Conseil d'Etat, 3 SS, du 11 octobre 1996, 154631, inédit au recueil Lebon
Vu le recours du MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE enregistré le 23 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Etienne X..., la décision du 23 mai 1990 par laquelle le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre de Strasbourg a refusé de lui reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2-2 de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984 le certificat d'incorporé de force dans l'armée allemande peut être délivré "sur leur demande, aux Alsaciens et Mosellans qui ont été affectés dans des formations paramilitaires allemandes, dont la liste est fixée notamment aux articles A 166 et A 167 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et qui ont été engagés sous commandement militaire dans des combats" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été incorporé de force dans le R.A.D., formation ne faisant pas partie de la Wehrmacht ; que, par suite, alors même que la réglementation en vigueur en Allemagne pendant la guerre aurait ignoré la notion d'organisation paramilitaire, la demande de M. X... doit être examinée au regard de l'article 2-2 précité de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié ;
Considérant que les dispositions des articles L. 239-2 et L. 239-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui, sous certaines conditions, assimilent les incorporés de force dans le service allemand du travail aux incorporés de force dans l'armée allemande, ne sauraient conférer à M. X..., qui n'allègue pas remplir les conditions fixées par ces dispositions, un droit à la reconnaissance de la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande, dont les conditions d'attribution sont fixées par l'arrêté précité du 10 mai 1954 ;
Considérant que si l'intéressé affirme qu'il a été, dans l'organisation R.A.D., préparé au combat, astreint au port de l'uniforme et confronté, lorsqu'il a été envoyé dans une zone de combats à l'Est de l'Oder, aux harcèlements des partisans polonais auxquels il lui aurait été ordonné de riposter, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il a été engagé dans des combats sous commandement militaire ; que les témoignages tardifs et non circonstanciés qu'il a produits à l'appui de sa demande ne sont pas de nature à établir cet engagement ;
Considérant que le MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE est, dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 23 mai 1990 refusant à M. X... la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser 50 000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel :
Considérant que l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de M. X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de cette loi ;
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 30 septembre 1993 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre et à M. Etienne X....