Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/09/2023, 22NT00776, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'une part, d'annuler la décision du 1er octobre 2018 en tant que la ministre des armées a insuffisamment évalué le taux de son invalidité et a retenu qu'une partie de son infirmité résultant d'un " Etat de stress post-traumatique " n'est pas imputable au service et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 1905858 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 14 mars 2022 et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 août 2023 - non communiqué -, M. A..., représenté par Me Holley, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 janvier 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté ministériel du 1er octobre 2018 ; 3°) d'ordonner la révision de sa pension militaire d'invalidité et de fixer son taux d'invalidité à 80% ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - dès lors que l'expert a relevé que rien n'indique que les troubles dont il souffre aient préexisté à l'engagement militaire, rien ne justifie alors qu'un abattement de 20% soit appliqué au taux d'invalidité de 40% initialement fixé et qui aurait dû être retenu ; l'avis de la commission consultative médicale n'est pas motivé et ne saurait être pris en compte ; - il est assisté pour les actes de la vie courante par une assistance de service social auprès de l'hôpital d'instruction des armées de Brest ; il a également cessé toute activité professionnelle avant la survenue de cet accident ; il est inapte à tout emploi et atteint de troubles intenses ou très intenses le conduisant à un isolement considérable ; - l'expertise même succincte et la fiche descriptive des infirmités établissent l'existence des nombreux troubles dont il souffre ; si l'expert indique qu'une aggravation serait à rapporter à un accident domestique - un incendie à son domicile -, cette aggravation n'est toutefois pas documentée ; tous les troubles dont il souffre sont établis avant la survenue de cet accident ; Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2023, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui est né le 4 novembre 1970, a effectué sa carrière militaire dans l'Armée de Terre du 1er août 1989 au 30 mai 1998, date de radiation des contrôles. Par une demande présentée le 12 janvier 2017, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité résultant d'un " Etat de stress post-traumatique " qu'il impute à un évènement survenu en Ex-Yougoslavie en 1992. Par un arrêté ministériel du 1er octobre 2018, une pension militaire d'invalidité lui a été accordée pour cette infirmité à un taux de 20%, étant précisé que sur un taux global de 40%, 20% n'était pas imputable au service. M. A..., souhaitant obtenir une réévaluation de son taux d'invalidité à hauteur de 40%, a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes devenu compétent par détermination de la loi. Il relève appel du jugement du 17 janvier 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 1er octobre 2018 et sollicite désormais que son taux d'invalidité soit au moins fixé à 80%. 2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur au moment de la demande de pension : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. (...) ". Aux termes du guide barème, s'agissant des névroses traumatiques de guerre, le " taux d'invalidité à évaluer en fonction de l'intensité du syndrome de répétition, notamment des troubles du sommeil et de la gêne provoquée par les autres symptômes " et " en matière de troubles psychiques, ces pourcentages seront utilisés comme un code. Les éléments de celui-ci constituent une échelle nominale, dont les différents termes reçoivent à la fois une définition précise et explicite, s'appuyant sur des critères simples et généraux définissant le niveau d'altération du fonctionnement existentiel. / Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : / - absence de troubles décelables : 0 p. 100 ; / - troubles légers : 20 p. 100 ; / - troubles modérés : 40 p. 100 ; / - troubles intenses : 60 p. 100 ; / - troubles très intenses : 80 p. 100 ; - destruction psychique totale avec perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société : 100 p. 100. (...) / Les critères développés ci-dessous correspondent à des situations assez typiques et moyennes reflétant la démarche clinique qui est surtout globalisante et ne procède jamais par des estimations à 5 p. 100 près, mais par niveau de 20 p. 100 sur l'échelle nominale. Ils offrent toute liberté à l'expert pour proposer des pourcentages intermédiaires, dans la mesure où tel cas particulier se situerait entre deux niveaux. ". 3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". 4. En premier lieu, l'expert qui a examiné M. A... le 31 mai 2018, après avoir décrit et qualifié médicalement les symptômes de son infirmité (état de stress post-traumatique), a évalué globalement cette dernière à un taux 40 %, ce qui correspond à l'existence de " troubles modérés " selon l'échelle nominale du guide barème, évoqué au point 2, auquel se réfère l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Pour soutenir que les troubles résultant de l'état de stress post-traumatique dont il souffre ne peuvent être qualifiés de " modérés " mais doivent au contraire être regardés comme " très intenses ", M. A... rappelle, comme en première instance, qu'il est assisté pour les actes de la vie courante, qu'il est inapte à tout emploi et qu'il souffre d'un isolement considérable. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. A... soit assisté quotidiennement dans la vie courante même s'il consulte très régulièrement le médecin qui le suit à l'hôpital d'instruction des armées de Brest. Par ailleurs, la perte d'emploi, au vu des éléments versés au dossier, résulte de la perte de son permis de conduite pour cause d'alcoolémie au volant et n'est pas en relation avec le stress post-traumatique chronicisé dont il souffre. Enfin, il ressort du rapport d'expertise que, pour qualifier ses troubles de " modérés " et fixer le taux contesté, ont été pris en compte l'agoraphobie et l'isolement dont souffre l'intéressé. M. A... n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'élément médical pour corroborer ses affirmations et établir ainsi que ses troubles seraient " intenses ou très intenses ", justifiant de réévaluer le taux global de son infirmité. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la ministre des armées aurait insuffisamment évalué le taux de son invalidité au regard du guide barème. 5. En second lieu, M. A... soutient que rien ne permet de justifier, contrairement à ce que retient l'arrêté contesté du 1er octobre 2018, qu'un abattement de 20% soit appliqué au taux d'invalidité de 40% initialement retenu à la suite de l'expertise du 21 mai 2018. Il résulte de l'instruction que, si l'expert a indiqué que le stress post-traumatique dont souffre M. A... avait pour origine une blessure imputable au service reçue en " Yougoslavie " et qu'il a également relevé que " rien n'indiquait que les troubles dont il souffre aient préexisté à l'engagement militaire " écartant ce faisant tout état antérieur, il a toutefois ajouté que cette infirmité avait été " aggravée par un accident dramatique dont il a été victime sept ans auparavant " - soit en 2011- c'est-à-dire après le 30 mai 1998, date de radiation des contrôles comme indiqué au point 1. L'accident en question se rapporte, selon cet expert, à " un incendie dans un studio que M. A... occupait et qui lui aurait occasionné quatre semaines de coma thérapeutique, une rééducation, des séquelles cicatricielles touchant le haut du corps et du visage, une perte de poids de 24 kilos ainsi que l'absorption d'un corps étranger qu'il a fallu extraire par la suite. ". M. A... n'apporte, pas plus en appel qu'en première instance, d'élément médical justifiant d'écarter l'accident non imputable au service survenu en 2011 comme un facteur aggravant de son état de santé, évalué à la date de sa demande de pension. Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir d'un avis d'expert privé établi le 9 décembre 2020 qui, comme le relève la ministre des armées dans son mémoire du 17 janvier 2023, s'inscrit dans le cadre de la procédure de renouvellement de la pension de l'intéressé, avec effet à compter du 12 janvier 2020, dont l'objet est distinct du présent litige. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le ministre qui pouvait s'appuyer également sur l'avis de la commission médicale en date du 10 août 2018, lequel était suffisamment motivé, aurait, dans l'arrêté contesté du 1er octobre 2018, commis une erreur d'appréciation en retenant une part non imputable à son engagement militaire à hauteur de la moitié du taux global d'invalidité et fixé à 20 pour cent le taux de sa pension militaire d'invalidité. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22NT00776 2
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/09/2023, 21NT02212, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 31 mai 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905820 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 3 août 2021, M. B..., représenté par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 31 mai 2018 ; 3°) de dire qu'il doit bénéficier d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infimité " cancer du larynx ", le cas échéant après avoir ordonné une expertise médicale dont les frais seront mis à la charge de l'Etat ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que son cancer du larynx est imputable au service au sens des dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur ; il établit en effet l'existence d'un lien direct et certain entre sa maladie et le service et plus particulièrement son exposition aux poussières d'amiante durant toute sa carrière alors que l'administration ne démontre pas que d'autres facteurs seraient la cause déterminante de sa pathologie ; Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né en 1935, a exercé ses fonctions d'électrotechnicien embarqué en salle des machines dans la marine nationale entre le 18 septembre 1952 et le 5 novembre 1984. A compter du 24 janvier 2000, une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % lui a été allouée au titre de l'infirmité " plaques pleurales bilatérales de type asbestosique ". Le 28 août 2015, l'intéressé a sollicité une nouvelle pension militaire d'invalidité au titre du cancer du larynx qu'il a développé, en invoquant le lien entre cette pathologie et son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière militaire. Par une décision du 31 mai 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Il relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa requête. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut bénéficier de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du même code et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il incombe à l'intéressé d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 3. Il résulte de l'instruction que M. B..., incorporé dans la marine nationale à compter du 18 septembre 1952, a été rayé des contrôles le 5 novembre 1984, après avoir exercé toute sa carrière dans la marine nationale. En sa qualité d'électrotechnicien, il était chargé de l'entretien et du dépannage des installations électriques dans les compartiments des machines et des chaudières des navires sur lesquels il était embarqué. Il n'est pas contesté que sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord, de même que les réacteurs et moteurs des avions de l'aéronavale et que ces matériaux d'amiante avaient tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. M. B... produit ainsi l'attestation du directeur du personnel militaire de la marine en date du 28 juin 1999 confirmant qu'il a, au cours de sa carrière entre le 1er juin 1953 et le 2 janvier 1984, été exposé aux risques présentés par l'inhalation de poussières d'amiante. Enfin, il est constant que M. B... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " plaques pleurales " découverte dans les années 2000. Par suite, tant les conditions de travail de ce marin embarqué, que ses fonctions, permettent de conclure qu'il a été exposé sur une période de plus de 30 ans à un risque élevé de développer une pathologie en lien avec les poussières d'amiante. 4. Il résulte de l'instruction que M. B... a été soumis à une expertise médicale réalisée le 1er février 2017 par un oto-rhino-laryngologiste. Ce spécialiste rappelle que l'intéressé est suivi pour une lésion cordale gauche de carcinome épidermoïde microinfiltrant T1A, traité le 2 février 2015 par cordectomie, avec une reprise de résection pratiquée le 5 mars 2015. Il précise que la législation allemande, à la différence de celle appliquée en France, reconnaît le lien présumé entre l'amiante et les cancers laryngés. Après avoir constaté que l'intéressé ne présentait pas d'autres facteurs de risque, liés notamment au tabagisme, ce spécialiste en a déduit qu'il existait une présomption " certaine directe et exclusive " que le cancer du larynx de M. B... soit lié à l'amiante. Les 16 mai 2017 et 31 mai 2018, la commission consultative médicale puis la commission de réforme des pensions militaire d'invalidité ont émis un avis contraire au motif notamment que la législation française ne reconnaissait pas cette infirmité comme consécutive à une exposition à l'amiante. En outre, M. B... produit l'avis favorable émis le 5 février 2019 par la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante (CECEA). Cet organisme, constitué notamment de deux personnalités et de deux médecins spécialisés en matière d'amiante, a reconnu le lien entre son cancer du larynx et son exposition à l'inhalation de poussières d'amiante. Enfin, le requérant se prévaut d'articles scientifiques et notamment d'une thèse de doctorat en épidémiologie soutenue le 15 octobre 2012, concluant à la participation avérée des fibres amiantées dans la survenue du cancer du larynx. Si le ministre soutient que ces recherches ne font pas l'objet d'un consensus médical, il se borne à se référer au site internet de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) rappelant qu'à ce jour le cancer du larynx n'est pas reconnu comme une maladie professionnelle. Le ministre ne produit aucun autre élément de nature à établir que d'autres facteurs de risque seraient la cause déterminante de la pathologie de M. B.... Dans ces conditions, et compte tenu des justificatifs apportés par M. B..., l'intéressé doit être regardé comme établissant un lien de causalité suffisant entre le cancer du larynx dont il est atteint et son exposition à l'amiante au cours de sa carrière professionnelle au sein de la marine nationale. 5. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur l'octroi d'une pension militaire d'invalidité complémentaire à M. B... : 6. Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de renvoyer M. B... devant le ministre des armées afin qu'il détermine le montant de la pension militaire d'invalidité à laquelle il peut prétendre au titre de cette seconde infirmité, sur la base du taux d'invalidité non contesté de 20 % reconnu tant par la commission consultative médicale que par la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité dans leurs avis respectifs des 16 mai 2017 et 31 mai 2018. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905820 du tribunal administratif de Rennes en date du 22 juin 2021 ainsi que la décision de la ministre des armées du 31 mai 2018 rejetant la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... au titre de l'infirmité " carcinome épidermoïde T1 A laryngé traité par cordectomie : dysphonie sans dyspnée " sont annulés. Article 2 : M. B... est renvoyé devant le ministre des armées afin qu'il détermine le montant de la pension militaire d'invalidité à laquelle il peut prétendre au titre de cette seconde infirmité, sur la base du taux d'invalidité de 20 %. Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT02212
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 18/09/2023, 22BX00424, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 par lequel le maire de Bordeaux l'a licenciée pour inaptitude physique et l'a radiée des cadres à compter du 31 janvier 2021, d'enjoindre au maire de l'admettre à la retraite pour invalidité avec droit à pension et de condamner la commune à lui verser la somme de 22 023,09 euros à titre de dommages et intérêts. Par un jugement n° 2100651 du 6 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 février 2022, Mme B..., représentée par Me Delavallade, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 2100651 du tribunal ; 2°) d'annuler l'arrêté en litige du 7 décembre 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Bordeaux de l'admettre à la retraite anticipée ; 4°) de condamner la commune à lui verser la somme de 22 023,09 euros à titre de dommages et intérêts ; 5°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente dès lors que son signataire ne disposait pas d'une délégation de signature suffisamment précise lui permettant de licencier un agent ; d'autant que plusieurs autres décisions concernant sa situation personnelle ont été prises par une autre autorité de la commune ; - l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le maire aurait dû non pas la licencier mais l'admettre à la retraite de façon anticipée pour inaptitude physique ; elle a pris, en 2002, un congé de plusieurs années en vue d'élever un enfant âgé de moins de huit ans ; l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que le temps passé dans le cadre d'un tel congé est pris en compte pour la constitution du droit à pension ; elle a connu des problèmes de santé durant cette période ; ainsi, ses problèmes de santé, qui ont conduit à son inaptitude totale et définitive à l'exercice de toute fonction, doivent être regardés comme contractés ou aggravés au cours d'une période durant laquelle elle a acquis des droits à pension ; en conséquence, elle avait droit à être admise à la retraite de façon anticipée ; - l'illégalité qui entache la décision en litige constitue une faute qui engage la responsabilité de la commune ; elle doit être indemnisée de son préjudice financier qui résulte du fait que, depuis le 1er juillet 2018, elle perçoit un demi-traitement au lieu d'un plein traitement. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, la commune de Bordeaux, représentée par Me Bach, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 2 513 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des droits de plaidoirie. Elle soutient que la requête d'appel est irrecevable faute de comporter une critique des motifs du jugement attaqué ; elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme non fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Faïck, - les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Chapenoire, représentant Mme B... et de Me Bach représentant la commune de Bordeaux. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., agent territorial spécialisé des écoles maternelles de la commune de Bordeaux, a sollicité un congé parental le 1er octobre 2000 pour élever son enfant, né en 1999. A compter du 27 mai 2002, elle a bénéficié d'une disponibilité de plein droit pour élever son enfant jusqu'à ce que ce dernier atteigne l'âge de huit ans. En 2007, elle est placée en position de disponibilité pour convenances personnelles. Victime de problèmes de santé, Mme B... a été examinée le 15 décembre 2015 par le médecin du travail qui l'a jugée inapte à l'exercice de ses fonctions d'agent des écoles maternelles. Mme B... a demandé toutefois à être réintégrée dans les effectifs de la commune, mais en l'absence d'emplois disponibles, cette dernière l'a maintenue en position de disponibilité dans l'attente d'une proposition d'affectation. A la suite d'un examen effectué le 17 mai 2018, le médecin du travail a considéré que l'état de santé de Mme B... la rendait inapte à l'exercice de toute activité professionnelle, tout comme le comité médical dans son avis du 23 janvier 2019. Aussi, par un arrêté du 7 décembre 2020, le maire de Bordeaux a licencié Mme B... pour inaptitude physique totale et définitive et l'a radiée des cadres. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté du 7 décembre 2020 et de condamner la commune à l'indemniser des préjudices que lui a causé son licenciement. Elle relève appel du jugement du 6 décembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, par un arrêté du 14 septembre 2020, le maire de Bordeaux a délégué à Mme A..., adjointe chargée de l'administration générale, sa compétence à l'effet de signer, notamment en matière de carrières des agents, les " licenciements, abandons de poste et radiations des cadres ". Cette délégation, qui n'est pas imprécise, permettait à Mme A... de prendre l'arrêté en litige prononçant le licenciement pour inaptitude physique et la radiation des cadres de Mme B.... La circonstance que d'autres décisions relatives à la situation juridique de Mme B... aient été signées par le directeur de la vie administrative et de la qualité au travail dans le cadre de sa propre délégation, laquelle n'incluait pas le licenciement des agents, est sans incidence sur la compétence du signataire de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article L. 5 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf : 1° Dans la limite de trois ans par enfant né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié : a) D'un temps partiel de droit pour élever un enfant ; / b) D'un congé parental ; / c) D'un congé de présence parentale ; / d) D'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ou d'un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité (...) L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. (...). ". 4. D'une part, si l'article L. 9 précité prévoit que le temps passé en position de congé parental ou de disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans entre, par exception, en compte dans la constitution du droit à pension, il n'en va ainsi que lorsque ce congé, ou cette disponibilité, concernent un enfant né à partir du 1er janvier 2004. Par suite, son enfant étant né en 1999, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que ses années de congé et de disponibilité devaient être prises en compte pour le calcul de son droit à pension. 5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a, en 2004 et en 2009, subi une hystérectomie puis une mastectomie avec chimiothérapie et radiothérapie, soit durant une période pendant laquelle elle était placée en disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans, puis en disponibilité pour convenances personnelles. Ainsi, la maladie dont Mme B... a été victime, et qui a été à l'origine de son incapacité définitive à exercer toute fonction, ne peut être regardée comme ayant été contractée ou aggravée au cours d'une période durant laquelle elle acquérait des droits à pension au sens des dispositions des articles L. 9 et L. 29 précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il résulte au contraire de ces mêmes dispositions que Mme B... n'a acquis aucun droit à pension au cours de la période précitée. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir qu'en raison des droits à pension qu'elle aurait acquis durant ses périodes de congés et de disponibilité, et du fait qu'elle a contracté une maladie au cours de ces mêmes périodes, le maire de Bordeaux aurait dû non pas la licencier pour inaptitude physique, mais l'admettre à la retraite de façon anticipée avec droit à pension. Enfin, dès lors que Mme B... était inapte à l'exercice de toutes fonctions, et que son reclassement était impossible, le maire a pu légalement prononcer son licenciement pour inaptitude physique. 7. Mme B... n'est, dès lors, pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2020 en litige. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Sur les conclusions indemnitaires 9. La commune de Bordeaux n'a pris aucune décision illégale constitutive d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme B... doivent en tout état de cause être rejetées. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Sur les frais d'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par Mme B... tendant à ce que la commune de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de Mme B... la somme demandée par la commune au titre de ces frais. DECIDE Article 1er : La requête n° 22BX00424 de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bordeaux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Bordeaux. Délibéré après l'audience du 28 août 2023 à laquelle siégeaient : M. Luc Derepas, président, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2023. Le rapporteur, Frédéric Faïck Le président, Luc Derepas La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX00424 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 18/09/2023, 21BX02874, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel le maire de la commune de Vouillé a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n°1900891 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2021 et le 21 novembre 2022 (non communiqué), la commune de Vouillé, représentée par son maire en exercice et par Me Gendreau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 mai 2021 ; 2°) de rejeter la demande de Mme B... ; 3°) subsidiairement, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer si sa maladie est imputable au service ; 4°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la pathologie dont souffre Mme B... n'est pas une maladie professionnelle : en effet son affectation ne relève pas du tableau n° 98 des maladies professionnelles prévu par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que le poste occupé par l'intéressée au sein des services scolaires de la commune n'implique pas le port de charges lourdes ; - en outre, selon l'avis de la commission de réforme dont elle s'est appropriée les motifs, sa symptomatologie est en rapport avec un état antérieur préexistant qui évolue pour son propre compte, sa maladie ne peut donc être regardée comme une maladie imputable au service ; - subsidiairement, la contradiction étant manifeste entre les conclusions de l'expertise médicale et l'avis de la commission de réforme, une nouvelle expertise médicale ordonnée par le juge est nécessaire afin de déterminer si la pathologie de Mme B... est imputable au service. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Souet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Vouillé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de Mme D..., - et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjointe technique territoriale, exerce depuis 2005 des fonctions d'agent technique (ménage, cuisine, garderie) au sein du service scolaire de la commune de Vouillé dans le département de la Vienne. A compter du 28 août 2017, elle a été placée en congés de maladie ordinaire. Le 25 août 2018, elle a demandé au maire de la commune de Vouillé, la reconnaissance de sa pathologie en tant que maladie imputable au service. Par un arrêté du 19 février 2019 le maire de cette commune a rejeté sa demande et a placé l'intéressée en congé de longue maladie. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 4 mai 2021, le tribunal a fait droit à sa demande. La commune de Vouillé relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation. 2. D'une part, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Si la commune se prévaut des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 introduit par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, ces dispositions n'étaient pas encore entrées en vigueur à la date à laquelle Mme B... a été placée en congé de maladie, le 28 août 2017, faute de décret d'application. Le décret d'application du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale n'est entré en vigueur que le 13 avril 2019. Par suite la commune de Vouillé ne peut utilement soutenir que la pathologie dont souffre Mme B... ne relevait pas du tableau n° 98 des maladies professionnelles du régime général régi par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui est inapplicable à sa situation. Pour le même motif, la commune ne peut utilement soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à un de ses moyens, relatif à l'application des mêmes dispositions. 3. D'autre part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. L'existence d'un état antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. 5. Il ressort des pièces du dossier que, pour déclarer la maladie de Mme B... non imputable au service et estimer que ses arrêts de travail à compter du 28 août 2017 relevaient d'un congé de maladie ordinaire puis d'un congé de longue maladie, la commune de Vouillé a retenu dans son arrêté du 19 février 2019, suivant l'avis de la commission de réforme, que la pathologie lombalgique de l'intéressée était en rapport avec " un état préexistant évoluant pour son propre compte ". Pour annuler l'arrêté du 19 février 2019, le tribunal a estimé au contraire que la commune de Vouillé avait commis une erreur d'appréciation en estimant que sa pathologie n'était pas imputable au service. 6. Pour contester le jugement du tribunal, la commune de Vouillé persiste à soutenir que la pathologie dont souffre l'intéressée relève d'un état préexistant évoluant pour son propre compte et n'est donc pas imputable au service. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise du docteur C..., médecin agréé, établi le 23 octobre 2018, au vu duquel l'autorité territoriale s'est prononcée, que l'intéressée présentait " des douleurs lombaires diurnes et nocturnes " et que " les soins et frais médicaux prescrits sont à prendre en charge au titre de sa maladie professionnelle depuis l'origine le 27 août 2018 et jusqu'à la date de consolidation de sa maladie ". Si ce médecin admet, de manière équivoque, " qu'il existe un état préexistant non déclaré (lombalgie depuis 2010) " il ajoute " qu'il n'y a pas de pathologie indépendante évoluant pour son propre compte ". En outre, le certificat du médecin du travail du 1er février 2019 conclut dans le même sens en indiquant que " les pathologies de Mme B... sont en rapport direct avec l'exercice de son activité professionnelle ". Alors que le poste occupé par Mme B... comportait principalement des missions de ménage, de cuisine scolaire et de garde des enfants, qui sont par nature, physiquement sollicitantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'évolution de sa " lombosciatique droite chronique L4-L5 " diagnostiquée depuis 2010, aurait entraîné, à elle seule et indépendamment des conditions d'exécution de son service d'agent technique au sein des services scolaires de la commune de Vouillé qu'elle occupait depuis 2005, l'incapacité professionnelle de l'intéressée à compter du 28 août 2017. 7. Dans ces conditions, en dépit de l'avis défavorable de la commission de réforme, il y a lieu de considérer que les pathologies dont Mme B... a été atteinte à compter du 28 août 2017 sont imputables au service. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la commune de Vouillé n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté en litige. Sur les frais d'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la commune de Vouillé une somme sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Vouillé la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Vouillé est rejetée. Article 2 : La commune de Vouillé versera la somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Vouillé. Délibéré après l'audience du 28 août 2023 à laquelle siégeaient : M. Luc Derepas, président de la cour, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 septembre 2023. La rapporteure, Caroline D... Le président, Luc Derepas La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 21BX02874 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/09/2023, 22MA00384, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, premièrement, de convoquer les parties à une audience de conciliation sur le fondement de l'article R. 58 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, deuxièmement, d'annuler la décision du 23 août 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation des infirmités dont il est atteint, troisièmement, de fixer le taux d'invalidité de l'infirmité de broncho-pneumopathie chronique avec emphysème et insuffisance respiratoire moyenne à 65 %, et enfin, d'enjoindre à la ministre des armées de prendre une nouvelle décision en ce sens. Par un jugement n° 1901543 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Caviglioli, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 23 août 2019 rejetant sa demande de révision de pension ; 3°) de constater qu'il est victime d'une aggravation de son infirmité " broncho-pneumopathie chronique avec emphysème insuffisance respiratoire grave " ; 4°) de fixer en conséquence le taux global d'invalidité à 65 % ; 5°) d'enjoindre au ministre des armées de prendre une nouvelle décision en ce sens, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard. Il soutient que : - c'est à tort que, pour considérer que son infirmité respiratoire ne s'était pas aggravée et rejeter sa demande, les premiers juges n'ont tenu compte que de la valeur obtenue pour la mesure du syndrome obstructif, omettant de prendre en considération celle de la mesure du syndrome restrictif, tous deux constitutifs de l'invalidité en cause ; - si les constantes au titre du volume expiratoire maximal à la première seconde se sont améliorées, les autres, dont celle de la capacité vitale, se sont aggravées ; - même l'expert désigné par l'administration a conclu à l'aggravation nette de son état et à un taux d'invalidité supplémentaire de 10 % ; - le ministre ne justifie pas de l'affection étrangère à l'infirmité pensionnée qui serait la cause de son aggravation, ni du défaut de fondement de l'expertise qu'elle a elle-même ordonnée, alors que le militaire bénéficie en la matière d'une présomption d'imputabilité. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, en faisant valoir qu'aucun des moyens qui y sont développés n'est fondé. Par une ordonnance du 19 juin 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 6 juillet 2023, à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Caviglioli, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité du chef de l'infirmité dénommée " insuffisance respiratoire moyenne ", en a sollicité la révision pour aggravation le 7 décembre 2017. Par une décision du 23 août 2019, prise après avis de la commission de réforme des pensions du 21 août 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 7 décembre 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 2. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de révision de pension de M. B... : " La pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. ". Par ailleurs l'article L. 151-4 du même code, alors en vigueur, dispose que : " Le demandeur a la faculté de provoquer l'examen de sa demande par une commission de réforme (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ". 3. L'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée, la pension étant révisée lorsque le degré d'invalidité de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Cette disposition qui exige une aggravation réelle des blessures ou maladies, ne permet pas de remettre en cause, en l'absence d'aggravation effective, les bases de la liquidation initiale notamment en ce qui concerne le libellé des infirmités pensionnées. En ce qui concerne les droits à pension de M. B... : 4. Les recommandations du guide-barème des invalidités, qui, en la matière, ne revêtent aucun caractère contraignant, et dont se prévalent les parties à l'instance, définissent l'insuffisance respiratoire comme la coexistence d'un syndrome restrictif, décrit par le guide-barème comme la diminution de la capacité pulmonaire totale, et d'un syndrome obstructif, décrit par le même document comme la diminution du rapport entre le volume expiratoire maximal à la première seconde (VEMS) et la capacité vitale. Selon le guide-barème, l'insuffisance respiratoire est considérée comme moyenne lorsque le syndrome restrictif correspond à une capacité pulmonaire totale comprise entre 61 et 70 % de la valeur théorique et lorsque le syndrome obstructif renvoie à un VEMS compris entre 51 et 60 %. L'insuffisance respiratoire est qualifiée par le guide-barème de grave si la capacité pulmonaire totale est comprise entre 40 et 60 % de la valeur théorique et le VEMS entre 40 et 50 % de la valeur attendue, mais également si le militaire souffre d'une hypoxémie de repos et d'une apnée du sommeil avec appareillage. 5. Il résulte de l'instruction que l'infirmité dont souffre M. B..., et en raison de laquelle il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif au taux d'invalidité de 55 %, consiste en une broncho-pneumopathie chronique avec emphysème, se traduisant par une insuffisance respiratoire moyenne. Pour conclure à l'existence d'une telle insuffisance, et proposer en conséquence un taux d'invalidité de 55 %, qui a été retenu par le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse dans son jugement du 8 juillet 2013 pour faire droit à la précédente demande de révision de M. B..., le médecin expert désigné par l'administration des pensions avait considéré le 29 février 2011 au terme d'un examen spirométrique, que l'intéressé présentait une VEMS évaluée à 36,5 % de la norme attendue, et une capacité vitale forcée à 65 % de la valeur théorique, sans calculer la capacité pulmonaire totale. 6. D'une part, M. B... ne peut utilement, ni se plaindre du taux de 55 % auquel sa pension militaire a été précédemment révisée par décision devenue définitive du ministre de la défense du 28 novembre 2013, en exécution du jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 8 juillet 2013, lui-même devenu définitif, ni soutenir que le taux d'invalidité retenu par la décision litigieuse pour refuser une nouvelle révision de sa pension serait contredit par les propositions de l'expert de la commission de réforme que le ministre n'était, en tout état de cause, pas tenu de suivre. 7. D'autre part, certes le rapport rendu le 17 janvier 2019 par cet expert médical, qui avait déjà examiné M. B... le 29 février 2011, conclut à l'aggravation de son insuffisance respiratoire, qu'il qualifie de grave, et propose à ce titre un taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, portant le degré d'invalidité attachée à cette infirmité à 65 %, en relevant tout à la fois une dégradation de la capacité vitale forcée, et l'amélioration du VEMS, qui s'établit alors à 56 % de la valeur attendue, mais sans se prononcer sur sa capacité pulmonaire totale. Cependant, il ne résulte ni de ce document, ni du certificat de son médecin généraliste du 7 décembre 2017, ni d'aucune autre pièce médicale du dossier de M. B... que celui-ci présentait, au jour de sa demande de révision, une double aggravation des syndromes restrictif et obstructif dans des proportions correspondant, notamment selon les indications du guide-barème énoncées au point 4 dont l'intéressé ne remet pas en cause la pertinence, à une insuffisance respiratoire grave ou sévère, et qui justifiaient un taux d'invalidité supplémentaire d'au moins 10 %. Aucun des éléments de l'instruction ne montre en outre que M. B... souffrait, à la même date, d'une apnée du sommeil nécessitant un appareillage et d'une hypoxémie au repos. Si l'intéressé se prévaut des mentions du rapport d'expertise du 17 janvier 2019 mettant au jour une nette accentuation de la trame bronchovasculaire bilatérale à prédominance hilo-basale, ainsi qu'une dyspnée, il n'est ni établi ni allégué par celui-ci qu'il en résulterait pour lui une gêne fonctionnelle supplémentaire. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., dont l'argumentation relative à l'imputabilité au service de son infirmité est inopérante, compte tenu des motifs de la décision en litige et du présent arrêt, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Pierre Caviglioli et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023. N° 22MA003842
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/09/2023, 21TL23765, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et d'ordonner une expertise médicale sur ses séquelles otologiques. Par un jugement n° 1906408 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX03765, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL23765, et un mémoire enregistré le 31 août 2022, M. A... D..., représenté par Me Petitgirard, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'ordonner une expertise médicale afin d'apprécier ses séquelles otologiques ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - ses infirmités se sont aggravées ; en particulier, ses acouphènes se sont majorés depuis les expertises des docteurs C... et B... et il est établi que ceux-ci peuvent s'aggraver sans nouvelle exposition à un traumatisme sonore ; - il convient de faire droit à sa demande d'expertise afin d'apprécier cette aggravation. Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 avril et 7 octobre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que l'infirmité " acouphènes " ne peut donner lieu à révision de la pension servie à M. D... et que dans l'éventualité où la cour devait accéder à la demande d'expertise, celle-ci devrait être circonscrite à l'examen de l'infirmité " acouphènes " et le taux d'invalidité évalué à la date du 19 mars 2018. Par ordonnance du 7 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2022. Un mémoire présenté pour M. D... a été enregistré le 2 décembre 2022 et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Petitgirard, représentant M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né le 6 décembre 1984, qui s'est engagé dans la marine nationale le 2 novembre 2004, a été victime d'un traumatisme sonore aigu lié à des tirs de canon alors qu'il se trouvait à bord du navire " TCD Foudre " le 30 novembre 2008. Il a été radié des contrôles pour inaptitude physique le 31 janvier 2014 et a sollicité une pension militaire d'invalidité pour acouphènes et hypoacousie bilatérale, en raison de la persistance de ses symptômes auditifs. Une pension militaire d'invalidité au taux de 15% pour acouphènes lui a été octroyée à compter du 14 mars 2014, renouvelée le 14 mars 2017. Le 19 mars 2018, M. D... a demandé la révision de cette pension en raison de l'aggravation de ses acouphènes et de sa perte d'audition. Par une décision du 2 septembre 2019 prise après avis défavorable du médecin-expert, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par jugement du 6 juillet 2021 dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; (...) Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " Selon l'article L. 121-5 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Enfin, l'article L. 154-1 du même code, alors en vigueur, dispose : " le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 3. M. D..., dont l'infirmité résulte des conséquences d'un traumatisme sonore subi en service le 30 novembre 2008, soutient subir une aggravation des acouphènes et de l'hypoacousie justifiant la révision de sa pension d'invalidité. Il résulte toutefois de l'instruction que, selon l'expert qui l'a examiné dans le cadre de sa demande de pension militaire d'invalidité le 12 mai 2014, le requérant reste atteint, d'une part, d'une surdité de perception bilatérale légère sans altération de l'intelligibilité à droite et à gauche, sa perte auditive moyenne étant évaluée à 13,75 décibels à droite et 16,25 décibels à gauche ne justifiant aucune invalidité et, d'autre part, des acouphènes pour un taux d'invalidité à 15%. Le second expert désigné, lequel a remis son rapport le 26 avril 2017, a conclu à une stabilité de l'hypoacousie de M. D..., évaluée à 13,7 décibels à droite et à 10 décibels à gauche, et a maintenu un taux d'invalidité de 15% en raison d'acouphènes permanents évalués à une intensité de 5 décibels pour une fréquence de 6 000 - 8 000 hertz. Contrairement à ce que soutient M. D..., la circonstance que ce dernier expert ait indiqué qu'une prise en charge psychothérapique lui apparaissait nécessaire au motif que " l'acouphène semble être l'expression d'un mal-être " ne révèle par elle-même aucune aggravation de l'infirmité dont il souffre. Si le requérant se prévaut d'une aggravation de ses infirmités, il n'a pas davantage produit devant la cour de pièce médicale susceptible de remettre en cause le caractère non évolutif des séquelles liées à un traumatisme sonore, tel que retenu par le médecin expert lors de son avis défavorable du 16 juillet 2019. Il ressort en outre du rapport d'expertise précité établi en 2017 que les séquelles auditives du requérant sont stabilisées, plus de trois ans après la radiation des contrôles de l'intéressé. Ainsi, en l'absence de toute justification d'une quelconque aggravation de ses séquelles auditives au sens des dispositions prévues à l'article L. 154-1 du code précité, la ministre des armées a pu à bon droit, sans procéder à une nouvelle expertise, rejeter la demande présentée par M. D... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. 4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL23765 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/07/2023, 22DA00147, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 229 181,95 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'agissements d'un médecin militaire dont elle a été victime alors qu'elle était engagée volontaire dans l'armée de terre et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme de 54 986,99 euros, sous déduction de la provision d'un montant de 3 250 euros qui lui avait été accordée par le juge des référés de ce tribunal, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 janvier 2022 et le 23 juin 2022, le ministre des armées demande à la cour de réformer le jugement attaqué en jugeant qu'en matière d'indemnisation des accidents de service, la faute personnelle d'un agent non dépourvue de tout lien avec le service ne peut pas engager la responsabilité de l'Etat employeur et que seule une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ouvre droit à une réparation intégrale, en réduisant à de plus justes proportions les montants alloués à Mme A... au titre de l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, et en ne lui allouant aucune indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs ou, à tout le moins, en ne lui allouant pas d'indemnité au-delà de la date du terme de son contrat. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à raison d'une faute personnelle, non dépourvue de tout lien avec le service, commise par l'un de ses agents, alors que seule une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service était susceptible d'ouvrir au profit de Mme A..., sur le terrain de la responsabilité pour faute, un droit à une indemnité complémentaire de la pension d'invalidité qui lui a été octroyée ; - l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... ne pouvait excéder la somme de 1 550 euros ; - il n'existe aucune perte de gain professionnelle postérieure à la consolidation en lien direct avec les faits dont Mme A... a été victime ; - en tout état de cause, Mme A... ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels subie au-delà du terme de son contrat d'engagement, fixé au 4 mai 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, Mme A..., représentée par Me Laurent Guilmain, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés. La procédure a été communiquée à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2022 à 12 h 00. Les parties ont été informées, par courrier du 20 juin 2023, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de ce que, le tribunal administratif de Lille, n'ayant pas statué sur la dévolution des frais d'expertise, a méconnu la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit d'épuiser son pouvoir juridictionnel, de sorte qu'il y a lieu pour la cour d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise. Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrées le 23 juin 2023, ont été présentées par Mme A..., qui acquiesce à ce moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Guilmain représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., engagée volontaire dans l'armée de terre depuis le 4 mai 2004, a atteint le grade caporal-chef et a été mutée, le 1er août 2010, au C... en qualité de secrétaire. Elle a bénéficié d'arrêts de travail répétés prescrits par des médecins civils entre le 27 avril 2012 et le 26 février 2013. Par un arrêté du 10 juin 2013, le ministre de la défense a placé Mme A... en congé de longue durée pour une première période de six mois à compter du 27 février 2013, renouvelée à deux reprises jusqu'au 26 mai 2014, en précisant que l'affection justifiant ce congé n'était " pas survenue à l'occasion ou du fait de ses fonctions ". Par un arrêté du 13 mai 2014, le ministre de la défense a rayé Mme A... des contrôles de l'armée pour inaptitude physique définitive, et l'a admise à faire valoir ses droits à pension de retraite. Acceptant, par un arrêté du 6 novembre 2017, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme A..., le ministre de la défense lui a accordé une pension militaire d'invalidité. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser, notamment, une indemnité complémentaire de cette pension militaire d'invalidité, en réparation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle qu'elle estime avoir subis du fait de cet accident de service, constitué par des agissements commis à son encontre, au cours des mois d'août 2012 à avril 2013, par M. ..., médecin militaire, lors de visites médicales de contrôle auxquelles elle a dû se soumettre, et selon elle à l'origine de la dégradation de son état de santé. 2. Par un jugement du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille, faisant partiellement droit à la demande de Mme A..., a condamné l'Etat à lui verser, sous déduction de la provision de 3 250 euros accordée par une ordonnance du 27 août 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Lille, une indemnité totale de 54 986,99 euros, comportant, d'une part, une somme de 2 000 euros au titre des souffrances morales, non réparées par la pension militaire d'invalidité, et d'autre part, une somme totale de 52 986,99 euros au titre d'un complément d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle, que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. Le ministre des armées relève appel de ce jugement en ce qui concerne ces seuls postes de préjudice. A cet égard, il conteste le principe même de l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la faute. Il conteste également le caractère indemnisable et l'évaluation par les premiers juges de certains de ces préjudices. Il doit ainsi être regardé comme demandant, à titre principal, l'annulation et, à titre subsidiaire, la réformation du jugement attaqué en tant que le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... un complément d'indemnisation des préjudices réparés par la pension militaire d'invalidité et en a fixé le montant à la somme de 52 986,99 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a omis de statuer sur la charge définitive des frais de l'expertise ordonnée en référé par le président du même tribunal. Le tribunal a, ainsi, méconnu la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit d'épuiser son pouvoir juridictionnel, de sorte qu'il y a lieu pour la cour d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer immédiatement sur la charge des frais d'expertise. 4. Il y a lieu, en revanche, de statuer dans le cadre et dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel formé par le ministre sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille. Sur la responsabilité pour faute de l'Etat : 5. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dont les dispositions ont été reprises depuis le 1er janvier 2017 à l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / (...) / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / (...) ". 6. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, reprises depuis le 1er janvier 2017 à l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales. 7. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, ces dispositions ne font notamment pas obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 8. Pour déterminer si l'accident de service ayant causé un dommage à un militaire est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sorte que ce militaire soit fondé à engager une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale par l'Etat de l'ensemble du dommage, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 9. En l'espèce, par un jugement du 24 février 2016 du tribunal correctionnel de Lille, dont il n'est pas contesté qu'il est devenu définitif sur ce point, M. ..., médecin militaire, officier supérieur, a été reconnu coupable d'attouchements sexuels commis par surprise au cours d'examens médicaux réalisés dans l'exercice de ses fonctions sur quatre plaignantes, dont Mme A.... Eu égard à l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constations de faits par le juge pénal, la matérialité des agissements dont Mme A... a été la victime est établie, et n'est d'ailleurs pas contestée par le ministre des armées. La faute ainsi commise, en raison de sa gravité, présente le caractère d'une faute personnelle détachable du service. Une telle faute n'ouvre pas, par elle-même, au profit de Mme A..., un droit au versement d'une indemnité complémentaire de la pension militaire d'invalidité au titre des préjudices que cette pension a pour objet de réparer. 10. Il résulte, toutefois, de l'instruction, en particulier des éléments recueillis par les services de la gendarmerie nationale en juillet 2013, dans le cadre d'une enquête préliminaire, que les agissements répétés de M. ... à l'encontre de plusieurs militaires étaient connus de sa hiérarchie dès l'année 2008, alors qu'il était en poste au centre médical de .... Son supérieur hiérarchique s'était alors borné à le recevoir en entretien pour une mise en garde et à préconiser la présence d'un personnel féminin lorsqu'il recevrait des femmes en consultation. Il ne résulte pas de l'instruction que la mise en œuvre de cette mesure ait été contrôlée, ni poursuivie après la mutation de M. ... à ..., un an après son affectation à .... S'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre de M. ... pour des faits de même nature, ce dernier a été suspendu de ses fonctions en février 2013, cette mesure n'est intervenue que près de cinq ans après que l'administration eut connaissance de ses agissements et postérieurement à ceux dont Mme A... a été victime. Au surplus, le jugement du 24 février 2016, mentionné au point précédent, relève que l'administration " n'a pas tiré toutes les conséquences des informations dont elle disposait ". Compte tenu de la nature, du caractère répété et de la gravité des agissements de M. ..., les mesures prises par l'autorité militaire en vue de prévenir leur réitération ont présenté un caractère insuffisant, constitutif d'une faute commise dans l'organisation et le fonctionnement du service. Cette faute ayant rendu possible les agissements dont M. ... s'est rendu coupable envers Mme A..., reconnus comme accident de service, celle-ci est fondée à demander à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité complémentaire de la pension miliaire d'invalidité qui lui a été allouée au titre des préjudices que cette pension vise à réparer, si elle n'en assure pas la réparation intégrale. Sur les préjudices dont la pension militaire d'invalidité a pour objet d'assurer la réparation : 11. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant au versement d'une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total de ces préjudices, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif. En ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs : 12. Par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que Mme A... était en droit de se prévaloir d'une perte de gains professionnels, depuis la consolidation de son état de santé et jusqu'à la date théorique de son départ à la retraite, pour des montants respectifs de 31 763,88 euros, évalués à la date du jugement, et de 111 969, 85 euros pour la période postérieure à celui-ci. 13. En premier lieu, le ministre des armées soutient que, postérieurement à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 avril 2014, Mme A... n'a subi aucune perte de gains professionnels en lien direct avec les agressions dont elle a été victime à partir du mois d'août 2012. Il fait valoir que, dans les conclusions de son rapport, l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Lille a relevé l'existence d'un état antérieur et qualifié de retour à cet état antérieur la situation médicale de l'intéressée au moment de la consolidation de son état. 14. Dans son rapport, l'expert a identifié l'existence chez Mme A... de troubles anxio-dépressifs, documentés dès l'année 2005, à l'issue de son retour d'une mission au Sénégal et qui ont justifié la prescription de traitements médicamenteux ainsi que des arrêts de travail depuis l'année 2009. L'état de santé de Mme A... antérieur aux agressions dont elle a été victime à partir du mois d'août 2012 est décrit par l'expert comme une " souffrance existentielle, répétée, sans réelle restriction de la capacité relationnelle ou rétrécissement de la liberté existentielle, qui a autorisé le maintien d'une relation à un juste degré d'adéquation des relations à autrui et aux situations, la projection dans l'avenir, la possibilité de contrôler ses actes et ses affects, bien qu'émaillée d'arrêts de travail, de proposition de traitement psychotrope anxio-sédatif et de suivi spécialisé ". L'expert a estimé que ces troubles entraînaient un déficit fonctionnel permanent de 15 %. L'expert a, par ailleurs, relevé que les agressions subies par Mme A... étaient directement à l'origine de l'apparition d'un syndrome de stress post- traumatique, caractérisé par " un trépied pathognomonique qui associe reviviscences, conduites d'évitement et hyperactivation neurovégétative ", dont il a constaté la persistance au cours de l'examen clinique réalisé le 21 juin 2017, plus de trois ans après la date de consolidation fixée au 21 avril 2014. Pour estimer que la consolidation, comprise comme la date à laquelle l'état de Mme A... peut être considéré stabilisé sans amélioration, ni aggravation prévisible, devait être considérée comme acquise à cette date, l'expert s'est fondé sur les conclusions d'un médecin psychiatre des hôpitaux des armées qui, à l'issue d'un examen réalisé le 21 janvier 2014, lors du renouvellement du congé de longue durée dont bénéficiait alors l'intéressée, avait relevé une " stabilisation de l'humeur qui permet un arrêt du traitement antidépresseur " et " une fragilité en particulier anxieuse qui incite à prolonger de trois mois l'arrêt maladie pour consolider l'amélioration ". A l'issue de l'examen clinique du 21 juin 2017, l'expert a précisé que l'ensemble des manifestations du syndrome de stress post-traumatique entraînaient une détresse cliniquement significative et une altération du fonctionnement professionnel et social et estimé que Mme A... subissait un déficit fonctionnel permanent total de 40 %, dont 25 % étaient imputables au syndrome de stress post-traumatique après déduction de la fraction de 15 % en lien avec son état antérieur. Enfin, en dehors du passage des conclusions du rapport d'expertise relatives à la date de consolidation, l'expert ne mentionne à aucun moment dans son rapport que celle-ci s'était manifestée par un retour à l'état antérieur, ce qui serait en contradiction avec l'ensemble des éléments analysés ci-dessus. 15. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'état de santé de Mme A..., rayée des contrôles de l'armée pour invalidité définitive par un arrêté du 13 mai 2014, après une période de congé de longue durée à demi-solde, ne permet pas d'exclure par principe que celle-ci ait subi une perte de revenus postérieure à cette consolidation et en lien direct avec les agressions dont elle a été victime. 16. Toutefois, il résulte également de la fiche de synthèse du dossier de Mme A... produite par le ministre, et il n'est pas contesté par l'intéressée, que son contrat d'engagement prenait fin le 3 mai 2015. Il ne résulte pas de l'instruction, en l'état du dossier, compte tenu notamment de l'apparition de troubles antérieurs à l'accident de service et de leur impact sur l'accomplissement de celui-ci, que Mme A... ait été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le renouvellement de son engagement au-delà de son terme, ni de poursuivre ensuite sa carrière jusqu'à l'âge théorique de son admission à la retraite. Mme A... n'est donc en droit de prétendre à l'indemnisation de la perte de gains professionnels postérieurs à la consolidation que pour la période du 21 avril 2014 au 3 mai 2015. 17. S'agissant de l'évaluation de ce poste de préjudice, Mme A... a déclaré au titre de ses revenus imposables, dans la catégorie des " salaires et assimilés ", la somme de 10 320 euros. Elle avait perçu une solde de 1 323 euros au titre du mois de janvier 2014, de 754,54 euros au titre de février 2014, de 754,13 euros au titre de mars 2014 et de 752,89 euros au titre du mois d'avril 2014, dont les deux tiers doivent être regardés comme se rapportant à la fraction de ce mois antérieur à la date de consolidation, fixée au 21 avril 2014. Elle a donc perçu des revenus de cette nature de 6 986,34 euros durant les huit mois et un tiers correspondant à la fraction de l'année 2014 postérieure à la consolidation. Pour l'année 2015, Mme A... a déclaré dans la même catégorie de revenus la somme de 4 052 euros, dont le tiers, soit 1 013 euros doit être regardé comme se rapportant aux revenus perçus durant la période antérieure au 3 mai 2015, date du terme de son contrat d'engagement. Ainsi, durant la période de douze mois et un tiers comprise entre la date de consolidation et celle de la fin théorique du contrat d'engagement, Mme A... a perçu des salaires ou assimilés d'un montant total de 7 999,34 euros. En tenant compte d'une solde moyenne de référence de 1 487 euros, correspondant à la moyenne mensuelle perçue durant chacune des deux années précédant les agressions, Mme A... aurait dû percevoir durant cette même période la somme de 18 334,71 euros, soit une perte de gains professionnels postérieure à la consolidation indemnisable de 10 335,37 euros. En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire : 18. Le ministre des armées conteste l'évaluation par les premiers juges à la somme de 6 198 euros du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... et qui, selon lui, doit être évalué à 1 550 euros. L'expert a estimé que, du fait du syndrome de stress post-traumatique résultant des agressions dont elle avait été victime à partir du mois d'août 2012, Mme A... a subi une gêne temporaire " de classe 2 " jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 avril 2014. Compte tenu des symptômes décrits par l'expert avant la stabilisation de l'humeur de l'intéressée ayant permis de regarder son état comme consolidé, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, sur la base d'un déficit fonctionnel temporaire de 30 %, à 2 500 euros. En ce qui concerne le montant total des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer et du droit de Mme A... à recevoir indemnisation complémentaire : 19. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux trois points précédents que la perte de gains professionnels futurs, postérieure à la consolidation et le déficit fonctionnel temporaire, en lien direct avec l'accident de service et dont Mme A... est fondée à se prévaloir, doivent être évalués aux sommes respectives de 10 335,37 euros et de 2 500 euros. Le ministre des armées ne conteste, par ailleurs, ni le caractère indemnisable de la perte de gains professionnels actuels (avant consolidation), du déficit fonctionnel permanent (après consolidation) et de l'incidence professionnelle au titre desquels le tribunal administratif de Lille a accordé à Mme A... une indemnisation complémentaire, ni leur évaluation par les premiers juges aux sommes respectives de 6 469,90 euros, 50 000 euros et 20 000 euros. Ainsi, le montant total des préjudices subis par Mme A... et que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer s'élève à la somme de 89 305,27 euros. 20. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme A... a bénéficié d'arrérages de pension militaire d'invalidité à hauteur de 15 856,03 euros servis entre le 17 octobre 2015 et le 28 août 2021 et bénéficie au même titre d'un capital représentatif de 157 558,61 euros, soit un montant total de 173 414,64 euros, supérieur à la somme de 89 305,27 euros déterminée au point précédent. 21. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que Mme A... n'est en droit de prétendre à aucune indemnisation complémentaire des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. 22. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 52 986,99 euros au titre d'un complément d'indemnisation des préjudices que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. L'annulation, dans cette mesure, du jugement attaqué, ne remet pas en cause le jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme A..., sous déduction de la provision de 3 250 euros mise à la charge de l'Etat par l'ordonnance de du 27 août 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Lille, une somme de 2 000 euros en réparation de ses souffrances morales, que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer, et qui n'est pas contestée en appel par le ministre des armées. Sur les dépens de l'instance devant le tribunal administratif de Lille, constitués par les frais d'expertise : 23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagée entre les parties (...) ". 24. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, dont la condamnation au paiement à Mme A... d'une indemnité de 2 000 euros au titre des souffrances morales éprouvées par cette dernière n'est pas remise en cause devant la cour, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 378 euros TTC par une ordonnance du 23 octobre 2017 du président du tribunal administratif de Lille. Sur les frais liés au litige d'appel : 25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais non compris dans les dépens, exposés par Mme A... devant la cour, soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme A... la somme de 52 986,99 euros au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la perte de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. La demande présentée par Mme A... en première instance est rejetée en ce qu'elle tend à l'indemnisation de ces mêmes préjudices. Article 2 : Le jugement n° 2009160 du 24 novembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il omet de se prononcer sur la charge des frais d'expertise. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 378 euros TTC par une ordonnance du 23 octobre 2017 du président du tribunal administratif de Lille sont mis à la charge de l'Etat. Article 3 : Les conclusions présentées devant la cour par Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, - Mme Dominique Bureau, première conseillère, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : G. Borot La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière, A.S. Villette 2 N°22DA00147
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 18/07/2023, 21TL03691, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2019 de la ministre des armées en tant que celle-ci a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités pensionnées n° 2 et 3, de lui allouer le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif aux taux de 30 % pour les infirmités pensionnées contestées et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903747 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a fixé à 20% le taux d'invalidité de la pension concédée à M. C... A... au titre de chacune des infirmités n° 2 " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et n° 3 " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ", a réformé l'arrêté du 25 mars 2019 de la ministre des armées en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 27 août 2021 sous le n° 21MA03691 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03691, la ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 8 juillet 2021 en ce qu'il a accordé à M. C... A... un taux d'invalidité de 20% au titre des " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et un même taux d'invalidité au titre des " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ", à compter du 27 juillet 2018 ; 2°) de limiter le taux d'invalidité de M. C... A... au titre de chacune de ces infirmités au taux de 10%, à compter du 27 juillet 2018 ; 3°) de confirmer la décision du 25 mars 2019. Elle soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation en reconnaissant à M. C... A... un taux d'invalidité de 20% pour chacune des deux infirmités : il a privilégié les conclusions d'une expertise réalisée postérieurement à la date du renouvellement des infirmités ; les experts n'ont pas analysé les déficits fonctionnels dont reste atteint M. C... A..., confrontés à ceux de l'expertise antérieure de 2016, et ne rapportent pas d'éléments objectifs de la gêne fonctionnelle, aggravés depuis l'expertise de 2016 ; le rapport expertal fait état de préjudices tels que les souffrances physiques, d'ordre psychologique et d'ordre sexuel qui ne peuvent être réparés par l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent caractérisant la pension militaire d'invalidité ; - le taux d'invalidité de 10% est médicalement et légalement justifié au regard de l'expertise règlementaire pratiquée par le docteur E.... La procédure a été communiquée à M. C... A..., qui a été mis en demeure de présenter des observations le 14 juin 2022. Par ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., né le 10 avril 1979, qui s'est engagé dans la Légion étrangère le 30 septembre 2009 où il a servi par contrats successifs avec le grade de caporal, a été victime d'une explosion de mine le 24 juillet 2015, alors qu'il circulait à bord d'un véhicule de l'avant-blindé dans le cadre d'une opération extérieure au Mali. Il a été titulaire d'une pension militaire d'invalidité temporaire concédée par arrêté du 13 février 2017 au taux de 20% prenant effet du 27 juillet 2015 au 26 juillet 2018, au titre de " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et de " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ". Le 7 mars 2017, M. C... A... a sollicité le bénéfice d'une pension au titre d'une infirmité nouvelle pour état post-traumatique. Le 3 avril 2018, il a sollicité le renouvellement de ses infirmités pensionnées. Par un arrêté du 25 mars 2019, la ministre des armées a consolidé sa pension en la portant au taux global de 60% compte-tenu de l'infirmité nouvelle évaluée au taux de 40% et en confirmant le taux de 10% pour chacune des deux infirmités n° 2 et 3. M. C... A... a demandé au tribunal régional des pensions militaires de Nîmes d'annuler cette décision, en tant qu'elle maintient à 10% le taux d'invalidité de chacune des infirmités n° 2 et 3. Cette demande a été transmise au tribunal administratif de Nîmes en application du décret du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité. Par un jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a réformé l'arrêté du 25 mars 2019 du ministre des armées en tant qu'il refuse de prendre en compte l'aggravation des infirmités n°2 et 3 de M. C... A..., et fixé à 20% le taux d'invalidité de chacune de ces infirmités. La ministre des armées demande d'annuler ce jugement en limitant le taux d'invalidité de M. C... A... au titre de ces infirmités à 10%. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle (...). " Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ou, lorsque la pension est attribuée par présomption, le droit de l'intéressé à cette présomption. / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 % ". Aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " La pension a un caractère définitif lorsque l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. A défaut, la pension est concédée pour trois ans et peut être convertie en pension définitive dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / En cas de pluralité d'infirmités dont l'une ouvre droit à pension temporaire, la pension indemnisant l'ensemble des infirmités est attribuée à titre temporaire, sans préjudice du caractère définitif qui peut être reconnu à une ou plusieurs infirmités. (...) ". Aux termes de l'article L. 125-3 du même code : " Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5. / (...) L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité (...) ". Aux termes de l'article L. 125-5 du même code : " Lorsqu'il s'agit d'amputations ou d'exérèses d'organe, les pourcentages d'invalidité figurant aux barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 sont impératifs. / Dans les autres cas, ils ne sont qu'indicatifs ". Il résulte du guide-barème des invalidités applicable au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qu'au titre des infirmités du tarse et du rachis, les taux d'invalidité sont les suivants : " (...) a. Fracture du calcanéum : 5 à 30 % (...) Raideurs articulaires : a. Avec angle de mobilité favorable, le pied conservant des mouvements qui oscillent de 15° autour de l'angle droit : 0 à 10 % ; b. Avec angle de mobilité défavorable (pied talus ou équin) : 10 à 30 % ; (...) Colonne vertébrale. 1. Lésions traumatiques (...) Fractures (...) : 10 à 30 % ". 4. Il résulte de l'instruction que, selon le rapport de l'expert médical spécialisé en rhumatologie, rendu le 29 novembre 2016, M. C... A... qui a été victime de différentes fractures lors de l'accident de service du 24 juillet 2015, reste notamment atteint de séquelles d'une fracture du calcanéum droit et d'une fracture tassement postéro-latérale C5 sur C6. Alors que l'intéressé se déplaçait avec un fauteuil roulant ou avec l'aide de deux cannes anglaises pour une autre pathologie et portait deux orthèses jambo-pédieuses, l'expert a estimé que chacune des deux infirmités justifiait un taux d'invalidité de 10%. Dans le cadre du renouvellement de la pension temporaire qui avait été concédée à M. C... A... au titre de ces deux infirmités, l'expert désigné a estimé, dans son rapport rendu le 28 septembre 2018, que les séquelles de fracture du calcanéum droit étaient inchangées depuis la précédente expertise, avec la persistance d'une raideur douloureuse de la cheville et de l'articulation sous-talienne entraînant une boiterie, et a relevé la persistance de cervicalgies avec limitation des mouvements de rotation et de flexion du rachis cervical. Au regard de ces constatations, l'expert a estimé que le taux d'invalidité de chacune de ces infirmités était inchangé, au taux de 10%. Pour remettre en cause le taux d'invalidité retenu dans la décision contestée du 25 mars 2019, M. C... A... a produit devant le tribunal un certificat médical établi le 14 août 2019 par le docteur ..., qui déclare suivre régulièrement l'intéressé pour des douleurs chroniques évoluant depuis 2015, et indique qu'il garde des séquelles à type de douleurs chroniques rachidiennes et des calcanéums et a bénéficié à plusieurs reprises de perfusions de kétamine à visée antalgique depuis octobre 2016, avec un bénéfice net sur les douleurs rachidiennes et des deux talons. Ce certificat médical ne fait ainsi état d'aucun élément permettant de remettre en cause les taux d'invalidité tels que retenus par l'expert. M. C... A... a ensuite produit une expertise rendue le 19 octobre 2019 à sa demande par le docteur ..., qui indique ne pas souscrire aux conclusions de l'expert et retient un taux d'invalidité de 25% au titre des séquelles au niveau de la fracture du calcanéum et de 20% au titre de celles au niveau du rachis. Toutefois, alors que ce rapport indique examiner l'état actuel du patient, sans préciser se placer à la date de la demande de renouvellement de la pension militaire d'invalidité de celui-ci, soit le 3 avril 2018, il résulte de l'instruction que les constatations opérées sont identiques à celles de l'expert ... en ce qui concerne l'examen tant du rachis cervical que de la flexion des chevilles. Ainsi, le docteur B... relève que le rachis cervical montre un rachis limité dans la flexion avec une distance menton-sternum de 7 centimètres, que l'inclinaison latérale droite et gauche est de 30° et que la rotation droite et gauche est de 60°. S'agissant des calcanéums, l'examen des membres inférieurs et des chevilles révèle une flexion dorsale de 5° à droite, identique lors des précédentes expertises, et une flexion plantaire de 40° à droite, mesurée à 45° lors des précédentes expertises. Pour retenir des taux d'invalidité de 20 et 25% respectivement, le docteur B... indique avoir pris en considération les comptes-rendus du docteur D..., la prise en charge de l'intéressé par le centre anti-douleur et les très nombreuses perfusions de kétamine dont il a bénéficié, ainsi que la prise en charge psychologique et les différents éléments de l'examen clinique. Toutefois, alors que les experts désignés par l'administration relevaient déjà les douleurs du rachis cervical, l'examen clinique effectué par le docteur B... ne révèle aucune modification de l'état de M. C... A... s'agissant des deux infirmités n° 2 et 3. En outre, l'expertise réalisée le 25 février 2019 dans le cadre de l'indemnisation de l'accident de service dont a été victime l'intéressé, fait état d'un déficit fonctionnel permanent dont il reste atteint en lien direct avec l'accident au taux de 23%, lequel inclut un syndrome post traumatique persistant modéré compliqué d'un syndrome dépressif, qui a par ailleurs donné lieu à une pension d'invalidité au taux de 40%, ainsi que des séquelles du 5ème doigt de la main droite. Dans ces conditions, en fixant à 10% le taux de chacune des invalidités n° 2 et 3, le ministre des armées n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit ou d'appréciation au regard du guide barème des invalidités. 5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur l'aggravation des séquelles des lésions du calcanéum droit et du rachis cervical inférieur de M. C... A... pour réformer la décision du 25 mars 2019 de la ministre des armées. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... A... devant le tribunal administratif de Nîmes. Sur les autres moyens soulevés en première instance : 7. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 8. En premier lieu, la décision du 25 mars 2019 a été signée par Mme ..., attachée principale d'administration de l'Etat, adjointe au chef du bureau des invalidités, des réversions et du contentieux au sein de la sous-direction des pensions du service de l'accompagnement professionnel et des pensions, qui a reçu, par décision du 8 février 2019 de la directrice des ressources humaines du ministère de la défense, publiée au Journal officiel de la République française du 10 février 2019, délégation à l'effet de signer au nom de la ministre des armées, notamment les actes relatifs aux invalidités. Le directeur des ressources humaines du ministère des armées avait lui-même compétence pour déléguer ainsi sa signature, en application de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, qui est d'ordre public, doit dès lors être écarté. 9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 3 octobre 2019, qui se borne à contester le bien-fondé de la décision du 25 mars 2019, est dépourvue de tout moyen de forme ou de procédure. Dès lors, la ministre des armées est fondée à soutenir que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et des vices de procédure dont serait entachée la décision du 25 mars 2019 en raison, d'une part, de l'irrégularité de l'avis de la commission consultative médicale du 19 janvier 2019 visé dans la fiche descriptive des infirmités et, d'autre part, de la nullité partielle de ladite fiche descriptive des infirmités résultant de la nullité de l'expertise du fait de la qualité de l'expert, qui ont été soulevés dans le mémoire complémentaire enregistré le 5 mars 2020, sont irrecevables. 10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 8 juillet 2021 le tribunal administratif de Nîmes a réformé sa décision du 25 mars 2019 en tant qu'elle a fixé un taux d'invalidité de 10% pour chacune des infirmités n°2 et 3. Par suite, ce jugement n° 1903747 doit être annulé en tant qu'il a attribué un taux d'invalidité de 20% au titre de chacune des infirmités n° 2 et 3. M. C... A... n'étant pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2019, ses conclusions tendant à enjoindre à l'Etat de lui allouer le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif aux taux de 30 % pour les infirmités n°2 et 3 doivent dès lors être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903747 du tribunal administratif de Nîmes en date du 8 juillet 2021 est annulé en tant qu'il a attribué à M. C... A... un taux d'invalidité de 20% au titre de chacune des infirmités n° 2 " Séquelles de fracture du calcanéum droit " et n° 3 " Séquelles de fracture tassement postéro-latéral de C5 sur C6 ". Article 2 : La demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21TL03691 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de PARIS, 5ème chambre, 17/07/2023, 22PA03329, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant l'instruction de son dossier de retraite pour invalidité, ainsi que l'arrêté du 12 août 2020 portant mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er septembre 2020, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie pour laquelle elle a été mise à la retraite pour invalidité et de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement n° 1912249, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet et 10 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Guitton, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1912249 du 11 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant instruction de son dossier de retraite pour invalidité, ainsi que l'arrêté du 12 août 2020 portant mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er septembre 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Guitton de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - aucune proposition de reclassement sur un autre emploi ne lui a été faite, en méconnaissance des dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 ; - le caractère définitif de son inaptitude à toute fonction n'est pas établi ; - son invalidité est imputable au service. Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 2 mars 2023 à 12h00. Un mémoire a été présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer le 14 juin 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 11 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vrignon-Villalba, - les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique, - et les observations de Me Guitton, pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., agent administratif au sein de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, a été placée en congé exceptionnel, à plein traitement, du 31 janvier 2013 au 28 février 2018, puis en congé longue maladie à compter du 1er mars 2018. Le comité médical a, par avis du 29 janvier 2019, estimé que Mme B... était définitivement inapte à exercer toute fonction. Par des arrêtés du 12 février 2019, du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a maintenu l'intéressée en congé longue maladie dans l'attente de l'instruction de sa demande de retraite pour invalidité présentée le 18 février 2019. Par un arrêté du 12 août 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, après avis de la commission de réforme en date du 10 mars 2020, placé Mme B... en retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, à compter du 1er septembre 2020. Mme B... relève appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, qui l'a regardée comme demandant l'annulation des arrêtés des 22 octobre 2019, 10 juillet 2020 et 12 août 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis, a rejeté sa demande. En ce qui concerne les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 : 2. Mme B... ne soulève, en appel, aucun moyen à l'appui de ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant l'instruction de son dossier de retraite pour invalidité. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. En ce qui concerne l'arrêté du 12 août 2020 : 3. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application du 2° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application des 3° et 4° du même article 34. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension ". 4. D'autre part, selon l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite d'altération de son état de santé, inapte à l'exercice de ses fonctions, le poste de travail auquel il est affecté est adapté à son état de santé. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ce fonctionnaire peut être reclassé dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois en priorité dans son administration d'origine ou, à défaut, dans toute administration ou établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s'il a été déclaré en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) / Le fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions a droit, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat, à une période de préparation au reclassement, avec traitement d'une durée maximale d'un an. Cette période est assimilée à une période de service effectif (...) ". Et aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréées, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois public et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 mai 2019, le docteur C..., qui a examiné Mme B... à la demande du comité médical, a écrit au médecin traitant de l'intéressée pour lui indiquer qu'il préconisait, compte tenu de son état de santé, un congé longue maladie de six mois, renouvelable six mois, et qu'il avait évoqué avec Mme B... une mise à la retraite pour invalidité. Par un avis du 29 janvier 2019, le comité médical départemental a conclu à l'inaptitude totale et définitive à toutes fonctions de Mme B... et rendu un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité. Il ressort notamment des termes non contestés de la lettre du 22 octobre 2019 adressée par le chef du bureau des ressources humaines de la préfecture à Mme B... que celle-ci a sollicité, le 18 février 2019, sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2019. Par un avis du 10 mars 2020, la commission de réforme a également rendu un avis favorable à la mise en retraite pour invalidité de l'intéressée. 6. En premier lieu, les certificats et documents médicaux produits par Mme B..., à savoir la fiche de visite établie le 23 février 2017 par le médecin du service de prévention, qui indique qu'en raison de son état de santé, Mme B... " doit travailler avec une pression minimale, sans contact avec le public (même au téléphone), sans open space, en-dehors d'un milieu bruyant ", le certificat médical de son médecin traitant du 10 mars 2017 selon lequel " Afin de favoriser son retour au travail, il me semble nécessaire de tenir compte de son handicap et de ses difficultés psychologiques, notamment en lui évitant autant que possible un open-space et un stress trop important " et la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 27 avril 2017, qui accorde à l'intéressée la qualité de travailleur handicapé pour la période du 10 septembre 2017 au 9 septembre 2022, en précisant " maintien dans l'emploi avec le soutien de votre organisme de référence ", qui sont antérieurs à l'avis rendu par le comité médical, sont insuffisants pour infirmer le constat d'inaptitude définitive à toutes fonctions fait tant par le comité que par la commission de réforme. 7. En deuxième lieu, dès lors que Mme B... était définitivement inapte à toutes fonctions, et alors au surplus qu'elle ne conteste pas avoir elle-même demandé à être placée à la retraite pour invalidité, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'administration n'était pas tenue de l'inviter à présenter une demande de reclassement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions, mentionnées au point 4, de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 doit être écarté. 8. En troisième lieu, il ressort des termes de l'avis rendu par la commission de réforme à l'issue de sa séance du 10 mars 2020 que celle-ci a considéré que l'état de santé de Mme B..., conduisant à sa mise à la retraite pour invalidité, n'était pas imputable au service. L'intéressée, qui ne conteste pas ne pas avoir sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie avant sa mise à la retraite, n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'avis de la commission de réforme et l'appréciation qui a été faite, sur la base de cet avis, par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme B... ne pouvait pas être mise à la retraite sur le fondement des dispositions, citées au point 3, de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, doit être écarté. 9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. Aggiouri, premier conseiller, - M. Perroy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023. L'assesseur le plus ancien K. AGGIOURILa présidente rapporteure C. VRIGNON-VILLALBA La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA03329 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 18/07/2023, 21TL03501, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a fixé au 30 novembre 2018 la date de consolidation de son accident imputable au service survenu le 6 décembre 2016 et a évalué son taux d'incapacité permanente partielle à 10 %, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 4 février 2019, d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la réévaluation de son taux d'incapacité permanente partielle et de lui attribuer un coefficient professionnel, d'ordonner une expertise aux fins de satisfaction de ses demandes d'annulation et de réévaluation, sur le fondement des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1901947 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 16 août 2021 sous le n°21MA03501 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL03501, Mme B... A..., représentée par Me Brunel, demande à la cour : 1°) d'annuler ou de réformer le jugement du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a fixé au 30 novembre 2018 la date de consolidation de son accident imputable au service survenu le 6 décembre 2016 et a évalué son taux d'incapacité permanente partielle à 10 %, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la réévaluation de son taux d'incapacité permanente partielle et de lui attribuer un coefficient professionnel ; 4°) d'ordonner une expertise aux fins de satisfaction de ses demandes d'annulation et de réévaluation, sur le fondement des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative. 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal n'a pas pris en compte les éléments médicaux qu'elle a fournis permettant une réévaluation à la hausse de son taux d'incapacité permanente partielle, son syndrome dépressif n'ayant pas été pris en compte ; - l'expert fait état de constats généraux sur son état de santé pour conclure à un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, sans aucune explication complémentaire ni aucun détail des lésions ou manifestations pathologiques qui justifient de retenir ce pourcentage, alors qu'elle produit des éléments suffisants pour établir un taux entre 15 et 30%, de sorte que la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; - en tant qu'elle fixe la date de sa consolidation au 30 novembre 2018, la décision est entachée d'erreur de droit, de fait et de qualification juridique, les certificats qu'elle produit attestent qu'à cette date, sa pathologie physique et psychique n'était pas consolidée ; - les conséquences de son accident sur sa vie professionnelle n'ont pas été prises en compte ; - l'organisation de l'expertise demandée revêt un caractère utile. Par un mémoire enregistré le 16 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 17 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mars 2023 à 12h. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; - le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 ; - le décret n° 2018-935 du 30 octobre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjointe administrative de 2ème classe du ministère de la défense ..., a été victime le 6 décembre 2016 d'un accident reconnu imputable au service. Elle a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 5 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a fixé la date de consolidation de son état de santé au 30 novembre 2018, avec un taux d'incapacité permanente de 10 %, ensemble l'annulation de la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 4 février 2019. Par un jugement du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le taux d'incapacité permanente partielle : 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité./ Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". En application de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant :/ (...) d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égale à 10 % (...) ". L'article 2 du même décret dispose : " Le taux d'invalidité rémunérable est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ". En application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret. En vertu du barème figurant en annexe du décret du 31 janvier 2001 visé ci-dessus, le taux retenu pour les gonalgies avec ou sans hydarthrose, pouvant être la conséquence d'une entorse, doit être en rapport avec l'atteinte articulaire qui peut être complexe et associer à la fois une raideur, une laxité. S'agissant d'une laxité ligamentaire franche bien compensée lors de la marche, mais entravant certaines activités, le taux à retenir varie de 5 à 15 %. 3. Mme A... a été victime, le 6 décembre 2016, d'une chute ayant entraîné un traumatisme au niveau de la cheville et du genou droits. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport du 14 novembre 2018 de l'expert mandaté par l'administration, que l'entorse de la cheville est guérie, sans séquelles, mais que le genou droit est toujours douloureux par la présence d'une hydarthrose chronique, laquelle constitue une séquelle invalidante. Pour contester le taux d'incapacité permanente partielle de 10% retenu par l'administration, Mme A... produit deux certificats médicaux des 29 janvier 2019 et 2 août 2021 du docteur ..., médecin généraliste, retenant un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 20 à 30 % qui indiquent qu'en plus du problème orthopédique persistant, Mme A... présente une pathologie dépressive récurrente avec décompensation anxieuse majorée depuis l'accident. Toutefois ces certificats ne donnent aucune indication ou élément de nature à établir un lien de causalité entre le syndrome dépressif préexistant et l'accident de service du 6 décembre 2016 et n'apportent pas d'éléments ou justifications complémentaires à ceux de l'expertise mandatée par l'administration, en ce qui concerne l'atteinte physique au genou laquelle retient un taux d'incapacité permanente partielle de 10% dans les limites prévues par les dispositions citées au point 2. Mme A... produit également un compte rendu de consultation du 5 mars 2021 du docteur ..., praticien hospitalier, qui n'apporte pas plus d'éléments en ce qui concerne les séquelles du genou. Si l'expertise du 5 mai 2019 du docteur ... réalisée à la demande de Mme A..., après avoir conclu à une date de consolidation au 30 novembre 2018, retient un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 15%, ce taux comprend la gêne récurrente sur le genou droit et les répercussions psychologiques, décomposé pour 10% pour la gêne du genou et 5% pour les conséquences psychologiques avec lassitude et incapacité à se concentrer au titre de la réactivation d'une dépression avec syndrome d'anxiété. Toutefois, il n'établit pas de lien de causalité entre la réactivation du syndrome dépressif préexistant et l'accident de service du 6 décembre 2016, ce syndrome dépressif n'ayant d'ailleurs pas été mentionné par l'intéressée dans les expertises antérieures réalisées à la demande de l'administration. Il en est de même des deux attestations du 29 juin 2020 et du 27 avril 2021 du docteur ..., psychiatre, qui font mention d'un syndrome anxiodépressif majeur en précisant pour la première que Mme A... trouvait de véritables difficultés dans son travail en se référant à un harcèlement et un sentiment de dévalorisation professionnelle, sans établir de relation entre ce syndrome dépressif et l'accident de travail. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation quant au taux d'incapacité permanente partielle retenu doivent être écartés. 4. Si Mme A... soutient que l'incidence professionnelle de son incapacité physique n'a pas été prise en compte dans le taux d'incapacité permanente partielle retenue par l'administration, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle celle-ci n'ait pas été suffisamment prise en compte par l'attribution du taux de 10% mentionné au point 3. En ce qui concerne la date de consolidation : 5. Les moyens tirés de l'erreur de droit, de fait et d'appréciation quant à la date de consolidation fixée au 30 novembre 2018, invoqués sans élément nouveau ni critique utile du jugement peuvent être écartés par adoption des motifs suffisamment et pertinemment retenus et énoncés par le tribunal au point 9 de son jugement. 6. Il résulte tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise qui ne revêt en l'espèce aucun caractère utile, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquences ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme A... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023. La rapporteure, C. Arquié La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, C. Lanoux La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL03501
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Toulouse