Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 24/10/2023, 21TL23779, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse : 1°) d'annuler la décision du 16 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté ses demandes tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " état de stress post-traumatique " au taux d'invalidité aggravé de 40%, à la révision pour aggravation et au renouvellement de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse du ligament latéral externe de la cheville droite " et à l'ouverture de ses droits à pension militaire d'invalidité au titre des infirmités " séquelles de traumatisme au pouce droit " et " lombalgies " et de réviser et d'ouvrir ses droits à pension au titre de ces quatre infirmités à compter du 29 janvier 2018, date de sa demande ; 2°) d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire du 25 octobre 2019 du docteur D..., médecin mandaté par le tribunal des pensions ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1907022 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'ouverture des droits à pension militaires d'invalidité présentées par M. C... au titre de l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a annulé la décision du ministre des armées du 16 octobre 2018 en tant, d'une part, qu'elle refuse à l'intéressé le maintien de ses droits à pension au titre de l'infirmité " séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite " et, d'autre part, qu'elle rejette sa demande tendant à l'ouverture de ses droits à pension au titre de l'infirmité " lombalgies ", a ouvert les droits à pension militaire d'invalidité de l'intéressé au titre de ces deux infirmités au taux d'invalidité fixé à 10% pour chacune d'entre elles, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 600 euros au titre des frais d'expertise et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 24 septembre 2021, sous le n° 21BX03779 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23779, et un mémoire enregistré le 15 avril 2022, le ministre des armées demande à la cour de réformer le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a maintenu à M. C... un taux d'invalidité de 10% au titre des " séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite " et lui a accordé un taux d'invalidité de 10% au titre des " lombalgies ". Il soutient que : - le jugement est entaché d'erreur d'appréciation en ce qu'il estime que les séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite se sont maintenues au taux d'invalidité de 10%, alors que cette infirmité s'est légèrement améliorée par rapport aux constatations effectuées le 2 mai 2017 ; - le tribunal a méconnu l'autorité de la chose décidée se rattachant à la fiche descriptive des infirmités du 16 octobre 2017 en estimant que l'accident de service du 7 février 2008 constituait un fait précis susceptible d'ouvrir droit à une pension d'invalidité au taux de 10% au titre des lombalgies, alors que M. C... n'a pas contesté cette décision devenue définitive ; en tout état de cause, compte-tenu d'une part imputable de 5% au titre de son état antérieur, il ne peut bénéficier d'une pension d'invalidité au titre de cette infirmité. Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 décembre 2021 et 17 mai 2022, M. B... C..., représenté par Me Tucoo-Chala, demande : 1°) de confirmer le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'ouverture de ses droits à pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a annulé la décision du ministre des armées du 16 octobre 2018 en tant, d'une part, qu'elle lui refuse le maintien de ses droits à pension au titre de l'infirmité " séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite " et, d'autre part, qu'elle rejette sa demande tendant à l'ouverture de ses droits à pension au titre de l'infirmité " lombalgies ", et a ouvert ses droits à pension militaire d'invalidité au titre de ces deux infirmités au taux d'invalidité de 10% pour chacune d'entre elles ; 2°) par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement du 6 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté sa demande présentée au titre des " séquelles de traumatisme au pouce droit ", d'annuler la décision du 16 octobre 2018 et de fixer à 10% le taux de cette infirmité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - l'aggravation de son infirmité au titre des séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite est manifeste, cette infirmité doit en tout état de cause être maintenue au taux de 10% ; - s'agissant de l'infirmité au titre des lombalgies, le ministre ne produit pas le justificatif de notification de l'arrêté du 16 octobre 2017 ; de plus, la demande de renouvellement temporaire ayant donné lieu à cet arrêté ne saurait revêtir autorité de la chose jugée alors qu'il devait solliciter le renouvellement de ses droits avant l'expiration de la période temporaire ; en outre, la décision contestée n'est pas motivée sur la fiche descriptive des infirmités du 16 octobre 2017 mais sur un taux d'invalidité inférieur à 10%, après expertise réglementaire ; - un taux de 10% doit lui être attribué au titre des séquelles de traumatisme du pouce droit, ainsi que l'a défini l'expert judiciaire. Par ordonnance du 28 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2022. Vu : - le jugement du 25 juin 2019 du tribunal des pensions de Toulouse annulant la décision ministérielle du 16 octobre 2018 en ce qu'elle refuse de constater l'aggravation de l'infirmité " état de stress post-traumatique ", ordonnant au ministre des armées de liquider à compter du 29 janvier 2018 la pension d'invalidité concédée à M. B... C... à raison de cette infirmité au taux de 40% et ordonnant avant dire droit une expertise médicale ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 11 décembre 1976, qui s'est engagé dans l'armée de terre le 1er mars 2000, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée à titre temporaire par arrêté du 16 octobre 2017 au taux global de 45%, au titre de " Etat de stress post-traumatique. Troubles du sommeil. Irritabilité. Etat d'alerte. Claustrophobie. Anxiété et angoisses réactivées par des scènes en rapport avec la guerre. Dysfonction érectile " au taux de 30%, et au titre de " Séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite avec petit arrachement osseux de la face dorsale du tarse et séquelles de fracture du 2ème et 3ème cunéiforme sur antécédent de fracture du 3ème métatarsien. Boiterie. Instabilité. Douleurs. Diminution de 10° de la flexion dorsale de la cheville droite. Sensibilité Lisfranc et Chopart sans atteinte de la mobilité du pied. Taux global 12% dont 2% non imputable taux antérieur " au taux de 10%. Le 29 janvier 2018, M. C... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités pensionnées, renouvellement de son infirmité n° 2 et prise en compte d'infirmités nouvelles. Par une décision du 16 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté ses demandes. M. C... a demandé au tribunal régional des pensions militaires de Toulouse d'annuler cette décision. Par jugement du 25 juin 2019, ledit tribunal a annulé la décision du 16 octobre 2018 en ce qu'elle refuse de constater l'aggravation de l'infirmité " Etat de stress post-traumatique ", ordonné au ministre des armées de liquider à compter du 29 janvier 2018 la pension d'invalidité concédée à M. C... à raison de cette infirmité au taux de 40% et ordonné avant dire droit une expertise médicale, avant de transmettre la demande de l'intéressé au tribunal administratif de Toulouse en application du décret du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité. L'expert a rendu son rapport le 25 octobre 2019. Par un jugement du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'ouverture des droits à pension militaires d'invalidité présentées par M. C... au titre de l'infirmité " Etat de stress post-traumatique ", a annulé la décision du ministre des armées du 16 octobre 2018 en tant, d'une part, qu'elle refuse à l'intéressé le maintien de ses droits à pension au titre de l'infirmité " Séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite " et, d'autre part, qu'elle rejette sa demande tendant à l'ouverture de ses droits à pension au titre de l'infirmité " Lombalgies ", a ouvert les droits à pension militaire d'invalidité de l'intéressé au titre de ces deux infirmités au taux d'invalidité fixé à 10% pour chacune d'entre elles et a rejeté le surplus de sa demande. Le ministre des armées demande de réformer le jugement du 6 juillet 2021 en tant qu'il a maintenu à M. C... un taux d'invalidité de 10% au titre des " Séquelles d'entorses du ligament latéral externe de la cheville droite " et lui a accordé un taux d'invalidité de 10% au titre des " Lombalgies ". M. C... demande, par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande présentée au titre des " séquelles de traumatisme au pouce droit " et de fixer à 10% le taux de cette infirmité. 2. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. ". Il résulte de ces dispositions que c'est à cette date qu'il faut se placer pour évaluer le taux des infirmités à raison desquelles la pension ou sa révision est demandée. Sur l'appel principal : En ce qui concerne l'infirmité " séquelles d'entorses du ligament externe de la cheville droite " : 3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-5 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10% ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; ". Aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " La pension a un caractère définitif lorsque l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. A défaut, la pension est concédée pour trois ans et peut être convertie en pension définitive dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " A l'issue du délai de trois ans, pour la ou les infirmités résultant uniquement de blessures, la situation du pensionné doit être définitivement fixée : / 1° Soit par la conversion de la pension temporaire en pension définitive à un taux supérieur, égal ou inférieur. / 2° Soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au minimum indemnisable de 10%, par la suppression de la pension. ". 4. Aux termes de l'article L. 125-1 du même code : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. ". Aux termes de l'article L. 125-3 du même code : " (...) L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité. (...) ". Aux termes de l'article L. 125-5 du même code : " Lorsqu'il s'agit d'amputations ou d'exérèses d'organe, les pourcentages d'invalidité figurant aux barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 sont impératifs. / Dans les autres cas, ils ne sont qu'indicatifs. ". 5. Il résulte de l'instruction que M. C..., qui a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée à titre temporaire jusqu'au 15 juillet 2018 au titre de l'infirmité résultant de ses séquelles d'entorse à la cheville droite, a sollicité le renouvellement de cette infirmité ainsi que sa révision pour aggravation. Pour remettre en cause le taux d'invalidité de 10% imputable au service tel que retenu par les premiers juges, le ministre des armées soutient que l'état de M. C... s'est amélioré depuis le rapport d'expertise du docteur E... du 2 mai 2017. Il résulte cependant des rapports d'expertise rendus par les docteurs A... et D..., respectivement mandatés par l'administration et par le tribunal régional des pensions militaires de Toulouse établis les 14 juin 2018 et le 25 octobre 2019, ainsi que de l'avis rendu par le médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale le 17 février 2020, que M. C... conserve une perte de flexion dorsale de la cheville droite de 10°, outre une restriction de mobilité avec boiterie à la marche ainsi que des douleurs très intenses à la mobilisation du médio-pied. Ainsi, à supposer même que son périmètre de marche, qui était estimé entre 5 et 6 kilomètres lors de l'expertise du 2 mai 2017, ait été porté à 8 kilomètres, ainsi qu'il est mentionné dans l'expertise du 14 juin 2018 et contesté par M. C..., le tableau clinique de ses séquelles et, en particulier la gêne fonctionnelle objectivée en résultant pour l'intéressé se sont maintenus à un taux d'invalidité qui doit toujours être évalué à 12%, dont 2% sont imputables à un état antérieur tiré d'un antécédent de fracture du pied droit en 1992. Il résulte par ailleurs de l'instruction, d'une part, que les séquelles dont reste atteint M. C..., sont imputables de façon directe, certaine et déterminante à hauteur de 10% d'invalidité aux accidents de service des 22 janvier 2001, 3 septembre 2002 et 7 juin 2009 par lesquels il s'est foulé à plusieurs reprises la cheville droite en trébuchant ou en courant et, d'autre part, que ces accidents ainsi décrits sont constitutifs de blessures au sens du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a ordonné le maintien des droits à pension militaire d'invalidité de M. C... en prenant en compte un taux de 10% au titre de l'infirmité résultant de ses séquelles d'entorse à la cheville droite. En ce qui concerne l'infirmité " lombalgies " : 6. La circonstance que, par une décision du 16 octobre 2017 prise au titre de ses droits à pension temporaire qui n'a pas été contestée en tant qu'elle rejetait la demande de M. C... présentée au titre de ses lombalgies, la ministre des armées a rejeté la prise en compte de cette infirmité au motif que le taux d'invalidité imputable au service était inférieur à 10%, ne saurait faire obstacle à ce que l'intéressé conteste la décision, qui a un objet différent dès lors qu'elle statue sur l'ouverture de ses droits à pension définitive ainsi que sur la prise en compte d'éléments d'aggravation ayant fait l'objet d'une nouvelle expertise. Par suite, le ministre des armées ne peut utilement se prévaloir d'une " autorité de la chose décidée " de ce motif. 7. Il résulte de l'instruction que si la ministre des armées a estimé, conformément aux avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et de la commission consultative médicale ainsi qu'aux conclusions du rapport d'expertise du docteur A..., que le taux d'invalidité résultant des lombalgies était, à la date de sa demande, inférieur au minimum indemnisable de 10% en raison d'un état antérieur, tant les conclusions du docteur F..., que celles de ..., tous deux rhumatologues, évaluent le taux d'invalidité de M. C... à 10% imputable au service sans état antérieur. Selon ..., qui se fonde sur l'ensemble des pièces figurant au dossier médical de M. C..., celui-ci subit des séquelles lombaires consistant, d'une part, en la survenance régulière et handicapante d'épisodes de lombosciatalgies, douleurs lombaires irradiant dans le membre inférieur gauche, résultant d'une discopathie marquée à l'étage lombaire L4-L5 et, d'autre part, en une restriction de sa mobilité et de sa force qui l'empêche de maintenir de manière prolongée les positions assise et debout et lui rend difficile le port de charges lourdes. Il résulte de l'instruction que ces séquelles sont en lien direct, certain et déterminant avec l'accident de service subi le 7 février 2008 lors d'un parcours de brancardage au cours duquel M. C... a ressenti, de manière soudaine et intense, des lombalgies aiguës et à la suite duquel lui a été diagnostiquée la discopathie L4-L5 qui en est responsable. S'il résulte des mentions du livret médical de l'intéressé que celui-ci présentait, antérieurement à l'accident litigieux, des antécédents de lumbago en octobre 2004 et en février 2008, de lombalgies à partir de 2006 ainsi qu'une discrète inflexion lombaire diagnostiquée en mars 2006, les deux rapports d'expertise établis par des médecins spécialistes du rachis font mention de ces antécédents en écartant tout lien de causalité avec les séquelles en litige au motif qu'aucune anomalie discale n'avait à leur suite été diagnostiquée. Par suite, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a ordonné le maintien des droits à pension militaire d'invalidité de M. C... en prenant en compte un taux de 10% au titre de l'infirmité résultant de ses lombalgies. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a ouvert des droits à pension militaire d'invalidité de M. C... au titre des infirmités " séquelles d'entorses du ligament externe de la cheville droite " et " lombalgies " au taux fixé à 10% pour chacune d'entre elles. Sur l'appel incident : En ce qui concerne l'infirmité " état de stress post-traumatique " : 9. Si M. C... demande de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'ouverture de ses droits à pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " état de stress post-traumatique " au motif que, par un arrêté du 23 septembre 2019, la ministre des armées lui a ouvert des droits à pension au titre de cette infirmité au taux d'invalidité de 40% de manière rétroactive, le ministre ne conteste pas le non-lieu à statuer ainsi prononcé par les premiers juges. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de traumatisme au pouce droit " : 10. Il résulte de l'instruction que M. C... a été victime d'un accident le 14 janvier 2011, en chutant dans les escaliers, à la suite duquel il conserve des séquelles de la fracture articulaire de la base du 1er métacarpien du pouce droit dont il a été victime. Celles-ci consistent en une limitation de la mobilité de son pouce, en particulier du contact entre sa paume et son pouce, associée à une diminution de force et de préhension dans la pince index-pouce, liée à un empâtement persistant de l'articulation trapézo-métarcapienne, qui justifient l'usage intermittent d'orthèses de repos et d'effort. ... évalue à 10% le taux d'invalidité en résultant pour l'intéressé à la date de sa demande. Toutefois, les mentions du guide-barème annexé au code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre qui, en application des dispositions précitées au point 4, doivent servir de fondement à l'évaluation du taux d'invalidité observé, ne prévoient la fixation d'un taux d'invalidité de 10%, correspondant au maximum pouvant être fixé au titre des " raideurs articulaires et ankyloses partielles du pouce droit ", que pour des raideurs et ankyloses touchant à la fois " l'articulation inter-phalangienne et métacarpo-phalangienne ". Il résulte cependant des termes du rapport d'expertise du docteur A...du 14 juin 2018 que " la mobilisation de l'articulation métacarpo-phalangienne " du requérant est " sensiblement normale ". Ainsi, selon cet expert, l'extension et l'abduction sont légèrement limitées au niveau de l'articulation du pouce droit mais les autres mobilisations sont réalisables, et il relève une diminution de la force et de la préhension dans la pince au niveau du pouce droit avec gène dans certains mouvements du pouce. ... relève de son côté la persistance de phénomènes douloureux du pouce droit associés à une réaction de mobilité, une diminution d'ouverture de la première commissure de 60° à droite et 80° à gauche mais relève que l'opposition du pouce avec les doigts reste cependant possible et que la mobilité du poignet est normale. Alors que ledit guide-barème prévoit que le taux d'invalidité résultant d'une telle infirmité peut évoluer de 0% à 10% selon la mobilité du pouce conservée par le demandeur, la gêne fonctionnelle induite par les séquelles subies par M. C... à son pouce droit, si elle témoigne de restrictions de mobilité qui rendent douloureux l'accomplissement de gestes quotidiens, tels que l'écriture d'une lettre ou l'utilisation d'un marteau, ne caractérise pas une limitation critique de la mobilité de son pouce droit qui serait susceptible de justifier l'attribution du taux maximal de 10%, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges. 11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. C... par la voie de l'appel incident doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées et les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. C... sont rejetés. Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL23779 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT01453, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, tout d'abord, d'annuler la décision du 20 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour un " état de stress post-traumatique ", ensuite de fixer le libellé de l'infirmité comme " état de stress post-traumatique avec grave syndrome anxio-dépressif. Douleur morale intense, cauchemars, ecmnésie " et le taux d'invalidité à 60 pour cent imputable aux évènements qu'il a vécus en République Centrafricaine, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 1905903 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 20 décembre 2018 et a jugé qu'une pension d'invalidité est concédée, à titre temporaire, à M. A... au taux de 35 pour cent pour l'infirmité " Syndrome anxio-dépressif avec éléments traumatiques organisés en névrose. Cauchemars, ecmnésie ", blessure imputable au service. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... ; Il soutient que : - les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation des éléments du dossier ; les troubles psychologiques décrits dans l'examen et dans la discussion du rapport d'expertise décrivent une prédominance des troubles anxio-dépressifs sur les éléments signant un psychosyndrome post-traumatique ; les attestations ne permettent pas d'accréditer les faits exposés par M. A... ; les faits du dossier ne permettent pas de déterminer l'origine réelle des événements psychotraumatiques d'autant qu'à l'origine il avait été prise en charge pour une dépression lié à l'état de santé fortement dégradé de sa mère ; - c'est par une erreur d'appréciation que le tribunal a attribué aux seuls événements centrafricains l'état psychique de M. A... alors que les faits générateurs relèvent de ses seules allégations ; en reconnaissant au titre des troubles psychiques une imputabilité au service par présomption, le tribunal a commis une erreur de droit. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2022, M. A..., représenté par Me Jeudi, demande à la cour : 1°) de rejeter de la requête de la ministre des armées ; 2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a limité au taux de 35 pour cent la pension pour l'infirmité " Etat de stress post traumatique " ; 3°) de fixer son taux d'invalidité à 60% pour l'infirmité résultant d'un " Etat de stress post traumatique " ; 4°) le rappel des arrérages à compter de la date de sa demande, soit le 21 décembre 2016, au taux de 60% pour l'infirmité " Etat de stress post traumatique ", subsidiairement au taux de 40%, sous réserve d'une appréciation plus favorable d'un expert judiciaire ; 5°) que les sommes qui lui sont dues portent intérêts ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens présentés par la ministre des armées ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret du 10 janvier 1992 NOR : ACVP9120015D ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique ; - et les observations de Me Jeudi, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 4 avril 1991, a effectué sa carrière militaire comme caporal dans l'Armée de Terre du 2 février 2010 au 10 novembre 2015, date de radiation des contrôles à l'issue de plusieurs périodes de congés de longue durée pour maladie. Il a présenté, le 20 décembre 2016, une demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité résultant d'un " état de stress post-traumatique apparu le 6 juillet 2011 en République Centrafricaine. ". Par une décision du 20 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes devenu compétent par détermination de la loi. Par un jugement du 17 janvier 2022, cette juridiction a annulé la décision ministérielle du 20 décembre 2018 et a jugé qu'une pension d'invalidité devait être concédée, à titre temporaire, à M. A... au taux de 35 pour cent pour l'infirmité " Syndrome anxio-dépressif avec éléments traumatiques organisés en névrose. Cauchemars, ecmnésie ", blessure imputable au service. 2. La ministre des armées relève appel de ce jugement du 17 janvier 2022 et conclut au rejet de la demande présentée par M. A.... Ce dernier, quant à lui, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation, d'une part, du jugement attaqué en tant qu'il a limité au taux de 35 pour cent l'infirmité " Etat de stress post traumatique " et à la fixation de ce taux à 60 pour cent, subsidiairement au taux de 40%, sous réserve d'une appréciation plus favorable d'un expert judiciaire, d'autre part, à ce que lui soit versés les arrérages de la pension calculée sur ces bases à compter du 21 décembre 2016. Sur l'appel principal et la légalité de la décision ministérielle : 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code dans sa rédaction applicable à la date à laquelle l'infirmité a été constatée : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". 4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. 5. Enfin, selon le guide-barème annexé au décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre, chapitre 1er, section D : " Dans les cas des névroses traumatiques de guerre, les difficultés pour l'établissement de la preuve peuvent résulter, d'une part, du fait que les sujets se confient parfois très difficilement à autrui, fût-il médecin, et, d'autre part, parce que le constat se fait avec des délais d'apparition assez souvent retardés. Il s'ensuit que l'expertise médicale peut accéder au rang d'élément parfois décisif de preuve, fondée sur la rigueur de l'argumentation ". Par ailleurs, la névrose traumatique de guerre doit, selon la section A du chapitre 2, relatifs aux états cliniques de l'annexe au décret du 10 janvier 1992, être considérée comme une blessure. 6. Pour rejeter, par la décision contestée du 20 décembre 2018, la demande de pension sollicitée par M. A... pour l'infirmité " Syndrome anxio-dépressif avec éléments traumatiques organisés en névrose. Cauchemars, ecmnésie ", la ministre des armées s'est fondée sur le fait que l'infirmité n'est pas imputable au service car elle résulte d'une initiative personnelle sans lien avec le service et que les événements traumatisants rapportés ne peuvent être corroborés par la hiérarchie dans la mesure où ils se sont déroulés à l'extérieur du quartier alors qu'aucune autorisation de sortie n'a été donnée par le commandement et qu'aucun compte rendu de l'acte délictuel n'a été signalé. 7. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui appartenait au régiment de marche du Tchad, un des deux régiments d'infanterie des Troupes de Marine, était en opération extérieure en République Centrafricaine entre le 10 mars et le 6 juillet 2011. L'expert, médecin psychiatre des hôpitaux qui l'a examiné le 9 mai 2018, après avoir décrit et qualifié médicalement les symptômes de son infirmité (état de stress post-traumatique) indique, s'appuyant sur le récit précis de l'intéressé, que ce militaire a été victime de stress psychique lors de son séjour en République Centrafricaine - en particulier lors de la tournée de province à Boda - " lors du viol d'une enfant par des militaires centrafricains auquel il a dû assister sous la menace d'armes ". Cet expert a ainsi constaté un stress post-traumatique - diagnostic déjà établi par le certificat médical de la psychiatre de l'hôpital d'instruction des armées de Brest - et s'il a également relevé l'existence d'un syndrome anxio-dépressif intense, il précise cependant sans ambiguïté que l'état de stress post-traumatique n'est imputable qu'à l'évènement de 2011 vécu en République Centrafricaine, concluant à un taux d'invalidité de 35 %. Dès lors, s'il est exact, et comme le souligne la ministre des armées qui invoque, ce faisant, " un état antérieur ", que dès le début de l'année 2014, M. A... a déclaré un état anxio-dépressif dans les suites d'une maladie grave subie par sa mère, il ne ressort pas de l'examen des éléments médicaux versés au dossier, contrairement à ce que soutient de nouveau devant la cour la ministre des armées, que les troubles dont souffre ce militaire " décriraient une prédominance des troubles anxio-dépressifs sur les éléments signant un psychosyndrome post-traumatique ". Ainsi si le livret militaire de l'intéressé retrace effectivement un épisode dépressif lié à une situation familiale en 2013, l'expert indique toutefois que M. A... avait d'abord attribué son état à une réaction face à la grave maladie de sa mère mais qu'il s'agissait en fait d'un premier état du discours de l'intéressé, alors que la cause de son mal-être était tout autre, avant de conclure à l'imputabilité de l'état psychique de M. A... aux seuls évènements centrafricains. Les différentes attestations versées aux débats - émanant d'un de ses collègues devenu gendarme, d'un sous-officier adjoint de la section à laquelle il appartenait et d'un militaire du rang - qui font état de faits semblables vécus par d'autres militaires ou portés à leur connaissance, sont suffisamment circonstanciées, précises et documentées pour conforter le récit de M. A.... L'événement relaté par M. A..., à l'origine du constat médical d'état de stress post-traumatique, qui s'inscrit dans un contexte particulier d'exactions rapportées par des témoignages concordants, doit être regardé comme suffisamment précis. L'affection qui en résulte et dont il souffre doit être considérée comme une blessure au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors applicable, rappelé au point 2. Si la ministre des armées fait valoir enfin que les évènements rapportés par M. A... ne sont pas survenus en service puisque ce dernier indique qu'il venait de finir son tour de garde et qu'il a suivi l'un des militaires centrafricains hors du camp français malgré les ordres contraires, de telles circonstances, si elles pouvaient justifier alors, le cas échéant, une mesure disciplinaire, n'ont pas été de nature à constituer une faute détachable de nature à couper le lien avec le service, s'agissant d'évènements survenus durant une mission militaire au cours d'une opération extérieure et, plus spécifiquement, en situation de tournée loin de la base. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. A..., qui ne peut bénéficier d'aucun régime de présomption, doit être regardé comme rapportant la preuve d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection dont il souffre, laquelle est en lien avec l'informité invoquée. La ministre des armées a en conséquence commis une erreur d'appréciation en rejetant, par la décision contestée du 20 décembre 2018, la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. A... le 20 décembre 2016. Sur l'appel incident et la fixation du taux de la pension militaire d'invalidité : 8. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur au moment de la demande de pension : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Aux termes du guide barème annexé au décret du 10 janvier 1992 cité ci-dessus, chapitre 3, le " taux d'invalidité à évaluer en fonction de l'intensité du syndrome de répétition, notamment des troubles du sommeil et de la gêne provoquée par les autres symptômes " et " en matière de troubles psychiques, ces pourcentages seront utilisés comme un code. Les éléments de celui-ci constituent une échelle nominale, dont les différents termes reçoivent à la fois une définition précise et explicite, s'appuyant sur des critères simples et généraux définissant le niveau d'altération du fonctionnement existentiel. / Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : / - absence de troubles décelables : 0 p. 100 ; / - troubles légers : 20 p. 100 ; / - troubles modérés : 40 p. 100 ; / - troubles intenses : 60 p. 100 ; / - troubles très intenses : 80 p. 100 ; - destruction psychique totale avec perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société : 100 p. 100. (...) / Les critères développés ci-dessous correspondent à des situations assez typiques et moyennes reflétant la démarche clinique qui est surtout globalisante et ne procède jamais par des estimations à 5 p. 100 près, mais par niveau de 20 p. 100 sur l'échelle nominale. Ils offrent toute liberté à l'expert pour proposer des pourcentages intermédiaires, dans la mesure où tel cas particulier se situerait entre deux niveaux. ". 9. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'alors que l'expert psychiatre a, au terme du diagnostic porté sur l'état de santé de M. A..., retenu un état de " stress post traumatique ", il a fixé un taux d'invalidité de 35% sans justifier ce pourcentage et ce, sans référence notamment aux barèmes indicatifs applicables aux pensions militaires qui proposent pour des troubles modérés un taux 40 p. 100 et de 60 p. 100 pour des troubles intenses. D'autre part, il résulte de l'instruction, qu'à la date de la demande de pension militaire du 21 décembre 2016, l'état général de M. A... est affecté par les effets secondaires des traitements chimiques qui lui sont administrés - traitement psychotrope composé d'un antidépresseur (Brintillix), d'un anxiolytique (Seresta) et un neuroleptique (Loxapac) -, M. A... étant également pris en charge par un psychiatre et un psychologue. Il est constant que son projet professionnel chez les pompiers a dû être abandonné en raison de la dégradation de son état psychique. L'expert psychiatre relève, le 9 mai 2018, dans son rapport : " qu'il a été hospitalisé à quatre reprises en milieu psychiatrique (chaque hospitalisation a duré une semaine et la dernière date d'il y a six mois) ". Les manifestations symptomatologiques liées au syndrome post-traumatique dont est atteint M. A... doivent, dans ces conditions, conduire à retenir un taux d'invalidité de 40% et à réformer le jugement attaqué sur ce point. 10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du le 20 décembre 2018 rejetant la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. A... le 20 décembre 2016, et d'autre part, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fixé à 35% le taux d'invalidité de cette pension qui doit être réévalué à un taux de 40% et que le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure. Sur les autres conclusions : 11. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. A... peut prétendre au rappel des arrérages de sa pension militaire d'invalidité à compter de la date de sa demande, soit le 21 décembre 2016, au taux de 40% pour l'infirmité " Etat de stress post traumatique ", la somme calculée portant intérêts au taux légal à compter de la même date. Sur les frais liés au litige : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : Une pension d'invalidité est concédée, à titre temporaire, à M. A..., à un taux porté à 40 pour cent, pour l'infirmité " état de stress post traumatique ". Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. A... le rappel des arrérages de sa pension militaire d'invalidité à compter de la date de sa demande, soit le 21 décembre 2016, au taux de 40% pour l'infirmité " Etat de stress post traumatique ". La somme versée portera intérêts au taux légal à compter de la même date. Article 4 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2. Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident est rejeté. Article 6 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22NT01453 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 26/10/2023, 20BX03509, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1902703 du 27 août 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un arrêt du 16 février 2023, la cour a, avant dire droit, ordonné une expertise sur les infirmités nouvelles de gonarthrose et coxarthrose dont M. B... dit être atteint du côté droit, et a rejeté les conclusions relatives aux autres infirmités et à la majoration de pension pour l'assistance par une tierce personne. Le rapport d'expertise a été déposé le 26 avril 2023. Procédure devant la cour après l'arrêt du 16 février 2023 : Par des mémoires, enregistrés les 28 avril, 15 mai, 2 juin et 13 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - ainsi que cela ressort de l'expertise, les coxarthrose et gonarthrose du côté droit sont sans lien avec la blessure reçue au genou gauche, à l'origine des infirmités pensionnées ; elles relèvent d'une maladie, caractérisée par le dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium ; étant non imputables au service, elles ne peuvent ouvrir droit à pension ; - le principe du contradictoire n'a pas été méconnu lors de la réalisation de l'expertise : le requérant n'apporte aucune précision sur les pièces qu'il aurait transmises à l'expert, il a participé à l'expertise avec son conseil et reçu communication du rapport ; le ministère n'a communiqué aucune pièce médicale directement à l'expert. Par des mémoires, enregistrés les 20 mai et 8 juin 2023, M. B..., représenté par Me Lelong, demande à la cour : 1°) d'ordonner une nouvelle expertise ; 2°) de faire droit à ses conclusions précédentes tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 août 2020 et de la décision du ministre des armées du 13 juillet 2018 et à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de réviser sa pension ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'expertise est irrégulière, dès lors que le rapport ne mentionne pas les écritures et pièces qu'il a adressées à l'expert, ni les observations qui ont eu lieu au cours de la réunion, en méconnaissance de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, et que ce rapport est fondé sur des documents qui ont été transmis par le ministre sans qu'il en ait eu connaissance, en méconnaissance du principe du contradictoire ; - le rapport est entaché de contradiction lorsque l'expert affirme l'absence de signe évident de chondrocalcinose de la hanche droite, tout en ne pouvant expliquer les douleurs de la hanche droite et du fessier droit et en considérant que les atteintes du membre inférieur droit ne sont pas la conséquence des infirmités du membre inférieur gauche ; - en n'apportant pas de réponse aux causes des douleurs ressenties, l'expert n'a pas répondu intégralement à sa mission. Par une ordonnance du 5 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 juin 2023. Des observations ont été produites pour M. B... le 5 juillet 2023 et par le ministre le 7 juillet 2023. Par lettre du 24 août 2023, des pièces ont été demandées, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à M. B... qui les a communiquées le 31 août 2023. Le ministre des armées a produit des observations en réponse à la communication de ces pièces le 5 septembre 2023. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 février 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - et les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né en 1953, a servi dans l'armée de terre du 5 décembre 1973 au 1er décembre 1974, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par arrêté du 11 décembre 2006, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée à compter du 5 juin 2006, au taux global de 75 %, pour trois infirmités : séquelles de traumatisme du genou gauche au taux de 35 %, séquelles d'entorse grave de la tibio-tarsienne gauche traitée chirurgicalement au taux de 30 % + 5, et coxarthrose gauche avec raideur articulaire au taux de 20 % + 10. Le 29 septembre 2015, il a sollicité une révision de sa pension au regard, d'une part, de l'aggravation des infirmités déjà reconnues, d'autre part, de la prise en compte de nouvelles infirmités et, enfin, de la nécessité de recourir de manière constante aux soins d'une tierce personne. Cette demande a été rejetée par décision de la ministre des armées du 13 juillet 2018. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires de Poitiers, qui a transmis la requête au tribunal administratif de Poitiers, lequel a, par jugement du 27 août 2020, rejeté sa demande d'annulation de la décision ministérielle et d'octroi d'une pension au taux majoré pour aide d'une tierce personne. M. B... ayant fait appel, la cour, par un arrêt du 16 février 2023, a, d'une part, ordonné avant dire droit une expertise afin de dire, en se plaçant à la date du 29 septembre 2015, si les coxarthrose et gonarthrose dont souffre M. B... du côté droit résultent, et le cas échéant dans quelle proportion, d'une compensation des infirmités du côté gauche, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions relatives aux autres infirmités et à la majoration de pension pour l'assistance par une tierce personne. L'expert a déposé son rapport le 26 avril 2023. Sur la régularité de l'expertise : 2. Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " L'expert garantit le caractère contradictoire des opérations d'expertise. / (...) / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. / L'expert recueille et consigne les observations des parties sur les constatations auxquelles il procède et les conclusions qu'il envisage d'en tirer. (...) ". Aux termes de l'article R. 621-7-1 suivant : " Les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. (...) ". 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse de l'expert à la demande de précisions que lui a adressée la cour, que celui-ci a disposé d'un bilan radiologique du 14 mars 2023 apporté par M. B..., ainsi que des pièces échangées dans le cadre de la présente instance, notamment les conclusions de la commission consultative médicale du 10 août 2017. Si M. B... soutient qu'il n'a pas eu communication des pièces transmises par le ministère, il en a eu connaissance non seulement au cours de la réunion d'expertise qui s'est tenue le 29 mars 2023, mais également dans le cadre des instances devant le tribunal et la cour. En outre, les conclusions de la commission consultative médicale ont seulement servi à l'expert pour rappeler les faits et n'ont pas eu d'influence sur sa réponse. 4. En deuxième lieu, si M. B... soutient, sans autre précision de date ou de contenu, que l'expert n'a pas mentionné, dans son rapport, les écritures et pièces qu'il lui avait transmises, il ne résulte pas de l'instruction que lesdites écritures auraient été présentées au cours des opérations d'expertise. Par ailleurs, M. B... a été mis en mesure de présenter ses observations sur le rapport, une fois celui-ci déposé, en application de l'article R. 621-9 du code de justice administrative. 5. En dernier lieu, le rapport d'expertise ne comporte pas, ainsi que le soutient M. B..., les observations orales qui ont été présentées au cours de la réunion d'expertise du 29 mars 2023. Par suite, l'expertise, qui méconnaît les dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, est irrégulière. 6. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier. Sur les infirmités en litige : 7. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". 8. Il résulte de l'instruction, et notamment des deux comptes-rendus d'imagerie par résonance magnétique (IRM) des 6 janvier 2017 et 14 mars 2023, que M. B... est atteint au genou droit d'une chondrocalcinose étendue, affection résultant d'une accumulation de microcristaux de pyrophosphate de calcium, qui est due au vieillissement. Par ailleurs, l'expert a constaté, lors de l'examen clinique, qu'il n'existait pas de trouble statique, tenant à un raccourcissement ou un allongement du membre inférieur gauche, qui pourrait avoir un retentissement sur le membre inférieur droit, que le bassin était équilibré et qu'il n'avait pas mesuré d'inégalité de longueur entre les deux membres inférieurs. Ces constatations factuelles ne sont pas contestées par M. B.... Dans ces conditions, il n'est pas établi que les pathologies dénommées gonarthrose et coxarthrose dont M. B... dit souffrir du côté droit seraient en lien avec les infirmités déjà pensionnées dont il est atteint du côté gauche, et il n'est pas utile de prescrire une nouvelle expertise pour rechercher par ailleurs les causes de ses douleurs. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 10. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat ". Aux termes de l'article 40 de la même loi " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie. / (...) / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat. 11. M. B... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 750 euros par ordonnance du président de la cour du 27 avril 2023, doivent être mis à la charge définitive de l'Etat. 12. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise sont mis à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Copie en sera adressée au docteur D... A..., expert. Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 octobre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault Le greffier, Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX03509
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC00356, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armés a rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant à obtenir la somme de 2 408 454,89 euros en réparation du préjudice lié à sa radiation illégale des cadres, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation illégale, assortie des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts. Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis la demande de Mme A... au tribunal administratif de Nancy. Par un jugement n° 1822321 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 février 2021, Mme A..., représentée par Me Maamouri demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 décembre 2020 ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armés a rejeté sa demande indemnitaire préalable tendant à obtenir la somme de 2 408 454,89 euros en réparation du préjudice lié à sa radiation illégale des cadres ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation illégale, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en tant qu'il ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - les décisions par lesquelles le ministre a décidé de l'admettre à la retraite d'office sont illégales dans la mesure où, à compter du 4 mars 2001, elle était apte à l'exercice de ses fonctions ; - si elle devait être considérée comme inapte à ses fonctions, elle aurait dû bénéficier d'une procédure de reclassement ; - en raison de son éviction illégale, elle a subi un préjudice de pertes de revenus qui sera exactement indemnisé à hauteur de la somme de 242 558,69 euros ; - elle perdu une chance sérieuse d'évoluer vers un poste de catégorie A qui sera justement indemnisée à hauteur de la somme de 1 024 531,20 euros ; - elle a subi un préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir une pension de retraite plus élevée qui sera justement indemnisée, dans l'hypothèse la plus réaliste, par l'allocation de la somme de 1 091 365 euros ; - les troubles dans ses conditions d'existence seront justement indemnisés par l'allocation d'une somme de 50 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, premier conseiller, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Maamouri pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 11 août 1994, Mme A... a été titularisée dans le corps des secrétaires administratifs et a été affectée à la direction interrégionale des anciens combattants et des victimes de guerre à Strasbourg. Par un arrêté du 26 mars 2001, Mme A... a été radiée des contrôles et admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 20 février 2003 du tribunal administratif de Strasbourg en l'absence de saisine de la commission de réforme. Par un arrêté du 5 mars 2008, Mme A... a de nouveau été admise à la retraite d'office et radiée des contrôles à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 17 décembre 2008 du tribunal administratif de Strasbourg pour défaut de convocation et violation des droits de la défense lors de la réunion de la commission de réforme. Par un arrêté du 30 juillet 2010, Mme A... a, une nouvelle fois, été admise à la retraite d'office et radiée des contrôles à compter du 4 mars 2001. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 16 mai 2012 du tribunal administratif de Strasbourg en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme. Par un jugement du 8 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 408 454,89 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de sa radiation des cadres et son admission à la retraite. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". 3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, la rapporteure et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. 4. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier. Sur l'étendue du litige : 5. La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre des armées sur la demande indemnitaire du 11 décembre 2017 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de Mme A... qui, en formulant des conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité de l'Etat et une demande d'annulation de la décision rejetant sa demande préalable, a donné à l'ensemble de sa demande de première instance le caractère d'un recours de plein contentieux. Mme A... doit donc être regardée comme demandant la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité des arrêtés prononçant sa radiation des cadres et son admission à la retraite à compter du 4 mars 2001. Sur la responsabilité de l'Etat : 6. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". L'article 47 du décret du 14 mars 1986 dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " Le fonctionnaire ne pouvant à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite. (...) ". L'article 48 du même décret dispose que : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions (...) ". Enfin, l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ". 7. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, d'une décision il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, dans le cadre d'une procédure régulière. 8. Par des jugements des 20 février 2003 et 17 décembre 2008, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés des 26 mars 2001 et 5 mars 2008, respectivement pour absence d'avis de la commission de réforme et pour absence d'information sur la tenue d'une séance de la commission de réforme. Par un jugement du 16 mai 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 30 juillet 2010 du ministre des armées au motif que la commission de réforme ne comprenait pas un médecin spécialiste de la pathologie dont est affectée Mme A.... L'appel interjeté par le ministre des armées a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy le 4 avril 2013. Il convient dès lors de déterminer si, compte tenu des irrégularités procédurales affectant les arrêtés portant radiation des contrôles et admission à la retraite, le ministre des armées aurait pu légalement prendre la même décision. 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par deux expertises des 23 avril et 31 juillet 2001, la symptomatologie de Mme A... a été considérée comme " sévère, invalidante, ne lui permettant plus d'exercer une activité professionnelle de façon totale et définitive ". Mme A... se prévaut de plusieurs attestations de rédigées entre les années 2001 et 2012 par son médecin psychiatre, indiquant notamment que l'intéressée est apte psychiquement à reprendre ses fonctions et précisant que " les capacités intellectuelles de l'intéressée et sa pugnacité m'ont toujours fait penser que Mlle A... B... était capable de reprendre à n'importe quel moment une activité professionnelle en responsabilité ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A..., dont le taux d'invalidité de 70 % n'est pas en tant que tel contesté, et qui a été placée du 4 mars 1996 au 3 mars 2001 en congé longue durée, aurait manifesté son intention de reprendre ses fonctions au cours de cette période ou à son terme immédiat. En outre, malgré une demande de la cour en ce sens, Mme A... n'a apporté aucun autre élément médical de nature à justifier qu'elle présentait au mois de mars 2001 des conditions permettant de la déclarer apte à l'exercice de toute fonction. Dès lors, en l'état de l'instruction, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas inapte à toute fonction à compter du 4 mars 2001. 10. En second lieu, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir (...) ". 11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, dès lors que Mme A... a été déclarée inapte à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre des armées aurait méconnu son obligation de reclassement doit être écarté comme inopérant. 12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la prescription quadriennale et l'exception de chose jugée opposées par le ministre des armées en première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 24/10/2023, 22TL21285, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice tenant au déficit fonctionnel temporaire subi, assortie des intérêts moratoires. Par un jugement n° 1905852 du 22 mars 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 juin 2022, M. A... B..., représenté par Me Lauron, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2022 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la ministre des armées ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation de son préjudice portant sur le déficit fonctionnel temporaire subi, assortie des intérêts de retard ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 177 000 euros ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il est en droit de demander réparation du déficit fonctionnel temporaire et permanent dès lors que ces chefs de préjudices ne sont pas visés dans le protocole transactionnel signé, conformément aux articles 2048 et 2049 du code civil ; - l'administration ayant reconnu dans le protocole transactionnel qu'il a été victime d'un accident de service, il est dès lors fondé à engager la responsabilité sans faute de l'Etat et à solliciter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et des troubles dans ses conditions d'existence ; - la responsabilité de l'Etat est engagée en ce qu'il a commis une faute en n'imposant pas une obligation de suivi médical du rachis alors même qu'il subissait à une fréquence élevée de nombreux traumatismes du fait de la pratique du parachutisme ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il met en cause la nature des examens réalisés pour s'assurer de son état de santé ; - une somme de 9 000 euros lui sera allouée au titre de son déficit fonctionnel temporaire ; - une somme de 177 000 euros devra lui être allouée au titre du déficit fonctionnel permanent si sa demande présentée au titre de la pension militaire d'invalidité devait être rejetée. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête est irrecevable dès lors que M. B... a signé un protocole transactionnel le 5 août 2018 ayant pour objet l'indemnisation de ses préjudices à la suite de son accident de service ; - la requête devant le tribunal était tardive, il en va de même de la présente requête ; - les conclusions indemnitaires nouvelles sont irrecevables. Par ordonnance du 10 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2023. Les parties ont été informées le 21 septembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel tendant à la condamnation de l'Etat à verser à M. B... la somme de 177 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, dès lors qu'elles excèdent la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance. Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, présentées pour M. B..., ont été enregistrées le 2 octobre 2023 et communiquées au ministre des armées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de la défense ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Lauron, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 27 juin 1986, qui s'est engagé au sein de l'armée de terre le 5 janvier 2010, était affecté au 8ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine de Castres. Le 17 octobre 2016, alors qu'il participait à un entraînement sportif avec sa compagnie, il a signalé l'apparition brutale d'intenses douleurs lombaires. Il a été placé en arrêt de travail et a effectué des examens médicaux qui ont diagnostiqué une hernie discale au niveau de ses vertèbres L4 et L5. Ses douleurs ne disparaissant pas, il a subi le 9 mars 2017 une opération chirurgicale consistant à retirer le disque situé entre ces deux vertèbres et à poser, à la place, une prothèse discale lombaire. Par une décision du 26 avril 2017, il a été déclaré inapte à exercer des fonctions dans les troupes aéroportées ainsi que des fonctions de fantassin et a été reclassé sur un poste de magasinier à la compagnie de commandement et de logistique du même régiment. Il a été radié des contrôles le 27 juillet 2019. Il a présenté une demande de pension militaire d'invalidité le 27 avril 2017, laquelle a été rejetée par décision du 10 mai 2019. Il a ensuite initié une procédure transactionnelle afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices. Une proposition lui a été adressée le 11 juin 2018 à hauteur de la somme de 5 000 euros. Par courrier du 6 juillet 2018, le requérant a contesté cette proposition en demandant notamment l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, laquelle a été rejetée le 30 juillet suivant. Le 5 août 2018, un protocole transactionnel a été conclu entre le requérant et la ministre des armées, afin de réparer l'ensemble des conséquences dommageables de l'accident de service du 17 octobre 2016. Le 12 décembre 2018, M. B... a transmis une nouvelle demande préalable d'indemnisation au titre de son déficit fonctionnel temporaire à l'administration, qui l'a rejetée le 8 février 2019. Le recours administratif préalable qu'il a formé, le 9 avril suivant, devant la commission de recours des militaires a ensuite été implicitement rejeté. M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de son déficit fonctionnel temporaire. Il relève appel du jugement du 22 mars 2022 qui a rejeté sa demande et présente des conclusions nouvelles tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 177 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent si sa demande présentée au titre de la pension militaire d'invalidité par une requête enregistrée sous le n° 21TL20286 devait être rejetée. Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête devant le tribunal : 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". 3. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Si, une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il n'est fait exception à ces règles que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation. Dans ce cas, qu'il s'agisse de dommages relevant de chefs de préjudice figurant déjà dans cette réclamation ou de dommages relevant de chefs de préjudice nouveaux, la victime peut saisir l'administration d'une nouvelle réclamation portant sur ces nouveaux éléments et, en cas de refus, introduire un recours indemnitaire dans les deux mois suivant la notification de ce refus. Dans ce même cas, la victime peut également, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces nouveaux éléments devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance. 4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la transmission d'une proposition de protocole transactionnel en réparation des préjudices subis par M. B... lors de l'accident de service dont il a été victime le 17 octobre 2016, le conseil du requérant a formé une demande complémentaire par lettre du 6 juillet 2018, en sollicitant notamment une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de la somme de 9 000 euros. Par un courrier du 30 octobre 2018 qui a été adressé au conseil de M. B... par lettre recommandée dont il a accusé de réception le lendemain, le ministre des armées a rejeté sa demande. Ce courrier comportait la mention des voies et délais de recours, en particulier la nécessité de saisir la commission de recours des militaires instituée par l'article L. 4125-1 du code de la défense, dans un délai de deux mois préalablement à tout recours contentieux. Si le conseil de M. B... a formé une demande d'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire à hauteur de la même somme de 9 000 euros par lettre du 12 décembre 2018, qui a de nouveau été rejetée par le ministre des armées le 8 février 2019, cette nouvelle demande n'a pas pu avoir pour effet de rouvrir les délais de recours, alors même que M. B... aurait saisi la commission de recours des militaires le 9 avril 2019. Par suite, sa demande enregistrée devant le tribunal administratif de Toulouse le 12 octobre 2019 était irrecevable en raison de sa tardiveté. 5. M. B... demande en outre une indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent à hauteur de la somme de 177 000 euros si sa demande présentée au titre de la pension militaire d'invalidité dans le cadre d'une autre instance enregistrée sous le n° 21TL20286 devait être rejetée. Ces conclusions qui sont nouvelles en appel et excèdent la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, doivent, en tout état de cause, être également rejetées par voie de conséquence de ce qui a été exposé au point précédent. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens et, en tout état de cause, de ceux relatifs aux dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL21285 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANCY, 4ème chambre, 07/11/2023, 21NC01025, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, d'autre part, de fixer les taux d'invalidité à 10% pour chacune des deux nouvelles infirmités et d'enjoindre à la ministre des armées de le faire bénéficier de la pension d'invalidité afférente à ces taux, et enfin, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale visant à déterminer le taux d'invalidité de chaque infirmité invoquée. Par un jugement n° 2000803 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 avril 2021, M. A... représenté par Me Adjemi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 février 2021 ; 2°) avant-dire droit, d'ordonner une expertise médicale judiciaire pour évaluer le taux d'invalidité pour chaque infirmité ; 3°) d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle la ministre des Armées a rejeté la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 4°) de fixer les taux d'invalidité à 10% pour chacune des deux nouvelles infirmités et d'enjoindre à la ministre des Armées de le faire bénéficier de la pension d'invalidité afférente à ces taux. Il soutient qu'il souffre, d'une part, de séquelles d'une fracture du tibia gauche et, d'autre part, de séquelles d'une luxation acromio-claviculaire gauche, toutes deux imputables au service et qui doivent donner lieu à l'application d'un taux d'invalidité de 10% chacune. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denizot, premier conseiller, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., entré en service le 1er juin 1984 dans le corps des infirmiers et techniciens des hôpitaux militaires, a été radié le 7 août 2015. Depuis le 12 septembre 2012, M. A... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité de 25% pour des " séquelles de traumatisme du rachis lombaire avec discopathie L4-L5 et arthrose inter apophysaire postérieure L4-L5 " liées à une mauvaise réception en parachute le 21 février 1994, dans le cadre du service. Le 18 mai 2016, M. A... a sollicité la révision de sa pension pour indemnisation de " séquelles de fracture du tibia gauche " d'un saut en parachute réalisé le 17 décembre 1985, ainsi que de " séquelles de luxation acromio-claviculaire gauche " consécutives à une chute à vélo le 2 septembre 1993. Par une décision du 19 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par une requête, enregistrée au tribunal des pensions de Metz le 22 janvier 2019, puis transmise au tribunal administratif de Strasbourg, M. A... a sollicité l'annulation de la décision du 19 décembre 2018. Par un jugement n° 2000803 du 23 février 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L.4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version en vigueur à la date de la demande de révision de pension : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Sur l'infirmité " séquelles de fracture du tibia gauche " : 3. M. A... a été victime, le 17 décembre 1985, d'une fracture fermée non articulaire du tiers inférieur du péroné gauche. Au cours de l'année 2016, M. A... s'est plaint de plusieurs gênes dans la montée et la descente rapide des escaliers, dans la marche ainsi que d'une sensation désagréable au niveau des orteils du pied gauche. 4. Selon l'expertise du 21 février 2018, M. A... souffre d'une pathologie double résultant, d'une part, d'une douleur subjective se traduisant par " une gêne et quelques paresthésies dans le territoire musculo-cutané gauche, sans aucun déficit moteur, ni trouble de la sensibilité profonde, ni amyotrophie, ni trouble de la marche, mais désagréable au frottement des chaussures " et, d'autre part, d'une gêne à la marche. Cette expertise, ainsi que celle plus ancienne du 18 octobre 2004, ont retenu, pour cette infirmité, un taux d'invalidité inférieur à 10%. M. A..., qui admet que sa demande est essentiellement motivée par des raisons financières concernant la prise en charge des soins, se prévaut d'un rapport d'imagerie médicale du 8 avril 2016 concernant sa cheville gauche concluant " qu'il n'y a pas d'anomalie pour expliquer la symptomatologie ". Toutefois, en se prévalant uniquement de cet examen, qui ne contredit nullement les conclusions de l'expertise médicale du 21 février 2018 sur le taux d'invalidité résultant de la fracture du péroné gauche, M. A... ne saurait être regardé comme remettant en cause la circonstance que cette blessure ait provoqué un taux d'invalidité inférieur à 10% n'ouvrant pas droit à indemnisation. Sur l'infirmité " séquelles de luxation acromio claviculaire gauche " : 5. M. A... a été victime, le 2 septembre 1993, d'une luxation acromio-claviculaire gauche de stade 2. 6. L'expertise médicale du 21 février 2018 relève que M. A... souffre d'une tendinopathie calcifiante sous-acromiale gauche ainsi que de calcifications au niveau de l'espace sous-acromial droit non traumatisé. Cette expertise opère une distinction entre " la pathologie séquellaire acromio claviculaire, de nature arthrosique " et une " pathologie calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, microcristalline ". L'expert estime alors qu'il existe également " une pathologie non traumatique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche " et, de manière plus générale, " une pathologie microcristalline (...) indépendante de l'arthropathie acromio-claviculaire post-traumatique ". Pour l'expert, cette pathologie microcristalline est de nature bilatérale. L'expert conclut que si l'infirmité invoquée entraîne un taux global d'invalidité de 10%, il n'y a pas d'aggravation significative de la pathologie acromio-claviculaire séquellaire de l'épaule gauche, seule pathologie liée à l'accident de service. Cette analyse a été suivie par le médecin du ministère des armées en charge des pensions militaires d'invalidité le 22 août 2018 et par la commission de réforme le 18 décembre 2018, qui retiennent un taux d'invalidité globale de 10%, mais qui estiment que ce taux résulte en partie d'une pathologie microcristalline bilatérale non imputable à l'accident du 2 septembre 1993. 7. Pour contester cette appréciation, M. A... se prévaut d'un courrier du 5 août 2015 de son chirurgien orthopédique qui semble affirmer que la pathologie liée à l'épaule gauche serait en lien avec l'ancien accident de service. Toutefois, ce courrier, rédigé en des termes allusifs et non affirmatifs, ne permet pas de remettre en cause les constatations réalisées par l'expertise du 21 février 2018. En outre, M. A... n'apporte aucun élément médical de nature à remettre en cause le diagnostic de l'existence d'une pathologie microcristalline, non imputable au service. Par suite, M. A... n'établit pas que sa luxation acromio-claviculaire gauche de stade entraînerait, à elle seule et sans prise en compte de la pathologie microcristalline, un taux d'invalidité de 10 %. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise qui revêtirait en l'espèce un caractère frustratoire, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Samson-Dye, présidente, - Mme Roussaux, première conseillère, - M. Denizot, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : A. DenizotLa présidente, Signé : A. Samson-Dye La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC01025
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00844, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Rennes d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre des " séquelles de traumatismes du genou gauche ". Cette requête a été transférée au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Par un jugement n° 1905862 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 mars, 27 octobre 2022 et 22 juin 2023, M. B..., représenté par Me Caillere, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 janvier 2022 ; 2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ; 3°) d'annuler la décision du 19 octobre 2018 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros, et à tout le moins une somme correspondant au montant de l'aide juridictionnelle majorée de 50 %, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'expert médical mandaté par le ministre des armées a évalué son invalidité à 10 %, or ce taux ouvre droit à une pension militaire d'invalidité ; - ce taux de 10 % est d'ailleurs sous-évalué au regard des séquelles qu'il conserve de ses accidents de service ; les rapports postérieurs à sa demande attestent d'une aggravation de son infirmité ; - ces trois accidents sont imputables au service dans la mesure où les deux premiers ont été subis dans le cadre d'une mission en Guyane et que le troisième est survenu alors qu'il revenait d'un rendez-vous médical directement lié aux précédents accidents. Par des mémoires, enregistrés les 29 septembre, 8 novembre 2022 et 25 juillet 2023 -non communiqué-, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., militaire de carrière pensionné au taux de 40 % pour un stress post-traumatique consécutif à une opération extérieure au Mali, a été blessé à trois reprises au genou gauche, les 10 octobre 2013 et 14 janvier 2014 alors qu'il était en mission en Guyane et le 1er septembre 2014 en France, en revenant d'une séance de kinésithérapie. Le 20 juillet 2015, l'intéressé a sollicité une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles qu'il conserve de ces traumatismes du genou gauche. Par une décision du 19 octobre 2018, le ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité résultant de cette infirmité était inférieur à 10 %. M. B... relève appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Aux termes des dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ". 3. Il ressort du rapport d'expertise du 19 septembre 2017, qu'à cette date, M. B..., qui a subi plusieurs interventions chirurgicales du genou gauche à la suite de ses trois accidents, avait pu reprendre son service actif et ses activités sportives de manière intensive à l'exception des sports en pivot. Il ne prenait plus de médicament et poursuivait des séances de kinésithérapie " d'entretien ". A l'examen médical, l'expert rhumatologue a constaté que l'intéressé marchait sans boiterie, que ses appuis bipodal et unipodal étaient normaux et qu'il pouvait s'accroupir et se relever sans problème. Si le bilan radiologique dont il disposait confirmait que ce militaire souffrait d'une arthrose du genou, il ne mettait pas en évidence de limitation de ses amplitudes articulaires. Il ne révélait pas davantage l'existence d'une amyotrophie, d'un syndrome rotulien, ou d'une instabilité du genou gauche. En dépit de ces constats, l'expert évaluait le taux d'invalidité de cette infirmité à 10 %. Toutefois, selon le guide barème, seule l'hydarthrose chronique à poussées récidivantes, avec amyotrophie marquée, ouvre droit à un taux compris entre 10 et 30 %, ce qui ne correspond pas à la pathologie de M. B.... Dans son avis du 1er février 2018, le médecin des pensions militaires d'invalidité a d'ailleurs proposé de retenir un taux inférieur à 10 % en l'absence de syndrome rotulien, alors que l'intéressé bien que souffrant d'arthrose du genou avait recouvré une mobilité normale et stable. Lors de sa séance du 17 octobre 2018, la commission de réforme a estimé, pour les mêmes motifs, que le taux d'invalidité de cette infirmité restait inférieur à 10 % et n'ouvrait dès lors pas droit à une pension militaire d'invalidité. La circonstance, à la supposée établie, que les séquelles que conserve M. B... de ces accidents se seraient aggravées ces dernières années, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, laquelle doit tenir compte de son état de santé à la date de sa demande de pension militaire d'invalidité présentée le 20 juillet 2015. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'imputabilité au service des trois accidents dont le requérant a été victime, le moyen tiré de ce que le ministre des armées aurait entaché sa décision d'illégalité ne peut qu'être écarté. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise pour les motifs indiqués au point précédent, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00844
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00153, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes d'annuler la décision du 31 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de renouvellement de sa pension militaire d'invalidité. Cette requête a été transférée au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Par un jugement n° 1905825 du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 18 janvier 2022, M. B... demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 31 janvier 2019 ; 3°) le cas échéant, d'ordonner une nouvelle expertise médicale. Il soutient que : - son état de santé ne s'est pas amélioré ; en effet à la suite des différentes interventions chirurgicales qu'il a subies, son genou est devenu arthrosique entrainant une hydarthrose chronique à poussées récidivantes avec amyotrophie marquée ; or l'arthrose est une maladie qui s'aggrave avec le temps ; de plus, l'amyotrophie de la cuisse droite dont il souffre ne s'est pas réduite d'un cm. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 31 juillet 2001, M. B..., militaire de carrière dans l'armée de terre né en 1966, a subi une blessure au genou droit dans le cadre de ses fonctions. Il a subi trois interventions chirurgicales réalisées les 13 novembre 2001, 16 juillet 2009 et 18 mars 2013. Par un arrêté du 6 mars 2017, une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 10 % lui a été concédée pour la période du 16 juin 2015 au 15 juin 2018 pour l'infirmité " séquelles de traumatismes du genou droit associant lésion méniscales et rupture du ligament croisé antérieur ayant nécessité à deux reprises un geste chirurgical. Limitation de flexion de - 20 ° par rapport à gauche ; talon-fesse 29 cm à droite pour 19 cm à gauche ; amyotrophie de la cuisse - 2,5 cm ; hydarthrose ". Le 31 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande de renouvellement de cette pension au motif que son infirmité n'atteignait plus le seuil de 10 % d'invalidité ouvrant droit à pension. L'intéressé relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Lors de son expertise conduite le 23 mai 2018, l'expert orthopédiste, qui avait déjà examiné M. B... le 12 octobre 2016, a estimé que son état de santé était stable. Il a proposé de retenir un taux d'invalidité de 5 %. Il a constaté, lors de la consultation, que la distance talon-fesse de l'intéressé était plus élevée d'un centimètre pour le genou droit par rapport à son premier examen, que la flexion de son genou s'était améliorée de 10° et que l'amyotrophie de sa cuisse était moindre, celle-ci étant à cette date d'un centimètre alors qu'elle était de 2,5 centimètres en 2016. Ni cet expert, ni le médecin des pensions militaires d'invalidité, ni le médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale, ni même le ministre des armées, ne contestent que M. B... souffre d'hydarthrose, pathologie qui se manifeste par un gonflement à l'effort de son genou droit provoquant des douleurs. Si la commission de réforme avait proposé, lors de sa séance du 20 février 2017, de concéder une pension militaire d'invalidité provisoire à l'intéressé au taux de 10 %, le 30 janvier 2019, après avoir constaté son amélioration, elle a estimé que son infirmité, dont le taux était désormais inférieur à 10 %, ne justifiait plus aucune pension militaire d'invalidité. En vertu du guide-barème des pensions militaires d'invalidité " l'hydarthrose chronique à poussées récidivantes, avec amyotrophie marquée " justifie une pension militaire d'invalidité dont le taux varie entre 10 et 30 %. Aucune pièce médicale ne permettant de considérer que l'affection arthrosique dont souffre le requérant s'est aggravée, alors que l'amyotrophie qu'il présente s'est améliorée, elle ne peut dans ces conditions plus être qualifiée de " marquée ". Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 31 janvier 2019 lui refusant le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité accordée à titre temporaire serait entachée d'illégalité. 3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00153
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 06/10/2023, 22MA02389, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel la directrice générale de l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse (OPH2C) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 29 mars 2019 et l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 29 mars 2019 et, d'autre part, d'annuler un second arrêté du 10 août 2020 par lequel la directrice générale de l'OPH2C l'a maintenu à demi traitement à compter du 25 mars 2020, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental. Par un jugement n° 2001102, 2001104 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions plaçant M. B... en congé de maladie ordinaire à compter du 1er avril 2019 et le maintenant à demi-traitement à compter du 25 mars 2020 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des requêtes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 28 août 2022, M. B..., représenté par Me Imperiali, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté en date du 10 août 2020 par laquelle la directrice de l'OPH2C a refusé de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service et l'a placé en congé de maladie ordinaire ; 3°) de condamner l'OPH2C aux dépens ; 4°) de mettre à la charge de l'OPH2C le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté méconnaît l'article 3-4 de la convention collective du personnel des Offices Publics de l'Habitat en date du 6 avril 2017, lequel prévoit la consultation du comité d'entreprise avant toute mesure de réorganisation du service ; - il est insuffisamment motivé ; - il méconnaît l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'il a subi un accident imputable au service lors de la réunion du 29 mars 2019, qui aurait dû être qualifié d'accident de service, qu'il n'a commis aucune faute personnelle et que l'office ne fait état d'aucune circonstance particulière détachant l'accident du service ; - il est entaché d'une erreur de fait, en ce qu'il mentionne, à tort, un accident qui se serait déroulé le 1er avril 2019 alors qu'il a eu lieu le 29 mars 2019. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, l'OPH2C, représenté par Me Poli, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Un mémoire, présenté pour M. B... par Me Impériali, et enregistré le 7 septembre 2023, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la Cour était susceptible de relever d'office que l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable avant leur modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, dès lors que les nouvelles dispositions issues de cette ordonnance n'étaient pas applicables en l'espèce. Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites le 15 septembre 2023 pour l'OPH2C, représenté par Me Poli et communiquées le même jour. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de de Mme Chenal-Peter, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint technique principal au sein de l'OPH2C, a fait parvenir à son administration une déclaration d'accident de service en date du 17 avril 2019 à la suite d'un entretien ayant eu lieu le 29 mars 2019 avec la directrice générale de l'office. L'OPH2C a saisi la commission de réforme qui a rendu son avis le 30 juin 2020, à la suite duquel la directrice générale a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé du requérant et l'a placé en congé de maladie ordinaire à plein traitement du 1er avril au 29 juin 2019, puis à demi traitement du 30 juin 2019 au 25 mars 2020 par une décision du 10 août 2020. La même autorité a également, par une décision du même jour, maintenu l'intéressé à demi traitement à compter du 25 mars 2020, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental. M. B... a demandé l'annulation de ces deux décisions au tribunal administratif de Bastia, par deux requêtes distinctes. Par deux arrêtés du 10 décembre 2020, le directeur général de l'OPH2C a retiré ces deux arrêtés du 10 août 2020, en tant que M. B..., d'une part, est placé en congé de maladie ordinaire à plein traitement à compter du 1er avril 2019 puis à demi traitement à compter du 30 juin 2019 et, d'autre part, est maintenu à demi traitement à compter du 25 mars 2020. Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions plaçant M. B... en congé de maladie ordinaire à compter du 1er avril 2019 et le maintenant à demi traitement à compter du 25 mars 2020 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des requêtes. Sur l'étendue du litige : 2. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, par deux arrêtés du 10 décembre 2020, devenus définitifs, le directeur général de l'OPH2C a placé M. B... en congé de longue maladie à plein traitement du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 puis en congé de longue durée à plein traitement pour la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021. Ce faisant, il a retiré, d'une part, l'arrêté du 10 août 2020 maintenant l'intéressé à demi traitement à compter du 25 mars 2020, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental et d'autre part, l'arrêté du 10 août 2020 en tant que M. B... a été placé en congé de maladie ordinaire à plein traitement à compter du 1er avril 2019 puis à demi-traitement à compter du 30 juin 2019. Par suite, les conclusions de la présente requête doivent être regardées comme tendant uniquement à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2020 de la directrice générale de l'OPH2C, en tant qu'elle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé du requérant. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, l'article 3.4 de la convention collective des offices de l'habitat dispose que " En application de l'article 5 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011, outre les attributions prévues par le chapitre III du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail, le comité d'entreprise de l'office public de l'habitat exerce à l'égard des agents publics employés par cet office l'ensemble des compétences relevant des comités techniques prévues à l'article 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. " Ce dernier article prévoit que : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; (...) ". 4. Le requérant soutient que la réunion qui a entraîné l'accident de service avait pour objet la réorganisation des services au sein de l'office, ce qui aurait dû occasionner une consultation préalable du comité d'entreprise, par application des dispositions précitées. Toutefois, les décisions contestées par M. B... ont pour objet de refuser l'imputabilité de sa maladie à un accident de service et non de modifier l'organisation ou le fonctionnement des services. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté comme étant inopérant. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Et selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". 6. Il ressort des termes de la décision du 10 août 2020 qu'elle comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle vise notamment l'avis de la commission de réforme du 30 juin 2020, les différents rapports médicaux et indique qu'il n'est pas établi de lien direct et certain entre la réunion du 29 mars 2019, qui ne peut être qualifiée d'accident de service, et la pathologie dont souffre l'intéressé. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 7. En troisième lieu, si la décision en litige mentionne à tort un accident du " 1er avril 2019 ", reprenant en cela un certificat médical mentionnant cette même date, qui résulte d'une erreur de plume, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de cette décision, dès lors qu'il résulte de l'ensemble de ses mentions qu'elle se prononce bien sur le lien existant entre la réunion qui s'est déroulée le 29 mars 2019, qualifié par M. B... d'accident de service, et son état de santé. S'agissant du fondement légal : 8. En quatrième lieu, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. 9. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 10. Selon l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017, et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : : " " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...) VI.- Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 11. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue, par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 12. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de M. B..., dont l'état dépressif a été diagnostiqué le 1er avril 2019, soit avant le 12 avril 2019 et dont la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée le 17 avril 2019, était exclusivement régie par les conditions de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 13. Il ressort notamment des motifs de l'arrêté du 10 août 2020 que la directrice générale de l'OPH2C s'est fondée sur l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident invoqué par M. B.... Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision attaquée ne pouvait trouver son fondement dans ces dispositions auxquelles elle se réfère. Toutefois, en l'espèce, eu égard au motif de la décision refusant l'imputabilité au service de l'accident dont se prévaut M. B..., le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires, M. B... ayant au demeurant bénéficié de la consultation de la commission de réforme qui a émis un avis le 30 juin 2020. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer ces dispositions à la base légale retenue par l'OPH2C intimé. S'agissant de l'appréciation du caractère imputable au service : 14. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 15. Il ressort des pièces du dossier que, lors d'une réunion qui s'est tenue le 29 mars 2019, en présence du directeur des ressources humaines et du directeur de la Régie, la directrice de l'OPH2C a indiqué à M. B..., qui exerçait des fonctions d'ouvrier de maintenance, que dans le cadre d'une réorganisation des services il sera affecté sur un poste de magasinier. Si l'intéressé fait valoir qu'il a été contraint de remettre son téléphone et sa voiture de fonction, ce qui était profondément vexatoire, et que cette nouvelle affectation viserait à l'humilier car il a dénoncé des faits de détournements de fonds publics et a été entendu comme témoin dans le cadre de cette enquête en 2019, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le comportement ou les propos de la directrice lors de cet entretien, qui avait pour objectif d'expliciter les objectifs de la nouvelle organisation qu'elle souhaitait mettre en place, aurait excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors, cet entretien ne saurait être regardé comme un évènement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, alors même que les avis médicaux mentionnent l'existence d'un lien entre ses conditions de travail et son état anxio-dépressif sévère. Par suite, la directrice générale de l'OPH2C n'a pas méconnu les dispositions précitées de la loi de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en refusant de reconnaître l'imputabilité de l'état de santé de M. B... à cet entretien du 29 mars 2019. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sur les frais de l'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse. Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023. N° 22MA02389 2 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 10/10/2023, 22DA01862, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier Philippe Pinel à lui verser la somme de 46 362,27 euros en réparation des préjudices financiers et moraux qu'elle a subis, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ses intérêts à compter du 26 février 2020, et de mettre à sa charge le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002636 du 30 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à verser à Mme A... la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 27 février 2021, au titre des préjudices subis et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, Mme A..., représentée par Me Anne-Sophie Chartrelle, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 10 000 euros ; 2°) de condamner le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à lui verser la somme de 46 362,27 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 26 février 2020 ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - ayant préalablement obtenu satisfaction sur ce point, elle n'avait pas saisi le tribunal de conclusions tendant au versement d'une rente viagère et c'est à tort qu'il a considéré le contraire et qu'il a déclaré ces prétendues conclusions comme dépourvues d'objet ; - la responsabilité du centre hospitalier Philippe Pinel est engagée tant sur le terrain de la responsabilité sans faute que sur celui de la responsabilité fautive ; - l'illégalité fautive de la décision du 22 décembre 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie l'a contrainte à solliciter prématurément son placement en retraite pour invalidité et l'a privée de la possibilité de bénéficier, dans le cadre d'un congé de longue durée, d'une année supplémentaire à plein traitement et de trois années à demi-traitement ; elle a donc subi un préjudice financier qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 1 362,27 euros ; - le centre hospitalier Philippe Pinel est responsable non seulement de l'apparition de ses troubles psychologiques, compte tenu des conditions de travail dans laquelle il l'a placée, mais aussi de leur aggravation, compte tenu de la façon dont il a géré sa situation administrative ; elle a donc subi un préjudice moral qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 45 000 euros. La requête a été communiquée à l'établissement public de santé mentale de la Somme qui, malgré une mise en demeure communiquée le 6 mars 2023, n'a pas produit de mémoire en défense. Par ordonnance du 27 avril 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Anne-Sophie Chartrelle, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... était cadre de santé et titulaire de la fonction publique hospitalière. À partir de 2010, elle a présenté un syndrome dépressif. Elle a été successivement placée en congé de maladie ordinaire du 9 mars 2010 au 25 novembre 2010, en disponibilité pour convenance personnelle du 1er janvier 2011 au mois d'août 2011, en congé de longue maladie du 10 octobre 2011 au 9 octobre 2012, en congé de longue durée du 10 octobre 2012 au 9 octobre 2016 et en retraite pour invalidité à compter du 10 octobre 2016. Le 22 novembre 2014, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Par une décision du 22 décembre 2015, le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a rejeté cette demande. Par un jugement définitif n° 1600547 du 11 septembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision. Par une décision du 13 juin 2019, le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a rétroactivement placé Mme A... en congé de longue durée imputable au service pour la période du 10 octobre 2012 au 9 octobre 2016. Par un courrier du 26 février 2020, Mme A... a adressé au centre hospitalier une réclamation indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa maladie et de l'illégalité de la décision portant refus de reconnaissance de son imputabilité au service. Le silence gardé par l'établissement a fait naître une décision implicite de rejet. Mme A... relève appel du jugement n° 2002636 du 30 juin 2022 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 10 000 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Mme A... ne conteste pas que, préalablement à l'enregistrement de sa requête contentieuse au greffe du tribunal administratif d'Amiens, elle a obtenu, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, l'attribution d'une rente viagère avec effet au 10 octobre 2016. Elle n'établit pas davantage ni même n'allègue avoir contesté la rente lui ayant ainsi été attribuée, que ce soit dans son principe, son montant ou ses modalités. Dans ces conditions, et à supposer même qu'elle n'ait pas entendu en saisir les premiers juges, c'est sans entacher leur jugement d'irrégularité que ces derniers ont pu constater que ses demandes en la matière n'avaient plus d'objet. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier Philippe Pinel : 3. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière qui instituent, en faveur des fonctionnaires hospitaliers victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. S'agissant de la responsabilité sans faute pour risque : 4. Il résulte de l'instruction, notamment des documents à caractère médical produits par Mme A..., qu'elle a développé, à compter de l'année 2010, un syndrome dépressif majeur, se manifestant par des idées noires, des troubles de la concentration, une perte de l'estime de soi, des ruminations anxieuses quotidiennes, des troubles du sommeil et un repli sur soi avec des difficultés à sortir. Ces troubles sont apparus alors que Mme A... était chargée d'un projet de réorganisation du secteur d'hospitalisation à domicile du centre hospitalier Philippe Pinel dans lequel elle avait été récemment affectée et alors que ce projet était à l'origine de très vives tensions avec ses équipes. Les différents praticiens ayant examiné Mme A... et ayant eu à connaître de sa situation n'ont relevé aucun antécédent, ni aucune autre cause au développement de cette affection. Le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a reconnu son imputabilité au service par une décision du 13 juin 2019. Il en va de même de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui l'a admise au bénéfice d'un rente d'invalidité par une décision du 4 août 2020. Dans ces conditions, Mme A... doit être regardée comme ayant contracté une maladie professionnelle qui, en elle-même, oblige le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à réparer intégralement les préjudices patrimoniaux et personnels en résultant, autres que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle. S'agissant de la responsabilité pour faute : 5. Si, ainsi qu'il vient d'être dit, le syndrome dépressif développé par Mme A... est en lien direct avec les difficultés professionnelles qu'elle a rencontrées à partir de son affectation dans le secteur d'hospitalisation à domicile du centre hospitalier Philippe Pinel fin 2009, elle n'apporte, en revanche, aucun élément de nature à établir que des fautes de cet établissement dans l'organisation ou le fonctionnement du service auraient directement et certainement concouru à ces difficultés et, par suite, à l'apparition ou à l'aggravation de son affection. En revanche, il est constant que la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Philippe Pinel a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... a été annulée pour un motif d'erreur de droit par un jugement définitif n° 1600547 du 11 septembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens et, qu'à la suite du réexamen que l'exécution de ce jugement imposait, l'établissement a finalement reconnu l'imputabilité au service par une décision du 13 juin 2019. Cette illégalité constitue une faute qui oblige le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, à réparer intégralement les préjudices en résultant certainement et directement. En ce qui concerne l'indemnisation de Mme A... : S'agissant du préjudice financier : 6. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 35 du décret du 19 avril 1988 : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ". 7. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été radiée des cadres pour invalidité et a été admise à faire valoir ses droits à la retraite, par une décision du directeur du centre hospitalier Philippe Pinel du 14 novembre 2016, avec effet au 10 octobre 2016. Cette décision a été prise à la suite d'une demande de sa part, formulée par un courrier daté du 27 février 2016 adressé à la direction des ressources humaines du centre hospitalier Philippe Pinel. Contrairement à ce que soutient Mme A..., il résulte des dispositions citées au point précédent de l'article 35 du décret du 19 avril 1988 que le refus par l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ne rendait pas inéluctable son admission à la retraite pour invalidité, ni ne l'exposait, en l'absence de demande de sa part, à l'interruption de toute rémunération. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que Mme A... avait déjà formulé, avant de se raviser, une demande d'admission à la retraite pour invalidité dans le courant de l'année 2014, alors que ses droits à congé de longue durée étaient encore loin d'être expirés. Il s'ensuit que la demande qu'elle a réitérée le 27 février 2016 doit être regardée comme ayant eu un caractère volontaire et ne résulte pas directement ni nécessairement du refus de l'établissement de reconnaître l'imputabilité au servie de sa maladie. Mme A... n'est dès lors pas fondée à demander une indemnisation du préjudice financier de 1 362,27 euros qu'elle estime avoir subi, correspondant à la différence entre ce qu'elle aurait dû percevoir en étant placée en congé de longue durée imputable au service et ce qu'elle a perçu en étant placée à la retraite pour invalidité. S'agissant du préjudice moral : 8. Il résulte de l'instruction que Mme A... a développé un syndrome dépressif majeur qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, est imputable au service. Ce syndrome s'est manifesté par des idées noires, des troubles de la concentration, une perte de l'estime de soi, des ruminations anxieuses quotidiennes, des troubles du sommeil et un repli sur soi avec des difficultés à sortir. Il a en outre conduit à l'interruption de la vie professionnelle de Mme A... qui a successivement été placée en congé de longue maladie, en congé de longue durée puis en retraite pour invalidité permanente et définitive. L'illégalité du refus de l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie l'a en outre astreinte à effectuer des démarches contentieuses afin d'être rétablie dans ses droits. Il s'ensuit que Mme A... a subi, du fait de sa maladie professionnelle dont le centre hospitalier Philippe Pinel doit assurer la réparation au titre de la responsabilité sans faute pour risque et du fait de l'illégalité fautive de la décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de cette même maladie, un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité globale de 10 000 euros. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Philippe Pinel, devenu l'établissement public de santé mentale de la Somme, doit seulement être condamné à verser à Mme A..., en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la maladie qu'elle a contractée en service et de l'illégalité fautive du refus de l'établissement de reconnaître son imputabilité au service, la somme de 10 000 euros. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a limité à ce même montant la condamnation qu'il a prononcée à l'encontre du centre hospitalier Philippe Pinel. Ses conclusions tendant à la réformation du jugement attaqué doivent dès lors être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles relatives aux intérêts et à la capitalisation des intérêts, que les premiers juges ont à raison fait courir à compter respectivement du 27 février 2020, date de la réception par l'établissement de sa requête indemnitaire préalable, et du 27 février 2021, date du premier anniversaire de celle-ci. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public de santé mentale de la Somme, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'établissement public de santé mentale de la Somme. Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01862
Cours administrative d'appel
Douai