Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 08/02/2024, 23BX02137, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le maire de Libourne a refusé de reconnaître imputables à l'accident de service du 4 décembre 2018 les arrêts de travail et soins à compter du 20 mars 2019. Par un jugement n° 1906239 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a ordonné, avant-dire-droit, une expertise, puis par un jugement 12 octobre 2022, il a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et a enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. Mme C... A... a également demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le maire de Libourne l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022. Par un jugement n° 2106201 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Procédures devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 9 décembre 2022 et le 18 décembre 2023, sous le n° 22BX03035, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2022 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation, et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 à 12 heures par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai et 13 novembre 2023 sous le n° 23BX01254, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1906239 du 12 octobre 2022 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 22BX03035. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 juillet et le 18 décembre 2023 sous le n° 23BX02136, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2023 sous le n° 23BX02137, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 23BX02136. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 9 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ; - et les observations de Me Bach, pour la commune de Libourne. Vu les notes en délibéré, enregistrées le 9 janvier 2024, présentées pour la commune de Libourne dans les quatre instances. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., adjointe technique territoriale, exerce ses fonctions dans le service de la propreté urbaine de la commune de Libourne. Le 4 décembre 2018, elle a été victime pendant son travail d'un traumatisme à l'épaule droite qui a été considéré comme imputable au service par un arrêté du maire de Libourne du 31 décembre 2018. Le 5 mars 2019, elle a repris ses fonctions. Le 20 mars 2019, elle a présenté un certificat médical de rechute de son accident de service. Suivant l'avis défavorable émis par la commission de réforme, réunie le 16 octobre 2019, le maire de Libourne a refusé de reconnaître les arrêts et soins à compter du 20 mars 2019 imputables au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter de cette date, par un arrêté du 7 novembre 2019. Si Mme A... a repris ponctuellement le travail, elle a notamment été placé en congé de maladie ordinaire du fait de sa pathologie à l'épaule droite du 14 septembre 2020 au 13 septembre 2021. Après avis du comité médical départemental en date du 6 octobre 2021, elle a été placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022, par un arrêté du maire de Libourne en date du 14 octobre 2021. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation des arrêtés des 7 novembre 2019 et 14 octobre 2021. Par jugement avant-dire droit en date du 20 octobre 2021, le tribunal a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été déposé au greffe le 15 avril 2022 et complété le 10 juillet 2022. Par un jugement du 12 octobre 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. La commune de Libourne relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n° 22BX03035, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution par la requête enregistrée sous le n° 23BX01254. Par un jugement du 7 juin 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Mme A... relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n°23BX02136, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution, par la requête enregistrée sous le n° 23BX02137. 2. Les affaires enregistrées sous les numéros 22BX03035, 23BX01254, 23BX02136, et 23BX02137 concernent la situation d'un même agent et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 3. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Ces dispositions ne sont ainsi entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, et que la commune de Libourne ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, fonder le refus d'imputabilité à l'accident de service survenu antérieurement à cette date sur l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. 4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de l'accident de service : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 6. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 2018, alors qu'elle descendait du toit d'un véhicule de nettoyage en prenant appui sur l'une de ses portières, Mme A... a chuté lorsque celle-ci s'est ouverte, ce qui lui a occasionné un traumatisme de l'épaule droite caractérisé par un phénomène de " traction contre résistance ". Même si aucune lésion organique n'a été révélée par l'échographie puis l'IRM passés les 23 janvier et 4 mars 2019 et qu'aucune indication chirurgicale n'a été alors posée, les douleurs provoquées ont justifié la prescription de quinze séances de rééducation et plus de deux mois d'arrêts de travail, son médecin traitant ayant retenu le 4 mars 2019 " une guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure ". Mme A... a repris son activité le 5 mars 2019 mais a présenté un certificat médical de rechute de son accident du travail à compter du 20 mars 2019 pour une récidive des douleurs. Si le diagnostic d'entorse acromio-claviculaire posé par ce certificat n'a pas été confirmé par les examens postérieurs et est réfuté par l'expert désigné par le tribunal, il est constant que Mme A..., lors de la reprise de ses fonctions, a été affectée sur un poste consistant à vider les poubelles et collecter les encombrants, et sollicitant ainsi son épaule alors que le médecin du travail, lors de la visite de reprise en date du 13 mars 2019, avait interdit le port de charges supérieures à 5 kg et les manutentions répétées. L'expert, qui a conclu à l'absence d'éléments médicaux permettant de rattacher le nouvel arrêt de travail à l'accident de service, au motif de l'absence de lésion organique et de séquelle identifiée, affirme néanmoins, dans son complément d'expertise du 10 juillet 2022 comme " probable qu'une activité manuelle relativement physique soit à l'origine d'une majoration de [sa] plainte algique ". En outre, devant la persistance des douleurs, Mme A... sera finalement opérée le 12 août 2021 d'une bursectomie sous-acromiale, une acromioplastie et une ténotomie du biceps. Enfin, il n'est fait état d'aucun autre état antérieur expliquant que l'intéressée, âgée seulement de 29 ans lors de son accident, souffre, à compter du 20 mars 2019, de la même symptomatologie algique que celle ayant suivi son traumatisme de l'épaule, reconnue imputable au service. Dans ces conditions, les arrêts et soins postérieurs au 20 mars 2019 doivent être regardés présentent un lien direct avec l'accident de service initial du 4 décembre 2018. 7. La commune de Libourne ne peut se prévaloir utilement des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui, ainsi qu'il a été dit, ne sont pas applicables ratione temporis au présent litige. 8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019, puis, par voie de conséquence, l'arrêté du 14 octobre 2021 par son jugement du 7 juin 2023. Sur les dépens de première instance : 9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a mis à sa charge, conformément aux dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 845 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal du 25 avril 2022. Sur les conclusions aux fins de sursis : 10. Le présent arrêt statuant sur les appels de la commune de Libourne dirigés contre les jugements n° 1906239 du 12 octobre 2022 et n° 2106201 du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux, les conclusions des requêtes n° 23BX01254 et n° 23BX02137 tendant ce qu'il soit sursis à leur exécution ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions. Sur les frais de l'instance : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Libourne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Libourne une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n°23BX01254 et n° 23BX02137. Article 2 : Les requêtes n°s 22BX03035 et 23BX02136 de la commune de Libourne sont rejetées. Article 3 : La commune de Libourne versera à Mme A... une somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Libourne et à Mme C... A.... Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024. Le rapporteur, Julien B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22BX03035-23BX01254-23BX02136-23BX02137 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 08/02/2024, 23BX01254, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le maire de Libourne a refusé de reconnaître imputables à l'accident de service du 4 décembre 2018 les arrêts de travail et soins à compter du 20 mars 2019. Par un jugement n° 1906239 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a ordonné, avant-dire-droit, une expertise, puis par un jugement 12 octobre 2022, il a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et a enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. Mme C... A... a également demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le maire de Libourne l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022. Par un jugement n° 2106201 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Procédures devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 9 décembre 2022 et le 18 décembre 2023, sous le n° 22BX03035, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2022 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation, et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 à 12 heures par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai et 13 novembre 2023 sous le n° 23BX01254, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1906239 du 12 octobre 2022 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 22BX03035. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 juillet et le 18 décembre 2023 sous le n° 23BX02136, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de rejeter la demande de première instance ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens, en ce compris les frais d'expertise. Elle soutient que : - l'accident du 5 octobre 2018 n'a eu aucune séquelle sur l'agent, qui était guérie, au 5 mars 2019 et a repris une activité normale du 5 au 20 mars 2019 ; - la guérison doit être distinguée de la simple consolidation et aucune des conditions posées par la jurisprudence pour caractériser une rechute n'est remplie ; - Mme A... n'a pas davantage été victime d'un second accident de service, qu'elle n'a pas déclaré et ne souffre d'aucune entorse acromio-claviculaire et conflit sous-acromial, ni d'aucune autre lésion ; - aucun lien d'imputabilité direct et certain n'est établi entre l'accident de service et la pathologie ; - Mme A... n'a jamais déclaré de maladie imputable au service ; une entorse ne peut être qualifiée de maladie, pas plus que des douleurs ; - la condition d'invalidité prévue au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, applicable en l'espèce, n'est pas respectée. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens tirés de l'absence de rechute et de maladie professionnelle sont inopérants ; - les autres moyens soulevés par la commune de Libourne ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 par une ordonnance du 13 novembre 2023. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2023 sous le n° 23BX02137, la commune de Libourne, représentée par Me Bach, demande à la Cour : 1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106201 du 7 juin 2023 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance enregistrée sous le n° 23BX02136. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Baulimon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Libourne le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 9 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ; - et les observations de Me Bach, pour la commune de Libourne. Vu les notes en délibéré, enregistrées le 9 janvier 2024, présentées pour la commune de Libourne dans les quatre instances. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., adjointe technique territoriale, exerce ses fonctions dans le service de la propreté urbaine de la commune de Libourne. Le 4 décembre 2018, elle a été victime pendant son travail d'un traumatisme à l'épaule droite qui a été considéré comme imputable au service par un arrêté du maire de Libourne du 31 décembre 2018. Le 5 mars 2019, elle a repris ses fonctions. Le 20 mars 2019, elle a présenté un certificat médical de rechute de son accident de service. Suivant l'avis défavorable émis par la commission de réforme, réunie le 16 octobre 2019, le maire de Libourne a refusé de reconnaître les arrêts et soins à compter du 20 mars 2019 imputables au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter de cette date, par un arrêté du 7 novembre 2019. Si Mme A... a repris ponctuellement le travail, elle a notamment été placé en congé de maladie ordinaire du fait de sa pathologie à l'épaule droite du 14 septembre 2020 au 13 septembre 2021. Après avis du comité médical départemental en date du 6 octobre 2021, elle a été placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022, par un arrêté du maire de Libourne en date du 14 octobre 2021. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation des arrêtés des 7 novembre 2019 et 14 octobre 2021. Par jugement avant-dire droit en date du 20 octobre 2021, le tribunal a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été déposé au greffe le 15 avril 2022 et complété le 10 juillet 2022. Par un jugement du 12 octobre 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et enjoint à la commune de Libourne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... à compter du 20 mars 2019 et à la reconstitution de sa carrière. La commune de Libourne relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n° 22BX03035, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution par la requête enregistrée sous le n° 23BX01254. Par un jugement du 7 juin 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Libourne de placer Mme A... en congé imputable au service pour la période du 14 septembre 2021 au 13 mars 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, en la rétablissant dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux. Mme A... relève appel de ce jugement par la requête enregistrée sous le n°23BX02136, et demande que soit ordonné le sursis à son exécution, par la requête enregistrée sous le n° 23BX02137. 2. Les affaires enregistrées sous les numéros 22BX03035, 23BX01254, 23BX02136, et 23BX02137 concernent la situation d'un même agent et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 3. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Ces dispositions ne sont ainsi entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, et que la commune de Libourne ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, fonder le refus d'imputabilité à l'accident de service survenu antérieurement à cette date sur l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. 4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de l'accident de service : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 6. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 2018, alors qu'elle descendait du toit d'un véhicule de nettoyage en prenant appui sur l'une de ses portières, Mme A... a chuté lorsque celle-ci s'est ouverte, ce qui lui a occasionné un traumatisme de l'épaule droite caractérisé par un phénomène de " traction contre résistance ". Même si aucune lésion organique n'a été révélée par l'échographie puis l'IRM passés les 23 janvier et 4 mars 2019 et qu'aucune indication chirurgicale n'a été alors posée, les douleurs provoquées ont justifié la prescription de quinze séances de rééducation et plus de deux mois d'arrêts de travail, son médecin traitant ayant retenu le 4 mars 2019 " une guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure ". Mme A... a repris son activité le 5 mars 2019 mais a présenté un certificat médical de rechute de son accident du travail à compter du 20 mars 2019 pour une récidive des douleurs. Si le diagnostic d'entorse acromio-claviculaire posé par ce certificat n'a pas été confirmé par les examens postérieurs et est réfuté par l'expert désigné par le tribunal, il est constant que Mme A..., lors de la reprise de ses fonctions, a été affectée sur un poste consistant à vider les poubelles et collecter les encombrants, et sollicitant ainsi son épaule alors que le médecin du travail, lors de la visite de reprise en date du 13 mars 2019, avait interdit le port de charges supérieures à 5 kg et les manutentions répétées. L'expert, qui a conclu à l'absence d'éléments médicaux permettant de rattacher le nouvel arrêt de travail à l'accident de service, au motif de l'absence de lésion organique et de séquelle identifiée, affirme néanmoins, dans son complément d'expertise du 10 juillet 2022 comme " probable qu'une activité manuelle relativement physique soit à l'origine d'une majoration de [sa] plainte algique ". En outre, devant la persistance des douleurs, Mme A... sera finalement opérée le 12 août 2021 d'une bursectomie sous-acromiale, une acromioplastie et une ténotomie du biceps. Enfin, il n'est fait état d'aucun autre état antérieur expliquant que l'intéressée, âgée seulement de 29 ans lors de son accident, souffre, à compter du 20 mars 2019, de la même symptomatologie algique que celle ayant suivi son traumatisme de l'épaule, reconnue imputable au service. Dans ces conditions, les arrêts et soins postérieurs au 20 mars 2019 doivent être regardés présentent un lien direct avec l'accident de service initial du 4 décembre 2018. 7. La commune de Libourne ne peut se prévaloir utilement des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui, ainsi qu'il a été dit, ne sont pas applicables ratione temporis au présent litige. 8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019, puis, par voie de conséquence, l'arrêté du 14 octobre 2021 par son jugement du 7 juin 2023. Sur les dépens de première instance : 9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Libourne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a mis à sa charge, conformément aux dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 845 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal du 25 avril 2022. Sur les conclusions aux fins de sursis : 10. Le présent arrêt statuant sur les appels de la commune de Libourne dirigés contre les jugements n° 1906239 du 12 octobre 2022 et n° 2106201 du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux, les conclusions des requêtes n° 23BX01254 et n° 23BX02137 tendant ce qu'il soit sursis à leur exécution ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions. Sur les frais de l'instance : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Libourne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Libourne une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n°23BX01254 et n° 23BX02137. Article 2 : Les requêtes n°s 22BX03035 et 23BX02136 de la commune de Libourne sont rejetées. Article 3 : La commune de Libourne versera à Mme A... une somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Libourne et à Mme C... A.... Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024. Le rapporteur, Julien B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22BX03035-23BX01254-23BX02136-23BX02137 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 29/12/2023, 21NC00703, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé le 20 novembre 2018 au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg, la demande de M. A.... Par un jugement n° 2000641 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 mars 2021, le 20 juin 2021 et le 15 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Chaib, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 février 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité ; 3°) de lui attribuer une pension militaire d'invalidité pour les infirmités ORL et respiratoires consécutives à la maladie contractée en opération d'assistance extérieure (OPEX) le 11 juin 1984 ainsi que pour les gonalgies mécaniques bilatérales récurrentes et gonarthroses bilatérales des genoux, dont le taux d'invalidité ne saurait être inférieur à 10 % ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour déterminer la situation exacte de son état de santé au regard de son droit à pension militaire d'invalidité ; 5°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande de pension militaire d'invalidité ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas statué sur l'ensemble des éléments de sa demande car il ne fait référence qu'à la rhinite : or, il a formé une demande de pension militaire d'invalidité non pas uniquement pour une rhinite mais pour plusieurs problèmes de la sphère ORL dont des rhinopharyngites, sinusites avec complications collatérales de type catarrhes tubaires à l'origine de la diminution de son acuité auditive ; sur l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " : - les premiers juges ont commis une erreur dans l'analyse de sa situation ; - sa blessure du 1er octobre 1986 survenue lors d'un raid de 15 km est consignée dans le registre des constatations des blessures survenues pendant le service du 24 août 2017 ; - le lien entre l'infirmité et le service n'a pas été remis en cause par l'administration : le médecin militaire a reconnu ce lien dans son rapport médical et lui a accordé le 28 août 2017 une cure thermale pour cette infirmité ; - la décision de rejet a méconnu les dispositions de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre car elle n'a pas été prise à la suite d'un examen sérieux de sa demande de pension militaire d'invalidité : . l'expertise médicale qui a retenu un taux d'invalidité de 2 % est hautement contestable car le praticien n'a pas respecté les bonnes pratiques en matière d'expertise médicale et notamment l'instruction ministérielle n° 606 B du 20 juillet 1976 reprise dans le guide de l'expert du réseau des experts agréés en pension militaire d'invalidité ; il n'a pas analysé l'ensemble des pièces produites et n'a pas réalisé des examens complémentaires nécessaires ; . les comptes-rendus de la radiographie des genoux et de l'échographie de 2012 et des IRM de 2016 font apparaître notamment un épanchement sous-quadricipital et un épanchement intra-articulaire qui correspond à un taux d'invalidité entre 10 % et 30 % selon le guide-barème ; - il subit une gêne fonctionnelle et un taux d'invalidité supérieur à 10 % ; il a besoin de soins pour ses genoux depuis plus de quinze ans ; il bénéficie de cures thermales et d'une carte prioritaire pour personnes handicapées depuis 2011 ; sur l'infirmité rhinopharyngite-sinusite récurrente et les troubles de l'appareil auditif qui en résulteraient : - il a contracté le 11 juin 1984 en OPEX en République Centrafricaine une " angine virale ou bactérienne " affectant la sphère ORL et les voies respiratoires, qui a été confirmée par deux courriers du ministère des 22 décembre 2014 et 5 janvier 2017 et enregistrée au registre médical militaire du 11 juin 1984 ; - cette maladie a entraîné des complications sur son appareil respiratoire avec des symptômes ORL et les infections à répétition de la sphère ORL ont aggravé sa surdité ; - il a bénéficié de cures thermales pour soigner les troubles ORL consécutifs à sa maladie ; - il souffre d'une gêne fonctionnelle et son taux d'invalidité est de 10 % ; - l'instruction de la demande est hautement contestable car l'expert n'a pas procédé à un examen médical permettant de vérifier s'il souffre de troubles ORL, n'a pas suivi le guide des bonnes pratiques et n'a pas procédé aux examens médicaux nécessaires et notamment à un examen audiométrique ; - la fréquence des rhino-pharyngites et des sinusites a provoqué des catarrhes tubaires causant une diminution de son acuité auditive et il doit désormais porter des prothèses auditives ; - il a formé une nouvelle demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " rhinopharyngosinusite récurrente avec catarrhe tubaire " le 5 février 2019 ; sur ses autres infirmités : bronchectasies localisées et perte de l'acuité auditive : - c'est à tort que l'administration a déclaré ses demandes irrecevables au motif qu'elles avaient déjà fait l'objet d'un rejet définitif ; - en ce qui concerne les bronchectasies localisées : . les différentes décisions produites par le ministère des armées concernent les troubles médicalement répertoriés en 1969 alors que sa demande du 30 mars 2016 se rapporte aux troubles respiratoires consécutifs à la maladie contractée en Centrafrique ; . en dépit des éléments médicaux probants, le ministère des armées a considéré que cette infirmité avait déjà fait l'objet d'une instruction et que le rejet de la demande était définitif en se référant à un arrêt du Conseil d'Etat du 7 juillet 2004 ; or il s'agit d'une erreur car cet arrêt concerne une ancienne infirmité contractée en 1969 et non pas les bronchectasies localisées correspondant à de nouvelles séquelles fonctionnelles et consécutives à sa maladie contractée en Afrique ; . ni le tribunal administratif, ni l'administration n'ont procédé aux examens nécessaires ; - en ce qui concerne la perte d'acuité auditive : . il se trouvait en OPEX lorsqu'il a contracté son angine virale le 11 juin 1984 et il bénéficie donc de la présomption d'imputabilité ; en tout état de cause, le lien entre cette maladie et ses problèmes auditifs est avéré ; . c'est à tort que la perte d'acuité auditive n'a pas été retenue par l'administration au titre de la demande de pension militaire d'invalidité au motif que cette infirmité aurait déjà fait l'objet d'une décision de rejet puis d'une décision d'irrecevabilité ; il s'agit d'une infirmité nouvelle liée à la maladie contractée en Centrafrique ; - un médecin avait déjà évalué dès le 17 août 2004 le taux d'invalidité lié à cette pathologie à 10 %. Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 novembre 2022 et le 24 janvier 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : sur l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " : - elle ne peut ouvrir droit à une pension militaire d'invalidité car le taux de cette infirmité est inférieur à 10 % ; - si l'expert n'a pas effectué de mesures précises concernant les genoux de l'intéressé, son examen médical est tout à fait suffisant pour constater que seul un taux d'invalidité inférieur à 10 % peut être retenu pour cette infirmité ; - le certificat du médecin du 6 mai 2019 n'est pas contemporain de la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... du 30 mars 2016 et n'a donc pas à être pris en compte au regard de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - en raison de l'insuffisance du taux d'invalidité, il est inutile d'examiner l'éventuelle imputabilité au service de l'infirmité invoquée ; - si le guide-barème indemnise l'hydarthrose chronique, c'est uniquement l'hydarthrose chronique à poussées récidivantes " avec amyotrophie marquée " qui peut être indemnisée à un taux compris entre 10% et 30 %, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; le certificat médical établi le 27 juillet 2021, au demeurant non contemporain de la demande de pension, n'est pas de nature à remettre en cause l'expertise judicaire qui n'a constaté ni amyotrophie ni épanchement lors de son examen ; sur l'infirmité rhinopharyngite-sinusite récurrente et les troubles de l'appareil auditif qui en résulteraient : - alors que le requérant se plaint d'écoulement nasal chronique et d'obstruction nasale quotidienne ainsi que d'épisodes de sinusite aiguë une fois par an, au jour de l'examen, l'expert n'a décelé ni rhinopharyngite, ni sinusite ; - en tout état de cause, même si cette infirmité entraînait un taux d'invalidité indemnisable, elle ne saurait donner lieu au versement d'une pension militaire d'invalidité : le guide-barème n'indemnise que la sinusite secondaire à un traumatisme, ce qui n'est pas le cas en l'espère, comme l'ont relevé les premiers juges, à juste titre ; - si le requérant soutient que ses infections ORL sont secondaires à la maladie " angine virale ou bactérienne " contactée en OPEX en 1984, il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le jugement qui a considéré que la rhinite de M. A... n'a pas pour origine un traumatisme ; sur les autres infirmités : - celles-ci sont irrecevables car elles ont fait l'objet de deux décisions définitives rendues par le Conseil d'Etat ; - en ce qui concerne la perte d'acuité auditive : . l'audiogramme réalisé le 30 juillet 1990 par le requérant, soit un an après sa radiation des contrôles, montrait une perte auditive moyenne de 20 décibels à droite et de 25 décibels à gauche, correspondant à un taux de 0 % au regard du guide-barème ; cet élément démontre que l'angine érythémateuse contractée en 1984 n'a eu aucune conséquence sur l'état auditif de l'intéressé ; . il appartient à M. A... de rapporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre des faits précis ou des circonstances particulières de service et l'affection qu'il invoque car le 11 juin 1984 le requérant n'effectuait pas une OPEX de sorte qu'il ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité pour cette maladie ; . M. A... avait déjà sollicité une demande pour une " hypoacousie bilatérale " décelée en 1975, ayant abouti à une décision de rejet du 20 septembre 1976 non contestée, et une nouvelle demande pour des troubles auditifs et pour laquelle une lettre confirmative de rejet lui a été adressée le 20 novembre 1997 ; c'est donc à juste titre que suite à la nouvelle demande de monsieur A..., enregistrée le 30 mars 2016, la sous-direction des pensions, par lettre du 21 septembre 2016 a indiqué à M. A... qu'aucune suite ne pouvait être donnée à toute demande portant sur l'hypoacousie bilatérale de perception ; . la décision de rejet du 19 octobre 2018 n'ayant pas statué sur cette infirmité définitivement rejetée par décision du Conseil d'Etat, c'est à bon droit que le tribunal ne s'est pas prononcé sur cette infirmité ; - en ce qui concerne les bronchectasies localisées : . les bronchectasies qu'il présente sont identiques à celles définitivement rejetées par le Conseil d'Etat le 7 juillet 2004 : . M. A... a formulé une première demande d'indemnisation pour cette infirmité et une décision de rejet, non contestée, a été prise le 20 septembre 1976 au motif que le taux de l'infirmité " Bronchectasies localisées du lobe moyen et du segment intracardiaque " était de 10 %, inférieur au minimum indemnisable de 30 % pour une infirmité résultant de maladie contractée en période hors guerre ; . une nouvelle demande le 3 août 1988 et une nouvelle décision de rejet a été prise le 7 mars 1990 pour cette infirmité et le Conseil d'Etat a considéré dans sa décision du 7 juillet 2004 qu'aucune circonstance particulière du service ne peut être considérée comme étant à l'origine de l'infirmité apparue sous la forme de " bronchectasies du lobe moyen et intracardiaques rétractées avec bronchite spastique lobaire inférieure droite " ; . c'est donc à bon droit que la commission de réforme, dans son procès-verbal du 17 octobre 2018, a noté que l'infirmité " Bronchectasies " a déjà fait l'objet d'une notification de rejet par le Conseil d'Etat et que, pour ce motif, la décision litigieuse de rejet du 19 octobre 2018 ne s'est pas prononcée sur cette infirmité, de même que le tribunal administratif. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Chaib, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé dans l'armée le 1er août 1964 et a été radié des cadres de l'armée active le 21 juillet 1989. Le 30 mars 2016, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour deux infirmités : " gonalgies bilatérales avec douleurs " et " infection de la sphère ORL ayant entrainé des complications sur son appareil respiratoire avec symptômes ORL ". Par une décision du 19 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande aux motifs que le taux d'invalidité de 10 % n'était pas atteint pour la gonarthrose bilatérale et que l'infirmité de rhinopharyngosinusite récurrente n'était pas décelée. M. A... relève appel du jugement du 23 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, si M. A... soutient que le tribunal administratif n'a pas statué sur l'ensemble des éléments de sa demande au motif que le jugement ne fait référence qu'à la rhinite alors qu'il a également formé une demande de pension pour plusieurs problèmes de la sphère ORL dont des rhinopharyngites, sinusites avec complications collatérales de type catarrhes tubaires à l'origine de la diminution de l'acuité auditive, il ressort du point 5 du jugement litigieux sous le titre " rhinopharyngosinusite récurrente et les troubles de l'appareil auditif qui en résulteraient " que les premiers juges se sont prononcés sur l'ensemble des éléments de l'infirmité ayant donné lieu à la décision de rejet contesté et ont mentionné la diminution de son acuité auditive. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité. 3. En second lieu, la circonstance invoquée par le requérant selon laquelle le tribunal administratif n'aurait pas procédé aux examens nécessaires pour s'assurer que les bronchectasies localisées ne seraient pas une nouvelle infirmité relève du bien-fondé du jugement et ne saurait donc entacher celui-ci d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement : 4. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 26 du même code, alors applicable : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". 5. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une infirmité ouvre droit au versement d'une pension, sous réserve que les conditions d'imputabilité au service prévues par le code soient par ailleurs remplies, dès lors qu'elle entraîne une invalidité égale ou supérieure à 10 %. 6. En l'espèce, la décision litigieuse du 19 octobre 2018 de la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... aux motifs que, s'agissant de la première infirmité " gonarthrose bilatérale : pas d'hydarthrose chronique, pas d'anomalie des amplitudes fonctionnelles, douleurs mécaniques sans limitation fonctionnelle notable " et après expertise réglementaire, le taux d'invalidité était inférieur au minimum indemnisable de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension et que de ce fait, l'origine n'a pas été recherchée et que s'agissant de la seconde infirmité " rhinopharyngosinusite récurrente ", celle-ci n'avait pas été décelée après expertise réglementaire. En ce qui concerne l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " : 7. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire du 4 mai 2018, lequel vise notamment les radiographies des genoux de 2006 et de 2018, que des amplitudes articulaires normales des genoux droit et gauche secs, non inflammatoires et stables, ont été constatées. Le taux d'invalidité de cette infirmité a ainsi été évaluée à 2 %. Par ailleurs, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité a précisé dans son avis du 29 juin 2018 être en accord avec l'expert judiciaire puisque l'examen clinique est normal et que seule la marche accidentée déclenche des douleurs. Il a donc également conclu un taux d'invalidité inférieur à 10 %. Si M. A... se prévaut d'autres certificats médicaux dont un établi le 27 juillet 2021, ces derniers ne sont pas contemporains de la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... et ne peuvent donc être pris en compte pour l'appréciation du droit à pension. Les circonstances que l'administration a accordé à M. A... des soins de cure pour des gonalgies et que ce dernier bénéficie d'une carte prioritaire pour personnes handicapées ne permettent pas d'établir une gêne fonctionnelle justifiant un droit à pension militaire d'invalidité. Enfin, il ne résulte pas des éléments du dossier que l'administration n'aurait pas procédé à un examen complet de sa demande. 8. En second lieu, si le requérant fait valoir que l'expertise judiciaire serait irrégulière au motif que certaines mensurations, sans autres précisions, ne figurent pas dans le rapport contrairement au guide des bonnes pratiques, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par ailleurs, l'absence de visas des comptes-rendus des IRM des 15 janvier et 3 février 2016 dans le rapport d'expertise ne peut, à elle-seule, démontrer que l'expert ne les a pas pris en compte pour l'appréciation de l'infirmité du requérant. 9. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que c'est à tort que la ministre des armées a rejeté la demande de pension de M. A... au motif que le taux constaté pour l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " est inférieur à 10 %. En ce qui concerne l'infirmité " rhinopharyngosinusite " : 10. Il résulte du rapport de l'expert judiciaire du 4 mai 2018 que celui-ci a constaté l'absence de symptômes particuliers au niveau des sinusites. Si le requérant conteste la régularité de l'expertise au motif que le médecin expert n'a pas procédé à des examens médicaux supplémentaires nécessaires et notamment à un examen audiométrique, il n'établit pas qu'ils étaient nécessaires. Au surplus, et comme le soutient le ministre en défense sans être contredit par le requérant, le guide barème des invalidités n'indemnise les infirmités liées aux sinusites et leurs conséquences que lorsque ces dernières sont secondaires à un traumatisme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la ministre des armées ait entaché sa décision d'erreur d'appréciation en refusant à M. A... un droit à pension pour cette infirmité au motif qu'elle n'avait pas été constatée. En ce qui concerne l'infirmité " perte auditive " : 11. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 21 septembre 2016 le chef du bureau " instruction des pensions et contentieux " a informé M. A... que l'infirmité " gêne auditive " ne serait pas examinée au motif qu'elle avait déjà fait l'objet d'une demande qui avait été refusée. Cette décision n'est pas contestée dans la présente instance. Dans ces conditions et alors que le refus de pension du 19 octobre 2018, en litige, ne porte pas sur cette infirmité, les moyens invoqués par M. A... pour contester le refus de pension militaire d'invalidité pour cette infirmité sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés. En ce qui concerne l'infirmité " bronchectasies " : 12. En premier lieu, dans son avis du 17 octobre 2018, la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité a considéré que " l'infirmité bronchectasies a déjà fait l'objet d'une notification de rejet par le Conseil d'Etat ". La décision attaquée du 19 octobre 2018, qui vise cet avis, doit être regardée comme s'en étant approprié les motifs et révèle ainsi un refus de la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... au titre des " bronchectasies " pour ce motif. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen de la demande de pension militaire d'invalidité pour cette infirmité doit être écarté. 13. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a déjà formulé plusieurs demandes de pension militaire d'invalidité pour les bronchectasies. Sa précédente demande du 3 août 1988 a été rejetée le 7 mars 1990 au motif que le taux d'invalidité pour l'affection " dilatations bronchiques limitées du territoire lobaire moyen (...) " était inférieur au minimum indemnisable. Le requérant a contesté ce refus et par une décision du 7 juillet 2004, produite à l'instance, le Conseil d'Etat a jugé " qu'aucune circonstance particulière du service ne peut être considérée comme étant à l'origine de l'infirmité apparue sous la forme de " bronchectasies du lobe moyen et intracardiaques rétractées avec bronchite spastique lobaire inférieure droite ". Si le requérant fait valoir que cette décision concerne une ancienne infirmité contractée en 1969 et non pas les bronchectasies localisées correspondant à de nouvelles séquelles fonctionnelles consécutives à sa maladie contractée en Afrique en 1984 pour laquelle il a sollicité une pension militaire d'invalidité le 30 mars 2016, il ne résulte pas de l'instruction et des pièces produites que les séquelles liées aux bronchectasies dont il se prévaut seraient différentes de celles définitivement rejetées par le Conseil d'Etat le 7 juillet 2004. 14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de sa demande de pension militaire d'invalidité. Les conclusions à fin d'injonction de M. A... sont, par voie de conséquence, également rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Chaib et au ministre des armées. Délibéré après l'audience 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Samson-Dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2024. Le rapporteur, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. C... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M. C... 2 N° 21NC00703
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de LYON, 6ème chambre, 11/01/2024, 23LY00621, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Orange à lui verser la somme de 82 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018, en réparation de préjudices résultant d'un accident reconnu imputable au service dont il a été victime le 5 septembre 2013. Par un jugement n° 1802947 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné la société Orange à verser à M. A... la somme de 7 300 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018, et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Par un arrêt n° 19LY03582 du 7 janvier 2021, la cour a rejeté les conclusions d'appel de M. A... et les conclusions incidentes de la société Orange, qui tendaient à la réformation des montants alloués par le tribunal. Par une décision n° 450296 du 17 février 2023, le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt de la cour en tant seulement qu'il statue sur la demande d'indemnisation de M. A... à raison de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde prévue par l'accord intergénérationnel conclu entre la société Orange et les organisations syndicales représentatives relatives au temps partiel sénior, et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure. Procédure devant la cour : Par un mémoire après cassation enregistré le 21 mars 2023, la SA Orange, représentée par la SELARL ISEE, demande à la cour : 1°) de rejeter les conclusions restant en litige de M. A... ; 2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Orange soutient que : - la clause de sauvegarde invoquée n'est pas applicable conformément aux dispositions des articles 29 et 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 ; l'accord intergénérationnel en cause ne relève pas de la dérogation transitoire prévue à l'article 31 de la même loi ; cette clause méconnait le statut de la fonction publique de l'Etat, qui ne prévoit plus de mécanisme de cessation progressive d'activité ; - subsidiairement, elle n'a commis aucune faute dès lors que le bénéfice de la clause de sauvegarde est subordonné à une demande, qui n'a en l'espèce pas été présentée par M. A... ; - à titre infiniment subsidiaire, aucun élément n'établit que M. A... aurait pu obtenir le bénéfice d'un temps partiel thérapeutique, ni que l'application de la clause de sauvegarde lui aurait permis d'opérer une reconversion professionnelle, les montants réclamés sur ce dernier point n'étant au surplus pas établis. Par un mémoire après cassation enregistré le 21 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Lesueur, conclut : 1°) à la réformation du jugement n° 1802947 du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ; 2°) à ce que la société Orange soit condamnée à lui verser la somme de 82 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à partir du 26 décembre 2018, en réparation de préjudices résultant d'un accident reconnu imputable au service dont il a été victime le 5 septembre 2013 ; 3°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... soutient que : - il est recevable à faire valoir toute faute ; - la société Orange a commis des fautes en raison de manquements aux obligations de prévention et de sécurité prévues par l'article L. 4121-1 du code du travail et l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 ; - la société Orange a commis une faute en méconnaissant ses droits statutaires à congé de maladie prévus par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ; - la société Orange a commis une faute en ne l'informant pas de la possibilité de demander un aménagement de son TPS (temps partiel senior), en méconnaissance de la clause de sauvegarde ; - il a subi des préjudices personnels sous la forme d'un préjudice d'agrément, ainsi que des préjudices patrimoniaux, sous la forme de pertes de revenus et d'une perte de chance d'opérer une reconversion professionnelle dans de meilleurs conditions. Par ordonnance du 21 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2023 à 16h30. Par ordonnance du 3 mai 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 5 juin 2023 à 16h30. Un mémoire complémentaire, présenté pour M. A... et enregistré le 13 décembre 2023, après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code général de la fonction publique, ensemble l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur, - les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique, - et les observations de Me Lumbreras, représentant la société Orange. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 14 septembre 1956, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Orange à l'indemniser de préjudices résultant d'un accident reconnu imputable au service dont il a été victime le 5 septembre 2013. Par le jugement attaqué du 10 juillet 2019, le tribunal a condamné la société Orange à lui verser une somme de 7 300 euros, outre intérêts au taux légal, et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Par un arrêt du 7 janvier 2021, la cour a rejeté les conclusions d'appel de M. A... et les conclusions incidentes de la société Orange, qui tendaient à la réformation des montants alloués par le tribunal. Par une décision du 17 février 2023, le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt de la Cour en tant seulement qu'il statue sur la demande d'indemnisation de M. A... fondée sur une faute qui entacherait la mise en œuvre de la clause de sauvegarde prévue par l'accord intergénérationnel conclu entre la société Orange et les organisations syndicales représentatives relatives au temps partiel sénior, et a renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure. 2. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 3. Il est constant que M. A..., fonctionnaire exerçant les fonctions de technicien réseaux sur le site de Saint-Etienne pour le compte de la société Orange, a été victime le 5 septembre 2013 d'une lésion partielle d'un tendon de la coiffe de l'épaule droite alors qu'il effectuait des travaux de remplacement de modules redresseurs de type géode. Il perçoit à ce titre une allocation temporaire d'invalidité depuis le 10 mars 2016. Il a demandé un complément d'indemnisation, en faisant notamment valoir des fautes que la société Orange aurait commises ; Sur le moyen tiré de la faute dans la mise en œuvre de la clause de sauvegarde : 4. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 2 juillet 1990 : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu'à l'article 29-1 (...) ". Aux termes de l'article 29-1 de la même loi : " 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi (...) / (...) / Par dérogation à l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et au chapitre II de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, les fonctionnaires de France Télécom participent avec les salariés de l'entreprise à l'organisation et au fonctionnement de leur entreprise, ainsi qu'à la gestion de son action sociale, par l'intermédiaire des institutions représentatives prévues aux titres Ier à IV du livre III de la deuxième partie du code du travail, sous réserve des adaptations, précisées par décret en Conseil d'Etat, qui sont justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de France Télécom (...) ". Aux termes de l'article 31 de la même loi : " Jusqu'au 31 décembre 2006, les agents fonctionnaires affectés à France Télécom à la date de promulgation de la présente loi et âgés d'au moins cinquante-cinq ans, à l'exception des agents pouvant prétendre à une pension à jouissance immédiate au titre des 1° et 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, peuvent, sur leur demande et sous réserve de l'intérêt du service, bénéficier d'un congé de fin de carrière, s'ils ont accompli au moins vingt-cinq ans de services, à France Télécom ou dans un service relevant de l'administration des postes et télécommunications, pouvant être pris en compte pour la constitution du droit à pension en application de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / (...) / Au cours de ce congé de fin de carrière, ils perçoivent une rémunération, versée mensuellement par France Télécom, égale à 70 p. 100 de leur rémunération d'activité complète, composée du traitement indiciaire brut et des primes et indemnités correspondantes, au moment de leur entrée en congé de fin de carrière (...) ". Aux termes de l'article 31-1 de la même loi : " 1. France Télécom recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales, tout particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail, de l'évolution des métiers et de la durée de travail (...) ". 5. D'autre part, la société France télécom, aux droits de laquelle vient la société Orange, a conclu le 31 décembre 2012 avec les organisations syndicales représentatives un accord " sur l'emploi des seniors et les mesures en faveur des deuxièmes parties de carrières ". L'article 6-3 de cet accord prévoit la mise en place d'un mécanisme spécifique dit " temps partiel seniors " (TPS). Il permet à certains agents susceptibles de prendre leur retraite dans un délai de trois ans ou de cinq ans, de travailler à mi-temps, en bénéficiant d'une " sur-rémunération ", qui s'élève normalement à 30 % pour les " TPS 3 " et à 20 % pour les " TPS 5 ", cette sur-rémunération combinant majoration de salaire et octroi de congés supplémentaires, outre un complément de cotisation retraite à 100 %. Ainsi que le reconnait la société Orange, ce mécanisme de cessation progressive d'activité, très favorable, n'a pas d'équivalent dans le régime défini par les règles statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat. L'article 6-3-6 du même accord précise que ce régime n'est applicable qu'à l'initiative du salarié. Le point 2) du même article 6-3-6 prévoit, enfin, que : " (...) / Un salarié en TPS 3 ou en TPS 5 qui connaitrait une modification substantielle de sa situation personnelle aura la possibilité de saisir cette commission [(commission de médiation locale)], qui pourra lui proposer un aménagement de son TPS 3 ou TPS 5, qui pourra aller jusqu'à un retour à temps plein sans remise en cause du temps libéré déjà acquis ". 6. Enfin, la société Orange a conclu le 23 décembre 2015 avec les organisations syndicales représentatives un " accord intergénérationnel ". Son article 2-6-3 prévoit à nouveau un mécanisme de temps partiel seniors, sous la même forme d'un " TPS 3 " et d'un " TPS 5 ". Il précise que ces mécanismes " (...) sont proposés sur la base du volontariat aux personnels, quel que soit leur statut, qui : / . sont désireux de prendre leur retraite sans surcote en 2021 (...) ". L'article 2-6-3-3 de cet accord, dit " clause de sauvegarde ", prévoit en particulier que : " (...) / un-e salarié-e en TPS qui connaitrait une modification substantielle de sa situation se verra proposer, s'il-elle en fait la demande, un aménagement de son TPS, qui pourra aller jusqu'à un retour à temps plein sans remise en cause du temps libéré déjà acquis ". 7. Il résulte de l'instruction que, le 22 octobre 2013, M. A... a conclu avec la société Orange un protocole d'accord, sur le fondement exprès de l'accord collectif précité du 31 décembre 2012, prévoyant son passage en " temps partiel senior TPS 5 " à compter du 1er novembre 2013 et jusqu'au 31 octobre 2018, dans le cadre d'un aménagement de sa fin de carrière avant son départ à la retraite. Il résulte de cet accord que sa durée hebdomadaire de travail est ramenée à 0 heure, " l'entrée définitive en temps libéré " étant possible dès le 4 novembre 2013, pour une rémunération mensuelle égale à 65 % de la rémunération normale, outre une prime de 5 000 euros et une garantie à 100 % des cotisations retraite. 8. M. A... soutient que la société Orange aurait commis une faute, dès lors qu'elle ne l'a pas, dans les suites de son accident, orienté vers un mi-temps thérapeutique. Il soutient que, ce faisant, la société Orange aurait méconnu la clause de sauvegarde prévue par l'accord intergénérationel précité. Il entend en particulier en déduire que, dès lors qu'un mi-temps thérapeutique permet de conserver 100 % du traitement, il a de ce fait subi un préjudice dès lors que son salaire n'a été maintenu qu'à hauteur de 65 %, sans considération de la quotité de travail attendue. Il entend en déduire en outre qu'il aurait subi un préjudice de reconversion. 9. M. A... ne peut toutefois utilement invoquer cet accord de 2015, dès lors que le " temps partiel senior " dont il a bénéficié n'a pas été défini sur le fondement de l'accord intergénérationnel de 2015, qui ne s'applique en tout état de cause pas à sa situation rationae temporis, mais sur le fondement de l'accord sur l'emploi des seniors précité du 31 décembre 2012. 10. Le contenu de l'article 6-3-3, point 2) de l'accord du 31 décembre 2012 étant de même portée que la clause de sauvegarde de l'accord du 23 décembre 2015, M. A... doit être en l'espèce regardé comme ayant entendu se prévaloir de l'article 6-3-3, point 2) de l'accord du 31 décembre 2012. 11. Toutefois, à supposer même que l'accord collectif du 31 décembre 2012, qui crée un régime de cessation progressive d'activité étranger aux dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat, soit applicable à la situation de M. A... qui est un fonctionnaire relevant du régime statutaire, la stipulation dite " de sauvegarde " invoquée se borne à prévoir la possibilité pour l'intéressé de faire valoir une modification substantielle de sa situation personnelle pour demander un aménagement de ses conditions de travail et de rémunération. En l'absence d'une telle démarche de la part de M. A..., ce texte ne peut donc en tout état de cause avoir été méconnu. Par ailleurs, la société Orange n'était pas légalement tenue de l'inviter d'office à envisager la possibilité de solliciter un temps partiel thérapeutique. Enfin, contrairement à ce qu'allègue M. A..., sans produire d'éléments probants, la société Orange ne l'a pas davantage induit en erreur. Aucune faute de la société Orange dans la mise en œuvre de la clause de sauvegarde, en tant qu'elle est invoquée comme permettant de sortir du mécanisme préférentiel de temps partiel senior pour rechercher un éventuel régime statutaire plus favorable, ne peut, ainsi, être caractérisée. Sur les autres moyens invoqués : 12. La décision précitée du Conseil d'Etat du 17 février 2023 ne casse l'arrêt de la cour du 7 janvier 2021 et ne renvoie l'affaire à la cour qu'en ce qui concerne la seule demande d'indemnisation formée par M. A... à raison de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde. M. A... ne peut donc utilement invoquer d'autres fautes, qui sont étrangères au litige ainsi circonscrit. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions restant en litige de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. 14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Les conclusions restant en litige de M. A... sont rejetées. Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la SA Orange. Délibéré après l'audience du 18 décembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pourny, président de chambre, M. Stillmunkes, président assesseur, M. Gros, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024. Le rapporteur, H. Stillmunkes Le président, F. Pourny La greffière, F. Abdillah La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00621
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 28/12/2023, 21TL24511, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse : Sous le n° 1804249, d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a prolongé son congé de longue durée en tant qu'elle l'a reconnu inapte de manière totale et définitive et qu'elle a sollicité la saisine de la commission de réforme pour une demande exclusive de mise à la retraite pour invalidité. Sous le n° 1905687, d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service et d'enjoindre au président du conseil départemental du Tarn de prononcer sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, et de le rétablir rétroactivement dans ses droits, dès notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1804249, 1905687 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 18 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a décidé de la mise à la retraite de M. A... à compter du 4 juin 2019 pour invalidité non imputable au service, enjoint au président du conseil départemental du Tarn d'édicter, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une nouvelle décision purgée du vice d'incompétence, concernant la mise à la retraite de M. A... à compter du 4 juin 2019 et rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX04511, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL24511, M. B... A..., représenté par Me Amalric-Zermati, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 10 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service ; 3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Tarn de prononcer sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, au besoin sous astreinte de 250 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du département du Tarn au profit de son conseil la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 23 octobre 2013 est établie par l'expertise judiciaire, le harcèlement moral subi ayant entraîné de nombreuses conséquences sur sa santé émotionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le département du Tarn, représenté par la SCP Cantier et associés agissant par Me Ortholan, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que ni l'expert ni le requérant ne démontrent l'imputabilité au service du prétendu accident de service qu'il aurait subi le 23 octobre 2013 et que la pathologie du requérant est dépourvue de lien avec l'exercice de ses fonctions. Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 février 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Ortholan, représentant le département du Tarn. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., rédacteur territorial au département du Tarn depuis le 1er janvier 1994 et titularisé un an plus tard, a été affecté à compter du 1er juillet 2006 à la conservation départementale des musées au Musée du Cayla, où il était chargé de l'accueil des publics, de la médiation culturelle et de l'administration du musée. Après une première période d'arrêt de travail du 8 avril 2011 au 22 mars 2012, il a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique jusqu'au 20 décembre 2012. Il a ensuite été autorisé à exercer ses fonctions à temps partiel au taux de 80% au titre de l'année 2013. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 4 novembre 2013 et a été placé en congé de longue durée du 10 décembre 2013 au 9 juin 2018 par un arrêté du 28 décembre 2015. Par une décision du 11 juillet 2018, le président du conseil départemental du Tarn a prolongé ce congé de longue durée pour une dernière période allant du 10 juin au 9 décembre 2018. Par une décision du 18 juin 2019, le président du conseil départemental du Tarn a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité, non imputable au service, au taux d'invalidité permanente partielle de 50 % à compter du 4 juin 2019. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ces deux dernières décisions. Par un jugement du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 18 juin 2019 au motif de l'incompétence de son signataire, a enjoint au président du conseil départemental du Tarn d'édicter une nouvelle décision purgée de ce vice concernant la mise à la retraite de M. A... à compter du 4 juin 2019 et a rejeté le surplus de ses demandes. Par un arrêté du 4 janvier 2022, le président du conseil départemental a rapporté la décision du 18 juin 2019 et a repris une décision ayant le même objet. M. A... relève appel du jugement du 10 novembre 2021 et demande l'annulation de la décision du 18 juin 2019. Le requérant est recevable à relever appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande principale tendant à enjoindre au président du conseil départemental du Tarn de prononcer sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce décret, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article 39 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme. 4. D'autre part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. 5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de faire droit à la demande de M. A... tendant à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, le président du conseil départemental du Tarn s'est fondé sur l'avis de la commission de réforme du 3 juin 2019, selon lequel l'intéressé est inapte de façon totale et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions et donnant un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été placé en arrêt de travail à compter du 4 novembre 2013, prolongé de manière continue du 23 décembre 2013 au 30 octobre 2015. Ces arrêts de travail établis par son médecin généraliste faisaient état de " troubles anxieux réactionnels ", de " troubles du sommeil " et " d'un suivi psychiatrique régulier ". Le requérant soutient que la dégradation de son état de santé est en lien direct avec les faits de harcèlement moral qu'il aurait subis de la part de sa hiérarchie, à son retour de congé de maladie en avril 2012. Toutefois, s'il expose que son poste a été modifié en ce que certaines attributions et responsabilités lui ont été retirées, il ne ressort pas de la description de poste établie le 12 avril 2012 que M. A... se serait vu retirer des attributions par rapport au document établi le 6 juin 2006, alors qu'il a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique. S'il soutient que les plaintes émanant de visiteurs remettant en cause sa manière de servir en septembre 2013 seraient infondées, il ne produit aucune pièce susceptible de remettre en cause les faits reprochés. M. A... expose ensuite avoir été victime d'un acharnement disciplinaire de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Toutefois, alors qu'il ne produit aucun élément permettant de justifier ses dires, la matérialité des faits reprochés à l'origine du blâme prononcé à son encontre par arrêté du 5 décembre 2013 a été établie par le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement n° 1402721 du 7 septembre 2016 confirmé par ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 16BX03572 du 6 juillet 2017. De même, si par un autre arrêté du 5 décembre 2013, M. A... a fait l'objet d'un changement d'affectation au service de l'habitat et du logement de la direction chargée de la vie sociale et de l'insertion, son recours présenté à l'encontre de cette décision dont il estimait qu'elle revêtait le caractère d'une sanction déguisée a été rejeté par jugement n° 1402726 du tribunal administratif de Toulouse du 14 décembre 2016, lequel a été confirmé par ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 17BX00571 du 6 juillet 2017. Les pourvois formés par M. A... à l'encontre de ces ordonnances n'ont pas été admis par décision du Conseil d'Etat n° 414074-414076. Ainsi, il ne ressort d'aucune pièce que M. A... aurait subi des pressions ou un quelconque acharnement de la part de sa hiérarchie de nature à créer des conditions de travail susceptibles d'engendrer une souffrance psychologique. Le requérant soutient ensuite que l'élément déclencheur de sa pathologie, résultant du profond malaise qu'il ressent au travail, réside dans l'appel téléphonique reçu le 23 octobre 2013 par lequel sa supérieure hiérarchique l'informait de ce qu'il était convié à un entretien avec le directeur général administratif. Cet évènement serait constitutif d'un accident de travail, dont son employeur a cependant refusé de reconnaître l'imputabilité au service. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie de M. A... aurait été causée par cet appel téléphonique, qui relève du fonctionnement normal du service et ne peut être qualifié d'accident de travail. En outre, il ressort des documents médicaux produits par le requérant que les arrêts de travail qui lui ont été prescrits par son médecin généraliste à compter d'avril 2011 avaient déjà pour origine des " troubles anxieux généralisés ", et non seulement des problèmes d'urticaire comme il l'expose. M. A... se prévaut de l'expertise rendue le 16 octobre 2017 par le docteur C..., désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. Selon cet expert, " la souffrance détaillée par M. A... trouve largement son origine dans les problèmes professionnels ", concluant que " les arrêts de travail sont en lien direct avec le vécu professionnel douloureux " de M. A.... Toutefois, alors que ce rapport succinct se borne à reprendre les déclarations de l'intéressé, l'expert désigné en 2015 sur saisine de la commission de réforme devant se prononcer sur la reconnaissance de l'accident de service en date du 23 octobre 2013, évoquait " l'hypersensitivité " de M. A... et " l'organisation fragile voire pathologique " de sa personnalité. Ainsi, les éléments versés aux débats par M. A... ne permettent pas d'établir que le contexte professionnel dans lequel il a évolué aurait été susceptible de créer une souffrance psychique. Par suite, M. A... n'établit pas que sa maladie serait directement causée par l'exercice de ses fonctions. 6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Tarn, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement au département du Tarn d'une somme au titre des frais liés au litige qu'il a exposés. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Tarn au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département du Tarn. Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL24511 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de PARIS, 2ème chambre, 11/01/2024, 22PA05407, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Melun : - à titre principal, d'annuler les décisions des 18 avril et 26 septembre 2019 par lesquelles la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce que ses arrêts de travail et ses frais médicaux, présentés au titre de la pathologie déclarée le 29 janvier 2018, soient reconnus imputables au service et d'enjoindre à l'Etat de régulariser sa situation en saisissant la commission de réforme dans un délai d'un mois ; - à titre subsidiaire, de désigner un expert avec mission de prendre connaissance de son dossier médical, de se faire communiquer toutes pièces médicales, de l'examiner et de dire si sa pathologie déclarée le 29 janvier 2018 est en lien direct et certain avec son accident de trajet du 19 décembre 2011. Par un jugement nos 1904959 et 1909190 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 18 avril 2019 et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2022 et régularisée le 22 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Isabelle Enard-Bazire, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1909190 ; 2°) d'annuler la décision du 26 septembre 2019 de la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de régulariser sa situation administrative en saisissant le conseil médical en formation plénière dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement, qui vise sa seconde requête en mentionnant une date d'enregistrement erronée, est irrégulier ; - la décision litigieuse n'est pas motivée, en droit et en fait ; - elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour la commission de réforme de s'être adjointe un médecin spécialiste de sa pathologie, dont la présence constituait pour elle une garantie ; - elle fait une inexacte appréciation du lien entre sa pathologie et son accident de trajet, méconnaissant ainsi l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les conclusions à fin d'injonction de la requête sont irrecevables et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 10 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 août 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 19 décembre 2011, Mme C..., agent administratif des finances publiques titulaire, en poste à la trésorerie municipale et banlieue de Meaux, a été victime d'un accident de voiture reconnu imputable au service par une décision du 20 janvier 2012. Placée en arrêt de travail jusqu'au 31 mars 2013, elle a repris ses fonctions, en mi-temps thérapeutique, à partir du 1er avril 2013. La date de consolidation des blessures consécutives à l'accident de trajet a été fixée au 23 septembre 2013 et le taux d'incapacité permanente partielle à 5 %. Le 29 janvier 2018, Mme C..., qui souffrait de cervicalgies dont elle a attribué l'origine à l'accident du 19 décembre 2011, a demandé à son employeur que ses arrêts de travail et les frais médicaux afférents soient reconnus imputables au service, au titre d'une rechute. Par une première décision du 18 avril 2019, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a rejeté sa demande. La commission de réforme ayant, le 19 septembre 2019, rendu un avis défavorable à l'imputabilité au service de la rechute invoquée, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a, par une seconde décision du 26 septembre 2019, de nouveau refusé de faire droit à la demande de l'intéressée. Par un jugement du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 18 avril 2019 pour vice de procédure et a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de celle du 26 septembre 2019. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cette seconde décision. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort de l'examen du jugement que c'est à la suite d'une simple erreur de plume, dépourvue de toute incidence sur leur raisonnement, que les premiers juges ont mentionné que la requête dirigée contre la décision du 26 septembre 2019 avait été enregistrée le 29 mai 2019 au lieu du 11 octobre 2019. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité. Sur la légalité de la décision du 26 septembre 2019 : 3. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'accident de trajet dont Mme C... a été victime, le fonctionnaire en activité a droit : " A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 4. En premier lieu, aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, applicable aux fonctionnaires de l'Etat, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : / 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant / (...) 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret qui précise la composition du comité médical ministériel, auquel renvoie sur ce point le deuxième alinéa de l'article 6 relatif au comité médical départemental : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". En vertu de l'article 7 de ce décret, les comités médicaux " sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / 1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ; / 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; / 3. Le renouvellement des congés de longue maladie et de longue durée ; / 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; / 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité ; / 6. La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; / 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, ainsi que dans tous les autres cas prévus par des textes réglementaires (...) ". Enfin, aux termes de l'article 13 du même décret : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'octroi du congé de maladie ou de longue maladie susceptible d'être accordé en application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; / (...) 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; (...) ". 5. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du décret du 14 mars 1986 que la commission de réforme n'est pas tenue de s'adjoindre un médecin spécialiste lorsqu'elle se prononce sur l'imputabilité au service d'une maladie donnant lieu à des congés de maladie ordinaires, comme au cas d'espèce. Par suite, Mme C... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son recours, de l'absence d'un tel médecin au sein de la commission de réforme qui s'est réunie le 19 septembre 2019. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il résulte de ces dispositions que le refus de reconnaître l'imputabilité au service d'une pathologie est au nombre des décisions qui doivent être motivées. 7. En l'espèce, la décision contestée du 26 septembre 2019 vise la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ainsi que l'avis de la commission de réforme du 19 septembre 2019, dont elle reprend les termes. Elle indique également que la rechute déclarée le 29 janvier 2018 n'a pas été reconnue imputable au service à la suite des conclusions des docteurs B... et A... lors de leurs expertises, respectivement, des 25 mai 2018 et 29 janvier 2019 et précise enfin que la date de consolidation est maintenue au 23 septembre 2013 avec un taux d'incapacité permanente partielle à 5 %. La décision contestée, qui, contrairement à ce que soutient l'appelante, n'avait pas à mentionner les discordances entre les différents rapports d'expertise, est ainsi suffisamment motivée. 8. En dernier lieu, il résulte des dispositions citées ci-dessus du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 que doivent être pris en charge au titre de l'accident de service les arrêts de travail et les frais médicaux qu'entraînent les troubles présentant un lien direct et certain avec cet accident, y compris, le cas échéant, s'ils interviennent postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente. 9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été victime le 19 décembre 2011 d'un accident de voiture, reconnu comme accident de trajet, à la suite duquel elle a souffert d'un traumatisme crânien-cervical. La date de consolidation des suites de cet accident a été fixée au 23 septembre 2013 et le taux d'incapacité permanente partielle à 5 %. Pour contester l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie diagnostiquée en janvier 2018, ayant justifiée une intervention chirurgicale le 21 mars suivant, Mme C... soutient qu'elle a continué à souffrir des mêmes douleurs cervicales diagnostiquées en décembre 2011, à l'origine de plusieurs arrêts de travail et opérations chirurgicales après 2013, et se prévaut de l'avis du docteur D..., médecin neurochirurgien qu'elle a consulté et qui a considéré que la pathologie discale pour laquelle elle a été opérée en mars 2018 était directement en rapport avec l'accident de décembre 2011. 10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le docteur B..., médecin orthopédiste, estime dans son rapport d'expertise du 29 janvier 2018 que la requérante ayant été victime d'une entorse médicalement simple du rachis cervical, sans que le traumatisme provoque de lésion autre qu'une poussée d'œdème du disque, et notamment de hernie discale, la pathologie dont elle a souffert à partir de janvier 2018 s'analyse en l'expression directe et unique d'un état pathologique antérieur sans lien avec l'accident. De même, le docteur A..., médecin légiste, connaissance prise des avis dont se prévaut la requérante et des imageries d'octobre 2014, conclut également, dans son rapport du 29 janvier 2019, à l'absence d'objectivisation d'un lien de causalité direct et certain entre l'accident de trajet de décembre 2011 et la hernie discale sur l'étage C6-C7, ayant justifié l'intervention chirurgicale du 21 mars 2018, qu'il analyse, à l'instar du docteur B..., comme correspondant à l'évolution, en aggravation et pour son propre compte, d'une pathologie cervico-discarthrosique dégénérative étagée, dépourvue de lien avec l'accident de 2011. Alors, au demeurant, que l'intéressée n'avait pas contesté le précédent refus de l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail et des frais médicaux exposés, par une décision prise le 3 juin 2015 conformément à l'avis de la commission de réforme du 28 mai 2015, c'est sans commettre d'erreur de fait et par une exacte application des dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 que l'administration a écarté, par la décision attaquée, l'existence d'un lien direct et certain entre la discopathie diagnostiquée en janvier 2018 et l'accident de trajet du 19 décembre 2011. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être également rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 13 décembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Fombeur, présidente de la Cour, - Mme Topin, présidente assesseure, - Mme Jayer, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024. La rapporteure, M-D JAYERLa présidente, P. FOMBEUR Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA05407
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 4ème chambre, 21/12/2023, 21LY03602, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Lantriac l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018, ensemble la décision du 17 décembre 2018 portant rejet de son recours gracieux. Par jugement n°1900301 du 16 septembre 2021, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédures devant la cour Par une requête enregistrée le 11 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Achou, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement, ainsi que l'arrêté du 25 octobre 2018 prononçant sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018 et le rejet de son recours gracieux ; 2°) de mettre à la charge du CCAS de Lantriac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté est insuffisamment motivé ; - sa mise à la retraite a été prononcée en violation de l'obligation de reclassement de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, alors qu'il n'est pas inapte à toutes fonctions ; - en ce qu'il refuse de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité, l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par mémoire enregistré le 8 février 2022, le CCAS de Lantriac, représenté par Me Soulier-Bonnefois, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la demande de première instance est irrecevable car dirigée contre une décision de mise à la retraite demandée par l'intéressé ; - subsidiairement, les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure, - les conclusions de M. Savouré, rapporteur public, - et les observations de Me Achou pour M. A... et celles de Me Soulier-Bonnefois pour le CCAS de Lantriac. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique affecté aux fonctions d'agent d'entretien à l'EHPAD Le Grand Pré relevant du CCAS de Lantriac, a été admis en congés de maladie ordinaire à compter du 4 décembre 2015 puis placé en disponibilité d'office à compter du 4 décembre 2016. Le comité médical et le comité médical supérieur départemental ayant émis, à l'épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire, le 14 mars 2017 et le 26 septembre 2017, un avis défavorable à son admission en congé de longue maladie en raison d'une inaptitude absolue et définitive à l'exercice de toute fonction, M. A... a été contraint de présenter une demande de mise à la retraite. Après avis favorable émis le 19 janvier 2018 par la commission de réforme, le président du CCAS a, par arrêté du 25 octobre 2018, admis M. A... à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et du rejet de son recours gracieux, opposé le 17 décembre 2018. Sur l'arrêté pris dans son ensemble : 2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 3. D'une part, si l'arrêté du 25 octobre 2018 mentionne comme unique motif de radiation des cadres, mais sans exposer la considération de fait qui le fonde, l'impossibilité de reclasser M. A..., le rejet de recours gracieux fait état de l'avis d'inaptitude absolue et définitive émis par la commission de réforme que s'est approprié le président du CCAS. D'autre part, la notification du renouvellement de la mise en disponibilité, concomitante à celle de l'arrêté de radiation des cadres, a permis à M. A... de comprendre la date d'effet de son admission à la retraite, alors même que l'arrêté de mise en disponibilité n'est pas visé. Enfin, les lois du 13 juillet 1983 et du 26 janvier 1984 et les décrets du 9 septembre 1965 et du 26 décembre 2003 dont il est fait application sont visés, alors même que ne sont pas mentionnées certaines dispositions de ces textes. Il suit de là qu'avant d'engager son action contentieuse M. A... a été mis à même de connaître et de contester utilement les considérations de droit et de fait qui fondent l'arrêté en litige, et que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. En ce qui concerne la mise à la retraite : 4. Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi (...) s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite (...) ". 5. S'il résulte d'un principe général du droit dont s'inspirent les règles statutaires précitées, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un fonctionnaire se trouve définitivement atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer sa radiation, d'inviter l'intéressé à présenter une demande de reclassement puis, sur sa demande, de chercher à le reclasser dans un emploi qui relève d'un autre cadre d'emploi et qui soit compatible avec son aptitude physique résiduelle, cette obligation cesse de s'appliquer lorsque tout reclassement est impossible en raison d'une inaptitude à l'exercice de toutes fonctions. 6. Or, et d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à l'épuisement de ses congés de maladie, la pathologie de M. A... persistait et faisait obstacle à une reprise de service, ainsi que l'établissent la demande d'admission en congés de longue maladie et le motif de rejet de cette demande fondé sur l'absence non sérieusement contestée de perspective de guérison. Il s'ensuit qu'en regardant M. A... comme étant dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer à exercer ses fonctions, le président du CCAS de Lantriac n'a pas méconnu l'article 30 précité du décret du 26 décembre 2003. 7. D'autre part et en conséquence de ce qui vient d'être dit, le comité médical, le comité médical supérieur départemental et la commission de réforme ont successivement constaté l'inaptitude de M. A... à exercer ses fonctions d'adjoint technique et toute autre fonction. Il suit de là que l'administration n'était pas tenue de l'inviter à présenter une demande de reclassement puis de chercher à le reclasser. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'obligation de reclassement doit être écarté. En ce qui concerne le refus de reconnaissance d'imputabilité au service de l'inaptitude : 8. En vertu des articles 36 et 37 combinés du décret du 26 décembre 2003, le fonctionnaire qui a été mis dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmité résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peut être mis à la retraite par anticipation et est éligible avant même d'avoir atteint la limite d'âge à une pension de retraite et à une rente proportionnelle au taux d'invalidité imputable à l'accident ou à la maladie de service. 9. A cet égard, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher du service la survenance ou l'aggravation de cette maladie. 10. Si M. A... souffre d'une infirmité oculaire et d'une maladie psychique, il ressort des pièces du dossier que son infirmité, antérieure à son entrée dans la fonction publique, ne faisait pas obstacle à l'exercice de ses fonctions et ne s'est pas aggravée. Il s'ensuit que la cause de son inaptitude provient de sa maladie et qu'il y a lieu de rechercher si elle a été provoquée ou aggravée par le harcèlement moral que l'intéressé soutient avoir subi. 11. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible (...) d'altérer sa santé physique ou mentale (...) ". 12. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration à laquelle il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime en avoir été victime. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 13. A l'appui de ses allégations visant le comportement de la directrice de l'établissement, M. A... produit une plainte qu'il a déposée à la gendarmerie en décembre 2015, finalement classée sans suite, un courrier qu'il a adressé le même mois au président du CCAS de Lantriac et trois attestations de collègues. Ces documents, qui relatent des remontrances que le requérant aurait subies de la part de la directrice en raison de l'insuffisante qualité de son travail et une consigne qui lui aurait été donnée de balayer avec un balai d'intérieur, non pas toute la cour mais la périphérie de bacs à fleurs, font état en termes imprécis de faits invérifiables ne concernant pas tous M. A.... Il suit de là que les faits de harcèlement ne sont pas suffisamment circonstanciés pour faire présumer l'existence d'un harcèlement et que la maladie dont souffre M. A... ne peut être regardée comme ayant été contractée ou aggravée à l'occasion du service, au sens de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et que les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 15. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A..., partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du CCAS de Lantriac. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le CCAS de Lantriac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de Lantriac. Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Arbarétaz, président de chambre, Mme Evrard, présidente assesseure, Mme Psilakis, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023. La rapporteure, A. EvrardLe président, Ph. Arbarétaz Le greffier en chef, C. Gomez La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mers ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Le greffier, 21LY036022
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANCY, 4ème chambre, 29/12/2023, 21NC03133, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision du 30 juin 2017 de la ministre des armées rejetant sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire aux fins de se prononcer sur l'aggravation de son infirmité " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier ". En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A.... Par un jugement n° 2000798 du 3 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 30 juin 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de M. A... pour l'infirmité " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier ". Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 novembre 2021 ; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges se sont bornés à annuler la décision du 30 juin 2017 alors qu'en raison de leur office des juges de plein contentieux, ils auraient dû se prononcer sur les droits à pension militaire d'invalidité de M. A... ; - sa décision du 30 juin 2017 n'est pas entachée d'erreur d'appréciation car, alors que le guide barème fixe un taux de 10 % à 30 % maximum pour les raideurs articulaires, M. A... est déjà indemnisé au taux de 35 % pour ses " séquelles de fracture de l'omoplate droite (...) " depuis 2008, soit au-delà du taux maximum prévu par le guide-barème des invalidités. M. A..., à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 29 mars 1940, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité à un taux global de 55 %, concédée par un arrêté du 4 août 2008. Cette pension recouvre les infirmités " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier " à hauteur de 35 % et " syndrome post commotionnel " à hauteur de 20 %. Par une première demande du 23 décembre 2011, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier ". Par une décision du 26 juin 2012, le ministre de la défense a rejeté cette demande. Par une seconde demande en date du 26 mai 2016, reçue le 27 mai 2016, M. A... a de nouveau sollicité la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier ". Par une décision du 30 juin 2017, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement du 3 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer lui-même sur les droits de l'intéressé qu'il lui appartient de fixer. 3. Il résulte de ce qui précède qu'en annulant la décision du 30 juin 2017 de la ministre des armées rejetant la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... sans déterminer le taux d'invalidité de son infirmité, qui conditionne l'ouverture de son droit à pension, le tribunal a méconnu son obligation d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Par suite, comme l'oppose à juste titre le ministre des armées , le jugement est irrégulier et doit être, pour ce motif, annulé. 4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A.... Sur la demande de pension militaire d'invalidité : 5. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension du requérant : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 6. Aux termes de l'article L. 4 du même code : " La pension est concédée :1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; b) 40 % en cas d'infirmités multiples. " Aux termes de l'article L. 9 du même code : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 14 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité ". 7. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 8. En l'espèce, l'arrêté du 4 août 2008 du ministre de la défense portant concession à titre définitif d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 55 % à M. A... et pour lequel ce dernier sollicite une révision uniquement pour la 1ère infirmité, fixe le taux de la première infirmité résultant des " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier (...) " à 35 % et de la seconde infirmité " syndrome post commotionnel, perte de mémoire de fixation, céphalées, vertiges " à 20 %, avec un correctif de 5 %. Par la décision contestée en date du 30 juin 2017, la ministre des armées a rejeté la demande de révision de la pension de M. A... au titre de l'infirmité " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier (...) " au motif que le taux d'aggravation est inférieur à 10 %. 9. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise médicale du 2 mai 2012 de la sous-direction des pensions qu'une aggravation de 10 % de l'infirmité " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier (...) " avait déjà été constatée depuis le 4 août 2008, date de l'arrêté fixant le taux de la pension militaire d'invalidité, et que le médecin expert avait proposé un taux d'invalidité de 45 %. Cette aggravation a été confirmée lors de la nouvelle expertise médicale du 2 janvier 2017, ordonnée par la ministre des armées. Par ailleurs, le requérant produit à l'instance un certificat médical, établi le 24 mai 2016 par un médecin radiologue, dont il ressort que le requérant " présente des scapulalgies droites avec une instabilité dans les séquelles d'une fracture de l'omoplate droite " et que " comparativement à 2011, on note une aggravation de son état avec progression des lésions radiologiques d'omarthrose et d'arthrose acromio-claviculaire, persistance d'une amyotrophie des loges sus et sous épineuses, lâchage au testing de l'ensemble des tendons de la coiffe des rotateurs, diminution des amplitudes en abduction élévation antérieure de 10 à 20° ". 10. Ainsi, il résulte de l'instruction que l'infimité pensionnée " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier (...) " sur la période comprise entre le 4 août 2008 et le 27 mai 2016, date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité par M. A..., s'est aggravée à hauteur de 10 %, ce qui n'est d'ailleurs plus contesté. C'est par suite , par une erreur d'appréciation des faits de l'espèce que la ministre des armes a refusé à M. A... la révision de sa pension. 11. La ministre des armées sollicite dans ses dernières écritures une substitution de motifs en faisant valoir que le taux de la pension militaire d'invalidité de 35 % déjà accordé à M. A... pour cette infirmité est déjà au-delà du taux maximum prévu par le guide-barème des invalidités. Toutefois, les recommandations du guide-barème ne sont impératives en matière de pourcentages d'invalidité que dans le cas des amputations et exérèses d'organe. En conséquence, le motif invoqué par la ministre n'est pas au nombre de ceux pouvant justifier refus de révision de la pension de M. A.... 12. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de retenir un taux d'invalidité de 45 % pour l'infirmité " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier ". Ainsi, le taux global de la pension militaire d'invalidité de M. A... doit être déterminé en retenant les infirmités et taux suivants : première infirmité résultant des " séquelles de fracture de l'omoplate droite chez un droitier (...) " au taux de 45 % et la seconde infirmité " syndrome post commotionnel, perte de mémoire de fixation, céphalées, vertiges " à hauteur de 20 %, avec un correctif de 5 %. La prise en compte successive de ces infirmités, proportionnellement à la validité restante, aboutit à un taux d'invalidité de 58,75 % (25 X 55/100 = 13,75 % pour la seconde infirmité). Ce taux d'invalidité étant intermédiaire entre deux échelons, M. A... a par conséquent droit à une pension militaire d'invalidité au taux global de 60 % avec effet au 27 mai 2016, date de réception de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité. 13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à une expertise médicale, que la décision du 30 juin 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... doit être annulée et le taux global de la pension militaire d'invalidité de M. A... fixé à 60 % avec effet au 27 mai 2016. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 novembre 2021 et la décision de la ministre des armées du 30 juin 2017 sont annulés. Article 2 : Il est attribué à M. A... une pension militaire d'invalidité au taux global de 60 % avec effet au 27 mai 2016. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Samsnon-Dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. C... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M. C... 2 N°21NC03133
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 11/01/2024, 22BX03192, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 14 décembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par une ordonnance n° 2202271 du 29 novembre 2022, le président de la 6e chambre du tribunal administratif de Bordeaux a donné acte d'office de son désistement. Procédure devant la cour administrative d'appel : Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2022, et régularisée le 2 juin 2023, M. A..., représenté par Me Taormina, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'évoquer, d'annuler la décision de la commission de recours en tant qu'elle lui refuse une pension pour l'infirmité 1, et d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension au taux de 10 % pour son infirmité à l'épaule gauche. Il soutient que : - l'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux est irrégulière car les circonstances de l'affaire ne justifiaient pas d'adresser au requérant un courrier de demande de confirmation de sa requête au risque d'un désistement d'office comme prévu par l'article R.612-5-1 du code de justice administrative ; il n'est au demeurant pas établi que M. A... ait reçu ce courrier ; - la décision ne comportant aucune justification de la composition de la commission, il n'est pas établi que quatre membres sur sept auraient été présents comme l'exige l'article R .711-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ce qui l'a privé d'une garantie ; - un premier médecin expert a fixé le taux d'invalidité lié aux restrictions de mouvements à l'épaule gauche à 10 %, et si un second expert a estimé que le lien ne pouvait être établi avec une blessure reçue en service en 1954, il produit un certificat médical imputant cette infirmité à des " séquelles d'éclats de mortier rapportés dans son dossier individuel ". Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés, et produit le procès-verbal de la commission de recours. Par une décision du 21 février 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui a servi dans l'armée française en qualité d'engagé volontaire de 1952 à 1956, a sollicité le 29 mars 2012, puis le 1er octobre 2019, une pension militaire au titre notamment de séquelles de blessures par éclats de mortier reçues à l'épaule gauche le 13 avril 1954 en Indochine. Une première expertise avait conclu à un taux d'invalidité inférieur à 10 % sur ce point, ce qui avait conduit au rejet de sa demande de pension à ce titre, confirmé le 29 mars 2018 par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bordeaux. Sa demande en nouvelle instance ayant été rejetée le 23 juin 2021, M. A... a saisi la commission de recours de l'invalidité, laquelle a rejeté sa demande le 14 décembre 2021. Il a déféré cette décision au tribunal administratif de Bordeaux, et relève appel de l'ordonnance du 29 novembre 2022 qui a donné acte d'office de son désistement. Sur la régularité de l'ordonnance : 2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ". 3. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile, et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que si la requête de M. A..., enregistrée le 21 avril 2022, était particulièrement sommaire, elle comportait la décision attaquée et demandait expressément que lui soit accordée une aide juridictionnelle. Dans ces conditions, en adressant au requérant, sans transmettre cette demande au bureau d'aide juridictionnelle ou constater une caducité de cette demande, un courrier du 23 septembre 2022 lui demandant, en application des dispositions de l'article R. 612-5-1 précitées du code de justice administrative, de confirmer sa requête dans un délai d'un mois sauf à être regardé comme s'en désistant, le premier juge n'a pas fait une juste application de ces dispositions. 5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A.... Sur le droit à pension pour l'infirmité de l'épaule gauche : 6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Selon l'article L.151-6 du même code, l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. 7. M. A... a été examiné par un médecin de l'Office National des Anciens Combattants (ONAC) au Maroc le 30 mars 2021. Celui-ci a conclu, au titre de l'infirmité " séquelles de blessures à l'épaule gauche par éclats de mortier ", que les douleurs à la mobilisation de cette épaule, l'élévation et l'abduction limitées justifiaient un taux d'invalidité de 10 %, et a écarté comme " sans retentissement fonctionnel " les séquelles de blessures au dos résultant de simples cicatrices. La commission consultative médicale réunie le 7 juin 2021 a cependant estimé que la part imputable à la blessure de 1954 de l'infirmité concernant l'épaule était inférieure à 10 %, dès lors qu'il existait une aggravation par rapport aux constatations antérieures, laquelle résultait du vieillissement physiologique chez un requérant âgé de 87 ans. 8. Il résulte de l'ensemble des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et notamment de celles de l'article L. 151-2, qui conduisent à apprécier les taux d'invalidité, non à la date à laquelle la blessure a été reçue ou la maladie contractée, mais à celle, qui peut être largement postérieure, du dépôt de la demande, que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension ou l'admission d'un droit à pension pour les infirmités précédemment au-dessous du seuil de 10 % ouvrant droit à pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 9. Il ne ressort ni du certificat du médecin de l'ONAC ni de l'avis de la commission consultative que l'aggravation de l'impotence fonctionnelle de l'épaule gauche de M. A... due au vieillissement serait en lien avec une autre cause ou maladie que les éclats de mortier reçus en 1954. Dans ces conditions, cette aggravation ne pouvait conduire à réduire le taux d'invalidité imputable à la blessure au-dessous du seuil de 10 % ouvrant droit à pension. 10. Si le ministre reprend enfin devant la cour l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité (PMI) selon lequel " l'expert ne pose pas le diagnostic permettant de relier les troubles initiaux aux séquelles actuelles et en l'absence de filiation de soin de 1954 à nos jours l'imputabilité au service ne peut être retenue ", la circonstance qu'une " filiation de soin " n'ait pu être établie depuis cette époque ne saurait priver le requérant du constat, médicalement affirmé, de l'imputabilité de ses séquelles à la blessure en service dûment constatée dans son livret militaire. 11. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne conteste en rien le rejet de sa demande pour des séquelles au dos n'entraînant pas d'invalidité, est fondé à soutenir que c'est à tort que la commission de recours de l'invalidité a refusé de lui reconnaître un droit à pension de 10 % pour la restriction de mobilité de l'épaule gauche. Il y a donc lieu d'enjoindre au ministre de lui reconnaître ce droit à pension, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance du 29 novembre 2022 est annulée. Article 2 : La décision du 14 décembre 2021 est annulée. Il est enjoint au ministre des armées de reconnaître à M. A... un droit à pension au taux de 10 % au titre des séquelles de blessure par éclats de mortiers à l'épaule gauche dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2024. La présidente-assesseure Anne Meyer La présidente, rapporteure Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22BX03192 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 29/12/2023, 21NC01377, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision de la ministre des armées du 11 avril 2019 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A.... Par un jugement n° 2000786 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 11 avril 2019 de la ministre des armées. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 mai 2021 et le 9 mars 2022, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mars 2021; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont appliqué les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (devenu l'article L. 154-1 à compter du 1er janvier 2017) alors que seules les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du même code s'appliquaient, M. A... n'étant pas titulaire d'une pension militaire d'invalidité ; - l'infirmité " nouvelle baisse auditive-perte auditive moyenne oreille gauche = 61,25 décibels " est postérieure au service et donc non imputable au service. Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2021, M. A..., représenté par Me Tassigny, conclut : 1°) au rejet de la requête de la ministre des armées ; 2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il n'a jamais demandé en première instance le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité mais a seulement contesté le taux d'invalidité de 6 % qui lui avait été reconnu le 27 février 2019 par la commission consultative de réforme des pensions militaires d'invalidité alors que le 11 janvier 2017 un taux de 7 % lui avait été accordé ; - le tribunal administratif a donc statué sur sa demande qui visait uniquement à ce que son taux d'invalidité soit fixé à 8 % sans que cela ne lui donne droit à pension. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1964, est entré en service le 1er août 1982. Il a subi un " traumatisme sonore bilatéral " le 19 octobre 1983 et un " traumatisme sonore aigüe de l'oreille gauche " le 11 août 1987. Il a sollicité une première pension militaire d'invalidité le 30 décembre 1996 qui a fait l'objet d'un refus du ministre de la défense le 2 mars 1998. Par une nouvelle demande du 2 juin 2014, il a sollicité de nouveau une pension militaire d'invalidité, laquelle fera également l'objet d'un refus le 3 avril 2017. Une troisième demande de pension militaire d'invalidité a été réceptionnée le 22 mai 2017 et par une décision du 11 avril 2019 la ministre des armées a opposé un refus au motif que la première infirmité " acouphènes intermittents " a été évaluée à un taux d'invalidité inférieur au seuil de 10 % et que la seconde infirmité " nouvelle baisse auditive gauche - perte moyenne oreille gauche 61,25 décibels " n'est pas imputable au service car postérieure au service, M. A... ayant été rayé des contrôles le 13 février 1998. M. A... a alors saisi le tribunal des pensions militaires de Strasbourg, qui a transféré le litige au tribunal administratif de Strasbourg. Ce dernier a regardé la demande de M. A... comme tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la ministre des armées du 11 avril 2019 et a fixé le taux d'invalidité de l'infirmité " nouvelle baisse auditive gauche " à 10 %. La ministre des armées relève appel de ce jugement du 30 mars 2021 qui a annulé sa décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension :1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ;4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée :a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°.En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". 3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % (...) ". Aux termes de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. Il résulte de l'instruction que la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... le 11 avril 2019 au motif que l'infirmité litigieuse " nouvelle baisse auditive gauche / perte auditive moyenne oreille gauche 61,25 décibels ", " n'est pas imputable au service car elle est postérieure au service, étrangère à celui-ci quel qu'en soit son taux (décisions CE n° 261848 du 23 février 2005 et n° 281585 du 13 mars 2007). Tel n'est pas le cas de l'intéressé rayé des contrôles de l'armée active depuis le 13 février 1998 (infirmité 2) ". 5. Pour prononcer l'annulation de la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A..., les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au demeurant plus en vigueur à la date de la demande de M. A..., reprises à l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précitées, lesquelles sont uniquement applicables aux demandes de révision des pensions militaire d'invalidité. Or, M. A... ne bénéficiant d'aucune pension militaire d'invalidité ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, seules les dispositions des articles L. 121-1 et 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précités et relatifs à une première demande de pension militaire d'invalidité lui étaient applicables. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa décision sur le fondement des dispositions applicables à la révision de pension. 6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de la décision du 11 avril 2019. 7. M. A... soutient que l'aggravation de son acuité auditive de l'oreille gauche, imputable au service, doit être fixée à 8 % et fait valoir que cette infirmité se rattache aux accidents survenus les 19 octobre 1983 et 11 août 1997 au cours desquels il a subi un traumatisme sonore. Toutefois, et alors que l'imputabilité au service de l'infirmité n'est au demeurant pas établie par les pièces du dossier, M. A... se borne à soutenir que son taux d'invalidité doit être porté à 8 %, taux qui ne peut, en toute hypothèse, ouvrir droit à une pension militaire d'invalidité, au titre des dispositions de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précité, comme l'admet d'ailleurs le requérant. Dans ces conditions, le moyen invoqué par M. A... à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de refus de pension militaire d'invalidité est inopérant. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 11 avril 2019 portant refus de pension militaire d'invalidité à M. A.... Le jugement est par suite annulée et la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2000786 du 30 mars 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions en appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... A.... Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Samson-Dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : M. B... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, M. B... 2 N°21NC01377
Cours administrative d'appel
Nancy