Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16/12/2013, 361625, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision16 décembre 2013
Num361625
Juridiction
Formation7ème et 2ème sous-sections réunies
RapporteurM. Jean-Dominique Nuttens
CommissaireM. Bertrand Dacosta
AvocatsFOUSSARD

Vu le pourvoi, enregistré le 3 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 1007605 du 13 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes, après avoir décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A...B..., veuveC..., tendant à l'annulation de la décision du 3 juin 2010 par laquelle le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande tendant à ce que sa pension de réversion soit assortie d'une rente viagère d'invalidité et de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 21 juin 2010, a annulé la décision du 23 avril 2010 par laquelle le directeur de l'Institut universitaire de formation des maîtres des Pays de la Loire a rejeté la demande de Mme C...tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie qui a entraîné le décès de son époux le 10 décembre 2009 et la décision du 10 décembre 2010 par laquelle le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a confirmé sa décision du 3 juin 2010 et a enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M.C..., avec toutes conséquences de droit ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 novembre 2013, présentée pour Mme C... ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de Mme C...;



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article " ; qu'aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27 " ;

2. Considérant que pour juger que le décès de M. C...des suites d'un syndrome de détresse respiratoire aigüe consécutif à des symptômes de grippe A (H1N1) devait être regardé comme imputable à une maladie contractée dans le service, le tribunal administratif de Nantes a énoncé que l'intéressé, en raison de son activité d'enseignant au sein de l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) des Pays de la Loire, chargé de donner des cours aux futurs enseignants et d'assurer leur suivi pédagogique au sein des établissements scolaires, avait été conduit à côtoyer de jeunes enfants et adolescents dans ces établissements et que le bilan épidémiologique publié en mai 2010 par l'agence régionale de santé des Pays de la Loire relevait la transmission habituellement exponentielle du virus de la grippe A en milieu scolaire ; qu'il a également relevé que les stagiaires auxquels M. C...dispensait son enseignement à l'IUFM étaient affectés dans des établissements présentant un taux d'absentéisme élevé et qu'au sein de l'IUFM, deux membres du personnel administratif et huit stagiaires suivant ses cours le 27 novembre 2009, date probable de sa contamination selon le certificat médical produit par la requérante, avaient été placés en arrêt de travail entre le 29 novembre et le 1er décembre, date à laquelle M. C...a lui-même fait l'objet d'un arrêt de travail ; qu'il a enfin relevé que M. C... ne souffrait auparavant d'aucune pathologie ;

3. Considérant qu'en statuant ainsi, alors, en premier lieu, que la cause des arrêts de travail des personnels et stagiaires de l'IUFM ne ressortait pas des pièces du dossier, en deuxième lieu, qu'en l'absence de toute présomption d'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie, la fréquentation d'une population constituant un important vecteur de transmission du virus de la grippe A ne peut suffire à rapporter la preuve de l'imputabilité au service, en troisième lieu, que l'état de santé antérieur de M. C...ne saurait, compte tenu de la nature de la pathologie en cause, avoir d'incidence sur l'imputabilité au service de sa maladie, le tribunal administratif a retenu des éléments insuffisants pour caractériser l'imputabilité directe au service de la maladie contractée par M. C... ; que, par suite, son jugement doit être annulé en tant qu'il a annulé les décisions des 23 avril 2010 du directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres des Pays de la Loire, et 10 décembre 2010 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

4. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par l'avocat de Mme C... ;



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement du 13 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et à Mme A...B..., veuveC....

ECLI:FR:CESSR:2013:361625.20131216