CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 24/10/2023, 22TL00461, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 de la rectrice de l'académie de Montpellier le plaçant à la retraite d'office pour invalidité non imputable au service, et l'arrêté daté du 4 novembre 2018 de la même rectrice qui le place en disponibilité d'office, d'enjoindre à l'Etat de rétablir son salaire, de reconstituer sa carrière avec validation des trimestres pour la retraite, et de reconnaître que son état est imputable au service, de condamner l'Etat à réparer ses préjudices, à titre subsidiaire, d'ordonner une enquête sur le caractère professionnel de sa maladie et une expertise sur son inaptitude ainsi que de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2001701 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2022, sous le n°22MA00461 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL00461, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 9 mai 2023 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par la SELARL Trilles-Font agissant par Me Font, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
A titre principal :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 décembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 de la rectrice de l'académie de Montpellier portant placement en retraite d'office pour invalidité à compter du 4 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réviser sa situation administrative et de diligenter une enquête administrative sur les circonstances de l'accident du 2 septembre 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
A titre subsidiaire et avant dire-droit :
- d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer s'il demeure dans l'incapacité permanente de reprendre ses fonctions.
Il soutient que :
- l'arrêté du 20 décembre 2019, qui se fonde sur l'avis rendu par la commission de réforme, le 25 juin 2019, lui-même fondé sur l'avis du comité médical du 5 décembre 2018 reposant sur les conclusions du docteur C..., est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; son incapacité permanente n'a pu être sérieusement constatée médicalement ; les conclusions de l'expert C... sont contestables, eu égard aux conditions délétères dans lesquelles se sont déroulés les différents entretiens médicaux avec cet expert, plus particulièrement celui du 18 juillet 2017 ; au cours de ce dernier, le docteur C... ayant formulé à son encontre de réels reproches, ce qui ne relevait pas de sa mission, il a mis fin à l'entretien, ce qui a biaisé leur relation et a conduit à entacher de subjectivité les conclusions faisant suite à l'entretien médical du 7 novembre 2018 ; ces dernières sont contredites par les certificats médicaux qu'il a produits ; la commission de réforme a émis, le 19 mars 2019, un avis d'ajournement, estimant une nouvelle expertise nécessaire, ce qui démontre que les conclusions du docteur C... ne peuvent être retenues en l'état et sans nouvel avis médical ; le médecin conseiller technique auprès de la rectrice a reconnu l'absence d'élément exploitable dans son dossier médical mais donne aveuglément un avis conforme à celui du médecin agréé, ce qui n'est pas sérieux ; cette attitude a également été celle de la commission de réforme, qui a repris aveuglément l'avis du comité médical du 5 décembre 2018 ;
- le jugement attaqué, qui écarte à tort toute erreur d'appréciation de l'administration, sera infirmé ; il a écarté à tort les certificats médicaux qui remettent en cause l'inaptitude déclarée par le seul docteur C... ; il retient également à tort qu'aucune pièce du dossier n'infirmait l'expertise alors que cette dernière est infirmée par les certificats médicaux ainsi que par l'avis de la commission de réforme du 19 mars 2019 ordonnant une nouvelle expertise ;
- à titre subsidiaire et avant-dire droit, une nouvelle expertise médicale devra être ordonnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2023, la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 avril 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 10 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Font, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., professeur agrégé en génie mécanique, affecté en zone de remplacement de ... (Hérault), avec un rattachement administratif depuis le 1er septembre 2007 au lycée ..., a été placé en congé de maladie du 4 septembre au 20 octobre 2013, puis en congé de longue maladie du 4 novembre 2013 au 3 novembre 2014, et en congé de longue durée du 4 novembre 2014 jusqu'au 3 novembre 2018. Par une décision du 23 avril 2018, la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... Ce dernier a formé un recours gracieux le 30 avril 2018, qui a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 26 juin 2018. Par un arrêté du 4 novembre 2018, la rectrice a placé l'intéressé en disponibilité d'office du 4 novembre 2018 au 3 mai 2019. Par un premier arrêté du 20 décembre 2019, M. B... a été maintenu en disponibilité d'office du 4 mai au 3 novembre 2019 et par un second arrêté du même jour, il a été admis à la retraite d'office pour invalidité à compter du 4 novembre 2019, au motif de son incapacité définitive et absolue à exercer ses fonctions. M. B... a alors notamment demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 de la rectrice de l'académie de Montpellier le plaçant à la retraite d'office pour invalidité. Par un jugement du 3 décembre 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application du 2° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application des 3° et 4° du même article 34.(...). ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté prononçant l'admission en retraite d'office de M. B... a été pris en considération de l'avis de la commission de réforme qui a, dans sa séance du 25 juin 2019, estimé l'agent " inapte de façon absolue et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions ". Cet avis fait référence à l'avis favorable du comité médical de l'Hérault qui avait déjà, dans sa séance du 5 décembre 2018, estimé l'intéressé " inapte à ses fonctions et à toute fonction de façon absolue et définitive ". Il ressort également des pièces du dossier que ces avis sont fondés sur le rapport établi le 19 novembre 2018 par le docteur C..., médecin psychiatre agréé, faisant suite à un examen du 7 novembre 2018. L'expert a conclu, dans un rapport suffisamment étayé, que l'état psychique de M. B... entraînait une inaptitude absolue et définitive à l'exercice de toute fonction. Si M. B... invoque la circonstance qu'il a interrompu et quitté un précédent examen médical en date du 18 juillet 2017 conduit par le même médecin expert, alors appelé à donner un avis sur l'imputabilité au service de la maladie de l'agent, en raison de l'attitude de cet expert et des reproches qu'il lui aurait adressés, il n'établit pas que cette circonstance aurait eu une incidence sur l'expertise ultérieurement effectuée en novembre 2018 ou encore que l'expert aurait, du fait de l'incident du 18 juillet 2017, manqué d'impartialité et d'objectivité dans les conclusions qu'il a alors rendues. Les certificats médicaux en date des 16 et 19 avril 2019 versés au dossier par M. B..., l'un établi par sa psychiatre qui le regarde comme apte à une activité à temps partiel et l'autre par son médecin généraliste qui se borne à indiquer qu'il ne présente pas de contre-indication à l'emploi en général sont peu circonstanciés et ne permettent ainsi pas d'infirmer les conclusions du médecin agréé. Si M. B... soutient également que la commission de réforme a demandé, le 19 mars 2019, une nouvelle expertise, il ressort des pièces du dossier que cette expertise était destinée à vérifier l'imputabilité au service de la pathologie de l'agent et non son aptitude à l'exercice de toute fonction. Dès lors, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder comme insuffisantes les conclusions du rapport d'expertise du docteur C... sur l'inaptitude de l'agent. Il en est de même de la lettre du 1er avril 2019 du médecin conseiller technique informant la rectrice qu'elle ne pouvait rédiger de rapport circonstancié relatif à la demande de M. B... tendant à la reconnaissance d'une maladie professionnelle et qui s'est par ailleurs, au demeurant, rallié aux conclusions de l'expert sur l'inaptitude de l'agent. Par suite, en admettant M. B... à la retraite d'office en raison de son incapacité définitive et absolue à exercer ses fonctions, la rectrice de l'académie de Montpellier n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ni commis d'erreur d'appréciation.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale sollicitée à titre subsidiaire, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL00461