CAA de NANTES, 1ère chambre, 26/11/2021, 20NT02223, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision26 novembre 2021
Num20NT02223
JuridictionNantes
Formation1ère chambre
PresidentMme la Pdte. PERROT
RapporteurMme Pénélope PICQUET
CommissaireMme CHOLLET
AvocatsLC JURIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 en raison de la réintégration dans les bases d'imposition d'une pension d'invalidité.

Par un jugement n° 1801213 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 juillet 2020 et 5 mai 2021 M. A..., représenté par Me Paillet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Il soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière car la réponse que lui a adressée le service à ses observations à la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- pour contester son imposition, il peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, des avis de dégrèvement, des courriels des services des impôts d'Avignon et de La Rochelle des 28 juillet et 11 octobre 2017, de la brochure pratique de l'année 2005 et de l'instruction publiée au BOI-RSA-CHAMP-20-30-20 paragraphe 230.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 janvier 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, perçoit chaque année depuis 2007 une pension d'invalidité en vertu d'un contrat d'assurance conclu au titre d'un régime complémentaire de prévoyance. Par une proposition de rectification du
19 décembre 2016 établie à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration lui a fait savoir qu'elle estimait que les revenus tirés de cette pension d'invalidité n'étaient pas affranchis de l'impôt sur le revenu et qu'elle les réintégrait en conséquence dans les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des années 2013, 2014 et 2015. Après avoir présenté une réclamation qui a été rejetée par l'administration fiscale le 19 mars 2018, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des impositions en litige. Par un jugement du 30 juin 2020, le tribunal a rejeté cette demande. M. A... fait appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction que la réponse aux observations du contribuable du 9 mai 2017 mentionne notamment que " la brochure pratique des impôts citée dans votre réclamation concernait uniquement, à la rubrique des " traitements et salaires ", les indemnités de maladie, d'accident et de maternité qui étaient ou non à déclarer. Ainsi, l'information qui vous a été fournie à partir de cette documentation ne visait que les seules indemnités désignées ci-dessus et non la pension d'invalidité. ". La circonstance que ces motifs seraient erronés est sans influence sur le caractère suffisant de la motivation.
4. D'autre part, cette même réponse aux observations du contribuable indique que M. A... ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'a pas formellement pris position sur le caractère non imposable des revenus fournis par Générali Vie, le dégrèvement non motivé accordé sur l'imposition des revenus des années 2002 et 2003 ne constituant pas une prise de position formelle sur l'appréciation de sa situation au regard d'un texte fiscal. Par conséquent, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration a répondu à son observation selon laquelle le bénéfice de l'exonération avait été précédemment accordé par le service en sa qualité de travailleur non salarié. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable du 9 mai 2017 doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l'article 239 bis AA ou à l'article 239 bis AB (...) ". Aux termes de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 5. a. Les revenus provenant de traitements publics et privés, indemnités, émoluments, salaires et pensions ainsi que de rentes viagères autres que celles mentionnées au 6 sont déterminés conformément aux dispositions des articles 79 à 90. / (...) b bis. Les dispositions du a sont applicables aux prestations servies sous forme de rentes ou pour perte d'emploi subie, au titre des contrats d'assurance groupe ou des régimes mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article 154 bis. / (...) ".
6. Selon l'article 79 du même code, les pensions concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu, à l'exception de celles visées, notamment, par l'article 81 du code général des impôts. La pension versée à une personne relevant du régime des travailleurs non-salariés en exécution d'un contrat de prévoyance souscrit de manière facultative n'entre dans aucun des cas d'exonération prévus à cet article 81. Aux termes de l'article 81 du code général des impôts : " Sont affranchis de l'impôt : / (...) 4° a. Les pensions servies en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ainsi que la retraite du combattant (...) / 8° Les indemnités temporaires, à hauteur de 50 % de leur montant, ainsi que les prestations et rentes viagères, servies aux victimes d'accidents du travail ou à leurs ayants droit ; / 9° Les allocations, indemnités et prestations servies, sous quelque forme que ce soit, par l'Etat, les collectivités et les établissements publics, en application des lois et décrets d'assistance et d'assurance ; / (...) ".
7. Il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 5 et 6 que les pensions perçues au titre des années 2013 à 2015 par M. A..., dont il n'est pas contesté qu'il relevait du régime des travailleurs non-salariés, au titre d'un contrat facultatif d'assurance souscrit auprès de la compagnie Générali Vie, n'entraient dans aucun des cas d'affranchissement prévus à l'article 81 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré dans les bases de l'impôt sur le revenu des années 2013, 2014 et 2015 la pension d'invalidité perçue par M. A....
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Il résulte de l'instruction que les avis de dégrèvement pour les années 2002 et 2003 ne sont pas motivés. Ils ne sauraient donc être regardés comme constituant une prise de position formelle de l'administration sur la situation de M. A.... Au vu de leurs termes, il en est de même des courriels des services des impôts d'Avignon et de La Rochelle des 28 juillet et 11 octobre 2017. Au demeurant, les dégrèvements accordés en 2002 et 2003 concernaient des indemnités journalières et non des pensions d'invalidité. Quant à la brochure administrative reprenant l'instruction publiée au BOI-RSA-CHAMP-20-30-20 paragraphe 230, elle ne s'applique qu'aux salariés, alors qu'il est constant que M. A... est un gérant majoritaire de société. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir des éléments précités sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2021.


La rapporteure
P. PicquetLa présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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