Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 21 juin 1996, 120516, inédit au recueil Lebon
Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré le 18 octobre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 1990 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. Serge Y..., brigadier-chef de la police nationale, la décision du MINISTRE DE L'INTERIEUR et du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation notifiée par lettre du préfet délégué pour la police en date du 6 avril 1988, rejetant la demande de M. Y... tendant à l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Serge Y... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 60-1089 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Auditeur,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le tribunal administratif de Marseille, saisi de conclusions présentées par M. Serge Y... à l'effet d'obtenir l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur et du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, rejetant sa demande tendant à l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité à la suite de l'accident dont il a été victime le 24 juin 1981, a statué sans mettre en cause le ministre de l'économie et des finances, et ce faisant a méconnu les dispositions combinées de l'article 4, 2ème alinéa du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 modifié et de l'article R. 66 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui font obligation au juge d'appeler ledit ministre à produire ses observations sur les pourvois formés contre les décisions prises notamment en matière d'allocation temporaire d'invalidité ; que le ministre de l'économie et des finances est par suite fondé à soutenir que le jugement attaqué est ainsi entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité" ;
Considérant que, le 24 juin 1981, M. Y..., brigadier à la compagnie républicaine de sécurité de la Guadeloupe, s'est blessé alors qu'il s'entraînait en vue de l'examen de révision quinquennale du diplôme de maître-nageur-sauveteur ; que cet entraînement avait lieu à l'initiative de M. Y..., dans un bassin communal, et en dehors des heures de service ; qu'ainsi, alors même que cet entraînement avait pour but de permettre à l'intéressé de se présenter dans les meilleurs conditions à l'examen pour lequel il avait été désigné, avec d'autres gradés et gardiens, par une décision du 6 janvier 1981 du commandant de X... de la Guadeloupe, l'activité exercée par M. Y... au cours de ces séances ne pouvait être regardée comme un prolongement normal de service de nature à lui ouvrir droit, dans les conditions prévues à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, à l'allocation temporaire d'invalidité ;
Considérant d'autre part, que la circonstance que le préfet, commissaire de la république, délégué pour la police, a reconnu par arrêté du 4 juin 1985, l'imputabilité au service de l'accident survenu à M. Y..., pour l'application des dispositions relatives aux congés de l'article 34-2° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, n'a pas eu pour objet et ne pouvait avoir légalement pour effet deconférer à l'intéressé des droits en ce qui concerne l'attribution éventuelle d'une allocation temporaire d'invalidité ;
Considérant enfin que si, aux termes de l'article 3 du décret du 6 octobre 1960 modifié : "La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciées par commission de réforme", l'administration, contrairement à ce que soutient M. Y..., n'est pas tenue de suivre l'avis de la commission ;
Considérant que de ce qui précède il résulte que la demande de M. Y... tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité doit être rejetée ;
Article 1er : Le jugement en date du 3 juillet 1990 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Serge Y..., au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie et des finances.