Conseil d'Etat, 3 SS, du 23 octobre 1998, 170382, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 octobre 1998
Num170382
Juridiction
Formation3 SS
RapporteurM. Courson
CommissaireM. Stahl

Vu le recours, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 juin 1995, présenté par le MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de M. Y... Erre, sa décision du 25 janvier 1994 rejetant la demande d'attribution du titre de prisonnier du Viet-Minh ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 89-1013 du 31 décembre 1989 ;
Vu le décret n° 73-74 du 18 janvier 1973, modifié notamment par le décretn° 81-315 du 6 avril 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, portant création du statut de prisonnier du Viet-Minh : "le statut de prisonnier du Viet-Minh s'applique aux militaires de l'armée française et aux Français ou ressortissants français qui, capturés par l'organisation dite "Viet-Minh" entre le 16 août 1945 et le 20 juillet 1954, sont décédés en détention ou sont restés détenus pendant au moins trois mois./ Toutefois, aucune durée minimum de détention n'est exigée des personnes qui se sont évadées ou qui présentent, du fait d'une blessure ou d'une maladie, une infirmité dont l'origine est reconnue imputable à la captivité par preuve dans les conditions fixées à l'article L.2 ou au premier alinéa de l'article L. 213 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre" ; qu'en vertu de l'article L. 213 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre auquel renvoie l'article 1er de la loi précitée : "il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant notamment : / Pour les victimes elles-mêmes, que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits définis aux paragraphes 1er et 2 de la section 1" ; que, d'après les articles L. 195 et L. 200 du même code auxquels renvoient les dispositions précitées, sont réputées causées par des faits de guerre les infirmités résultant des maladies contractées en captivité et consécutives à des mauvais traitements subis dans des camps de prisonniers ou à des privations résultant d'une détention ordonnée par l'ennemi ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le statut de prisonnier du Viet-Minh n'est susceptible de bénéficier aux prisonniers qui ont été détenus pendant moins de trois mois par cette organisation qu'à la condition qu'ils apportent la preuve de l'imputabilité des infirmités qu'ils invoquent à un fait précis de leur captivité, qualifié de fait de guerre ;
Considérant qu'il est constant que M. X..., alors adjudant-chef au régiment de Corée, a été fait prisonnier par le Viet-Minh le 24 juin 1954 et a été détenu au camp de Quang-N'Gaï jusqu'au 30 août 1954, soit pendant une période inférieure à trois mois ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, s'il n'est pas contesté que M. X... a été victime le jour de sa capture d'une blessure au pied droit causée par un bambou piégé et qui a entraîné une infirmité, ni le certificat rédigé par le médecin militaire qui l'a soigné au cours de sa détention, ni les attestations délivrées par deux officiers qui l'ont connu au cours de sa captivité n'établissent que cette blessure est intervenue après que l'intéressé eut été fait prisonnier ; que, par suite, le MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a jugé que deux de ces témoignages apportent la preuve qui incombe à M. X... enapplication des prescriptions législatives précitées ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le second moyen invoqué par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant que ni les témoignages susmentionnés, ni la circonstance qu'en application des dispositions du décret du 18 janvier 1973 modifié notamment par le décret du 6 avril 1981, une pension a été accordée à M. X... en raison des infirmités résultant des rhumatismes vertébraux et de l'asthénie dont il souffre, n'apportent la preuve qui lui incombe en application des prescriptions de la loi du 31 décembre 1989 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 25 janvier 1994 rejetant la demande d'attribution du titre de prisonnier du Viet-Minh de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du 3 mai 1995 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à M. Y... Erre.