CAA de PARIS, 6ème chambre, 05/12/2023, 22PA03580, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de la décision du maire de l'Haÿ-les-Roses du 6 décembre 2017 rejetant sa demande indemnitaire préalable, et à la condamnation de la commune l'Haÿ-les-Roses à lui verser la somme de 150 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement avant dire droit n° 1800955 du 25 juin 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de la demande de Mme D... à fin d'annulation de la décision du maire de l'Haÿ-les-Roses, et celles tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune. En outre, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme D..., le tribunal a ordonné une expertise en vue d'apprécier l'état de santé de Mme D... avant et après les accidents de service survenus les 8 février et 19 juillet 2011, de fixer la date de consolidation de son état de santé ou, si ce dernier n'est pas encore consolidé, d'indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et d'évaluer les préjudices qui peuvent l'être en l'état, d'évaluer les préjudices extrapatrimoniaux de Mme D... en distinguant les préjudices temporaires et permanents, et de fournir, plus généralement, tous éléments susceptibles d'éclairer le juge du fond saisi du litige.
Le rapport de l'expert, le docteur A... C..., médecin psychiatre, désigné par une ordonnance du président du tribunal du 7 octobre 2020, a été enregistré au greffe du Tribunal administratif de Melun le 13 octobre 2021.
Par un jugement n°1800955 du 2 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de L'Haÿ-les-Roses à verser à Mme D... une indemnité d'un montant total de 19 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017, les intérêts échus à la date du 7 novembre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, a mis les frais d'expertise, à hauteur de 4 673,76 euros toutes taxes comprises, à la charge de la commune de L'Haÿ-les-Roses, de même qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2023, Mme D..., représentée par Me Boukheloua, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du Tribunal administratif de Melun qui a pour partie rejeté les conclusions de sa demande ;
2°) de majorer la condamnation de la commune de L'Haÿ-les-Roses d'une somme de 35 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la demande indemnitaire préalable, avec capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de L'Haÿ-les-Roses la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, car il n'a pas statué sur l'ensemble de ses conclusions et de ses moyens, d'autre part, car il a "minimisé" son préjudice moral, enfin parce qu'il est insuffisamment motivé ;
- son affectation au cimetière communal, eu égard à son état psychologique, a généré un important préjudice moral qui doit être réparé à hauteur de la somme de 35 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2023, la commune de L'Haÿ-les-Roses, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès ;
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Potterie pour la commune de l'Haÿ-les-Roses.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., adjointe administrative de 1ère classe titulaire, a été recrutée par la commune de l'Haÿ-les-Roses à compter du 25 août 2000 et titularisée le 17 septembre 2001. A la suite de son placement en congé de longue maladie de 2007 à 2011, elle a été affectée en qualité de secrétaire administrative au service " parcs et jardins " et a alerté, dès le 3 février 2011, sur les risques encourus pour sa santé dans ce service en raison de son état asthmatique. Le 8 février suivant, elle a été victime d'une crise d'asthme, qui a fait l'objet d'une déclaration d'accident de service, et a été reconnue imputable au service le 24 juin 2013. Par la suite, Mme D... a été affectée en tant que secrétaire administrative au cimetière communal à compter de sa reprise de fonctions, le 27 juin 2011, et y a, le 19 juillet 2011, attenté à ses jours. Cet accident a également été reconnu imputable au service par la commune de l'Haÿ-les-Roses, le 10 juillet 2013. Le 3 novembre 2017, Mme D... a formulé une demande indemnitaire préalable auprès du maire de l'Haÿ-les-Roses afin d'obtenir réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estimait avoir subis, ce qui lui a été refusé le 6 décembre 2017.
2. Par jugement avant dire droit du 25 juin 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de la demande de Mme D..., à fin d'annulation de la décision du maire du 6 décembre 2017 et celles tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune. En outre, il a, d'une part, reconnu la responsabilité sans faute de la collectivité au titre des deux accidents de service qu'a subis Mme D... les 8 février et 19 juillet 2011 et, d'autre part, ordonné, avant de se prononcer sur les conclusions indemnitaires de Mme D..., une expertise en vue de déterminer l'état de santé de Mme D... avant et après les accidents de services survenus les 8 février et 19 juillet 2011, de fixer la date de consolidation de son état de santé ou, si ce dernier n'est pas encore consolidé, d'indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et d'évaluer les préjudices qui peuvent l'être en l'état, d'évaluer les préjudices extrapatrimoniaux de l'intéressée en distinguant les préjudices temporaires et permanents et de fournir, plus généralement, tous éléments susceptibles d'éclairer le juge du fond saisi du litige. L'intéressée a été examinée le 6 mai 2021 par le docteur A... C..., médecin psychiatre expert, désigné le 7 octobre 2020, qui a déposé son rapport le 13 octobre 2021.
3. Par un jugement du 2 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de L'Haÿ-les-Roses à verser à Mme D... une indemnité d'un montant total de 19 000 euros, assortie des intérêts capitalisés. Mme D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a pour partie rejeté les conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont statué sur l'ensemble de ses conclusions et ont répondu, avec une motivation suffisante, à l'ensemble de ses moyens, en particulier au point 13 du jugement attaqué à ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral résultant de son affectation au cimetière communal. Le bien-fondé de ce jugement est sans incidence sur sa régularité. Les moyens tirés de l'irrégularité de ce jugement doivent donc être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
6. A le supposer établi, le préjudice moral allégué par Mme D..., résulte, non des accidents de service mentionnés ci-dessus, mais de son affectation au cimetière communal. Ainsi que le tribunal administratif l'a jugé à juste titre, il ne présente pas de lien direct avec ces accidents de service. Les conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice doivent donc être rejetées.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a pour partie rejeté les conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
8. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la commune de L'Haÿ-les-Roses.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de L'Haÿ-les-Roses au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de L'Haÿ-les-Roses.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J-C. NIOLLET
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03580