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. COIFFET La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01696
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 06/06/2023, 21NT01701, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a renouvelé sa pension militaire d'invalidité en maintenant le taux de son infirmité à 65 %. Mme C... A... a repris l'instance lors du décès de son mari survenu le 8 juin 2018. Par un jugement n° 1905626 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête de première instance n'était pas tardive ; - le taux d'incapacité de 100 % pour le carcinome pulmonaire développé par son mari, englobant de façon temporaire celui de 30 % pour les plaques pleurales, aurait dû être maintenu jusqu'à son décès ainsi que le proposait l'expert compte tenu des séquelles qu'il conservait. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M A..., ancien électricien dans la marine nationale, bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité depuis le 16 mars 2001, au taux de 30 %, pour l'infirmité " plaques pleurales bilatérales de type asbestosiques ". Dans le cadre d'un contrôle systématique réalisé à la fin de l'année 2012, une lésion nodulaire a été diagnostiquée chez ce militaire radié des contrôles depuis le 5 mars 1984. Le 10 janvier 2013, M. A... a subi une lobectomie qui a révélé un " adénocarcinome invasif à prédominance acineuse ". Une pension militaire d'invalidité lui a été attribuée, à titre temporaire, pour la période du 18 mars 2013 au 17 mars 2016, au taux de 100 % pour l'infirmité " carcinome bronchique primitif du lobe supérieur droit traité par lobectomie et curage ganglionnaire chez un patient porteur de plaques pleurales ". Le 3 juillet 2015, M. A... a présenté une demande de révision " pour aggravation " de sa pension d'invalidité versée pour la première infirmité ainsi que le renouvellement de sa pension temporaire correspondant à la seconde infirmité. Par une décision du 3 octobre 2016, le taux de l'infirmité " plaques pleurales " a été porté à 40 % afin de prendre en compte l'insuffisance respiratoire modérée consécutive à un syndrome restrictif constatée et le taux définitif de l'infirmité relative aux séquelles du carcinome a été fixé à " 30 % + 5 ", soit un taux global définitif de 65 % à compter du 18 mars 2016. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes puis devant le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Mme A... a repris l'instance après le décès de son mari survenu le 8 juin 2018. Elle relève appel du jugement du 26 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 2016 et le maintien du taux de 100 % pour l'affection cancéreuse. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 3 octobre 2016 : 2. Dans son rapport d'expertise du 3 mai 2016, le pneumologue qui a examiné M. A... a indiqué que l'intéressé n'avait pas présenté de problème particulier depuis sa précédente expertise réalisée le 26 août 2013 à l'exception d'une bronchorrhée chronique nécessitant de la kinésithérapie respiratoire. Il s'est également référé aux résultats du scanner pratiqué au cours du mois de novembre 2015 qui a confirmé l'état stable de ce patient. Si l'expert a proposé de porter de 30 à 40 % le taux de l'infirmité se rapportant aux plaques pleurales afin de tenir compte du syndrome restrictif mentionné ci-dessus, il a, pour la seconde infirmité, conclu au maintien du taux de 100 %. Le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du ministère des armées, dans son avis du 14 juin 2016, a contesté cette analyse en soulignant que M. A... n'avait plus de traitement actif pour le carcinome depuis 2013. Le certificat rédigé le 7 mai 2015 par le pneumologue qui suit M. A..., auquel le médecin des armées se réfère, indique seulement que la lobectomie pratiquée chez ce patient a permis de confirmer la présence d'un adénocarcinome invasif à prédominance acineuse et que les suites opératoires " compliquées " nécessitent " un drainage bronchique très régulier et un recours fréquent aux antibiotiques ". Ces mentions, éclairées par les conclusions de l'expert, également pneumologue, ne suffisent pas pour permettre de considérer qu'à la date de sa demande, le carcinome pour lequel M. A... avait été opéré faisait peser sur son existence une menace certaine ainsi que le prévoit le guide barème des pensions militaires d'invalidité pour l'attribution ou le maintien d'un taux de 100 % en ce qui concerne les affections cancéreuses. En outre, le guide-barème retient un taux de 30 à 50 % pour les lobectomies en soulignant que si ces infirmités entraînent obligatoirement des perturbations de l'exploration fonctionnelle, celles-ci en sont distinctes. Dans leurs avis respectifs des 28 juin 2016 et 20 septembre 2016, la commission consultative médicale puis la commission de réforme des pensions ont proposé de retenir les taux de " 30 % +5 " pour l'infirmité " séquelles de carcinome bronchique primitif du lobe supérieur droit : lobectomie " et de 40 % pour l'infirmité " plaques pleurales calcifiées bilatérales de type asbestosique, soit un taux global de 65 %. Insuffisance respiratoire modérée avec syndrome restrictif ". Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre des armées a suivi ces avis et fixé à 65 % le taux global des infirmités pensionnées de M. A.... 3. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. COIFFET La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01701
Cours administrative d'appel
Nantes