CAA de LYON, 3ème chambre, 12/06/2024, 23LY03203, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision12 juin 2024
Num23LY03203
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentM. TALLEC
RapporteurMme Bénédicte LORDONNE
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsCABINET MDMH

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 1908935 du 9 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21LY00382 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur la demande de pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite et annulé la décision de refus dans cette mesure, et, d'autre part, rejeté le surplus de l'appel de Mme B....
Par une décision n° 467579 du 13 octobre 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre des armées, a annulé les articles 1er à 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juillet 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 13 décembre 2023, Mme B..., représentée par la SELARL MDMH, agissant par Me Moumni, demande à la cour, le cas échéant, après avoir ordonné une expertise :
1°) d'annuler ce jugement et la décision du 27 juillet 2018 ;
2°) de fixer à 10 % le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite " ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'affection, et de la rétablir dans ses droits, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté partiellement l'imputabilité au service des séquelles de l'entorse ayant affecté sa cheville droite et des conséquences médicales entraînées par cette affection ; le lien avec le service a été reconnu au titre de l'affection initiale et l'administration l'a placée en position de congé de longue maladie pendant six périodes consécutives ; il est logique que les aggravations découlant de cette affection initiale, ainsi que les nouvelles affections soient elles aussi considérées comme étant en lien avec le service ;
- il convient d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer avec précision la part imputable de sa seconde entorse dans l'apparition de son infirmité.

Par des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 novembre 2023 et 1er février 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la part de l'infirmité imputable au service est nécessairement inférieure à 10 % et ne peut dès lors donner droit au versement d'une pension.

Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., née en 1983, s'est engagée dans la gendarmerie nationale, le 3 mars 2009. Le 20 mai 2016, elle a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour, d'une part, des séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite caractérisées par une diminution modérée de la flexion dorsale et un appui douloureux à la marche, d'autre part, une maladie épileptique. Par un jugement du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21LY00382 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur la demande de pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite (article 1er), a annulé la décision de refus dans cette mesure (article 2), a enjoint au ministre des armées d'attribuer à Mme B... une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 20 mai 2016 et de liquider le rappel de ses droits, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt (article 3), a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Moumni d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4), et a rejeté le surplus de conclusions de la requête (article 5). Par une décision n° 467579 du 13 octobre 2023, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre des armées, a annulé les articles 1er à 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juillet 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de Mme B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites (...) soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale (...) ". Aux termes de l'article L. 4 : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) "
3. La situation de Mme B... ne relevant pas de l'un des cas de présomption d'imputabilité envisagés par l'article L. 3 précité, il incombe à l'intéressée d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges.
4. Il résulte de l'instruction que Mme B..., après avoir ressenti le 3 avril 2009, au cours d'une marche en terrain accidenté durant sa formation militaire, une très vive douleur à la cheville droite, s'est plainte d'une recrudescence de sa douleur le 6 avril suivant au cours d'une séance d'éducation physique et sportive dans le cadre de la même formation. Une entorse a alors été diagnostiquée, et reconnue imputable au service. Suite à une réapparition des douleurs en septembre 2009, au cours d'une marche dans un contexte qui n'est pas précisé, une nouvelle entorse a été diagnostiquée. Il résulte également de l'instruction que Mme B... a souffert d'un névrome de Morton diagnostiqué en mai 2011.
5. La requérante ne peut se borner à faire valoir les circonstances que le lien au service a été reconnu au titre de l'affection initiale et que l'administration l'a placée en position de congé de longue maladie pendant six périodes consécutives pour critiquer le jugement attaqué en ce qu'il a écarté l'imputabilité au service de l'entorse de septembre 2009 et du névrome de Morton. Si Mme B... soutient que l'absence d'une deuxième entorse sur le livret médical et de rapport circonstancié ne saurait faire présumer qu'elle a été contractée hors du service, la charge de la preuve lui appartient, ainsi qu'il a été dit au point 3. Elle ne fait état, pas davantage en appel qu'en première instance, d'aucun élément permettant d'établir que l'entorse de septembre 2009 aurait été contractée durant le temps de son service, ou que celle-ci et le névrome de Morton seraient la conséquence du traumatisme dont sa cheville a été atteinte en avril 2009.
6. Il résulte de l'instruction que les effets cumulés des deux entorses et du névrome de Morton aboutissent à un taux d'invalidité, retenu à la fois dans le rapport d'expertise du 27 mars 2018 et par la commission consultative médicale dans son avis rendu le 20 juin 2018, de 10 %. Mme B... n'en conteste pas l'évaluation. Il en résulte que, comme le soutient le ministre des armées, la part de l'infirmité imputable au service est nécessairement inférieure à 10 % et ne peut, dès lors, donner droit au versement d'une pension.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
8. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03203