Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03/07/2012, 09PA05766, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 03 juillet 2012 |
Num | 09PA05766 |
Juridiction | Paris |
Formation | 4ème chambre |
President | M. PERRIER |
Rapporteur | M. Ermès DELLEVEDOVE |
Commissaire | M. ROUSSET |
Avocats | COBESSI |
Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2009, présentée pour Mme Rita A, demeurant ..., par Me Cobessi ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800684 en date du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser les sommes de 3 374 485 F CFP en réparation de la perte de traitement qu'elle a subie, 52 300 000 F CFP en réparation de sa perte de chance de reprendre une activité rémunérée et de percevoir une retraite à taux plein et 2 500 000 F CFP à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel qui sera déterminé au vu de l'expertise en cours ;
2°) de condamner l'État à lui verser les sommes susmentionnées de 3 374 485 F CFP en réparation de la perte de traitement, 52 300 000 F CFP en réparation de la perte de chance et 2 500 000 F CFP à titre de provision ;
3°) de réserver son droit à indemnité au titre de son préjudice corporel dans l'attente de la mesure d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 220 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
Vu code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2012 :
- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
Considérant que Mme A, institutrice du corps de l'Etat créé pour l'administration de la Polynésie française, a été victime le 22 mars 2001, lors d'une séance d'éducation physique, d'un accident dû à un choc avec un élève qui lui a occasionné une luxation de la mâchoire avec perte de connaissance ; que cet accident a été reconnu imputable au service par un arrêté en date du 20 avril 2001 et Mme A placée en congé pour accident de service du 23 mars 2001 au 16 mai 2003, puis, après une interruption pour congé de maternité, à nouveau du 15 novembre 2003 au 19 décembre 2005, alors d'ailleurs qu'à la suite du rapport d'expertise en date du 26 juillet 2003 établi par le docteur B, la commission de réforme s'était prononcée le 2 décembre 2003 pour une fixation de la date de consolidation des lésions au 17 mai 2003 ; que, compte tenu notamment des énonciations des rapports d'expertise en date des 4 août 2004 et 22 novembre 2005 établis respectivement par les docteurs B et C et à la suite de l'avis de la commission de réforme en date du 19 décembre 2005, Mme A a été, par les arrêtés successifs en date des 31 mai, 15 juin, 10 novembre et 13 décembre 2006, placée en congé de maladie ordinaire du 20 décembre 2005 au 1er mars 2007, soit à plein traitement du 20 décembre 2005 au 19 mars 2006 puis à demi-traitement ; que, sur sa demande formulée le 5 septembre 2006, elle a été admise à faire valoir ses droits à une pension de retraite à jouissance immédiate à compter du 3 mars 2007 par l'arrêté en date du 31 octobre 2006 alors, d'ailleurs, qu'à la suite notamment du rapport d'expertise en date du 3 octobre 2006 établi par le docteur C le comité médical saisi par l'administration sur sa demande avait émis le 3 novembre 2006 un avis défavorable à l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée à compter du 1er mars 2006 ; qu'à la suite de sa réclamation en date du 15 septembre 2008, implicitement rejetée par l'administration, Mme A a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française de conclusions tendant à la réparation des préjudices correspondant aux pertes de traitement effectivement subies, à la perte de chance de percevoir un plein traitement jusqu'en 2018 et à la perte de chance de bénéficier d'une retraite au taux de 80 % à compter de cette dernière date, en raison des fautes commises par l'administration, ainsi qu'à la réparation des souffrances physiques et morales et du préjudice d'agrément résultant de son accident de service ; que Mme A fait appel du jugement en date du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, ainsi que le soutient à juste titre Mme A, les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que les arrêtés susmentionnés la plaçant en congé de maladie ordinaire sont entachés d'un vice de procédure dans la mesure où la délibération en date du 19 décembre 2005 de la commission de réforme a été prise en violation des dispositions de l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'administration ne l'ayant pas informée au préalable de la faculté d'avoir communication de son dossier, de faire entendre le médecin de son choix et de présenter des observations ; que, dès lors, Mme A est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché sur ce point d'une omission à statuer et à en demander l'annulation ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;
Au fond :
Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique subie, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'en revanche, elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant que Mme A demande à être indemnisée des pertes de traitement effectivement subies en raison de son placement et de son maintien en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 20 mars 2006 au 1er mars 2007, de la perte de chance de percevoir un plein traitement jusqu'en 2018, date initialement envisagée pour sa retraite, et de la perte de chance de bénéficier d'une retraite au taux de 80 % à compter de cette dernière date en raison des fautes commises par l'administration qui l'a illégalement placée et maintenue en congé de maladie ordinaire, a omis de saisir le comité médical, a méconnu son obligation de reclassement et l'a placée dans une situation la contraignant à prendre une retraite prématurée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) / ; 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans (...) " ; qu'aux termes de l'article 63 de cette loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 novembre 1984 pris pour l'application de ces dispositions : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps " ; qu'aux termes de l'article 19 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, repris à l'article R 49 du code des pensions civiles et militaires de retraite, applicable à la procédure devant la commission de réforme : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou, par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendu par la commission de réforme (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce décret : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / (...) 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; / (...) 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; / 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité ; / 6. La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; / 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, ainsi que dans tous les autres cas prévus par des textes réglementaires (...) " ; qu'aux termes de l'article 27 de ce même décret : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. / Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le ou les postes qui lui sont proposés peut être licencié après avis de la commission admirative paritaire " ; qu'aux termes de l'article 35 du même décret : " Pour obtenir un congé de longue maladie ou de longue durée, les fonctionnaires en position d'activité ou leurs représentants légaux doivent adresser à leur chef de service une demande appuyée d'un certificat de leur médecin traitant spécifiant qu'ils sont susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée./ (...) Le dossier est ensuite soumis au comité médical compétent (...) L'avis du comité médical est transmis au ministre qui le soumet pour avis, en cas de contestation par l'administration ou l'intéressé, ou dans l'hypothèse prévue au deuxième alinéa de l'article 28 ci-dessus, au comité médical supérieur visé à l'article 8 du présent décret (...) " ;
Sur la perte de traitement durant la période du 20 mars 2006 au 1er mars 2007 :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise susmentionnés et du rapport d'expertise du docteur D en date du 10 octobre 2009, déposé en cours d'instance, et qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'accident de service dont Mme A a été victime le 22 mars 2001 a révélé une pathologie cervicale dégénérative préexistante à type de cervicalgies, de névralgies cervico-brachiales et de discarthroses C5-C6 et C6-C7 débutantes ; que, si cet état antérieur a été aggravé par l'accident de service et par une nouvelle luxation traumatique du maxillaire inférieur le 30 décembre 2001 sans lien avec le service, les douleurs à type de discarthrose cervicale C5-C6, le syndrome fibromyalgique et le syndrome anxiodépressif ayant motivé le placement puis le maintien de l'intéressée en congé de maladie ordinaire à compter du 20 décembre 2005 résultent essentiellement d'une évolution propre de cet état antérieur et ne sauraient être regardées comme les conséquences directes de l'accident de service en cause ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que ces dernières pathologies présenteraient les caractères de nature à justifier l'octroi à l'intéressée d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient Mme A, l'administration n'a commis aucune illégalité en ne regardant pas les arrêts de travail qui lui ont été prescrits et les soins qu'elle a reçus à compter de cette date comme ayant été directement entraînés par l'accident de service et a fait à cet égard une exacte application de l'article 34 de la loi susmentionnée du 11 janvier 1984, en prenant les arrêtés susmentionnés la plaçant et la maintenant en congé de maladie ordinaire à la suite de l'avis en date du 19 décembre 2005 de la commission de réforme, à plein traitement jusqu'au 19 mars 2006 puis à demi-traitement jusqu'au 1er mars 2007 ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient Mme A, il ne résulte nullement des dispositions de l'article 7 du décret susvisé du 14 mars 1986 ni d'aucune disposition légale ou réglementaire que l'administration aurait été tenue de saisir le comité médical aux fins de savoir si elle était apte à reprendre ses fonctions et, à défaut, si elle pouvait bénéficier d'un reclassement dans un autre poste, du seul fait que ses congés de maladie pour accident de service se prolongeaient au-delà d'une année, dès lors que ces congés répondaient aux conditions du second alinéa du 2° de l'article 34 de la loi précitée ; qu'en tout état de cause, d'une part, l'intéressée, qui estime elle-même que l'ensemble de ses arrêts de travail étaient justifiés durant la période litigieuse par ses pathologies, a demandé à bénéficier d'un congé de longue maladie à compter du 1er mars 2006, n'envisageant nullement une quelconque reprise d'activité ; que, d'autre part, le comité médical a été régulièrement saisi sur sa demande de congé de longue maladie et a d'ailleurs le 3 novembre 2006 émis un avis défavorable à l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée, ainsi qu'il a été dit, avis confirmé par le comité médical supérieur le 19 février 2008, dans les conditions de l'article 2 du décret susvisé du 30 novembre 1984 ; que, dès lors, l'administration n'a commis au cours de cette procédure aucune irrégularité fautive ;
Considérant, en troisième lieu, que Mme A invoque également des vices de procédure commis à l'occasion des consultations des commissions de réforme qui entacheraient les arrêtés susmentionnés la plaçant puis la maintenant en congé de maladie ordinaire ; que, contrairement à ce que soutient l'intéressée, il résulte de l'instruction et notamment de la lettre en date du 20 novembre 2003 dont elle a accusé réception le 24 novembre 2003 que Mme A a été régulièrement informée de la réunion de la commission de réforme du 2 décembre 2003, invitée à prendre connaissance de son dossier et à présenter des observations dans les conditions de l'article 19 du décret susvisé du 14 mars 1986 repris à l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, si le ministre de l'éducation nationale soutient que Mme A aurait été dans les mêmes conditions régulièrement informée de la réunion de la commission de réforme du 19 décembre 2005 par lettre en date du 28 novembre 2005, les mentions du rapport de télécopie qu'il produit en date du 7 décembre 2005 ne suffisent pas à établir que l'intéressée en aurait accusé réception ; que, dès lors, à défaut de se conformer aux dispositions réglementaires précitées, l'administration a entaché l'arrêté subséquent en date du 31 mai 2006 plaçant Mme A en congé de maladie ordinaire à compter du 20 décembre 2005 d'un vice de procédure ; que, toutefois, d'une part, la requérante ne produit au dossier aucun élément de nature à contredire sérieusement l'avis de la commission de réforme en date du 7 décembre 2005 qui s'est prononcée en faveur de son placement en congé de maladie ordinaire à compter du 20 décembre 2005 ; que, d'autre part, elle ne fait état d'aucune disposition légale ou réglementaire méconnue par l'administration qui lui aurait conféré un droit à voir son traitement maintenu sur la période litigieuse ; que, dès lors, ce vice de procédure n'est pas de nature à ouvrir à Mme A un droit à être indemnisée, comme elle le réclame, de la perte de traitement qu'elle a subie ;
Sur la perte de chance de percevoir un plein traitement durant la période du mois de mars 2007 au mois de mars 2018 :
Considérant que Mme A soutient que les arrêtés susmentionnés décidant de la placer et de la maintenir en congé de maladie ordinaire à demi-traitement seraient également entachés d'une illégalité fautive du fait de la méconnaissance d'une obligation de reclassement ; que, par voie de conséquence, cette faute l'aurait mise dans une situation de détresse financière et psychologique la contraignant à faire valoir de manière prématurée ses droits à pension de retraite dans la mesure où leur liquidation lui conférait un revenu supérieur à celui obtenu de son demi-traitement alors qu'elle avait l'intention de ne faire valoir ses droits à la retraite qu'au mois de mars 2018, à l'âge de 54 ans ;
Considérant, toutefois, que Mme A n'établit l'existence d'aucune illégalité ni d'aucun autre comportement fautif de l'administration qui l'aurait contrainte a demandé le bénéfice d'une retraite prématurée à compter du 3 mars 2007 ; qu'en effet, dans les circonstances de l'espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration n'a manqué à aucun principe général du droit au reclassement ni à une obligation d'inviter l'intéressée à formuler une telle demande de reclassement de nature à avoir fait perdre à celle-ci une chance de percevoir un plein traitement en restant en service après le 1er mars 2007 dès lors que Mme A, qui n'avait manifesté aucune intention de reprendre du service, estimait, au contraire, relever du congé de longue maladie dont elle avait demandé à bénéficier à compter du 1er mars 2006, ainsi qu'il ressort notamment du rapport d'expertise du docteur C en date du 3 octobre 2006, lequel précise d'ailleurs que l'administration lui a fait parvenir la demande de l'intéressée appuyée d'un certificat de son médecin traitant en date du 15 mars 2006 et qu'il l'a reçue en consultation le 28 septembre 2006, soit peu avant sa demande de mise à la retraite ; qu'en tout état de cause, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A aurait été en mesure de reprendre son service au cours de la période du 20 mars 2006 au 1er mars 2007 et donc de se trouver en situation de bénéficier à ce titre d'un plein traitement postérieurement alors même qu'elle soutient que ses arrêts de travail étaient justifiés par ses pathologies ; d'autre part, Mme A a demandé le 5 septembre 2006 à faire valoir ses droits à une pension de retraite à jouissance immédiate sans avoir jamais formulé l'intention de reprendre son service, fût-ce au titre d'un reclassement, et sans attendre l'avis du comité médical intervenu le 3 novembre 2006 sur sa demande de congé de longue maladie ; que c'est donc librement et en toute connaissance de cause, sans avoir été contrainte par un quelconque comportement fautif de l'administration, que l'intéressée a demandé à bénéficier dans les conditions susmentionnées d'une pension de retraite à jouissance immédiate en qualité de mère de trois enfants à compter du 3 mars 2007 ; que, dès lors, Mme A ne saurait imputer à l'administration la responsabilité d'une perte de chance de percevoir un plein traitement postérieurement au mois de mars 2007 en raison de son admission à la retraite pour jouissance immédiate à compter de cette dernière date ;
Sur la perte de chance de percevoir une pension de retraite au taux de 80 % à compter du mois de mars 2018 :
Considérant que Mme A soutient qu'elle a dû faire valoir ses droits à une pension de retraite dès le mois de mars 2007, renonçant ainsi à percevoir une pension de retraite au taux de 80 % à compter du mois de mars 2018, date jusqu'à laquelle elle comptait demeurer en activité, soit jusqu'à l'âge de 54 ans ; qu'il résulte, toutefois, de ce qui vient d'être dit que Mme A n'établit pas l'existence d'une faute de l'administration qui l'aurait contrainte à demander le bénéfice d'une pension de retraite à jouissance immédiate en qualité de mère de trois enfants dans les conditions susmentionnées à compter du 3 mars 2007 ; que, dès lors, elle ne saurait pas davantage imputer à l'administration une quelconque perte de chance de percevoir ultérieurement une pension de retraite à un taux supérieur ;
Sur la responsabilité sans faute :
Sur l'exception de prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ;
Considérant que, s'agissant de l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence, des préjudices esthétiques ou d'agrément et du préjudice lié aux souffrances endurées, nés à l'occasion d'un dommage causé à la personne, le point de départ du délai de prescription quadriennale prévu par la loi du 31 décembre 1968 est, en principe, le premier jour de l'année suivant celle de la consolidation des infirmités liées à ce dommage ;
Considérant que l'exception de prescription quadriennale a été opposée à Mme A du chef de ces préjudices en première instance par le haut-commissaire de la République en Polynésie française au motif que les séquelles de son accident de service devaient être considérées comme consolidées à la date du 17 mai 2003 par référence au rapport d'expertise en date du 26 juillet 2003 établi par le docteur B ; que, toutefois, d'une part, l'intéressée soutient sans être sérieusement contredite qu'elle n'a pas eu connaissance de ce rapport d'expertise avant le mois de septembre 2008, lorsque, à la demande de son conseil, elle a sollicité une copie de ce rapport médical auprès du médecin expert ; que, d'autre part, ainsi qu'elle le soutient à juste titre, la détermination précise de l'étendue du préjudice corporel résultant pour Mme A de son accident de service nécessitait une expertise ; qu'il s'ensuit que la créance dont elle se prévaut, afférente aux préjudices susmentionnés, n'était pas prescrite lorsqu'elle a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise à l'effet de déterminer ces préjudices, expertise confiée au docteur D par ordonnances de référé du Tribunal administratif de la Polynésie française en date des 20 novembre 2008 et 24 février 2009 demande qui a interrompu le cours de la prescription ; que, dès lors, l'exception de prescription quadriennale opposée par le haut-commissaire de la République en Polynésie française aux conclusions de la demande, présentée le 26 novembre 2008 devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, tendant à l'indemnisation des préjudices corporels subis par Mme A des suites de l'accident de service susmentionné ne peut qu'être écartée ;
Sur le préjudice :
Considérant que Mme A demande à être indemnisée à hauteur de 720 000 F CFP, en réparation des souffrances endurées par suite de son accident de service et de 265 000 F CFP en réparation du préjudice d'agrément par référence notamment au rapport d'expertise du 10 octobre 2009 du docteur D ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise susmentionnés que, d'une part, la date de consolidation des séquelles de l'accident de service en cause peut être fixée au 17 mai 2003 et l'incapacité permanente partielle à 3 % par rapport à un état antérieur de 2 % ; que, d'autre part, l'intéressée ne justifie par aucune des pièces versées au dossier et notamment pas en se bornant à faire état d'un stage de débutants qu'elle aurait suivi en 1997 et de perfectionnement en 1998, de la réalité de sa pratique habituelle du chant choral antérieure à l'accident de service du 22 mars 2001 et qu'elle aurait dû abandonner, subissant de ce fait un préjudice d'agrément de nature lui ouvre droit à indemnisation ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques endurées, évaluées par le docteur D dans son rapport d'expertise susmentionné en date du 10 octobre 2009 à 3,5 sur 7, en fixant à 400 000 F CFP l'indemnité destinée à les réparer ; que, dès lors, Mme A est fondée à demander la condamnation de l'État à lui verser cette somme ;
Sur les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. (...) Ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens " ;
Considérant que les frais de l'expertise susmentionnée confiée au docteur D par voie de référé ont été liquidés et taxés à la somme totale de 70 000 F CFP, par l'ordonnance en date du 28 octobre 2009 du président du Tribunal administratif de la Polynésie française ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les dépens, à titre définitif, à la charge de l'Etat ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) " ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à charge de l'État la somme de 170 000 F CFP au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 23 juin 2009 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A la somme de 400 000 F CFP.
Article 3 : Les dépens sont mis à la charge de l'Etat pour un montant de 70 000 F CFP.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A la somme de 170 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 09PA05766