Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 19 décembre 1996, 95PA02767, inédit au recueil Lebon
(1ère chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 juillet 1995, présentée par M. X..., demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9300611/5 et 9300612/5/SE du 14 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif a, d'une part, rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit rétabli dans ses droits à pension de réversion du chef du décès de son ex-épouse, institutrice en retraite, d'autre part, limité la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 5.000 F, assortie des intérêts, en raison des troubles dans ses conditions d'existence subis du fait de la suppression de cette pension de réversion ;
2 ) de le rétablir dans ses droits à pension à la date du 7 octobre 1985, date à laquelle elle lui a été primitivement accordée, de lui allouer une somme de un million de francs au titre des dommages et intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 1996 :
- le rapport de M. LIEVRE, conseiller,
- et les conclusions de M. PAITRE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le 7 octobre 1985 l'administration a concédé à M. X..., à sa demande, une pension de réversion de 50 % à la suite du décès de son ex-épouse, institutrice en retraite ; que cette pension a fait l'objet d'un arrêté d'annulation en date du 24 septembre 1991 avec recouvrement du trop-perçu ; que, par arrêté du 29 mars 1993, l'annulation de la pension a été confirmée et une remise gracieuse du trop-perçu accordée ; que M. X... demande le rétablissement de sa pension et soutient que la suppression de celle-ci lui cause un préjudice évalué à un montant de 1.000.000 F ;
Sur les conclusions tendant au rétablissement de la pension :
Considérant que, par arrêté du 29 mars 1993, le ministre du budget a annulé l'arrêté du 24 septembre 1991 en tant que ce dernier prévoyait que le trop-perçu devait être recouvré, et l'a confirmé en tant qu'il annulait la pension de M. X... à compter du 1er juin 1985 ; qu'ainsi les conclusions de M. X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 1991 du ministre délégué au budget n'étaient devenues sans objet qu'en ce qui concerne les dispositions sur le trop-perçu ; que c'est, dès lors, à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, prononcé un non-lieu sur les conclusions tendant au rétablissement de sa pension ; que l'article 1er du jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a prononcé ce non-lieu ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.44 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " ...le conjoint divorcé a droit à la pension prévue ... à l'article 50 ..." ; qu'aux termes de l'article 50 : "Le conjoint survivant non séparé de corps d'une femme fonctionnaire ... peut, sous les réserves et dans les conditions fixées par le présent article, prétendre à 50 % de la pension obtenue par elle ... La jouissance de cette pension est suspendue tant que subsiste un orphelin bénéficiaire des dispositions de l'article L.42 (1er alinéa) ..." ; qu'aux termes de l'article L.42, 1er alinéa : "Les orphelins âgés de moins de vingt et un ans d'une femme fonctionnaire décédée en jouissance d'une pension ... ont droit au bénéfice des dispositions combinées du premier alinéa de l'arti-cle 38 ... Il peut être fait, en l'espèce, application des dispositions des troisième ... alinéas de l'article L.40" ; qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article L.40 : "Sont assimilés aux enfants âgés de moins de vingt et un ans, les enfants qui, au jour du décès de leur auteur, se trouvaient à la charge effective de ce dernier par suite d'une infirmité permanente les mettant dans l'impossibilité de gagner leur vie ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la pension de réversion a été, dans un premier temps, attribuée à M. X... conformément aux règles précitées ; que c'est seulement après avoir été saisie de la demande de deux de ses enfants et vérifié le droit de ceux-ci à percevoir cette pension de réversion en tant que majeurs atteints d'une infirmité les rendant incapables de gagner leur vie et à la charge de leur mère à son décès, que l'administration a supprimé la pension de M. X... ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées, M. X... n'avait aucun droit à percevoir cette pension de réversion ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : à tout moment, en cas d'erreur matérielle ; dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service des pensions ignorait, à la date à laquelle il a procédé à la liquidation de la pension de M. X..., l'existence de deux enfants majeurs à la charge de leur mère au moment du décès de cette dernière ; que, par suite, la révision faite par l'arrêté du 24 septembre 1991, confirmé par arrêté du 29 mars 1993, a eu pour seul objet de rectifier une erreur de fait et non de droit ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 29 mars 1993, intervenu plus de six mois après la notification de l'arrêté du 7 octobre 1985, aurait été tardif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration qui s'est bornée à appliquer les textes en vigueur aux situations successives dont elle a eu à connaître a pu régulièrement supprimer depuis sa concession la pension de M. X... ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit à la date à laquelle elle a liquidé la pension de M. X..., l'administration ignorait l'existence des deux fils majeurs à la charge de leur mère au moment du décès de cette dernière ; qu'ainsi l'erreur matérielle dont était entachée la pension concédée à M. X... le 7 octobre 1985 ne saurait constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, les conclusions de M. X..., tendant au versement d'une somme de 1.000.000 F en réparation du préjudice financier subi du fait de la suppression de cette pension et des troubles dans ses conditions d'existence, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu d'accueillir sur ce point les conclusions en appel incident du ministre de l'économie, des finances et du Plan ;
Article 1er : L'article 1er du jugement n 9300611/5 et 9300612/5/SE du tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 1994 est annulé en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. X... tendant au rétablissement de sa pension.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 septembre 1991 du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget sont rejetées.
Article 3 :Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : L'article 2 du jugement n 9300611/5 et 9300612/5/SE du tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 1994 est annulé.
Article 5 : Les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 1.000.000 F sont rejetées.