Conseil d'Etat, 3 SS, du 15 novembre 1996, 155398, inédit au recueil Lebon
Vu la requête enregistrée le 19 janvier 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Armand X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 30 septembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 8 novembre 1989 par laquelle le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre de Strasbourg a refusé de lui reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) ordonne à l'administration de délivrer le certificat demandé ;
4°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts ;
5°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Auditeur,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 2-2 de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984 le certificat d'incorporé de force dans l'armée allemande peut être délivré "sur leur demande, aux Alsaciens et Mosellans qui ont été affectés dans des formations paramilitaires allemandes, dont la liste est fixée notamment aux articles A 166 et A 167 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et qui ont été engagés sous commandement militaire dans des combats" ;
Considérant, en premier lieu, que M. X... n'a invoqué devant le tribunal administratif aucun moyen relatif à la légalité externe de la décision attaquée ; que, dès lors, il n'est pas recevable à invoquer, pour la première fois en appel, des moyens tirés d'irrégularités de procédure qui auraient entaché la décision attaquée ;
Considérant, en deuxième lieu, que le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre de Strasbourg était compétent, en vertu de l'arrêté du 2 mai 1984, pour prendre la décision attaquée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été incorporé de force dans le R.A.D., formation ne faisant pas partie de la Wehrmacht ; que, par suite, alors même que la réglementation en vigueur en Allemagne pendant la guerre aurait ignoré la notion d'organisation paramilitaire, la demande de M. X... doit être examinée au regard de l'article 2-2 précité de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié ;
Considérant que les dispositions de cet arrêté ont pu légalement subordonner dans le cas qu'elles visent la délivrance du certificat à la condition d'un engagement sous commandement militaire dans des combats ;
Considérant que si l'intéressé soutient qu'il a, au cours de la période qu'il a passée dans le R.A.D., été confronté à des bombardements de l'aviation russe et aux harcèlements des partisans polonais dans une zone de combats opposant l'armée allemande à l'armée russe, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se soit trouvé effectivement engagé dans des combats sous commandement militaire ; que la circonstance que d'autres incorporés de force dansl'organisation R.A.D. auraient obtenu le certificat qu'il sollicite est sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune omission de statuer, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur interdépartemental des anciens combattants et des victimes de guerre refusant de lui reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision n'impliquant aucune des mesures d'exécution prévues à l'article 77 de la loi du 8 février 1995, la demande d'injonction de M. X... ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser 20 000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de M. X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de cette loi ;
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Armand X... et au ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre.