Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, du 18 mai 1995, 92BX00372, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision18 mai 1995
Num92BX00372
JuridictionBordeaux
Formation1E CHAMBRE
RapporteurM. LEPLAT
CommissaireM. A. LABORDE

Vu la requête, enregistrée le 5 mai 1992 au greffe de la cour, présentée par Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z..., demeurant rue n° 5 maison n° ... ;
Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 29 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, rejeté sa demande dirigée contre la décision par laquelle le ministre de la défense a refusé le rétablissement, à la suite de son divorce, de la pension militaire de retraite à laquelle elle pouvait prétendre du chef de son époux, le soldat ACHOUR Y... X..., mort pour la France le 22 avril 1954, et qui avait été suspendue du fait de son remariage ainsi que de revaloriser cette pension pour tenir compte du mariage des filles du militaire et du décès de sa mère et, d'autre part, renvoyé au Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat les conclusions de sa demande relatives à sa pension d'invalidité et de victime de guerre ;
2°) d'annuler ladite décision et lui accorder le rétablissement des pensions dont s'agit;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi de finances n° 59-1454 du 20 décembre 1959 ; Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 1995 :
- le rapport de M.LEPLAT, Président-rapporteur;
- et les conclusions de M. A. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, si Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... déclare faire opposition au jugement susvisé du tribunal administratif de Poitiers, sa requête doit être regardée, alors que, d'ailleurs, les jugements des tribunaux administratifs ne sont pas susceptibles d'opposition, en vertu des dispositions de l'article R.223 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, comme un appel dudit jugement ;
SUR LES CONCLUSIONS DIRIGEES CONTRE LE JUGEMENT ATTAQUE EN TANT QUE CELUI-CI A RENVOYE AU PRESIDENT DE LA SECTION DU CONTENTIEUX DU CONSEIL D'ETAT LES CONCLUSIONS DE LA REQUETE DE PREMIERE INSTANCES RELATIVES A UNE PENSION MILITAIRE D'INVALIDITE ET DE VICTIME DE GUERRE :
Considérant que l'article R.82 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dispose que "Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime ressortir à la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente" et qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article R.84 du même code : "Les décisions du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat et des présidents des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs prises en application des articles ...R.79 à R.82 ... sont prises par ordonnance non motivée et ne sont susceptibles d'aucun recours ..."; que ces dispositions n'interdisent pas au tribunal administratif qui s'estime incompétemment saisi de transmettre le dossier au Conseil d'Etat par un jugement motivé ; qu'un tel jugement comme l'ordonnance qui aurait pu intervenir aux mêmes fins, n'est pas susceptible de recours ; qu'ainsi, ces conclusions de la requête de Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... ne sont pas recevables ;
SUR LES CONCLUSIONS DIRIGEES CONTRE LE JUGEMENT ATTAQUE EN TANT QU'IL A STATUE SUR LA CONTESTATION RELATIVE A UNE PENSION MILITAIRE DE RETRAITE ET SANS QU'IL SOIT BESOIN DE STATUER SUR LA FIN DE NON RECEVOIR QUI LEUR EST OPPOSEE PAR LES MINISTRES DE LA DEFENSE ET DU BUDGET:
Considérant que Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... n'avait présenté ou fait présenter par son avocat aucune demande tendant au report de l'examen de sa requête lors de l'audience publique du 10 janvier 1992 du tribunal administratif et n'invoque aucun élément ou événement qui aurait pu justifier un tel report ; qu'elle n'est, ainsi, pas fondée à se plaindre de ce que le jugement attaqué a été rendu à l'issue de cette audience ;

Considérant qu'aux termes de l'article 71-1 de la loi de finances du 26 décembre 1959 : "A compter du 1er janvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, seront remplacées pendant la durée normale de leur jouissance personnelle par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites pensions ou allocations à la date de leur transformation" ; que si le paragraphe III du même article 71 permet d'apporter par décret des dérogations au paragraphe I, aucun décret n'a été publié accordant une telle dérogation en faveur des ressortissants du Royaume du Maroc; que, par suite, les dispositions de l'article 71-1 sont devenues applicables aux pensions dont étaient titulaires des nationaux marocains à compter du 1er janvier 1961 ;
Considérant que ces dispositions législatives ont substitué aux pensions concédées aux nationaux des Etats en cause, et notamment à ceux du Royaume du Maroc, des indemnités non réversibles à caractère personnel et viager ; qu'ainsi, Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z..., veuve du soldat ACHOUR Y... X..., de nationalité marocaine, mort pour la France le 22 avril 1954, et qui avait bénéficié, à compter du 1er mai 1954, d'une pension militaire proportionnelle, n'était plus titulaire, à compter du 1er janvier 1961 que de l'indemnité personnelle non révisable prévue par les dispositions de l'article 71-1 précité de la loi du 26 décembre 1959 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la revalorisation de cette pension, par réversion des quotités disponibles des autres bénéficiaires de la même pension à la suite de l'accession à la majorité, en 1964, de la fille d'un premier lit de ACHOUR Y... X... et du décès, en 1986, de la mère de celui-ci, a été refusée ;
Considérant que si, en revanche, les dispositions législatives précitées faisaient obstacle à ce que le versement de la pension litigieuse fût interrompu, à la suite du remariage de la requérante, à compter du 2 octobre 1972 alors même que la requérante avait cru devoir signaler son remariage au service des pensions des armées, et si cette interruption est imputable, ainsi que le relève la requérante, à une erreur de l'administration, qui a été expressément reconnue par cette dernière, la prescription quadriennale instituée par les dispositions de la loi susvisée du 31 décembre 1968 faisait obstacle à ce qu'il fût fait droit aux nouvelles demandes, présentées à partir de 1979 par Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... en vue d'obtenir le versement des arrérages depuis la date de l'interruption susmentionnée ; que, par suite, Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la prescription quadriennale lui a été opposée et que le bénéfice de l'indemnité litigieuse a été rétabli à compter du 1er janvier 1975 et non du 2 octobre 1972 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er :La requête de Mme Veuve ACHOUR Y... née HALIMA BENT Z... est rejetée.