Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, du 27 octobre 1998, 97MA05534, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision27 octobre 1998
Num97MA05534
JuridictionMarseille
Formation2E CHAMBRE
RapporteurMme NAKACHE
CommissaireM. DUCHON-DORIS

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 décembre 1997 sous le n 97MA05534, présenté par le SECRETAIRE D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS ;
Le SECRETAIRE D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement n 93-4291 du 23 septembre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 10 novembre 1993 refusant à M. X... la qualité de prisonnier du Viet-Minh ;
2 / de confirmer ladite décision du 10 novembre 1993 ;
3 / de surseoir au versement de la somme de 1.800 F que l'administration a été condamnée à payer au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n 89-1013 du 31 décembre 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 1998 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- les observations de M. X... ;
- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;

Sur la légalité de la décision du 10 novembre 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 portant création du statut de prisonnier du Viet-Minh : "Le statut de prisonnier du Viet-Minh s'applique aux militaires de l'armée française et aux français ou ressortissants français qui, capturés par l'organisation dite "Viet-Minh" entre le 16 août 1945 et le 20 juillet 1954, sont décédés en détention ou sont restés détenus pendant au moins trois mois. Toutefois aucune durée minimum de détention n'est exigée des personnes qui se sont évadées ou qui présentent, du fait d'une blessure ou d'une maladie, une infirmité dont l'origine est reconnue imputable à la captivité par preuve dans les conditions fixées à l'article L.2 ou au premier alinéa de l'article L.213 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre." ; qu'en vertu de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : "Ouvrent droit à pension :
1 ) les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;
2 ) les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;
3 ) l'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service." ; qu'en vertu de l'article 213 du même code, auquel renvoie l'article 1er de la loi précitée : "Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant notamment : pour les victimes elles-mêmes, que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits définis aux 1 et 2 de la section 1" ; que d'après les articles L.195 et L.200 du même code auxquels renvoient les dispositions précitées, sont réputées causées par des faits de guerre les infirmités résultant de maladies contractées en captivité et consécutives à des mauvais traitements subis dans des camps de prisonniers, ou à des privations résultant d'une détention ordonnée par l'ennemi ;
Considérant qu'il est constant que M. X..., caporal au 3ème bataillon du 3ème régiment étranger d'infanterie a été capturé le 7 octobre 1950 par le Viet-Minh et détenu au camp de That Khe du 8 octobre 1950 au 3 novembre 1950, date à laquelle il a bénéficié d'une libération collective et été rapatrié sanitaire à Paris, soit pendant une période inférieure à 90 jours ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que s'il a été blessé à la jambe et au cuir chevelu lors de sa capture, il n'est pas contesté qu'il ne souffre d'aucune séquelle de ces blessures ; que l'affection pour laquelle il est pensionné résulte d'une blessure contractée en 1952 soit postérieurement à sa période de captivité ; qu'il n'est pas établi ni même soutenu que ses conditions de détention aient aggravé le paludisme dont il souffrait antérieurement et dont le diagnostic avait été posé en décembre 1948 ;

Considérant toutefois qu'il ressort des témoignages précis et concordants de trois de ses compagnons prisonniers que le 15 octobre 1950, lors d'une marche de nuit, le brancard sur lequel M. X... était transporté par d'autres prisonniers s'est renversé et que le caporal X... est tombé au fond d'un ravin ; que sa chute lui a occasionné des blessures aux testicules ; que M. X... se plaint actuellement d'un syndrome douloureux au testicule gauche ; qu'il résulte des conclusions du rapport de l'expert désigné par les premiers juges et contre lequel le MINISTRE DE LA DEFENSE n'avance aucun élément précis de contestation, que le syndrome douloureux épididymaire dont se plaint M. X... est probablement d'origine traumatique et que ce traumatisme a bien eu lieu en octobre 1950 ; que ce phénomène douloureux avait été constaté lors du rapatriement sanitaire de M. X... ; qu'il s'ensuit que M. X... doit être regardé comme apportant la preuve dont il a la charge que l'incapacité dont il demeure atteint trouve son origine dans l'accident dont il a été victime le 15 octobre 1950 et se trouve donc en relation de causalité directe avec sa détention du fait de l'ennemi ; que la circonstance que cette invalidité n'ait pas été indemnisée par l'octroi d'une pension militaire soit dans le cadre général de l'article 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre soit dans le cadre spécifique de la loi n 83-1109 du 21 décembre 1983, est sans influence sur la détermination de la qualité de prisonnier du Viet-Minh de M. X... ; que celui-ci doit être regardé comme remplissant les conditions exigées par les dispositions précitées pour se voir reconnaître ladite qualité de prisonnier du Viet-Minh ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SECRETAIRE D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a annulé sa décision du 10 novembre 1993 refusant ce titre à M. X... ;
Sur les frais irrépétibles de première instance :
Considérant que contrairement aux allégations du MINISTRE DE LA DEFENSE, l'Etat n'a pas été condamné par le Tribunal administratif à verser à M. X... la somme de 1.800 F au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que cette somme représente le montant des dépens constitués par les frais de l'expertise médicale ordonnée par les premiers juges ; que le jugement attaqué du 23 septembre 1997 donnant satisfaction à M. X..., ces dépens ont été mis, en l'absence de toute circonstance particulière, à la charge de l'Etat conformément aux dispositions de l'article R.217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que le recours en appel du MINISTRE DE LA DEFENSE (SECRETARIAT D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS) étant rejeté par le présent arrêt, ces dépens doivent demeurer à la charge de l'Etat ;
Article 1er : La requête du SECRETAIRE D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE (SECRETAIRE D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS) et à M. X....