CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/12/2023, 22MA01484, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le ministre des années a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la révision de la pension qui lui a été concédée pour un syndrome subjectif post-commotionnel et de fixer son taux d'invalidité afférent à 80 %, et, d'autre part, de reconnaître de nouvelles infirmités tenant à une hypoacousie bilatérale et à une baisse bilatérale de l'acuité visuelle, et de fixer ses taux d'invalidité afférents, respectivement à 20 et 45 % et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.
Par un jugement n° 1901505 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2022, M. B..., représenté par Me Eon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 juillet 2021 ;
2°) d'annuler cette décision du ministre des armées du 16 juillet 2018 ;
3°) dire et juger qu'il a droit à pension, à compter du 27 juillet 2016, pour :
. un syndrome subjectif post-commotionnel, au taux de 80 % ;
. une hypoacousie bilatérale, au taux de 20 % ;
. et une baisse bilatérale de l'acuité visuelle, au taux de 45 % ;
4°) subsidiairement, d'ordonner des expertises médicales pour déterminer le taux de la " première infirmité ", au 27 juillet 2016, et le lien médical entre celle-ci et les troubles auditifs et visuels ;
5°) de laisser les dépens à la charge de l'Etat.
Il soutient que :
- l'analyse des premiers juges, qui ont fait une inexacte appréciation des pièces du dossier, apparaît erronée ;
- le ministre des armées a dénaturé les éléments de ce dossier et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia du 13 juillet 2021.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 31 mars 2023, a été reportée au 2 mai 2023, à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 24 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 13 avril 1941, M. B... a été appelé à l'activité militaire légale le 8 mars 1961. Il a servi en Algérie jusqu'au 5 décembre 1962 et a été rayé des contrôles le 9 décembre suivant. Durant cette période, et plus précisément, dans la nuit du 13 septembre 1961, M. B... est tombé de son lit superposable et sa chute lui a causé un traumatisme crânien, sans lésion osseuse mais avec perte de connaissance ainsi qu'une plaie à l'arcade sourcilière gauche. M. B... a été initialement titulaire d'une pension d'invalidité au taux de 55 %, concédée par un arrêté du 25 mai 1999, pour syndrome subjectif post-commotionnel, avec céphalées, vertiges, malaises, insomnies, troubles du caractère, du comportement et de l'humeur, et avec anxiété et crises d'angoisse, ayant pour origine cette chute dont il a été victime le 13 septembre 1961. Mais, eu égard à une aggravation de cette pathologie et en exécution d'un arrêt rendu par la cour régionale des pensions militaires de la Corse le 21 janvier 2008, M. B... s'est vu concéder, par un arrêté du 29 septembre 2008, avec entrée en jouissance à compter du 31 juillet 2002, une pension militaire d'invalidité au taux porté à 70 % pour cette même pathologie. Par un courrier reçu par l'administration le 27 juillet 2016, M. B... a sollicité la révision de cette pension militaire d'invalidité alléguant une nouvelle aggravation de cette pathologie et demandant la reconnaissance de deux autres infirmités : des troubles de la vue et de l'audition. Par une décision du 16 juillet 2018, le ministre des armées a refusé de faire droit à ces demandes. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité pensionnée :
2. Selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Ces dispositions ne sont applicables, d'une part, qu'en cas d'aggravation de l'une des infirmités au titre desquelles la pension a été concédée, d'autre part, que si l'aggravation constatée est elle-même imputable au service.
3. A l'appui de sa demande de révision de sa pension d'invalidité, et s'agissant du syndrome subjectif post-commotionnel, M. B... se prévaut principalement devant la Cour, comme il le faisait au demeurant devant le tribunal administratif de Bastia, du rapport d'expertise établi le 16 juin 2017 par le docteur F... G..., psychiatre, lequel y préconise de porter son taux d'invalidité à 80 %. Il ressort toutefois de la lecture de ce bref rapport que le docteur G... parvient à cette conclusion après une simple description des maux dont souffre M. B... et du traitement qui lui est administré, sans opérer de comparaison avec son état antérieur et le protocole médicamenteux qu'il suivait jusqu'alors. Or, il résulte de l'instruction que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges au point 6 de leur jugement attaqué du 13 juillet 2021, les maux dont souffre l'appelant sont les mêmes que ceux dont il se plaignait précédemment, y compris ses troubles de mémoire qui, contrairement à ce qu'il soutient, étaient déjà relatés dans un rapport d'expertise dressé le 13 avril 2005 et il n'apparaît pas que son traitement médicamenteux psychotropique aurait évolué. Il s'ensuit qu'il n'est pas démontré, à la date de la demande de révision de sa pension présentée par M. B..., une aggravation de son infirmité relative au syndrome subjectif post-commotionnel.
En ce qui concerne les infirmités nouvelles :
4. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur, que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle.
5. Alors que comme l'ont, là encore, relevé à juste titre au point 8 de leur jugement attaqué, les premiers juges, M. B... n'a sollicité, pour la première fois, la prise en compte au titre de ses droits à pension des troubles visuels et auditifs dont il se plaint qu'à l'occasion de sa demande de révision de 2016, et que, ainsi que l'a observé la commission consultative médicale, dans son avis du 14 juin 2018, ces troubles peuvent être liés à son âge, il ne résulte pas de l'instruction et des pièces versées aux débats, y compris des rapports du docteur A... E..., ophtalmologiste, et du docteur C... D..., oto-rhino-laryngologiste, qui ne sont pas suffisamment étayés sur ce point, que ces troubles seraient en relation médicale non seulement directe et certaine mais déterminante avec l'infirmité déjà pensionnée au titre du " syndrome subjectif post-commotionnel ". Dans ces conditions, M. B..., qui n'apporte dès lors pas la preuve du lien de causalité qui lui incombe, n'est pas fondé à soutenir qu'il souffrirait de nouvelles infirmités de nature à lui ouvrir droit à une concession de pension.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
7. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. B... tendant à ce que les entiers dépens soient laissés à la charge de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.
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No 22MA01484