CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 11/03/2022, 20MA01762, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 mars 2022
Num20MA01762
JuridictionMarseille
Formation7ème chambre
PresidentM. POCHERON
RapporteurM. Gilles PRIETO
CommissaireM. CHANON
AvocatsSCP MATUCHANSKY - POUPOT - VALDELIEVRE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2017, Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 25 juillet 2017 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a rejeté sa demande d'allocation viagère et la décision du 19 novembre 2017 de rejet de son recours gracieux du 8 août 2017, ainsi que d'enjoindre à l'ONACVG de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1704485 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2020, Mme B..., représentée par Me Bourguiba, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 avril 2020 ;



2°) d'enjoindre à l'ONACVG de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à venir ;

3°) de mettre à la charge de l'ONACVG la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- les décisions attaquées méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en ce qu'elle n'a disposé que d'un délai de 9 mois pour présenter sa demande d'allocation viagère alors que les personnes dont le conjoint, également ancien membre des forces supplétives est décédé après la promulgation de la loi, bénéficient d'un délai d'un an pour présenter leur demande ;
- l'ONACVG a manqué à son obligation d'information des bénéficiaires potentiels de l'allocation viagère en violation des dispositions des articles L. 611-3, L. 611-5 et D. 432 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.


Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2020, l'ONACVG conclut au rejet de la requête.


Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.


Vu :
- les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2016-1903 du 28 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Prieto,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.





Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., née le 1er janvier 1942, est veuve de M. A... B..., décédé le 20 avril 2015, qui a servi en tant que supplétif de l'armée française durant le conflit algérien de 1956 à 1962. Elle a sollicité le 31 janvier 2017, en sa qualité de veuve, l'attribution de l'allocation viagère instituée par l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 en faveur des conjoints et ex-conjoints, survivants de harkis ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France. Par une décision du 25 juillet 2017, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a rejeté sa demande au motif qu'elle a été présentée postérieurement au délai prévu par ladite loi. Par courrier du 8 août 2017, Mme B... a formé un recours gracieux, que cette autorité administrative a expressément rejeté par décision du 19 novembre 2017.

2. Mme B... relève appel du jugement du 15 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 juillet 2017 et du 19 novembre 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 133 de la loi de finances du 29 décembre 2015 pour l'année 2016, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " I. - Une allocation viagère d'un montant annuel de 3 415 euros, (...), est instituée au profit des conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France. / Le bénéfice de cette allocation est ouvert dès lors : (...) 3° (Que l'ex-conjoint) présente sa demande dans un délai d'un an à compter du décès de l'ancien membre des formations supplétives. II. Les demandes d'attribution de l'allocation prévue au I présentées par les conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives décédés avant la date d'entrée en vigueur du présent article sont recevables, dans le respect des conditions mentionnées aux 1° et 2° du I, jusqu'au 31 décembre 2016 (...) ".

4. En premier lieu, Mme B... invoque une rupture d'égalité en soutenant que l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 n'est entré en vigueur qu'à la suite de la publication du décret du 24 février 2016, de sorte qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un délai d'un an pour déposer sa demande, à la différence d'un conjoint d'un membre des formations supplétives décédé après l'entrée en vigueur de l'article 133. Toutefois, ce faisant, la requérante met nécessairement en cause la constitutionnalité des dispositions de l'article 133 en ce qu'elles prévoient que les demandes d'attribution de l'allocation viagère présentées par les conjoints d'anciens membres des formations supplétives décédés avant la date d'entrée en vigueur de la loi ne sont recevables que si elles sont présentées au plus tard le 31 décembre 2016. Ce moyen qui n'est pas présentée sous la forme d'une question prioritaire de constitutionnalité est, comme tel, irrecevable. Au demeurant, l'entrée en vigueur de l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 n'étant pas subordonnée à l'adoption d'un décret d'application, Mme B... a effectivement bénéficié d'un délai d'un an pour déposer sa demande.



5. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " L'Office a pour mission d'assurer à ses ressortissants la protection et l'aide matérielle qui leur sont dus au titre de la reconnaissance de la Nation. A ce titre, il est chargé : 1° de prendre ou de proposer en faveur de ses ressortissants toutes mesures jugées nécessaires ou opportunes (...) ". Aux termes de l'article L. 611-5 de ce code : " L'Office est également chargé : (...) 3° de suivre, de coordonner et de faciliter l'application des dispositions législatives et réglementaires qui concernent les rapatriés, notamment celles destinées à faciliter leur réinstallation, ainsi que celles fixées par la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (...) ".

6. Mme B... fait valoir que l'ONACVG a manqué à sa mission d'information des bénéficiaires potentiels de cette allocation, l'empêchant ainsi d'en bénéficier. Aucun texte n'impose toutefois une obligation d'information individuelle. En outre, le dispositif législatif instaurant l'allocation viagère en cause a fait l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2015, formalité suffisante pour le rendre opposable aux administrés. Dès lors, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour soutenir que le délai prévu par l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 ne lui était pas opposable. Au surplus, l'article D. 432 de ce même code également invoqué par la requérante a été abrogé par l'article 4 du décret du 28 décembre 2016 relatif à la partie réglementaire du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de Mme B... aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B..., au titre des frais qu'elle a exposés à ce titre et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'ONACVG qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.





D É C I D E :



Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).


Délibéré après l'audience du 25 février 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Pocheron, président,
- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2022.
N° 20MA01762 2
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