CAA de PARIS, 4ème chambre, 30/06/2022, 21PA04804, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 juin 2022
Num21PA04804
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentMme HEERS
RapporteurM. Jean-François GOBEILL
CommissaireM. BARONNET
AvocatsSCP SAIDJI & MOREAU

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 février 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 12 octobre 2017.
Par un jugement n°1908925/5-1 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 25 février 2019 et enjoint à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident de Mme F... et d'en tirer toutes les conséquences sur les droits afférents à ce titre.
Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 août 2021, la ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1908925/5-1 du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la requête de Mme F....


Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a appliqué les dispositions du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 qui prévoit une présomption d'imputabilité, alors qu'il aurait dû appliquer le III de ce même article qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 janvier 2017, prévoit que c'est au demandeur d'apporter la preuve que l'accident est imputable au trajet ;
- l'imputabilité n'est pas établie en l'espèce dès lors que Mme F... n'apporte pas la preuve que l'accident a eu lieu à la sortie de son travail à 17h00, en l'absence de témoins et du fait que les constatations médicales n'ont été faites que le lendemain.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2021, Mme F..., représentée par Me Moreau, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., adjointe administrative de 2ème classe, affectée à la délégation générale de l'armement du ministère de la défense, déclare avoir été victime d'un accident de trajet le 12 octobre 2017. Par courrier du 17 octobre 2017, elle a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article 34 2° 2ème alinéa de la loi du 11 janvier 1984 ainsi que le remboursement des frais médicaux avancés. Le 13 septembre 2018, la commission de réforme a émis un avis défavorable à l'imputabilité au service de cet accident. Par décision du 25 février 2019, la ministre des armées a rejeté la demande de la requérante. La ministre des armées relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi à cette fin par Mme F..., a annulé cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / A des congés de maladie (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / III.-Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l'enquête permet à l'autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l'accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l'accident du service (...). "


3. Pour rejeter la demande de Mme F..., la ministre des armées a relevé qu'elle ne produisait pas de confirmation de l'accident par un témoin. Si l'intéressée produit une attestation de sa collègue, Mme B..., certifiant qu'elle a quitté le bureau le 12 octobre 2017 à 16h55 en marchant normalement et qu'elle l'a appelée quelques minutes après pour l'informer qu'elle s'était tordu la cheville en sortant du site de Balard, une attestation de Mme E... selon laquelle elle l'a vue arriver à 17h50 à l'arrêt de bus en boitant et un certificat de son mari constatant la même situation à son retour au domicile le soir, ces seuls éléments, en l'absence de témoins directs, et en dépit de ses vaines demandes de témoignages des gendarmes en faction et des images de vidéosurveillance, ne sont pas de nature à établir que l'entorse dont elle a été victime et qui a été constatée par un médecin le lendemain, serait constitutive d'un accident de trajet.


4. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 25 février 2019.


5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 24 juin 2021 et de rejeter la demande de Mme F... devant le tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
6. La ministre des armées n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Mme F... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées.

D E C I D E :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 juin 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme D... F....

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

Le rapporteur,
J.-F. C...
La présidente,
M. A...La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21PA04804