CAA de LYON, 3ème chambre, 17/04/2024, 22LY02509, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
I- Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey, après avoir réexaminé sa situation sur injonction du tribunal, l'a placée en congé de maladie ordinaire du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, puis en disponibilité d'office pour raison de santé.
II- Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) de condamner le Centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser la somme totale de 85 642 euros à parfaire en réparation des préjudices résultant pour elle des fautes commises à son égard par son employeur et des préjudices personnels liés à son accident de service, outre le préjudice résultant de la privation illégale d'une allocation temporaire d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité ; 2°) d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle ; 3°) d'enjoindre au Centre hospitalier du Haut-Bugey de s'acquitter de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée pour l'ensemble de la période en litige ou, à titre subsidiaire, de lui verser l'indemnité correspondante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1703427 du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a prescrit une expertise médicale contradictoire.
Par un jugement nos 1703427 et 1803057 du 14 août 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017, mis à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise et, avant de statuer sur les conclusions de la demande indemnitaire, a prescrit une seconde expertise médicale contradictoire.
Par un jugement n° 1803057 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande indemnitaire de Mme A... et mis à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey les frais et honoraires de la seconde expertise, liquidés à la somme de 576 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 août 2022 et des mémoires complémentaires enregistrés le 3 octobre 2022, et les 23 janvier et 15 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Saumet (AARPI Alternatives Avocats), doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Lyon du 14 août 2020 et du 14 décembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 22 février 2017 ;
3°) de condamner le centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser d'une part, la somme de 96 522 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle et d'autre part, une indemnité en réparation du préjudice subi sur ses droits à pension du fait de l'illégalité commise à son encontre ayant consisté à ne pas adapter son poste et à ne pas la reclasser ;
4°) d'enjoindre au centre hospitalier du Haut-Bugey d'une part, de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation et ses droits sociaux, en s'acquittant notamment de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée pour l'ensemble de la période du 6 décembre 2011 au 30 novembre 2016, d'autre part, de procéder au calcul, à la liquidation et au versement de l'indemnité due en réparation du préjudice subi sur ses droits à pension, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- sa requête a été introduite dans le délai d'appel, en ce qu'elle concerne le jugement avant-dire droit du 14 août 2020, ce délai n'ayant commencé à courir qu'avec la notification du jugement du 14 décembre 2021 ; le délai d'appel a été interrompu par sa demande d'aide juridictionnelle ;
- le jugement du 14 août 2020 est insuffisamment motivé et a omis de répondre à un moyen ;
- le jugement du 14 décembre 2021 a rejeté à tort comme tardives les conclusions relatives à la faute résultant du retard mis par le centre hospitalier à la faire admettre à la retraite ;
- ce même jugement est entaché de contradiction, en ce qu'il juge prescrite une créance pour l'appréciation de laquelle le jugement du 14 août 2020 avait jugé nécessaire une expertise ;
- elle a contesté la décision du 22 février 2017 en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'elle l'a placée en congé de maladie ordinaire puis en disponibilité d'office ; le tribunal a jugé à tort inopérants les moyens tirés de l'absence de consultation du comité médical et de la commission de réforme, de l'absence d'information préalable du médecin du travail et de la violation de l'obligation de reclassement ;
- le tribunal a jugé à tort que le centre hospitalier du Haut-Bugey n'avait pas manqué à ses obligations d'aménagement de son poste et de reclassement ;
- le centre hospitalier a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en prenant plusieurs mesures illégales dont l'annulation a été prononcée par un jugement du 18 janvier 2017 et en ne la plaçant pas dans des positions administratives régulières pour les périodes du 6 décembre 2014 au 5 juin 2015 et du 6 juin 2016 au 30 novembre 2016 ;
- sa créance ayant trait aux dommages que lui ont causé sa maladie imputable au service n'était pas prescrite, le délai de prescription ne commençant à tout le moins à courir que lorsqu'elle a eu connaissance de la date de sa consolidation, soit en 2013 ; elle a en outre engagé plusieurs actions ayant interrompu le délai de prescription ;
- à tout le moins, la perte de chance d'obtenir un aménagement de poste ou un reclassement doit être chiffrée à 27 460 euros ;
- le centre hospitalier doit acquitter les cotisations sociales sur ces rémunérations dont elle a été privée ;
- le préjudice résultant d'une privation illégale de rémunération, conséquence de l'absence de reclassement, doit être chiffré à 39 229 euros ; elle a perçu durant cette période de privation de rémunération des revenus de remplacement de 2 182,02 euros, 3 723,45 euros et 4 141,52 euros ;
- les fautes commises par le centre hospitalier lui ont causé un préjudice moral qui doit être chiffré à 20 000 euros ;
- sa maladie professionnelle lui a causé des préjudices qui doivent être chiffrés à la somme globale de 30 880 euros ;
- elle peut prétendre aux intérêts au taux légal sur les sommes allouées, et à la capitalisation de ces intérêts ;
- elle maintient l'intégralité de ses moyens de première instance, auxquels elle entend se référer.
Par des mémoires en défense enregistrés le 9 décembre 2023 et les 21 février, 6 et 20 mars 2024 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), le centre hospitalier du Haut-Bugey, représenté par la SELARL Brocheton Avocats, agissant par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation allouée au titre de la responsabilité sans faute soit calculée sur la base du barème de l'ONIAM, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les conclusions fondées sur la faute liée issue du défaut d'adaptation du poste de travail et de démarches de reclassement sont irrecevables, faute de liaison préalable du contentieux ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme A... par une décision du 25 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Saumet, représentant Mme A..., et celles de Me Brocheton, représentant le centre hospitalier du Haut-Bugey.
Une note en délibéré, enregistrée le 26 mars 2024, a été présentée pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., aide-soignante employée par le centre hospitalier du Haut-Bugey, a été placée en arrêt de travail pour raison de santé à compter du 6 septembre 2011, jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité le 1er décembre 2016. Par un jugement rendu le 18 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 10 avril 2013 par lequel le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a placé Mme A... en congé de maladie ordinaire non imputable au service pour la période du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, et les arrêtés des 17 avril 2013 et 26 juin 2015 par lesquels cette même autorité a placé Mme A... en disponibilité d'office pour les périodes du 6 décembre 2012 au 5 décembre 2013 et du 6 juin au 5 décembre 2015. Le tribunal a en outre enjoint au centre hospitalier du Haut-Bugey de réexaminer la situation de Mme A.... Par une décision du 22 février 2017, le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a placé Mme A... en congé de maladie ordinaire du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, puis en disponibilité d'office pour raison de santé pour les périodes ultérieures. Mme A... relève appel des jugements du 14 août 2020 et du 14 décembre 2021 par lesquels le tribunal administratif de Lyon, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017 et prescrit une expertise médicale, et d'autre part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Haut-Bugey à l'indemniser des préjudices qu'elle estime lui avoir été causés par les fautes commises par celui-ci, et ceux en lien avec sa maladie reconnue imputable au service.
Sur la régularité du jugement du 14 août 2020 :
2. En premier lieu, la décision du 22 février 2017, prise en vue de régulariser la position de Mme A... pour plusieurs périodes passées, est intervenue alors qu'elle avait déjà été définitivement admise à la retraite par une décision du directeur délégué du centre hospitalier du 15 novembre 2016 à effet au 1er décembre suivant. Dans ces circonstances, aucun reclassement ne pouvait plus intervenir. Tant le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas invité la requérante à présenter une demande de reclassement, que celui tiré de l'absence de recherche d'un reclassement, étaient inopérants. La circonstance que le tribunal administratif de Lyon n'a pas expressément répondu au premier de ces moyens, est par suite sans incidence sur la régularité du jugement du 14 août 2020.
3. En deuxième lieu, le tribunal, après avoir écarté les moyens invoqués par Mme A... contre la décision du 22 août 2020, a exposé, aux points 11 et 12 du jugement du 14 août 2020, que la requérante n'était pas fondée à se prévaloir de l'illégalité fautive entachant selon elle le refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2011 et son placement en disponibilité d'office pour raison de santé. Il a ensuite estimé, pour écarter la faute tirée de la privation illégale d'un complément de rente viagère d'invalidité à raison d'une estimation insuffisante de ce taux d'invalidité, qu'elle n'apportait aucun élément médical ni argument circonstancié permettant d'apprécier le bien-fondé de cette demande. Le point 13 expose enfin que si Mme A... soutient que le conflit avec son employeur pour faire reconnaître ses droits lui a causé un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment à ce qui a été développé aux points précédents, que la résistance qu'elle prête sans autre précision à son employeur s'agissant de répondre favorablement à ses demandes revêtirait un caractère fautif. Les premiers juges ont ainsi rejeté, par une motivation suffisante, les conclusions de la requérante fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier.
Sur la régularité du jugement du 14 décembre 2021 :
4. Mme A... soutient que le tribunal, qui par son jugement du 14 août 2020 avait prescrit une nouvelle expertise médicale avant de statuer sur sa demande indemnitaire fondée sur la responsabilité sans faute, ne pouvait sans contradiction accueillir par son jugement du 14 décembre 2021 l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier du Haut-Bugey à cette demande. Toutefois, la contradiction alléguée, qui relève de la critique du bien-fondé du jugement en litige, est en tout état de cause sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité de la décision du 22 février 2017 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 visé ci-dessus, relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : (...) 6. La mise en disponibilité d'office pour raisons de santé, son renouvellement et l'aménagement des conditions de travail après la fin de la mise en disponibilité (...) ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Le médecin du travail attaché à l'établissement auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales prévue par le décret du 9 septembre 1965 susvisé est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 21, 23 et 32. (...) ".
6. Mme A... soutient que, préalablement à la décision du 22 février 2017 intervenue après l'injonction de réexamen décidée par le tribunal le 18 janvier 2017, le centre hospitalier du Haut-Bugey n'a pas consulté un médecin expert agréé, ni la commission de réforme ou le comité médical. Toutefois, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier du Haut-Bugey avait recueilli l'avis de deux médecins experts en décembre 2011 et en janvier 2013 concernant l'imputabilité au service de la pathologie dont était affectée Mme A.... Par ailleurs, la commission de réforme et le comité médical avaient été consultés respectivement le 5 avril 2013, et les 12 avril 2013 et 16 juin 2015. La requérante ne soutient pas, alors que les arrêtés des 10 et 17 avril 2013 et du 26 juin 2015 ont été annulés pour erreur de droit par le jugement du 18 janvier 2017 précité, que ces consultations auraient été entachées d'irrégularité. Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure ayant précédé l'édiction de la décision du 22 février 2017 ne peuvent dès lors être accueillis.
7. En deuxième lieu, la décision attaquée vise les dispositions pertinentes des lois du 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986, rappelle succinctement le parcours administratif de Mme A... et le jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon le 18 janvier 2017, expose que les médecins ayant examiné l'intéressée dans le passé ont été consultés, que l'un a répondu ne plus réaliser ce type de mission, et que l'autre a indiqué que les arrêts de travail litigieux étaient liés à une pathologie dégénérative au moins jusqu'au 24 janvier 2013. La décision attaquée expose ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le centre hospitalier a entendu se fonder. Le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit par suite être écarté.
8. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision attaquée est intervenue pour régulariser la situation passée de Mme A..., alors que cette dernière avait déjà été admise à la retraite pour invalidité par une décision qu'elle n'a pas contestée. Dans ces circonstances particulières, le centre hospitalier n'était pas tenu de l'inviter à solliciter un reclassement et de procéder à la recherche d'un poste en vue d'un reclassement. Le moyen tiré de ce que le centre hospitalier ne justifie pas avoir invité la requérante à solliciter un reclassement doit dès lors être écarté comme inopérant.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version applicable à la date à laquelle la maladie professionnelle de la requérante a été diagnostiquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ".
10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. En l'espèce, contrairement à ce que soutient Mme A..., il résulte de l'instruction, et notamment des questions qu'il a adressées le 1er février 2017 aux médecins experts agréés qui avaient examiné l'intéressée en 2011 et 2013, que le centre hospitalier a apprécié l'existence d'un lien direct entre les arrêts de travail en litige et la maladie professionnelle de la requérante. Les moyens tirés de ce que la décision attaquée du 22 février 2017 serait entachée d'une erreur de droit et méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 18 janvier 2017, doivent dès lors être écartés.
11. En cinquième lieu, le 5 avril 2013, la commission de réforme a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de la prise en charge des arrêts de travail litigieux au titre de la maladie professionnelle, au motif qu'il ressortait de l'expertise pratiquée par un médecin agréé le 24 janvier 2013 que ces arrêts de travail étaient causés par une " pathologie dégénérative qui doit être prise en charge au titre de la maladie ordinaire ". Par ailleurs, il ressort du rapport de l'expertise médicale prescrite par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 avril 2019 que la pathologie dont Mme A... souffrait relevait d'une lombosciatique gauche consécutive à une hernie discale débutante depuis 2003, et qu'une seconde pathologie chronique douloureuse évocatrice d'une fibromyalgie est apparue en septembre 2011. Les congés de maladie postérieurs au 6 décembre 2011 étaient ainsi imputables à plusieurs facteurs, sans lien direct avec la pathologie professionnelle. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité de ces arrêts de travail au service, le centre hospitalier n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du décret du 19 avril 1988 : " Lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 41 (3° et 4°) de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 24 ci-dessous ".
13. Il ressort du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 29 avril 2019 que les arrêts de travails prescrits à Mme A... pendant la période en litige étaient justifiés par une lombosciatique gauche, et que certains mentionnaient également des contractures musculaires, une tendinopathie de l'épaule droite et des dorsalgies. En l'absence de toute mention de la pathologie mentale dont était par ailleurs affectée la requérante, cette dernière n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'en ne provoquant pas son examen médical en vue de son placement en congé de longue maladie, le centre hospitalier aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 14 août 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017.
Sur les conclusions fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier :
15. En premier lieu, il résulte des points 5 à 14 que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 22 février 2017 était entachée d'une illégalité fautive. Par ailleurs, si les arrêtés des 10 et 17 avril 2013 et du 26 juin 2015 étaient entachés d'erreur de droit, il n'existe en revanche pas de lien de causalité entre les illégalités fautives affectant ces arrêtés et les préjudices invoqués par la requérante dès lors que les arrêts de travails postérieurs au 6 décembre 2011 n'étaient, ainsi que cela a été exposé ci-dessus, pas directement imputables à la maladie professionnelle de la requérante.
16. En deuxième lieu, si Mme A... invoque la faute ayant consisté selon elle en une estimation insuffisante du taux d'invalidité fixé au titre des séquelles de sa hernie discale imputable au service, et qui l'aurait privée d'un complément de rente viagère d'invalidité, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 12 de son jugement du 14 août 2020.
17. En troisième lieu, si Mme A... invoque la faute du centre hospitalier du Haut-Bugey à ne pas l'avoir placée dans une position régulière pour certaines périodes, le contentieux n'est pas lié sur ce point faute pour elle d'avoir invoqué ce fait générateur de responsabilité dans sa demande indemnitaire préalable. Ses conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice doivent être à cet égard rejetées comme irrecevables.
18. En quatrième lieu, Mme A... soutient que le centre hospitalier aurait manqué à ses obligations en matière d'aménagement de poste et de reclassement, antérieurement à la période pour laquelle elle a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé. Toutefois, il résulte de l'instruction que par une lettre du 30 août 2010, le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a indiqué à Mme A... que s'il ne lui était pas possible de reprendre ses fonctions en qualité d'aide-soignante, elle pouvait s'orienter vers un autre métier, et l'a invitée à prendre contact avec un agent de la cellule de reclassement. Il l'a également invitée à déposer un dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), afin de bénéficier d'une aide à une éventuelle reconversion. Par une lettre du 28 octobre 2010, Mme A... a informé le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey qu'elle avait été reçue par le médecin du travail, lequel lui avait précisé qu'elle devait renoncer à son métier d'aide-soignante, réfléchir à un nouveau métier et suivre une formation. Par une fiche de liaison avec la MDPH rédigée le 18 novembre 2011, le médecin du travail a conforté sa position précédemment exprimée, selon laquelle la requérante n'était plus apte au métier d'aide-soignante, et que la reconnaissance du statut de travailleuse handicapée lui donnerait accès à des formations en vue d'accéder à des fonctions n'emportant pas de manutentions de patients qu'elle ne pouvait plus assumer. Le compte rendu de la réunion de la cellule de reclassement du 28 octobre 2010 fait toutefois état de ce que Mme A... refusait alors catégoriquement un reclassement professionnel. Le compte rendu de l'entretien de la requérante avec la directrice des soins le 25 août 2011 relate également que, pourtant déclarée inapte à ses fonctions par le médecin du travail, la requérante a souhaité conserver ses fonctions d'aide-soignante tout en envisageant de devenir auxiliaire de puériculture. Bien qu'invitée à solliciter un bilan de compétences et une aide à la reconversion après la reconnaissance de son handicap par la MDPH, la requérante ne s'est pas conformée à ce conseil, ainsi qu'il résulte des comptes rendus des réunions de la cellule de reclassement les 13 octobre 2011 et 16 février 2012. Reçue par la cellule de reclassement le 5 mai 2014, elle a persisté dans son refus de cette démarche auprès de la MDPH, et a envisagé un poste d'accueil ou une reconversion vers le métier de diététicienne. Il ressort également d'un courrier adressé à l'intéressée le 17 avril 2015 par le directeur des ressources humaines de l'établissement, que lors d'un nouvel entretien avec un agent de la cellule de reclassement en présence de la directrice des soins, Mme A... a une nouvelle fois déclaré devoir réfléchir à une reconversion, sans y être décidée. Ainsi, il résulte de ces divers éléments d'une part, que l'état de santé de la requérante n'était pas compatible avec un simple aménagement de son poste d'aide-soignante, et d'autre part, qu'elle a été invitée par la cellule de reclassement à envisager un reclassement, mais n'a formulé aucune demande à ce titre ni même aucune demande de reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée qui aurait permis qu'elle bénéficie d'aides à cette fin. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier aurait manqué à ses obligations en matière d'aménagement de ses conditions de travail, et ne l'aurait pas invitée formellement à présenter une demande de reclassement.
19. En cinquième lieu, Mme A... reprend en appel le grief tiré du retard avec lequel elle aurait été admise à la retraite pour invalidité, en se bornant à renvoyer sur ce point à ses écritures de première instance et sans apporter d'éléments nouveaux. Il y a lieu de rejeter les conclusions relatives à la réparation de ce chef de préjudice par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 8 de son jugement du 14 décembre 2021, et qui ne sont pas utilement critiqués en appel.
20. En sixième et dernier lieu, les décisions du centre hospitalier relatives au placement de Mme A... en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé n'étant entachées d'aucune illégalité, et celui-ci n'ayant par ailleurs pas commis de faute, la requérante n'est pas fondée à faire valoir que les difficultés qu'elle a rencontrées dans la gestion de sa situation lui auraient causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.
Sur les conclusions fondées sur la responsabilité sans faute du centre hospitalier :
21. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 visée ci-dessus, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) ".
22. En vertu de ces dispositions, le point de départ du délai de prescription d'une créance relative à un dommage corporel est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents. En l'espèce, il ressort du rapport du médecin agréé du 27 décembre 2011 et du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 14 août 2020, que la consolidation de la maladie professionnelle de Mme A... est intervenue le 4 décembre 2011, et que le cours de la prescription a ainsi débuté le 1er janvier 2012. Toutefois, les demandes dont Mme A... a saisi le tribunal administratif de Lyon en 2013 et 2015, tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au mois de décembre 2011, en lien avec sa maladie professionnelle dont elle discutait la date de consolidation, doivent être regardées comme ayant trait au fait générateur de la créance détenue par elle sur l'établissement hospitalier. Ces demandes ont ainsi interrompu le cours du délai de prescription, qui n'avait pas expiré à la date de réception de sa demande indemnitaire par le centre hospitalier, le 22 décembre 2017. L'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier doit dès lors être écartée.
23. En deuxième lieu, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne.
24. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 14 août 2020, qu'en conséquence de sa maladie professionnelle, dont le centre hospitalier a reconnu l'imputabilité au service, Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 30 % de mars 2010 à janvier 2011, puis de 20 % jusque début décembre 2011, et subit depuis un déficit fonctionnel permanent de 10 %. Les souffrances qu'elle a endurées peuvent être cotées à 2,5/7. En revanche, l'expert n'a pas retenu de préjudice d'agrément, les douleurs gênantes dont la requérante continue de souffrir ne contre-indiquant pas les activités de loisir dont elle a fait état. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par la requérante en condamnant le centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser une indemnité de 18 600 euros.
25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir d'une part que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires, et d'autre part que le centre hospitalier du Haut-Bugey doit être condamné à lui verser la somme précitée en réparation de ses préjudices.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
26. D'une part, le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction au centre hospitalier du Haut-Bugey de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation et ses droits sociaux, en s'acquittant notamment de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée doivent être rejetées.
27. D'autre part, le présent arrêt rejette également les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction à l'administration de lui verser une somme en réparation du préjudice allégué ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
28. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 18 600 euros à compter du 22 décembre 2017, date de réception de sa demande indemnitaire par le centre hospitalier.
29. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par la requête n° 1803057, enregistrée devant le tribunal administratif de Lyon le 22 avril 2018. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 décembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier du Haut-Bugey. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le paiement de la somme 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803057 du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A....
Article 2 : Le centre hospitalier du Haut-Bugey est condamné à verser à Mme A... la somme de 18 600 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017. Les intérêts dus à la date du 22 décembre 2018 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Le centre hospitalier du Haut-Bugey versera à Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions présentées par le centre hospitalier du Haut-Bugey sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier du Haut-Bugey.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Joël Arnould, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2024.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLa présidente,
Emilie FelmyLa greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02509