La « maison des invalides », réparation du monde combattant

Publié le : 08/09/2023

Grands blessés au combat, anciens résistants, victimes d’attentat… L’Institution nationale des Invalides soigne et accompagne ses pensionnaires et ses blessés de guerre, sur les plans physique et psychique. Dans ce lieu de mémoire et de réparation, l’esprit de corps rythme les journées des résidents.

© Florian Szyjka/Dicod/Défense

Le caporal-chef Kevin (à gauche) et le général Christophe de Saint Chamas (à droite) - © Florian Szyjka/Dicod/Défense

« Je me sens bien ici. J’ai plein d’amis, surtout des hommes ! » Privée de l’usage de ses deux jambes depuis un bombardement en 1944, Marie-Thérèse, 81 ans, n’a jamais perdu son sens de l’humour. Installée dans une salle de l’Institution nationale des Invalides (INI), décorée ce jour-là aux couleurs des fêtes de fin d’année, elle semble particulièrement bien accompagnée. « J’ai tenté de rester seule chez moi le plus longtemps possible, mais cela devenait dangereux. Maintenant, l’INI, c’est ma maison pour la vie », ajoute celle qui se sent ici chez elle depuis juin 2021. À ses côtés, John, un fantassin de 48 ans. Victime d’un traumatisme crânien en service, il a rejoint les autres pensionnaires il y a un an. « J’ai subi de nombreuses interventions, le moral en a pris un coup. L’Institution m’a sauvé la vie. Je ne pense plus à mon passé. Tous les 15 jours, je pratique l’équitation à l’École militaire. Les encadrants m’aident à relativiser. »

À l’image de Marie-Thérèse ou de John, l’INI tire sa richesse de la diversité de ses pensionnaires. Le centre qui les accueille est sa raison d’être depuis sa création en 1674 sous Louis XIV. Composé de 80 lits, il est destiné aux grands invalides titulaires d’une pension militaire d’invalidité[1] et il héberge aussi bien des anciens combattants que des victimes de guerre, toutes générations confondues. « Les Invalides ont été construits pour accueillir des invalides. En tant que frère d’armes, mon rôle est d’exprimer la gratitude du chef de l’État et la fierté de la Nation envers tous ceux qui habitent ce lieu », souligne le général Christophe de Saint Chamas, gouverneur des Invalides.

« Des histoires hors du commun »

Assis au fond de la pièce, le caporal-chef Kevin, 33 ans, est le plus jeune pensionnaire – le doyen a plus de 100 ans. Il a intégré l’INI il y a 12 ans, après avoir reçu une balle dans la tête en Afghanistan. Tétraplégique, cet ancien légionnaire a fait de l’établissement sa maison : « Je suis bien entouré. J’ai désormais une autre famille. De nombreuses activités nous sont proposées : football, voyages à la montagne… » Pour rendre la vie des pensionnaires la moins monotone possible, le cercle sportif de l’INI propose en effet de multiples activités. Offrir un séjour au ski à Kevin est, par exemple, le fruit de belles synergies entre équipes soignantes et moniteurs de sport.

Actuellement, trois médecins et leur équipe paramédicale s’occupent à temps plein de ces pensionnaires. « Ils leur apportent un soutien physique et psychique. Le but est de rendre leur parcours de vie plus confortable. L’engagement et le dévouement du personnel soignant sont très particuliers », indique le médecin général Rémi Macarez, directeur de l’INI. « Le soutien moral est aussi important que les soins de confort, appuie Fatima, l’une des aides-soignantes. Ce sont des patients spécifiques avec des histoires hors du commun. C’est une chance de passer du temps avec eux. »

Pôle d’excellence

Sous tutelle du Secrétariat général pour l'administration du ministère des Armées, l’INI, forte de plus de 400 employés – en majorité civils –, est un établissement public de santé spécialisé plus globalement dans la prise en charge des blessés de guerre et du grand handicap. Au bout du couloir où Marie-Thérèse et John se détendent, plusieurs patients du centre de réhabilitation post-traumatique (CRPT), la deuxième des trois composantes de l’établissement (voir « Le saviez-vous » ci-dessous), sont ainsi pris en charge par une équipe riche d’une grande expertise[2]. La mission de cette équipe : élaborer et mettre en œuvre le projet de soins personnalisé de chaque patient. Contrairement aux pensionnaires, les « hospitalisés », militaires ou civils, espèrent se reconstruire et regagner au mieux leur autonomie afin de quitter les Invalides et de retrouver leur quotidien. Avec près de 80 lits, ce centre de réhabilitation dispose notamment d’un plateau technique de rééducation fonctionnelle et d’une piscine thérapeutique. Chaque patient y bénéficie d’un parcours de soins dédié pouvant durer plusieurs mois, voire des années. « La spécificité des hôpitaux est la prise en charge immédiate. Les Invalides sont, eux, destinés aux prises en charge plus longues pour des handicaps plus lourds. Cette charge nécessite une énergie et une offre de soins plus importantes », rappelle le médecin général Macarez.

© Florian Szyjka/Dicod/Défense

Au centre de réhabilitation post-traumatique, le caporal Nathan réalise sa séance de kinésithérapie - © Florian Szyjka/Dicod/Défense

Parmi les patients du CRPT, le capitaine Ab. Percuté par un véhicule au Congo-Brazzaville en septembre 2022, il a subi de multiples fractures. Jusqu’à sa sortie, séances de kinésithérapie et de balnéothérapie rythmeront ses journées. « Dès mon premier jour, le gouverneur et des représentants d’autres organismes du ministère des Armées m’ont accueilli. L’esprit de cohésion règne en permanence ici, raconte ce militaire âgé d’une quarantaine d’années. Cet établissement n’est pas un hôpital. Nous sommes plus libres. Mes proches viennent me voir régulièrement. Nous sommes entourés et rassurés. Cela nous permet de garder le moral. C’est comme si j’étais déjà guéri. » Son infirmière, Aurélia, n’est d’ailleurs jamais bien loin pour soutenir son patient. « Nous sommes proches d’eux. L’Institution est comme une maison, l’ambiance est familiale », se félicite-t-elle.

Sur le plateau technique, le capitaine Ab retrouve son équipe soignante et d’autres patients, comme le caporal Nathan, 24 ans, paraplégique. « Le personnel médical est très attentif à nos besoins. Il y a une bonne entente, c’est facile de créer du lien », confirme ce dernier. L’INI tient effectivement à ne pas devenir une maison de retraite ou un simple centre de rééducation, mais bien un lieu unique. « Les patients sont chez eux. Ils bénéficient des meilleurs soins tout en vivant leur vie comme ils l’entendent », assure le médecin général Macarez. « Nous restons un établissement de santé. Nous travaillons régulièrement avec les hôpitaux et les centres de recherche afin de toujours améliorer la qualité des soins prodigués aux patients. Pour satisfaire à cette exigence partagée par toutes nos équipes soignantes, administratives, techniques et logistiques, nous devons sans cesse chercher à avoir une longueur d’avance et ne jamais être figés. »

Par Margaux Bourgasser.

 

[1] Au moins 85 % d’invalidité au titre de l’article L.36 – blessure de guerre – ou L.37 – blessure en service – du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

[2] Médecins spécialistes de médecine physique et de réadaptation, psychiatres, « kinés », ergothérapeutes, psychomotriciennes, psychologues, orthophonistes, neuropsychologues, diététiciennes ou encore assistantes sociales.

Le saviez-vous ? 

Outre le centre des pensionnaires et le centre de réhabilitation post-traumatique, l’INI se compose du centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés (CERAH). Situé à Créteil, dans le Val‑de‑Marne, et à Woippy, en Moselle, il a pour mission l’innovation et la recherche en matière de handicap moteur dans son versant appareillage (fauteuils roulants et prothèses bioniques).

À la faveur d’un projet d’infrastructure d’ampleur, l’INI accueille l’antenne parisienne du CERAH sur son site depuis cet été. La réunion en ce lieu emblématique des chercheurs et des équipes soignantes a encore intensifié les collaborations en termes de recherche et d’innovation.

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