Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 15 octobre 1998, 96PA04288, inédit au recueil Lebon
(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée le 6 décembre 1996 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour M. Gilles X..., demeurant ..., 25160 Saint-Point Lac, par la SCP LECAT, CORNEVAUX et associés, avocats ;
M . X... demande à la cour d'annuler le jugement n 9699 en date du 11 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mars 1992 par laquelle le préfet de police de Paris lui a refusé la jouissance immédiate d'une pension de réversion de veuf d'une gardienne de la paix décédée le 20 février 1991 en service commandé et à ce que le tribunal ordonne que cette pension lui soit versée ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU la loi n 57-444 du 8 avril 1957 modifiée, instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 1998 :
- le rapport de M. BARBILLON, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête par laquelle M. X... demandait l'annulation de la décision en date du 16 mars 1992 du préfet de police de Paris refusant, en se fondant sur les dispositions de l'article L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, de faire droit à sa demande tendant à la jouissance immédiate de la pension de réversion de son épouse, Mme Catherine X..., gardienne de la paix de la police nationale, décédée par balles lors d'une agression, le 20 février 1991, alors qu'elle assurait un contrôle des vitesses sur le boulevard périphérique parisien, et à ce que cette pension lui soit versée ; que, par la présente requête, M. X... demande à la cour d'annuler ce jugement et d'ordonner qu'il lui soit versé la pension de veuvage à laquelle il estime avoir droit ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mars 1992 du préfet de police de Paris :
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 119 du Traité de Rome :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 119 du Traité de Rome : "chaque Etat membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier ..." ; que les régimes de pensions de retraite définis légalement ne peuvent être assimilés à une rémunération au sens des stipulations de cet article ; que, par suite, M. X... ne peut utilement soutenir que les articles L.38 et L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dès lors qu'ils établissent une distinction quant à la date d'entrée en jouissance des pensions de réversion des veufs ou veuves de fonctionnaires en fonction du sexe des bénéficiaires, sont contraires au principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes énoncée par ces stipulations ;
Sur le moyen tiré de la violation de la directive 79-7 du Conseil des Communautés en date du 19 décembre 1978 :
Considérant, en deuxième lieu, que si la directive susvisée fixe comme objectif aux Etats membres de mettre en oeuvre dans leur droit interne, dans un délai de six ans, le principe qu'elle édicte d'égalité de traitement entre hommes et femmes notamment en matière de régimes légaux de retraite, elle exclut de son champ d'application, ainsi qu'il ressort de son article 3-2, les dispositions concernant les prestations des survivants ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision attaquée, de la non-conformité aux dispositions de cette directive des articles L.38 et L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui sont relatifs aux pensions de réversion des veufs ou veuves de fonctionnaires en fonction du sexe des bénéficiaires ;
Sur le moyen tiré de la violation du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 :
Considérant, en troisième lieu, que si M. X... soutient que les dispositions de l'article L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite seraient contraires au principe de l'égalité des droits entre hommes et femmes proclamée par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, ce moyen ne peut qu'être rejeté dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité d'une disposition législative à la Constitution ;
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le conjoint survivant non séparé de corps d'une femme fonctionnaire ... peut, sous les réserves et dans les conditions fixées par le présent article, prétendre à 50 % de la pension obtenue par elle ou qu'elle aurait pu obtenir au jour de son décès et augmentée, le cas échéant, de la moitié de la rente d'invalidité dont elle bénéficiait ou aurait pu bénéficier, si se trouve remplie la condition d'antériorité de mariage prévue à l'article L.39 a) ou b) ou L.47 a) ou b). La jouissance de cette pension est suspendue tant que subsiste un orphelin bénéficiaire des dispositions de l'article L.42 (1er alinéa) et différée jusqu'au jour où le conjoint survivant atteint l'âge minimal d'entrée en jouissance des pensions fixé par l'article L.24-1 (1 ) pour les fonctionnaires n'ayant pas occupé des emplois classés en catégorie B. Toutefois, lorsque le conjoint survivant est reconnu, dans les formes fixées à l'article L.31, atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le rendant définitivement incapable de travailler, l'entrée en jouissance est fixée à la date où la constatation en a été faite ..." ; que M. X..., qui était âgé de 34 ans à la date de la décision attaquée et n'était pas reconnu atteint d'une maladie ou d'une infirmité le rendant inapte définitivement à tout travail, ne pouvait avoir droit, en vertu des dispositions précitées de cet article, à la jouissance immédiate de la pension de réversion de son épouse ; que les dispositions de l'article 6 ter de la loi susvisée du 8 avril 1957, issues de l'article 28-I de la loi du 30 décembre 1982, aux termes desquelles : "le total des pensions et des rentes viagères d'invalidité attribuables au conjoint et aux orphelins du fonctionnaire de police tué au cours d'une opération de police est porté au montant cumulé de la pension et de la rente viagère d'invalidité dont le fonctionnaire aurait pu bénéficier.", et dont M. X... se prévaut à l'appui de sa demande, se bornent à porter à 100 % le taux de la pension de réversion dont bénéficient le conjoint et les orphelins d'un fonctionnaire de police tué au cours d'une opération de police, que ce conjoint soit masculin ou féminin, et n'ont pas pour effet, contrairement à ce qu'affirme le requérant, de modifier les règles relatives à la date d'entrée en jouissance de la pension de réversion dont bénéficie le conjoint d'une femme fonctionnaire telles qu'elles sont fixées par l'article L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet de police de Paris a refusé, par la décision attaquée, de faire droit à la demande de jouissance immédiate de la pension de réversion de son épouse que M. X... avait présentée ;
Considérant, en dernier lieu, que contrairement à ce que soutient M. X..., aucune modification législative n'est venue se substituer aux dispositions susrappelées de l'article L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mars 1992 du préfet de police de Paris ;
Sur les conclusions tendant à ce que la cour ordonne que la pension de veuvage lui soit versée :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susvisées ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Article 1 : La requête de M. X... est rejetée.