Conseil d'Etat, 9 SS, du 27 novembre 1996, 159262, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision27 novembre 1996
Num159262
Juridiction
Formation9 SS
RapporteurM. Hourdin
CommissaireM. Goulard

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 juin 1994 et 13 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Julien X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre des postes, des télécommunications et de l'espace sur sa demande de versement d'une pension civile de retraite adressée le 24 octobre 1990 ;
2°) annule cette décision ;
3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de M. Julien X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que si M. X... soutient que le jugement attaqué ne comporterait pas dans ses visas l'intégralité des conclusions et moyens de sa demande, il ressort des pièces du dossier que le moyen manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que si le tribunal administratif de Lille a indiqué par erreur, dans le jugement du 8 mars 1994 par lequel il a rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des postes, des télécommunications et de l'espace a rejeté sa demande de relève de la suspension de ses droits à pension, que l'intéressé avait été "mis à la retraite d'office par un arrêté du préfet du Nord en date du 15 mai 1985", l'erreur ainsi commise quant à la date et à la nature exacte de la mesure disciplinaire prise à l'encontre du requérant le 15 mai 1965 n'entache pas d'irrégularité le jugement dès lors que l'erreur relative à la date de cette mesure est une simple erreur matérielle et que la mesure disciplinaire en cause a été exactement qualifiée par le tribunal administratif dans la suite des motifs de son jugement qui a relevé que l'intéressé avait fait l'objet d'une "mesure disciplinaire de révocation avec droit à pension" ;
Sur les conclusions relatives à la suspension des droits à pension :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que M. X... ait été relevé de la suspension de ses droits à pension par arrêté du 5 octobre 1994, et à compter de cette date, ne prive pas d'objet la demande en date du 24 octobre 1990 de l'intéressé, dont les droits à pension ont été suspendus dès le 15 novembre 1967 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est également suspendu à l'égard de tout bénéficiaire du présent code qui aura été révoqué ou mis à la retraite d'office pour avoir été reconnu coupable de détournement ( ...) de deniers de l'Etat ou convaincu de malversations relatives à son service ( ...)" ; que la suspension prévue par les dispositions précitées, qui résulte de la constatation que l'agent s'est livré à des activités incompatibles avec la jouissance d'une pension, constitue une mesure particulière, indépendante des sanctions prononcées sur le plan disciplinaire ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient M. X..., ni les dispositions de l'article L. 67 du même code, aux termes desquelles "le fonctionnaire civil révoqué sans suspension des droits à pension peut obtenir une pension s'il réunit quinze ans de services civils et militaires effectifs", ni l'existence d'une décision en date du 15 mai 1965, devenue définitive, portant révocation de l'intéressé sans suspension du droit à pension, n'étaient de nature à faire obstacle à ce que le ministre rejetât la demande du requérant tendant à la relèvede la suspension de ses droits à pension, prononcée par arrêté du 15 novembre 1967 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été révoqué le 15 mai 1965 pour s'être rendu coupable de "rétention momentanée de fonds" sur faux acquit de mandat postal ; que ces faits constituent des malversations visées par l'article L.59 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que la circonstance que les sommes prélevées ne s'élevaient qu'à 700 F, ne constituaient pas des deniers publics dès lors qu'elles n'étaient pas la propriété de l'Etat et ont été remboursées n'est pas de nature à oter aux actes commis leur caractère de malversations accomplies à l'occasion de l'exécution, par l'intéressé, de son service ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le ministre des postes, des télécommunications et de l'espace aurait, par la décision attaquée, méconnu l'article L.59 précité du code des pensions en refusant de le relever de la suspension de ses droits à pension ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme de 10 000 F qu'il demande, exposée par lui et non comprise dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Julien X..., au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.