CAA de DOUAI, 3ème chambre, 05/03/2025, 23DA00109, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision05 mars 2025
Num23DA00109
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentMme Viard
RapporteurMme Marie-Pierre Viard
CommissaireM. Malfoy
AvocatsSELURL GILBERT MATHIEU AVOCAT

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2002528, M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020 par lesquels le maire de la commune de Pont-de-Metz, d'une part, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des évènements survenus le 23 mai 2018 et le 18 juillet 2018 et, d'autre part, l'a placé en disponibilité d'office à l'expiration de ses droits à congés de maladie. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre à la commune de Pont-de-Metz de le rétablir dans ses droits statutaires dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte.

Par une requête enregistrée sous le n° 2003511, M. B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté n° 2020-183 du 20 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Pont-de-Metz l'a placé en congé de longue durée à plein traitement du 19 juillet 2018 au 18 juillet 2021, d'annuler l'arrêté n° 2020-184 du 20 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Pont-de-Metz a suspendu le versement de sa nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er octobre 2020 et, enfin, d'annuler l'arrêté n° 2020-185 du 20 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Pont-de-Metz a suspendu le versement de son indemnité de fonctions, sujétions et expertise à compter du 1er octobre 2020. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre à la commune de Pont-de-Metz de le rétablir dans ses droits statutaires dans un délai d'un mois à compter du jugement.

Par un jugement n° 2002528 et 2003511 du 28 novembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés des 17 juillet 2020 et 7 octobre 2020 en tant qu'ils ne reconnaissent pas l'imputabilité au service de l'accident survenu le 23 mai 2018, a enjoint au maire de Pont-de-Metz de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident et de placer M. B... en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période allant du 23 mai 2018 au 7 juin 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 janvier 2023 et 27 août 2023, M. B..., représenté par Me Enard-Bazire, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 novembre 2022 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions ;

2°) d'annuler les arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020 par lesquels le maire de la commune de Pont-de-Metz a refusé de reconnaître l'accident du 18 juillet 2018 déclaré par M. B... comme imputable au service et l'a placé en disponibilité d'office à l'expiration de ses droits à congés de maladie ;

3°) d'annuler les trois arrêtés du 20 octobre 2020 par lesquels le maire de la commune a respectivement placé l'intéressé en congé de longue durée à plein traitement du 19 juillet 2018 au 18 juillet 2021, suspendu le versement de sa nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er octobre 2020 et suspendu le versement de son indemnité de fonctions, sujétions et expertise, également à compter du 1er octobre 2020 ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte, à la commune de le rétablir dans ses droits statutaires dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- il n'était pas justifié de l'habilitation à agir du maire de la commune en première instance ;
- cette délibération n'a été produite que dans l'instance n° 200351 ; or la jonction des affaires par le tribunal n'a pas eu pour effet de régulariser l'absence d'habilitation du maire dans la seconde instance enregistrée sous le n° 2002528 ;
- le jugement, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxiodépressif constaté le 19 juillet 2018, est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit ; le tribunal a dénaturé les pièces du dossier ;
- les arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020 sont illégaux dès lors que l'accident dont il a été victime le 18 juillet est bien imputable au service ; il a développé une dépression réactionnelle en raison de l'attitude de sa hiérarchie ; le lien entre son affection et les faits de harcèlement moral qu'il a subis est établi par plusieurs avis médicaux et témoignages ;
- dès lors qu'il aurait dû bénéficier d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 19 juillet 2018, l'arrêté n° 2020-183 le plaçant en congé de longue durée est illégal ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté n° 2020-184 supprimant le versement de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er octobre 2020 est illégal ;
- cet arrêté méconnaît le principe de non rétroactivité des actes administratifs ;
- dès lors qu'il aurait dû bénéficier d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 19 juillet 2018, l'arrêté n° 2020-185 suspendant le versement de son indemnité de fonctions, sujétions et expertise à compter du 1er octobre 2020 est illégal ;
- cet arrêté est illégal par voie de conséquence de l'illégalité des arrêtés des 17 juillet 2020 et 20 octobre 2020 ;
- cet arrêté méconnaît également le principe de non rétroactivité des actes administratifs.


Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juillet 2023, 13 septembre 2023 et 22 novembre 2023, la commune de Pont-de-Metz, représentée par Me Mathieu, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 93-863 du 18 juin 1993 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public,
- et les observations de Me Brault pour M. B... et de Me Mathieu pour la commune de Pont-de-Metz.


Une note en délibéré, présentée pour la commune de Pont-de-Metz par Me Mathieu, a été enregistrée le 11 février 2025.





Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique territorial, exerce les fonctions d'agent technique de maintenance polyvalent au sein de la commune de Pont-de-Metz depuis 2014. Il a été placé, le 23 mai 2018, en congé de maladie jusqu'au 6 juin 2018 inclus, à la suite de l'apparition d'une douleur lombaire importante lors de la réalisation de travaux de taille d'une haie. Le 19 juillet suivant, il a de nouveau été placé en congé de maladie au motif invoqué d'un autre incident survenu la veille durant son service. Il a demandé la prise en charge de ces deux incidents au titre de la législation des accidents de service. Lors de sa séance du 23 septembre 2019, la commission de réforme a, d'une part, émis un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 23 mai 2018 et, d'autre part, sursis à statuer sur l'imputabilité au service de l'accident du 18 juillet 2018 dans l'attente de la réalisation d'une expertise complémentaire. La commission de réforme, qui a de nouveau examiné sa demande le 10 février 2020, a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 23 mai 2018. Puis, par un nouvel avis du 8 juin 2020, la commission de réforme a rapporté son avis du 10 février 2020 et a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du " 19 juillet 2018 " à l'origine d'un syndrome anxiodépressif. Le maire de la commune de Pont-de-Metz, par des arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020, a refusé de reconnaître les accidents déclarés par M. B... comme imputables au service. Par ailleurs, par trois arrêtés datés du 20 octobre 2020, le maire de la commune a respectivement placé l'intéressé en congé de longue durée à plein traitement du 19 juillet 2018 au 18 juillet 2021, suspendu le versement de sa nouvelle bonification indiciaire et de son indemnité de fonctions, sujétions et expertise, à compter du 1er octobre 2020.

2. Par une requête enregistrée sous le n° 2002528, M. B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020. En parallèle, par une requête enregistrée sous le n° 2003511, il a demandé l'annulation des trois arrêtés du 20 octobre 2020. Par un jugement du 28 novembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint les deux requêtes, a annulé les arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020 en tant qu'ils ne reconnaissaient pas l'imputabilité au service de l'accident survenu le 23 mai 2018, a enjoint au maire de Pont-de-Metz de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident et de placer M. B... en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période allant du 23 mai 2018 au 7 juin 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de M. B.... Il relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions.

Sur la recevabilité des écritures de première instance de la commune de Pont-de-Metz :

3. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature. / (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. / La preuve de la réception des actes par le représentant de l'Etat dans le département ou son délégué dans l'arrondissement peut être apportée par tout moyen ". Aux termes de l'article L. 2131-2 du même code : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : / 1° Les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 (...) ".


4. M. B... soutient qu'il n'était pas justifié de l'habilitation à agir du maire de la commune de Pont-de-Metz en première instance en l'absence de preuve de la transmission de la délibération du conseil municipal autorisant le maire de cette commune à la représenter dans les instances faisant l'objet des présents litiges au représentant de l'Etat dans le département. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 10 juin 2020, publiée le 15 juin 2020, le conseil municipal de Pont-de-Metz a, sur le fondement de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, délégué au maire le pouvoir d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, tant en demande qu'en défense et devant toutes les juridictions. Selon le cachet figurant sur le bordereau de transmission du 15 juin 2020, cet arrêté de délégation a été reçu le 8 juillet suivant par la préfecture de la Somme. Si M. B... fait également valoir que le maire ne démontre pas avoir informé le conseil municipal de l'existence d'une procédure contentieuse comme le prévoit cette même délibération, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 14 mars 2022, régulièrement transmise en préfecture le 16 mars suivant, le conseil municipal, après avoir été informé par le maire des actions contentieuses engagées par M. B..., a autorisé le maire à ester en justice au nom de la commune dans les instances enregistrées par le tribunal administratif d'Amiens sous les n° 2003511 et 2002528. La fin de non-recevoir opposée par M. B... ne saurait dès lors être retenue.

5. Par ailleurs, alors que ces deux requêtes jointes par le tribunal présentent un lien suffisant au regard de l'objet du litige et des questions soulevées, la circonstance que la délibération précitée du 10 juin 2020 n'a été produite devant le tribunal que dans l'instance n° 200351 alors que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de justification d'une habilitation à agir en justice au nom de la commune était également opposée dans l'instance n° 2002528 est sans incidence dès lors que cette pièce a bien été communiquée à M. B....

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation à agir du maire de la commune.

Sur la régularité du jugement :

7. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de fait, d'appréciation et de droit ou de la dénaturation des faits du dossier qui entacheraient le jugement attaqué du tribunal administratif pour en demander l'annulation pour irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'illégalité des arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020 en tant qu'ils refusent l'imputabilité au service de l'accident du 18 juillet 2018 :

8. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / (...) ". Aux termes de l'article 21 bis I et II de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) II. Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ".

9. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Doit être regardé comme un accident un évènement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l'origine de lésions ou d'affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines.

10. M. B... soutient qu'il a été victime, le 18 juillet 2018, d'une surveillance excessive de la part de l'adjoint aux travaux qui l'aurait ensuite agressé alors qu'il exerçait des missions d'entretien sur le domaine public. L'intéressé, à qui son médecin traitant a délivré le lendemain un arrêt de travail pour " rechute des douleurs lombaires sur efforts imposés par sa hiérarchie malgré recommandations médecin du travail + burn out sur harcèlement " causés par cet événement, a été invité, par des courriers du maire des 22 aout et 22 octobre 2018, à détailler les faits à l'origine de l'accident. En réponse, M. B... a indiqué, dans un écrit non daté, que cet adjoint lui avait demandé d'arroser les fleurs dans le village et, qu'après l'avoir surveillé depuis son véhicule, ce dernier était venu l'agresser sans raison en lui indiquant qu'il ne se trouvait pas au bon endroit. M. B... aurait ensuite, selon ses propres déclarations, perdu ses moyens et se serait égaré dans le village.

11. Afin de démontrer l'imputabilité au service de cet accident, M. B... se prévaut, outre les avis de la commission de réforme, de nombreux éléments médicaux démontrant l'absence de prédisposition ou d'antécédent psychiatrique et l'existence d'une situation de travail dégradée au sein du service technique de la commune de Pont-de-Metz. Il produit à ce titre, en plus des divers certificats médicaux établis par son médecin traitant dans le cadre de ses arrêts travail successifs faisant état d'un " burn out " et d'une dépression majeure réactionnelle, plusieurs expertises médicales réalisées par des médecins spécialistes attestant de l'existence d'un état dépressif pour lequel il a d'ailleurs été hospitalisé en octobre et novembre 2019. Il ressort ainsi de l'expertise réalisée le 7 janvier 2020 par un professeur du pôle pathologie professionnelle et médecine du travail du centre hospitalier universitaire de Reims à la demande de la commission de réforme que M. B... " n'a pas d'antécédent psychiatrique avant son embauche (...). Il existe des témoignages concordants au nombre de trois confirmant un relationnel difficile entre l'agent et sa hiérarchie, permettant d'expliquer le syndrome anxiodépressif pour lequel il est suivi (...). De ce fait, il peut être considéré que les arrêts de travail à compter du 19/07/18 sont justifiés et à prendre en compte au titre du syndrome anxiodépressif en relation avec l'accident de travail déclaré le 19/07/2018 ". M. B... ajoute que ces conclusions ont été préalablement confirmées par l'expertise diligentée par l'assurance de la commune et réalisée par un médecin psychiatre le 20 juin 2019 selon laquelle les frais liés à sa pathologie psychiatrique sont à prendre en charge au titre de l'accident de service. M. B... se prévaut enfin de plusieurs attestations, signalements ou témoignages faisant état des tensions importantes au sein des services de la commune à l'origine de risques psychosociaux et d'accusations d'agissements constitutifs de harcèlement moral visant des élus et l'encadrement.

12. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles s'est déroulé cet événement, tel qu'il est relaté par M. B... dans ses écritures non datées et par l'adjoint aux travaux dans un rapport du 18 juillet 2018, permettraient de considérer que ce dernier aurait eu un comportement ou tenu des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique à l'origine de l'affection anxiodépressive dont il est atteint. En effet, hormis les déclarations de l'intéressé, ni les témoignages produits par l'appelant, ni les différentes expertises médicales dont il se prévaut, ne permettent de corroborer l'existence de l'agression dont le requérant dit avoir été victime ou la portée des propos échangés à cette occasion. A cet égard, il ressort de l'expertise initiale réalisée par un médecin rhumatologue le 21 janvier 2019 afin de se prononcer sur l'imputabilité au service de son accident du 23 mai 2018 ainsi que la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente de cet accident que M. B... a déclaré, après avoir relevé que son employeur ne respectait pas les préconisations de la médecine du travail en dépit de sa reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, avoir refusé d'utiliser une décolleuse de revêtement de sol et que " son employeur l'a " puni " en lui donnant une autre tâche et que " cela lui a provoqué un traumatisme psychique et qu'il errait dans le village ". En outre, ni l'expertise du 20 juin 2019 citée au point précédent, faisant état du développement progressif d'un syndrome anxiodépressif en raison de l'absence de prise en considération par sa hiérarchie des recommandations médicales et de relations conflictuelles avec un élu, contexte dans lequel l'intéressé a d'ailleurs déposé plainte auprès des services de la gendarmerie nationale le 17 juillet 2018, ni l'expertise du 7 janvier 2020 attestant de l'existence de difficultés relationnelles entre M. B... et sa hiérarchie au regard de trois témoignages concordants, ne permettent de préciser les circonstances et la consistance des faits dont le requérant dit avoir été victime le 18 juillet 2018. De même, le courrier établi le 7 novembre 2018 par son médecin psychiatre, s'il fait mention d'un état dépressif réactionnel causé par une situation conflictuelle avec sa hiérarchie depuis son recrutement, ne fait pas mention de cet accident.

13. Enfin, si M. B... fait également état d'agissements répétés qu'il estime être constitutifs d'une situation de harcèlement moral corroborée par des plaintes, des signalements et des témoignages d'autres collègues, d'un syndicat ou de certains membres de l'équipe municipale, une telle argumentation, qui pourrait être présentée à l'appui d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, est inopérante au soutien de son moyen tiré de l'erreur d'appréciation dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que sa demande tendait exclusivement à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 18 juillet 2018, et non de celle d'une maladie professionnelle.


14. Dans ces conditions, les faits qui se sont produits le 18 juillet 2018 ne peuvent être regardés comme caractérisant un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quel qu'en ait été le ressenti par l'agent. Par suite, nonobstant les conclusions des expertises médicales et l'avis favorable à l'imputabilité rendu par la commission de réforme, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le maire de Pont-de-Metz a méconnu les dispositions citées au point 8 en refusant de reconnaître l'existence d'un accident de service survenu le 18 juillet 2018 et, par suite, de regarder comme imputable au service le syndrome anxiodépressif pour lequel il a ensuite été placé en congé de maladie.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2020-183 du 20 octobre 2020 plaçant M. B... en congé de longue durée à plein traitement du 19 juillet 2018 au 18 juillet 2021 :

15. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 précitée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée (...) ".

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'a pas été victime d'un accident de service le 18 juillet 2018. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le tribunal, il n'établit pas que les troubles lombalgiques subis à compter de cette date seraient en lien avec l'accident de service du 23 mai 2018, alors qu'il présente par ailleurs une lombalgie chronique depuis 2015. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le maire l'a placé à tort en congé de longue durée à compter du 19 juillet 2018.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2020-184 du 20 octobre 2020 suspendant le versement de la nouvelle bonification indiciaire de M. B... à compter du 1er octobre 2020 :

17. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 93-863 du 18 juin 1993 relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique territoriale : " La nouvelle bonification indiciaire est attachée à certains emplois comportant l'exercice d'une responsabilité ou d'une technicité particulière. Elle cesse d'être versée lorsque l'agent n'exerce plus les fonctions y ouvrant droit " et aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est maintenu aux fonctionnaires dans les mêmes proportions que le traitement pendant la durée des congés mentionnés aux 1°, 2° et 5° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée susvisée ainsi qu'au 3° de ce même article tant que l'agent n'est pas remplacé dans ses fonctions ".

18. Le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée par ces dispositions ne constitue pas un avantage statutaire et n'est lié ni au cadre d'emplois, ni au grade, mais dépend seulement de l'exercice effectif des fonctions qui y ouvrent droit. Le congé de longue durée, prévu par les dispositions du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, bien que correspondant à l'une des positions d'activité du fonctionnaire, n'implique l'exercice effectif d'aucune fonction.

19. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B..., qui a bénéficié d'un congé de maladie du 19 juillet 2019 au 30 septembre 2020, a été placé, par un arrêté n° 2020-183 du 20 octobre 2020, en congé de longue durée non imputable au service à compter
du 19 juillet 2018 et jusqu'au 18 juillet 2021. Dès lors, le maire de la commune de Pont-de-Metz pouvait légalement suspendre le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire.

20. En second lieu, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement.

21. M. B... soutient que l'arrêté n° 2020-184 du 20 octobre 2020 méconnaît le principe de non rétroactivité des actes administratifs dès lors qu'il prend effet à une date antérieure à son édiction, soit à compter du 1er octobre 2020. Il ressort des pièces du dossier qu'à raison de ses fonctions, lui a été attribuée, à compter du 1er juillet 2015, une nouvelle bonification indiciaire de 10 points par un arrêté du 29 juin 2015. Or, s'agissant d'une décision créatrice de droit, la commune ne pouvait y mettre fin que pour l'avenir. A cet égard, la circonstance que M. B... a été placé dans une situation conservatoire dans l'attente de l'avis de la commission de réforme est sans incidence. Par suite, en conférant une portée rétroactive à sa décision, le maire de la commune de Pont-de-Metz a entaché sa décision d'illégalité.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2020-185 du 20 octobre 2020 suspendant le versement de l'indemnité de fonctions, sujétions et expertise (IFSE) de M. B... à compter du 1er octobre 2020 :

22. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que l'arrêté n° 2020-185 du 20 octobre 2020 doit être annulé en raison de l'illégalité des arrêtés des 17 juillet et 7 octobre 2020 en tant qu'ils refusent l'imputabilité au service de l'accident du 18 juillet 2018 ne peut qu'être écarté.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. (...) ".

24. Il ressort des pièces du dossier que l'IFSE a été instituée par la commune
de Pont-de-Metz à compter du 1er janvier 2018 par une délibération du conseil municipal du 16 novembre 2017. Il ressort des termes de l'article 2 de cette délibération relative à la mise en œuvre de l'IFSE et plus particulièrement de son paragraphe relatif à la modulation de l'IFSE du fait des absences que " En cas de congé de longue maladie et de longue durée le versement du régime indemnitaire est suspendu ". Or, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B..., qui a bénéficié d'un congé de maladie du 19 juillet 2019 au 30 septembre 2020, a été placé, par un arrêté n° 2020-183 du 20 octobre 2020, en congé de longue durée à compter du 19 juillet 2018. Dès lors, c'est à bon droit que le maire de la commune de Pont-de-Metz a suspendu le versement de l'IFSE.

25. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 20 et 21, M. B... est fondé à soutenir qu'en conférant une portée rétroactive à l'arrêté n° 2020-185 du 20 octobre 2020 suspendant le versement de son IFSE à compter du 1er octobre 2020, le maire de la commune de Pont-de-Metz a entaché sa décision d'une rétroactivité illégale.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés n° 2020-184 et n° 2020-185 du 20 octobre 2020, en tant qu'ils ont suspendu rétroactivement le versement de sa nouvelle bonification indiciaire et de son IFSE à compter du 1er octobre 2020. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

27. L'annulation, par le présent arrêt, des arrêtés n° 2020-184 et n° 2020-185 du 20 octobre 2020 en tant qu'ils suspendent rétroactivement le versement de la nouvelle bonification indiciaire et de l'IFSE alloués à M. B... implique qu'il soit fait injonction à la commune de Pont-de-Metz de lui verser les sommes dues à ce titre pour la période du 1er octobre 2020 au 20 octobre 2020 dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

28. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.








DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement nos 2002528, 2003511 du 28 novembre 2022 du tribunal administratif d'Amiens est annulé seulement en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés du 20 octobre 2020 en ce qu'ils ont suspendu rétroactivement le versement de sa nouvelle bonification indiciaire et son indemnité de fonctions, sujétions et expertise, à compter du 1er octobre 2020.

Article 2 : Les arrêtés du 20 octobre 2020 du maire de la commune de Pont-de-Metz portant suspension du versement de la nouvelle bonification indiciaire et de l'indemnité de fonctions, sujétions et expertise de M. B... sont annulés en tant seulement qu'ils fixent leur entrée en vigueur au 1er octobre 2020.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Pont-de-Metz de verser à M. B... un rappel des sommes dues au titre de la nouvelle bonification indiciaire et de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, pour la période du 1er octobre 2020 au 20 octobre 2020 dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune
de Pont-de-Metz.


Délibéré après l'audience publique du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025.
Le président-assesseur,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
La présidente de chambre,
Présidente-rapporteure,




Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Marécalle
La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Marécalle
1
2
N° 23DA00109
1
3
N°"Numéro"