CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX02568, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 novembre 2023
Num21BX02568
JuridictionBordeaux
Formation2ème chambre
PresidentMme GIRAULT
RapporteurM. Olivier COTTE
CommissaireMme ISOARD
AvocatsRAKOTONIRINA

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler la décision du 26 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1901573 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2021 et 21 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Rakotonirina, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 14 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision ministérielle du 26 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension militaire d'invalidité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt.

Il soutient que :
- la pathologie lombaire étant apparue après une chute le 2 février 2011 alors qu'il était en service sur un porte-avion, ainsi que cela ressort du recueil chronologique, il doit bénéficier de la présomption énoncée à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; l'infirmité qui en résulte, ainsi que l'état dépressif qui s'en est suivi, persistent ;
- l'administration n'apporte aucun élément de nature à démontrer une autre origine à la dépression et aux douleurs lombaires qui ont entraîné son inaptitude au service ; le ministre ne produit pas davantage le livret médical dans son intégralité ;
- le taux d'invalidité qui lui a été reconnu est de 15 %, soit un taux supérieur à celui exigé pour ouvrir un droit à pension.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 novembre 2022 et 3 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- M. A... ne peut bénéficier de la présomption de l'article L. 3 du code, dès lors que la constatation de son infirmité n'a pas été réalisée au cours de son service militaire ou d'une expédition déclarée campagne de guerre ; il doit apporter la preuve que cette infirmité résulte d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine des affections, qui ne peut pas résulter de la seule circonstance que cette infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité, ni des conditions générales de service ; aucun document médico-administratif ne vient corroborer ses déclarations selon lesquelles il aurait été victime d'une chute dans les cuisines du porte-avion pendant la période du 30 septembre 2010 au 18 février 2011, et notamment pas le 2 février 2011, d'autant que l'intéressé souffrait déjà de problèmes lombaires avant les faits litigieux ; le syndrome anxio-dépressif, dû à la perte d'un métier qu'il appréciait et à des problèmes familiaux, est une maladie sans lien avec le service ; aucune des deux expertises médicales n'est de nature à établir un lien entre la pathologie lombaire et l'état dépressif d'une part, et un fait précis ou des circonstances particulières de service d'autre part ;
- la copie du livret médical, qui est produit en entier, confirme l'absence de chute le 2 février 2011, des problèmes de dos dès décembre 2010, sans mention d'un traumatisme et une chute le 14 février 2011 hors service ;
- ce n'est pas à l'administration d'apporter la preuve d'une cause étrangère.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :

1. M. A..., quartier-maître de deuxième classe, est entré dans la marine nationale le 23 avril 2007. Il a été radié des contrôles par décision du 14 août 2012 avec effet le 12 septembre 2012, après que la commission de réforme a constaté son inaptitude physique à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade. Le 3 avril 2014, M. A... a sollicité une pension militaire d'invalidité en soutenant que les douleurs au dos et le syndrome anxiodépressif qui ont entraîné son inaptitude physique étaient consécutifs à une chute sur le porte-avion " Charles de Gaulle ", survenue durant son service, entre le 30 septembre 2010 et le 18 février 2011. Par une décision du 26 mars 2019, le ministre des armées a rejeté sa demande. Saisi par M. A..., le tribunal régional des pensions militaires de Saint-Denis a transmis la demande, en application du décret du 28 décembre 2018, au tribunal administratif de la Réunion qui, par un jugement du 14 avril 2021 dont l'intéressé relève appel, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 mars 2019.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code, alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4 du même code, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. (...) ".
4. En premier lieu, si M. A... soutient que sa lombalgie chronique est due à une chute qui serait survenue le 2 février 2011 durant son service, il résulte de l'instruction, et notamment du recueil chronologique du livret médical, qu'aucun évènement n'a été signalé ce jour-là, que l'intéressé a bien déclaré des douleurs lombaires aigües le 12 février 2011 au réveil, mais sans mentionner de traumatisme à l'origine de celles-ci, qu'il avait auparavant déjà consulté le médecin pour ce motif en décembre 2010 et que la mention d'un lumbago, constaté le 11 avril 2011 et qui aurait été occasionné par une chute sur les fesses huit semaines auparavant, est assortie de la précision " hors service ". Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément, M. A..., qui ne peut se prévaloir de la présomption légale instaurée par l'article L. 3 précité faute de remplir la condition selon laquelle la constatation de la blessure ait eu lieu durant la guerre 1939-1945, une campagne de guerre ou le service militaire, n'établit pas que ses douleurs résulteraient d'une blessure consécutive à un fait précis de service et devraient par suite lui ouvrir un droit à pension. Au surplus, le médecin rhumatologue qui l'a examiné, le 30 janvier 2018, a constaté, au vu notamment d'un examen d'imagerie (IRM), l'absence de séquelle radio-clinique objective.
5. En second lieu, il résulte des mentions du recueil chronologique du livret médical que les premiers signes liés au syndrome anxio-dépressif sont relevés en avril 2011 et reliés à la situation familiale de M. A... et à la garde de son fils, et non à ses douleurs lombaires. L'expertise menée le 31 janvier 2018 par le médecin psychiatre près la commission de réforme a rattaché cette souffrance psychologique, d'une part, à la perte d'un métier qui lui plaisait et, d'autre part, à la perte de sa place d'époux et à la dislocation de la cellule familiale, et a conclu que cet état dépressif modéré prolongé sans caractère post-traumatique était sans lien avec le service. Dans ces conditions, faute d'apporter d'éléments permettant de remettre en cause cette appréciation, M. A... n'établit pas que cette infirmité psychiatrique serait imputable au service. Au surplus, le taux de 15 % n'ouvrirait pas un droit à pension pour cette maladie.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande d'annulation de la décision ministérielle du 26 mars 2019.





DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX02568