CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 12/03/2024, 22MA00979, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille en application de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, en premier lieu, d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, en deuxième lieu, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer de manière définitive le taux d'invalidité des séquelles de traumatisme lombaire à 15 %, celui des séquelles de traumatisme du genou droit à 10 %, celui des séquelles de traumatisme de la hanche droite à 15 %, et celui des séquelles de traumatisme du rachis cervical à 15 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 16 juin 2016, en troisième lieu et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit et en dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 1911527 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022 et transmise par ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Toulouse du 29 mars 2022, et des mémoires les 10 janvier et 6 février 2023, M. A..., représenté par Me Mattler, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 janvier 2022 ;
2°) d'annuler cette décision de la ministre des armées du 24 juin 2019 ;
3°) de faire droit à sa demande de pension au taux d'invalidité de 15 % pour séquelles de traumatisme lombaire, au taux de 10 % pour séquelles de traumatisme du genou droit, au taux de 15 % pour séquelles de traumatisme de la hanche droite et au taux de 15 % pour séquelles de traumatisme du rachis cervical ;
4°) de le renvoyer devant l'administration compétente aux fins de mise en œuvre des dispositions applicables en matière de pensions militaires d'invalidité et de régularisation financière afférente ;
5°) subsidiairement, d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale, confiée à un expert en orthopédie - traumatologie, aux fins, notamment, de proposer un libellé pour les quatre infirmités en cause, de chiffrer avec précision, pour chacune des quatre infirmités, le taux d'invalidité imputable au service, à la date de la demande du 16 juin 2016 enregistrée le 28 octobre 2016 pour les séquelles résultant des quatre premiers accidents, à la date de la demande du 12 janvier 2018 enregistrée le 5 février 2018 pour les séquelles résultant du cinquième accident, de donner son avis sur la nature des infirmités et sur leur imputabilité au service ;
6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'agissant de la première infirmité :
* celle-ci constitue non pas des " lombalgies chroniques " mais des " séquelles de traumatisme lombaire ", et non pas une maladie, mais une blessure ainsi que l'a jugé le tribunal ;
* les avis de la commission consultative médicale et du médecin chargé des pensions sont inopposables et doivent être annulés, d'une part, faute pour le ministre de démontrer l'identité des membres de la commission qui y ont siégé, leur qualité, la régularité de leur désignation, faute pour la commission, qui n'est pas indépendante et qui a proposé un abaissement du taux, d'avoir procédé à un nouvel examen du militaire, en méconnaissance d'une instruction du 22 novembre 1924, et d'autre part, en raison de l'absence de visa de l'avis de ce médecin par la décision en litige, d'examen du militaire par ce médecin qui n'est pas indépendant et d'information préalable de l'intervention d'un tel avis ;
* le tribunal a soulevé le moyen de l'abrogation de cette instruction dont il n'a eu connaissance qu'à l'audience ;
* le taux d'invalidité à retenir, tenant compte de l'accident de service du 18 novembre 2016, doit être de 15 % et de non 10 % ;
* cette infirmité est imputable au service, en l'absence de tout état antérieur auquel elle serait liée ;
- s'agissant de la deuxième infirmité :
* ces séquelles au genou droit, qui traduisent une gêne fonctionnelle, sont imputables au service et doivent être indemnisées suivant un taux d'invalidité de 10 %, même dans le silence du guide-barème ;
- s'agissant de la troisième infirmité :
* pour les motifs précédemment évoqués, les avis de la commission consultative médicale et du médecin chargé des pensions ne sont pas opposables, non plus que celui de la commission de réforme ;
* ces séquelles de traumatisme de la hanche droite, imputables au service, justifient l'attribution d'un taux d'invalidité de 15 % ;
- s'agissant de la dernière infirmité :
* les troubles du rachis correspondants, dus au premier et au quatrième accidents et imputables au service, justifient également l'attribution d'un taux d'invalidité de 15 %, et non de 10 %, l'expertise médicale réalisée par l'administration ne respectant les préconisations de l'instruction du 20 juillet 1976 et les avis du médecin en charge des pensions, de la commission consultative médicale et de la commission de réforme ne lui étant pas opposables faute d'être contradictoires.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2022, 31 janvier et 5 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 mai 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mattler, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., caporal-chef de l'armée de terre, radié des contrôles pour réforme définitive à compter du 13 février 2018, a présenté, les 28 octobre 2016 et 5 février 2018, deux demandes de pension militaire d'invalidité, au titre des quatre infirmités dénommées " lombalgies chroniques ", " séquelles du traumatisme du genou droit ", " séquelles de traumatisme de la hanche droite ", et " séquelles de traumatisme du rachis cervical ". Par une décision du 24 juin 2019, prise après avis de la commission consultative médicale du 9 mai 2019 et de la commission de réforme du 12 juin 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement du 11 janvier 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour écarter comme inopérant le moyen tiré par M. A... de l'irrégularité de l'avis émis le 9 mai 2019 par la commission consultative médicale, au regard des dispositions de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1924, prise pour l'application du décret du 31 octobre 1924 relatif aux attributions de la commission consultative médicale, le tribunal s'est fondé sur l'absence de publication de cette instruction contrairement aux prescriptions de l'article R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration. Ce faisant, alors même que le ministre des armées n'avait pas invoqué l'inapplicabilité de cette instruction, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen, dont il aurait dû informer préalablement les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, mais s'est borné à répondre au moyen dont il était saisi. Son jugement n'est donc à cet égard entaché d'aucune irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la demande de pension de M. A... du 28 octobre 2016 : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 4 du même code dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 2 de ce code et qui est applicable à la demande de pension de M. A... du 5 février 2018 : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code, qui reprend les principes posés à l'ancien article L. 4 : " (...) Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code, qui reprend les principes posés à l'ancien article L. 4 : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; b) 40 % en cas d'infirmités multiples ".
4. Si la décision en litige se prononce sur les deux demandes de pension présentées par M. A... au titre de quatre infirmités, la seconde de ces demandes, du 5 février 2018, porte seulement sur les douleurs lombaires chroniques. Par suite, les droits à pension de M. A... doivent être appréciés, s'agissant de ces quatre infirmités, en fonction des circonstances de droit et de fait en vigueur au jour de sa première demande, le 28 octobre 2016, tandis que les douleurs lombaires chroniques doivent également être appréciées en fonction des circonstances prévalant au jour de la seconde demande, le 5 février 2018.
En ce qui concerne les douleurs lombaires chroniques :
S'agissant de l'instruction de la demande de pension concernant ces troubles :
5. En premier lieu, la circonstance que la décision en litige ne vise pas l'avis rendu par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité le 28 janvier 2019 est sans incidence sur sa régularité. Elle n'est, par ailleurs, pas de nature à démontrer, par elle-même, que la ministre des armées n'aurait pas tenu compte de cet avis pour statuer sur la demande de pension de M. A.... Il ne résulte, en outre, d'aucune disposition ni d'aucun principe que cet avis devrait être rendu au terme d'un examen médical du militaire, ni qu'il devrait donner lieu à une information préalable de celui-ci. Enfin, un tel avis, bien qu'émanant du médecin en chef du service des pensions du ministère des armées, en charge de l'instruction des demandes en vertu des dispositions de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne lie pas le ministre et est au nombre des pièces sur lesquelles ce dernier et le juge des pensions peuvent valablement s'appuyer pour déterminer les droits à pension du militaire. Par suite, M. A... n'est pas fondé à prétendre que cet avis ne lui serait pas opposable.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 151-12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " Lorsque l'instruction médicale est achevée, le dossier est soumis pour avis à la commission consultative médicale dans les cas prévus par arrêté des ministres chargés des anciens combattants et victimes de guerre et du budget, ou lorsque l'un ou l'autre des services mentionnés à l'article R. 151-18 l'estime utile. (...) ".
7. D'une part, en se bornant à soutenir, après avoir cité les termes de l'article 1er de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1924 prise pour l'application du décret du 31 octobre 1924 relatif aux attributions de la commission consultative médicale, à affirmer que le ministre " n'établit ni l'identité des membres de la commission consultative médicale qui y ont siégé, ni leur qualité, ni la régularité de leur désignation ", M. A... n'assortit pas son moyen tiré de l'irrégularité de l'avis rendu par cette commission le 9 mai 2019 des précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
8. D'autre part, contrairement à ce que soutient M. A..., la commission consultative médicale n'a pas proposé de rabaisser le taux d'invalidité susceptible d'être attribué pour l'infirmité de douleurs lombaires chroniques, mais a proposé de considérer que seule une part de ce taux était imputable à un fait de service. Ainsi, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que cette commission aurait dû, en application de l'article 3 de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1920, procéder à un nouvel examen médical avant d'émettre son avis. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que, préalablement à la saisine de cette commission, le militaire, qui a déjà été examiné par le médecin expert, devrait être soumis à un nouvel examen médical.
9. Enfin, en l'absence de principe général consacrant l'indépendance des organismes consultatifs médicaux de l'administration des pensions, M. A... ne peut utilement se plaindre du manque d'indépendance de la commission consultative médicale à l'égard du service des pensions du ministère des armées pour soutenir que son avis serait pour ce motif irrégulier.
S'agissant des droits à pension de M. A... concernant les douleurs lombaires chroniques :
10. Pour l'application des dispositions citées au point 3, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service.
11. Pour refuser de faire droit à la demande de pension de M. A... liée aux douleurs lombaires dont il souffre depuis le choc qu'il a reçu le 15 septembre 2010 alors qu'il était transporté dans un camion, la ministre des armées a considéré que si cette infirmité justifiait l'attribution d'un taux global d'invalidité de 10 %, une part de ces troubles doit être imputée à une maladie étrangère au service, en l'occurrence, une scoliose et qu'en conséquence, le taux indemnisable directement lié au service est inférieur au taux de 10 % éligible à pension prévu par l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, cité au point 3.
12. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la seule désignation de cette infirmité dans la décision en litige comme " douleurs lombaires chroniques ", au lieu de " séquelles de traumatismes lombaires ", alors qu'il est constant qu'aux termes de la décision attaquée, la ministre des armées a considéré de tels troubles comme résultant d'une blessure, éligible à pension en cas d'attribution d'un taux d'invalidité d'au moins 10 %, est sans incidence sur ses droits à pension à ce titre.
13. En deuxième lieu, le médecin expert a considéré, dans son avis du 28 juin 2018, qu'à la suite notamment d'un choc lors d'un déplacement en camion le 15 septembre 2010 et de la prise en charge d'un patient agité le 25 août 2014, M. A... souffre de lombalgies chroniques, matérialisées selon lui par des protrusions discales, avec raideur, et que cette infirmité justifie l'attribution d'un taux d'invalidité de 10 %. En se référant également, aussi bien à l'épisode de lombosciatalgie droite survenu chez l'intéressé le 23 novembre 2016, soit
cinq jours après l'accident de service ayant donné lieu à un rapport circonstancié du 22 décembre 2016, qu'aux protrusions discales décelées le 23 novembre 2016 par imagerie médicale, le médecin expert a nécessairement pris en compte cet accident du 23 novembre 2016 et les séquelles de traumatismes qu'en a conservées l'intéressé, pour proposer le taux d'invalidité de 10 %. La circonstance que la décision en litige ne mentionne pas la chute dans l'escalier du 15 avril 2015 au nombre de circonstances qui ont été à l'origine de ces troubles, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment des mentions du livret médical militaire de l'intéressé, que celui-ci a consulté un médecin militaire, le 16 avril 2015, pour une " recrudescence de lombalgies ", est sans incidence sur le degré d'invalidité qui a été médicalement constaté par l'expert. Si pour contester cette évaluation, et solliciter l'attribution d'un taux de 15 %, M. A... se prévaut du rapport établi le 15 février 2020 par un expert mandaté par ses soins, complété le 8 mars 2022, il résulte de ce document que pour proposer un tel taux, au demeurant, faiblement supérieur à celui reconnu, le médecin ne s'appuie pas sur d'autres éléments de gêne fonctionnelle que ceux retenus par le médecin expert. Il ne résulte pas de l'instruction que cette infirmité devrait entraîner un taux d'invalidité supérieur à 10 %.
14. Certes, en troisième lieu, pour proposer ce taux global de 10 %, le médecin expert, qui avait pourtant connaissance de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à la situation de M. A..., et plus particulièrement la radiographie médicale du 9 janvier 2013 faisant apparaître à cette date une " minime inflexion scoliotique lombaire convexe gauche ", n'a pas évoqué, dans son avis du 28 juin 2018, un état pathologique préexistant de nature à expliquer, au moins pour partie, la survenance des troubles lombaires. Certes encore, à partir de ce même document médical, la commission consultative médicale a estimé que le taux d'invalidité de 10 % était pour partie imputable à cette maladie, étrangère au service, et la ministre s'est fondée sur ce motif pour refuser de faire droit au titre de cette infirmité à la demande de pension de M. A..., alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment ni du rapport du médecin mandaté par l'intéressé, ni des éléments d'appréciation retenus par la commission consultative médicale tenant à la faible cinétique des accidents de 2010, 2014 et 2016 et aux caractères minime et stable des modifications de la charnière lombo-sacrée de l'intéressé entre 2010 et 2016, que celui-ci présentait un tel état avant la survenance du premier traumatisme, le 15 septembre 2010, ni que cette scoliose serait une affection indépendante des faits lui ayant procuré les douleurs lombaires et étrangère à ces troubles.
15. Néanmoins, comme en première instance, en appel, le ministre des armées souligne que l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, qui s'appuie sur une imagerie médicale du 23 novembre 2016, fait apparaître des protrusions discales qui, d'après la documentation médicale produite par le ministre et non sérieusement contestée par l'appelant, se caractérisent par une étiologie liée au vieillissement. Bien que le médecin expert n'ait pas considéré cette pathologie comme une cause des troubles lombaires de M. A..., étrangère au service, celui-ci ne remet en cause ni la réalité de cette affection, ni son rôle dans l'invalidité évaluée à 10 % par cet expert, ni son absence de lien avec le service.
16. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à solliciter une pension d'invalidité au titre des douleurs lombaires chroniques dont il souffre.
En ce qui concerne les séquelles de traumatisme du genou droit :
17. Pour refuser d'accorder à M. A... une pension au titre de cette infirmité, causée par la chute dans un escalier alors qu'il était en service, le 15 avril 2015, la ministre s'est fondée sur le motif que l'invalidité qui en résulte doit être évaluée à moins de 10 %. Selon l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, cette infirmité consiste en une atteinte mécanique dégénérative du genou droit qui entraîne des douleurs fonctionnelles, sous-rotuliennes et aléatoires, qui, après examen, ne se traduit ni par une boiterie, ni par une diminution de la flexion et qui correspond à un taux d'invalidité de 8 %. Si une boiterie a été décelée médicalement, le 15 avril 2015, et a pu de nouveau être observée le 15 février 2020 par le médecin mandaté par M. A..., il ne résulte pas de l'instruction que cette gêne fonctionnelle aurait été observée dans les suites de cet accident, ni au jour de sa demande de pension du 28 octobre 2016. Il n'est pas davantage justifié par des pièces médicales que la moindre qualité de flexion du genou droit par rapport au genou gauche, observée le 15 février 2020 par le médecin mandaté par le requérant, en mesurant la distance " talon-fesse " en position couchée, laquelle n'a pas été mesurée par le médecin expert, se traduirait, quant à elle, par une lésion fonctionnelle justifiant une évaluation à 10 % du degré d'invalidité retenue par la ministre. Il en va de même de l'existence d'une subluxation et d'une lésion du ménisque, déjà prises en compte par le médecin expert.
18. Par conséquent, M. A... n'est pas fondé à solliciter une pension d'invalidité au titre des séquelles de traumatisme du genou droit dont il souffre.
En ce qui concerne les séquelles de traumatisme de la hanche droite :
19. Pour refuser de faire droit à la demande de pension de M. A... s'agissant de ces troubles causés par la chute dans l'escalier du 15 avril 2015, la ministre a retenu qu'ils lui procurent un degré d'invalidité inférieur à 10 %. Selon le médecin expert, qui propose de retenir à ce titre un taux d'invalidité de 5 %, l'infirmité en cause correspond, à partir des doléances de M. A..., à des limitations douloureuses des amplitudes, des douleurs au creux de l'aine, alors que l'examen médical du militaire s'avère normal.
20. D'une part, le moyen de M. A... consistant à soutenir que les avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et de la commission consultative médicale ne lui seraient pas opposables en ce qui concerne l'évaluation du degré d'invalidité attaché à cette infirmité, et renvoyant, pour ce faire, au moyen afférent à l'infirmité de douleurs lombaires chroniques, doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 5 à 9, la commission consultative médicale ne s'étant du reste pas prononcée sur le traumatisme de la hanche droite. Si, au sujet de cette même infirmité, M. A... soutient également que ne lui serait pas opposable l'avis de la commission de réforme, faute pour cet organisme d'être indépendant à l'égard de l'administration des pensions militaires d'invalidité, ce moyen ne peut qu'être écarté pour le même motif que celui énoncé au point 9.
21. D'autre part, l'asymétrie des amplitudes décelée, le 15 février 2020, par le médecin désigné par M. A..., et constatée, selon celui-ci, au jour des demandes de pension de l'intéressé, n'est corroborée par aucune des pièces médicales contemporaines de l'accident de service et de ses suites, qu'il s'agisse du rapport du 23 avril 2015 rédigé par un radiologiste, de l'arthroscanner de la hanche droite réalisé le 9 juillet 2015, de l'échographie du 9 juillet 2015, de l'IRM du bassin et des hanches réalisée le 29 juillet 2015, ou de celle des articulations sacro-iliaques du 23 décembre 2016. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette asymétrie se traduirait par une gêne fonctionnelle supplémentaire par rapport à la raideur constatée au jour des demandes, ni qu'elle présenterait un caractère fluctuant qui justifierait de prendre en compte une modification de l'état de santé de l'intéressé postérieure à ces demandes.
22. Enfin, si le médecin mandaté par M. A... souligne, dans son rapport initial du 15 février 2020 comme dans son rapport complémentaire du 8 mars 2022, que celui-ci présente une sacro-iliite, c'est-à-dire une inflammation des deux principales articulations postérieures du bassin, il résulte des pièces médicales auxquelles se réfère cet expert que l'appelant présente, depuis le 11 août 2014, une inflammation de la partie gauche du bassin. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est du reste pas allégué, que cette inflammation, qui ne touche pas la hanche droite au titre de laquelle la demande de pension de M. A... a été présentée, jouerait un rôle causal dans l'apparition et la persistance des séquelles de traumatisme dont il demande ainsi l'indemnisation.
23. Par suite, M. A... n'est pas fondé à solliciter des droits à pension au titre de cette infirmité.
En ce qui concerne les séquelles de traumatisme du rachis cervical :
24. La ministre des armées a rejeté la demande de pension de M. A... concernant les séquelles de traumatisme du rachis cervical dont il est atteint depuis le choc survenu lors d'un transport dans un camion le 15 septembre 2010, et la chute dans l'escalier du 15 avril 2015, au motif qu'il n'en est résulté pour lui aucune gêne fonctionnelle, ainsi que l'ont considéré le médecin expert, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et la commission de réforme.
25. D'une part, le moyen tiré de l'inopposabilité de l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité ne peut qu'être écarté pour les motifs énoncés au point 5. Le moyen tiré du caractère non contradictoire de l'avis rendu par la commission de réforme le 12 juin 2019 n'est, quant à lui, pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
26. D'autre part, selon l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, si cette chute du 15 avril 2015 a causé au militaire des douleurs polyarticulaires telles que des cervicalgies, coxalgies, une gonalgie droite, et a augmenté les lombalgies, dont des " paresthésies de C8 " et si, à la radiographie du 23 avril 2015, apparaissaient de discrets troubles de la statique C1C2 et C3C4, avec suspicion d'entorse bénigne, l'examen de l'intéressé n'a révélé aucune anomalie ni aucune douleur. Dans ces conditions, la circonstance que cet expert a rendu son avis sans mesurer les amplitudes de mouvement du rachis est sans incidence sur la pertinence de ses conclusions. Il est vrai que le médecin désigné par M. A... affirme, dans ses avis des 15 février 2020 et 8 mars 2022, que l'intéressé présentait, au jour de ses demandes, une limitation importante, une névralgie radiculaire cervico-brachiale et des troubles de la statique C1-C2 et C3-C4. Mais, en l'absence de tout élément justifiant le caractère fluctuant de la pathologie en cause dont ne se prévaut d'ailleurs pas M. A..., ni ces rapports, ni les pièces médicales contemporaines de la chute dans l'escalier ne sont de nature à établir l'existence, au jour de ses demandes de pension, de troubles lui causant une gêne fonctionnelle, propre à justifier l'attribution d'un taux d'invalidité.
27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire-droit, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et à la détermination du taux d'invalidité applicable à ses infirmités. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
N° 22MA009792