CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 07/06/2022, 20TL02790, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 23 novembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 14 décembre 2016 et d'enjoindre au département de l'Hérault de reconnaître l'imputabilité au service de son accident.
Par un jugement n° 1800574 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°20MA02790, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL02790, Mme B... A..., représentée par la SELARL Maillot Avocats et Associés, agissant par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision du président du conseil départemental de l'Hérault en date du 23 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au département de l'Hérault de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 14 décembre 2016, dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement doit être annulé en ce qu'il n'a pas retenu le vice de procédure résultant de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme ;
- il doit également être annulé en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le département : la commission de réforme n'a pas statué au fond sur la demande qui lui était présentée et aurait dû saisir un médecin expert ;
- il doit enfin être annulé en ce qu'il n'a pas retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le département qui a considéré que son accident n'était pas imputable au service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2020, le département de l'Hérault, représenté par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Schmit substituant Me Becquevort, représentant le département de l'Hérault.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui était adjointe administrative de 2ème classe au sein des services du département de l'Hérault, a été victime d'un accident survenu le 16 juin 2014 dont l'imputabilité au service a été reconnue par décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 14 décembre 2015. Ses congés de maladie du 16 juin 2014 au 31 août 2015 ont été pris en charge à ce titre. Par cette décision du 14 décembre 2015, le président de cette collectivité a fixé au 31 août 2015 la date de consolidation de l'accident de service et a refusé de prendre en charge les arrêts de travail postérieurs au 31 août 2015 au titre de cet accident. Le 5 mai 2017, Mme A... a déclaré un nouvel accident de service en date du 14 décembre 2016. Par une décision du 23 novembre 2017, le président du conseil départemental de l'Hérault a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cette décision. Par un jugement du 12 juin 2020 dont Mme A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande devant le tribunal, Mme A... soutenait notamment que la commission de réforme n'avait pas statué au fond sur la demande qui lui était présentée, entachant ainsi la décision attaquée d'une erreur de droit. Contrairement à ce que soutient l'appelante, les premiers juges ont suffisamment motivé le jugement attaqué en indiquant que la commission de réforme a émis un avis défavorable à sa demande et en reprenant les termes de l'avis rendu le 23 novembre 2017 faisant en particulier état de l'absence de l'agent de son poste de travail depuis le 16 avril 2014. Le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu au moyen ainsi soulevé doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
4. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans ses dispositions applicables au litige : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l'administration ; 3. Deux représentants du personnel. / Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". Aux termes de l'article 17 de l'arrêté dans sa version applicable au litige : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. / Les médecins visés au 1 de l'article 3 et les médecins agréés ayant reçu pouvoir en application de l'article 8 ne peuvent pas siéger avec voix délibérative lorsque la commission examine le dossier d'un agent qu'ils ont examiné à titre d'expert ou de médecin traitant. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. / En cas d'égalité des voix, l'avis est réputé rendu. / Les avis sont communiqués aux intéressés dans les conditions fixées par la loi du 17 juillet 1978 susvisée ".
5. En premier lieu, il n'est pas établi que la composition de la commission de réforme réunie le 23 novembre 2017 n'aurait pas été conforme aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004. La circonstance qu'un seul représentant de l'administration ait été présent au lieu des deux prévus par cet article est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que le quorum prévu à l'article 17 de cet arrêté était atteint et que deux médecins généralistes ont siégé. Dès lors, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme a émis un avis défavorable à la demande de Mme A... en considérant que l'accident déclaré par l'appelante n'était pas imputable au service au motif " qu'il n'est pas possible de retenir un accident de travail au 14 décembre 2016 imputable au service alors que l'agent était absent de son travail depuis le 16 avril 2014 ". La commission de réforme s'est ainsi prononcée, quel que soit le bien-fondé de son appréciation, sur le refus d'imputabilité au service de cet accident déclaré par l'appelante le 5 mai 2017, qui comportait à l'appui de sa demande un certificat médical d'arrêt de travail établi par son médecin traitant le 30 janvier 2017. Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, aucune disposition de nature législative ou réglementaire n'imposait à la commission de réforme de saisir un médecin expert avant de se prononcer sur la demande de Mme A.... Enfin, il ressort des termes de la décision attaquée que le président du conseil départemental ne s'est pas estimé en situation de compétence liée par l'avis émis par la commission de réforme et s'est livré à sa propre appréciation de la situation de l'appelante.
7. En troisième lieu, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
8. Mme A... a été victime le 16 juin 2014 d'un accident lié à des troubles dépressifs en lien avec des difficultés relationnelles avec des collègues de travail, dont l'imputabilité au service a été reconnue par décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 14 décembre 2015. Le 30 janvier 2017, son médecin traitant a établi un certificat médical d'accident de travail initial, pour un accident daté du 14 décembre 2016, décrit comme un " burn out réactionnel aux relations conflictuelles avec l'employeur (...) avec retentissement dans la vie affective et sociale de tous les jours (...) ". Toutefois, l'existence de cet accident, qui est intervenu alors qu'elle avait été placée en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 31 août 2016, n'est confirmé par aucune autre pièce du dossier. En outre, Mme A... ne justifie par aucun document du lien direct entre cet accident et l'exercice de ses fonctions en produisant deux expertises antérieures à l'accident déclaré, une expertise du 8 février 2017 ne faisant pas état de cet accident ainsi que des certificats médicaux établis par son médecin traitant. Si ce dernier évoque le refus de son employeur de la convoquer au comité médical le 13 décembre 2016 et le 17 janvier 2017, il ne ressort cependant d'aucune pièce qu'une demande de l'appelante aurait pu être examinée lors de ces séances du comité médical. Par suite, Mme A... n'établit pas qu'elle aurait été victime d'un accident imputable au service le 14 décembre 2016. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision attaquée du président du conseil départemental de l'Hérault serait entachée d'une erreur de droit ou d'une inexacte appréciation de sa situation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros à verser au département de l'Hérault sur le fondement desdites dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera au département de l'Hérault une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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