Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 02/11/2005, 267857, Publié au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 novembre 2005
Num267857
Juridiction
Formation4ème et 5ème sous-sections réunies
PresidentM. Stirn
RapporteurM. Jean Musitelli
CommissaireMme Roul
AvocatsLE PRADO


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 24 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Maurice X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 mars 2004 par lequel la cour régionale des pensions de Douai a confirmé le jugement du tribunal des pensions du Nord du 16 septembre 2002 rejetant sa demande tendant à ce que soient pris en compte ses droits à pension pour une infirmité nouvelle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Musitelli, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Le Prado, avocat de M. X,

- les conclusions de Mme Anne-Françoise Roul, Commissaire du gouvernement ;




Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte les éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant que ces dispositions, qui ne prévoient aucune exception en ce qui concerne leur champ d'application, sont applicables au contentieux des pensions militaires d'invalidité ; que le bénéfice de ces dispositions, qui régissent la charge de la preuve de l'imputabilité de la maladie au service, découle du champ d'application de la loi et, par suite, s'impose à l'administration, sans demande particulière autre que la demande de pension, ainsi qu'aux juridictions des pensions qui doivent en faire application, même d'office ;

Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué que, après avoir à bon droit écarté l'application au litige dont elle était saisie de la présomption d'imputabilité édictée par l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la cour régionale des pensions de Douai a jugé que M. X n'apportait pas la preuve, exigée par l'article L. 2 du même code, de l'imputabilité de la maladie au service, sans rechercher s'il apportait des éléments susceptibles de permettre l'application des règles particulières de preuve fixées par les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X, qui est recevable à invoquer pour la première fois devant le juge de cassation le moyen d'ordre public tiré de l'application de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros demandée par M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Douai du 22 mars 2004 est annulé.
Article 2 : Le jugement de l'affaire est renvoyé à la cour régionale des pensions d'Amiens.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. X, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice X et au ministre de la défense.