CAA de NANCY, 4ème chambre, 28/11/2023, 20NC02859, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé, par une demande enregistrée le 5 juin 2018, au greffe du tribunal des pensions militaires d'invalidité du ressort de la cour d'appel de Besançon, d'annuler la décision du 13 février 2018 par laquelle la ministre des armées a supprimé sa pension militaire d'invalidité temporaire et a refusé de lui accorder une pension définitive et d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire définitive avec un taux d'invalidité de 12 %.
En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Besançon la demande de Mme B....
Par un jugement n° 1901784 du 6 août 2020 le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2020, Mme B..., représentée par la Selarl MDMH, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 août 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 13 février 2018 par laquelle la ministre des armées a supprimé sa pension militaire d'invalidité temporaire et a refusé de lui accorder une pension définitive ;
3°) de fixer sa pension militaire d'invalidité à un taux de 10 % et d'enjoindre à l'administration, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, à liquider cette pension et de la rétablir dans l'ensemble de ses droits et avantages ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en estimant que son invalidité entraînée par la blessure dont elle a été victime le 15 juin 2003 était devenue inférieure au taux minimum indemnisable de 10 %, la ministre des armées a commis une erreur d'appréciation :
. les douleurs continuelles ressenties doivent être prises en compte dans l'évaluation de la gêne fonctionnelle engendrée par son infirmité ;
. en écartant le " tableau douloureux de l'affection " en cause, les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ; elle subit au quotidien, plus de 17 ans après les faits, une douleur chronique ;
- elle est fondée à solliciter un taux d'invalidité à hauteur de 10 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme B....
Elle fait valoir que :
- seule la gêne fonctionnelle peut être prise en compte dans l'évaluation de l'invalidité ; les douleurs ne constituent pas en elles-mêmes un critère objectif de cette gêne ;
- conformément aux dispositions de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la gêne fonctionnelle constatée dans l'expertise médicale en date du 5 décembre 2017 a diminué, par rapport à celle constatée par l'expertise médicale du 15 juin 2015.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 15 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 11 novembre 1979, s'est engagée dans l'armée de terre en 2001 et a été rayée des cadres le 8 mars 2013 avec le grade de capitaine. Le 15 juin 2003, alors qu'elle était en mission au Kosovo, elle a été victime de violences de la part d'un militaire engagé qui l'a blessée, par un coup de pied direct, au niveau de l'épaule et de l'hémiface gauches. En raison de cette blessure, une pension militaire d'invalidité temporaire, avec un taux de 10 %, lui a été concédée, le 16 août 2016, pour la période allant du 14 novembre 2014 au 13 novembre 2017. Le 19 mars 2017, l'intéressée a demandé une pension définitive sur le fondement de l'article R. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une décision du 13 février 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Mme B... a contesté cette décision et par un jugement du 14 mai 2019, le tribunal des pensions militaires du ressort de la cour d'appel de Besançon a ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale, laquelle a été rendue le 9 septembre 2019. Mme B... relève appel du jugement du 6 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité définitive.
2. Aux termes de l'article 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction applicable au litige et désormais codifié à l'article L. 121-1 : " Ouvrent droit à pension :1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;(...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code, dans sa version applicable au litige, désormais codifié à l'article L. 121-5 : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension :1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Aux termes de l'art L. 26 du même code, désormais codifié à l'art L. 151-6 : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ".
3. Il résulte notamment de ces dispositions qu'une infirmité ouvre droit au versement d'une pension d'invalidité, sous réserve que les conditions d'imputabilité au service prévues par le code soient remplies, dès lors qu'elle entraîne une invalidité égale ou supérieure à 10 %.
4. Par ailleurs, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille.
5. En l'espèce, Mme B... a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité temporaire, au taux de 10 %, pour " Séquelles de contusion de l'épaule gauche chez une droitière. Deux arthroscopies : arthroplastie sous-acromiale avec synovectomie sous-acromiale, ostéomie de Neer et libération du ligament coraco-acromial. Raideur articulaire portant principalement sur l'abduction et la propulsion " du 14 novembre 2014 au 13 novembre 2017. Consécutivement à une demande de renouvellement de sa pension, la ministre des armées a, par décision du 13 février 2018, informé Mme B... de ce que l'infirmité initialement pensionnée n'ouvrait plus droit à pension à compter du 17 novembre 2007, son degré d'invalidité étant devenu inférieur au taux minimum indemnisable de 10 %.
6. Il résulte de l'instruction et notamment des pièces médicales produites qu'à l'occasion de son expertise " en renouvellement ", réalisée le 5 décembre 2017, le médecin généraliste, expert agrée auprès de la sous-direction des pensions, a constaté une amélioration de l'état de santé de Mme B... par rapport à l'examen clinique réalisé par ses soins le 17 juin 2015, en relevant, notamment, un gain de 20° de la mobilité de l'épaule gauche à l'antépulsion et à l'abduction soit un passage de 130° à 150° d'amplitude. Il a tenu également tenu compte des douleurs résiduelles lors de certains mouvements et a ainsi fixé un taux d'invalidité à 8 %. Par ailleurs, si l'expert judiciaire, intervenu à la suite de l'expertise médicale ordonnée par le tribunal des pensions militaires de Besançon, a conclu dans son rapport du 9 septembre 2019 à la stabilisation de l'état de santé de la requérante et a fixé son taux d'invalidité à 10 %, il résulte de l'instruction que pour maintenir ce taux à 10 %, le médecin a tenu compte des soins liés au suivi psychiatrique de la requérante alors que la pathologie " stress post-traumatique " est sans lien avec l'infirmité pour laquelle une pension militaire d'invalidité définitive a été sollicitée. Enfin, la requérante ne peut utilement se prévaloir d'une nouvelle expertise du 15 mars 2018, de son examen médical du 14 novembre 2019 ainsi que d'une lettre d'un chirurgien du 2 avril 2020, ces éléments étant postérieurs au dépôt de sa demande de renouvellement de pension militaire d'invalidité du 19 mars 2017, date à laquelle le degré d'infirmité est déterminé sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date.
7. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le taux d'incapacité résultant de son accident de service du 15 juin 2003 soit égal ou supérieur à 10 %, condition nécessaire à son droit à la concession d'une pension militaire d'invalidité pour son infirmité à son épaule gauche. C'est par suite sans erreur d'appréciation que la ministre a pu opposer un refus à sa demande de pension pour ce motif.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 février 2018 de la ministre des armées lui refusant une pension militaire d'invalidité.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de Mme B... demande sur le fondement de ces dispositions combinées à celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC02859