Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 28/06/2013, 11MA04707, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 juin 2013
Num11MA04707
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre - formation à 3
PresidentM. GONZALES
RapporteurMme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
CommissaireMme HOGEDEZ
AvocatsLUCAS

Vu la requête enregistrée par télécopie le 22 décembre 2011, régularisée par courrier le 27 décembre 2011, présentée pour Mme B...E...demeurant ... par Me D...A... ; Mme E...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1003310 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à ce que soit réparé son préjudice matériel ;

- à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 96 820 euros en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande du 13 mai 2009 ;

- à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 24 381 euros en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande du 13 mai 2009 ;

- en tout état de cause, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier le paiement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
Vu le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation ;
Vu le décret n° 90-693 du 1er août 1990 relatif à l'attribution d'une indemnité de sujétion spéciale aux personnels de la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2013 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour Mme E...et de MeC..., de la
SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, pour le centre hospitalier de Montpellier ;


1. Considérant que MmeE..., infirmière exerçant des fonctions de manipulatrice en électroradiologie au sein du centre hospitalier universitaire de Montpellier, a été radiée des cadres pour abandon de poste par décision en date du 30 avril 2002 à compter du 1er mai 2002 ; que, par un arrêt en date du 15 janvier 2008, la Cour a annulé le jugement du 23 février 2005 par lequel le tribunal administratif de Montpellier avait rejeté la requête présentée par Mme E...dirigée contre ladite décision ; que, par le même arrêt, la Cour a annulé la radiation des cadres pour abandon de poste précitée au motif, d'une part, que la mise en demeure adressée à l'intéressée ne comportait aucun avertissement de ce que faute de rejoindre son poste, elle encourrait une telle radiation sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et, d'autre part, de ce qu'il n'était pas établi que l'état dépressif de la requérante, qui constituait un élément nouveau, avait été pris en compte et qu'elle était apte à reprendre le travail ; que la Cour a également enjoint au centre hospitalier de réintégrer Mme E...et de réexaminer sa situation ; que, par une décision en date du 26 février 2008, Mme E...a été réintégrée dans ses fonctions à compter du 1er mai 2002 ; que, par une lettre en date du 13 mai 2009, Mme E... a présenté une demande tendant à l'indemnisation de préjudices matériel et moral consécutifs à son licenciement et à la reconstitution de carrière selon elle mal opérée ; qu'une décision implicite de rejet est née sur cette demande ; que le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement en date du 19 octobre 2011, a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser à l'intéressée une somme de 10 000 euros tous intérêts confondus en réparation de troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral mais a, en revanche, rejeté toutes prétentions formulées au titre du préjudice matériel ; que Mme E... interjette appel dudit jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

Sur les fautes alléguées :
En ce qui concerne la radiation des cadres pour abandon de poste :
2. Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la décision en date du
30 avril 2002 était fautive en ce que l'administration n'avait pas sérieusement pris en compte la nouvelle pathologie dont était atteinte la requérante et en ce qu'il n'était ainsi pas établi qu'elle était en état, à la date à laquelle elle a été mise en demeure, de reprendre ses fonctions ; que cette illégalité interne constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Montpellier ;
En ce qui concerne la reconstitution de carrière opérée :
3. Considérant que Mme E...fait valoir que la reconstitution de carrière qui a fait suite à l'injonction prononcée par la Cour par arrêt du 15 janvier 2008 est incomplète dès lors qu'elle ne fixe aucune position pour les périodes du 1er mai 2002 au 6 octobre 2002, d'une part, et du 7 avril 2006 au 18 décembre 2008, date à laquelle elle a été placée à la retraite pour invalidité, d'autre part ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, que, par un avis en date du 24 juillet 2008, le comité médical départemental saisi par le centre hospitalier intimé pour se prononcer de nouveau sur la situation de l'intéressée, a estimé qu'il convenait de prolonger d'une durée de six mois du 7 octobre 2002 au 6 avril 2003, le congé de maladie ordinaire de l'intéressée ; qu'en suivant cet avis, le centre hospitalier a nécessairement estimé que l'intéressée devait être placée rétroactivement en congé de maladie ordinaire pour une première période de six mois du 7 avril 2002 au 6 octobre 2002, ne laissant ainsi aucun vide dans la situation juridique de l'intéressée ; que si l'intéressée fait valoir qu'elle aurait dû, sur cette période du 7 avril 2002 au 6 octobre 2002, être placée en position d'activité, tel ne pouvait être le cas dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'était pas établi qu'à la date à laquelle Mme E... a été mise en demeure de reprendre ses fonctions, son état de santé le lui permettait ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 36 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " La mise en disponibilité prévue aux articles 17 et 35 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission départementale de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions./ Elle est accordée pour une durée maximale d'un an et peut être renouvelée à deux reprises pour une durée égale. / Toutefois, si à l'expiration de la troisième année de disponibilité le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. /L'avis est donné par la commission de réforme lorsque le congé antérieur a été accordé en vertu du deuxième alinéa du 4° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. /Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical. Toutefois, lors du dernier renouvellement de la mise en disponibilité, c'est la commission de réforme qui est consultée " qu'il résulte de ces dispositions que, sauf circonstances particulières tenant à une amélioration de l'état de santé de l'agent, le placement en disponibilité d'office ne peut avoir une durée supérieure à trois ans ; qu'à l'issue de cette période, si l'agent est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il doit être admis à la retraite après avis de la commission de réforme en application des dispositions de l'article 17 du même décret ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la reconstitution de carrière opérée par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, Mme E...a été placée en disponibilité d'office du 7 avril 2003 au 6 avril 2006 ; que dès lors que le comité médical avait estimé que l'intéressée était inapte de façon absolue et définitive à compter du 7 avril 2006, il appartenait au centre hospitalier, pour éviter tout vide juridique dans la situation de l'intéressée jusqu'au 18 décembre 2008, de placer celle-ci à la retraite d'office rétroactivement à compter du 7 avril 2006 ; qu'en s'abstenant de placer Mme E...dans la position de la mise à la retraite d'office à compter du 7 avril 2006, le centre hospitalier universitaire de Montpellier a commis une deuxième faute de nature à engager sa responsabilité ;
Sur les préjudices de MmeE... :
En ce qui concerne la perte d'une chance de reprendre son travail ou d'être reclassée :
7. Considérant que Mme E...fait valoir que si elle n'avait pas été illégalement évincée, elle aurait pu, après examen médical, reprendre ses fonctions ou bénéficier le cas échéant d'un reclassement entre 2003 et 2008 et a ainsi perdu une chance ; que, toutefois, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier, et notamment d'aucun certificat médical, que
Mme E...aurait été apte à la reprise de son activité y compris sur un poste aménagé ou après un reclassement ; que la perte de chance alléguée n'est donc nullement établie ;
En ce qui concerne la perte de revenus :
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme E...a été placée en congé de maladie ordinaire du 7 avril 2002 au 6 avril 2003, puis en disponibilité d'office du 7 avril 2003 au 6 avril 2006 et qu'elle aurait dû être placée à la retraite d'office pour invalidité à compter du 7 avril 2006 ;
9. Considérant qu'en l'absence d'exercice effectif des fonctions dont un agent public a été illégalement privé par l'administration, soit qu'il ait été évincé du service, soit qu'il ait été affecté à d'autres fonctions que celles qui étaient ou auraient dû être les siennes, celui-ci ne peut prétendre au rappel de la rémunération correspondante, mais est fondé à demander la réparation intégrale des préjudices de toute nature qu'il a réellement subis du fait des mesures prises à son encontre dans des conditions irrégulières ; qu'il convient, pour fixer l'indemnité à laquelle le requérant a droit, de tenir compte notamment de l'importance respective des fautes commises par l'administration et l'agent lui-même à l'origine des préjudices de ce dernier, telles qu' elles résultent de l'instruction, et d'en déduire tout élément de rémunération ou tout revenu de remplacement perçu pendant la période durant laquelle il a été privé de l'exercice de ses fonctions ou mis à l'écart du service ;
10. Considérant que, pour l'évaluation de l'ensemble des préjudices subis par cet agent, l'indemnité réparant le préjudice financier doit être déterminée en prenant en compte, outre le traitement qui aurait dû lui être versé, d'une part, les primes ou indemnités inhérentes aux fonctions que l'agent aurait exercées en l'absence de la mesure illégale, d'autre part, les primes ou indemnités rétribuant la qualité ou la quantité de son travail, dont il établit qu'il avait une chance sérieuse de les percevoir ; qu'en revanche cette évaluation ne peut inclure les indemnités visant à compenser des frais qui n'ont pas été exposés ;
S'agissant de la période de congé de maladie ordinaire du 7 avril 2002 au 6 avril 2003 :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi précitée du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2°A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...)" ;
12. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 4 du décret susvisé du
11 janvier 1960 : "En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le Code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 321-1 dudit code, a droit à une indemnité égale à la somme des éléments suivants : 1° La moitié (ou les deux tiers si l'agent a trois enfants ou plus à charge) du traitement et des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais ; 2° La moitié (ou les deux tiers si l'agent a trois enfants ou plus à charge) soit de l'indemnité de résidence perçue au moment de l'arrêt de travail s'il est établi que l'intéressé, son conjoint ou les enfants à sa charge continuent à résider dans la localité où ledit intéressé exerce ses fonctions, soit, dans le cas contraire, de la plus avantageuse des indemnités de résidence afférentes aux localités où l'agent, son conjoint ou les enfants à sa charge résident depuis l'arrêt de travail, sans que cette somme puisse être supérieure à celle calculée dans le premier cas ; 3° La totalité des avantages familiaux./ Toutefois les maxima prévus à l'article L. 323-4 du code de la sécurité sociale sont applicables dans les cas visés au présent paragraphe. / II - Lorsque l'agent continue à bénéficier, en cas de maladie, d'avantages statutaires, mais que ceux-ci sont inférieurs au montant des prestations en espèces de l'assurance maladie, telles qu'elles sont définies au paragraphe 1er du présent article, l'intéressé reçoit, s'il remplit les conditions visées audit paragraphe, une indemnité égale à la différence entre ces prestations en espèces et les avantages statutaires. " ;
13. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions précitées,
Mme E...aurait dû bénéficier, si la décision d'éviction illégale n'était pas intervenue, d'un plein traitement brut (1 635,61 euros) du 1er mai 2002, date de ladite éviction au 6 juillet 2002, augmenté de l'indemnité de résidence (16,83 euros) ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, sur cette période, d'y ajouter le montant du supplément familial de traitement dès lors qu'il n'est pas établi, par les feuilles de paye versées au dossier, que la requérante et son époux auraient, avant leur séparation de corps intervenue le 30 juillet 2002, opté, en application des dispositions de l'article 10 du décret modifié du 24 octobre 1985 susvisé, pour que soit versé à Mme E...ledit supplément ; qu'elle aurait ainsi pu prétendre, au cours de cette période, au versement d'une somme de 3 635, 36 euros ;
14. Considérant, en second lieu, que Mme E...aurait dû bénéficier, si elle n'avait été illégalement évincée, d'un demi-traitement du 7 juillet 2002 au 6 avril 2003 ; que dans la mesure où Mme E...avait trois enfants à charge, ce demi-traitement devait toutefois être compensé, en application des dispositions précitées du décret du 11 janvier 1960, par le versement d'une indemnité égale à la différence entre les prestations en espèce prévues par ledit article et le demi-traitement ; qu'il résulte de ce qui précède que, sur la période du 7 juillet 2002 au 6 avril 2003, Mme E...pouvait ainsi prétendre mensuellement au versement d'une somme égale aux deux tiers de son traitement brut (1 090,4 euros) augmenté des deux tiers de l'indemnité de résidence (11, 22 euros) et de la totalité des avantages familiaux dont les primes familiales versées par le centre de gestion des oeuvres sociales (66, 15 euros) et le supplément familial de traitement à compter du 1er août 2002, sa situation familiale ayant évolué (196, 8 euros) ; que, s'agissant des primes versées précédemment à l'intéressée, à savoir l'indemnité de sujétion spéciale régie par le décret n° 90-693 du 1er août 1990 et la nouvelle bonification indiciaire, celles-ci sont inhérentes à l'exercice des fonctions d'infirmière ; que, cependant, il n'est pas établi, au vu de l'état de santé de la requérante, que celle-ci aurait exercé ses fonctions en l'absence de la mesure d'éviction illégale ; que lesdites primes ne doivent donc pas être intégrées au calcul des sommes auxquelles aurait pu prétendre Mme E...si la décision illégale n'était pas intervenue ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sur la période du 7 juillet 2002 au
6 avril 2003, Mme E...aurait pu prétendre au versement d'une somme de 12 084, 33 euros ;

S'agissant de la période de disponibilité d'office du 7 avril 2003 au 6 avril 2006 :
16. Considérant que MmeE..., ayant trois enfants à charge, pouvait prétendre au bénéfice d'indemnités en application des dispositions de l'article 4 précité du décret du
11 janvier 1960 ; qu'elle aurait ainsi pu prétendre mensuellement, si elle n'avait été illégalement évincée, au versement d'une somme égale aux deux tiers de son traitement brut (1090, 4 euros), augmenté des deux tiers de l'indemnité de résidence (11,22 euros) et de la totalité des avantages familiaux (262,95 euros) ; que sur l'ensemble de la période considérée, la perte peut donc être évaluée à la somme de 49 124, 52 euros ;

S'agissant de la période du 7 avril 2006 au 18 décembre 2008 :
17. Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment que, sur cette période, le centre hospitalier universitaire de Montpellier était tenu de mettre d'office à la retraite pour invalidité Mme E... ; qu'elle aurait ainsi perçu, si la décision d'éviction illégale n'était pas intervenue, une pension de retraite ; qu'il ressort des pièces produites par la requérante à la demande de la Cour que cette pension aurait été, a minima, de 709 euros par mois ; qu'il suit de là que, sur la période considérée, Mme E...aurait dû percevoir la somme de 22 948 euros, somme qu'elle n'a pas perçue du fait des fautes commises par le centre hospitalier intimé ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sur l'ensemble de la période d'éviction litigieuse, Mme E...aurait pu prétendre au versement d'une somme globale de 87 792,21 euros ; qu'il résulte de l'instruction que lui a été versée la somme globale de 67 235,61 euros en ce comprises les compensations opérées par le centre de gestion des oeuvres sociales ; qu'il n'est pas contesté par le centre hospitalier intimé que MmeE..., qui n'était pas apte à travailler, n'a, au cours de la période litigieuse, perçu aucune autre rémunération ou revenu de remplacement ; que Mme E...est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel résultant de la perte de revenus ; qu'il y a lieu, par suite et dans cette mesure, d'annuler ledit jugement, et de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser à Mme E...la somme de 20 556, 60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2009, date de réception de la demande préalable de la requérante ;
19. Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expuration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que Mme E...a demandé, par un mémoire enregistré le 31 mai 2013, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande à compter du 31 mai 2013 ;
En ce qui concerne le préjudice résultant du versement en une seule fois de la somme de 67 235, 61 euros :
20. Considérant que Mme E...fait valoir que l'éviction litigieuse et le paiement en une seule fois de la somme précitée ont généré un surplus d'imposition au titre des revenus de l'année 2008, et, en cascade, la perte de l'allocation de logement et du complément familial ; qu'il résulte de l'instruction qu'en dépit du fait que Mme E...justifie avoir demandé et bénéficié du système de quotient plus favorable instauré par les dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts, elle a dû assumer, du fait de la faute du centre hospitalier universitaire de Montpellier sans laquelle elle aurait bénéficié de rémunérations versées mensuellement, une imposition supplémentaire de 6 949 euros ; que, dans ces conditions, Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté les conclusions présentées à ce titre ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser à la requérante la somme de 6 949 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2009 et capitalisation des intérêts à compter du 31 mai 2013 ;

En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral :
21. Considérant que le tribunal a fait une évaluation correcte des préjudices ainsi subis par l'intéressée qui a été privée de tous revenus du 7 avril 2006 au 18 décembre 2008, a dû faire face à d'importantes difficultés financières et a vu son état de santé s'aggraver, en l'estimant à la somme de 10 000 euros qui n'est d'ailleurs pas contestée par l'intimé ; que toutefois, rien ne fait obstacle à ce que, comme le demande l'intéressée, cette somme soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2009, date de réception de sa demande indemnitaire préalable avec capitalisation des intérêts à compter du 31 mai 2013 si à cette date, la somme de 10 000 euros n'avait pas encore été versée à MmeE... ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
23. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MmeE..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer au centre hospitalier universitaire de Montpellier la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge dudit centre hospitalier le paiement d'une somme de 2 000 euros qui sera versée à Mme E...en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1003310 du tribunal administratif de Montpellier en date du 19 octobre 2011 est annulé en tant qu'il a refusé de faire droit aux conclusions présentées par Mme E...tendant à la réparation de son préjudice matériel.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier est condamné à verser à Mme E... la somme de 27 505, 60 euros (vingt sept mille cinq cent cinq euros et soixante centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2009 et capitalisation des intérêts à compter du 31 mai 2013.
Article 3 : La somme de 10 000 euros (dix mille euros) que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à verser à Mme E...en réparation de ses troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral est assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2009 avec capitalisation des intérêts à compter du 31 mai 2013 si à cette date la somme de 10 000 euros (dix mille euros) n'avait pas encore été versée à MmeE....
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E...est rejeté.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier versera à Mme E...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Montpellier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au centre hospitalier universitaire de Montpellier.
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