Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 26/03/2024, 22VE00646, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 385 999,50 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral, à enjoindre à la ministre des armées de reconstituer sa carrière et au ministre chargé des finances publiques de procéder à la revalorisation de sa pension militaire de retraite à compter du 14 mai 2016, et à titre subsidiaire, de saisir la cour de justice de l'Union européenne de l'interprétation des dispositions de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par une ordonnance du 13 décembre 2019, la présidente du tribunal administratif de Versailles a renvoyé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la demande de M. A.... Par jugement n° 1915692 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. A... tendant à l'indemnisation de son préjudice moral et au remboursement de la somme de 900 euros, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. D... la somme correspondant à la capitalisation des intérêts échus à la date du 14 février 2018 sur la somme de 10 900 euros et rejeté le surplus de la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mars 2022 et 9 février 2024, M. A..., représenté par Me Gauthier, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 99 509,55 euros, assortie de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière et de revaloriser sa pension militaire de retraite à compter du 13 mai 2013 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir examiné le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 et 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - du fait du rapatriement sanitaire dont il a fait l'objet en raison des agissements de harcèlement moral subis, il a été privé du bénéfice de l'indemnité de résidence pendant une période de deux mois ; il est donc en droit de se voir rembourser de la somme de 5 035,32 euros ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait se voir rembourser du montant des primes, indemnités et avantages non perçus pendant ses congés maladie au motif que leur versement était conditionné à l'exercice effectif des fonctions, dès lors qu'il aurait nécessairement perçu ces sommes en l'absence de harcèlement ; il demande donc le remboursement de la prime mensuelle des repas de service, de l'indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires, du remboursement de la moitié de son titre de transport et de l'indemnité d'habillement, pour un montant total de 12 321,82 euros ; - c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que le lien de causalité entre les agissements de harcèlement et les retraits effectués sur les placements financiers n'était pas justifié ; il subit une perte de rentabilité d'un montant de 3 302 euros dont il demande réparation ; - il a été contraint, du fait des agissements de harcèlement moral qui ont conduit à son placement en arrêt maladie puis à sa radiation des cadres, de quitter le logement qu'il occupait à la caserne et de trouver un logement personnel et demande donc le remboursement des loyers acquittés, pour un montant de 23 495 euros, des frais d'électricité, pour un montant de 2 181,51 euros et de la redevance audiovisuelle, pour un montant de 852 euros, frais qu'ils n'auraient pas eu à assumer s'il avait pu poursuivre son exercice professionnel ; - le fait d'avoir été contraint de travailler à temps plein pendant des périodes pour lesquelles un expert médical a ensuite estimé qu'il était en situation d'incapacité de travailler est à l'origine d'un préjudice moral, dont il demande réparation à hauteur de 30 321,90 euros ; - les agissements de harcèlement moral qu'il a subis sont contraires aux stipulations de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce qui lui cause un préjudice moral estimé à la somme de 10 000 euros ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le lien de causalité entre les agissements de harcèlement et les difficultés rencontrées par le requérant dans son cursus universitaire n'était pas justifié ; il en demande réparation à hauteur de 12 000 euros ; - sa carrière ayant été interrompue prématurément en raison des agissements de harcèlement moral, il doit être enjoint à la ministre des armées de reconstituer sa carrière et au ministre chargé des finance publiques de revaloriser sa pension de retraite militaire à compter du 13 mai 2013. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2021. Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par M. A... sont infondés. Par ordonnance du 16 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 février 2024 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu : - le code de la défense ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Troalen ; - les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ; - et les observations de Me Debroissia, représentant M. A..., et de Mme B..., représentant le ministre des armées. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., caporal-chef dans l'armée de terre, a demandé réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral dont il a été victime au cours de son affectation à Djibouti, du 1er juillet 2003 à son rapatriement sanitaire le 31 mars 2005, puis à la direction du renseignement militaire à Paris, du 1er août 2005 à son placement en congé maladie à compter du 23 avril 2007. Il relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 10 000 euros correspondant à l'indemnisation de son préjudice moral et du remboursement de la somme de 900 euros correspondant à des frais d'expertise médicale, alloués en cours d'instance par l'Etat par une décision du 14 mai 2018, en tant que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Dans ses écritures de première instance, M. A... a notamment soutenu que les agissements de harcèlement moral dont il estimait avoir été victime étaient contraires au droit de l'Union européenne, en se prévalant en particulier de la libre circulation des personnes, garantie par les articles 15 et 45 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. S'il évoquait également, dans ses écritures, les articles 3 et 31 de cette charte, en indiquant qu'ils interdisaient les agissements de harcèlement moral, il entendait ainsi démontrer que ces agissements avaient constitué selon lui une entrave à sa liberté de circulation au sein de l'Union européenne. Par suite, en se prononçant au point 6 du jugement attaqué sur le moyen tiré de ce que ces agissements constituaient une telle entrave, les premiers juges ont répondu au moyen qui leur était soumis. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les préjudices allégués : 3. En premier lieu, si, pour l'évaluation du préjudice financier subi du fait d'agissements de harcèlement moral, il peut être tenu compte de la perte des primes et indemnités dont la victime avait une chance sérieuse de bénéficier pour la période où elle a cessé d'exercer compte tenu des conséquences sur son état de santé de ces agissements, il ne saurait en aller de même pour les primes et indemnités qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. 4. M. A... expose, d'une part, que du fait du rapatriement sanitaire dont il a fait l'objet en raison des agissements de harcèlement moral subis, il a été privé, pendant une période de deux mois correspondant aux mois de mai et juin 2005, du bénéfice de l'indemnité de résidence à l'étranger. Toutefois l'interruption du versement de l'indemnité de résidence dont bénéficiait M. A... pendant son affectation à Djibouti, et qui avait pour objet de compenser des sujétions liées à l'exercice effectif de ses fonctions à l'étranger, ne saurait donner lieu à réparation. 5. M. A... soutient, d'autre part, que les agissements de harcèlement moral subis l'ont privé d'une chance sérieuse de percevoir, pendant la durée pendant laquelle il a été en congé maladie puis jusqu'à la date à laquelle il aurait dû exercer ses fonctions, la prime mensuelle des repas de service, l'indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires, le remboursement de la moitié du prix de son titre de transport et l'indemnité d'habillement. Toutefois, l'ensemble de ces éléments de rémunération sont destinés à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Leur absence de versement pendant les congés maladie ne saurait donc ouvrir un droit à réparation pour M. A.... 6. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'à compter du mois de février 2008, il n'a plus été logé en caserne, l'avantage en nature résultant de la disposition d'un logement de fonction par nécessité de service est la contrepartie des sujétions attachées à l'exercice effectif des fonctions. Dès lors, la cessation de cet avantage ne peut davantage être pris en considération pour la détermination de ses droits à indemnité. M. A... ne saurait donc prétendre au remboursement des loyers qu'il verse pour l'occupation d'un logement privé et des frais d'électricité correspondant ou de la redevance audiovisuelle. 7. En troisième lieu, si l'expert psychiatre désigné par la cour régionale des pensions militaires dans le cadre du litige relatif à la demande de pension d'invalidité présentée par M. A... a indiqué, dans son rapport du 25 février 2011, que ce dernier " semble avoir été atteint d'une pathologie ayant occasionné une incapacité totale de travail du 1er avril 2005 au 1er octobre 2007 de 100% ", il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué que M. A..., qui a bénéficié d'un arrêt de travail le 23 octobre 2006, puis de congés maladie de manière interrompue du 23 avril au 23 novembre 2007, aurait fait état de son incapacité à travailler à son administration en dehors de ces périodes. Ainsi, M. A... ne saurait prétendre à la réparation du préjudice résultant de la faute, distincte des agissements de harcèlement moral, consistant à avoir exigé de lui qu'il travaille à une époque où son état de santé ne le lui permettait pas. 8. En quatrième lieu, M. A... indique qu'il a dû effectuer, du fait de la baisse de rémunération induite par ses congés maladie, des retraits sur l'assurance vie dont il dispose et demande que la perte d'intérêts en résultant sur la période du 1er octobre 2008 au 18 juillet 2010 soit mise à la charge de l'Etat. Toutefois, l'attestation émise le 4 juin 2014 par son conseiller en gestion de patrimoine fait état de retraits effectués dès le 23 avril 2007, soit avant que son placement en congé maladie ait une incidence significative sur sa rémunération, l'intéressé ayant commencé à ne bénéficier que d'un demi-traitement à compter du mois d'octobre 2008. Dans ces conditions, le lien de causalité entre ces retraits et les agissements de harcèlement moral n'étant pas justifié, M. A... ne saurait se voir indemnisé de la perte d'intérêts alléguée. 9. En cinquième lieu, M. A..., qui a entamé en 2002-2003, soit avant son affectation à Djibouti, un cursus universitaire, soutient que les difficultés qu'il a rencontrées dans la poursuite de ce cursus sont liées aux agissements de harcèlement moral dont il a été victime. Toutefois, la seule attestation du service médical de son université, rédigée en avril 2013 et faisant état de difficultés à compter du mois de novembre 2011, période à laquelle il avait déjà été radié des cadres de la fonction publique militaire, ne saurait suffire à justifier de l'incidence de ces agissements sur ce cursus universitaire, suivi en partie par correspondance par l'intéressé. 10. En dernier lieu, si M. A... soutient que les agissements de harcèlement moral qu'il a subis sont contraires au droit de l'Union européenne, et en particulier au principe de libre circulation des personnes, le préjudice moral dont il se prévaut à cet égard n'est pas distinct de celui résultant de ces agissements. Il ne saurait, par suite, donner lieu à une indemnisation supplémentaire. En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction : 11. Si M. A... demande qu'il soit enjoint à l'Etat de reconstituer sa carrière et de revaloriser sa pension de retraite à compter du 13 mai 2013, le présent arrêt, qui rejette ses conclusions indemnitaires, n'implique pas le prononcé de telles mesures. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les demandes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, la somme que M. A... demande au titre des frais d'instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Versol, présidente de chambre, Mme Dorion, présidente-assesseure, Mme Troalen, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024. La rapporteure, E. TROALENLa présidente, F. VERSOLLa greffière, S. LOUISERE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 No 22VE00646
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de NANTES, 6ème chambre, 26/03/2024, 23NT02338, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation. Par un jugement n° 1912716 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de la défense du 18 mai 2017, a porté de 20 % à 30 % le taux de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé " de M. C..., a enjoint au ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité de M. C... en tenant compte du taux de 30 % révisé à compter du 2 mars 2016 et a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juin 2023 ; 2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Nantes et de confirmer la décision du 18 mai 2017. Il soutient que : - le tribunal a méconnu les articles L. 6, L. 26 et L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : * en fondant sa décision sur le rapport d'expertise judiciaire du 29 avril 2020, alors que l'évaluation d'une infirmité se fait, dans le cadre d'une révision pour aggravation, par référence à la gêne fonctionnelle objectivée à la date de la demande, puis par comparaison de cette gêne avec celle décrite dans les expertises antérieures ; * en méconnaissance de ces mêmes dispositions, le tribunal a retenu un moyen tiré de ce qu'une précédente expertise médicale, réalisée le 24 mars 1997, à l'occasion d'une première demande de révision de la pension, avait déjà conclu à un taux d'invalidité de 30 %, alors que ce rapport a été écarté comme ne respectant pas les dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 16 juin 1964 à Angers, s'est engagé pour 3 ans au titre du 3ème Régiment d'Infanterie de Marine le 1er mars 1983, puis a souscrit plusieurs contrats successifs. Il a été rayé des contrôles de l'armée le 30 septembre 1986, au grade de soldat. A la suite d'une blessure au genou droit reçue à l'occasion du service le 24 avril 1984, lors d'un parcours du combattant, il s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité aux taux de 20% par un arrêté du 27 octobre 1987 pour " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion discale interne et externe opérée, instabilité antéro-postérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé ". Le 2 mars 2016, il en a demandé la révision pour aggravation. Par une décision du 18 mai 2017, le ministre de la défense a rejeté cette demande de révision de sa pension, au motif que " le taux d'aggravation de l'infirmité ne s'était pas accru du minimum de 10 % exigible ". M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'annuler cette décision, de fixer son taux d'invalidité à 30 % et de réviser en conséquence sa pension. Par un jugement du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de la défense du 18 mai 2017, porté de 20 % à 30 % le taux de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé " de M. C..., enjoint au ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité de M. C... en tenant compte du taux de 30 % révisé à compter du 2 mars 2016 et mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. C..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. L'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 4. En l'espèce, pour accorder à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé ", le tribunal s'est fondé sur les conclusions d'une expertise judiciaire du docteur A..., du 29 avril 2020, ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Angers par un jugement avant-dire droit du 7 juin 2019 et sur plusieurs certificats médicaux, notamment un compte-rendu d'IRM du 5 mai 2017, mentionnant un " important remaniement probablement dégénératif des cornes antérieures et postérieures des ménisques interne et externe ". Le tribunal a également relevé qu'une précédente expertise médicale, réalisée le 24 mars 1997 à l'occasion d'une première demande de révision de la pension, avait déjà conclu à un taux d'invalidité de 30 %. Le ministre des armées soutient qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire du 29 avril 2020, évoquée ci-dessus, que l'expert s'est notamment placé, pour évaluer ce taux à 30 %, à la date de son expertise et non à la date de la demande de révision, en méconnaissance des dispositions précitées. Elle ajoute que le rapport d'expertise du 24 mars 1997 a été écarté par une décision du tribunal des pensions militaires d'invalidité de l'Aude, le 5 février 1998, au motif que l'expert n'avait pas procédé à ses opérations d'expertise en se plaçant au jour de la demande de révision de pension militaire d'invalidité. 5. Toutefois, s'il résulte effectivement des termes de l'expertise du 29 avril 2020 que l'expert s'est notamment placé, pour évaluer ce taux à 30 %, à la date de son expertise et non à la date de la demande de révision, le 2 mars 2016, il résulte de l'instruction que l'expertise médicale, réalisée le 24 mars 1997 à l'occasion d'une première demande de révision de la pension de M. C..., avait déjà conclu à un taux d'invalidité de 30 %. La circonstance que ce rapport d'expertise ait été écarté par une décision du tribunal des pensions militaires d'invalidité de l'Aude du 5 février 1998, n'est pas de nature à invalider les conclusions médicales réalisées par l'expert à l'occasion de cette expertise, résultant de son examen à la date du 24 mars 1997. En outre, aucun élément ne permet d'affirmer que l'état du genou droit de M. C... aurait pu connaitre une amélioration notable, entre le 24 mars 1997 et le 2 mars 2016, alors même que l'expertise du 29 avril 2020 confirme les résultats de l'expertise du 24 mars 1997. Par ailleurs, si le ministre soutient que l'expertise du docteur E..., réalisée le 27 juin 2000, a conclu qu'il n'était pas possible de retenir une aggravation de l'état du genou droit de l'intéressé susceptible de modifier le taux d'invalidité de 20 % antérieurement retenu, il résulte cependant de l'instruction que cette expertise est fondée sur un examen de M. C..., prenant en compte l'état de son genou droit, à la date de la précédente demande de révision de pension, soit le 12 avril 1995, alors que la présente demande de révision est en date du 2 mars 2016. Enfin, comme l'a relevé le tribunal, M. C... produit également plusieurs certificats médicaux, notamment un certificat de mai 2017 établi à l'occasion d'une IRM, qui souligne un " important remaniement probablement dégénératif des cornes antérieures et postérieures des ménisques interne et externe ". Si dans le cadre de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité introduite le 2 mars 2016, M. C... a été reçu en expertise par le docteur B... qui, dans son rapport du 9 août 2016, conclut à une aggravation arthrosique relevant d'un taux de 25 %, soit une aggravation de 5 % inopérante par rapport au taux de 20 % antérieur, cette évaluation n'est pas de nature à remettre en cause le taux d'aggravation arthrosique de 30 % constaté par les expertises des 24 mars 1997 et 29 avril 2020. Dans ces conditions, l'ensemble des éléments de l'instruction permet de constater l'existence d'une aggravation de l'état du genou droit de M. C... et d'une évolution dégénérative engagée à la date de la demande de révision de sa pension. 6. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de la défense du 18 mai 2017, a porté de 20 % à 30 % le taux de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé " de M. C..., a enjoint au ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité de M. C... en tenant compte du taux de 30 % révisé à compter du 2 mars 2016 et a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 8 mars 2024, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. COIFFET La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02338
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 26/03/2024, 23MA00702, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité, ainsi que la décision du 9 juin 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours préalable, et d'enjoindre au ministre des armées de fixer à 90 % le taux d'invalidité dû à sa pathologie, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit. Par un jugement n° 2106683 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars et 11 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Van Robays, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2106683 du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 11 juin 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours préalable contre la décision du 18 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) d'ordonner au ministre de majorer le taux servant de base pour le calcul de la pension militaire d'invalidité à 90 % ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'administration a commis une erreur dans l'appréciation de l'aggravation de son infirmité dès lors qu'elle n'a pas tenu compte de son psoriasis, qui est en lien direct avec son état anxiodépressif ; - il en résulte que son taux d'invalidité doit être porté de 80 % à 90 %, lui ouvrant ainsi droit à la majoration de sa pension d'invalidité. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2023 à 12 heures. Un mémoire, enregistré le 17 octobre 2023, produit par le ministre des armées, n'a pas été communiqué. M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ; Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 18 mars 1946 et radié des contrôles de l'armée le 18 mars 2003, s'est vu concéder, par un arrêté du 20 août 2019 du ministre des armées, une pension militaire d'invalidité révisée, depuis le 2 avril 2013, au taux de 80 %, pour l'infirmité " Etat anxiodépressif sévère avec somatisations anxieuses et traits sensitifs dominants. Psoriasis du visage et du cuir chevelu ". Par courrier du 6 mars 2019, il a présenté une demande de révision de sa pension en se prévalant de l'aggravation de cette infirmité. Par une décision du 18 décembre 2020, la ministre des armées a rejeté cette demande, et la commission de recours de l'invalidité a confirmé ce rejet par une décision du 9 juin 2021. M. A... B... relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités, se trouve augmenté d'au moins dix points. En outre, en vertu des dispositions de l'article L. 151-2 du même code, l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision. 3. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement tant des conclusions de l'expertise médicale diligentée par le ministère des armées, au cours de laquelle M. A... B..., accompagné de son médecin, a été examiné les 16 et 30 juillet 2020, que de l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, que si l'intéressé est un sujet très anxieux au caractère sensitif dominant, tenant un discours de revendication, avec un sentiment d'injustice qui se chronicise et révèle ainsi une aggravation de l'infirmité au titre de laquelle il bénéfice d'une pension d'invalidité, cette aggravation est toutefois fixée, par ces deux médecins, seulement à un taux de 5 %. Pour parvenir à cette conclusion, l'expert a procédé, ainsi qu'il était tenu de le faire, à une analyse suffisamment précise de l'évolution de l'état de santé de l'intéressé depuis la dernière expertise, au terme de laquelle le taux d'invalidité avait été fixé à 80 %. Pour contester cette analyse, M. A... B... soutient que l'expert, de même d'ailleurs que le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, n'aurait pas pris en compte l'aggravation de son psoriasis, lequel s'est étendu au niveau du conduit auditif selon le certificat médical établi le 10 janvier 2019 par le dermatologue assurant son suivi. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette pathologie avait déjà été prise en compte, dans toutes ses composantes, pour évaluer à 80 % le taux d'invalidité précédemment fixé, dès lors qu'un tel psoriasis, bien que non expressément cité par l'expert dans son rapport du 11 juin 2014, ni mentionné par la fiche d'invalidité en tant qu'il s'était étendu aux oreilles, avait néanmoins été objectivé, y compris au niveau des oreilles, à l'occasion d'une consultation dermatologique du 4 janvier 2013 et avait été expressément mentionné dans le certificat médical du même jour adressé au médecin expert alors chargé de se prononcer sur la demande de M. A... B.... Il ne résulte par ailleurs pas des certificats médicaux contemporains de la demande de révision du 6 mars 2019 que l'évolution de ce psoriasis aurait entraîné une gêne fonctionnelle supplémentaire, l'hypoacousie neurosensorielle gauche alléguée, à la supposer même imputable à ce psoriasis, ayant été diagnostiquée par un médecin oto-rhino-laryngologiste le 2 septembre 2022, soit postérieurement à la date de la demande de révision. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation de l'infirmité " Etat anxiodépressif sévère avec somatisations anxieuses et traits sensitifs dominants. Psoriasis du visage et du cuir chevelu " dont souffre M. A... B... justifierait l'allocation d'un taux supérieur au taux de 5 % retenu par l'administration pour rejeter sa demande de révision de pension, un tel taux étant inférieur au taux de 10 % susceptible d'ouvrir droit à une révision de pension en application de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre cité au point 2. 4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise médicale, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à Me Van Robays et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024. N° 23MA00702 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème chambre, 20/03/2024, 470330, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 28 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension militaire d'ayant cause, et d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de lui verser cette pension à compter du décès de son époux, ainsi que les arrérages, dans un délai de quarante-cinq jours à compter du jugement du tribunal, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai. Par un jugement n° 2100628 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier et 11 avril 2023 et le 27 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Krivine et Viaud, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ; - l'arrêté interministériel du 30 décembre 2010 portant application du décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C..., ressortissant marocain, a été rayé des contrôles de l'armée active le 10 mai 1956 et qu'il est décédé le 9 août 1996. Mme A... B..., qui soutient qu'elle s'est mariée avec lui, a demandé à la ministre des armées de lui accorder une pension de réversion. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 28 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension de réversion. Sur le désistement d'office : 2. Aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le conseil d'Etat donne acte de ce désistement ". 3. Le pourvoi sommaire de Mme B... a été enregistré le 9 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. Si le ministre des armées fait valoir que son mémoire complémentaire, enregistré le 11 avril suivant, a été déposé postérieurement au délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 611-22 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier que ce délai franc n'était pas expiré à cette date dès lors que le 10 avril était un jour férié. Il n'y a donc pas lieu pour le Conseil d'Etat de donner acte d'un désistement du pourvoi de Mme B.... Sur le pourvoi : 4. Aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite, rendu applicable à Mme B..., ayant cause d'un militaire, par l'article L. 47 du même code : " Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : / a) (...) / Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de veuve est reconnu : / 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; / 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années ". 5. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 6. Aux termes de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicable aux demandes de pension de réversion : " I. - (...) les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. (...) / V. - Les demandes de pensions présentées en application du présent article sont instruites dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et par le code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) / VIII. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les mesures d'information des bénéficiaires ainsi que les modalités de présentation et d'instruction des demandes mentionnées aux III, IV et V./ (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2010, pris pour l'application des dispositions de cet article 211 : " Un arrêté conjoint des ministres chargés de la défense, des affaires étrangères, des anciens combattants et du budget énumère les pièces justificatives à produire à l'appui de toute demande visée à l'article 1er ". L'annexe 3 de l'arrêté du 30 décembre 2010 pris pour l'application de ce décret cite, parmi les pièces exigées pour une demande de pension d'un ayant cause, " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ". 7. S'il résulte des dispositions citées au point 6 que " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil " fait foi en toutes ses mentions, notamment la date de la célébration, pour l'obtention des pensions régies par ces dispositions, d'autres preuves de l'existence et de la date d'un mariage peuvent être apportées conformément aux dispositions de l'article 47 du code civil. Par suite, en jugeant que la seule preuve sur ces points admise par les dispositions citées au point 6 était " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ", le tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit. Mme B... est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cet avocat. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre des armées.ECLI:FR:CECHS:2024:470330.20240320
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX03380, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Poitiers, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Poitiers, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1902723 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, M. C..., représenté par Me Gomez (Lavalette avocats conseils), demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 25 juin 2019 ; 3°) d'enjoindre à la ministre de reconnaître la rechute de son état de santé comme imputable au service, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) d'ordonner une expertise judiciaire pour apprécier l'imputabilité de son état à l'accident de saut en parachute de juin 2016 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens qu'il présentait ; il n'a pas examiné l'insuffisance de motivation de la décision de la ministre et n'a pas justifié sa décision de ne pas recourir à une expertise ; - l'avis médical n'est pas suffisamment circonstancié et n'a pas recherché le lien entre ses douleurs et son état dépressif et l'accident de service de juin 2016 ; il y a lieu d'ordonner une expertise. Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - l'appel est tardif, dès lors qu'il a été présenté plus de deux mois après la décision d'aide juridictionnelle du 22 avril 2021 ; - la requête ne respecte pas l'article R. 412-2 du code de justice administrative, dès lors que l'inventaire détaillé est celui de première instance, et qu'aucune pièce n'a été jointe au dossier d'appel. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 avril 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment son article 51 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D... ; - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique ; - les observations de Me Lagrue, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., caporal-chef au sein de l'armée de terre, a été victime le 15 juin 2016, à l'âge de 27 ans, d'un accident au cours d'un saut en parachute, qui lui a occasionné des dorsalgies et cervicalgies et un traumatisme crânien sans perte de connaissance. Aucune lésion osseuse n'a été décelée dans l'immédiat, mais un scanner a révélé le 20 juillet 2016 une fracture parcellaire du plateau inférieur de D7. Il a présenté le 31 janvier 2017 une demande de pension militaire d'invalidité pour quatre infirmités, dorsalgies, cervicalgies, syndrome dépressif et céphalées temporales gauches quasi-permanentes. Par une décision du 25 juin 2019, la ministre a rejeté sa demande. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Poitiers, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Poitiers. Il relève appel du jugement du 7 janvier 2021 qui a rejeté sa demande. Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...), lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (... ) / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / (...)." Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. (...) ". Aux termes de l'article 69 du décret du 28 décembre 2020 : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ". 3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont seuls, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, vocation à contester une telle décision. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C... s'est vu notifier le jugement attaqué le 9 janvier 2021. La lettre de notification de ce jugement mentionne expressément que le délai d'appel, prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, est de deux mois. Ce délai a été interrompu par le dépôt, le 4 mars 2021, d'une demande d'aide juridictionnelle. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 22 avril 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à l'intéressé. Si cette décision mentionne le nom du conseil du requérant, et si celui-ci a pu avoir connaissance de cette décision, aucune pièce du dossier ne permet toutefois de connaître la date à laquelle elle a été notifiée à M. C.... Dans ces circonstances, en l'absence de preuve de la date d'une telle notification, le délai de recours contentieux n'avait pas recommencé à courir à l'encontre de M. C.... Par suite, contrairement à ce que soutient le ministre des armées, aucune tardiveté ne peut être opposée à sa requête d'appel, enregistrée le 6 août 2021 au greffe de la cour. 5. En second lieu, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. ". Aux termes de l'article R. 414-5 du même code issu du décret 2020-1245 du 9 octobre 2020 : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1, R. 412-2 et R. 611-1-1, le requérant est dispensé de produire des copies de sa requête, de ses mémoires complémentaires et des pièces qui y sont jointes. Il est également dispensé de transmettre l'inventaire détaillé des pièces lorsqu'il utilise le téléservice mentionné à l'article R. 414-2 ou recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application mentionnée à l'article R. 414-1. /Le requérant transmet chaque pièce par un fichier distinct, à peine d'irrecevabilité de sa requête. Cette obligation est applicable à la transmission des pièces jointes aux mémoires complémentaires, sous peine pour le requérant de voir ces pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. /Chaque fichier transmis au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 porte un intitulé commençant par le numéro d'ordre affecté à la pièce qu'il contient par l'inventaire détaillé. Lorsque le requérant recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application, l'intitulé du fichier décrit également le contenu de cette pièce de manière suffisamment explicite. Chaque pièce transmise au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 porte un intitulé décrivant son contenu de manière suffisamment explicite. /Les obligations fixées au précédent alinéa sont prescrites au requérant sous peine de voir la pièce écartée des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. (...) 6. Ces dispositions relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. 7. M. C... n'a pas produit en appel d'autres pièces que la décision attaquée. Dans ces conditions, la circonstance qu'il ait cru devoir rappeler, par la production de son bordereau d'inventaire de première instance, les pièces dont il se prévalait, dont la cour était saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne saurait nécessiter aucune régularisation, qui ne lui a donc pas été demandée. Par suite, la seconde fin de non-recevoir du ministre ne peut davantage être accueillie. Sur la régularité du jugement : 8. Contrairement à ce que soutient M. C..., le tribunal s'est prononcé, aux points 2 et 3 de son jugement, sur son moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision de rejet de sa demande de pension, qu'il a regardé comme inopérant dès lors que l'article L.151-6 du code ne prévoit la motivation que des décisions accordant une pension. La circonstance qu'un tel raisonnement serait erroné n'affecte pas la régularité du jugement, mais son bien-fondé. 9. En reprenant les conclusions de l'expertise médicale estimant que le taux d'invalidité pour les dorsalgies et cervicalgies n'atteignait pas 10 % et que les autres pathologies n'atteignaient pas 30 %, le tribunal s'est nécessairement estimé suffisamment informé, et a pu se borner à indiquer qu'il n'était pas besoin d'ordonner une expertise sans entacher son jugement d'une insuffisance de motivation sur ce point. Par suite, le jugement n'est pas irrégulier. Sur la motivation de la décision attaquée : 10. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 11. Si l'article L.151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que " la décision comportant attribution de pension est motivée ", en l'absence de dispositions spécifiques applicables aux décisions de rejet de telles demandes, celles-ci sont soumises au code des relations entre le public et l'administration, qui exige notamment à l'article L. 211-2 que soient motivées les décisions qui " refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Les décisions de refus de pension entrent dans cette catégorie et doivent donc être motivées, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. 12. Toutefois, il ressort de la décision en litige, qui vise les dispositions des articles L. 121-4 et L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qu'elle s'est fondée, après avoir reconnu l'imputabilité au service de l'accident du 15 juin 2016, sur le taux d'invalidité, après expertise médicale réglementaire, inférieur au minimum de 10 % pour les infirmités 1 et 2 résultant d'un accident, sur le taux d'invalidité inférieur au minimum de 30 % pour la maladie psychologique (infirmité 3) et a estimé que les céphalées (infirmité 4) n'entraînaient aucune gêne fonctionnelle, ce qui ne justifiait pas de rechercher l'origine des infirmités 3 et 4. Par suite, cette décision est suffisamment motivée. Sur l'opportunité d'une expertise : 13. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension de M. C... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". 14. Il ressort de l'expertise réglementaire du Dr A..., effectuée le 4 septembre 2018, que l'accident de saut en parachute du 15 juin 2016 a occasionné pour M. C... une fracture du rebord antérieur du plateau inférieur de D7, une atteinte cervicale et un traumatisme crânien avec retentissement neurologique, suivis de trois semaines de rééducation et un arrêt longue maladie de janvier 2017 à décembre 2018 avec céphalées et douleurs dorsales. Toutefois l'examen médical auquel il a été procédé n'a pas retrouvé de contractures ou déformations osseuses, ni d'amyotrophie, ni de déficit sensitivomoteur au niveau des membres inférieurs et supérieurs, et a constaté la présence des réflexes rotuliens. Le médecin agréé a conclu que les dorsalgies et les cervicalgies correspondaient chacune à un taux d'invalidité inférieur à 10 %, qu'il n'a donc pas cherché à préciser davantage. Par ailleurs, une médecin neurologue a été sollicitée pour examiner un état de stress post-traumatique ou un syndrome subjectif des traumatisés crâniens, et a estimé le 17 octobre 2018 qu'il n'y avait pas de traumatisme crânien prouvé et que les céphalées chroniques étaient en rapport avec un état dépressif réactionnel à l'accident, dont elle a fixé globalement le taux à 20 %. Dans ces conditions, l'imputabilité à l'accident de l'ensemble des affections dont souffre M. C... est suffisamment établie. 15. Toutefois, pour l'application du 2° de l'article L.121-5 précité, les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer si le taux global d'invalidité résultant d'une part de la maladie correspondant aux céphalées chroniques et à l'état dépressif réactionnel lié, d'autre part des deux blessures reconnues imputables au service à raison du même accident, atteindrait au moins 30 %. Il y a donc lieu d'ordonner une expertise sur ce point. 16. La circonstance que M. C... ait par ailleurs sollicité de l'Etat une indemnité au titre des autres préjudices que l'atteinte à son intégrité physique, demande qui a d'ailleurs fait déjà l'objet d'une expertise par son assureur-vie, ne lui permet pas de solliciter que l'expertise ordonnée dans la présente instance porte sur d'autres points que ceux utiles à la détermination de son droit à pension militaire d'invalidité. 17. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'ordonner une expertise sur la question relevée au point 15. DÉCIDE : Article 1er : Avant dire-droit sur les conclusions de la requête de M. C..., il sera procédé à une expertise par un médecin traumatologue. Article 2 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier médical de M. C... et des expertises précédemment réalisées ; - examiner M. C..., décrire les gênes occasionnées par les pathologies dont il souffre, indiquer le cas échéant si la situation a évolué depuis sa demande de pension, et déterminer les taux d'invalidité afférents aux blessures en lien avec l'accident de juin 2016, en distinguant les cervicalgies et les dorsalgies. Article 3 : Pour l'accomplissement de la mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du code de justice administrative, tous documents utiles, et notamment tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé. Il pourra également entendre toute personne dont il estimerait l'audition utile. Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Après avoir prêté serment, il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. S'il lui apparaît nécessaire de faire appel au concours d'un sapiteur, il sollicitera l'autorisation du président de la cour, comme le prévoit l'article R. 621-2 du code de justice administrative. Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport sous forme dématérialisée dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec l'accord de ces dernières, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024. La présidente-assesseure, Anne MeyerLa présidente, rapporteure, Catherine D... La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03380
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX04306, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 17 juillet 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de stress post-traumatique, et d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de cette infirmité avec un taux d'invalidité de 50 %. Par un jugement n° 1902970 du 28 septembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021, M. D..., représenté par la SELARL MDMH, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 juillet 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de son état de stress post-traumatique avec un taux d'invalidité de 50 %, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale avant dire droit pour l'évaluation du taux d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - eu égard au contexte dans lequel il a exercé ses fonctions en Côte d'Ivoire, le tribunal a commis une erreur de droit en recherchant si des " conditions éprouvantes de service porteuses d'une dimension traumatique " permettaient de retenir l'imputabilité au service de l'affection ; au demeurant, il a également commis une erreur de fait et d'appréciation ; - la crainte de bombardements et le risque de mort constituent des circonstances particulières expliquant sa pathologie, conformément aux critères fixés par le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et aux " données admises par la science " ; alors qu'il a exercé ses fonctions sur un territoire affecté par des bombardements, il a nécessairement croisé des victimes, ce qui est corroboré par le témoignage du lieutenant-colonel A... ; le seul fait de risquer sa vie dans le cadre de bombardements imprévisibles, après avoir appris la mort de militaires français, suffit à établir l'existence d'un facteur de stress majeur ; l'expert a constaté les symptômes d'un stress post-traumatique, sans qu'aucune autre circonstance ou un état antérieur ne puisse les expliquer ; c'est ainsi à tort que le tribunal a jugé que sa pathologie ne trouvait pas sa cause directe et essentielle dans le service et s'est fondé sur sa qualité de militaire pour apprécier strictement l'existence de conditions particulières de service à l'origine de l'affection ; - l'expert a conclu que sa pathologie avait été " réactivée et aggravée " par les difficultés professionnelles et a retenu des troubles très intenses imputables au fait du 6 novembre 2004 pour un taux de 50 %. Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir qu'il ne ressort pas du témoignage du lieutenant-colonel A... que M. D... aurait été exposé à un fait traumatique précis ou à des situations répétées d'extrême tension à l'origine d'un syndrome de stress post-traumatique, au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat (n° 366628 du 22 septembre 2014). M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Clavier, représentant M. D.... Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 6 février 2024. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., engagé dans l'armée de terre le 3 octobre 2000, a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 9 janvier 2017, suivi d'un congé de longue maladie puis d'un congé de longue durée jusqu'au 2 juillet 2020, et radié des cadres le 3 juillet 2020 au grade d'adjudant-chef. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 10 % par arrêté du 5 septembre 2011, avec jouissance à compter du 26 mai 2011, pour une infirmité de séquelles d'épitrochléite (tendinite) traumatique du coude droit. Le 12 mars 2018, il en a sollicité la révision pour la prise en compte d'une infirmité nouvelle de stress post-traumatique. Par une décision du 17 juillet 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. D... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Poitiers. Il relève appel du jugement de rejet du 28 septembre 2021. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées l'article L. 4123 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit (...) en opération extérieure, (...), les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 3. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient au juge de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 4. En premier lieu, il est constant que le dossier de M. D... ne comporte aucun constat de troubles psychiques contemporains ou postérieurs à son affectation en Côte d'Ivoire du 14 octobre 2004 au 12 février 2005 dans le cadre de l'opération extérieure Licorne, ce qui fait obstacle au bénéfice de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il appartenait donc au juge, ainsi qu'il est exposé au point précédent, de rechercher si la pathologie était imputable à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit en procédant à cette recherche ne peut qu'être écarté. 5. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. D..., initialement en congé de maladie à compter du 9 janvier 2017 pour des lombalgies chroniques invalidantes, a été hospitalisé durant une semaine en mars 2017 dans le service de psychiatrie du centre hospitalier de Niort pour un état dépressif sévère. Par lettre du 7 juin 2017, un médecin de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué a indiqué à son psychiatre traitant qu'il allait proposer une mise en congé de longue maladie pour dépression, mais également pour troubles de stress post-traumatique, en relevant que M. D... aurait vécu pratiquement en direct le bombardement du camp Descartes à Bouaké le 6 novembre 2004 lors de l'opération Licorne, et que " le patient dit avoir participé à la gestion des blessés et des corps à l'issue ". Cette lettre décrit une symptomatologie anxiodépressive d'installation progressive face à une accumulation de difficultés personnelles et professionnelles, physiques et psychiques (absences au travail pour des démarches de procréation médicalement assistée jugées abusives, lombalgies chroniques nécessitant une chirurgie, mutation non souhaitée), et précise que " la sédentarisation et la mise à distance du travail ont réactivé des symptômes de la lignée traumatique " avec des reviviscences diurnes et nocturnes et un sommeil agité témoignant d'une symptomatologie hyper-adrénergique, sans que l'on puisse faire de lien de cause à effet avec la symptomatologie dépressive. L'expert qui a examiné M. D... le 29 mars 2019 a conclu à un taux global d'invalidité de 80 %, dont 30 % pour le syndrome dépressif non imputable au service et 50 % pour un état de stress post-traumatique dont le fait générateur serait le bombardement de Bouaké le 6 novembre 2004 ayant causé 10 morts et 33 blessés au sein de la force française Licorne. 6. Dans sa relation des faits transmise par son épouse à l'administration lors de l'instruction de sa demande de congé de longue maladie, M. D... a indiqué qu'il était arrivé en mission à Bouaké le 4 ou le 5 novembre 2004 avec un convoi logistique, qu'il avait appris peu après son départ pour Yamoussoukro le 6 novembre que des personnels présents dans le convoi logistique avaient été tués dans le bombardement, que le mandat avait été " très compliqué psychologiquement " compte tenu notamment des tensions avec la population ainsi que de l'évacuation des blessés, des corps et des matériels détruits, et qu'aucun suivi n'avait été prévu au retour en France. Toutefois, le responsable hiérarchique de M. D... au moment des faits, interrogé par l'administration, a indiqué qu'après avoir procédé à des recherches dans ses archives, il peut affirmer avec certitude que lors de l'attaque du 6 novembre 2004, M. D... n'était pas à Bouaké mais à Tombokro, qu'il n'a pas pu voir les corps ou les cercueils, mais peut-être des blessés légers soignés à l'antenne chirurgicale de Tombokro, que la mission qu'il indique avoir effectuée s'est déroulée du 25 au 28 octobre, et qu'il a participé à l'évacuation du matériel plusieurs jours après l'attaque sur Bouaké. Si cet unique témoignage confirme que " la situation était très compliquée " pour les forces françaises avec l'annonce d'un mouvement de population le 7 novembre au matin, il précise que la foule n'est pas venue jusqu'aux camps et que personne n'a eu à ouvrir le feu à Tombokro. L'exposition de M. D... à une ou plusieurs situations traumatisantes n'apparaît donc pas caractérisée. Dans ces circonstances, le tribunal, qui n'était pas tenu de suivre les conclusions de l'expertise, a fait une exacte application des principes exposés au point 3 en jugeant qu'en l'absence de circonstances particulières de service à l'origine de son affection, il n'établissait pas que sa pathologie trouvait sa cause directe et essentielle dans le service. 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande au regard de l'obligation de recours administratif préalable entrée en vigueur le 1er novembre 2019, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais exposés à l'occasion de l'instance d'appel ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX04306
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX01593, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Bigorre à lui verser une somme globale de 41 049,23 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de la perte de rémunération et du préjudice moral qu'elle aurait subis du fait du refus de l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 24 décembre 2011 ou, à défaut, d'ordonner une expertise en vue de déterminer le caractère d'imputabilité au service de ces arrêts de travail. Par un jugement n° 1800908 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 avril 2021, 15 mars 2023 et 19 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Marcel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 11 février 2021 ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Bigorre à lui verser l'indemnité demandée en première instance, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts ; 3°) à défaut, d'ordonner une expertise sur le caractère d'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 24 décembre 2011 ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bigorre la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'arrêts de travail n'est pas une décision à objet purement pécuniaire ; sa demande indemnitaire est recevable ; - ainsi que l'a reconnu le tribunal, elle n'a pu faire aucune observation et n'a pu donner les éléments médicaux pertinents faute d'avoir été informée de la date de la séance de la commission de réforme ; rien ne permet d'affirmer, contrairement à ce qu'il a estimé, que la décision aurait été identique si la procédure avait été respectée, deux certificats médicaux des 3 octobre 2013 et 16 janvier 2014 retenant le lien de causalité entre l'arrêt de travail de septembre 2012 et l'accident de service du 10 novembre 2011 et la cour ayant annulé la décision la mettant à la retraite pour invalidité ; aucun document médical n'a conclu en sens inverse et le centre hospitalier n'a pu se fonder que sur l'avis de la commission de réforme, qui ne l'a ni examinée ni entendue ; l'avis médical qu'elle a sollicité le 17 avril 2013 d'un médecin généraliste confirme le lien de ses arrêts de travail avec l'accident de service dont elle a été victime ; si cet avis n'apparaissait pas suffisant à la cour, il y a lieu d'ordonner une expertise ; - l'administration a dénaturé l'avis de la commission de réforme ; celle-ci aurait dû faire appel à l'avis d'un médecin expert et la procédure est contraire à l'article 16 du décret du 19 avril 1988 ; - elle a subi une rechute de son accident de service lorsqu'elle a été contrainte de reprendre le travail le 18 septembre 2012 ; elle a été en arrêt de travail pour " lombalgie hyper-algique " jusqu'au 24 septembre 2012, prolongé régulièrement jusqu'au 31 décembre 2016 ; avant son accident de service, elle ne souffrait d'aucun problème de santé ; les résultats du scanner réalisé le 4 décembre 2020 démontrent une aggravation de l'état de santé postérieure au 21 août 2012, date de réalisation d'une IRM du rachis lombaire ; le médecin qu'elle a consulté le 17 avril 2023 estime que tous ses arrêts de travail sont en lien avec les deux accidents de service du 10 novembre 2011 et 1er août 2012, ce dernier ayant été déclaré le 18 septembre 2012 ; - le préjudice financier résultant d'une rémunération à demi-traitement du 1er août 2012 au 25 mars 2015 s'élève à 16 049,20 euros, et l'ampleur de son préjudice moral, alors qu'elle a été contrainte de changer de logement avec sa fille et de vendre ses meubles, justifie une indemnisation à hauteur de 25 000 euros. Par des mémoires en défense enregistrés les 27 octobre 2022, 20 avril 2023 et 21 mai 2023, le centre hospitalier de Bigorre, représenté par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la demande de Mme A... était irrecevable dès lors que la demande indemnitaire est fondée sur l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2013 rejetant l'imputabilité au service des arrêts de travail et des soins postérieurs au 24 décembre 2011 et que cette décision est devenue définitive ; un recours de pleine juridiction est irrecevable si le demandeur était en mesure d'introduire un recours pour excès de pouvoir ayant les mêmes effets ; l'objet de l'action engagée par Mme A... est purement pécuniaire ; - la décision prise le 17 décembre 2013 est fondée sur l'avis de la commission de réforme du 22 octobre 2013, défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts postérieurs au 24 décembre 2011, ce qu'ont confirmé l'avis du comité médical du 17 juin 2014, l'avis de la commission de réforme du 24 mars 2015 et la décision de la CNRACL du 22 septembre 2016 favorable à une mise à la retraite pour invalidité ; l'expertise menée en 2016 a conclu à l'existence de lésions dégénératives lombaires ; c'est à juste titre que le tribunal a estimé que si Mme A... n'avait pas bénéficié du délai nécessaire pour préparer sa défense avant la séance de la commission de réforme du 22 octobre 2013, cette irrégularité était restée sans incidence sur le sens de la décision prise ; elle ne peut soutenir en dernier lieu avoir fait l'objet d'une rechute le 1er août 2012 alors qu'elle n'avait fait état que d'une prolongation de son arrêt de travail initial ; - Mme A... a bénéficié d'un indu de rémunération en cumulant un demi-traitement et les arrérages de sa pension de retraite ; alors qu'elle n'a jamais communiqué les pièces qui lui étaient demandées et ne s'est pas présentée à plusieurs reprises devant les médecins experts, témoignant d'une volonté d'obstruction manifeste, elle ne saurait se prévaloir d'un préjudice moral ; - au vu des nombreuses pièces du dossier, l'expertise sollicitée, qui ne peut porter au demeurant sur des questions de droit, est inutile. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Marcel, représentant Mme A..., et celles de Me Herrmann, représentant le centre hospitalier de Tarbes-Lourdes, venant aux droits du centre hospitalier de Bigorre. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., alors âgée de 49 ans, a été titularisée aide-soignante au centre hospitalier de Bigorre le 1er juillet 2011 et a été affectée en gériatrie. Le 10 novembre 2011, alors qu'elle manipulait un patient, elle a été victime d'un lumbago. Par une décision du 17 décembre 2013, cet accident a été reconnu imputable au service, de même que les arrêts de travail et soins pour la période du 10 novembre au 24 décembre 2011, mais pas les arrêts de travail postérieurs à cette date. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Pau pour obtenir la condamnation du centre hospitalier de Bigorre à réparer les préjudices subis du fait du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 24 décembre 2011. Par un jugement du 11 février 2021 dont Mme A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Sur la responsabilité du centre hospitalier de Bigorre : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 (...) ". Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / (...) / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. " 3. Alors que Mme A... soutient ne pas avoir été informée de la date de la réunion de la commission de réforme et de son droit à prendre connaissance de son dossier au préalable, le centre hospitalier de Bigorre produit un courrier du 18 octobre 2013 convoquant l'intéressée à la séance de la commission de réforme du 22 octobre suivant et comportant ces informations. Toutefois, le centre hospitalier ne justifie pas de la réception de ce courrier par Mme A..., ni d'ailleurs du respect du délai réglementaire pour informer l'agent de la date de la séance de la commission. L'absence de cette information était de nature à priver l'agent d'une garantie. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la séance du 22 octobre 2013, que Mme A... aurait été entendue par la commission de réforme, ni qu'elle aurait été représentée. Dans ces conditions, la décision du 17 décembre 2013, dont Mme A... peut exciper de l'illégalité au soutien de ses conclusions indemnitaires alors même que cette décision serait devenue définitive, est entachée d'un vice de procédure. 4. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise. 5. En l'espèce, postérieurement à son accident survenu le 10 novembre 2011, Mme A... a repris le travail pendant plusieurs mois avant d'être à nouveau arrêtée à compter du 1er août 2012 par son médecin généraliste, notamment pour des douleurs lombaires. Si son médecin traitant a estimé, dans deux certificats médicaux des 22 mai et 13 octobre 2012, que, bien que Mme A... ait repris le travail, son état de santé n'était toujours pas consolidé et que le nouvel arrêt s'expliquait par une rechute de son accident de service, et si une consultation expertale demandée par Mme A... en date du 14 avril 2023 a considéré que tous les arrêts de travail, intervenus entre 2012 et 2015 et justifiés par des problèmes lombaires, devaient être regardés comme des rechutes de l'accident de service, il résulte de l'instruction qu'une expertise médicale, réalisée le 26 août 2016, dans le cadre d'une mise à la retraite pour invalidité, a constaté que Mme A... présentait des lésions lombaires dégénératives et invalidantes. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Bigorre aurait pris, dans le cadre d'une procédure régulière, la même décision refusant de reconnaître imputables au service les arrêts de travail et les soins postérieurs au 24 décembre 2011. 6. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'une décision identique à celle qui a été édictée le 17 décembre 2013, portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... postérieurs au 24 décembre 2011, aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière. Il n'existe dès lors pas de lien entre la faute commise par le centre hospitalier et le dommage dont Mme A... demande réparation. 7. Il résulte ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, ni d'ordonner une expertise qui n'apparaît pas utile à la solution du litige, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Tarbes-Lourdes venant aux droits du centre hospitalier de Bigorre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le centre hospitalier au même titre. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Tarbes-Lourdes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier de Tarbes-Lourdes. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX01593
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 08/03/2024, 22MA02644, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 551 430,95 euros en indemnisation des préjudices non réparés et subis du fait de l'accident dont il a été victime le 5 octobre 2012. Par un jugement n° 2000965 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à lui verser la somme de 202 921 euros. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, M. A..., représenté par la SELARL Consolin Zanarini, demande à la Cour : 1°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 540 358,20 euros ; 2°) de réformer en conséquence le jugement du 4 octobre 2022 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'imputabilité de l'accident au service est établie ; - il a dès lors droit à la réparation de ses préjudices personnels non réparés par la pension d'invalidité ; - en outre, l'Etat a commis une faute à l'origine de l'accident ; un tiers a nécessairement omis de déconnecter un boitier télécommandé relié à une charge ; cela traduit une faute dans l'organisation du service ; - il a ainsi droit à la réparation intégrale de l'ensemble de ses préjudices, y compris l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel temporaire et permanent, au-delà de la pension allouée ; - s'agissant des autres préjudices, leur détermination ne peut intervenir par référence à un barème ; les souffrances, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et l'assistance par tierce personne ont été sous-évalués par le tribunal administratif. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2024-2 du 2 janvier 2024 relatif au montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles ; - les arrêtés interministériels des 30 décembre 2021 et 30 décembre 2022 relatifs au tarif minimal mentionné au I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles et fixant son montant pour les années 2022 et 2023 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Portehault, substituant la SELARL Consolin Zanarini, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., sergent-chef, affecté au 21ème régiment d'infanterie de marine, a subi de graves brûlures à la suite de l'explosion dans son bureau d'un artifice de simulation le 5 octobre 2012. M. A... a obtenu le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % ainsi que d'une allocation grand invalide, depuis le 3 janvier 2013. Il a également présenté une demande d'indemnisation des préjudices subis, qui a été rejetée implicitement par le ministre chargé de la défense puis par la commission des recours militaires. Il relève appel du jugement du 4 octobre 2022, par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité la condamnation qu'il a mise à la charge de l'Etat à la somme de 202 921 euros. Sur la responsabilité pour faute : 2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...) ". 3. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 5. En l'espèce, M. A... indique que l'accident est survenu alors que, chargé de préparer des explosifs de simulation, il vérifiait les piles des boitiers télécommandés destinés à les déclencher à distance. A supposer qu'ainsi que l'intéressé le soutient, l'accident n'aurait été rendu possible que par l'erreur commise par un autre militaire, qui aurait préalablement omis de déconnecter un boitier à sa charge explosive, il n'en résulterait pas pour autant une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service, de nature à engager la responsabilité de l'Etat. M. A..., qui se borne à regretter l'absence de production d'une enquête de gendarmerie, ne se prévaut d'aucune circonstance qui caractériserait une telle faute. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes tendant à obtenir une indemnisation complémentaire de ceux de ses préjudices déjà réparés par sa pension militaire d'invalidité, à savoir ses pertes de revenus, l'incidence professionnelle de l'accident ainsi que le déficit fonctionnel dont il a souffert à titre temporaire et dont il se trouve atteint de façon permanente. Sur la responsabilité sans faute : 6. M. A... a droit, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à la réparation des autres préjudices que ceux que la pension militaire d'invalidité qu'il perçoit a pour objet de réparer, à savoir, comme il les liste lui-même dans ses écritures, les souffrances éprouvées avant la consolidation, le préjudice esthétique, le préjudice sexuel, le préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, ainsi que les frais afférents à l'assistance par une tierce personne dès lors que le requérant ne bénéficie pas des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicables. En ce qui concerne les préjudices personnels : 7. Il y a lieu, s'agissant des souffrances et des préjudices esthétiques, eu égard aux circonstances de l'espèce telles que décrites par le tribunal administratif aux points 10 à 13 de son jugement, de retenir les montants justement fixés par la juridiction de première instance aux sommes respectives de 27 000 et 23 000 euros. 8. Il n'est pas contesté que M. A... subit un préjudice sexuel du fait des séquelles qu'il conserve de l'accident, l'expert missionné par le tribunal ayant relevé une perte de libido et l'absence de toute activité sexuelle. Alors qu'il était âgé de seulement 40 ans à la date de la consolidation de son état de santé, le 16 février 2016, il y a lieu d'allouer au requérant la somme de 10 000 euros qu'il demande à ce titre. 9. Il résulte par ailleurs de l'instruction que M. A... subit, en raison de l'invalidité imputable au service, des gènes pour la pratique de multiples activités de loisirs, culturelles, en particulier le chant et la guitare, ainsi que sportives, dès lors qu'il souffre d'une baisse de la mobilité, particulièrement des mains, et d'une sensation d'essoufflement. Dans ces circonstances, quand bien même il ne produit pas d'attestation justifiant de l'importance de ces pratiques dans son quotidien avant l'accident, ce préjudice sera justement réparé en lui allouant une somme de 10 000 euros à cet égard. En ce qui concerne l'assistance par une tierce personne : 10. Pour les motifs exposés par le tribunal administratif au point 20 de son jugement, il y a lieu de retenir que M. A... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée durant 1 591 heures entre la date de l'accident et la date de la consolidation de son état de santé, ainsi que s'en accordent d'ailleurs les parties. En tenant compte de la valeur moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée, augmentée des charges sociales incombant à l'employeur, il sera fait une juste appréciation du préjudice qui en a résulté pour M. A... en l'indemnisant selon un taux horaire de 13 euros et en retenant en base de calcul une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et jours fériés. L'intéressé n'apporte aucun élément de nature à justifier que le coût de cette assistance soit fixé à un taux supérieur, estimé selon lui à 23 euros. Dès lors, il y a lieu de fixer le montant en cause à la somme de 23 348 euros. 11. A partir du 16 février 2016, date de la consolidation de l'état de santé du requérant, l'expert a évalué les besoins d'assistance de M. A... à 4 heures par semaine, représentant 0,57 heures par jour. M. A... ne fait état d'aucune circonstance qui justifierait que soient retenus des taux horaires supérieurs à 13 euros jusqu'au 31 décembre 2017, 14 euros jusqu'au 31 décembre 2020 et 15 euros jusqu'au 31 décembre 2021, en calculant l'indemnisation sur la base de 412 jours par an pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent. A partir du 1er janvier 2022, il y a lieu de retenir le montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, de 22 euros pour l'année 2022, 23 euros pour l'année 2023 et 23,50 euros pour l'année 2024, sur la base de 365 jours par an dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés. Il y a ainsi lieu d'allouer la somme de 29 397 euros à M. A... pour l'indemnisation de son préjudice jusqu'à la lecture du présent arrêt. Postérieurement à cette lecture, il y a lieu de retenir un montant annuel, selon les mêmes modalités de calcul, de 4 889,18 euros, et de capitaliser cette somme par application du coefficient de 33,002 issu du barème 2022 de la gazette du palais à taux d'actualisation nul et correspondant à la rente versée à un homme de 48 ans, soit l'âge approximatif de M. A... à la date du présent arrêt. L'indemnité destinée à couvrir le préjudice futur doit ainsi être arrêtée à la somme de 161 353 euros. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser soit portée à la somme totale de 284 098 euros. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué. Sur les frais liés au litige : 13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La somme de 202 921 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 octobre 2022 est portée à 284 098 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 octobre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre des armées et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Poullain, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2024. 2 N° 22MA02644 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 5ème chambre, 07/03/2024, 22LY02203, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, le cas échéant après expertise, la décision du 28 septembre 2020 du directeur général des Hospices civils de Lyon portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n°2101408 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Braillard, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2022 et faire droit à sa demande de première instance ; 2°) d'enjoindre au directeur général des Hospices civils de Lyon de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision du 28 septembre 2020 est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est fondée à se prévaloir de la présomption instituée au IV de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 dès lors que le syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière epithochléo-oléocranienne figure au tableau des maladies professionnelles ; en tout état de cause, sa pathologie présente un lien direct et exclusif avec ses fonctions. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Walgenwitz, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Une ordonnance du 4 septembre 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 5 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, - et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., adjointe administrative employée par les Hospices civils de Lyon (HCL) en qualité de secrétaire, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2020 par laquelle le directeur général des HCL a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'épicondylite bilatérale dont elle souffre et qui a justifié son placement en congé de maladie à compter du 5 novembre 2018. 2. En premier lieu, la décision du 28 septembre 2020 du directeur général des Hospices civils de Lyon vise les textes applicables notamment la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ainsi que les avis rendus par la commission de réforme le 10 septembre 2020 et le 3 juin 2020 par le médecin agréé du service de médecine statutaire. Elle mentionne que " l'exposition au risque n'est pas démontrée " et " l'absence de lien direct et certain entre la pathologie et le poste de travail " pour conclure à l'article 1er que la maladie de Mme C... n'est pas reconnue imputable au service. La décision attaquée précise les motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité compétente s'est fondée pour l'édicter. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté. 3. En deuxième lieu, l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En conséquence, ces dispositions ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière. Ces dispositions n'étant pas applicables à la date de la survenance de l'accident que Mme C... invoque et de la décision en litige, cette dernière ne saurait utilement s'en prévaloir. 4. En dernier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans sa version applicable au litige, relatif à une pathologie constatée avant l'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. Mme C... soutient que le syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épithrochléo-oléocranienne confirmé par électromyogramme qui lui a été diagnostiqué en novembre 2018 est en lien direct avec les fonctions de secrétaire qu'elle exerce au sein des Hospices civils de Lyon depuis le 1er juillet 2002 et qui nécessite des gestes répétés. Elle produit plusieurs documents médicaux, dont des certificats et comptes rendus faisant état de sa pathologie, mais qui n'attestent pas d'un lien entre celle-ci et les fonctions exercées par l'intéressée. Seuls les certificats du docteur E..., médecin traitant de Mme C..., notamment celui établi le 23 décembre 2020, concluent que la pathologie présentée est liée aux " gestes répétitifs du poste de travail, travail bureautique avec parfois des comptes rendus écrits plus de 4 heures d'affilée ainsi qu'un appui prolongé sur la face postérieure du coude et des mouvements répétitifs ". Toutefois, il ressort du rapport d'expertise médicale du 3 juin 2020 du docteur A..., médecin agréé du service de médecine statutaire, rendu préalablement à l'avis émis par la commission de réforme le 10 septembre 2020 qui a conclu à l'absence de lien entre le service et la pathologie présentée, que les fonctions exercées par la requérante ne nécessitent pas un appui prolongé sur les coudes si bien qu'il " semble bien difficile dans ces conditions de pouvoir reconnaitre Madame C... au titre de la maladie professionnelle. " Il ressort en outre de la fiche de poste de Mme C..., produite au dossier, que ses fonctions impliquent certes un travail de bureautique mais incluent également d'autres missions telles que l'accueil et l'orientation des visiteurs, ou encore le classement et l'archivage lesquelles ne nécessitent pas un appui prolongé de la face postérieure des coudes. Enfin, une autre expertise réalisée par le docteur D..., rhumatologue, réalisée le 6 mai 2021 à la suite du recours gracieux exercé par Mme C..., postérieure à la décision en litige mais qui révèle un état antérieur, a dans le même sens conclu qu'" une étude ergonomique du poste est demandée pour statuer car, en l'état actuel, on ne peut établir de lien direct unique et certain entre l'activité professionnelle de la patiente et la pathologie présentée. " Dans ces conditions, et alors que ces éléments ne permettent pas d'établir de lien direct entre le service et la pathologie développée par la requérante, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée du 28 septembre 2020 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie serait entachée d'une erreur d'appréciation. 6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit utile d'ordonner une expertise médicale, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent par voie de conséquence être rejetées. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les Hospices civils de Lyon, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, versent à Mme C... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante une somme au titre des mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par les Hospices civils de Lyon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et aux Hospices civils de Lyon. Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Dèche, présidente, Mme Burnichon, première conseillère, Mme Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2024. La rapporteure, V. Rémy-Néris La présidente, P. Dèche La greffière, A-C. Ponnelle La République mande et ordonne au ministre de la transformation et la fonction publiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°22LY02203 kc
Cours administrative d'appel
Lyon
Conseil d'État, 4ème chambre, 01/03/2024, 474337, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 et 31 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision du 14 décembre 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'indemnisation du 5 avril 2022, en réparation du préjudice subi qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de procédures engagées devant la juridiction administrative ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de ce préjudice ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. M. A... demande, d'une part, l'annulation de la décision du 14 décembre 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de plusieurs procédures qu'il a engagées devant la commission des recours des militaires, le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d'appel de Marseille et, d'autre part, la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ce préjudice. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. La décision du garde des sceaux, ministre de la justice, a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. A..., qui, en formulant les conclusions analysées au point précédent, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet de la demande formée par le requérant, qui conduit le juge à se prononcer sur ses droits à indemnisation, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice s'est prononcé sur sa réclamation préalable et par laquelle il a lié le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de ce que cette décision serait signée par une autorité incompétente et serait entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat : 3. Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect. Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu notamment, de l'exercice des voies de recours, particulière à chaque instance et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement. Lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive. Lorsque des dispositions applicables à la matière faisant l'objet d'un litige organisent une procédure préalable obligatoire à la saisine du juge, la durée globale de jugement doit s'apprécier, en principe, en incluant cette phase préalable. La durée globale de jugement, en vertu des principes rappelés ci-dessus, est à prendre en compte jusqu'à l'exécution complète de ce jugement. S'agissant du litige relatif au rapport circonstancié après accident : 4. Il résulte de l'instruction que M. A..., marin-pompier au bataillon des marins pompiers de Marseille (BMPM), a demandé en mai 2017 au commandant de ce bataillon de lui communiquer le rapport circonstancié qui avait dû être rédigé à la suite de l'accident survenu dans la nuit du 3 au 4 octobre 2014. Par une décision du 5 juillet 2017, le commandant lui a opposé un refus. M. A... a alors saisi, le 24 juillet 2017, la commission des recours des militaires d'un recours contre cette décision de refus. Ce recours a été implicitement rejeté par la ministre des armées. Par une ordonnance du 30 avril 2019, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté son recours contre la décision initiale. Par une ordonnance du 11 juillet 2019, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de M. A... contre cette ordonnance. Par une décision du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille contre laquelle M. A... s'était pourvu en cassation. Par un arrêt du 1er octobre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat après cassation, a enjoint à la ministre des armées de faire établir un rapport circonstancié sur la maladie déclarée par M. A... et de l'inscrire sur le registre des constatations de son unité d'affectation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Le 5 novembre 2021, M. A... a demandé à la cour administrative de Marseille l'exécution de cet arrêt. Le 11 février 2022, cette cour a communiqué à M. A... les observations du ministre des armées selon lesquelles le rapport circonstancié sur la maladie de M. A... a été établi et inscrit au registre des constatations du BMPM. Le 25 février 2022, M. A... a demandé à la cour qu'il soit enjoint au ministre des armées d'établir à nouveau le rapport dès lors que l'un de ses signataires y avait porté une mention manuscrite indiquant que l'imputabilité au service restait à démontrer. Par une lettre du 3 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a informé M. A... que l'arrêt du 1er octobre 2021 n'appelait pas d'autres mesures d'exécution dès lors que le rapport circonstancié avait bien été établi, que la mention critiquée n'impliquait pas qu'il soit enjoint au ministre de rédiger un nouveau rapport et que le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille avait reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie. 5. S'il résulte de l'instruction que M. A... n'a obtenu du ministre des armées l'entière exécution de l'arrêt du 1er octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille que le 11 février 2022, date à laquelle il a reçu communication du rapport circonstancié, le caractère excessif de la durée d'une procédure juridictionnelle n'ouvre droit à la réparation que des préjudices qui résultent du mauvais fonctionnement du service public de la justice, et non de ceux qui trouvent leur origine directe dans le comportement de l'administration dans l'exécution de la décision juridictionnelle. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'arrêt du 1er octobre 2021 n'impliquait plus de mesures d'exécution à la suite de la communication, le 11 février 2022, du rapport circonstancié inscrit au registre du BMPM. En outre, le délai de communication de ce rapport n'est pas imputable à la cour administrative d'appel de Marseille. Il n'y a donc lieu, pour statuer sur sa requête, que d'examiner la durée totale de la procédure préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires et de la procédure juridictionnelle. A cet égard, il résulte de l'instruction que la durée totale de la procédure depuis la saisine de la commission de recours des militaires est de quatre ans et deux mois. En outre, la durée de la procédure devant le tribunal administratif de Marseille est d'un an et trois mois et celle de la procédure devant la cour administrative d'appel de Marseille statuant sur renvoi du Conseil d'Etat est de près de neuf mois. Aucune de ces durées ne présente de caractère excessif. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement aurait été méconnu. S'agissant des procédures relatives à la contestation de la décision de réforme et de radiation des contrôles et des conditions de placement en congé de longue durée pour maladie : 6. Il résulte de l'instruction que M. A... a saisi la commission des recours des militaires le 20 septembre 2017 d'un recours tendant à l'annulation de la décision le plaçant en congé de longue durée pour maladie à demi-solde non imputable au service pour une sixième période de six mois non renouvelable, puis, le 17 août 2018, d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2018 prononçant sa radiation des contrôles pour réforme définitive. Par un jugement du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé les décisions de la commission des recours des militaires rejetant les recours de M. A... et, d'autre part, enjoint à l'Etat de reconnaître la pathologie de M. A... imputable au service, de le placer en congé de longue durée pour maladie à pleine solde du 13 juillet 2017 au 12 janvier 2018 et, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de réexaminer les droits de M. A... au bénéfice d'un congé de longue durée pour maladie. M. A... a relevé appel de ce jugement le 22 juillet 2021 devant la cour administrative d'appel de Marseille, tout en demandant au tribunal administratif de Marseille d'assurer l'exécution de son jugement en prononçant une astreinte à l'encontre de l'Etat. Par un arrêt du 21 avril 2023, la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... dès lors que postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, le ministre des armées a assuré l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 2021 en réintégrant M. A... dans la marine nationale par une décision du 13 juillet 2022 et en le plaçant en congé de longue durée pour maladie pour une affection présumée imputable au service, par une décision du 25 octobre 2022. 7. Il résulte de l'instruction que les procédures devant la commission des recours des militaires ont duré respectivement onze et sept mois. Les procédures devant le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d'appel de Marseille ont duré respectivement deux ans et deux mois et un an et neuf mois. Aucune de ces durées n'est excessive, et la durée globale de la procédure, à compter de la première saisine de la commission des recours des militaires, de cinq ans et sept mois, ne présente pas non plus de caractère excessif. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement aurait été méconnu. Il n'est pas davantage fondé, en tout état de cause, à soutenir que le délai d'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille, lequel est imputable à l'administration, résulterait d'une faute lourde du tribunal administratif dans l'exercice de la fonction juridictionnelle, et à demander réparation du préjudice qu'il invoque à ce titre. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2023 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat-rapporteure. Rendu le 1er mars 2024. La présidente : Signé : Mme Maud Vialettes La rapporteure : Signé : Mme Catherine Fischer-Hirtz Le secrétaire : Signé : M. Jean-Marie BauneECLI:FR:CECHS:2024:474337.20240301
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