CAA de LYON, 7ème chambre, 26/08/2021, 20LY01979, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 16 avril 2019, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître un droit à pension pour deux infirmités nouvelles.
Par un jugement n° 1908957 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, et un mémoire, enregistré le 5 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Cautenet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 16 avril 2019 et de faire droit à sa demande de pension au titre d'une hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents à l'oreille gauche ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par son conseil à la part participative de l'État à l'aide juridictionnelle.
Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 25 mars 2021, M. B... conclut aux mêmes fins que sa requête.
Il soutient que :
- les mentions portées dans son livret médical à la date du 9 juin 1979 établissent qu'à cette date il a été exposé à l'événement qui a provoqué ses troubles auditifs, pour lesquels il a sollicité une pension militaire d'invalidité le 7 février 2014, par fait de service ;
- ce fait, consistant en son exposition sans protection à une séance de tirs d'artillerie, est à l'origine de ses infirmités ;
- cette exposition personnelle excède les conditions habituelles de service ;
- il justifie d'une atteinte auditive, qui s'est aggravée avec le temps, depuis cette date, constituant une infirmité ;
- la perte par l'administration des autres éléments de son dossier qui auraient permis d'établir plus amplement les faits ne peut lui être opposée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 avril 2021 (ce dernier non communiqué), la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le lien entre l'infirmité alléguée et le service, qu'il appartient à M. B... d'établir, n'est pas admis par l'administration ;
- M. B... n'établit pas le lien entre ses infirmités et le service, non plus que la réalité du fait générateur.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Cautenet, pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1 M. A... B..., engagé volontaire dans l'armée de terre le 3 octobre 1972, a été rayé des cadres le 14 mai 2007 au grade de major. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % pour " séquelles d'entorse du genou droit évolutive " à la suite d'une blessure reçue en service le 16 janvier 1997, il a sollicité le 7 février 2014 une pension pour une nouvelle infirmité constituée par des acouphènes et une hypoacousie qu'il attribue à une exposition au bruit sans protection lors d'une séance de tirs d'artillerie le 9 juin 1979. Par une décision du 16 avril 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. B... fait appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté son recours contre ce refus.
2 Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 6 de ce même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...). "
3 Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de M. B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...). " Aux termes de l'article L. 3 du même code, alors applicable : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (..). "
4 Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
5 Si M. B... fait valoir, sans être contredit par l'administration, qu'à l'occasion d'une mutation en 2001 son dossier administratif, à l'exception de son livret médical transmis par une autre voie, a été égaré, et aussi regrettable que soit cette circonstance, il ne saurait être tiré de cette dernière un renversement de la charge de la preuve des faits à l'origine de l'infirmité invoquée qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, pèse sur l'intéressé.
6 Il ressort du livret médical de M. B... produit à l'instance qu'ont été portées par le médecin qui l'a consulté à l'hôpital du Val-de-Grâce le 9 juin 1979 les mentions " Sifflement et douleurs dans les oreilles suite à un tir. Etant exposé pendant toute la durée du tir sans casque à une ambiance hypersonore pouvant être responsable d'une fragilisation de la cochlée. Il est à craindre une aggravation avec le temps. A inscrire au registre des constatations de l'unité ". Or, à supposer même que, à elles seules, et alors même que, en l'absence de tout autre élément au dossier, elles rapportent des circonstances alléguées par l'intéressé, ces mentions puissent révéler un incident de service au cours duquel M. B... aurait été spécialement exposé, il résulte de l'instruction et notamment d'un examen ORL pratiqué le 23 novembre 1993 que ce n'est qu'à cette date que seraient apparus les acouphènes et plus tard encore, en 2001, la sensation de perte auditive au titre desquels M. B... a sollicité, le 7 février 2014, une pension. Dans ces conditions, et en tout état de cause, et tandis qu'aucune des pièces du dossier n'élimine notamment une évolution des capacités auditives de M. B... en raison du seul vieillissement physiologique à compter de 1993, celui-ci n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, de lien de filiation médicale entre les séances de tir auxquelles il aurait participé en 1979 et les infirmités constatées à compter de 1993, très postérieurement à la date de l'événement dont il fait état sans ainsi en établir le caractère traumatique.
7 Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 août 2021.
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