CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 03/10/2023, 21BX03175, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 octobre 2023
Num21BX03175
JuridictionBordeaux
Formation6ème chambre
PresidentMme MARKARIAN
RapporteurMme Caroline GAILLARD
CommissaireM. DUPLAN
AvocatsMOURA

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2019 par lequel le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine l'a placée en congé de maladie ordinaire non imputable au service à demi-traitement pour la période du 1er janvier 2019 au 28 février 2019 et d'enjoindre à cette même autorité de la placer en congé de maladie ordinaire imputable au service à plein traitement.

Par une seconde requête, Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a, d'une part, décidé que les frais médicaux et les arrêts de travail relatifs à l'accident de service dont elle a été victime le 9 février 2017 seront pris en charge par la Région au titre de la garantie accident du travail pour la période du 9 février 2017 au 30 mars 2018 avec prolongation d'une telle prise en charge pour les arrêts de travail jusqu'au 30 septembre 2018, d'autre part, fixé au 30 mars 2018 la date de consolidation de son état de santé suite à cet accident de service, enfin, décidé que les frais médicaux seront à la charge de l'intéressée à compter du 31 mars 2018 et que les arrêts de travail seront pris en compte au titre de congé de maladie ordinaire non imputables au service à compter du 1er octobre 2018 et d'enjoindre à cette même autorité de reconnaître l'imputabilité au service des séquelles dont elle souffre postérieurement à son accident de service et de prendre en charge ses arrêts de travail à compter du 1er octobre 2018.

Par un jugement n° 1901140-1901141 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Pau, après avoir joint les deux requêtes, a annulé l'arrêté du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine du 28 janvier 2019, en tant qu'il fixe la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... à la date du 30 mars 2018, décide que les soins prescrits à compter du 31 mars 2018 seront pris en charge par l'intéressée et que les arrêts de travail de cette dernière prescrits à compter du 30 septembre 2018 seront pris au titre de congés de maladie ordinaire non imputable au service, a enjoint au président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine de prendre une nouvelle décision, après un nouvel examen de la situation de Mme F..., et a rejeté le surplus des demandes.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2021, Mme F..., représentée par Me Moura, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 18 mai 2021 précité ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2019 par lequel le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine l'a placée en congé de maladie ordinaire non imputable au service à demi-traitement pour la période du 1er janvier 2019 au 28 février 2019 ainsi que l'arrêté du 28 janvier 2019 du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine précité ;

3°) d'enjoindre à cette même autorité de reconnaître l'imputabilité au service de ses séquelles et de la placer en congé de maladie ordinaire imputable au service à plein traitement.

4°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.

Elle soutient que :
- l'arrêté du 16 janvier 2019 contesté est entaché d'incompétence ;
- l'arrêté du 28 janvier 2019 indiquant notamment " qu'il fait siennes les conclusions du docteur A... et en conclusions " que la commission fixe un taux d'incapacité permanent partielle de 12% dont 5% en lien avec l'état antérieur " est entaché d'un raisonnement contradictoire et est donc insuffisamment motivé ; il en va de même de l'arrêté du 16 janvier 2019 ;
- le président du conseil régional de Nouvelle Aquitaine a méconnu les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 a commis une erreur d'appréciation.


Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2021, la région Nouvelle-Aquitaine, représentée par la société Centaure Avocats, agissant par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet aux observations qu'elle a présentées devant le tribunal administratif.

Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2023.


Par un courrier du 6 septembre 2023, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme F... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019 du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, à défaut d'intérêt pour agir de l'intéressée.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :


1. Mme C... F..., adjointe technique territoriale des établissements d'enseignement de la région Nouvelle-Aquitaine, qui exerce ses fonctions au lycée André Campa à Jurançon dans le département des Pyrénées-Atlantiques, a été victime d'un accident de trajet, le 9 février 2017, entre son domicile et son lieu de travail. Par arrêté du 16 mars 2017, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a reconnu l'imputabilité au service de cet accident. Après une expertise médicale, la commission départementale de réforme a émis le 13 décembre 2018 un avis défavorable à l'imputabilité des prolongations d'arrêts de travail et de soins présentés à compter du 31 mars 2018. Par arrêté du 16 janvier 2019, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement pour la période du 1er janvier au 28 février 2019. Par arrêté du 28 janvier 2019, cette même autorité a, d'une part, décidé que les frais médicaux et les arrêts de travail relatifs à l'accident de service dont elle a été victime seraient pris en charge par la Région au titre de la garantie accident du travail pour la période du 9 février 2017 au 30 mars 2018 avec prolongation d'une telle prise en charge pour les arrêts de travail jusqu'au 30 septembre 2018, d'autre part, fixé au 30 mars 2018 la date de consolidation de son état de santé, décidé que les frais médicaux seraient à la charge de l'intéressée à compter du 31 mars 2018, et que les arrêts de travail seraient pris en compte au titre des congés de maladie ordinaire non imputable au service à compter du 1er octobre 2018. Mme F... a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation des arrêtés des 16 janvier et 28 janvier 2019 précités.


2. Par un jugement du 18 mai 2021, le Tribunal a annulé l'arrêté du 28 janvier 2019 précité, en tant qu'il fixe la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... au 30 mars 2018, décide que les soins prescrits à compter du 31 mars 2018 seront pris en charge par l'intéressée et que les arrêts de travail de cette dernière prescrits à compter du 30 septembre 2018 seront pris au titre de congés de maladie ordinaire non imputable au service, a enjoint au président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine de prendre une nouvelle décision, après un nouvel examen de la situation de Mme F... et a rejeté le surplus de ses demandes. Mme F... relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation.


Sur le bien-fondé du jugement :


En ce qui concerne l'arrêté du 28 janvier 2019 :


3. Le tribunal administratif de Pau ayant fait droit aux conclusions de la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2019, ses conclusions d'appel tendant à nouveau à l'annulation de cet arrêté sont, à défaut d'intérêt pour agir de l'intéressée, irrecevables.


En ce qui concerne l'arrêté du 16 janvier 2019 :

4. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige la requérante ne se prévaut devant la Cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation présentée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.


5. En deuxième lieu, si Mme F... a entendu invoquer le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 16 janvier 2019, en se bornant à critiquer en appel, la motivation contenue dans l'arrêté du 28 janvier 2019 indiquant que " la commission fixe un taux d'incapacité permanent partielle de 12% dont 5% en lien avec l'état antérieur ", elle ne critique pas utilement la réponse retenue par le tribunal sur ce point. Il ne ressort par ailleurs pas des termes de l'arrêté du 16 janvier 2019 litigieux, qui place Mme F... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement pour la période du 1er janvier au 28 février 2019, qu'il contiendrait des mentions contradictoires. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.



6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ".


7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.


8. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issu de l'ordonnance du 19 juillet 2017, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".


9. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont en conséquence entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, la situation de l'intéressée n'entrant pas dans le champ d'application des dispositions transitoires prévues à l'article 15 de ce décret.


9. Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 57 précité et le droit de conserver l'intégralité du traitement est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.


10. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'avant son accident de trajet du 9 février 2017 reconnu comme imputable au service, Mme F... a subi une opération du rachis cervical par une arthrodèse au niveau des cervicales C5-C6 et qu'en mars 2017 il a été établi au vu de plusieurs examens, l'existence d'une capsulite des deux épaules résultant d'un état antérieur à cet accident. D'autre part, les rapports concordants du docteur G..., des 16 mai 2017 et 30 mars 2018, du docteur B..., neuro-chirurgien, du 27 mai 2017, et du docteur A..., du 26 octobre 2018, ont établi le constat d'une amplification liée à son accident de douleurs polyarticulaires arthrosiques anciennes et de séquelles indissociables de l'état médical antérieur de l'intéressée. Enfin, dans son avis du 13 décembre 2018, la commission de réforme a également estimé qu'à la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... le 30 mars 2019, les arrêts de travail et les soins nécessaires aux troubles persistants ne relevaient plus que de son état de santé antérieur et ne présentaient ainsi plus de " lien direct, déterminant et certain " avec l'accident de service.


11. Si Mme F... fait valoir notamment que ses douleurs persistantes au niveau des épaules et du rachis cervical sont la résultante directe de l'accident du travail dont elle a été victime le 9 février 2017 en s'appuyant sur le rapport établi le 27 avril 2019 par le docteur E... qui indique : " séquelles d'un accident de trajet du 9 février 2017 raideur modérée de l'épaule gauche, taux d'IPP 7% (imputable au service, dolorisation d'un état antérieur)", le caractère peu précis et circonstancié de cette pièce au regard des douleurs actuelles de la requérante en rapport avec l'accident de service n'est pas de nature à contredire utilement les appréciations concordantes des médecins rappelées au point précédent. Dans ces conditions, les troubles persistants dont la requérante souffre, bien que présentant la même symptomatologie que ceux ayant été amplifiés par l'accident, ne peuvent être regardés comme présentant un lien direct avec cet accident. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doit être écarté.


12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que Mme F... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2019.


13. Les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme F... étant rejetées il y a également lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction.


DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... et à la région Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.

La rapporteure,
Caroline D...
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX03175 2