CAA de DOUAI, 2ème chambre, 03/07/2024, 22DA00507, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 juillet 2024
Num22DA00507
JuridictionDouai
Formation2ème chambre
PresidentMme Viard
RapporteurM. Marc Baronnet
CommissaireMme Regnier
AvocatsDUCROCQ AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er septembre 2018, ainsi que les arrêts de travail qui s'en sont suivis.

Par un jugement n° 2002544 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2022, M. A..., représenté par Me Stéphane Ducrocq, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er septembre 2018, ainsi que les arrêts de travail qui s'en sont suivis ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier d'Hazebrouck de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 1er septembre 2018 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Hazebrouck une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ; il n'est pas en mesure de connaître les réelles motivations de l'administration pour refuser la reconnaissance de l'imputabilité au service ; le centre hospitalier devait expliquer les raisons pour lesquelles il ne suivait pas l'avis de la commission de réforme ;
- son dossier ne lui a pas été communiqué, malgré ses demandes réitérées ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont il a été victime est imputable au service ; il a développé une dépression réactionnelle en raison de l'attitude de harcèlement de ses collègues et de sa hiérarchie.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 6 octobre 2022 et 11 janvier 2023, le centre hospitalier d'Hazebrouck, représenté par Me Didier Cattoir, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) et de mettre à la charge de M. A... les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cattoir, représentant le centre hospitalier d'Hazebrouck.


Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., qui exerçait ses fonctions en qualité d'infirmier de bloc opératoire au sein du centre hospitalier d'Hazebrouck depuis le mois de mai 2012, est placé en arrêt maladie depuis le 16 août 2018. Par un courrier du 3 septembre 2018, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck l'a informé avoir reçu un certificat médical d'accident de travail le concernant mais que, n'ayant reçu aucune déclaration d'accident de travail, ni aucun écrit ni témoignage, la qualification d'accident du travail n'était pas retenue. Le 15 novembre 2018, M. A... a déposé une déclaration d'accident de service pour des faits de harcèlement à caractère homophobe dont il aurait été victime à compter du mois de mai 2016 de la part de certains de ses collègues et ce jusqu'au 1er mars 2017. Le 14 décembre 2018, le comité médical départemental a émis un avis favorable au placement de M. A... en congé de longue maladie du 1er septembre 2018 au 28 février 2019. Par une décision du 19 décembre 2018, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a placé l'intéressé en congé de longue maladie à plein traitement pour la période du 1er septembre 2018 au 28 février 2019. Par une décision du 15 avril 2019, la directrice de cet établissement a, à la suite de l'avis favorable émis le 29 mars 2019 par le comité médical départemental, placé M. A... en congé de longue maladie à plein traitement pour la période du 1er mars 2019 au 31 août 2019. Le 24 septembre 2019, le comité médical départemental a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont M. A... aurait été victime le " 31 août 2018 ". Par une décision du 27 novembre 2019, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a, à la suite de l'avis émis le 15 novembre 2019 par le comité médical départemental, placé M. A... en congé de longue durée à plein traitement pour les périodes du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 et du 1er septembre 2019 au 29 février 2020. Par une décision du 29 janvier 2020, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont l'intéressé aurait été victime le 1er septembre 2018 ainsi que les arrêts de travail qui s'en sont suivis. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 9 février 2022 du tribunal administratif de Lille.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. La décision contestée du 29 janvier 2020 vise les textes législatifs et réglementaires dont le centre hospitalier d'Hazebrouck fait application, la demande de l'intéressé et l'avis favorable de la commission de réforme, et mentionne que M. A... " n'a pas complété le formulaire de déclaration d'accident de travail ", que " les éléments de contexte professionnel rapportés par l'enquête diligentée (...) n'ont pas permis d'établir un lien de causalité " et qu'ainsi les conditions pour reconnaître l'imputabilité au service de l'accident ne sont pas réunies ". Si M. A... soutient que cette décision est insuffisamment motivée, il ressort des pièces du dossier qu'elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cet acte ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 mai 2020.

4. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales . ".

5. D'une part, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

6. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

7. Premièrement, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Deuxièmement, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

9. En l'espèce, M. A... soutient avoir été victime, le 31 août 2018, d'un accident de service. Toutefois, M. A... se prévaut, à l'appui de sa demande de reconnaissance d'accident de service, de faits relevant selon lui du harcèlement sexuel et moral, qui se seraient déroulés au fil de plusieurs années, notamment à compter de la réalisation d'un examen médical en 2016, qui aurait suscité des moqueries de ses collègues. S'il résulte de l'instruction que les relations de travail au sein du service, affectées par des tensions entre M. A... et ses collègues, étaient dégradées et ont donné lieu à plusieurs entretiens et signalements, y compris plusieurs signalements relatifs au comportement de M. A..., celui-ci ne se prévaut cependant, en tout état de cause, d'aucun événement soudain et violent, susceptible d'être qualifié d'accident de service le 31 août 2018 ou le 1er septembre 2018, dates auxquelles il était absent du service puisqu'il était alors en congé de maladie. Le moyen tiré de ce que le centre hospitalier d'Hazebrouck aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 doit donc être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision litigieuse de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident, et des arrêts de travail qui ont suivi, et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

11. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier d'Hazebrouck doivent être rejetées.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le centre hospitalier d'Hazebrouck n'étant pas la partie perdante à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier d'Hazebrouck.
























DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Hazebrouck relatives aux frais liés au litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Hazebrouck.


Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Viard, présidente,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : M-P. Viard
La greffière,
Signé : A-S Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°22DA00507