Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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Conseil d'État, 5ème chambre, 01/02/2017, 396900, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur sa demande du 26 avril 2010 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la détérioration de son état de santé et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 120 000 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par l'administration à l'occasion de son admission à la retraite pour invalidité non imputable au service. Par un jugement n° 1004976 du 3 mai 2012, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 12LY02948 du 24 septembre 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de Mme A...contre ce jugement. Par une décision n° 380702 du 27 juillet 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon. Par un arrêt n° 15LY02734 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 mai 2012 puis rejeté la demande présentée devant celui-ci par MmeA.... Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 9 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public. La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de MmeA.... 1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 29 décembre 1989, modifié par un arrêté 1er juin 1990, MmeA..., professeur adjoint d'éducation physique et sportive, a été admise à la retraite, à compter du 12 décembre 1989, pour invalidité non imputable au service ; que ces arrêtés ayant été annulés par un jugement du tribunal administratif de Lille du 28 juin 1994, Mme A...a été à nouveau admise à la retraite, pour le même motif, par un arrêté du 25 septembre 1996 ; qu'une pension civile de retraite a été initialement concédée à Mme A...par arrêté du 11 décembre 1995 mais jamais mise en paiement ; que cette pension a été révisée par un arrêté du 9 juin 1997 puis, à la demande de l'intéressée, par un arrêté du 24 novembre 1997, avec effet au 25 septembre 1996 ; que ce dernier arrêté n'a pas été notifié par l'administration à Mme A...et ne l'a été que le 9 novembre 2007 par l'intermédiaire d'une assistante sociale sollicitée par l'intéressée ; que les arrérages de la pension civile de retraite ont été versés à cette dernière en mars 2009, pour la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2008 ; qu'ils lui ont également été versés pour la période du 25 septembre 1996 au 31 décembre 2002, après la décision du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat de ne pas opposer à la créance détenue par Mme A...la prescription prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ; que Mme A...a contesté la légalité de l'arrêté du 24 novembre 1997, par une demande enregistrée le 23 juin 2008, rejetée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 mars 2011, devenu définitif ; que, par un jugement du 3 mai 2012, le tribunal administratif de Lyon a également rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices résultant du retard mis par l'administration à lui notifier son titre de pension du 24 novembre 1997 et à lui verser sa pension de retraite ; que, par un arrêt du 24 septembre 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement ; que, par une décision du 27 juillet 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé cet arrêt et, d'autre part, renvoyé devant la cour le jugement de cette affaire ; que, par un arrêt du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 mai 2012 et, après avoir évoqué l'affaire, a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A...en jugeant que si l'administration avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de lui notifier le titre de pension émis le 24 novembre 1997, ce qui avait fait obstacle à la mise en paiement de sa pension civile de retraite, les négligences fautives de Mme A...étaient toutefois de nature à exonérer totalement l'administration de sa responsabilité ; que la requérante se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Lyon ; 2. Considérant qu'en jugeant que le fait que Mme A...se soit abstenue de fournir les déclarations nécessaires à la mise en paiement de la pension était constitutif d'une faute d'une gravité justifiant que l'administration soit exonérée de toute responsabilité dans le préjudice subi par l'intéressée en raison du retard de l'administration à lui notifier son titre de pension révisé et à lui payer les arrérages de sa pension de retraite, la cour administrative d'appel de Lyon a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; 3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'elle attaque ; 4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ; 5. Considérant, d'une part, que les recours formés par Mme A...contre l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 25 octobre 1995 l'admettant à la retraite et le titre de pension du 24 novembre 1997 ont été rejetés respectivement par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 13 décembre 2005 et un jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 mars 2011, devenus définitifs ; que Mme A...n'est dès lors pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices que lui aurait causés la prétendue illégalité de ces décisions ; qu'elle ne l'est pas davantage à demander l'indemnisation de la perte de revenus que lui a causée l'édiction tardive du titre de pension du 11 décembre 1995 et l'absence de mise en paiement de sa pension jusqu'au 24 septembre 1996 dès lors que sa demande, ayant le même objet, a été rejetée par le même arrêt du 13 décembre 2005 ; 6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration, en ne notifiant pas à Mme A...le titre de pension du 24 novembre 1997 et en tardant, par suite, à lui verser sa pension de retraite, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; 7. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 1, que Mme A...a perçu l'intégralité des arrérages de la pension concédée par l'arrêté du 24 novembre 1997 ; qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux justifications apportées par la requérante, une juste appréciation du préjudice matériel et moral subi par celle-ci, en raison des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence et son état de santé occasionnés par le retard mis par l'administration à lui notifier son titre de pension et à procéder au versement de cette dernière, en l'évaluant à 3 000 euros ; que toutefois, MmeA..., en s'abstenant de fournir à l'administration les déclaration nécessaires à la mise en paiement de sa pension et d'engager toute démarche pour obtenir celle-ci durant plus de dix ans, doit être regardée comme ayant commis une négligence de nature à exonérer l'administration à hauteur de la moitié de sa responsabilité ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros ; 8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à MmeA..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 décembre 2015 est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A...la somme de 1 500 euros. Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus de la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon est rejeté. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.ECLI:FR:CECHS:2017:396900.20170201
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème chambre, 30/01/2017, 396755, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B...A...a demandé au tribunal départemental des pensions de l'Hérault l'annulation de la décision n° 58-10-17577 du 5 mars 2010 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles d'ostéite rotulienne et patellectomie partielle ". Par un jugement n° 1000042 du 22 novembre 2011, le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 12/00007 du 2 décembre 2015, la cour régionale des pensions de Montpellier a annulé le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault et a fait droit à la demande de M. A...en lui accordant une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % à compter du 7 juillet 2008. Par un pourvoi, enregistré le 3 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A...; Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 6 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat, - les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public. La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M.A....1. Considérant que le ministre de la défense se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 2 décembre 2015 qui, après avoir retenu que les séquelles d'ostéite rotulienne droite et patellectomie partielle dont souffre M. A... résultent d'une blessure, lui a reconnu un droit à pension au taux de 20 % ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...). " ; qu'aux termes de l'article L.4 : " (...) Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique (...). " ; 3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...souffre de séquelles d'ostéite rotulienne droite et patellectomie, qui lui ont valu le bénéfice d'une pension entre le 10 août 1960 et le 9 août 1963 compte tenu d'un taux d'invalidité de 30 %, avant que ce taux ne soit ramené à 20 % du fait de l'évolution de l'infirmité ; que par un jugement du 26 mai 1970, le tribunal départemental des pensions de Montpellier, en retenant pour cette infirmité résultant d'une maladie un taux d'invalidité de 20 %, a, par application du seuil d'indemnisation de 30 % fixé par les dispositions rappelées ci-dessus de l'article L.4 en matière de maladies, rejeté sa demande de pension ; que ce jugement est devenu définitif ; que pour reconnaître un droit à pension à M.A..., dont le taux d'invalidité s'était stabilisé à 20 % au titre de cette même infirmité selon le rapport d'expert diligenté par la cour régionale de Montpellier, celle-ci a fait application des dispositions de l'article L.4 du même code relatives aux infirmités qui trouvent leur origine dans une blessure ; que, toutefois, en omettant de relever que la nouvelle demande de M. A...du 7 juillet 2008 avait un objet et une cause juridique identiques aux prétentions de ce dernier que le jugement du 26 mai 1970 avait rejetées, la cour régionale des pensions de Montpellier a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache au dispositif de ce jugement et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, au nombre desquels figure l'origine par maladie de l'infirmité dont souffre M. A...; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 2 décembre 2015 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 2 décembre 2015 de la cour régionale des pensions de Montpellier est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Montpellier. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M.A.... ECLI:FR:CECHS:2017:396755.20170130
Conseil d'Etat
CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 20/12/2016, 15NC02304, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'ordonner à l'administration de produire son entier dossier dont son dossier médical, d'annuler la décision du 28 mai 2013 par laquelle le gouverneur militaire de Metz a résilié son contrat d'engagement à titre disciplinaire, d'annuler la décision du 9 octobre 2013 par laquelle le chef d'état major de l'armée de terre a confirmé la décision du 28 mai 2013, d'ordonner sa réintégration juridique et sa réintégration dans ses droits à pension, d'enjoindre au ministre de la défense de lui accorder le bénéfice de l'indemnisation chômage pour perte involontaire d'emploi, de lui allouer une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant de la résiliation illégale de son contrat d'engagement, de confirmer son droit à obtenir l'indemnisation financière de l'accident de service survenu en 2011 et d'enjoindre au ministre de la défense de le convoquer devant la commission de réforme. Par un jugement n° 1302902 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 novembre 2015, M. A... B..., représenté par Me Kummer, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 septembre 2015 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 mai 2013 par laquelle le gouverneur militaire de Metz a résilié son contrat d'engagement à titre disciplinaire, ainsi que la décision du 9 octobre 2013 par laquelle le chef d'Etat-major de l'armée de terre a confirmé cette décision ; 3°) d'ordonner à l'administration de produire son entier dossier, dont son dossier médical, dans le cadre de la présente instance ; 4°) de condamner l'Etat à lui allouer une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant de la résiliation illégale de son contrat d'engagement ; 5°) de confirmer son droit à obtenir l'indemnisation financière de l'accident survenu en 2011 pendant son service ; 6°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration juridique et à sa réintégration dans ses droits à pension, de lui accorder le bénéfice de l'indemnisation chômage pour perte involontaire d'emploi et de le convoquer devant la commission de réforme ; 7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - son contrat d'engagement a été résilié sans que l'administration le mette régulièrement en demeure de reprendre le service et l'informe de ses droits et des conséquences disciplinaires d'un éventuel refus ; - l'administration n'établit pas qu'il aurait reçu les courriers des 28 février et 29 avril 2013 le mettant en demeure de reprendre son service ; - l'autorité militaire avait connaissance de ce qu'il faisait l'objet d'un arrêt pour cause de maladie dès le mois de mars 2013, avant l'envoi de la seconde mise en demeure ; - le conseil d'enquête n'a pas été consulté ; - les décisions contestées sont entachées de détournement de procédure et de pouvoir ; - elles sont entachées d'erreurs de fait et de droit dès lors qu'à l'issue de la visite médicale du 11 février 2013, il a été autorisé à s'absenter du service dans l'attente que la commission de réforme se prononce sur sa situation, puis a fait l'objet d'arrêts de travail à compter du 15 mars 2013 ; - ses conclusions indemnitaires sont recevables dès lors qu'il a présenté, par un courrier du 1er août 2013, une demande de réparation à l'administration, que celle-ci s'est abstenue de transmettre cette demande à la commission des recours des militaires, qu'il n'a pas été invité à saisir cette commission et que sa demande a été rejetée par la décision du 9 octobre 2013 ; - ses préjudices matériel et moral s'établissent à 15 000 euros ; - le tribunal administratif a omis de se prononcer sur sa demande tendant à ce que l'administration produise son dossier médical à l'instance ; - il est fondé à présenter cette demande et à solliciter qu'il soit enjoint à l'administration de le convoquer devant la commission de réforme, afin qu'il puisse faire valoir ses droits à réparation à la suite de son accident survenu en octobre 2011 ; - ces demandes ne sont pas irrecevables malgré l'absence de chiffrage de son préjudice dès lors qu'il en a rappelé les éléments d'appréciation dans sa demande préalable. Par deux mémoires en défense enregistrés le 26 juillet 2016 et le 24 octobre 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête. Le ministre de la défense fait valoir que : - les moyens de la requête au soutien des demandes d'annulation ne sont pas fondés ; - le requérant n'est pas fondé, en l'absence de faute, à demander l'indemnisation des préjudices résultant de son licenciement ; - il ne justifie ni de troubles dans ses conditions d'existence, ni d'un préjudice moral ; - les conclusions tendant à la réparation de son accident de service son irrecevables dès lors que l'intéressé a omis de saisir la commission des recours des militaires après le rejet de sa demande préalable, qu'il n'a présenté aucune demande tendant au bénéfice d'une pension d'invalidité et qu'il ne chiffre pas le montant de son préjudice ; - seul le tribunal départemental des pensions a compétence pour se prononcer sur un refus de versement de pension. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident dont M. B...a été victime au cours du mois d'octobre 2013 pendant son service dès lors que l'intéressé a saisi la juridiction sans avoir exercé un recours préalable devant la commission de recours des militaires. M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 26 mai 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice militaire ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, - et les conclusions de M. Collier, rapporteur public. 1. Considérant que M. B...a souscrit un contrat d'engagement volontaire dans l'armée de terre, pour une durée de cinq ans à compter du 4 janvier 2011, et a été affecté au premier régiment de chasseurs de Thierville-sur-Meuse en qualité de soldat, membre d'équipage d'engin blindé ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, victime d'un accident pendant son service au cours du mois d'octobre 2011, a été placé en congé de maladie de mars à juin 2012 puis de novembre 2012 à février 2013 ; que, constatant l'absence irrégulière de M. B...depuis le 19 février 2013, l'autorité militaire lui a adressé un courrier en date du 28 février 2013 le mettant en demeure de reprendre son service au plus tard le 25 mars suivant puis, par un courrier en date du 29 avril 2013, l'a de nouveau mis en demeure de se présenter au service au plus tard le 20 mai 2013 ; que M. B...n'a pas repris son service à l'issue de ces mises en demeure ; que, par une décision en date du 28 mai 2013, le gouverneur militaire de Metz a résilié le contrat d'engagement à titre disciplinaire pour abandon de poste ; que, par un courrier du 1er août 2013, le requérant a saisi, sous couvert de son conseil, le ministre de la défense d'un recours hiérarchique formé contre la décision du 28 mai 2013 et a sollicité en outre l'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident précité, survenu en octobre 2011 ; que ce recours hiérarchique a été rejeté par une décision expresse du chef d'Etat-major de l'armée de terre du 9 octobre 2013 ; que M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy l'annulation des décisions des 28 mai et 9 octobre 2013, l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la résiliation de son contrat, ainsi que la production de son dossier médical, la reconnaissance de son droit à obtenir réparation des dommages résultant de l'accident survenu pendant le service, et une mesure d'injonction aux fins que l'administration le convoque devant la commission de réforme ; que le requérant relève appel du jugement du 29 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté l'ensemble de ses demandes ; Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Considérant que si M. B...a présenté devant le tribunal administratif de Nancy une demande tendant à ce que cette juridiction ordonne à l'administration de produire son entier dossier, dont son dossier médical, et s'il reproche aux premiers juges de n'avoir pas diligenté une telle mesure d'instruction, cette demande, touchant à la conduite de l'instruction, ne saurait être regardée ni comme une conclusion ni comme un moyen sur lesquels il appartenait à la juridiction de se prononcer ; que par suite, le tribunal administratif a pu sans entacher sa décision d'irrégularité rejeter les conclusions d'annulation dont il était saisi par M. B...en se bornant à relever, à cette occasion, l'absence de nécessité présentée par la mesure d'instruction sollicitée par le requérant ; Sur les conclusions se rapportant à la résiliation du contrat d'engagement : En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-2 du code de justice militaire : " Est considéré comme déserteur à l'intérieur en temps de paix : 1° Six jours après celui de l'absence constatée, tout militaire qui s'absente sans autorisation de son corps ou détachement, de sa base ou formation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-1 du code de défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 (...) / Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : (...) 3° Les sanctions du troisième groupe sont : (...) b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-3 : " Doivent être consultés : (...) 3° Un conseil d'enquête avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-92 de ce code : " (...) En cas d'absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l'avis d'un conseil d'enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l'envoi à la dernière adresse connue du militaire d'une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste " ; 4. Considérant qu'il appartient à un militaire en situation d'absence de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail ; que pour éviter d'être en situation de désertion, le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l'administration lui a adressée ; 5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., en situation d'absence irrégulière depuis le 12 février 2013 et déclaré en situation de désertion le 19 février 2013, a été mis en demeure, par un courrier du 28 février 2013, de reprendre son service au plus tard le 25 mars suivant ; qu'il ressort du rapport établi le 25 mars 2013 par le commandant du régiment dans lequel le requérant était affecté que ce dernier a transmis au service un avis d'arrêt de travail pour la période du 15 au 31 mars 2013 ; qu'ainsi, M. B..., qui a transmis à son administration un certificat médical le plaçant en arrêt de travail avant le 25 mars 2013, date limite fixée par la mise en demeure précitée, ne pouvait plus, à la suite de cette mise en demeure, être considéré comme se trouvant situation de désertion ; 6. Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas sérieusement contesté par le ministre de la défense que le requérant a encore produit des avis d'arrêt de travail justifiant de son absence pour la période du 1er au 29 avril 2013 inclus ; que le ministre soutient avoir adressé à M. B...le 29 avril 2013 une nouvelle mise en demeure de reprendre le service, par lettre recommandée avec accusé de réception, que l'intéressé conteste expressément avoir reçue ; que, pour justifier de cette notification, l'administration produit à l'instance deux documents justifiant, respectivement, du dépôt d'une lettre recommandée n° 1A 076 846 2365 5 et de la distribution d'une lettre recommandée n° 1A 076 846 2358 7 ; que le premier document est illisible et ne justifie ni de la réception de la mise en demeure du 29 avril 2013 par M.B..., ni que celui-ci en aurait été avisé par les services de La Poste ; que le second document qui indique que M. B...a été avisé le 14 avril 2013 d'un pli qu'il n'a pas réclamé ne peut se rapporter, eu égard à la date précitée, à la mise en demeure du 29 avril 2013 ; que par suite, faute pour l'administration d'établir qu'une mise en demeure a été préalablement adressée au requérant afin de lui impartir un délai approprié pour rejoindre son service, ce dernier est fondé à soutenir que la décision du 28 mai 2013 prononçant la résiliation de son contrat d'engagement à titre disciplinaire est entachée d'illégalité ; 7. Considérant qu'il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à solliciter l'annulation de la décision du 28 mai 2013, ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de la décision du 9 octobre 2013 rejetant son recours gracieux ; En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation : 8. Considérant qu'en raison de l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision de résiliation de son contrat d'engagement au motif qu'il ne s'est pas vu impartir un délai approprié pour reprendre son poste, M. B...a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de cette mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; 9. Considérant, d'une part, que M.B..., licencié le 28 mai 2013, a été privé des revenus qu'il pouvait espérer percevoir depuis cette dernière date jusqu'au 4 janvier 2016, date prévue pour la fin de son contrat d'engagement ; qu'eu égard au montant du salaire perçu par l'intéressé lorsqu'il était en activité, lequel correspond au salaire minimum moyen, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait pu se procurer une rémunération par son travail au cours de la période d'éviction, les pertes de revenus doivent être évaluées à 36 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par le requérant en l'évaluant à 4 000 euros ; qu'ainsi, les préjudices subis par M. B...s'établissent à 40 000 euros ; 10. Considérant, d'autre part, que M. B...ne produit aucun élément de nature à justifier de ses absences à compter du 30 avril 2013, alors qu'il ne pouvait ignorer qu'il se trouvait en situation irrégulière après cette date ; que son abstention à reprendre le service et à justifier de son absence présentent un caractère fautif et ont contribué aux préjudices dont il demande réparation ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'exonérer l'administration des conséquences de sa responsabilité dans une proportion de trois quarts et d'allouer à M. B... une somme globale de 10 000 euros ; Sur les conclusions se rapportant à l'accident subi par M. B...pendant son service : 11. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense, et sous réserve des exceptions prévues au II du même article, tout recours contentieux formé par un militaire contre des actes relatifs à sa situation personnelle doit être précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif préalable, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision ayant lié le contentieux ; qu'aux termes de l'article R. 4125-2 du même code : " A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par lettre recommandée avec avis de réception adressée au secrétariat permanent placé sous l'autorité du président de la commission. / La lettre de saisine de la commission est accompagnée d'une copie de l'acte. Dans le cas d'une décision implicite de rejet, la lettre de saisine est accompagnée d'une copie de la demande (...) " ; qu'il incombe au juge, s'il est saisi par le militaire d'un recours qui n'a été valablement précédé d'aucun recours administratif préalable, de le rejeter comme irrecevable, alors même que l'administration présenterait devant lui des observations au fond ; 12. Considérant que, par un courrier du 1er août 2013, M. B...a demandé au ministre de la défense l'indemnisation des dommages résultant de l'accident survenu en service au cours du mois d'octobre 2011 ; que si le silence conservé par le ministre sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet propre à lier le contentieux, le requérant a omis, après l'intervention de cette décision, de saisir la commission de recours des militaires, ainsi qu'il était tenu de le faire avant de saisir la juridiction ; qu'ainsi, ses conclusions tendant à obtenir la réparation des conséquences dommageables de l'accident précité sont irrecevables ; 13. Considérant, en second lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser, en dehors des cas prévus par les dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, des injonctions à l'administration à titre principal ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par M. B...tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense de saisir la commission de réforme ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par M. B..., que celui-ci est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 28 mai et 9 octobre 2013 et à la réparation des conséquences dommageables résultant de ces décisions ; Sur les conclusions à fin d'injonction : 15. Considérant que l'annulation d'une décision ayant irrégulièrement évincé un agent public impose à l'autorité compétente de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé à la date de cette décision et de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière ; que le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...implique nécessairement, pour son exécution, qu'il soit enjoint au ministre de la défense de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé et à la reconstitution de ses droits sociaux, notamment ses droits à pension, pour la période du 28 mai 2013, date de l'éviction de l'intéressé, jusqu'au 4 janvier 2016, date prévue pour la fin de son contrat d'engagement ; qu'en revanche, il n'implique pas le bénéfice, pendant la période d'éviction, de l'indemnisation chômage pour perte involontaire d'emploi ; que, par suite, il y a seulement lieu d'enjoindre au ministre de la défense de procéder à la réintégration juridique du requérant et à la reconstitution de ses droits sociaux pour la période précitée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 16. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Kummer, avocate de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 1 200 euros ; D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1302902 du 29 septembre 2015 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par M. B... à fin d'annulation de la décision du 28 mai 2013 par laquelle le gouverneur militaire de Metz a résilié son contrat d'engagement à titre disciplinaire et de la décision du 9 octobre 2013 par laquelle le chef d'état major de l'armée de terre a confirmé cette décision. Article 2 : Les décisions du 28 mai 2013 et du 9 octobre 2013 sont annulées. Article 3 : Il est enjoint au ministre de la défense de procéder à la réintégration juridique du requérant et à la reconstitution de ses droits sociaux pour la période du 28 mai 2013 au 4 janvier 2016, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat est condamné à verser la somme de 10 000 (dix mille) euros à M. B.... Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1302902 du 29 septembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article précédent. Article 6 : L'Etat versera à Me Kummer une somme de 1 200 (mille deux cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que le conseil de M. B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de la défense. Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient : - Mme, président de chambre, - Mme, président-assesseur, - M., premier conseiller. Lu en audience publique, le 20 décembre 2016. Le rapporteur, Signé : Le président, Signé : Le greffier, Signé : La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : 2 N° 15NC02304
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 27/12/2016, 15MA03198,15MA04707, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I. Par une requête enregistrée le 24 octobre 2012 sous le n° 1202784, M. H... G...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 28 août 2012 par laquelle le directeur du service des pensions de La Poste et de France Telecom a rejeté sa demande de mise à la retraite pour invalidité imputable au service et d'allocation d'une rente viagère d'invalidité s'y rattachant, ainsi que les décisions la confirmant, prises sur recours gracieux, de condamner in solidum La Poste et l'Etat à lui verser une pension d'invalidité ainsi qu'une rente viagère d'invalidité à compter du 1er septembre 2012, assorties des intérêts au taux légal, de condamner in solidum La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 45 000 euros en réparation des préjudices de toute nature qu'il estime avoir subis et de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. II. Par une requête enregistrée le 5 avril 2013 sous le n° 1300855, M. G...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 4 février 2013 par laquelle le directeur opérationnel territorial courrier de la Côte d'Azur a prononcé son inaptitude physique totale et définitive avec un taux de 40 % non imputable à l'accident de service du 9 février 2010 et l'a en conséquence admis à la retraite pour invalidité au titre de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que la décision du 19 mars 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines et des relations sociales du groupe La Poste l'a admis d'office à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 2013. Par un jugement rendu le 3 juin 2015, sous le n° 1202784-1300855, le tribunal administratif de Toulon a joint ces deux requêtes, a annulé les décisions du 4 février 2013 et du 19 mars 2013, a enjoint à La Poste de réexaminer la situation de M. G...et a rejeté la requête n° 1202784. Procédure devant la Cour : I. Par une requête et des mémoires enregistrés le 30 juillet 2015, le 25 août 2016, le 12 septembre 2016, le 3 octobre 2016 et le 17 novembre 2016, sous le n° 15MA03198, La Poste, représentée par MeF..., demande à la Cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a annulé les décisions du 4 février 2013 et du 19 mars 2013, a enjoint à La Poste de réexaminer la situation de M. G...; 2°) de mettre à la charge de M.G..., la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ; - les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 29-4 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le courrier du 4 février 2013 ne faisait pas grief à M.G... ; - le directeur opérationnel territorial courrier de la Côte-d'Azur était compétent pour prendre la décision du 4 février 2013 ; - les premiers juges ne pouvaient pas annuler concomitamment la décision du 4 février 2013 et celle du 19 mars 2013 par voie de conséquence, dès lors que l'acte du 4 février 2013 ne fait pas grief à l'intéressé ; - l'appel incident de M. G...est irrecevable en ce qu'il constitue un litige de plein contentieux indemnitaire et en ce qu'il reproduit strictement la demande de première instance de l'intéressé ; - le jugement n'est entaché d'aucune erreur de droit ni d'aucune omission de statuer ; - le jugement du 30 juin 2016, du tribunal administratif de Toulouse s'est déjà prononcé sur l'absence d'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2010 ; - le moyen tendant à la reconnaissance d'une faute de service se rattache à une cause juridique nouvelle et partant, est irrecevable ; - le maintien de l'intéressé sur un poste inadapté étant antérieur à l'accident du 9 février 2010, la prescription quadriennale fait obstacle à ce que sa responsabilité soit recherchée ; - M. G...ne peut demander la condamnation de l'Etat alors que ce dernier n'est pas partie à l'instance ; - les conclusions indemnitaires tendant au versement de la prime d'invalidité sont irrecevables en ce qu'elles ne sont pas chiffrées ; - les conclusions indemnitaires dirigées contre une faute de service sont irrecevables en ce qu'elles sont nouvelles en appel et n'ont pas été précédées d'une demande préalable. Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 octobre 2015, le 29 juillet 2016, le 8 septembre 2016, le 26 septembre 2016 et le 28 octobre 2016, M.G..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, par voie d 'appel incident : 1°) d'annuler les articles 1er et 3 du jugement du 3 juin 2015 ; 2°) d'appeler l'Etat dans la cause ; 3°) d'annuler les décisions qui lui refusent l'imputabilité au service de son accident survenu le 9 février 2010 ; 4°) de mettre à la charge de La Poste une pension d'invalidité et une rente viagère d'invalidité sur la base d'un salaire brut mensuel de 1 834 euros et d'une IPP de 40%, depuis le 1er septembre 2012, assortie des intérêts de retard à compter de cette date et de la capitalisation des intérêts ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 45 000 euros, assortie des intérêts de retard et de la capitalisation des intérêts, en réparation de souffrances physiques et morales résultant de l'illégalité fautive de la décision du 19 mars 2013 ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - l'accident cardio-vasculaire dont il a été victime le 9 février 2010 est imputable au service ; - l'illégalité de la décision qui lui a refusé l'imputabilité de cet accident au service lui a causé un préjudice matériel et moral, une perte de chance d'être reclassé et de bénéficier d'une évolution normale de carrière ; - l'Etat doit être appelé dans la cause ; - le jugement du 30 juin 2016, du tribunal administratif de Toulouse ne présente aucun lien avec le jugement à l'encontre duquel il présente ses conclusions incidentes ; - son appel incident est recevable et motivé dès lors que la décision du 19 mars 2013 a un objet pécuniaire ; - le jugement du tribunal administratif est entaché d'une omission de statuer en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité au service de l'accident du 9 février 2010 ; - La Poste a engagé sa responsabilité en refusant d'adapter son poste à son handicap, ce qui a favorisé l'accident de service du 9 février 2010. Un mémoire, présenté pour La Poste, enregistré le 30 novembre 2016, n'a pas été communiqué. II. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 20 octobre 2015, le 25 mars 2016 et le 29 juillet 2016, sous le n° 15MA04707, M.G..., représenté par MeE..., demande à la Cour ; 1°) d'ordonner l'exécution du jugement du 3 juin 2015 annulant les décisions de La Poste, en ce qu'il appartient désormais à l'Etat de se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident qu'il a subi le 9 février 2010 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - seul l'Etat, qui ne s'est toujours pas prononcé sur l'imputabilité de l'accident, est compétent pour ce faire ; - le jugement du 3 juin 2015 impliquait nécessairement que La Poste réexaminât sa situation ; - la décision du 21 juillet 2015 prise par La Poste, qui est identique à celles annulées par le jugement du 3 juin 2015, est entachée d'incompétence ; - le jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse ne présente pas de lien avec le présent litige. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2016, La Poste, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M.G..., au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que le jugement a été pleinement exécuté par la décision 21 juillet 2015. Par deux mémoires, enregistrés le 11 mars 2016 et le 19 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics s'associe aux observations et conclusions présentées par La Poste et produit, à l'attention de la Cour, le jugement n° 1302823 du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coutel, - les conclusions de M. Argoud, rapporteur public, - et les observations de MeA..., substituant MeF..., représentant La Poste. Sur la jonction : 1. Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 15MA03198 et 15MA04707 présentent à juger des questions semblables ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ; Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué : En ce qui concerne la compétence de l'auteur des décisions du 3 février 2013 et du 19 mars 2013 : 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaire de retraite dans sa rédaction alors applicable : " (...) La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances.(...) " ; qu'aux termes de l'article 29-4 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, dans sa version alors applicable: " (...) A compter du 1er mars 2010, les corps de fonctionnaires de La Poste sont rattachés à la société anonyme La Poste et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Ce dernier peut déléguer ses pouvoirs de nomination et de gestion et en autoriser la subdélégation dans les conditions de forme, de procédure et de délai déterminées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret n°2010-191 du 26 février 2010 dans sa rédaction alors applicable : " Le président du conseil d'administration de La Poste recrute et nomme les fonctionnaires sur les emplois de la société ; il assure la gestion des personnels fonctionnaires " (...) ; qu'aux termes de l'article 6 de ce même décret : Dans les matières mentionnées au premier alinéa de l'article 5, le président du conseil d'administration de La Poste peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs, à l'exception des décisions de révocation, à des responsables centraux ou de services déconcentrés de La Poste placés sous son autorité (...) Dans les conditions qu'elles déterminent, les décisions prises en vertu du premier alinéa peuvent prévoir que les pouvoirs délégués sont susceptibles de faire l'objet de subdélégations successives au profit de responsables centraux ou de services déconcentrés placés sous l'autorité des subdélégataires (...) " ; 3. Considérant que, si les dispositions de l'article 31 du code des pensions civiles et militaires impliquent que la reconnaissance de l'imputabilité au service ne peut résulter que d'une décision émanant du ministre dont relève l'agent et du ministre des finances, elles ne font pas obstacle à ce que le ministre dont relève l'agent rejette seul une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service ; qu'il appartient au ministre investi du pouvoir de nomination de prononcer, en application de l'article L. 29 du code précité, la radiation des cadres d'un fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions, en raison d'une infirmité ne résultant pas du service ; 4. Considérant toutefois qu'il résulte de la combinaison des dispositions du code précité et de la loi du 2 juillet 1990 que, désormais, le président du conseil d'administration de la Poste peut prendre toutes décisions procédant de la nomination et de la gestion de la carrière des fonctionnaires rattachées à la société anonyme La Poste ; qu'il peut également décider de toute admission à la retraite de ces agents lorsque l'invalidité n'est pas imputable au service et rejeter seul une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service ; 5. Considérant que, par une décision n° 299-25 du 25 octobre 2012, le président directeur général de La Poste a consenti une délégation de pouvoir à la directrice générale adjointe, directrice des ressources humaines et des relations sociales, aux fins notamment, de prendre toutes mesures relatives au recrutement, à la nomination, à la gestion, à la discipline, à la cessation de fonctions et à la rupture du contrat de travail ; que, par une décision n° 280-02 du 7 octobre 2011 délégation de pouvoir a été consentie par le président de La Poste, au directeur général du courrier ; que, par une décision n° 299-33 du 25 octobre 2012, la directrice des ressources humaines et des relations sociales a délégué sa signature à M.D..., directeur du secrétariat général du siège ou, en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, à Mme B...C..., pour tous les actes portant admission à la retraite de l'ensemble du personnel de La Poste ; que, dans ces conditions, le directeur opérationnel territorial courrier de la Côte d'Azur et Mme B...C..., dès lors que l'absence ou l'empêchement de ce directeur n'est pas contestée, pouvaient respectivement signer la décision du 4 février 2013 reconnaissant l'inaptitude totale et définitive de l'intéressé non imputable au service ainsi que la décision portant admission à la retraite de M.G... pour invalidité non imputable au service ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a annulé ces décisions au motif qu'elle étaient entachées d'incompétence de leur auteur ; 6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G...tant, devant le tribunal administratif de Toulon, que devant elle ; S'agissant du défaut de transmission du dossier médical de M.G... : 7. Considérant qu'aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable à la date du 19 mars 2013 : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux (...) " ; que, par un courrier du 27 décembre 2012, La Poste a informé M. G...de ce que la commission de réforme se tiendrait le 15 janvier 2013 et, qu'à ce titre, il avait la possibilité de prendre connaissance personnellement ou par l'intermédiaire d'un représentant, de la partie administrative de son dossier et des conclusions des rapports établis par les médecins agréés aux fins de présenter des observations écrites et des certificats médicaux ; que, dans ces conditions, M. G...n'est pas fondé à soutenir que La Poste aurait méconnu les dispositions citées de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 qui organisent le caractère contradictoire de la procédure au terme de laquelle la décision du 19 mars 2013 a été prise ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a annulé les décisions du 4 février 2013 et du 19 mars 2013 ; En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par La Poste à l'appel incident de M.G... : 9. Considérant que l'appel principal de La Poste porte uniquement sur l'annulation, prononcée par le tribunal administratif, des décisions du 4 février 2013 et du 19 mars 2013, lesquelles n'ont pas un objet pécuniaire, contrairement à ce que fait valoir M. G..., et sur l'injonction adressée à La Poste de réexaminer la situation de M. G...; qu'en conséquence, les conclusions de ce dernier formées dans son mémoire en défense du 20 octobre 2015, soit après l'expiration du délai d'appel, et qui tendent exclusivement à une condamnation pécuniaire, ont trait à un litige distinct de l'appel principal et doivent être rejetées pour ce motif ; En ce qui concerne les conclusions présentées par M. G...tendant à l'exécution du jugement du jugement du 3 juin 2015 du tribunal administratif de Toulon : 10. Considérant que par le présent arrêt, la Cour annule le jugement dont il est demandé l'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à l'exécution de ce jugement sont dépourvues d'objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. G...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G...le versement à La Poste de la somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions ; D É C I D E Article 1er : Le jugement n° 1202784-1300855 est annulé en tant qu'il prononce l'annulation des décisions du 4 février 2013 et du 19 mars 2013 et qu'il ordonne le réexamen de la situation de M.G.... Article 2 : La demande présentée par M. G...devant le tribunal administratif de Toulon tendant à l'annulation des décisions du 4 février 2013 et du 19 mars 2013 et au réexamen de sa situation et ses conclusions présentées devant la Cour, sont rejetées. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. G...tendant à l'exécution du jugement du 3 juin 2015 du tribunal administratif de Toulon. Article 4 : M. G...versera la somme de 2 000 euros à la société La Poste, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste, à M. H...G...et au ministre de l'économie et des finances. Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, où siégeaient : - M. Gonzales, président, - M. Renouf, président assesseur, - M. Coutel, premier conseiller. Lu en audience publique, le 27 décembre 2016. N° 15MA03198, 15MA04707 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 27/12/2016, 15MA04744, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle La Poste a rejeté sa demande formée le 24 février 2013 contre la décision de placement en retraite pour invalidité en date du 18 février 2013 ainsi que la décision en date du 6 juin 2013 par laquelle La Poste a refusé de lui octroyer une allocation temporaire d'invalidité, de condamner La Poste à lui verser la somme de 632 883 euros, en réparation des préjudices économique, financier et moral ainsi que de la perte des droits à la retraite qu'elle estime avoir subis, d'ordonner une expertise afin d'établir les dates et les taux d'incapacité et d'invalidité dont elle est atteinte et de préciser l'imputabilité au service de ses infirmités et d'enjoindre à La Poste de reconstituer sa carrière, de la placer en congés de longue maladie ou de longue durée pendant les périodes où elle a été placée en disponibilité d'office, de lui verser une allocation temporaire d'invalidité et de mettre à la charge de La Poste, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le versement de la somme de 3 000 euros. Par un jugement n° 1304115, 1401325 du 12 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 décembre 2015 et 4 mai 2016 Mme E... C...épouseD..., représentée par MeA..., demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 1304115, 1401325 du 12 octobre 2015 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler les décisions attaquées ; 3°) d'enjoindre à l'administration de calculer et payer les indemnités dues au titre de l'allocation temporaire d'invalidité à compter de l'accident de service de septembre 2004 et en tenant compte des conséquences psychologiques de l'accident, ou, à défaut de condamner l'administration à lui verser les sommes de 6 237 euros au titre de l'accident de 2004, et de 6 531 ,84 euros au titre de l'aggravation de 2008 pour la période du 3 décembre 2009 au 24 novembre 2013 ; 4°) de fixer la rente viagère à laquelle elle aurait eu droit par transformation de son allocation temporaire d'invalidité en pension, en tenant compte de la date à laquelle elle aurait dû être admise à la retraite ; 5°) d'ordonner la reconstitution de sa carrière et son placement en congé de longue maladie ou de longue durée pour les périodes d'indisponibilité, eu égard aux différentes pathologies dont elle a souffert ; 6°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer les dates et taux d'incapacité et d'invalidité dont elle a été atteinte durant sa carrière à La Poste, et de préciser l'imputabilité des différentes infirmités, et la qualification des différentes périodes d'arrêt de travail, ou tout autre mesure d'instruction utile aux débats ; 7°) de condamner La Poste à lui verser les sommes de 90 180 euros au titre de la reconstitution de carrière, 211 140 euros au titre de la perte de carrière induite par une mise à la retraite anticipée, 247 563 euros au titre de la perte dues au taux réduit des pensions de retraites perçues, 54 000 euros au titre de la majoration de ses cotisations d'assurance d'emprunt immobilier, et 30 000 euros au titre de son préjudice moral ; 8°) de mettre à la charge de La Poste, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le versement de la somme de 5 000 euros. Elle soutient que : - elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense ; - la compétence technique de la signataire des décisions attaquées et des médecins experts et membres de la commission de réforme ne paraît pas suffisante ; - en l'absence de consultation de la commission de reclassement, réadaptation et réorientation, et du comité médical supérieur, ces décisions sont entachées de vices de procédure ; - La Poste a méconnu les textes concernant les congés de longue maladie et les congés de longue durée ; - elle n'a pas bénéficié, avant d'être placée en disponibilité, de la totalité des congés de maladie auxquels sa situation ouvrait droit ; - les importants manquements de La Poste qui n'a notamment respecté ni les préconisations de la médecine de prévention, ni un temps de réadaptation professionnelle et n'a organisé aucune visite de reprise sont la cause de sa mise en invalidité ; - l'administration a commis un détournement de procédure en utilisant l'inaptitude de son agent et en manipulant les données résultant des certificats médicaux ; - elle a commis des erreurs de fait dans l'interprétation des certificats médicaux et des expertises, comme le démontre l'aggravation de son état de santé depuis qu'elle travaille à La Poste ; - le comportement de La Poste à son égard est constitutif de harcèlement ; - elle aurait pu prétendre à une allocation temporaire d'invalidité dès son accident de service de 2004 et subit un préjudice financier ; - son placement en disponibilité a fait naître un préjudice financier ; - une expertise permettrait de faire la lumière sur les contradictions entre les différents éléments médicaux fournis, tant sur la question de l'imputabilité des affections au service, que sur celle du taux d'invalidité retenu. Par un mémoire enregistré le 24 mars 2016, La Poste, représentée par MeB..., conclut à titre principal à l'irrecevabilité, à titre subsidiaire au rejet de la requête et à la condamnation de Mme C... épouseD..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au versement de la somme de 3 000 euros. La Poste fait valoir que : - la requête est dépourvue de moyens et les demandes sont peu compréhensibles, et elle méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - la requête est tardive ; - les moyens sont imprécis et infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 modifié par le décret n° 2000-832 du 29 août 2000 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Schaegis, - les conclusions de M. Argoud, rapporteur public, - et les observations de Me A..., représentant Mme C...épouseD..., et de Me B... représentant La Poste. 1. Considérant que Mme C... épouse D...a exercé les fonctions de guichetière à La Poste depuis le 14 novembre 1989, successivement dans des bureaux situés à Paris, Marseille, Aix-en-Provence puis Venelles ; qu'elle a été victime, le 2 septembre 2004 et le 24 septembre 2008, de deux accidents reconnus comme étant imputables au service ; que, par une décision du 20 septembre 2011, le directeur de La Poste a, d'une part, fixé la date de consolidation des conséquences du premier de ces accidents au 2 septembre 2005 et lui a accordé à ce titre un taux d'invalidité permanente partielle de 3%, d'autre part, fixé la date de consolidation des conséquences du second au 3 décembre 2009 et lui a accordé à ce titre un taux d'invalidité permanente partielle de 5% ; que Mme D... relève appel du jugement du 12 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de La Poste qui a rejeté sa demande formée le 24 février 2013 contre la décision de placement en retraite pour invalidité en date du 18 février 2013, ainsi que la décision du 6 juin 2013 par laquelle La Poste a refusé de lui octroyer une allocation temporaire d'invalidité, de condamner La Poste à lui verser la somme de 632 883 euros en réparation de préjudices économique, financier et moral ainsi que du préjudice lié à la perte de droits à la retraite, qu'elle estime avoir subis, d'ordonner une expertise afin d'établir les dates et les taux d'incapacité et d'invalidité dont elle est atteinte et de préciser l'imputabilité au service de ses infirmités et d'enjoindre à La Poste de reconstituer sa carrière, de la placer en congés de longue maladie ou de longue durée pendant les périodes où elle a été placée en disponibilité d'office, et de lui verser une allocation temporaire d'invalidité ; qu'elle demande à la Cour de réformer ce jugement ; que, compte tenu de l'existence d'un autre recours dirigé contre la décision de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de la décision du 18 février 2013, ses conclusions doivent être regardées comme tendant également à l'annulation de la seule décision du 6 juin 2013 ; qu'elle conclut en outre à ce que le tribunal prenne des mesures d'injonction en conséquence de cette annulation, ordonne, si nécessaire, une expertise ou toute autre mesure d'instruction utile au débat et condamne La Poste à lui verser diverses sommes au titre de ses préjudices ; Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 2. Considérant qu'en se bornant à déplorer le fait d'avoir manqué de temps pour répondre au mémoire en défense de La Poste en première instance, l'appelante n'établit pas que le déroulement de l'instruction aurait entraîné des conséquences révélant une irrégularité de nature à affecter le jugement entrepris ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter ce moyen ; En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10% ( ...) peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 susvisé, dans sa rédaction issue du décret n° 84-960 du 25 octobre 1984 : " L' allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10% (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 dudit décret : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciées par la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre de l'économie et des finances " ; 4. Considérant, d'une part, que les séquelles dont souffre Mme D... à la suite de ses deux accidents de services de 2004 et 2008 ont été arrêtées à des taux de 3% et 5% par une décision de La Poste en date du 20 septembre 2011 ; que, par un arrêt devenu définitif, n° 14MA03922, en date du 31 mai 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté une requête de Mme D... tendant à l'annulation de cette décision ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à contester les taux retenus ; 5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées que l'allocation temporaire d'invalidité ne peut être accordée que lorsque la somme des taux d'invalidité résultant d'un accident de service est supérieure à 10% ; qu'en l'espèce, le total des deux taux étant égal à 8%, La Poste ne pouvait que refuser le bénéfice de cette prestation à MmeD... ; 6. Considérant que si Mme D... soutient en outre que la cause de son invalidité résiderait dans les manquements de son employeur qui n'aurait notamment respecté ni les préconisations de la médecine de prévention, ni le temps de réadaptation professionnelle nécessaire à la suite de ses arrêts de travail, et n'aurait pas organisé de visite de reprise, ces circonstances, à les supposer établies, sont sans incidence sur le présent litige qui concerne exclusivement le refus de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité ; que, de même, la question de la régularité des décisions la plaçant en disponibilité est sans incidence sur le présent litige ; 7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste étant tenue de refuser d'accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité à son agent, les autres moyens d'annulation de la requête, au demeurant dépourvus de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, sont inopérants ; 8. Considérant que dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 juin 2013, et, par voie de conséquence, l'ensemble des conclusions tendant un prononcé de mesures d'injonction ; Sur les conclusions à fin d'indemnisation : 9. Considérant, en premier lieu, qu'en conséquence de ce qui précède, la requérante n'est pas fondée à soutenir que La Poste aurait commis une faute résultant de l'illégalité de la décision attaquée ; 10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; que Mme D... soutient que le comportement de La Poste à son égard serait constitutif de harcèlement moral ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement, et qu'il incombe ensuite à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; qu'en l'espèce, il ressort de l'instruction que la requérante ne fait état, à l'appui de ses allégations, que de son affectation à Venelles, qu'elle estime inappropriée, et de la méconnaissance par La Poste de son état de santé ; que ces faits, à les supposer établis, ne sont pas de nature à révéler une situation de harcèlement moral au sens des dispositions précitées ; 11. Considérant que les fautes invoquées par la requérante ne sont pas établies ; que c'est donc à tort qu'elle recherche la responsabilité de La Poste pour les préjudices qu'elle invoque ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'indemnisation de sa requête ; 12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de condamner la requérante à verser à La Poste la somme de 1 500 euros à ce titre ; D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... épouse D...est rejetée. Article 2 : Mme C... épouse D...versera à La Poste la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...épouse D...et à La Poste. Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, où siégeaient : - M. Gonzales, président, - M. Renouf, président assesseur, - Mme Schaegis, première conseillère. Lu en audience publique, le 27 décembre 2016. N° 15MA04744 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 9ème chambre - formation à 3, 06/01/2017, 15MA02014, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, deux arrêtés du 8 janvier 2014 par lesquels le président du syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) du Haut Taravo a respectivement fixé au 8 mars 2013 la date de consolidation de son état de santé et l'a placé en état de congé ordinaire à compter du 9 mars 2013 et, d'autre part, l'arrêté du 23 juillet 2014 par lequel le président de cet établissement public l'a placé en position de disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014 pour raisons de santé. Par un jugement n° 1400814 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Bastia a, en son article 1er, annulé l'arrêté précité du 23 juillet 2014, en son article 2, enjoint, au SIVOM du Haut Taravo sous astreinte de reconstituer la carrière de M. D... et, son article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. D.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 mai 2015, le SIVOM du Haut Taravo, représenté par Me A..., demande à la Cour : 1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Bastia ; 2°) de rejeter la demande de M. D... ; 3°) de mettre à la charge de M. D... le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le médecin agréé a clairement affirmé que l'inaptitude du requérant à exercer ses fonctions résulte de la pathologie de l'épaule gauche sans lien avec l'accident de service ; - le comité médical s'est prononcé sur l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressé ; - il était tenu de le placer d'office en disponibilité pour régulariser sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2015, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce que la Cour procède à l'exécution du jugement en liquidant l'astreinte ordonnée par le jugement attaqué et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du SIVOM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - l'administration ne pouvait pas le placer en disponibilité d'office sans que la commission de réforme ne se prononce à nouveau sur son cas ; - il devait être mis à la retraite et non placé en disponibilité d'office en application du 2° de l'article 54 de la loi du 26 janvier 1984 ; - la dégradation de son état de santé, et notamment sa pathologie à l'épaule droite, est directement imputable à son accident de service ; - le SIVOM ne lui a pas fait de proposition de poste aménagé ; - l'astreinte de 100 euros par jour de retard devra être liquidée à compter du 20 avril 2015 jusqu'à la date de lecture du présent arrêt. Par un courrier du 6 décembre 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la Cour pour statuer sur les conclusions d'appel de M. D... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Bastia. Un mémoire, présenté pour le SIVOM du Haut Taravo en réponse à ce moyen d'ordre public, a été enregistré le 6 décembre 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Carassic, - et les conclusions de M. Roux, rapporteur public. 1. Considérant que, le 9 juillet 2009, M. D..., agent technique titulaire du SIVOM du Haut Taravo, employé comme éboueur, a chuté du camion benne au cours de la tournée qu'il effectuait ; que cette chute lui a occasionné la rupture du tendon de l'épaule droite ; qu'il a été placé en accident de service du 9 juillet 2009 au 28 février 2010 ; qu'à la suite d'une expertise médicale fixant la consolidation de son état de santé au 1er mars 2010 et de l'avis de la commission de réforme favorable à l'aptitude à la reprise, le président du SIVOM du Haut Taravo a, par une décision du 27 avril 2010, demandé à M. D... de reprendre ses fonctions ; que, du 6 juin 2010 au 5 juin 2011, l'intéressé a été placé en congé ordinaire de maladie par différents arrêtés successifs ; que, par arrêté du 29 juin 2011, le président du SIVOM du Haut Taravo, constatant la fin des droits à congé de maladie, a placé l'intéressé en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 6 juin 2011 ; que, saisi par M. D..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a, par jugement n° 1100478 du 12 janvier 2012 devenu définitif après la non admission, le 8 mars 2013, par le Conseil d'Etat du pourvoi intenté par le SIVOM, annulé ces deux décisions, au motif que les arrêts de travail dont il avait bénéficié depuis le 6 juin 2010 étaient en lien avec l'accident de service du 9 juillet 2009 ; que, par arrêté du 10 juin 2013, le président du SIVOM a placé l'intéressé en prolongation d'accident de service à compter du 1er mars 2010 ; que le médecin agréé, saisi par le SIVOM, a, le 4 octobre 2013, fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. D... au 8 mars 2013 et a conclu à sa mise à la retraite pour invalidité fonctionnelle totale et définitive non imputable au service ; que la commission de réforme, dans son avis du 19 décembre 2013, a confirmé la date de consolidation au 8 mars 2013, a indiqué que les congés ultérieurs devaient être pris au titre des congés ordinaires de maladie et a proposé une mise à la retraite pour invalidité non imputable au service ; que, par deux arrêtés du 8 janvier 2014, le président du SIVOM du Haut Taravo a fixé respectivement au 8 mars 2013 la date de consolidation de l'état de santé de l'agent et l'a placé en état de congé ordinaire à plein traitement du 9 mars 2013 au 7 juin 2013 et à demi traitement à compter du 8 juin 2013 ; que, par l'arrêté en litige du 23 juillet 2014, le président du SIVOM a placé M. D... en disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme sur son taux d'invalidité en vue de sa mise à la retraite pour invalidité ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté comme irrecevable pour tardiveté la demande de M. D... dirigée contre les arrêtés du 8 janvier 2014 et a annulé, en son article 1er , l'arrêté du 23 juillet 2014 du président du SIVOM plaçant l'intéressé en position de disponibilité d'office et a enjoint, en son article 2, au SIVOM du Haut Taravo, sous astreinte, de reconstituer la carrière de M. D... ; que le SIVOM demande l'annulation des articles 1er et 2 de ce jugement ; que M. D... demande, pour sa part, la liquidation de l'astreinte prononcée par les premiers juges ; Sur les conclusions d'appel de M. D... tendant à la liquidation de l'astreinte : 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée (...) " ; que la liquidation de l'astreinte à laquelle procède le juge se rattache à la même instance contentieuse que celle qui a été ouverte par la demande d'astreinte dont elle est le simple prolongement procédural ; que, dès lors, il n'appartient qu'aux premiers juges, qui ont assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard l'injonction faite au SIVOM du Haut Taravo de reconstituer la carrière de leur agent dans le délai d'un mois, de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à ce que cette astreinte soit liquidée ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer ces conclusions de M. D... au tribunal administratif de Bastia pour qu'il y statue ; Sur le bien fondé du jugement attaqué : 3. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...)Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) " ; que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ; 4. Considérant que le SIVOM, pour soutenir en appel que l'inaptitude définitive de M. D... ne résulte pas de l'accident de service du 9 juillet 2009, se fonde sur le rapport du 4 octobre 2013 du médecin agréé saisi par le président du syndicat; que ce rapport note l'absence d'état antérieur, retient l'existence d'une lésion du sus-épineux de l'épaule droite et conclut à une pathologie articulaire bilatérale des membres supérieurs qui présente un lien direct, même non exclusif, avec son accident de service ; que, surtout, l'expert désigné par l'ordonnance du 17 novembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia indique dans son rapport du 17 janvier 2015 que le déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident de service est constitué par une raideur douloureuse marquée de l'épaule droite dominante, qu'il évalue à 15 % compte tenu de l'état antérieur et précise qu'en raison des différentes pathologies présentées, l'invalidité professionnelle de la victime peut être évaluée à 50 % dont la moitié (25 %) est imputable aux séquelles de l'accident du travail de l'épaule droite d'un travailleur manuel et que l'état de la victime est stabilisé ; que, dans ces conditions, et alors même que la commission de réforme dans son avis du 19 décembre 2013, qui ne lie pas l'administration, a déclaré être favorable à la mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, l'inaptitude totale et définitive de M. D... doit être regardée comme présentant un lien direct avec son accident de service ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le président du SIVOM du Haut Taravo ne pouvait légalement placer M. D..., par la décision en litige du 23 juillet 2014, en position de disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014 et qu'ils ont annulé, pour ce motif, cette décision ; 5. Considérant, enfin, que le tribunal administratif de Bastia a estimé que l'annulation qu'il prononçait impliquait nécessairement la reconstitution de la carrière de M. D..., soit notamment l'octroi de congés ordinaires à plein traitement à compter du 10 mars 2014 puis sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 23 juillet 2014 et a , par l'article 2 de son jugement, enjoint, sous astreinte, au SIVOM d'y procéder ; qu'en appel, le SIVOM du Haut Taravo n'articule aucun moyen de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'injonction ainsi prononcée par les premiers juges ; 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SIVOM du Haut Taravo n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 juillet 2014 plaçant M. D... en position de disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014 et a enjoint au SIVOM du Haut Taravo, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de reconstituer la carrière de M. D... dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement en lui octroyant notamment des congés ordinaires à plein traitement à compter du 10 mars 2014 puis en le plaçant à la retraite imputable au service à compter du 23 juillet 2014 ; Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la présente instance : 7. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande le SIVOM du Haut Taravo au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SIVOM du Haut Taravo la somme de 2 000 euros à verser à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; D É C I D E : Article 1er : Les conclusions de M. D... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par l'article 2 du jugement du 19 mars 2015 sont renvoyées au tribunal administratif de Bastia. Article 2 : La requête du SIVOM du Haut Taravo est rejetée. Article 3 : Le SIVOM du Haut Taravo versera à M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au SIVOM du Haut Taravo et à M. C... D.... Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, où siégeaient : - Mme Buccafurri, présidente, - M. Portail, président-assesseur, - Mme Carassic, première conseillère. Lu en audience publique, le 6 janvier 2017. 2 N° 15MA02014
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/01/2017, 14LY03956, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A...C..., M. E...C...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 14 octobre 2013 par laquelle le directeur du centre Hospitalier de Murat a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime leur épouse et mère, Mme F...C..., le 11 juillet 2010, d'enjoindre au directeur de ce centre hospitalier de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident et de condamner ledit centre hospitalier à leur payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1301940 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à leurs conclusions et a condamné le centre hospitalier de Murat à leur payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour Par une requête n° 14LY03956 enregistrée le 23 décembre 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 juin 2015, le centre hospitalier de Murat, représenté par Me Laurent, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand par les consorts C...; 3°) de condamner les consorts C...à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient : - qu'il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que MmeC..., qui n'avait jamais fait part d'aucune souffrance au travail, se serait plainte, y compris le jour de l'accident, d'un mal être ou d'agissements qui l'auraient conduite à se suicider ; - que cet accident est détachable du service ; en effet, aucune poursuite pénale n'a été engagée malgré la plainte déposée par les ayants-droit, et aucun signalement n'a été effectué par le médecin du travail qui l'a déclarée apte sans aucune réserve à l'occasion de la dernière visite du 30 novembre 2009 alors qu'elle était déjà affectée au sein du service où elle travaillait au moment de l'accident ; - que MmeC..., recrutée en 1977, ne s'est jamais plainte à la direction de l'établissement et n'a jamais exprimé le souhait de changer de service ; que, depuis 1995, elle n'a jamais bénéficié d'arrêt de maladie ; qu'elle n'a jamais déclaré "d'évènement indésirable", alors que cette procédure existe dans l'établissement depuis au moins 2007 ; - que ni les délégués du personnel, ni le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement, ni aucun des membres du CHSCT, n'a jamais été informé de difficultés qu'aurait pu rencontrer Mme C...dans le cadre de son travail ou de harcèlement qu'elle aurait pu subir de la part de certains patients du service dans lequel elle était affectée ; - qu'elle travaille en équipe et que ses collègues n'ont jamais signalé de difficulté qu'elle pourrait avoir rencontrée ; - que la résidente de l'établissement avec laquelle des problèmes ont été évoqués était présente depuis deux ans dans le service au moment de la dernière visite médicale de travail, à l'occasion de laquelle Mme C...n'a pas fait état de difficulté particulière, alors même que cette visite médicale était centrée sur les difficultés au travail ; que par ailleurs, la fille de la pensionnaire en question, interrogée par la gendarmerie, a déclaré n'avoir jamais exercé le moindre harcèlement à l'encontre de Mme C...; - que, contrairement à ce qu'ont affirmé les demandeurs devant le tribunal administratif, aucun problème d'effectif ou de surcharge de travail ne peut être relevé au sein de l'établissement, qui fonctionne avec un ratio agent/lit de 0,67 équivalent temps plein, alors que le ratio des autres établissements comparables du Cantal se situe entre 0,62 et 0,65 ; - qu'il n'est pas non plus admissible de la part des demandeurs d'avoir fait état d'une prétendue précédente tentative de suicide d'une autre personne sur les lieux de travail alors que la personne en cause, qui n'a jamais déclaré d'accident de service, avait indiqué à l'époque avoir été victime d'une chute dans les escaliers de son domicile personnel ; - que cet accident se détache donc du service et que c'est à tort que le tribunal, qui n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés, a considéré que le suicide de Mme C...constituait un accident de service. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2015, MM. A...et E...C...et G...C..., représentés par Me Cannone, avocat, concluent au rejet de la requête et à la condamnation du centre hospitalier de Murat à leur payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir : - que le centre hospitalier reprend en appel la même argumentation qu'en première instance ; - que l'enquête pénale à laquelle il a été procédé a permis de révéler des éléments troublants, notamment l'existence de pressions subies par Mme C...; - que le 15 mai 2014, le procureur de la république a ouvert une information judiciaire pour homicide involontaire ; que les conclusions du centre hospitalier sur l'absence de poursuites sont donc hâtives ; - que l'accident s'étant produit sur le lieu de travail et pendant le service, le tribunal en a exactement déduit qu'il était imputable au service ; que le centre hospitalier ne fait pas la preuve que cet accident constitue un évènement détachable du service ; - que les éléments du dossier montrent que le suicide de Mme C...est imputable au service ; - qu'en particulier, les circonstances démontrent symboliquement la volonté de Mme C...de dénoncer des faits existant au sein de cet établissement ; - que le médecin du travail a été d'avis que l'accident est imputable au service ; - que les témoignages recueillis, notamment auprès de ses collègues montrent que Mme C...subissait des pressions de la part de certains patients, ce dont le directeur de l'établissement avait été informé, même si elle n'en avait pas fait part par écrit ; - que le centre hospitalier ne peut, comme il le fait, prétendre n'avoir découvert les tensions existant au sein du service qu'après les faits et dénier tout lien entre ceux-ci et le service pour tenter de se soustraire à sa responsabilité. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-François Alfonsi, président, - les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public, - et les observations de MeB..., pour le centre hospitalier de Murat ; 1. Considérant que par sa requête susvisée, le centre hospitalier de Murat relève appel du jugement du 30 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir annulé la décision du 14 octobre 2013 de son directeur refusant de reconnaître l'imputabilité au service du décès par suicide de Mme F...C...le 11 juillet 2010, lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) " ; 3. Considérant qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service ; qu'il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service ; qu'il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ; 4. Considérant que le suicide de Mme F...C..., survenu le 11 juillet 2010 sur le lieu et dans le temps du service doit, en vertu de la règle qui vient d'être rappelée, être regardé comme présentant le caractère d'un accident de service à moins qu'il ressorte des éléments soumis à l'appréciation de la cour qu'il ait eu pour cause une faute de sa part ou qu'il soit la conséquence d'une ou plusieurs circonstances particulières le détachant du service ; 5. Considérant qu'en se bornant à se prévaloir de l'absence de toute information portée à la connaissance de la direction de l'établissement antérieurement à l'accident, soit directement, soit par l'intermédiaire du médecin du travail ou des instances représentatives du personnel compétentes en matière d'hygiène et de sécurité, faisant apparaître que l'intéressée aurait pu connaître des difficultés dans l'accomplissement de ses obligations professionnelles, le centre hospitalier de Murat n'apporte aucun élément permettant de considérer que, comme il le soutient, le suicide de Mme C...trouverait sa cause dans des circonstances particulières étrangères au service ; 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Murat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de son directeur refusant de reconnaître l'imputabilité au service du suicide de Mme F...C...et lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de cet accident dans un délai d'un mois ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative : 7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les consortsC..., qui ne sont pas partie perdante, soient condamnés à rembourser au centre hospitalier de Murat les frais, non compris dans les dépens, qu'il a exposés à l'occasion de la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner ledit centre hospitalier à payer aux défendeurs une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ; DECIDE : Article 1er : La requête susvisée du centre hospitalier de Murat est rejetée. Article 2 : Le centre hospitalier de Murat paiera à M. A...C..., M. E...C...et Mme D... C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Murat, à M. A...C..., à M. E... C...et à Mme D...C.... Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient : - M. Jean-François Alfonsi, président de chambre, - Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller, - M. Samuel Deliancourt, premier conseiller. Lu en audience publique le 3 janvier 2017. 5 N° 14LY03956
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 20/12/2016, 15VE00365, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision par laquelle le ministre du budget a implicitement rejeté sa demande du 15 décembre 2011 tendant à la reconstitution de sa carrière pour la période du 1er mars 2007 au 1er septembre 2010 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 79 122 euros en réparation des préjudices subis à raison de son éviction illégale et au titre de rappels de rémunération. Par un jugement n° 1203360 - 1203361 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à ses conclusions à fin d'annulation et a rejeté ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 février 2015 et le 25 octobre 2016, Mme A..., représentée par Me Bousquet, avocat, demande à la Cour : 1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; 2° de faire droit à ses conclusions indemnitaires de première instance ; 3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision du 1er mars 2007 par laquelle elle a été radiée des cadres au motif de son inaptitude totale et définitive est entachée d'erreur d'appréciation ; cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de l'administration ; - elle a subi un préjudice financier correspondant à la perte de son traitement à hauteur de 59 122 euros et des troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 20 000 euros. .................................................................................................................. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Guibé, - et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public. 1. Considérant que, par arrêté du 2 avril 2008, MmeA..., agent administratif des finances publiques de 1ère classe, a été radiée des cadres à compter du 1er mars 2007 à raison de son inaptitude physique à l'exercice de ses fonctions ; que, par un arrêté du 28 mai 2010, le ministre du budget a " rapporté " l'arrêté du 2 avril 2008 ; que Mme A...a été réintégrée à compter du 1er septembre 2010 ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) " ; que selon l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances. " ; 3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme a, lors de sa séance du 18 mars 2008, estimé que Mme A...était définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions au vu d'un rapport d'expertise médicale du 8 février 2008, dont les conclusions ont été confirmées par une deuxième expertise réalisée le 9 octobre 2009 ; qu'une contre-expertise réalisée le 10 novembre 2009 a toutefois conclu que l'état de Mme A...n'était pas incompatible avec une activité professionnelle d'agent d'administration prenant en compte son handicap physique, en particulier la nécessité de l'usage permanent du fauteuil et un accès aux moyens spécifiques indispensables aux personnes handicapées ; que Mme A...a été effectivement réintégrée dans les fonctions d'agent administratif des finances publiques à compter du 1er septembre 2010 ; que, par suite, en se fondant sur l'" inaptitude totale et définitive à l'exercice de toutes fonctions " pour prononcer la radiation des cadres de l'intéressée, le ministre du budget a entaché son arrêté du 2 avril 2008 d'une erreur d'appréciation ; 4. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; 5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., placée depuis le 1er janvier 1999 en situation de disponibilité pour convenances personnelles, avait sollicité le 20 janvier 2007 le renouvellement de cette disponibilité ; qu'en vertu des dispositions de l'article 44 du décret du 16 septembre 1985, un tel renouvellement est accordé sous réserve des nécessités du service dans la limite d'une durée totale de dix années pour l'ensemble de la carrière ; qu'il n'est pas soutenu en l'espèce, et il ne ressort pas des pièces du dossier, que les nécessités du service auraient fait obstacle à ce renouvellement ; que, par ailleurs, Mme A...n'a pas sollicité son placement en congé de maladie et n'a demandé sa réintégration que par lettre du 29 mai 2008 ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi un préjudice financier à raison de l'absence de rémunération pour la période du 1er mars 2007 au 29 mai 2008 ; 6. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 49 du décret du 16 septembre 1985 prévoit que la réintégration d'un fonctionnaire placé en disponibilité pour convenances personnelles est de droit, sous réserve de la vérification de son aptitude physique par un médecin agréé et, éventuellement, par le comité médical compétent et que l'administration doit lui proposer l'une des trois premières vacances dans son grade ; que le ministre des finances et des comptes publics ne conteste pas les conclusions du rapport d'expertise du 10 novembre 2009 aux termes desquelles Mme A...était, à la date de l'examen, apte à l'exercice d'une activité professionnelle d'agent d'administration prenant en compte son handicap physique et que rien ne permettait de supposer que son état de santé ait fonctionnellement changé entre 1998 et 2009 ; que, par suite, l'administration était tenue de proposer à Mme A...l'une des trois premières vacances dans son grade à la suite de sa demande de réintégration du 29 mai 2008 ; qu'ainsi et alors que l'administration ne soutient pas qu'aucun poste n'était vacant à cette date, la requérante est fondée à demander le versement de la différence entre, d'une part, les sommes correspondant au traitement et aux primes et indemnités dont elle avait, entre le 30 mai 2008 et le 1er septembre 2010, une chance sérieuse de bénéficier et qui n'étaient pas seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions et, d'autre part, les revenus de toute nature qu'elle a réellement perçus au cours de la période en litige ; qu'en l'état de l'instruction, il n'est pas possible à la Cour de déterminer la somme exacte à laquelle Mme A... pouvait effectivement prétendre et qu'il y a donc lieu de renvoyer l'intéressée devant l'administration afin que celle-ci procède au calcul de la réparation qui lui est due ; 7. Considérant, en troisième lieu, que MmeA..., illégalement radiée des cadres, a dû entamer de nombreuses démarches afin d'obtenir sa réintégration ; que le préjudice moral subi à raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 2 avril 2008 doit être évalué à hauteur de 1 000 euros ; 8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°1203360 - 1203361 du 2 décembre 2014 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de MmeA.... Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A...la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. Article 3 : Mme A...est renvoyée devant l'administration pour qu'il soit procédé, conformément aux motifs du présent arrêt, à la liquidation de l'indemnité qui lui est due au titre de la perte de rémunération pour la période comprise entre le 30 mai 2008 et le 1er septembre 2010, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. 4 N° 15VE00365
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 10ème chambre, 23/12/2016, 388086, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : Procédure contentieuse antérieure : Mme A...B...a demandé au tribunal départemental des pensions de l'Hérault d'annuler la décision du 6 juillet 2010 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant au rétablissement d'une pension de réversion au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par un jugement n° 11/00002 du 13 décembre 2011, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 12/00025 du 2 juillet 2014, la cour régionale des pensions de Montpellier a, sur appel de MmeB..., annulé ce jugement et fait droit à sa demande. Par un arrêt n° 14/00040 du 3 juin 2015, la cour régionale des pensions de Montpellier a fait droit à la requête présentée par Mme B...tendant à la rectification pour erreur matérielle de l'arrêt du 2 juillet 2014 et fixé les arrérages de sa pension au 1er janvier 2007. Procédure devant le Conseil d'Etat : 1° Sous le n° 388086, par un pourvoi, enregistré le 18 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 2 juillet 2014 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 389171, par une requête, enregistrée le 2 avril 2015 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat : 1°) de prononcer une astreinte sur le fondement de l'article L. 911-5 du code de justice administrative à l'encontre de l'Etat en vue d'assurer l'exécution de l'arrêt du 2 juillet 2014 ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un acte, enregistré le 9 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...déclare se désister de sa requête. 3° Sous le n° 392243, par un pourvoi, enregistré le 31 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 3 juin 2015 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes, - les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public. La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de MmeB....Considérant ce qui suit : 1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. Sur le pourvoi n° 388086 : 2. Par un arrêt du 2 juillet 2014, la cour régionale des pensions de Montpellier a reconnu à Mme B...le droit à une pension de réversion en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Parallèlement à l'introduction de son pourvoi contre cet arrêt, Mme B...a saisi la cour d'un recours en rectification d'erreur matérielle en raison de l'omission de cette cour de statuer sur ses conclusions tendant à ce que le point de départ du versement des arrérages de sa pension soit fixé au 1er janvier 1999. Par un arrêt du 3 juin 2015, postérieur à l'introduction du pourvoi, cette cour, statuant sur ces conclusions, y a partiellement fait droit. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi de Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêt du 2 juillet 2014, en tant qu'il a omis de statuer sur ces conclusions. Sur la requête n° 389171 : 3. Le désistement de Mme B...est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. Sur le pourvoi n° 392243 : 4. Aux termes des dispositions de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ont droit à pension : 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article 48 du même code : " Les conjoints survivants qui contractent un nouveau mariage, un nouveau pacte civil de solidarité ou vivent en état de concubinage notoire perdent leur droit à pension. (...) Le conjoint survivant remarié ou ayant conclu un pacte civil de solidarité redevenu veuf, divorcé, séparé de corps ou dont le nouveau pacte civil de solidarité a pris fin, ainsi que celui qui cesse de vivre en état de concubinage notoire peut, s'il le désire recouvrer leur droit à pension et demander qu'il soit mis fin à l'application qui a pu être faite des dispositions du deuxième alinéa ci-dessus ". Aux termes de l'article L. 6 du même code : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article 108 du même code : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages, afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures ". Aux termes de l'article L. 24 du même code, alors applicable " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet. Les décisions de rejet des demandes de pension sont prises dans la même forme ". Aux termes de l'article L. 25 du même code : " La notification des décisions prises en vertu de l'article L. 24, premier alinéa, du présent code, doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification et que les décisions confirmatives à intervenir n'ouvrent pas de nouveau délai de recours ". Il résulte de ces dispositions que le conjoint survivant titulaire d'une pension de réversion qui a perdu son droit à pension du fait de son remariage a droit, en cas de décès de son nouveau conjoint, au rétablissement de sa pension de réversion du chef de son premier conjoint décédé à compter de la date de sa demande. Si, du fait personnel de l'intéressé, la demande de rétablissement de la pension de réversion est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle du décès de son nouveau conjoint, il ne peut prétendre qu'aux arrérages correspondant à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. 5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...s'est vue attribuer une pension de réversion, au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, du chef de son mari décédé le 20 octobre 1954 d'une maladie contractée en service. Du fait de son remariage, le 6 janvier 1960, le versement de sa pension de réversion a été interrompu. Postérieurement au décès de son second époux, intervenu le 11 janvier 1987, Mme B...a demandé au ministre de la défense le rétablissement à son profit du service de la pension de réversion dont elle bénéficiait du chef de son premier époux. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 6 juillet 2010. Par un arrêt du 2 juillet 2014 devenu définitif sur ce point, la cour régionale des pensions de Montpellier a reconnu à MmeB..., comme il a été dit, le droit au rétablissement de sa pension de réversion, en application de l'article L. 48 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par un arrêt du 3 juin 2015, rendu sur le recours en rectification d'erreur matérielle formé par MmeB..., cette même cour, statuant sur les conclusions de l'intéressée tendant à ce que le point de départ des arrérages de sa pension soit fixé conformément aux dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a fixé ce point de départ au 1er janvier 2007. 6. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la décision de rejet opposée à Mme B...par le ministre de la défense le 6 juillet 2010 statuait sur une demande présentée par l'intéressée le 19 juin 2008, celle-ci avait initialement formé sa demande par lettre du 8 avril 2002, reçue par le ministre de la défense le 26 avril 2002. Cette demande, qui n'a pas fait l'objet d'une décision de rejet notifiée dans les conditions prévues à l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, doit être regardée comme celle à partir de laquelle sont appliquées les dispositions des articles L. 6 et L. 108 du même code. Il s'ensuit qu'en fixant au 1er janvier 2007 le point de départ des arrérages de la pension de réversion de la requérante au motif que celle-ci ne pouvait se prévaloir d'une demande de rétablissement de sa pension antérieure à 2008, la cour régionale des pensions de Montpellier a entaché son arrêt d'erreur de droit. Mme B...est fondée, en conséquence, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il fixe le point de départ des arrérages de sa pension de réversion. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 8. Mme B...ayant demandé par une lettre du 8 avril 2002, reçue le 26 avril 2002, le rétablissement de sa pension, elle peut prétendre, en application des principes rappelés au point 4, aux arrérages de sa pension à compter du 1er janvier 1999. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Boutet-Hourdeaux de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : -------------- Article 1er : Il est donné acte du désistement du pourvoi n° 389171 de MmeB.... Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi n° 388086 de MmeB.... Article 3 : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 3 juin 2015 est annulé. Article 4 : L'Etat versera à MmeB..., conformément aux motifs de la présente décision, les arrérages correspondant à sa pension de réversion à compter du 1er janvier 1999. Article 5 : L'Etat versera à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de MmeB..., une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au ministre de la défense.ECLI:FR:CECHS:2016:388086.20161223
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 4ème chambre, 23/12/2016, 391254, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 mars 2010 par laquelle la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a rejeté son recours gracieux contre la décision du 25 février 2010 refusant de lui octroyer le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité. Par un jugement n° 1003378 du 2 décembre 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 14MA00647 du 5 juin 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi de Mme A...contre ce jugement. Par un pourvoi et un mémoire, enregistrés les 10 février 2014 et 20 mars 2015 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et un mémoire enregistré le 23 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 décembre 2013 ; 2°) d'annuler la décision du 24 mars 2010 de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ; 3°) de mettre à la charge de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (Caisse des dépôts et consignations) le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de Mme A...et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ; 1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., qui, à compter de 1989, était préparatrice en pharmacie au centre hospitalier d'Aix-en-Provence, a demandé à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, à l'occasion de sa mise à la retraite pour invalidité, le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec sa pension de retraite, en faisant valoir que la maladie à l'origine de son invalidité était imputable au service ; qu'à ce titre, elle indiquait qu'elle était notamment chargée, dans la " chambre blanche " de cet hôpital, laquelle était désinfectée avec du formol, de préparer des produits cytostatiques destinés aux chimiothérapies ; que la Caisse nationale ayant rejeté sa demande, puis le recours gracieux qu'elle avait formé contre sa décision de refus, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de la décision de refus opposé à son recours gracieux ; que par le jugement que Mme A...défère par la voie de la cassation, le tribunal administratif de Marseille a jugé, après avoir notamment examiné les rapports d'expertise médicale produits au dossier, qu'il n'était pas établi que la maladie de Waldenström qui lui a été diagnostiquée en 2001 était imputable au service ; 2. Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que le docteur Foa, mandaté par le centre hospitalier d'Aix-en-Provence pour accomplir plusieurs expertises entre 2002 et 2009, a relevé que l'exposition de Mme A...à des produits toxiques était avérée et que cette maladie étant à la fois très rare et mal connue, le lien entre cette exposition et le déclenchement de cette maladie était possible, même s'il ne pouvait statistiquement être étayé et donc affirmé avec certitude ; que l'expertise du docteur Viallat, en date du 5 février 2004, a noté que " la manipulation de produits cytostatiques, d'une part, et l'utilisation régulière d'aldéhydes formiques d'autre part, sont tous deux considérés comme potentiellement cancérogènes. / L'exposition prolongée à ces deux types d'agents constitue un faisceau d'arguments suffisants pour considérer que la maladie de Waldenström contractée par la patiente l'a été en service (...) " ; qu'enfin, dans une expertise du 8 juin 2009, le docteur Salze a, dans la rubrique " infirmité imputable " du formulaire qu'il a renseigné, coché la case " oui " ; qu'au regard de la teneur de ces rapports d'expertise, le tribunal administratif de Marseille n'a pu, sans entacher son jugement de dénaturation, retenir qu'ils écartaient la possibilité même d'un lien entre les conditions de travail de Mme A...et sa maladie ; 3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ; 4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) " ; qu'aux termes de l'article 37 du même décret, les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 " bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. Le bénéfice de cette rente viagère d'invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité (...) sont imputables à des blessures ou des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, ou résultant de l'une des autres circonstances énumérées à l'article 36 ci-dessus " ; que ces dispositions sont applicables aux fonctionnaires soumis à la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires à la fonction publique hospitalière ; 6. Considérant qu'il résulte des rapports d'expertise analysés ci-dessus, de l'exposition avérée et prolongée de Mme A...à des substances potentiellement cancérogènes, de l'absence de manifestation antérieure de sa maladie et de ce que celle-ci a été regardée, durant ses congés de longue durée, comme imputable au service, que sa maladie doit être regardée comme étant en lien direct et certain avec le service qu'elle a accompli au sein du centre hospitalier d'Aix-en Provence ; qu'au demeurant, par un arrêt du 16 juin 2015 qui est devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille s'est prononcée dans le même sens, dans le cadre d'une action en responsabilité engagée par Mme A...à l'encontre du centre hospitalier d'Aix-en-Provence ; que, par suite, Mme A...est fondée à demander l'annulation de la décision du 25 février 2010 refusant de lui octroyer le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité ; 7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 4 500 euros à verser à Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présence instance, la partie perdante ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 décembre 2013 est annulé. Article 2 : La décision du 24 mars 2010 de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales est annulée. Article 3 : La Caisse des dépôts et consignations versera à Mme A...la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la Caisse des dépôts et consignations. ECLI:FR:CECHS:2016:391254.20161223
Conseil d'Etat