CAA de PARIS, 5ème chambre, 30/06/2023, 22PA02753, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 juin 2023
Num22PA02753
JuridictionParis
Formation5ème chambre
PresidentMme VINOT
RapporteurMme Cécile VRIGNON-VILLALBA
CommissaireMme LESCAUT
AvocatsSCP CHERRIER BODINEAU

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation des décisions du 13 juillet 2020 par lesquelles la maire de Paris a rejeté sa demande de reconnaissance des maladies professionnelles inscrites aux tableaux n° 42, n° 97 et n° 98, ensemble les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par la Ville de Paris sur ses recours gracieux du 16 septembre 2020.

Par un jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Paris, ayant joint les requêtes, a annulé les décisions du 13 juillet 2020 de la maire de Paris, a enjoint à la Ville de Paris de procéder au réexamen des demandes de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la Ville de Paris le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2022, la Ville de Paris, représentée par la SELARL Bazin et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les demandes de M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a estimé que les décisions étaient entachées d'un vice de procédure tiré de l'absence d'un médecin spécialiste au sein de la commission de réforme ;
- aucun des autres moyens soulevés en première instance par M. B... n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, M. B..., représenté par la société civile professionnelle (SCP) d'avocats Cherrier Bodineau, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- les décisions sont entachées d'un vice de procédure eu égard à la composition de la commission de réforme où étaient absents un médecin spécialiste et un des deux représentants du personnel ;
- les décisions sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que, à titre principal, il remplit les conditions prévues aux tableaux n° 42, 97 et 98 des maladies professionnelles et, à titre subsidiaire, que les pathologies sont liées à l'exercice de ses fonctions et entraînent une incapacité permanente prévisible d'au moins 25 % ;
- la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la surdité est entachée d'une erreur de droit tirée de la méconnaissance par la commission de réforme de l'étendue de sa compétence, dans la mesure où il lui appartenait de se prononcer sur l'existence d'un lien direct entre les maladies et les fonctions exercées dès lors qu'elle a estimé qu'il ne remplissait pas les conditions posées par les tableaux.

Par une lettre du 30 mai 2023, la cour a informé les parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de la méconnaissance du champ d'application de la loi, en raison de l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à un fonctionnaire dont la pathologie a été diagnostiquée et les droits en matière d'imputabilité au service constitués avant le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019, en vigueur depuis le 12 avril 2019.

Par un mémoire enregistré le 2 juin 2023, la Ville de Paris a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.

Par des mémoires enregistrés les 5 et 6 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me de Soto, pour la ville de Paris.


Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., éboueur principal de première classe, qui exerce les fonctions d'agent de la propreté et de conducteur d'engins à la direction de la propreté et de l'eau de la ville de Paris depuis le 20 juillet 1987, a été titularisé dans ces fonctions le 24 juillet 1988. Il a souffert successivement d'une hypoacousie bilatérale de perception déclarée le 20 février 2015, puis d'une lombosciatalgie bilatérale déclarée le 23 juin 2017, pathologies pour lesquelles il a sollicité la reconnaissance de leur caractère professionnel. Saisie dans le cadre de ces demandes, la commission de réforme, réunie en séance le 24 juin 2020, a émis des avis défavorables au motif que M. B... ne remplissait pas les critères prévus respectivement aux tableaux n° 42, n° 97 et n° 98. Par trois décisions du 13 juillet 2020, la maire de Paris a rejeté les demandes de reconnaissance de maladie professionnelle de M. B.... Par un jugement n° 2019978, n° 2020202 et n° 2020353 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions, ensemble les décisions implicites de rejet nées du silence gardé sur ses recours gracieux en date du 16 septembre 2020, a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois et a mis à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La Ville de Paris relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : / 1. Donne son avis, dans les conditions fixées par le titre II du présent arrêté, sur la mise à la retraite pour invalidité des agents affiliés à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; / 2. Exerce, à l'égard des agents des collectivités locales relevant de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les attributions prévues respectivement à l'article 57 et aux articles 41 et 41-1 desdites lois ; / 3. Intervient, dans les conditions fixées par le décret du 11 janvier 1960 susvisé, pour apprécier l'invalidité temporaire des agents relevant du régime de sécurité sociale prévu par ce décret ; / 4. Intervient dans l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article L. 417-8 du code des communes, au III de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et à l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 susvisés ; / 5. Est consultée chaque fois que des dispositions législatives et réglementaires le prévoient expressément ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : / 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; / 2. Deux représentants de l'administration ; / 3. Deux représentants du personnel. / Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". Aux termes de l'article 17 : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance (...) ". Enfin, aux termes de l'article 26 de cet arrêté : " Les dispositions des titres Ier, II et III du présent arrêté sont applicables aux personnels des administrations parisiennes sous réserve des dispositions dérogatoires du présent titre ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.

3. Il ressort des pièces du dossier que si, lors de sa séance du 24 juin 2020, la commission de réforme ne s'est pas adjoint de médecins spécialisés dans les pathologies déclarées par M. B..., elle disposait de nombreuses informations sur l'état de santé de celui-ci, notamment, s'agissant de l'hypoacousie bilatérale de perception irréversible, d'un rapport médico-légal d'examen ORL d'un médecin ORL agréé, de plusieurs certificats médicaux et des avis motivés du médecin de la médecine professionnelle et préventive et, s'agissant de la lombosciatalgie bilatérale, de certificats de rhumatologues agréés, de certificats médicaux, de plusieurs IRM et des avis motivés du médecin de la médecine professionnelle et préventive. Dans ces conditions, l'absence au sein de la commission de réforme de médecins spécialisés dans les maladies déclarées par M. B... n'a pas été de nature à priver l'intéressé d'une garantie et ainsi susceptible d'entacher la procédure suivie devant la commission de réforme d'irrégularité. Par suite, la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler ses décisions du 13 juillet 2020.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme pour annuler les décisions de la maire de Paris.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne la base légale de la décision contestée :

6. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

7. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issu de l'ordonnance du 19 juillet 2017, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, et abrogé par l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

8. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019.

9. Enfin, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.

10. Pour rejeter les demandes de M. B..., la maire de Paris s'est fondé sur ce que les critères définis aux tableaux n° 42, n° 97 et n° 98 n'étaient pas remplis. Si les décisions attaquées ne sont pas motivées en droit, il ressort des pièces du dossier que la maire de Paris a ce faisant appliqué les dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que M. B... l'a soutenu devant les premiers juges sans être contredit en défense et que la Ville de Paris l'indique expressément dans sa requête devant la Cour. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les maladies qui ont justifiées les demandes de M. B... ont été diagnostiquées au plus tard le 20 février 2015 pour l'hypoacousie bilatérale de perception irréversible et le 23 juin 2017 pour la lombosciatalgie, soit avant l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019. Par suite, ses demandes étaient entièrement régies par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 énoncées au point 6 du présent arrêt. En conséquence, en faisant application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la maire de Paris a méconnu le champ d'application de la loi. En tout état de cause, à supposer même que la ville de Paris ait entendu appliquer les dispositions citées au point 5 de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ce que l'absence de motivation en droit des décisions attaquées ne permet pas de confirmer, elle aurait, ce faisant, commis une erreur de droit, ainsi que le soutient M. B..., dès lors qu'aucune disposition ne rend applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau, et qu'elle ne pouvait dès lors pas légalement se fonder, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service des pathologies dont M. B... est atteint, sur la seule circonstance que les critères fixés par les tableaux n° 42, n° 97 et n° 98 des maladies professionnelles n'étaient pas réunis.

11. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

12. Il ressort des pièces du dossier que, dans ses décisions du 13 juillet 2020, la Ville de Paris s'est exclusivement fondée, pour rejeter les demandes d'imputabilité au service des pathologies déclarées par M. B..., sur les avis de la commission de réforme qui s'est bornée à constater l'absence de réunion des critères fixés par le tableau n° 42, n° 97 et n° 98 des maladies professionnelles. Ainsi, d'une part, l'autorité administrative, qui n'a pas recherché l'existence d'un lien entre la maladie et le service a, en l'espèce, fait usage d'un pouvoir d'appréciation différent de celui dont elle disposait sur le fondement de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. D'autre part, dès lors que la commission de réforme ne s'est pas non plus prononcée sur ce lien, M. B... a été privé d'une garantie. Dès lors, il n'y a pas lieu de procéder à une substitution de base légale.

13. Par suite, la Ville de Paris n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions litigieuses.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

15. Par des conclusions incidentes, M. B... demande à la cour d'ordonner à la Ville de Paris une nouvelle décision sur ses demandes, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Toutefois, par le jugement attaqué, le tribunal a déjà ordonné cette mesure. Dès lors, il n'y a pas lieu de renouveler une telle injonction.

Sur les frais relatifs à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la Ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

17. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Ville de Paris, par application des mêmes dispositions, à verser à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.


DECIDE :
Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La Ville de Paris versera une somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Vinot, présidente de chambre,
Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
M. Perroy, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.
La rapporteure,
C. C...
La présidente,
H. VINOTLa greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA0275302