Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de NANTES, 6ème chambre, 06/06/2023, 21NT01701, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a renouvelé sa pension militaire d'invalidité en maintenant le taux de son infirmité à 65 %. Mme C... A... a repris l'instance lors du décès de son mari survenu le 8 juin 2018. Par un jugement n° 1905626 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Quinquis, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête de première instance n'était pas tardive ; - le taux d'incapacité de 100 % pour le carcinome pulmonaire développé par son mari, englobant de façon temporaire celui de 30 % pour les plaques pleurales, aurait dû être maintenu jusqu'à son décès ainsi que le proposait l'expert compte tenu des séquelles qu'il conservait. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M A..., ancien électricien dans la marine nationale, bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité depuis le 16 mars 2001, au taux de 30 %, pour l'infirmité " plaques pleurales bilatérales de type asbestosiques ". Dans le cadre d'un contrôle systématique réalisé à la fin de l'année 2012, une lésion nodulaire a été diagnostiquée chez ce militaire radié des contrôles depuis le 5 mars 1984. Le 10 janvier 2013, M. A... a subi une lobectomie qui a révélé un " adénocarcinome invasif à prédominance acineuse ". Une pension militaire d'invalidité lui a été attribuée, à titre temporaire, pour la période du 18 mars 2013 au 17 mars 2016, au taux de 100 % pour l'infirmité " carcinome bronchique primitif du lobe supérieur droit traité par lobectomie et curage ganglionnaire chez un patient porteur de plaques pleurales ". Le 3 juillet 2015, M. A... a présenté une demande de révision " pour aggravation " de sa pension d'invalidité versée pour la première infirmité ainsi que le renouvellement de sa pension temporaire correspondant à la seconde infirmité. Par une décision du 3 octobre 2016, le taux de l'infirmité " plaques pleurales " a été porté à 40 % afin de prendre en compte l'insuffisance respiratoire modérée consécutive à un syndrome restrictif constatée et le taux définitif de l'infirmité relative aux séquelles du carcinome a été fixé à " 30 % + 5 ", soit un taux global définitif de 65 % à compter du 18 mars 2016. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes puis devant le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Mme A... a repris l'instance après le décès de son mari survenu le 8 juin 2018. Elle relève appel du jugement du 26 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 2016 et le maintien du taux de 100 % pour l'affection cancéreuse. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 3 octobre 2016 : 2. Dans son rapport d'expertise du 3 mai 2016, le pneumologue qui a examiné M. A... a indiqué que l'intéressé n'avait pas présenté de problème particulier depuis sa précédente expertise réalisée le 26 août 2013 à l'exception d'une bronchorrhée chronique nécessitant de la kinésithérapie respiratoire. Il s'est également référé aux résultats du scanner pratiqué au cours du mois de novembre 2015 qui a confirmé l'état stable de ce patient. Si l'expert a proposé de porter de 30 à 40 % le taux de l'infirmité se rapportant aux plaques pleurales afin de tenir compte du syndrome restrictif mentionné ci-dessus, il a, pour la seconde infirmité, conclu au maintien du taux de 100 %. Le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du ministère des armées, dans son avis du 14 juin 2016, a contesté cette analyse en soulignant que M. A... n'avait plus de traitement actif pour le carcinome depuis 2013. Le certificat rédigé le 7 mai 2015 par le pneumologue qui suit M. A..., auquel le médecin des armées se réfère, indique seulement que la lobectomie pratiquée chez ce patient a permis de confirmer la présence d'un adénocarcinome invasif à prédominance acineuse et que les suites opératoires " compliquées " nécessitent " un drainage bronchique très régulier et un recours fréquent aux antibiotiques ". Ces mentions, éclairées par les conclusions de l'expert, également pneumologue, ne suffisent pas pour permettre de considérer qu'à la date de sa demande, le carcinome pour lequel M. A... avait été opéré faisait peser sur son existence une menace certaine ainsi que le prévoit le guide barème des pensions militaires d'invalidité pour l'attribution ou le maintien d'un taux de 100 % en ce qui concerne les affections cancéreuses. En outre, le guide-barème retient un taux de 30 à 50 % pour les lobectomies en soulignant que si ces infirmités entraînent obligatoirement des perturbations de l'exploration fonctionnelle, celles-ci en sont distinctes. Dans leurs avis respectifs des 28 juin 2016 et 20 septembre 2016, la commission consultative médicale puis la commission de réforme des pensions ont proposé de retenir les taux de " 30 % +5 " pour l'infirmité " séquelles de carcinome bronchique primitif du lobe supérieur droit : lobectomie " et de 40 % pour l'infirmité " plaques pleurales calcifiées bilatérales de type asbestosique, soit un taux global de 65 %. Insuffisance respiratoire modérée avec syndrome restrictif ". Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre des armées a suivi ces avis et fixé à 65 % le taux global des infirmités pensionnées de M. A.... 3. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. COIFFET La greffière, P. BONNIEU La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01701
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 01/06/2023, 23BX00361, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... C... a demandé au tribunal des pensions de Pau d'annuler la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités de lombalgies et de cervicalgies chroniques post-traumatiques. Par un jugement du 21 février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 19BX04062 du 29 décembre 2021, la cour a annulé ce jugement ainsi que la décision du ministre de la défense du 26 janvier 2017, et a enjoint à la ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension de Mme C... en tenant compte des infirmités de lombalgies chroniques et de cervicalgies chroniques au taux de 10 % chacune, avec effet à compter du 29 janvier 2015. Par un courrier enregistré le 13 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Marbot, a saisi la cour d'une demande d'exécution de cet arrêt. Par une ordonnance n° 23BX00361 du 8 février 2023, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par un mémoire enregistré le 25 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Marbot, demande à la cour : 1°) en exécution de l'arrêt n° 19BX04062 du 29 décembre 2021, de liquider ses droits à pension en tenant compte des infirmités de lombalgies chroniques et de cervicalgies chroniques au taux de 10 % chacune, avec effet à compter du 29 janvier 2015 à titre définitif ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le caractère incurable et définitif de son infirmité est établi, ce que l'administration ne peut ignorer. Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la demande. Il fait valoir que : - dès lors que la cour ne s'est pas prononcée sur le caractère curable ou non des infirmités, la pension a été liquidée à juste titre pour une première période de trois ans ; - Mme C... sera prochainement convoquée aux fins d'expertise dans le cadre du renouvellement de son droit à pension. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., caporale-cheffe de l'armée de terre, titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée au taux de 10 % par arrêté du 21 février 2005 pour l'infirmité de séquelles de traumatisme du genou gauche, en a sollicité la révision le 29 janvier 2015 pour la prise en compte des infirmités nouvelles de lombalgies et de cervicalgies chroniques post-traumatiques, qu'elle attribuait à un accident de la circulation survenu en service le 5 août 2002. Elle a contesté la décision de rejet du ministre de la défense du 26 janvier 2017 devant le tribunal des pensions de Pau, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 21 février 2019. Par un arrêt du 29 décembre 2021, la cour a annulé ce jugement et la décision du 26 janvier 2017 au motif que la filiation entre l'accident du 5 août 2002 et les infirmités de lombalgies et de cervicalgies chroniques devait être regardée comme établie, et a enjoint à la ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension de Mme C... en tenant compte de ces infirmités au taux de 10 % chacune, avec effet à compter du 29 janvier 2015. Par une décision du 20 mai 2022, le ministre des armées a concédé à l'intéressée, au titre de chacune de ces infirmités, une pension au taux de 10 % avec effet temporaire, du 29 janvier 2015 au 28 janvier 2018. Mme C..., estimant que l'injonction prononcée impliquait qu'il lui soit concédé une pension définitive, a saisi la cour d'une demande d'exécution de l'arrêt du 29 décembre 2021. 2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. 3. Aux termes de l'article L. 7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable. / (...). " 4. L'arrêt de la cour du 29 décembre 2021 détaille en son point 3 les éléments du dossier de Mme C... établissant la filiation entre les cervico-dorso-lombalgies causées par l'accident du 5 août 2002 et les lombalgies et cervicalgies chroniques documentées depuis lors, c'est-à-dire depuis plus de douze ans lorsque la demande de pension a été présentée le 29 janvier 2015. Les infirmités de lombalgies et de cervicalgies chroniques étaient ainsi incurables à la date de la demande, de sorte que l'injonction prononcée par la cour se rapportait nécessairement à une pension définitive. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension définitive de Mme C... en tenant compte des infirmités de lombalgies chroniques au taux de 10 % et de cervicalgies chroniques au taux de 10 %, avec effet à compter du 29 janvier 2015, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. 5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Il est enjoint au ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension définitive de Mme C... en tenant compte des infirmités de lombalgies chroniques au taux de 10 % et de cervicalgies chroniques au taux de 10 %, avec effet à compter du 29 janvier 2015, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX00361
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 12/05/2023, 20VE00367, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 195 536,50 euros en réparation de préjudices subis lors de son déroulement de carrière et à raison de la maladie contractée en service, augmentés des intérêts et avec capitalisation. Par un jugement n° 1606924 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. E... la somme de 31 000 euros, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2016, avec capitalisation de ces intérêts le 30 décembre 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date Procédure devant la cour : Par une ordonnance du 24 janvier 2020, enregistrée le 3 février 2020 au greffe de la cour, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée par M. E.... Par une requête et des mémoires enregistrée au greffe de la cour administrative de Paris les 15 mai 2019 et 8 novembre 2019, M. B... E..., représenté par Me Weiss, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 164 536,50 euros, assortis des intérêts au taux légal à compter des 10 septembre 2012 et 30 décembre 2015 selon la nature des sommes réclamées, avec capitalisation de ces intérêts ; 3°) de rejeter l'appel incident du ministre de la justice ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. E... soutient que : - le jugement serait irrégulier, faute pour celui-ci d'avoir statué sur les droits de la caisse primaire d'assurances maladie de l'Hérault et de la MCF ; - le régime d'indemnisation forfaitaire applicable aux fonctionnaires victimes d'une maladie imputable méconnaît l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le principe d'égalité et le principe de réparation intégrale du préjudice ; - sa maladie professionnelle trouve son origine dans les faits de harcèlement moral dont il a été victime au tribunal administratif de Montpellier et dans une méconnaissance par son employeur et son supérieur hiérarchique de son obligation de sécurité ; - ses préjudices liés à cette maladie tiennent à la perte de son régime indemnitaire, à des prélèvements indus réalisés entre octobre 2009 et février 2010, à un préjudice de carrière, à des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances endurées, un préjudice moral ; - l'Etat a commis une faute en procédant à son reclassement un an et demi après sa réintégration ; - cette faute lui a causé une perte de revenu, un préjudice moral, des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice de carrière ; - l'Etat a commis une faute en permettant la publication d'une décision du Conseil d'Etat non anonymisée le concernant, entraînant une perte de réputation ; - il a droit à l'indemnisation de la charge fiscale induite par le versement des indemnités réparant les préjudices précités ; - il a engagé des frais d'avocats. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 10 octobre 2019, le garde des Sceaux, ministre de la justice, représenté par la SCP Piwnica, Molinié conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 14 mars 2019 et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le requérant ne peut, dans le cadre de sa requête d'appel, critiquer la constitutionnalité de la loi du 11 janvier 1984 ; - les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés ; - il n'a commis aucune faute en ne procédant pas au reclassement immédiat du requérant ; - les souffrances endurées indemnisées par le tribunal ne sont pas établies ; - les troubles dans les conditions d'existences invoqués par le requérant ne présentent pas de lien de causalité avec sa maladie professionnelle ; - il n'a perdu aucune chance d'être promu premier conseiller en 2007 du seul fait de sa maladie ; - en tout état de cause, il conviendra de ramener les indemnités allouées par les premiers juges à de plus justes proportions. Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 20 décembre 2012, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire présenté pour M. E... a été enregistré le 3 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution, et notamment son Préambule ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2007-1762 du 14 décembre 2007 ; - le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique, - et les observations de Me Maujeul pour M. E..., de M. E... et de Me Croizier pour le ministre de la justice. Une note en délibéré présentée par Me Maujeul pour M. E... a été enregistrée le 6 avril 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. E... a été nommé, à sa sortie de l'Ecole nationale d'administration, dans le corps des conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d'appel le 1er avril 2002 et affecté au tribunal administratif de Montpellier à compter du 1er octobre 2002. Nommé commissaire du gouvernement le 1er septembre 2003, il été placé en congé de longue durée du 22 août 2006 au 21 août 2011. Par arrêté du 10 septembre 2012, le vice-président du Conseil d'Etat a reconnu sa maladie imputable au service à compter du 22 août 2006 et a prononcé sa réintégration à compter du 21 août 2011. Par un avis du 20 juillet 2011, le comité médical l'a déclaré définitivement inapte à l'exercice des fonctions de magistrat administratif mais apte pour un reclassement à compter du terme de son congé le 21 août 2011. L'intéressé, resté sans affectation, a été reclassé sur un poste de chargé de mission à la Cour nationale du droit d'asile le 1er juin 2013. Après avoir été promu au grade de premier conseiller des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par décret du 23 octobre 2013, il a été placé en position de détachement dans le corps des administrateurs civils auprès du ministre de la justice pour une durée de deux ans, à compter du 1 er février 2014. Par une demande indemnitaire du 30 décembre 2015, M. E... a sollicité le versement de la somme de 1 195 536,50 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa maladie imputable au service et de ses reclassement et réintégration tardifs. Par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. E... la somme de 31 000 euros à ces titres. M. E... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Par la voie de l'appel incident, le ministre de la justice demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. E.... Sur la régularité du jugement : 2. M. E... reproche aux premiers juges de ne pas avoir statué sur les droits de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault et de la Mutuelle centrale des finances, lesquelles lui ont versés des prestations à raison de son état de santé depuis le 22 août 2006. Néanmoins, postérieurement à la communication de la procédure à ces deux acteurs, ceux-ci n'ont formé aucune demande tendant au remboursement de leurs débours. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir statué sur leurs droits. Sur le droit à plein traitement entre le 22 avril 2006 et le 22 avril 2011 : 3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) 4°) A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence ". Aux termes de l'article 63 de la même loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...). Le reclassement (...) est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". 4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. Toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui en remplit les conditions soit placé en congé de longue maladie ou en congé de longue durée, le cas échéant à l'initiative de l'administration. Il a alors droit, dans le premier cas, au maintien de son plein traitement pendant trois ans et, dans le second, au maintien de son plein traitement pendant cinq ans et à un demi-traitement pendant trois ans. 5. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 26 août 2010 : " 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; ". Ce décret, qui ne pouvait avoir de portée rétroactive, est entré en vigueur le 30 août 2010. Aux termes de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 : " A l'issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu'autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais. " 6. Par une décision du 10 septembre 2012, le vice-président du Conseil d'Etat a reconnu la maladie de M. E... imputable au service et a requalifié les congés de longue maladie et de longue durée intervenus entre le 22 août 2006 et 21 août 2011 en congé pour maladie contractée dans l'exercice des fonctions. De ce fait, M. E... a bénéficié du reversement des sommes qu'il aurait dû percevoir à plein traitement du 22 août 2009 au 21 août 2011. Ces versements n'incluaient pas les parts individuelle et fonctionnelle de son indemnité de fonctions. M. E... demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser les sommes correspondant à ce régime indemnitaire. 7. Cependant, le requérant n'est pas fondé à demander l'application de l'article 1er du décret du 26 août 2006 pour la période courant du 22 août 2006 au 29 août 2010, antérieure à son entrée en vigueur. Pour la période du 30 aout 2010 au 21 août 2011, la requalification des congés de M. E... en congés pour maladie contractée dans l'exercice des fonctions n'a pas modifié la nature de longue durée du congé qui lui avait été alors octroyé. Or un tel congé n'est pas au nombre de ceux visés par le décret du 26 août 2010 relatif au maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat dans certaines situations de congés. L'indemnité de fonction prévue par le décret du 14 décembre 2007 susvisée est une indemnité attachée à l'exercice effectif des fonctions par l'agent, dont le versement est exclu en cas de congé de longue durée. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander le versement de la somme de 81 502,98 euros au titre d'une indemnité dont il aurait été illégalement privé. 8. En second lieu, une somme totale de 1 848,19 euros a été prélevée sur les traitements de M. E... entre les mois d'octobre 2009 et de février 2010 au titre de " précomptes pour trop perçu ". Néanmoins il résulte de l'instruction et des calculs mêmes du requérant que, malgré l'absence plus que regrettable d'explicitation par l'administration devant les premiers juges comme en appel du détail des mesures de régularisation opérées en août et octobre 2012, ces prélèvements étaient justifiés par le retard pris par l'administration pour tenir compte du placement à demi-traitement du requérant à compter du 22 août 2009 et que leur restitution était incluse dans les régularisations de rémunérations opérées en 2012. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à demander le paiement d'une somme à ce titre. Sur le régime d'indemnisation des agents victimes d'une maladie contractée en service : 9. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées, compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leurs modes de calcul, comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 10. M. E... soutient que le régime d'indemnisation ainsi détaillé méconnaît l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et les principes constitutionnels d'égalité et de réparation intégrale du préjudice. Néanmoins, faute d'avoir été présentés dans un mémoire distinct, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, ces moyens doivent être écartés comme irrecevables. En ce qui concerne l'existence d'une faute de l'Etat : 11. En premier lieu, M. E... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de l'existence d'un harcèlement moral commis à son encontre par la présidente du tribunal administratif de Montpellier entre 2002 et 2006. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Paris aux points 5 à 10 du jugement. 12. En second lieu, aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Aux termes de l'article 3 de ce décret, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans les administrations et établissements visés à l'article 1er, les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies au titre III du livre II du Code de travail et par les décrets pris pour son application ". Enfin, aux termes de l'article L. 230-2 du code du travail alors en vigueur : " Le chef d'établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l'établissement, y compris les travailleurs temporaires. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. Il veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". 13. D'une part, il résulte de l'instruction qu'ont été mises en place au sein du tribunal administratif de Montpellier des méthodes volontaristes de traitement des dossiers en vue de la résorption d'un délai de jugement pouvant atteindre sept ans. Si ces méthodes ont conduit à un alourdissement de la charge de travail des magistrats et à une opposition syndicale, il ne résulte pas de l'instruction que cette charge aurait manifestement dépassé les capacités des magistrats de telle sorte que leur santé aurait été mise en jeu. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait eu une attitude inutilement dévalorisante à l'égard du requérant, les reproches qui lui ont été formulés trouvant leur cause dans son comportement, notamment lors de l'audience du 17 décembre 2003 ou de ses permanences d'urgence. 14. D'autre part, le courrier de M. E... du 15 juin 2005 adressé au chef de la mission d'inspection des juridictions administratives, s'il remettait en cause, au demeurant de manière partiellement infondée, certaines pratiques au sein du tribunal administratif de Montpellier, ne comportaient aucune alerte sur les conséquences du fonctionnement de cette juridiction sur l'état de santé du requérant ou des magistrats qui la composent. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le Conseil d'Etat aurait, en qualité de gestionnaire, méconnu son obligation de sécurité en n'ordonnant pas une inspection au sein de ce tribunal. De la même manière, la seule absence d'adoption, à la date des faits, d'un protocole formel de prévention des risques psycho-sociaux, ne saurait caractériser une méconnaissance de cette obligation eu égard à l'existence de la mission d'inspection évoquée ci-dessus et des mécanismes d'alerte déjà admis au sein de la juridiction administrative. 15. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que son employeur ou la présidente du tribunal administratif de Montpellier auraient manqué à leur obligation de veiller à sa sécurité physique et mentale. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la maladie contractée dans l'exercice de ses fonctions trouve sa cause dans une faute commise par l'administration. En ce qui concerne les préjudices invoqués : 17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 16 du présent arrêt que M. E... n'est pas fondé à demander l'indemnisation de la perte de son régime indemnitaire et d'un préjudice d'incidence professionnelle. 18. En second lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, rien ne faisait obstacle à ce que les premiers juges fassent une juste et globale évaluation globale des préjudices extrapatrimoniaux subis par lui à raison de sa maladie professionnelle. Il résulte de l'instruction que M. E... a été victime pendant plusieurs années d'un syndrome dépressif anxieux entraînant des troubles de l'attention, de la fatigue et des céphalées. Son état de santé a conduit son épouse à prendre un emploi à plein temps et a conduit M. E... à devoir renoncer à la carrière de magistrat, fonctions auxquelles il a été déclaré inapte. Si à raison de son attitude au sein du tribunal administratif de Montpellier, M. E... ne disposait pas d'une chance sérieuse d'être nommé premier conseiller dès 2007, il n'est pas contestable que son placement en congé a participé à un report inédit de sept ans de cet avancement. A cet égard, le garde des Sceaux, ministre de la justice ne saurait pour justifier ce délai se prévaloir des mérites de l'intéressé et de l'existence d'une promotion " au choix " eu égard au faible délai ayant séparé son affectation à la Cour nationale du droit d'asile et sa proposition d'avancement. En revanche, si M. E... fait état, au titre de ses troubles dans les conditions d'existence, de frais bancaires et de la souscription d'un crédit, il ne résulte pas de l'instruction que ces frais, pour certains engagés lors de la période de rémunération à plein traitement du requérant, présenteraient dans leur intégralité, eu égard aux charges et aux ressources du couple, un lien de causalité direct avec sa maladie et ses conséquences pécuniaires. De la même manière, M. E... ne justifie ni de la nécessité de vendre un appartement dont il était propriétaire en raison de son placement en congé ni des revenus qu'il tirait de ce bien. Il résulte de tout ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances, des troubles dans les conditions d'existences et du préjudice moral subis par M. E... en lui allouant à ces titres une somme globale de 20 000 euros. Sur le reclassement : En ce qui concerne l'existence d'une faute : 19. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande de l'intéressé, peut intervenir ". Aux termes de l'article 2 du décret du 30 novembre 1984, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. / Les dispositions statuaires qui subordonnent ce détachement à l'appartenance à certains corps ou à certaines administrations, de même que celles qui fixent des limites d'âge supérieures en matière de détachement, ne peuvent être opposées à l'intéressé. (...) La procédure de reclassement telle qu'elle résulte du présent article doit être conduite au cours d'une période d'une durée maximum de trois mois à compter de la demande de l'agent. ". 20. Aux termes de l'article R. 231-1 du code de justice administrative : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel exercent leurs fonctions de magistrats administratifs au sein de ces juridictions ou à la Cour nationale du droit d'asile ". Aux termes de l'article R. 231-2 du même code : " Les premiers conseillers et les conseillers peuvent occuper les fonctions de rapporteur ou de rapporteur public dans les tribunaux administratifs ou dans les cours administratives d'appel ". 21. M. E... a été déclaré inapte aux fonctions de magistrat, soit à tout emploi de son grade, par le comité médical le 20 juillet 2011, avant l'expiration de son congé de longue durée. Si le requérant avait dans un premier temps sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et à défaut son reclassement, le ministre ne saurait lui opposer le retard pris dans cette reconnaissance, eu égard à l'indépendance de ces procédures, a fortiori après que M. E... ait indiqué qu'à défaut de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie avant le 21 août 2011, il demandait un reclassement à cette date. A cet égard, la demande formulée par M. E... quelques jours avant la réunion du comité médical doit être regardée comme une demande de reclassement au sens de l'article 3 du décret du 30 novembre 1984 précité. De la même manière, le garde des Sceaux, ministre de la justice ne saurait reprocher à M. E... l'envoi de son curriculum vitae en mai 2012 seulement, eu égard à l'absence de prise en charge de sa demande de reclassement par l'administration avant cette date. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une fois la réintégration de M. E... décidée, son reclassement au sein de la Cour nationale du droit d'asile ait nécessité un aménagement complexe de cette juridiction. Dès lors, le délai d'un an et demi pris pour reclasser M E... constitue une faute engageant la responsabilité de l'Etat. En ce qui concerne les préjudices : 22. En premier lieu, M. E... demande l'indemnisation de la perte de revenus résultant du retard pris dans son reclassement et tenant à l'absence de régularisation d'un demi-traitement perçu en juillet 2012 et au non-versement de son indemnité de fonctions. Néanmoins, le requérant, qui a bénéficié d'un rappel d'indemnité de 13 500 euros en novembre 2013, ne justifie pas des primes et indemnités dont il bénéficie en qualité d'administrateur civil et ainsi de la différence entre la rémunération effectivement perçue et celle à laquelle il aurait pu prétendre en l'absence de retard dans son reclassement. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, il résulte du courriel de M. D... du 16 juillet 2012 et de ses calculs mêmes, que sa rémunération pour le mois de juillet 2012 a été assurée à plein traitement, à la suite de la régularisation intervenue en octobre 2012 de la retenue opérée en août 2012. Dès lors, les préjudices invoqués par M. E... ne peuvent être regardés comme établis. 23. En deuxième lieu, si M. E... soutient qu'il a été privé d'une chance de faire la preuve de sa valeur professionnelle et ainsi d'être promu au grade de premier conseiller avant 2013, cet avancement constitue une procédure indépendante du reclassement par la voie du détachement, lequel permet un avancement distinct dans les deux corps. Dès lors, le lien de causalité entre la faute évoquée au point 21 du présent arrêt et le préjudice invoqué ne peut être regardé comme établi. 24. En troisième lieu, le retard pris par l'administration pour reclasser M. E... a prolongé la situation de précarité et de fragilité psychologique dans laquelle il se trouvait et a conduit au prolongement de sa rémunération à demi-traitement pendant un an et à l'absence de placement de M. E... dans une position régulière pendant de nombreux mois. Dès lors, les premiers juges ont fait une correcte évaluation des préjudices ainsi subis par le requérant en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros. Sur la publication de la décision du Conseil d'Etat n° 275070 du 25 janvier 2006 25. Il est constant que cette décision, concernant la contestation par M. E... du courrier du 23 décembre 2003 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Montpellier lui a reproché ses propos lors de l'audience du 17 décembre 2003, de la décision du même auteur du 7 décembre 2004 lui confiant des fonctions de rapporteur et de sa notation pour l'année 2004, a fait l'objet d'une publication intégrale et non anonymisée dans le recueil Lebon et sur Légifrance et, de ce fait, dans de nombreuses revues juridiques. Néanmoins, elle ne comporte aucun élément circonstancié de nature à porter atteinte à la réputation de M. E.... Dès lors, celui-ci n'établit pas de ce seul fait avoir subi un tel préjudice de réputation et ses conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être rejetées. Sur les autres sommes demandées : 26. En premier lieu, les majorations d'imposition auxquelles serait exposé M. E... du fait du versement des indemnités précitées, au demeurant non établies, trouvent leur origine dans la règlementation fiscale et son évolution et ne saurait être regardées comme procédant directement de sa maladie professionnelle ou du retard pris par l'administration à le reclasser. Les conclusions du requérant présentées à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées. 27. En second lieu, M. E... n'est pas fondé à demander, sur le terrain indemnitaire, la prise en charge des frais d'avocat induits par la présente instance, lesquels ont vocation à être régis par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur les intérêts et la capitalisation : 28. D'une part, M. E... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 26 000 euros à compter du 30 décembre 2015, date de réception de sa demande préalable par le vice-président du Conseil d'Etat. 30. D'autre part, M. E... a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête, le 2 mai 2016. A cette date les intérêts n'étaient pas dus pour au moins une année entière. Dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 30 décembre 2016, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière. 29. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 31 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2015 et avec capitalisation à compter du 30 décembre 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. En revanche, le ministre de la justice est fondé à demander à ce que cette indemnité soit ramenée à la somme de 26 000 euros et à demander la réformation du jugement en ce sens. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que l'Etat demande sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. E... la somme de 26 000 (vingt-six mille) euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2015. Les intérêts échus à la date du 30 décembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Le jugement n° 1606924 du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B... E... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée au secrétaire général du Conseil d'Etat. Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président M. Mauny, président assesseur, Mme Villette, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2023. La rapporteure, A. C...Le président, P.-L. ALBERTINILa greffière, F. PETIT-GALLAND La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 20VE00367
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de LYON, 3ème chambre, 17/05/2023, 21LY01584, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. E... F..., Mme B... D... épouse F..., M. G..., M. C... F... et M. A... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) de condamner la commune d'Annecy, venant aux droits de la commune de Seynod, à verser à M. E... F... la somme de 4 457 135,50 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de l'accident de trajet dont il a été victime le 22 août 2008, à Mme B... F... la somme de 145 803,73 euros en indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident dont son époux a été victime et à M. G..., à M. C... F... et à M. A... F... la somme de 15 000 euros chacun en indemnisation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'accident dont leur père a été victime, condamnations assorties des intérêts au taux légal capitalisés ; 2°) de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Savoie et à la société Dexia Sofcap, devenue la société Sofaxis. Par un jugement n° 1806834 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a déclaré le jugement commun à la CPAM de la Loire, a mis les frais et honoraires d'expertise liquidés à hauteur de 1 000 euros à la charge de la commune d'Annecy et a rejeté le surplus des demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 20 mai 2021 et un mémoire enregistré le 15 septembre 2022, M. E... F..., Mme B... D... épouse F... et M. A... F..., représentés par Me Kelber, avocate, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2021 en ce qu'il rejette leurs demandes indemnitaires ; 2°) de condamner la commune d'Annecy, venant aux droits de la commune de Seynod, à verser à M. E... F... la somme de 4 883 333,90 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de l'accident de trajet dont il a été victime le 22 août 2008, à Mme B... F... la somme de 145 803,73 euros en indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident dont son époux a été victime et à M. A... F... la somme de 15 000 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de l'accident dont son père a été victime, augmentées des intérêts au taux légal capitalisés ; 3°) de déclarer le jugement commun à la CPAM de la Haute-Savoie ou de la Loire ; 4°) de maintenir les frais d'expertise taxés à la somme de 1 000 euros par ordonnance du 27 avril 2015, à la charge définitive de la commune nouvelle d'Annecy ; 5°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le jugement attaqué est irrégulier, la rapporteure publique ayant conclu à l'audience à l'irrecevabilité d'une partie de la demande, en contradiction avec le sens des conclusions précédemment communiqué ; - la commune de Seynod a commis une faute, de nature à engager sa responsabilité, en méconnaissant l'obligation de sécurité incombant à tout employeur et son obligation d'assurer un correct entretien de l'ouvrage public que constitue le parking municipal, en s'abstenant de signaler la poutre à laquelle M. F... s'est heurté, d'une hauteur inférieure à deux mètres, en violation de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983, du décret du 10 juin 1985, de l'arrêté du 4 novembre 1993 et de la circulaire du 3 mars 1975 ; - la responsabilité sans faute de la commune est également engagée, s'agissant d'un accident de service ; - aucune faute de la victime ne saurait être retenue ; - la commune doit indemniser M. F... de l'ensemble des préjudices subis, à hauteur de : * 336 495,70 euros au titre de l'aide d'une tierce personne temporaire ; * 3 574 773,36 euros au titre de l'aide d'une tierce personne permanente ; * 78 813,27 euros au titre de dépenses d'ergothérapie ; * 141 520,87 euros au titre des frais d'équipement d'un véhicule adapté à son handicap ; * 100 000 euros au titre de l'incidence de l'accident sur sa carrière professionnelle ; * 33 755,70 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; * 60 000 euros au titre des souffrances endurées ; * 65 000 euros au titre du préjudice esthétique ; * 342 975 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; * 70 000 euros au titre de son préjudice d'agrément du fait de l'arrêt de ses nombreuses activités sportives et de loisirs de plein air ; * 80 000 euros au titre du préjudice sexuel ; - la commune doit également indemniser les victimes par ricochet de l'accident de trajet subi par M. F..., en particulier son épouse et un de ses fils, à hauteur de : * pour Mme F..., la somme de 30 803,73 euros au titre de la perte de revenus professionnels du fait de l'interruption de sa carrière professionnelle pour assister son époux, 15 000 euros au titre du préjudice d'affection et 100 000 euros à raison des troubles dans ses conditions d'existence ; * pour son fils, 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et 5 000 euros à raison des troubles dans ses conditions d'existence. Par deux mémoires en défense enregistrés le 2 février 2022 et le 13 octobre 2022, la commune d'Annecy, représentée par Me Petit (SELARL cabinet d'avocats Philippe Petit et associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle expose que : - la requête d'appel est tardive et, par suite, irrecevable ; - la demande de première instance était irrecevable, étant mal dirigée, tardive et à défaut de liaison du contentieux ; - la créance en litige est prescrite, compte tenu de la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressé ; - les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code de la sécurité sociale ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - l'arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la signalisation de sécurité et de santé au travail ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - et les observations de Me Kelber, avocate, représentant M. F... et autres, et de Me Deguerry, avocate, représentant la commune d'Annecy ; Considérant ce qui suit : 1. Le 22 août 2008, alors qu'il quittait son service à bicyclette, M. F..., technicien supérieur au sein de la commune de Seynod, depuis intégrée à la commune d'Annecy, a heurté une voûte du parking de l'hôtel de ville. Il souffre depuis cet accident, reconnu imputable au service par un arrêté du 13 octobre 2018, d'une tétraplégie incomplète, laquelle a justifié son admission à la retraite pour invalidité, à compter du 1er août 2011, et l'octroi d'une rente d'invalidité au taux de 90 %. Par courriers du 26 juillet 2013 et du 2 août 2018, il a sollicité la réparation des préjudices subis tant par lui-même que par son épouse et ses enfants en raison de cet accident. Leurs demandes ayant été rejetées, ils ont saisi le tribunal administratif de Grenoble aux mêmes fins. Celui-ci a également refusé d'y faire droit par un jugement du 16 mars 2021, dont M. F..., son épouse et l'un de ses enfants relèvent appel. Sur la recevabilité de l'appel : 2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois (...) ". 3. Contrairement à ce que prétend en défense la commune d'Annecy, le jugement attaqué ayant été notifié à M. F... et à ses proches le 23 mars 2021, leur appel, enregistré au greffe de la cour le 20 mai 2021, a été présenté dans le délai imparti et n'est ainsi nullement tardif. La fin de non-recevoir opposée en ce sens ne peut qu'être écartée. Sur la régularité du jugement : 4. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions prévue par ces dispositions a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En outre, le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir, la communication de ces informations n'étant toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision. 5. Il résulte de la copie de l'écran de l'application " Télérecours " produite par les requérants qu'a été mentionné dans cette application, comme " sens synthétique des conclusions " du rapporteur public sur cette affaire, " rejet au fond ", sans autres précisions. Ils soutiennent, sans être démentis par la commune d'Annecy, que, contrairement au sens des conclusions ainsi préalablement porté à leur connaissance, la rapporteure publique a conclu, à l'audience, au rejet de leurs conclusions fondées sur la faute de la commune, en raison de leur seule irrecevabilité, sans même se prononcer subsidiairement sur leur bien-fondé, ainsi qu'ils s'en sont plaints par une note en délibéré enregistrée le 5 mars 2021. Dans ces circonstances, l'irrégularité qu'ils invoquent peut être tenue pour établie. Il s'ensuit que le jugement attaqué, en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires des requérants fondées sur la faute de la commune, tenant notamment au défaut d'entretien normal de l'ouvrage, est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé. 6. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. F... et autres. Sur la responsabilité pour faute de la commune d'Annecy : 7. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 8. Une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu. Sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux. 9. En premier lieu, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Dans les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes ". Selon l'article 2-1 de ce même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". 10. Contrairement à ce que prétendent M. F... et autres, la seule circonstance qu'un accident se produise sur le lieu de travail d'un agent public ne saurait suffire à caractériser une faute imputable à son employeur. Dès lors, ils ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions citées au point précédent, ni d'aucune autre instituant à la charge des collectivités publiques une obligation générale d'assurer la sécurité de leurs agents, pour démontrer l'existence d'une faute imputable à la commune d'Annecy. 11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 de l'instruction technique du 3 mars 1975 relative aux parcs de stationnement couverts, qui concerne la " circulation des véhicules " : " Les rampes et allées de circulation des véhicules devront être libres de tout obstacle sur toute leur largeur et sur une hauteur minimale de 2 mètres. Sur une distance de 4 mètres en retrait de l'alignement au débouché sur la voirie, la pente de la rampe ne devra pas excéder 5 p. 100. Toute signalisation destinée à faciliter les déplacements des véhicules à l'intérieur du parc devra être conforme à celle imposée par le code de la route ". L'article 13 de cette même instruction, relatif à la " circulation des personnes ", dispose que : " Aucun obstacle (poutre, canalisation, gaine, etc.) ne devra se trouver à moins de 2 mètres du sol dans toutes les parties du parc susceptibles d'être parcourues par les piétons. Les accès aux issues (escaliers, ascenseurs) devront être maintenus dégagés sur une largeur minimale de 0,80 mètre. Pour faciliter la circulation dans le parc et repérer les issues, des inscriptions visibles en toutes circonstances seront apposées. Lorsqu'une porte ne donnera pas accès à une voie de circulation, un escalier, une issue, elle devra porter, de manière apparente, la mention "Sans issue" ". Par ailleurs, l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la signalisation de sécurité et de santé au travail prévoit que : " A l'intérieur des zones bâties de l'entreprise auxquelles le travailleur a accès dans le cadre de son travail, les obstacles susceptibles de provoquer des chocs ou des chutes de personnes et les endroits dangereux, où notamment peuvent avoir lieu des chutes d'objets, doivent être signalés par des bandes jaune et noir ou rouge et blanc. Les dimensions de cette signalisation doivent tenir compte des dimensions de l'obstacle ou endroit dangereux signalé. Les bandes jaune et noir ou rouge et blanc doivent être conformes au point 3 (b) de l'annexe II ". 12. Il résulte de l'instruction que l'accident dont M. F... a été victime s'est produit alors qu'il faisait demi-tour, à bicyclette, dans le parc de stationnement de l'hôtel de ville de Seynod, en travers des deux rangées de stationnement et de l'allée centrale de circulation. Il a, au cours de cette manœuvre, heurté la voûte, d'une hauteur variant de 2 à 1,50 mètres, formée par le plafond de l'ouvrage, à l'extrémité des emplacements destinés au stationnement des véhicules, au-dessus des capots de ceux-ci. Toutefois, l'extrémité de ces places de stationnement, où s'est produite la collision, ne saurait être regardée comme un espace destiné à la circulation, que ce soit des véhicules ou des piétons, au sens des articles 12 et 13, rappelés ci-dessus de l'instruction technique du 3 mars 1975. Par ailleurs, la configuration de cet endroit ne saurait davantage constituer un obstacle susceptible de provoquer des chocs dans une zone à laquelle les agents ont accès dans le cadre de leur travail, soumis à une obligation de signalisation en application de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 1993. Ainsi, la commune d'Annecy est fondée à soutenir qu'aucun défaut dans l'entretien ou l'aménagement du parc de stationnement, lequel ne présente pas en lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux, ne peut lui être reproché. Aucune faute ne lui est dès lors imputable. 13. En outre, comme indiqué ci-dessus, l'accident s'est produit alors que M. F... faisait un large demi-tour, en travers des deux rangées destinées au stationnement des automobiles, alors inoccupées, et de l'allée centrale de circulation. Il s'est ainsi livré, par seul souci de rapidité, à une manœuvre dangereuse, dans une zone non destinée à la circulation et peu éclairée, au mépris de tout sens de circulation et de la trajectoire de sortie en vigueur dans ce parking, qu'il ne pouvait ignorer compte tenu de son usage fréquent de cet ouvrage et de l'unique voie de circulation qu'il comporte. L'accident survenu n'est, dans ces circonstances, imputable qu'à sa seule imprudence. Cette faute est de nature à exonérer la commune d'Annecy de toute responsabilité. 14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Annecy, que les conclusions de M. F... tendant à la condamnation pour faute de la commune d'Annecy doivent être rejetées. Sur la responsabilité sans faute de la commune d'Annecy : 15. L'accident survenu n'étant imputable, comme indiqué au point 13 du présent arrêt, qu'à la seule imprudence de M. F..., celui-ci n'est pas fondé à demander une indemnité complémentaire à la rente d'invalidité qu'il perçoit, sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune d'Annecy. 16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Annecy, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Sur la déclaration de jugement commun : 17. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun. 18. Par suite, les conclusions de M. F... et autres tendant à ce que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire soit appelée en déclaration de jugement commun doivent être accueillies. Il y a lieu en conséquence de déclarer le présent arrêt commun à cette caisse. Sur les dépens : 19. Il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Grenoble, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros par ordonnance du 27 avril 2015 du président de ce tribunal, à la charge définitive de la commune d'Annecy. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Annecy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. F... et autres. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le paiement des frais exposés par la commune d'Annecy en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2021 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. F... et autres tendant à la condamnation de la commune d'Annecy pour faute. Article 3 : Les conclusions présentées par M. F... et autres devant le tribunal administratif de Grenoble et tendant à la condamnation de la commune d'Annecy pour faute et le surplus de leurs conclusions présentées en appel sont rejetés. Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à hauteur de la somme de 1 000 euros, sont mis à la charge définitive de la commune d'Annecy. Article 5 : Les conclusions de la commune d'Annecy présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., à Mme B... D... épouse F..., à M. A... F..., à la commune d'Annecy, à la société Sofaxis et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire. Délibéré après l'audience du 2 mai 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère, Mme Sophie Corvellec, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023. La rapporteure, Sophie CorvellecLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01584
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/05/2023, 22NT00551, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 1802560-1900346 du 30 novembre 2020 le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 septembre 2017 du recteur de l'académie de Rennes plaçant Mme A..., professeure certifiée, à la retraite d'office à compter du 3 septembre 2014 ainsi que la décision rejetant le recours gracieux présenté par l'intéressée. Le tribunal a enjoint au rectorat de réintégrer Mme A... dans l'exercice de ses fonctions, de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à retraite à compter du 3 septembre 2014 et de la remettre en position régulière dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par le même jugement les titres de perception émis à l'encontre de Mme A... le 13 mars 2018 par la direction régionale des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ont été annulés. La somme de 1 500 euros a été mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 30 avril 2021, le président de la 6ème chambre de la cour a rejeté pour tardiveté la requête présentée par le ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports tendant à l'annulation du jugement susvisé du 30 novembre 2020. Procédure devant la cour : Par un courrier enregistré le 3 novembre 2021, Mme A... a saisi le président de la cour d'une demande d'exécution du jugement du 30 novembre 2020. Par une ordonnance n° 22NT00551 du 2 mars 2022 le président de la cour a décidé d'ouvrir la phase juridictionnelle d'exécution de ce jugement. Par un mémoire enregistré le 12 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Duros, demande à la cour : 1°) qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir : - au versement provisoire de ses droits à pension de retraite provisoire ainsi que de ses droits à pension échus depuis le mois d'octobre 2021, sur la base du montant de retraite qui devait lui être versé en exécution de l'arrêté du 12 avril 2021 ; - au retrait des arrêtés du recteur de l'académie de Rennes des 12 avril et 12 octobre 2021 en application de l'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration ; - au retrait de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de la relance du 1er octobre 2021 ainsi qu'au titre de perception du 18 novembre 2021 pris pour son exécution en application de l'article L. 242-4 du code des relations entre le public et l'administration ; - à sa réintégration dans ses fonctions avec droits à retraite à compter du 3 septembre 2014 par une décision expresse du recteur de l'académie de Rennes ; - à la mise en œuvre de la procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité, en fixant l'âge de mise à la retraite de manière rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, dans le respect de la procédure prévue par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et du code des pensions civiles et militaires de retraite : en lui communicant au préalable son dossier, en saisissant la commission de réforme afin de lui permettre de transmettre son dossier médical et de solliciter la prise en compte de son handicap dans la détermination de l'âge d'ouverture du droit à pension et du montant de sa pension de retraite ; - à la compensation des créances et dettes de l'Etat à son égard en exécution du jugement du 30 novembre 2020, dont la liquidation doit intervenir simultanément. 2°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les décisions prises sont insuffisantes dès lors qu'elles n'ont pas pour effet de la réintégrer dans ses fonctions au 3 septembre 2014 ; - elles sont illégales dans la mesure où elles ont été prises en méconnaissance de ses droits à se voir communiquer son dossier et à faire valoir ses droits à reconnaissance de son handicap par les commissions administratives ad hoc. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2022, le ministre chargé de l'éducation nationale et de la jeunesse soutient que l'administration a pleinement exécuté le jugement du 30 novembre 2020. Par un mémoire enregistré le 22 juillet 2022, Mme A... persiste dans ses conclusions. Par un mémoire enregistré le 24 août 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse précise que, le 8 décembre 2021, le service des retraites de l'Etat l'a informé que la pension de Mme A... était liquidée à cette date avec une jouissance au 1er avril 2016 et que son titre de pension émis le 27 décembre 2021 lui avait été notifié le 29 décembre 2021. Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2022, Mme A... conclut aux mêmes fins que dans ses précédents mémoires et porte la somme qu'elle sollicite au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à 4 000 euros. Elle précise qu'à cette date, elle ne perçoit aucune rémunération de la part de l'Etat, laquelle ne peut être conditionnée par l'acceptation d'un titre de pension de retraite émis à l'issue d'une procédure irrégulière. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse précise que le défaut de mise en paiement de la pension de Mme A... résulte de sa propre carence dès lors qu'elle n'a pas complété le formulaire qui lui a été adressé par la direction régionale des finances publiques (DRFIP). Par un mémoire enregistré le 14 octobre 2022, Mme A... conclut aux mêmes fins que dans ses précédents mémoires et porte la somme qu'elle sollicite au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à 4 500 euros. Elle soutient que la signature de déclaration de mise en paiement de la pension est soumise à l'acceptation du titre de pension et qu'en tout état de cause si elle avait accepté de signer ce document, la période comprise entre le mois d'octobre 2021 et le mois de janvier 2022 n'aurait fait l'objet d'aucun versement de pension. Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour de mettre hors de cause le service des retraites de l'Etat (SRE) et, le cas échéant, de rejeter la requête présentée par Mme A.... Il indique que Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une contestation de la date d'effet et des bases de liquidation de sa pension résultant du titre émis le 23 octobre 2017 révisé par l'arrêté du 27 décembre 2021 et qu'elle a également contesté devant cette juridiction l'arrêté du 12 avril 2021 ainsi que le titre de perception du 18 novembre 2021. Il ajoute que le litige concerne des actes de gestion de la carrière de Mme A... et non le SRE, qui ne fait qu'appliquer l'arrêté de radiation des cadres pris par son employeur au vu des données figurant sur son compte individuel de retraite et que l'arrêté du 1er octobre 2021 a pour seul objet de tirer les conséquences de l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2017. A titre subsidiaire, il précise toutefois que l'annulation de l'arrêté de radiation des cadres prive l'arrêté de pension de base légale, de sorte que les sommes perçues doivent être recouvrées. Il ajoute qu'à la suite du nouvel arrêté du 12 avril 2021, une nouvelle pension de retraite a été concédée à Mme A... par un arrêté du 27 décembre 2021 et que ses services lui ont adressé, le 31 décembre 2021, un certificat de pension accompagné de la déclaration de la mise en paiement. Il indique également que si Mme A... était éligible au versement d'une pension civile de retraite au titre de la période du 1er avril 2016 au 20 septembre 2021 en vertu du nouveau titre de pension qui lui a été concédé par l'arrêté du 27 décembre 2021, il lui a été précisé, par un courrier du 28 mars 2022, que les sommes afférentes à cette période seraient déduites des sommes dues au titre du rappel des arrérages sous réserve qu'elle complète la déclaration préalable pour la mise en paiement, ce que l'intéressée n'a toujours pas fait. Il précise en outre que la signature de ce document n'entraîne pas la renonciation à la contestation devant le tribunal du titre de pension. A titre infiniment subsidiaire, le ministre soutient que si Mme A... fait valoir que son titre de pension ne fait pas mention de sa qualité de travailleur handicapé ni de son taux de handicap, l'intéressée n'établit pas avoir formulé une demande de départ anticipé à la retraite à raison de son handicap avant ses 60 ans, ou avant l'âge d'ouverture de ses droits et avait déjà atteint l'âge de 61 ans et 8 mois au 3 septembre 2014 et de 63 ans et 3 mois au 1er avril 2016, de sorte que l'étude d'un droit au départ anticipé à la retraite à raison de sa situation de fonctionnaire handicapé n'avait plus lieu d'être. Vu les autres pièces du dossier et notamment le courrier présenté pour Mme A... le 19 janvier 2023. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique - les observations de Me Duros représentant Mme A..., - et les observations de M. D... représentant le ministre chargé de l'éducation nationale en vertu du mandat produit à l'audience, en date du 12 avril 2023. Une note en délibéré enregistrée le 10 mai 2023, a été produite pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure certifiée de lettres modernes née en 1953, a été placée en congé de maladie du 3 septembre 2013 au 2 septembre 2014. Le 19 juin 2014, elle a sollicité un congé de longue maladie. Dans l'attente de l'avis du comité médical, l'intéressée a été placée en disponibilité d'office après épuisement de ses congés de maladie ordinaires, avec demi-traitement à compter du 3 septembre 2014. Par deux avis des 28 août 2014 et 21 avril 2016, ce comité a conclu à l'inaptitude totale de cette agente à toutes fonctions et donc au refus du congé de longue maladie qu'elle a sollicité. Par un arrêté du 22 septembre 2017, le recteur de l'académie de Rennes a placée Mme A... à la retraite d'office pour invalidité à compter du 3 septembre 2014. Cet arrêté a cependant été annulé par un jugement du 30 novembre 2020 du tribunal administratif de Rennes au motif qu'il ne pouvait prendre effet au 3 septembre 2014 dès lors que l'intéressée était en disponibilité d'office du 3 septembre 2014 au 31 mars 2016 et se trouvait en conséquence en position administrative régulière à cette date. Le tribunal a annulé l'arrêté du 22 septembre 2017 et a enjoint au rectorat de réintégrer Mme A... dans l'exercice de ses fonctions, de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à pension de retraite à compter du 3 septembre 2014 et de la remettre en position régulière dans un délai de trois mois. Par le même jugement, les titres de perception émis à l'encontre de Mme A..., le 13 mars 2018, par la direction régionale des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine, pour des montants de 40 982,36 et 1 016,89 euros ont été annulés, par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2017. L'appel du recteur dirigé contre ce jugement a été rejeté pour tardiveté par une ordonnance du président de la 6ème chambre de la cour du 30 avril 2021. Le 3 novembre 2021, Mme A..., qui estime que les mesures prises par l'administration sont insuffisantes, a saisi le président de la cour d'une demande d'exécution de ce jugement devenu définitif. Après des échanges de courriers entre les parties, la phase juridictionnelle de la procédure a été ouverte par une ordonnance du président de la cour en date du 2 mars 2022. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...). Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...). ". Il résulte articles L. 911-4, R. 921-5 et R. 921-6 du code de justice administrative qu'il appartient au juge de l'exécution de prescrire les mesures qu'implique nécessairement la décision dont l'exécution lui est demandée par la partie intéressée, alors même que ces mesures ne figuraient pas expressément dans la demande présentée au président de la juridiction ou dans les mémoires produits après l'ouverture de la procédure juridictionnelle, sauf lorsque la partie qui a saisi la juridiction d'une demande d'exécution a indiqué, sans équivoque, qu'elle renonçait au bénéfice d'une partie de ces mesures. Sur la réintégration de Mme A... : 3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 12 avril 2021, le recteur de l'académie de Rennes a placé Mme A... à la retraite d'office pour invalidité à compter du 1er avril 2016 et que, par un second arrêté pris le 12 octobre 2021, l'intéressée a été mise en disponibilité d'office du 3 septembre 2014 au 31 mars 2016. Si Mme A... conteste la légalité de ces décisions, et notamment la procédure au terme de laquelle elles ont été prises, ce litige est distinct de celui de l'exécution du jugement du 30 novembre 2020 et ne relève pas de la compétence du juge de l'exécution. Mme A... a d'ailleurs saisi le tribunal administratif de Rennes d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021, lequel fera l'objet d'un nouveau jugement. L'intéressée soutient par ailleurs que l'exécution du jugement du 30 novembre 2020 impliquait sa réintégration juridique et qu'un poste avec aménagement aurait dû lui être proposé. Il ressort toutefois du jugement du 30 novembre 2020 et des pièces du dossier, que, par deux avis des 28 août 2014 et 21 avril 2016, le comité médical départemental a conclu à l'inaptitude totale et définitive de l'intéressée à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction et que, lors de sa séance du 29 juin 2017, la commission de réforme a émis un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité d'office non imputable au service. Dans son jugement du 30 novembre 2020, le tribunal administratif n'a pas annulé la décision du 22 septembre 2017 en raison d'une irrégularité liée à la saisine ou aux avis de ces instances, qui n'ont de ce fait pas été invalidés et subsistent donc dans l'ordonnancement juridique. Par suite, en prenant les arrêtés des 12 avril 2021 et 12 octobre 2021, l'administration doit être regardée comme ayant satisfait à l'injonction de réintégration et de reconstitution de la carrière de Mme A... prononcées par les premiers juges. Sur ses droits à pension de retraite : 4. Par un arrêté du 1er octobre 2021, le ministre chargé de l'économie a ordonné la cessation du versement de la pension de retraite perçue par Mme A... et demandé le recouvrement du trop-perçu par l'intéressée à compter à compter du 3 septembre 2014. Un titre de perception n° BRET 21 2600104978 a été émis en ce sens le 18 novembre 2021 par la direction régionale des finances publiques de Bretagne pour un montant de 95.718,00 € au titre de la période du 3 septembre 2014 au 30 septembre 2021. L'administration était en effet tenue de cesser les versements de la pension initialement concédée à Mme A..., lesquels se trouvaient privés de base légale par l'effet de l'annulation de la décision du 22 septembre 2017, et d'ordonner la restitution des sommes indûment versées. La contestation de ces décisions constitue un litige distinct de celui relatif à l'exécution du jugement du 30 novembre 2020. Seul le tribunal administratif de Rennes, saisi par Mme A..., devra se prononcer en première instance sur la légalité de ces actes. 5. Par ailleurs, le ministre des finances précise qu'une nouvelle pension de retraite a été concédée à Mme A... par un arrêté du 27 décembre 2021. Il souligne cependant que l'intéressée refuse de signer la déclaration de la mise en paiement qui lui a été notifiée et qui lui permettrait de percevoir les sommes qui lui sont dues. Mme A... fait en effet valoir que ce document prévoit qu'elle certifie comme étant exactes les indications portées sur le titre de pension, ce qu'elle conteste. Cependant, en l'absence de production de cette déclaration, il ne peut être reproché à l'administration de ne pas verser la pension de retraite de Mme A.... Si l'intéressée soutient également que la période comprise entre le mois d'octobre 2021 et le mois de janvier 2022 n'aurait en tout état de cause fait l'objet d'aucun versement de pension, cette allégation est contredite par les termes du courrier du 28 mars 2022 qui rappelle que l'arrêté du 27 décembre 2021 prend effet au 1er avril 2016. Enfin, dans ce courrier, il est admis que la créance afférente à la période du 1er avril 2016 au 30 septembre 2021 sera déduite des sommes dues au rappel de la nouvelle pension. La compensation entre les sommes perçues et celles qu'elle devait percevoir ne peut cependant être effectuée sans la signature de la déclaration préalable pour la mise en paiement de la nouvelle pension de retraite qui lui est due. Si l'intéressée est en droit de refuser de signer ce document dans l'attente d'une décision juridictionnelle définitive, elle ne peut reprocher à l'administration des finances l'absence de versement de sa pension de retraite avant cette date. 6. Il résulte de tout ce qui précède, que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 novembre 2020 doit être regardé comme ayant été intégralement exécuté. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme A... ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont devenues sans objet et ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'exécution du jugement n° 1802560-1900346 du tribunal administratif de Rennes en date du 30 novembre 2020 présentées par Mme A.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 5 mai 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00551
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 7ème chambre, 25/05/2023, 22LY02293, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 19 juin 2019 portant refus d'imputer au service le malaise dont elle a été victime le 9 janvier 2019. Par un jugement n° 1902004 du 2 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 26 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Tastevin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ; 2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la décision méconnaît l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Par un mémoire enregistré le 29 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par des courriers en date des 30 mars et 3 avril 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision en litige, du champ d'application du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas encore entrées en vigueur faute d'un texte règlementaire d'application à la date à laquelle Mme B... a eu son malaise, et qu'en conséquence il y a lieu de procéder à une substitution de base légale et d'appliquer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Par un mémoire enregistré le 4 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a produit des observations relatives au moyen d'ordre public. Par un mémoire enregistré le 7 avril 2023, Mme B... a produit des observations relatives au moyen d'ordre public. Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Tastevin, pour Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., est agent spécialisé de la police technique et scientifique, affectée à Vichy. Le 11 janvier 2019, elle a demandé la prise en charge sous le régime des accidents de service du malaise dont elle a été victime en service le 9 janvier 2019. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 19 juin 2019 ayant rejeté sa demande d'imputabilité au service de ce malaise. 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, était manifestement impossible en l'absence de texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En conséquence ces dispositions, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique d'État, qui sont entrées en vigueur le lendemain de la date de publication, le 23 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique d'État, n'étaient pas encore applicables à la date à laquelle l'accident est survenu, soit le 9 janvier 2019. Le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ici applicable, est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 à la base légale retenue par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est dans sa décision du 19 juin 2019. 3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 4. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 5. La commission de réforme de l'État de l'Allier a émis, le 12 juin 2019, un avis défavorable à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service du malaise sans perte de connaissance dont l'intéressée a été victime sur son lieu de travail le 9 janvier 2019 lors d'une prise d'empreintes, en raison de l'absence de lien avec son activité professionnelle. L'attestation d'un médecin de prévention du 16 mai 2019 qu'elle a produite, dont il résulte que son état de santé était " imputable au service " au moment de son arrêt de travail du 9 janvier 2019 et qui souligne un " épuisement psychique ", a été établie sur la base de ses seules déclarations et de son propre ressenti des événements alors que, le 1er mars 2019, le médecin du service médical de la police nationale avait relevé l'absence de lien de cause à effet et de fait traumatique, et que le compte-rendu du médecin des urgences du 9 janvier 2019 fait état d'une asthénie psychique et d'un contexte anxieux professionnel et familial, sans qu'en résulte un lien particulier avec le service même si, sans toutefois décrire la situation, il a coché la case " AT maladie professionnelle ". Dans ce contexte, et bien que l'intéressée évoque la concomitance de son malaise avec son activité professionnelle, aucun lien direct entre ses conditions de travail et l'accident dont elle a été victime n'apparaît ici caractérisé. Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir que cet accident serait imputable au service et, qu'en conséquence, la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 11 mai 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 22LY02293 2 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 16/05/2023, 22DA00830, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 4 avril 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1904226 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, M. A..., représenté par Me Hervé Suxe, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise ; 3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision ministérielle du 4 avril 2017 ; 4°) d'enjoindre au ministre des armées de reconnaître l'aggravation de son invalidité et de fixer un taux de pension de 80 % avec effet rétroactif ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le rapport d'expertise du 18 avril 2016 lui a été communiqué tardivement et qu'il a été rendu à la suite d'une expertise irrégulière dès lors que le médecin qui l'a examiné n'est pas un spécialiste de sa pathologie et a commis une erreur de diagnostic. Par un mémoire, enregistré les 21 octobre 2022, le ministre des armées demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023. Par une ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 20 mars 1938, alors qu'il accomplissait son service militaire en Algérie, a contracté, le 10 mars 1960, plusieurs pathologies. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 85 % depuis le 9 mars 2013 pour quatre infirmités dont une pelvispondylite rhumatismale au taux de 50 %. Il a sollicité le 4 janvier 2016 la révision de sa pension au motif de l'aggravation de cette infirmité. Après une expertise du 18 avril 2016 et un avis médical du 15 juin 2016, la ministre des armées a, par une décision 4 avril 2017, rejeté la demande de M. A... de révision de sa pension au motif qu'aucune aggravation n'était constatée. L'intéressé a contesté cette décision auprès du tribunal des pensions militaires de Rouen qui, après avoir ordonné une nouvelle expertise, a transmis le dossier à la juridiction administrative, désormais compétente en vertu du décret du 28 décembre 2018 portant transfert de compétences entre juridictions de l'ordre administratif. M. A... relève appel du jugement n° 1904226 du 14 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 4 avril 2017. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'expertise du 12 juillet 2021 ordonné par le jugement du tribunal des pensions civiles et militaires du 24 septembre 2019 a été enregistré au tribunal administratif de Rouen le 16 juillet 2021. Si le greffe a convoqué les parties à une audience prévue le 11 janvier 2022 en omettant de communiquer le rapport précité à M. A..., le tribunal a décidé de renvoyer cette affaire à une audience ultérieure puis a effectivement communiqué ce rapport au conseil de M. A... le 6 janvier 2022 en lui octroyant un délai de huit jours pour y répondre et en l'informant que l'affaire serait à nouveau inscrite à l'audience du 26 janvier 2022. Si l'appelant soutient que cette communication tardive du rapport d'expertise ne lui a pas permis d'en contester utilement les conclusions, il ressort des pièces du dossier qu'il été en mesure de présenter ses observations dans son mémoire enregistré le 17 janvier 2022, visé dans le jugement contesté. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier du fait de la méconnaissance du principe du contradictoire. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 5. La circonstance que l'expert désigné par le ministère des armées serait un médecin généraliste n'est pas de nature à établir que cette expertise aurait été rendue dans des conditions irrégulières. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 12 juillet 2021, réalisée par un médecin rhumatologue, que les doléances actuelles de M. A... sont en rapport exclusif avec une polyarthrose sans lien avec la pelvispondylite rhumatismale, cette dernière se manifestant par une raideur du rachis limitant ses mouvements et des douleurs de la cage thoracique gênant la respiration. Si M. A... remet en cause l'impartialité de l'expert judiciaire en affirmant que celui-ci a porté une appréciation erronée sur la pathologie dont il souffre et n'a procédé à aucun examen clinique, les certificats médicaux qu'il produit, datant, pour les plus récents, du 16 décembre 2015 et du 9 janvier 2020, se bornent à constater l'existence de douleurs au rachis cervical et aux membres inférieurs et ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis de l'expert judiciaire, selon lequel l'aggravation de l'état de santé du requérant est en rapport exclusif avec une polyarthrose. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à demander que la cour écarte les expertises précitées et en ordonne une nouvelle. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre des armées et à Me Hervé Suxe. Délibéré après l'audience publique du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient : - M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de la formation de jugement, Signé : M. C... La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00830
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANTES, 5ème chambre, 16/05/2023, 21NT01288, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 10 janvier 2019 par laquelle le Premier ministre a opposé un refus à sa demande tendant à bénéficier de la mesure financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 modifié en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Par une ordonnance n° 1901611 du 19 février 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer en l'état sur sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mai et 29 décembre 2021, Mme B... C..., représentée par Me Gallot, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 19 février 2019 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes ; 2°) d'annuler la décision implicite du Premier ministre ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que le tribunal ne pouvait lui opposer une absence de réponse à sa demande de régularisation dès lors qu'elle n'a jamais reçu une telle demande, ce que le tribunal ne prouve pas. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Mas, rapporteur public, - et les observations de Me Gallot, représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C... ressortissante algérienne établie dans ce pays a sollicité des autorités françaises le bénéfice de la mesure de réparation prévue par le décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Son dossier a été reconnu complet par les services de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre le 10 septembre 2018 et une décision implicite de rejet de cette demande est intervenue en conséquence le 10 janvier 2019. Le 13 février suivant elle a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une contestation de cette décision. Par une ordonnance du 19 février 2021 le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a constaté un non-lieu à statuer en l'état sur sa demande. Mme C... demande l'annulation de cette ordonnance et à bénéficier de la mesure de réparation prévue par le décret du 27 juillet 2004. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de justice administrative : " Les parties non représentées devant un tribunal administratif par un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui ont leur résidence en dehors du territoire de la République et en dehors de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou de la Suisse doivent faire élection de domicile sur l'un de ces territoires. ". 3. Il ressort du dossier de procédure de première instance que le tribunal administratif de Nantes a, le 10 avril 2019, adressé à Mme C... une invitation à régulariser sa requête au regard des dispositions de l'article R. 431-8 du code de justice administrative. Constatant que l'avis de réception du pli contenant cette demande de régularisation n'avait pas été retourné à la juridiction et que cette régularisation n'était pas intervenue, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a jugé que le " tribunal se trouvait dans l'impossibilité d'instruire la requête " et que, " de ce fait l'affaire n'étant actuellement susceptible d'aucune suite " il n'y avait pas lieu en l'état de statuer sur la requête de Mme C.... 4. Le tribunal ne se trouvait pas, du seul fait qu'il ne disposait ni d'une adresse correspondant à l'élection de domicile sur le territoire français de Mme C... ni de la preuve de la réception par cette dernière de la demande de régularisation de sa requête sur ce point, dans l'impossibilité provisoire d'instruire et de statuer sur la demande dont il était saisi. Ces circonstances ne correspondent à aucun des cas permettant de prononcer un non-lieu en l'état. Dès lors, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée. 5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes. Sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision implicite née le 10 février 2019 : 6. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les condition mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code. (...) ". 7. Si Mme C... soutient qu'elle a droit au bénéfice de l'indemnité prévue par ce décret, elle ne présente aucun moyen en ce sens. Au demeurant il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle remplit les conditions posées par les dispositions précitées dès lors que son père a été assassiné en Algérie en 1961 et non pas qu'il a été victime d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite du Premier ministre née le 10 janvier 2019 rejetant sa demande tendant à bénéficier de l'indemnité de réparation prévue par ce décret. Sur les frais d'instance : 8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance n° 1901611 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 19 février 2021 est annulée. Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Isabelle Gallot et à la Première ministre. Copie en sera adressée pour information à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre. Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient : - M. Rivas, président de la formation de jugement, - M. Frank, premier conseiller, - Mme Ody, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023. Le président de la formation de jugement, rapporteur, C. A... L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé, A. FRANK La greffière, H. EL HAMIANI La République mande et ordonne à la Première ministre en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21NT01288
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 9ème chambre, 28/04/2023, 459801, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 20 mai 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'ayant-cause. Par une ordonnance n° 2002416 du 8 février 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2021 et 21 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de Mme A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., qui demeure à Bamako (Mali), a demandé le 8 février 2018 à la ministre des armées le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en sa qualité d'ayant-cause de son époux, M. C..., décédé en 2007. Par un recours en date du 16 septembre 2020, enregistré le 7 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, Mme A... a demandé l'annulation du refus que lui a opposé la ministre des armées le 20 mai 2020. Par lettre du 19 novembre 2020, le greffe du tribunal a demandé à Mme A... de régulariser le défaut de signature de sa demande dans le délai d'un mois. Mme A... a accusé réception de cette lettre le 16 décembre 2020 et y a répondu par un courrier revêtu de son empreinte digitale en date du 29 décembre 2020, enregistré au greffe du tribunal le 12 février 2021, postérieurement à l'ordonnance du 8 février 2021 du président de la 2ème chambre de ce tribunal qui a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, faute de réception de la régularisation requise dans le délai prescrit. Mme A... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance. 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 431-4 du même code : " (...) les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir ". Aux termes des dispositions de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". 3. Eu égard, d'une part, à la lenteur et à l'imprévisibilité des délais d'acheminement du courrier postal entre la France et le Mali, que le tribunal administratif de Poitiers ne pouvait ignorer compte tenu du délai d'acheminement des différents courriers figurant au dossier, et d'autre part, à la circonstance que Mme A... avait expressément indiqué dans sa demande qu'elle était illettrée, le tribunal, en rejetant cette demande comme manifestement irrecevable, moins de deux mois après que l'intéressée avait reçu notification de la demande de régularisation, a rendu sa décision, dans les circonstances très particulières de l'espèce, au terme d'une procédure irrégulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. 4. Mme A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers du 8 février 2021 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme A..., la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2023 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 28 avril 2023. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Olivier Saby La secrétaire : Signé : Mme Laurence Chancerel La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2023:459801.20230428
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème chambre, 28/04/2023, 459806, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 20 mai 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'ayant cause. Par une ordonnance n° 2002417 du 8 février 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2021 et 21 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de Mme C... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., qui demeure à Bamako (Mali), a demandé le 8 février 2018 à la ministre des armées le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en sa qualité d'ayant-cause de son époux, M. B..., décédé en 2007. Par un recours en date du 17 septembre 2020, enregistré le 7 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, Mme C... a demandé l'annulation du refus que lui a opposé la ministre des armées le 20 mai 2020. Par lettre du 19 novembre 2020, le greffe du tribunal a demandé à Mme A... de régulariser le défaut de signature de sa demande dans le délai d'un mois. Mme C... a accusé réception de cette lettre le 16 décembre 2020 et y a répondu par un courrier revêtu de son empreinte digitale en date du 29 décembre 2020, enregistré au greffe du tribunal le 12 février 2021, postérieurement à l'ordonnance du 8 février 2021 du président de la 2ème chambre de ce tribunal qui a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, faute de réception de la régularisation requise dans le délai prescrit. Mme C... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance. 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 431-4 du même code : " (...) les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir ". Aux termes des dispositions de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". 3. Eu égard, d'une part, à la lenteur et à l'imprévisibilité des délais d'acheminement du courrier postal entre la France et le Mali, que le tribunal administratif de Poitiers ne pouvait ignorer compte tenu du délai d'acheminement des différents courriers figurant au dossier, et d'autre part, à la circonstance que Mme C... avait expressément indiqué dans sa demande qu'elle était illettrée, le tribunal, en rejetant cette demande comme manifestement irrecevable, moins de deux mois après que l'intéressée avait reçu notification de la demande de régularisation, a rendu sa décision, dans les circonstances très particulières de l'espèce, au terme d'une procédure irrégulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. 4. Mme C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers du 8 février 2021 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, avocat de Mme C..., la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D... C... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2023 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 28 avril 2023. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Olivier Saby La secrétaire : Signé : Mme Laurence Chancerel La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2023:459806.20230428
Conseil d'Etat