CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 27/05/2019, 17BX02551, 17BX02552, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme C...a demandé devant le tribunal administratif de la Martinique l'annulation des décisions du préfet de la Martinique du 27 juin 2014 la plaçant en disponibilité d'office à compter du 22 janvier 2014 et du 9 mars 2016 la plaçant à la retraite pour invalidité non imputable au service, à compter du 22 janvier 2016.
Par deux jugements n°s 1400626 et 1600395 du 13 décembre 2016 le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes en annulation des décisions des 27 juin 2014 et 9 mars 2016.
Procédures devant la cour :
I- Par une requête sommaire du 31 juillet 2017 enregistrée sous le n° 17BX02551, et un mémoire complémentaire du 4 octobre 2017, Mme B...C..., représentée par Me A... demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1400626 du 13 décembre 2016 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2014 par lequel ministre de l'Intérieur l'a placée en disponibilité d'office à compter du 22 janvier 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis.
Elle soutient que :
- l'article 48 du décret du 14 mars 1986 prévoit la nécessité d'un avis du comité médical pour permettre à l'autorité compétente de prononcer la disponibilité d'office ;
- aucun avis du comité médical n'a été rendu avant l'arrêté du 27 juin 2014 et cet arrêté a donc été rendu sans prise en compte de son état de santé ; cette irrégularité de procédure a exercé une influence sur la décision qui a été prise et l'a privée d'une garantie ;
- en ce qui concerne le bien-fondé de cette décision, l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 prévoit une recherche de reclassement avant le prononcé d'une disponibilité d'office ;
- la décision du 27 juin 2014 est entachée d'illégalité dès lors qu'elle a été victime d'atteintes aux droits fondamentaux par d'autres fonctionnaires de police ; en effet, elle a été victime de harcèlement depuis 2008, et a subi des atteintes à sa liberté d'expression, à la dignité de la personne, à sa vie privée, et à son domicile ; elle a été victime de mauvais traitements, notamment de nature psychologique, de la part d'autres fonctionnaires de police, cette attitude ayant pour cause un sentiment de jalousie à son égard, dû au fait qu'elle a repris ses études de droit ;
- l'arrêté du 27 juin 2014 par lequel ministre de l'Intérieur l'a placée en disponibilité d'office à compter du 22 janvier 2014 jusqu'au 21 janvier 2015 lui a causé un préjudice moral et un préjudice économique et elle sollicite le versement de la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis.
II- Par une requête sommaire du 31 juillet 2017 enregistrée sous le n° 17BX02552, et un mémoire complémentaire du 4 octobre 2017, Mme B...C..., représentée par Me A...demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n°1600395 du 13 décembre 2016 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2016 par lequel le préfet de la Martinique l'a mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, à compter du 22 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de la réintégrer ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un mémoire en défense du 20 novembre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de MmeC....
Il fait valoir que la requête de Mme C...est irrecevable dès lors qu'elle a été présentée plus de deux mois après la notification, le 16 décembre 2016, du jugement du 13 décembre 2016 alors que la demande d'aide juridictionnelle n'a pas interrompu le délai de recours, dès lors qu'elle a été présentée le 14 avril 2017, soit au-delà du délai de recours ; subsidiairement, sur le fond, l'arrêté du 9 mars 2016 n'est pas entaché d'illégalité dès lors que cet arrêté fait suite à l'arrêté du 27 juin 2014 par lequel le ministre de l'Intérieur a placé Mme C...en disponibilité d'office et dont la validité a été confirmée par jugement du 13 décembre 2016 du tribunal administratif, alors que par ailleurs l'arrêté du 9 mars 2016 par lequel le préfet de la Martinique l'a mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, a fait l'objet d'un avis favorable de la commission de réforme, et d'un avis conforme du service de retraite de l'Etat.
Par deux décisions du 1er juin 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme C...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre des deux instances.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code des pensions civiles et militaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...fonctionnaire de police de l'Etat, titulaire du grade de d'adjoint administratif de 1ère classe de la police nationale a fait l'objet par une décision du 27 juin 2014 du préfet de la Martinique, d'un placement en disponibilité d'office à compter du 22 janvier 2014. Par arrêté du 9 mars 2016, le préfet de la Martinique l'a placée à la retraite pour invalidité non imputable au service, à compter du 22 janvier 2016. Mme C... relève appel des jugements n°s 1400626 et 1600395 du 13 décembre 2016 par lesquels le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes en annulation des décisions des 27 juin 2014 et 9 mars 2016.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°17BX02551 et n°17BX02552 concernent la situation d'un même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 17BX02551 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur les conclusions en annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) 3° A des congés de longue maladie (...) 4° A un congé de longue durée (...) ". Aux termes de l'article 51 de la même loi : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus (...) ". Selon le premier alinéa de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions, dans sa rédaction alors applicable : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus à l'article 34 (2°, 3° et 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". En vertu de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi (...), soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ". L'article 48 du même décret prévoit que : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. (...) ".
4. Mme C...fait valoir dans sa requête d'appel, qu'en vertu de l'article 48 du décret du 14 mars 1986, sa mise en disponibilité d'office pour raisons de santé ne pouvait être décidée qu'après avis du comité médical, ce qu'impose effectivement cet article. Toutefois il ressort des pièces du dossier et en particulier du courrier du 13 juin 2014 qu'a adressé Mme C...à son chef de service, qu'elle a entendu se soustraire à l'expertise médicale qui avait été demandée par le comité médical le 14 avril 2014 et à laquelle le préfet lui a demandé de se soumettre par courrier du 28 mai 2014.
5. Dans ces conditions, faute d'avoir mis à même le comité médical, d'apprécier si elle était comme elle le soutient, apte à l'exercice de ses fonctions, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la procédure ayant conduit à la décision du 27 juin 2014 du préfet de la Martinique de placement en disponibilité d'office, serait entachée d'irrégularité.
6. En second lieu, si la requérante fait également valoir qu'elle aurait été victime de harcèlement, de mauvais traitements et d'un sentiment de jalousie de la part de ses collègues lié à la reprise de ses études de droit, ce moyen au demeurant non établi, est en tout état de cause inopérant à l'encontre de la décision de placement en disponibilité d'office, fondée d'une part sur son inaptitude physique à reprendre son activité, et d'autre part, sur l'épuisement de ses droits à congé de longue durée et sur le fait qu'elle ne peut prétendre à un congé de maladie d'une autre nature que celle du congé au terme duquel elle est parvenue.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Compte tenu du rejet des conclusions en annulation présentées par Mme C... contre la décision de placement en disponibilité d'office, les conclusions indemnitaires, au demeurant non assorties de précision, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
Sur la requête n° 17BX02552 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à cette requête :
Sur les conclusions en annulation :
8. Aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 modifié : " (...) La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ".
9. Pour contester l'arrêté du 9 mars 2016 par lequel le préfet de la Martinique l'a mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, à compter du 22 janvier 2016, fondé sur le fait que l'intéressée avait été reconnue inapte totalement et définitivement à l'exercice de ses fonctions en raison de son état de santé, Mme C...se borne à invoquer l'illégalité de la décision de placement en disponibilité d'office du 27 juin 2014 du fait de l'absence de convocation devant le comité médical. Toutefois, ce moyen, doit en tout état de cause, compte tenu de ce qui est indiqué aux points 4, 5 et 6, être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Compte tenu du rejet des conclusions en annulation présentées par Mme C... contre la décision de mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, au demeurant non assorties de précision, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation des jugements n°s 1400626 et 1600395 du 13 décembre 2016 par lesquels le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes en annulation des décisions des 27 juin 2014 et 9 mars 2016.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme C...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...C....
Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mai 2019.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy VirinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
6
N°s 17BX02551, 17BX02552