Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de PARIS, 6ème chambre, 06/12/2022, 21PA06082, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation du tableau d'avancement au grade de contrôleur de première classe des douanes et droits indirects établi au titre de l'année 2019, à titre principal, en tant qu'il n'y figure pas et, à titre subsidiaire, dans son ensemble ainsi que les nominations subséquentes, et d'autre part, l'annulation de la décision de la direction générale des douanes et droits indirects, révélée par le courriel du 3 juin 2019 par lequel la direction régionale des douanes et droits indirects informe le requérant que les années de service effectuées en qualité militaire n'étaient pas prises en compte dans le calcul de l'ancienneté en catégorie B pour pouvoir postuler au tableau d'avancement. Par un jugement n° 1908630 du 15 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 et les arrêtés de promotion et de nomination des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les candidatures de M. B... et des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour : 1°) d'annuler " le jugement du 18 janvier 2021 rendu par le Tribunal administratif de Lyon "; 2°) de rejeter la demande de M. B... devant le Tribunal administratif. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a retenu l'erreur de droit car les services militaires accomplis par M. B... ne pouvaient être pris en compte au titre du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 ; - les autres moyens soulevés par M. B... en première instance examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont infondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, M. B..., représenté par le cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête est irrecevable car le ministre demande l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Lyon ; - les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance sont infondés. Par un mémoire en réplique, enregistré le 18 février 2022, le ministre de l'économie, des finances de la relance maintient ses conclusions par les mêmes moyens et en soutenant en outre que la fin de non-recevoir opposée par M. B... doit être rejetée car il demande bien l'annulation du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, la référence à un jugement du tribunal administratif de Lyon constituant une simple erreur de plume qui n'est pas de nature à entrainer une confusion sur l'objet de l'appel. Par une ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; - le décret n° 95-380 du 10 avril 1995 fixant le statut particulier du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects ; - le décret n° 2008-953 du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps de sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale ; - le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A... ; -et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. A compter du 1er mars 1998, M. B..., alors militaire de carrière de la marine nationale, a été recruté en qualité d'agent de constatation stagiaire des douanes et des droits indirects au titre des emplois réservés sur le fondement de l'article L. 4139-3 du code de la défense. Il a ensuite été titularisé dans le corps des agents de constatation des douanes et des droits indirects à compter du 1er mars 1999 par un arrêté du 13 juillet 2019 et radié des contrôles de l'armée active. Après avoir été promu à différents grades du corps des agents de constatation des douanes et des droits indirects, M. B... a été admis à l'examen professionnel pour l'accès au corps de contrôleur des douanes et des droits indirects et a été nommé au 11ème échelon du grade de contrôleur des douanes et des droits indirects de 2ème classe à compter du 31 décembre 2018. Il a alors postulé au tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe. Toutefois il ne figurait pas dans le tableau d'avancement au grade de contrôleur de 1ère classe arrêté le 3 juin 2009 et par un courriel du même jour, la direction interrégionale des douanes et des droits indirects de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse lui a indiqué que " suite à une relecture des textes par la DGAFP, les carrières de militaires entrés dans la FP au titre du L. 4139-1 ou du L. 4139-3 du code de la défense ne sont plus prises en compte en tant qu'ancienneté pour pouvoir prétendre au tableau d'avancement ". M. B... a demandé l'annulation du tableau d'avancement établi au titre de l'année 2019, à titre principal, en tant qu'il n'y figure pas et à titre subsidiaire, dans son ensemble ainsi que les nominations subséquentes. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 et les arrêtés de promotion et de nomination des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, a enjoint au ministre de réexaminer les candidatures de M. B... et des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. B.... Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... : 2. M. B... soutient que la requête du ministre est irrecevable car il demande l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Lyon. Toutefois, dans son mémoire en réplique, le ministre demande bien l'annulation du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, la référence à un jugement du tribunal administratif de Lyon constituant une simple erreur de plume qui n'est pas de nature à entrainer une confusion sur l'objet de l'appel. Cette fin de non-recevoir doit donc être rejetée. Sur les conclusions du ministre de l'économie des finances et de la relance : 3. Aux termes du I de l'article 18 du décret du 10 avril 1995 portant statut particulier du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects : " Les conditions d'accès au grade de contrôleur des douanes et droits indirects de 1ère classe (...) sont fixées conformément aux dispositions de l'article 25 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ". Aux termes du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 dans sa rédaction alors applicable : " ' Peuvent être promus au deuxième grade de l'un des corps régis par le présent décret :/ (...) 2° Par la voie du choix, après inscription sur un tableau d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les fonctionnaires justifiant d'au moins un an dans le 6e échelon du premier grade et justifiant d'au moins cinq années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau (...) ". 4. Aux termes de l'article L. 4131-1 du code de la défense : " I. - La hiérarchie militaire générale est la suivante : 1° Militaires du rang ; 2° Sous-officiers et officiers mariniers ; 3° Officiers ;4° Maréchaux de France et amiraux de France. (...) II. - Dans la hiérarchie militaire générale : (...) 2° Les grades des sous-officiers et des officiers mariniers sont : a) Sergent ou second maître ; b) Sergent-chef ou maître ; c) Adjudant ou premier maître ; d) Adjudant-chef ou maître principal ; e) Major (...) ". Aux termes de l'article L. 4139-1 du code de la défense : " (...) le militaire lauréat de l'un de ces concours, ou admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier d'un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l'accès au premier grade de ce corps ou cadre d'emplois, est titularisé et reclassé, dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil dans des conditions équivalentes, précisées par décret en Conseil d'Etat, à celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou de ce cadre d'emploi.(...)". Aux termes de l'article L. 4139-2 du code de la défense : " I.-Le militaire qui remplit les conditions de grade et d'ancienneté définies par décret en Conseil d'Etat peut, sur demande agréée par l'autorité compétente, être détaché dans un corps ou un cadre d'emplois de fonctionnaire civil relevant d'une administration de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public, nonobstant les dispositions relatives au recrutement prévues par le statut particulier dont relève ce corps ou cadre d'emplois.(...) A l'issue de la période de détachement, le militaire peut être intégré dans le corps ou le cadre d'emplois d'accueil. (...) III.-Les modalités d'application du I et du II, en particulier les modalités d'assimilation des services militaires du militaire ou de l'ancien militaire à des services effectifs accomplis dans le corps ou cadre d'emplois d'intégration, sont fixées par décret en Conseil d'Etat.(...)". Aux termes de l'article L. 4139-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : "Le militaire, à l'exception du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre./ En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie A ou B." Aux termes de l'article 1er du décret n° 2008-953 du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps de sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale : " Les sous-officiers et les officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale participent, sous le commandement des officiers, à l'encadrement de formations ou unités élémentaires de combat, de soutien ou d'instruction. Ils exercent également dans ces formations et unités des responsabilités de spécialistes dans les domaines techniques ou administratifs. Ils peuvent tenir des emplois de commandement ou de haute qualification dans une spécialité déterminée. Ils peuvent participer au fonctionnement de formations interarmées ou relevant d'une autre armée ou de tout organisme mentionné à l'article R. 4138-30-1 du code de la défense. Les officiers mariniers de carrière peuvent occuper des emplois de chef de service ou recevoir le commandement d'unités spécialisées dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la défense ". 5. D'une part, la seule circonstance que l'assimilation des services des militaires au titre de l'avancement ne serait expressément prévue que pour les militaires recrutés, par la voie du détachement, sur le fondement de l'article L. 4139-2 du même code, n'implique pas que les services militaires ne puissent être pris en compte au titre du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 précité. D'autre part, la notion de " services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau " ne fait l'objet d'aucune définition légale ou réglementaire, comme le reconnaissent les deux parties. Mais, par ailleurs, si les corps de la fonction publique militaire ne sont pas classés dans les catégories hiérarchiques prévues par les dispositions de l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat, cela n'empêche nullement par principe que, pour la détermination de services accomplis, les corps de la fonction publique militaire soient assimilés à des corps de la fonction publique de l'Etat. Or, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le corps des sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale doit, compte tenu du niveau de recrutement et des missions dévolues à ses membres, être assimilé, pour l'application des dispositions précitées de l'article de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009, à un corps de même niveau qu'un emploi de catégorie B. Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, pour l'application des dispositions précitées de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009, les services accomplis par les militaires, en qualité de sous-officier, doivent être pris en compte en tant que services effectifs dans un corps de même niveau qu'un cadre d'emplois ou emploi de catégorie B. M. B... était donc bien fondé à soutenir qu'il justifiait des années requises pour être le cas échéant promu au grade de contrôleur des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 du fait de ses services effectués dans le corps des sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale, et qu'en estimant le contraire le ministre a commis une erreur de droit. Dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé le tableau d'avancement litigieux pour erreur de droit, a annulé, par voie de conséquence, les arrêtés de promotion et de nomination de 92 contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 et lui a enjoint de réexaminer les candidatures de M. B... et des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019. 6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à la demande de M. B.... Sur les conclusions de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée. Article 2 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C... B.... Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient : - M. Célérier, président de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022. Le rapporteur, D. PAGES Le président, T. CELERIER La greffière, Z. SAADAOUI La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA06082
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 29/11/2022, 21DA02741, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 mai 2019 par laquelle le centre hospitalier d'Arras a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que la décision du 23 octobre 2019 portant rejet de son recours gracieux et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1910810 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Jean-Eric Callon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du centre hospitalier d'Arras du 3 mai 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et la décision du 23 octobre 2019 portant rejet de son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière qui exige un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 % pour qu'une pathologie, qui n'est pas désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, soit reconnue imputable au service, ne s'applique pas en l'espèce dès lors que ce texte n'était pas entré en vigueur à la date à laquelle sa maladie a été diagnostiquée ; - la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le médecin qui l'a examinée à la demande du centre hospitalier a estimé que son arrêt de travail du 10 juin au 21 juillet 2018 devait être pris en charge dans le cadre de sa maladie professionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2022, le centre hospitalier d'Arras, représenté par Me Géraldine Pryfer, conclut au rejet de la requête de Mme A... et à la mise à sa charge de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n°2020-566 du 13 mai 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Géraldine Pryfer, représentant le centre hospitalier d'Arras. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A... a été recrutée par le centre hospitalier d'Arras en qualité d'auxiliaire de service temporaire par contrat en date du 18 juillet 1983. Elle a ensuite été titularisée en qualité d'agent des services hospitaliers le 1er novembre 1989 puis en qualité d'aide-soignante le 1er février 1997. Par un courrier en date du 8 février 2018, l'intéressée a demandé que la bursite de l'épaule gauche dont elle est atteinte soit reconnue imputable au service. La commission de réforme a émis le 8 mars 2019 un avis défavorable à cette demande. Prenant acte de cet avis, la directrice des ressources humaines du centre hospitalier d'Arras a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme A... au motif que celle-ci n'était pas inscrite dans le tableau n°57 des maladies professionnelles et qu'il n'était pas établi qu'elle était essentiellement et directement causée par le travail habituel de l'agent. Mme A... a formé, le 27 juin 2019, un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 23 octobre 2019. Mme A... relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Sur le bien-fondé du jugement : 2. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (....) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 régissant respectivement la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Le IV de l'article 10, pour la fonction publique hospitalière, dispose ainsi que : " A l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : a) Au deuxième alinéa du 2°, les mots : " ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions " sont remplacés par les mots : " à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service " ; b) Au 4°, le deuxième alinéa est supprimé ; c) Après le quatrième alinéa du 4°, est inséré un alinéa ainsi rédigé : " Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue durée ". 3. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020. 4. Il ressort des pièces du dossier que la bursite de l'épaule de l'épaule gauche dont souffre Mme A... a été diagnostiquée le 30 mai 2017. Par suite, l'intéressée doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans leur rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du rapport de l'expert rhumatologue en date du 5 novembre 2018, que Mme A... souffre d'une bursite de l'épaule gauche occasionnant des douleurs surtout en cas de mouvement d'abduction. Si l'expert a considéré à tort que l'arrêt de travail pour la période du 10 juin au 21 juillet 2018 devait être pris en compte dans le cadre du tableau 57A des maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale alors que la pathologie présentée par l'intéressée ne figure pas dans ce tableau, il a toutefois estimé que celle-ci présentait le caractère d'une maladie professionnelle dès lors que Mme A... effectuait dans le cadre de ses fonctions d'aide-soignante des mouvements répétés des épaules au-dessus de l'horizontale et qu'il n'existait aucun antécédent en rapport avec cette bursite. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite des préconisations du service de santé au travail en date du 7 février 2018, le comité de maintien de l'emploi s'est prononcé le 22 juin 2018 en faveur d'une adaptation du poste de Mme A... qui ne devait plus porter de charges lourdes, ce qui a entraîné son affectation sur un poste d'ambassadeur de convivialité au sein du service des urgences en juillet 2018. Enfin, la circonstance que le second expert a indiqué dans son rapport en date du 18 septembre 2020 que la pathologie présentée par Mme A... ne pouvait être d'origine professionnelle dès lors qu'elle présentait un taux d'incapacité permanente partielle inférieur à 25%, n'est pas de nature à démontrer que celle-ci ne serait pas en lien direct avec les fonctions d'aide-soignante alors qu'un tel taux n'était pas exigé par les dispositions précitées de l'article 41 de loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dès lors, eu égard à ce qui vient d'être dit, il y a lieu de considérer que la directrice du centre hospitalier d'Arras a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme A.... Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision du 3 mai 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que de la décision du 23 octobre 2019 rejetant son recours gracieux. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier d'Arras, Mme A... n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1910810 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : Les décisions de la directrice des ressources humaines du centre hospitalier d'Arras des 3 mai et 23 octobre 2019 sont annulées. Article 3 : Le centre hospitalier d'Arras versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier d'Arras tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Arras. Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient : - Mme Anne Seulin, présidente chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022. La rapporteure, Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre, Signé : A. Seulin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°21DA02741
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 4ème chambre, 12/12/2022, 21PA02374, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 243 180,63 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la carence du ministère de l'intérieur à assurer l'effectivité de la reconnaissance, par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement du 3 mars 2021 n°s 2010014, 2015705, le tribunal administratif de Paris, après avoir joint sa demande avec celle tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision, a condamné l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, a dit n'y avoir pas lieu à statuer sur sa demande de provision et a rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai 2021 et 23 juin 2022, M. B... A..., représenté par Me Andrieux, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 mars 2021 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 220 921,40 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts à compter de la présentation de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'administration a commis une faute en tirant les conséquences de l'arrêt de la Cour du 27 septembre 2016, par un arrêté du 25 janvier 2018, puis les conséquences effectives de la reconnaissance d'imputabilité au service, par une décision du 16 avril 2021, avec un retard qui manifeste sa résistance à exécuter la chose jugée ; - l'acharnement de l'administration le maintient dans un état de stress post-traumatique et justifie que son préjudice moral soit évalué à un montant supérieur à 3 000 euros ; - sa perte de chance de percevoir une rente viagère d'invalidité est établie ; - la privation de l'allocation temporaire d'invalidité et de la rente viagère d'invalidité a conduit à une dégradation de ses conditions de vie et de celles de ses proches ; - le délai d'un an prévu par l'article 1er du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 a été respecté et ne lui est, en tout état de cause, pas opposable ; - compte tenu de sa pathologie, la résistance de l'administration à assurer l'exécution de l'arrêt du 27 septembre 2016 porte atteinte à son état de santé. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté de la demande de M. A... en ce qu'elle porte sur des préjudices dont il a déjà demandé l'indemnisation préalablement à la saisine du tribunal administratif le 16 février 2015. Par des observations présentées le 10 novembre 2022, M. A... soutient que ce moyen n'est pas fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., attaché d'administration, a été affecté au bureau des taxis et transports publics au sein de la préfecture de police en qualité d'adjoint le 18 septembre 2000. Il a été placé en congé de maladie ordinaire à partir de décembre 2005, puis en congé de longue maladie à compter du 28 août 2007 pour un syndrome anxieux dépressif sévère et, à compter du 28 août 2008, en congé de longue durée renouvelé jusqu'au 27 novembre 2010. Il a été radié des cadres le 31 décembre 2011. Il a demandé au ministre de l'intérieur de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service, ce que celui-ci a refusé par des arrêtés des 10 janvier 2011 et 30 janvier 2014, avant de la reconnaître le 25 janvier 2018 à la suite d'un arrêt de la Cour du 27 septembre 2016 annulant l'arrêté du 30 janvier 2014 et prononçant une injonction à l'encontre de l'administration. L'intéressé a alors demandé à être indemnisé à hauteur de 246 180,63 euros du préjudice financier et moral subi du fait du refus initial du ministre. Par un jugement du 20 avril 2017 confirmé en appel, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. M. A... a introduit une nouvelle demande devant ce tribunal afin d'être indemnisé à hauteur de 243 180,63 euros des préjudices subis du fait de l'inertie de l'administration à exécuter l'arrêt de la Cour du 27 septembre 2016 puis à tirer les conséquences de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, ainsi qu'il l'a précisé en réponse à un moyen d'ordre public. Il relève appel du jugement du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a condamné l'Etat qu'à lui verser une somme de 3 000 euros. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 28 code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services. / Le droit à cette rente est également ouvert au fonctionnaire retraité qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article L. 31. Dans ce cas, la jouissance de la rente prend effet à la date du dépôt de la demande de l'intéressé (...) ". 3. Il ne résulte pas de l'instruction que l'attitude de l'administration postérieurement à l'arrêt de la Cour du 27 septembre 2016 aurait privé M. A... de la possibilité de présenter utilement une demande de rente viagère d'invalidité ou de contester, devant le juge, la décision de l'administration sur une telle demande. Dans ces conditions, le préjudice tiré de ce qu'il aurait subi, du fait de l'attitude de l'administration postérieure au 27 septembre 2016, une perte de chance de percevoir cette prestation n'est pas établi. La demande de M. A... présentée à ce titre doit, dès lors, être rejetée. 4. En deuxième lieu, d'une part, il est constant que le préjudice tiré des troubles dans les conditions d'existence dont se prévaut M. A... au titre de la non-perception de l'allocation temporaire d'invalidité entre 2007 et 2011 est dépourvu de lien de causalité avec le comportement de l'administration à compter du 27 septembre 2016. Il en va de même des troubles qu'il invoque du fait de l'absence de perception d'une rente viagère d'invalidité de 2012 jusqu'à cette date. D'autre part, alors que M. A... se borne à invoquer, sans plus de précision, une " perte de qualité de vie ", il n'établit pas, en tout état de cause, l'existence d'un préjudice résultant d'un retard dans la perception d'une rente viagère d'invalidité postérieurement au 27 septembre 2016. La demande de M. A... au titre d'un tel préjudice ne peut, dès lors, qu'être rejetée. 5. En troisième lieu, si M. A... souffre d'un état anxio-dépressif, consolidé le 9 novembre 2011 à un taux de 30 % selon l'administration et de 55 % selon lui, il n'apporte aucun élément de nature à établir que l'inertie de l'administration à compter du 27 septembre 2016 aurait eu des conséquences négatives sur son état de santé, en le maintenant dans un état " stress post-traumatique " ainsi qu'il le soutient. Sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice de santé doit, dès lors, être rejetée. 6. En dernier lieu, M. A..., qui invoque seulement la situation d'incertitude dans laquelle il est demeuré du fait de l'inertie de l'administration, n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait fait une appréciation insuffisante de son préjudice moral tiré du comportement de l'administration à compter du 27 septembre 2016 en l'évaluant à la somme de 3 000 euros. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 3 000 euros. Ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 18 novembre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Fombeur, présidente, Mme Heers, présidente-assesseure, Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2022. La rapporteure, M. C... La présidente, P. FOMBEUR La greffière, O. BADOUX-GRARE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA02374
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 7ème chambre, 08/12/2022, 22LY00315, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1902161 du 9 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 31 janvier 2022, M. E... représenté par Me Greze-Paillon demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ; 2°) d'ordonner une mesure d'expertise afin que soit déterminé le taux d'invalidité dont relève son état de santé, et de mettre à la charge de l'État les provisions destinées au médecin expert ; 3°) à titre infiniment subsidiaire qu'il lui soit fait application du taux d'invalidité proposé par le docteur D... dans son rapport du 17 mai 2018 ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision est insuffisamment motivée en ce qui concerne le rejet de la demande d'expertise ; - la décision méconnaît l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et est entaché d'erreur d'appréciation. Par un mémoire enregistré le 23 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Engagé volontaire dans l'armée de terre le 3 février 2009, M. E..., né le 6 mars 1990, a été rayé des contrôles le 14 mars 2013 par voie de réforme. Un arrêté du 5 septembre 2016 lui a concédé une pension militaire d'invalidité au taux de 25 % pour une infirmité constituée par un syndrome de stress post-traumatique, caractérisé notamment par des cauchemars, à la suite d'une opération extérieure en Haïti. Par une décision du 19 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté la demande de M. E..., formée le 8 mars 2017, tendant à la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. M. E... demande à la cour l'annulation du jugement du 9 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Si M. E... soutient que le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le rejet de la demande d'expertise, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a refusé d'ordonner une expertise, au vu de l'avis " ajourné " de la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité, alors que le tribunal administratif était libre d'ordonner ou non cette mesure d'instruction. Dans ces conditions, le jugement est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. Il résulte de ces dispositions que, même si, pour l'exercice de son office, le juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité statue en plein contentieux, lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension, qui lie le contentieux ultérieur. 5. Il apparaît que lors de son expertise du 20 janvier 2016, le docteur C..., psychiatre agréé, a retenu un taux d'invalidité de 25 % en relevant une sensible aggravation d'un syndrome psychotraumatique, que les troubles psychologiques sont apparus à la suite d'une opération extérieure en Haïti au cours de laquelle il a été confronté, qu'il a des troubles du sommeil, de l'anxiété, fait des cauchemars, a une perte de l'élan vital, des flash-back, des manifestations phobiques et un tremblement des membres supérieurs, son traitement étant composé de Miansérine 90 mg/jour, Xeroquel et Tranxène. Si, lors de son expertise du 7 mai 2018, le docteur D..., psychiatre agréé, a proposé un taux d'invalidité de 35 % en constatant une légère aggravation après avoir relevé que, malgré son traitement, l'intéressé présentait toujours des troubles évidents et handicapants concernant son insertion socio-affective et professionnelle, avec des troubles du sommeil, des visions, des réminiscences et qu'il évoquait beaucoup d'angoisse, il n'en résulte pas pourtant une aggravation de l'infirmité de M. E... par rapport à son état antérieur, même si le traitement comporte deux nouveaux médicaments et qu'il est fait état d'aboulie et d'apragmatisme importants. L'aggravation du taux d'invalidité de l'infirmité retenu par la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité lors de sa séance du 13 octobre 2018 n'apparaît pas justifiée, alors que dans sa séance du 18 décembre de la même année, elle a confirmé son précédent avis du 3 juillet 2018 qui concluait à une absence d'aggravation. Ni le certificat, non circonstancié, du 16 février 2017 du docteur A..., médecin psychiatre traitant le requérant, qui déclare le taux d'invalidité de ce dernier à 70 %, ni le taux d'invalidité retenu par sa société d'assurance, qui ne répond pas au même barème que les pensions militaires d'invalidité, ne sont de nature à remettre en cause la décision contestée. Aucune aggravation de l'invalidité dont souffre l'intéressé ne saurait donc être retenue. 6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Il suit de là, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, que sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 22LY00315 2 ap
Cours administrative d'appel
Lyon
Conseil d'État, 5ème chambre, 13/12/2022, 443465, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 décembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui attribuer une allocation temporaire d'invalidité. Par un jugement n° 1900891 du 30 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 août et 30 novembre 2020 et le 15 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 8 décembre 2018 et de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité ou, à tout le moins, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder cette allocation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public. La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., gardien de la paix, a subi, le 18 janvier 2012, alors qu'il était en service, une crise d'épilepsie suivie d'une luxation des épaules. Par un jugement du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 19 août 2016 lui refusant le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité et a enjoint au ministre de réexaminer sa demande. M. A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 8 décembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a, à nouveau, refusé de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité. 2. Il ressort des termes du jugement attaqué que pour écarter l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 26 septembre 2018, le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que ce jugement n'avait pas d'autorité de chose jugée à l'égard du ministre de l'action et des comptes publics, dès lors qu'il avait été rendu sans que ce ministre soit mis en cause. 3. Toutefois, dès lors que l'Etat était représenté par le ministre de l'intérieur à l'instance ayant donné lieu au jugement du 26 septembre 2018, et que la procédure a donc revêtu un caractère contradictoire à l'égard de l'Etat, la circonstance que le ministre de l'action et des comptes publics n'ait pas été appelé à cette instance est sans incidence sur l'autorité de la chose jugée qui est attachée à ce jugement à l'égard de l'Etat. 4. Il résulte de ce qui précède qu'en statuant ainsi qu'il a été dit au point 2, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif qu'il attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 6. Il résulte des termes du jugement du 26 septembre 2018 que, pour juger que le ministre de l'intérieur avait commis une erreur d'appréciation en ne tenant pas compte de la luxation des épaules subie par M. A... pour se prononcer sur sa demande d'allocation temporaire d'invalidité, le tribunal administratif s'est fondé sur l'imputabilité de cette pathologie à l'accident de service du 18 juin 2012. 7. L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif de ce premier jugement d'annulation devenu définitif, ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire faisait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité sollicitée soit à nouveau refusé par l'autorité administrative pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif. 8. Par suite, la décision du 8 décembre 2018, qui se fonde sur le fait que la pathologie pour laquelle M. A... sollicite cette indemnité n'est pas imputable à un accident de service, doit être annulée. 9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Et aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement (...) ". Il résulte de l'instruction que la crise d'épilepsie subie par M. A... le 18 janvier 2012, qui doit être qualifiée d'accident de service ainsi qu'il résulte des points 6 à 8, a été à l'origine d'une luxation des épaules, laquelle a entraîné une incapacité permanente évaluée, en ce qui concerne son épaule droite, à 15 % dont 5 % relevant d'un état antérieur. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de verser à M. A... l'allocation demandée, calculée selon un taux d'incapacité permanente de 10 %, à compter de sa première demande. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4500 euros à verser à M. A..., au titre des conclusions présentées tant en première instance qu'en cassation sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement n° 1900891 du tribunal administratif de Lyon du 30 juin 2020 est annulé. Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur du 8 décembre 2018 est annulée. Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de verser à M. A... l'allocation temporaire d'invalidité, selon un taux d'incapacité permanente de 10 %, à compter de sa première demande. Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 4500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2022 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 13 décembre 2022. Le président : Signé : M. Jean-Philippe Mochon La rapporteure : Signé : Mme Flavie Le Tallec La secrétaire : Signé : Mme Anne-Lise CalvaireECLI:FR:CECHS:2022:443465.20221213
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 7ème chambre, 08/12/2022, 22LY00181, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 janvier 2019 du ministre des armées lui refusant une pension comme victime civile de guerre. Par un jugement n° 1907249 du 18 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 19 janvier 2022, M. B... représenté par Me Miran demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ; 2°) d'enjoindre au ministre d'accorder la pension sollicitée ou à défaut de réexaminer sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier : sa demande de première instance est recevable ; - la décision est entachée d'incompétence du signataire de l'acte, elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît les articles L. 121-1 et L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire enregistré le 18 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 6 mars 1944, a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de guerre. Par une décision du 30 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. D'une part, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 3. D'autre part, aux termes, l'article R 731-3, alors en vigueur, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le tribunal est saisi d'une requête remise au greffe ou adressée au greffe par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette requête doit indiquer les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur. Elle précise l'objet de la demande et les moyens invoqués sous peine d'irrecevabilité. ( ... ) ". Aux termes de l'article R. 711-2 du même code : " A compter de la notification de la décision contestée, le requérant dispose d'un délai de six mois pour saisir la commission par tout moyen permettant d'en établir la date de réception. " 4. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi relative à l'aide juridique, applicable en l'espèce : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". 5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a reçu notification le 12 février 2019 de la décision contestée, avec mention des voies et délais de recours. La requête enregistrée le 7 mars 2019 au greffe du tribunal des pensions de Chambéry, qui se borne à mentionner que M. B... sollicite l'annulation en la forme et au fond de la décision précitée, ne comportait l'exposé d'aucun moyen satisfaisant aux exigences précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Son mémoire complémentaire, produit le 13 mars 2020, soit après l'expiration du délai de recours contentieux de six mois courant à compter du 12 février 2019, n'a pu régulariser la requête initiale, non motivée. Sa demande d'aide juridictionnelle, dont il a obtenu le bénéfice le 27 février 2020, mais qu'il a présentée le 3 décembre 2019, après l'expiration du délai de six mois dont il disposait pour former un recours, n'a pu interrompre ce délai et lui permettre la régulariser sa requête initiale. Comme l'a jugé le tribunal, et contrairement à ce qu'il soutient, sa requête était donc irrecevable, aucune violation de son droit d'accès à un juge et à un procès équitable ne pouvant être par conséquent retenue. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doit par suite être rejetée, dans l'ensemble de ses conclusions, sa requête. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 22LY00181 2 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 9ème chambre, 28/10/2022, 22PA00461, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Crédit municipal de Paris à lui verser la somme totale de 205 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des manquements de son employeur à son obligation de sécurité et de protection des agents. Par un jugement n° 2005901 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné le Crédit municipal de Paris à verser à Mme D... une somme de 20 000 euros au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février et 4 mai 2022, Mme C..., représentée par Me Cier, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer le jugement n° 2005901 du 30 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité, à la somme de 20 000 euros, l'indemnité due par le Crédit municipal de Paris au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents ; 2°) de rejeter le recours incident du Crédit municipal de Paris ; 3°) de porter le montant de la condamnation du Crédit municipal de Paris à la somme de 205 000 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis ; 4°) de mettre à la charge du Crédit municipal de Paris le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) de condamner le Crédit municipal de Paris aux entiers dépens. Elle soutient que : - la responsabilité pour faute du Crédit municipal de Paris est engagée à raison de la dégradation de ses conditions de travail et de l'insuffisance des mesures de protection mises en place pour prévenir les risques d'inhalation de substances chimiques auxquels elle a été soumise ; son employeur a méconnu l'obligation de sécurité définie à l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ainsi qu'aux articles 2 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 et L. 4121-1 du code du travail en l'exposant à des produits chimiques dans le cadre de ses missions d'analyse et de poinçonnage de bijoux et d'objets en métaux précieux ; les pathologies physiques et psychiques qu'elle a contractées sont en lien direct avec le service, ainsi que l'a estimé la commission de réforme départementale lors de sa séance du 4 mai 2017 ; - la responsabilité sans faute de l'établissement public est engagée ; - elle a subi divers chefs de préjudices en lien direct avec la faute commise par son employeur : elle est ainsi fondée à demander la somme de 15 000 euros au titre du pretium doloris et du préjudice d'anxiété ; son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ; elle a subi un préjudice de 75 000 euros en raison de la perte de rémunération subie durant sa période de disponibilité ; le préjudice résultant du manquement de son employeur à son obligation de protection et de sécurité doit être évalué à la somme de 35 000 euros ; le préjudice de carrière et d'absence d'avancement doit être évalué à la somme de 60 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, le Crédit municipal de Paris, représenté par la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy, demande à la Cour : 1°) de rejeter les demandes de Mme C... ; 2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 en tant qu'il le condamne à verser à Mme D... la somme de 20 000 euros au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents et, à titre subsidiaire, de ramener à la somme globale de 8 000 euros l'indemnité à laquelle il a été condamné et de réformer dans cette mesure le jugement ; 3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; il a pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à son obligation de sécurité et pour assurer la protection de la santé de la requérante en application des dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière ; - la requérante a commis une faute de nature à exonérer l'établissement public de toute responsabilité ; - la responsabilité sans faute de l'établissement public ne saurait être engagée dans la mesure où la pathologie de l'intéressée n'a pas été déclarée imputable au service et où, à supposer même que les pathologies présentent un lien direct avec l'exercice des fonctions, la requérante a adopté un comportement fautif ; - dans l'hypothèse où la responsabilité de l'établissement serait retenue, celui-ci doit en être exonéré partiellement au regard de la faute de la requérante qui a contribué à la survenance et l'aggravation de ses souffrances et de son préjudice moral ; il convient d'en limiter le montant à 8 000 euros ; - en tout état de cause, Mme D... n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur les préjudices subis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Coudray pour le Crédit municipal de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., agent de constatation à la direction générale des douanes et droits indirects, a été recrutée en 2005 par le Crédit municipal de Paris en qualité d'adjoint administratif, par la voie du détachement, puis intégrée en 2007 dans le corps des secrétaires administratifs des administrations parisiennes. Ses missions comprenaient notamment l'analyse et le poinçonnage de bijoux et objets en métaux précieux destinés à la vente par le Crédit municipal de Paris et pour le compte d'opérateurs extérieurs. Par un arrêté du 26 décembre 2016, le directeur général du Crédit municipal de Paris l'a placée en disponibilité pour convenances personnelles pour une durée d'un an, à compter du 1er février 2017. Le 4 mai 2017, la commission de réforme du département de Paris a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service des pathologies d'agueusie (perte de goût) et d'anosmie (perte de l'odorat) développées par l'intéressée, dues à son exposition répétée à des produits chimiques dans le cadre de ses fonctions. Par un courrier du 27 octobre 2017, elle a sollicité sa réintégration dans les effectifs du Crédit municipal de Paris. Toutefois, après qu'elle a refusé le poste de coordinatrice des prêts sur gages qui lui avait été proposé, elle a été placée en disponibilité d'office par un arrêté du directeur général du Crédit municipal de Paris du 14 mai 2018. Le 10 décembre 2018, elle a été admise, à sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite et a été radiée des cadres à compter du 1er avril 2019. Estimant que le Crédit municipal de Paris avait commis divers manquements à ses obligations de protection et de sécurité de ses agents, notamment en ne procédant pas à un aménagement suffisant de son poste de travail, elle a formé, le 28 novembre 2019, une demande indemnitaire préalable d'un montant de 170 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis qui a été implicitement rejetée. Mme C... relève régulièrement appel du jugement du 30 novembre 2021 visé ci-dessus, en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une indemnité de 20 000 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis et demande à la Cour de porter ce montant à 205 000 euros. Par la voie de l'appel incident, le Crédit municipal de Paris demande à titre principal l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Paris et, à titre subsidiaire, de ramener à la somme globale de 8 000 euros l'indemnité à laquelle il a été condamné. Sur la responsabilité du Crédit municipal de Paris : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 2. D'une part, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires visée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurés aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail, visé ci-dessus : " Dans les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes. ". Aux termes de l'article 2-1 de ce même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, rendu applicable aux agents publics relevant de la fonction publique territoriale par l'article 3 du décret du 10 juin 1985 susmentionné et l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 visée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 811-1 du code général de la fonction publique : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels (...) ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". 3. D'autre part, selon l'article L. 4121-2 du code du travail : " l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 114 -2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. ". L'article R. 4412-15 du code du travail précise que : " le risque que présente un agent chimique dangereux pour la santé et la sécurité des travailleurs doit être supprimé. Lorsque la suppression de ce risque est impossible, ce dernier est réduit au minimum par la substitution d'un agent chimique dangereux par un autre agent chimique ou par un procédé non dangereux ou moins dangereux ". Enfin l'article R. 4412-16 dudit code indique que : " lorsque la substitution d'un agent chimique dangereux n'est pas possible au regard de la nature de l'activité et de l'évaluation des risques, le risque est réduit au minimum par la mise en œuvre, par ordre de priorité, des mesures suivantes : 1° Conception des procédés de travail et contrôles techniques appropriés ; 2° Utilisation des équipements et des matériels adéquats de manière à éviter ou à réduire le plus possible la libération d'agents chimiques dangereux sur le lieu de travail ; 3° Application, à la source du risque, des mesures efficaces de protection collective, telles qu'une bonne ventilation et des mesures appropriées d'organisation du travail ; 4° Utilisation' si l'exposition ne peut être réduite par d'autres moyens, de moyens de protection individuelle, y compris d'équipements de protection individuelle. ". 4. Tout d'abord, il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 précité. A ce titre, il leur incombe notamment de veiller au respect des dispositions des articles L. 4121-1, R. 4412-15 et R. 4412-16 du code du travail mentionnés aux points 2 et 3. Dès lors, l'agent public qui fait valoir que l'exposition à des produits toxiques sur son lieu de travail serait à l'origine de ses problèmes de santé, mais dont l`affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle serait essentiellement et directement causée par son travail habituel, peut néanmoins rechercher la responsabilité de sa collectivité en excipant de la méconnaissance fautive par cette dernière de ses obligations. 5. En outre, si, en application de la législation du travail désormais codifiée à l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu'ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact' et d'arrêter, en l'état des connaissances scientifiques, au besoin à l'aide d'études ou d'enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers. L'employeur est donc tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail, dès lors que le risque est connu de lui. 6. En l'espèce, Mme C... fait valoir que, dans le cadre de son obligation de sécurité et de protection de ses agents, le Crédit municipal de Paris a tardé à mettre en œuvre les différentes préconisations d'aménagement de son poste de travail émises par le médecin de prévention dès 2005 ce qui a conduit à une détérioration de son état de santé et plus particulièrement à des pathologies d'agueusie et d'anosmie d'origine séquellaire en raison d'une inhalation chronique de vapeurs toxiques dans le cadre de son travail. Il résulte de l'instruction que, lors d'une première visite sur le lieu de travail de la requérante, le 25 novembre 2005, le médecin du travail a relevé, à cette occasion, que Mme C... utilisait régulièrement différents produits toxiques (acide chlorhydrique, acide nitrique, sulfate d'argent, iodate de potassium, perchlorure de fer et de l'eau de touche (mélange d'acide chlorhydrique et d'acide nitrique) dans un environnement bruyant et a notamment recommandé l'achat de lunettes de protection ainsi que l'installation d'un système de ventilation. Ces conditions de travail ont conduit le médecin à prescrire très régulièrement des bilans sanguins ainsi que des explorations fonctionnelles respiratoires. 7. Par ailleurs, face à la détérioration de l'état de santé de la requérante, le médecin du travail a demandé, lors des visites médicales des 24 janvier 2013 et 25 février 2014, que lui soient communiquées les fiches techniques des produits utilisés et qu'une étude du poste de Mme C... soit réalisée afin de contrôler les points suivants : ventilation, bruit et confinement. Lors de la visite de l'établissement, le 18 mars 2014, il est apparu que, dès le matin, une odeur nette de produits chimiques était présente, que le système d'aspiration des vapeurs chimiques émises lors des analyses était très bruyant et qu'il ne pouvait, en conséquence, être utilisé de manière continue, l'évacuation des vapeurs chimiques résiduelles devant être réalisée par l'ouverture de la fenêtre lorsque les conditions climatiques le permettaient. Au regard des conditions de travail de Mme C..., le médecin de prévention a estimé qu'il était nécessaire de déplacer la centrale d'aspiration dans un local attenant pour supprimer la nuisance sonore existante, de s'assurer de la maintenance périodique du système de ventilation en changeant régulièrement les filtres, d'installer également une ventilation mécanique de type VMC pour éliminer les vapeurs résiduelles ainsi qu'un point d'eau avec douchette et rince-œil pour assurer les premiers soins en cas de projections accidentelles sur la peau et les yeux des produits chimiques utilisés. 8. En l'absence de mesures prises pour mettre en œuvre les préconisations mentionnées au point précédent, Mme C..., qui a transmis à sa hiérarchie une déclaration de maladie professionnelle le 13 janvier 2015, lui a adressé divers courriels en date des 20 mai, 15 juin et 16 juin 2015 dans lesquels elle faisait part de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, ainsi que de son souhait de se consacrer uniquement aux ventes du Crédit municipal de Paris et non plus aux ventes d'opérateurs extérieurs. Cet état de fait est corroboré par le médecin de prévention qui constatant, lors d'une nouvelle visite du bureau de l'intéressée le 1er décembre 2015, que les travaux prescrits n'étaient toujours pas réalisés, a décidé de limiter à deux heures en fin de journée l'utilisation de produits chimiques, l'a exemptée de port de charges lourdes et de positions contraintes prolongées et a prescrit un bilan complémentaire. Cette préconisation a été renouvelée le 12 avril 2016. Une expertise médicale en date du 16 décembre 2016 a permis de confirmer que la requérante présentait une réelle perte de l'odorat et du goût ainsi que le caractère professionnel et irréversible des lésions des muqueuses constatées. L'expert a conclu à la pertinence du classement en maladie professionnelle de l'affection dont souffre Mme C... et considère que le début de la maladie remonte au début de l'exposition aux produits toxiques soit le 1er octobre 2005. A cette occasion, il a estimé qu'il convenait d'attribuer à la requérante une IPP de 40 % (10 % au titre de l'anosmie sévère, 5 % de la rhinite sévère, 5 % de l'agueusie, 10 % pour la fragilité broncho-pulmonaire et la dyspnée permanente associées et 10 % pour les troubles psychologiques secondaires. Ces conclusions médicales sont corroborées par le certificat médical du 4 décembre 2017 établi par le médecin responsable de l'unité odorat du service oto-rhinolaryngologie de l'hôpital Georges Pompidou qui relève que Mme C... présente des seuils olfactifs indétectables avec une absence de discrimination et une absence de reconnaissance et de perception des odeurs au test qualitatif. Il considère que cette anosmie est probablement séquellaire d'une inhalation chronique de vapeurs toxiques dans le cadre de son activité professionnelle. 9. Si le Crédit municipal de Paris fait valoir que les différentes préconisations du médecin du travail ont été appliquées, que l'efficacité du dispositif de ventilation n'a pas été remise en cause, et que Mme C... n'a jamais été reconnue inapte à son activité professionnelle, les diverses pièces produites dans le cadre de la présente instance ne permettent pas de s'assurer que les travaux d'aménagement du système de ventilation demandés dans le local où Mme C... exerçait son office (déplacement de l'équipement et installation d'une ventilation mécanique contrôlée) aient été réalisés avant le début de l'année 2017, seule l'installation d'une armoire de stockage pour les produits utilisés par la requérante ayant eu lieu dans le courant de l'été 2016 après une nouvelle visite du service de la médecine de prévention le 9 mai 2016. Une analyse similaire peut être faite s'agissant de l'achat d'une paire de lunettes de protection. 10. De même, si le Crédit municipal de Paris met en avant le comportement fautif de Mme C... qui n'aurait pas porté les équipements de sécurité mis à sa disposition en produisant notamment une attestation rédigée par la responsable des ressources humaines en date du 22 septembre 2021 qui précise qu'il a été rappelé à plusieurs reprises à l'intéressée qu'elle devait porter les équipements de protection mis à sa disposition mais que cette dernière aurait systématiquement répondu qu'elle était dans l'incapacité de réaliser correctement les missions qui lui étaient dévolues en les portant, aucune pièce du dossier ne permet de s'assurer que les phases d'information et de formation de la salariée au port des équipements de protection individuelle ont bien été mises en œuvre, la fiche de poste de l'intéressée ne mentionnant notamment pas le port obligatoire des lunettes de protection. De même, il ne résulte pas de l'instruction qu'un masque de protection ait été effectivement mis à sa disposition. 11. Ainsi, il apparaît qu'en dépit des préconisations régulières du médecin de prévention et des alertes régulières de Mme C... sur les conséquences néfastes de ses conditions de travail sur son état de santé, le Crédit municipal de Paris a tardé à mettre en œuvre les mesures nécessaires, a minima à compter du 1er décembre 2015, date des préconisations du médecin de prévention mentionnées au point 8 du présent arrêt, et jusqu'au début de l'année 2017, pour satisfaire à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne la responsabilité pour risque : 12. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et le I° de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 désormais abrogé, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 13. Par ailleurs, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 14. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale en date du 16 décembre 2016, mentionné au point 8 du présent arrêt, que Mme C... qui, dans le cadre de son activité professionnelle, a analysé, pendant plus de dix ans, des métaux aux moyens de substances chimiques, et réalisé leur poinçonnage, présente une réelle perte de goût et d'odorat liée à l'absence de réelles protections contre les gaz et aérosols lors de la manipulation de produits hautement toxiques. L'expert considère que la pathologie est irréversible et que le caractère professionnel de l'atteinte est certain, son origine pouvant être fixée au 1er octobre 2005, date de son affectation dans le poste en cause. Cet avis est corroboré par la commission de réforme du département de Paris qui a émis le 4 mai 2017 un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances particulières la détachant du service, ressortant de l'instruction, Mme C... est fondée à soutenir que sa pathologie présente un lien direct avec le service et caractérise dès lors une maladie professionnelle. Par suite, la requérante est fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que la responsabilité sans faute du Crédit municipal de Paris est engagée. Sur l'indemnisation des préjudices : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant de la perte de gains professionnels : 15. Mme C... sollicite le versement d'une indemnité de 75 000 euros en réparation des préjudices résultant de son placement en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er février 2017, puis en disponibilité d'office à compter du 14 mai 2018. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction que les aménagements rendant la poursuite de son activité à temps plein compatible avec son état de santé avaient été réalisés, cette mise en disponibilité pour convenances personnelles est la conséquence d'un choix personnel de la requérante. Une analyse similaire doit être faite pour le maintien en disponibilité, Mme C... ayant refusé le poste offert par son employeur à son retour de disponibilité alors que les fonctions proposées de " coordinatrice des prêts sur gages " correspondaient à son cadre d'emploi. Ce préjudice n'est donc pas indemnisable, tant au titre de la responsabilité pour faute qu'au titre de la responsabilité pour risque mentionnée, l'intéressée n'établissant pas l'existence d'un lien direct et certain entre les manquements commis par son employeur et les mesures précitées. S'agissant des incidences professionnelles : 16. Si Mme C... sollicite la réparation des préjudices résultant de l'absence d'avancement dans sa carrière et de sa mise en retraite de façon anticipée, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'elle ne démontre pas d'une part, une chance sérieuse d'obtenir une promotion et, d'autre part, avoir été contrainte de demander son placement en position de retraite pour carrière longue en raison des manquements de son employeur à ses obligations de protection. Ce préjudice n'est donc pas indemnisable, tant au titre de la responsabilité pour faute qu'au titre de la responsabilité pour risque mentionnée. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux : S'agissant des souffrances endurées : 17. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que Mme C... a été exposée pendant plusieurs années et a minima à compter du début de l'année 2013, sans réelle protection, à des acides forts qui ont altéré de manière irrémédiable son goût et son odorat. L'expert a estimé que l'intéressée était atteinte d'une incapacité permanente partielle de 40 % se décomposant à hauteur de 10 % au titre de l'anosmie sévère, de 5 % pour l'agueusie, de 5 % pour la rhinite sévère, de 10 % pour la fragilité broncho-pulmonaire et la dyspnée permanente associée et de 10 % pour les troubles psychologiques secondaires. 18. Par ailleurs, cette situation a généré un préjudice d'anxiété qui est né de la conscience prise par la requérante qu'elle courrait un risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition prolongée à des produits toxiques. 19. Au regard de ces éléments et nonobstant la circonstance qu'il ne résulte pas de l'instruction que le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme C... devrait s'aggraver, il n'en demeure pas moins qu'elle est soumise à une surveillance médicale régulière de son état de santé, qui a pu générer de l'inquiétude. Dans ces circonstances, il y a lieu de porter l'indemnité réparant ces chefs de préjudice à la somme globale de 20 000 euros. S'agissant du préjudice moral : 20. Il résulte de l'instruction que Mme C... a été exposée pendant au moins quatre ans à des produits toxiques qui ont altéré de manière irrémédiable sa santé en dépit des préconisations récurrentes du médecin de prévention et de ses alertes répétées auprès de sa hiérarchie. Au regard de la durée particulièrement longue d'exposition quotidienne au risque d'inhalation de produits toxiques pendant ses périodes d'activité, il sera fait une juste appréciation suffisante du préjudice moral subi par l'intéressée en fixant sa réparation à la somme de 10 000 euros. Sur le préjudice résultant du manquement à l'obligation de prévention des risques : 21. Si la requérante demande l'indemnisation du " préjudice résultant du manquement du Crédit municipal de Paris au titre de l'obligation de prévention des risques ", elle ne précise pas la consistance de ce chef de préjudice. En tout état de cause, il ne saurait constituer par lui-même un préjudice indemnisable distinct de celui réparé au titre du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence. Par suite, la demande d'indemnisation présentée à ce titre doit être rejetée. 22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris dans la mesure prévue aux points 19 et 20 du présent arrêt. Sur l'appel incident du Crédit municipal de Paris : 23. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le Crédit municipal de Paris n'est pas fondé à demander la réformation de l'article 1er du jugement attaqué. Sur les frais liés au litige : 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le Crédit municipal de Paris en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Crédit municipal de Paris une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme C..., en application de ces dispositions. En revanche, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des dépens auraient été exposés, les conclusions de la requérante au titre des dispositions de l'article R. 761-1 doivent être écartées. D E C I D E :Article 1er : La somme que le Crédit municipal de Paris a été condamnée à verser à Mme E... le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 est portée de 20 000 (vingt mille) euros à 30 000 (trente mille) euros.Article 2 : Le Crédit municipal de Paris versera à Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt.Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté. Article 5 : Les conclusions du Crédit municipal de Paris sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au directeur général du Crédit municipal de Paris.Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 octobre 2022. La rapporteure, S. A...Le président, S. CARRERELa greffière, C. DABERTLa République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA00461 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/10/2022, 20TL04286, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier : 1°) d'annuler la décision du 8 août 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître imputable au service son accident du 6 septembre 2016 et d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître cette imputabilité ou de réexaminer sa situation ; 2°) d'annuler la décision du 8 août 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître imputable au service son accident du 16 novembre 2016 et d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître cette imputabilité ou de réexaminer sa situation ; 3°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 par lequel la ministre des armées lui a accordé un congé de longue durée non imputable au service du 28 novembre 2016 au 27 novembre 2018 et d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder un congé imputable au service pour cette période ou de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 1804813,1804814,1804815 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2018 et les décisions du 8 août 2018, et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 dans un délai de deux mois, et a rejeté le surplus des demandes de M. A.... Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 19 novembre 2020 sous le n° 20MA04286 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL04286, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2020 ; 2°) de rejeter l'intégralité des demandes de M. A.... Elle soutient que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit en ce que le tribunal s'est fondé sur des dispositions inapplicables de la loi du 11 janvier 1984 et a fait une surprenante application de la jurisprudence du Conseil d'Etat n° 407795 du 13 mars 2019 ; - il est entaché de plusieurs erreurs de fait et d'appréciation dès lors que les évènements survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 ne présentent pas le caractère d'accidents de service : les entretiens entre M. A... et son supérieur hiérarchique ne se sont pas déroulés dans des conditions anormales et relevaient de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; M. A... ne peut se prévaloir d'aucune circonstance particulière tenant à ses conditions de travail qui pourrait être à l'origine d'une dépression imputable au service ; en toute hypothèse, l'état antérieur préexistant de l'intéressé doit être pris en considération. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, M. A..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, conclut au rejet du recours, demande de confirmer le jugement du 18 septembre 2020 et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Il fait valoir que les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés : il a contracté un syndrome anxiodépressif en raison de ses conditions de travail et notamment des relations extrêmement tendues avec ses supérieurs ; il a été victime d'un choc émotionnel en lien avec l'exercice de ses fonctions justifiant que l'imputabilité au service soit reconnue ; le rapport d'expertise est entaché d'erreur de droit en ce qu'il mentionne la nécessité d'un lien unique avec les évènements des 6 septembre et 16 novembre 2016 ; la commission de réforme a commis une erreur d'appréciation en ne tenant pas compte des circonstances d'épuisement professionnel qui l'ont conduit à décompenser en réaction aux propos agressifs et menaçants de son supérieur hiérarchique ; il a fait l'objet d'une rétrogradation en 2016 et a été victime de dévalorisation professionnelle pendant près de deux ans, de mépris de son handicap et de conditions de travail épuisantes et anxiogènes ; le refus de lui octroyer un congé de longue durée imputable au service, ou un congé pour invalidité imputable au service, est entaché d'erreur d'appréciation au regard des certificats et rapports médicaux concordants. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement du recours de la ministre des armées. Par ordonnance du 14 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit: 1. M. A..., qui a exercé des fonctions de militaire au sein de l'armée de terre à compter du 1er février 1986, a été victime d'un accident de saut en parachute le 28 juillet 1994. Il a été reclassé au centre d'information et de recrutement des forces armées de Montpellier du 1er juillet 2001 au 15 septembre 2009, date de sa mise à la retraite. Il a ensuite été recruté en qualité d'adjoint administratif au sein du même service, au titre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, afin d'y exercer les fonctions de secrétaire. Le 28 novembre 2016, M. A... a déclaré avoir été victime d'un premier accident de service pour des faits survenus le 6 septembre 2016, puis d'un second accident de service pour des faits survenus le 28 novembre 2016. Par deux décisions du 8 août 2018, la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ces deux accidents. Le 20 février 2017, l'intéressé a sollicité son placement en congé de longue maladie. Par un arrêté du 6 août 2018, M. A... a été placé en congé de longue maladie considéré comme un congé de longue durée pendant un an à compter du 28 novembre 2016, puis en congé de longue durée pendant une nouvelle période d'un an allant jusqu'au 27 novembre 2018. Par un jugement du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2018 et les décisions du 8 août 2018, et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les décisions de refus de reconnaissance des accidents de service : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans ses dispositions applicables au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 3. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion ou une affection physique ou psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 4. Pour annuler les décisions du 8 août 2018 par lesquelles la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents déclarés par M. A... et survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016, les premiers juges ont estimé qu'il n'existait pas de circonstance permettant de détacher du service la survenance de ces accidents. Il ressort des pièces du dossier que le 6 septembre 2016, une signature de contrat collective de quarante nouvelles recrues était organisée par le centre d'information et de recrutement des forces armées de Montpellier, en présence de leurs familles, à laquelle participait M. A... en sa qualité de .... En fin de matinée, l'intimé a été convoqué par son supérieur hiérarchique pour un entretien devant se tenir le jour même à 16 heures dans le bureau du commandant du service. Il lui a été reproché son manque de rigueur, occasionnant des pertes de temps à l'assemblée. Le lendemain, M. A... a envoyé un courriel au commandant lui indiquant avoir été surpris et choqué par l'agressivité de son supérieur hiérarchique envers sa personne, en lui demandant de prendre les mesures nécessaires afin que ce type de comportement ne puisse se répéter. Il ressort toutefois du rapport établi par le colonel ... le 3 octobre 2017, qui n'est contredit par aucune pièce du dossier, que si le supérieur de M. A... a haussé le ton face au déni de l'intéressé à l'encontre des reproches qui lui étaient formulés, il s'est borné à lui signifier son mécontentement en raison du non-respect des échéances qui lui étaient fixées et de son comportement personnel tendant à se désolidariser de l'équipe, contraignant ses collègues à compenser ses manquements. Le 19 octobre 2016, M. A... a été informé de ce qu'il allait être reçu par le colonel ... dans les prochaines semaines afin d'être éclairé sur l'exercice de ses fonctions, son supérieur et son chef de centre lui rendant compte de difficultés relationnelles et d'une implication insuffisante dans son poste, nuisant aux performances du centre d'information et de recrutement des forces armées. Il ressort du rapport établi par le délégué syndical qui a accompagné M. A... lors de l'entretien qui s'est tenu le 16 novembre 2016, que l'intéressé a été convoqué pour s'exprimer sur des difficultés relationnelles suite à des remontées du centre d'information et de recrutement des forces armées, lesquelles étaient nombreuses aux dires du colonel qui a essayé de le faire parler sur son ressenti personnel, essayant d'en arriver à un point précis des difficultés relationnelles. Au cours de cet entretien, M. A... a fait part de façon détaillée de sa manière de servir, et évoqué une souffrance au travail liée à son handicap, lequel ne lui semblait pas suffisamment pris en compte. Le délégué syndical relate que vers la fin de l'entretien, M. A... s'est figé sur sa chaise en fermant les yeux durant une dizaine de secondes, rompant tout contact, avant de sortir du bureau pour en revenir entre 5 et 10 minutes plus tard. Si M. A... a été placé en arrêt de travail du 8 au 30 septembre 2016, en raison d'une récidive de lombosciatalgie gauche, puis à compter du 28 novembre 2016 en raison d'un syndrome anxio-dépressif par épuisement professionnel, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique aient été tenus tant par son supérieur direct que par le colonel ... lors des entretiens des 6 septembre et 16 novembre 2016. En outre, le rapport d'expertise du 29 janvier 2018, suivi par la commission de réforme, conclut à l'absence d'accident de service, du fait que ces évènements " n'ont pas de lien direct unique et certain avec le syndrome anxio-dépressif de M. A... ". Par suite, les évènements survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 ne peuvent être regardés comme présentant le caractère d'accidents de service. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens d'appel invoqués, que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions du 8 août 2018, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions énoncées à l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif. 7. Aux termes de l'article 26 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors en vigueur et abrogé le 24 février 2019 par le décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat : " (...) les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. (...) ". 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 9. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commission de réforme aurait disposé du rapport écrit du médecin de prévention attaché au service auquel M. A... appartenait. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que l'avis de la commission de réforme du 20 février 2018 a été émis au terme d'une procédure irrégulière. L'absence de consultation régulière de la commission de réforme a privé M. A... d'une garantie. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que les décisions en litige ont été prises en méconnaissance de l'article 26 du décret du 14 mars 1986. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. A..., que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ses décisions du 8 août 2018. En ce qui concerne l'arrêté de placement en congé de longue durée : 11. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans ses dispositions applicables au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de (...) maladie mentale, (...), de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) ". 12. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 13. Pour annuler l'arrêté du 6 août 2018 par lequel la ministre des armées a accordé à M. A... un congé de longue durée non imputable au service d'une durée de deux ans à compter du 28 novembre 2016, les premiers juges ont estimé que la seule circonstance que le psychiatre agréé ait noté dans son rapport du 15 juin 2018 que l'intéressé a présenté en novembre 2016 une décompensation anxio-dépressive en relation avec des difficultés professionnelles et dans un contexte de personnalité fragile ne suffisait pas à détacher les arrêts maladie du service, alors que le précédent rapport d'expertise rendu le 29 janvier 2018 avait relevé l'absence d'état antérieur psychiatrique de l'intéressé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a été victime d'un accident de saut en parachute le 28 juillet 1994 dont il conserve d'importantes séquelles. Il a été reconnu travailleur handicapé à un taux compris entre 50 et 79%, est titulaire d'une carte d'invalidité et bénéficiaire d'une pension militaire d'invalidité au taux initial de 25% porté à 35% à compter du 14 mars 2014. M. A... a ainsi demandé à plusieurs reprises la révision de sa pension en raison de l'aggravation de son état. A compter de ses demandes présentées les 12 août 2012 et 11 mars 2014, il a fait état d'un impact psychologique important sur sa vie professionnelle et familiale au quotidien, avant de solliciter la prise en compte du syndrome dépressif dû à la douleur occasionnée par l'infirmité pensionnée. Sa demande a été rejetée par le tribunal des pensions militaires de Montpellier par jugement du 11 décembre 2018 confirmé par la cour régionale des pensions militaires par un arrêt du 7 mai 2019, au regard notamment de l'existence d'autres pathologies dont souffre M. A.... Toutefois, les deux médecins experts désignés ont estimé, dans leurs rapports rendus les 28 septembre 2016 et 21 août 2018, que M. A... souffre d'un " syndrome dépressif consécutif aux conséquences directes de la chute neurologique et articulaire ", que " des répercussions psychologiques au long terme se sont installées au fil des années, en l'absence de toute sinistrose " pour le premier, et d'une " dépression chronique et invalidante " pouvant " être attribuée au handicap physique consécutif à l'accident de 1994, non pas tant du fait de ses conséquences physiques mais surtout tenant au fait que cet accident a contribué à l'invalider progressivement sur le plan professionnel et qu'il en a ressenti un sentiment d'exclusion sociale avec dévalorisation et baisse massive de l'estime de soi, le maintenant dans une impasse existentielle et un vécu de grande précarité psychique ". Au regard des éléments qui viennent d'être exposés, alors même que M. A... n'est suivi régulièrement par un psychiatre que depuis novembre 2016, la ministre des armées est fondée à soutenir que l'existence d'un état antérieur dépourvu de lien avec le service qui l'emploie depuis sa mise à la retraite doit être retenue. De son côté, M. A... expose qu'il a contracté un syndrome anxio-dépressif en raison de ses conditions de travail et notamment des relations extrêmement tendues avec ses supérieurs, évoquant une rupture intervenue après sa rétrogradation et son placement sous l'autorité hiérarchique du ..., ainsi qu'il ressort de la comparaison entre ses fiches de notation au titre des années 2015 et 2016. Il ressort cependant des pièces du dossier, notamment du rapport du colonel ... du 3 octobre 2017, que si une réorganisation du service est intervenue dans le courant de l'année 2015 à la faveur de recrutements supplémentaires, le chef de centre a choisi de réorganiser la fonction ... dont il est résulté une meilleure répartition des tâches administratives des conseillers en recrutement, et un allègement sensible de la charge de travail de M. A..., non sérieusement contesté par celui-ci. Il ne ressort d'aucune pièce que cette réorganisation soit à l'origine d'une rétrogradation de l'intéressé au seul motif que la fonction ... ait été placée sous l'autorité d'un .... S'il est constant que la fiche de notation de M. A... comporte des critiques sur sa manière de servir au titre de l'année 2016, l'ayant conduit à la contester devant le tribunal administratif de Montpellier, il ne ressort cependant d'aucune pièce que l'intéressé aurait été victime d'un contexte de dévalorisation professionnelle pendant près de deux ans, de mépris de son handicap et de conditions de travail épuisantes et anxiogènes. Ainsi, au regard de l'état antérieur de santé de M. A..., qui a sollicité la révision de sa pension d'invalidité en mars 2014 en évoquant notamment l'existence d'un syndrome dépressif en lien avec un syndrome douloureux chronique, la maladie contractée par l'intéressé ne peut être regardée comme étant imputable au service. 14. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 6 août 2018, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'imputabilité au service de la maladie dont est atteint M. A.... 15. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif. 16. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 2. L'imputabilité au service de l'affection entraînant l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier susvisée ; (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; 2. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ; 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; toutefois, s'il n'existe pas de commission locale ou si celle-ci n'est pas départementale, les deux représentants du personnel sont désignés par les représentants élus de la commission administrative paritaire centrale, dans le premier cas et, dans le second cas, de la commission administrative paritaire interdépartementale dont relève le fonctionnaire ; 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. / Le secrétariat de la commission de réforme départementale est celui du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. ". Aux termes de l'article 32 du même décret : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le dossier est soumis à la commission de réforme. Ce dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. La demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de la maladie. / La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. (...) ". 17. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 18. Il n'est pas contesté que M. A... a sollicité, le 20 février 2017, l'octroi d'un congé de longue maladie imputable au service en raison de la pathologie dont il souffre. Se fondant sur l'avis émis par le comité médical départemental le 4 juillet 2018, l'arrêté du 6 août 2018 a attribué à l'intéressé un congé de longue maladie considéré comme un congé de longue durée pendant un an à compter du 28 novembre 2016, suivi d'un congé de longue durée pendant une nouvelle période d'un an allant jusqu'au 27 novembre 2018. En l'absence de mention le précisant, cet arrêté doit être regardé comme ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. A.... Il est constant que la commission de réforme n'a pas été saisie de la demande de M. A.... Si la ministre a fait valoir que cette instance s'était déjà prononcée le 20 février 2018 sur l'imputabilité au service des accidents dont l'intéressé a indiqué avoir été victime les 6 septembre et 16 novembre 2016, la demande présentée par M. A... le 20 février 2017 avait toutefois un objet distinct. De plus, ainsi qu'il a été exposé au point 9, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commission de réforme aurait disposé du rapport écrit du médecin de prévention attaché au service auquel M. A... appartenait. Par suite, celui-ci est fondé à soutenir que l'arrêté du 6 août 2018 a été pris en méconnaissance des articles 13 et 32 du décret du 14 mars 1986, en l'absence de saisine de la commission de réforme et de la rédaction d'un rapport écrit du médecin de prévention attaché au service auquel il appartenait qui a privé M. A... d'une garantie. 19. Il résulte de ce qui précède, que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 6 août 2018. Sur les conclusions à fin d'injonction : 20. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 septembre et 26 novembre 2016 ainsi que de la maladie de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et non comme l'a fait le tribunal d'enjoindre à l'administration de reconnaître cette imputabilité. Sur les frais liés au litige : 21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Il est enjoint au ministre des armées de procéder au réexamen des demandes de reconnaissance de l'imputabilité des accidents survenus les 6 septembre et 16 novembre 2016 ainsi que de la maladie de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 septembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions du recours de la ministre des armées est rejeté. Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 20TL04286 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/11/2022, 19BX04064, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Pau d'annuler la décision du 27 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités et reconnaissance de nouvelles infirmités. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal des pensions de Pau a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2019 et le 8 juin 2021, M. B..., représenté par Me Tucoo-Chala, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Pau du 16 mai 2019 ; 2°) d'annuler la décision ministérielle du 27 avril 2017 ; 3°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale pour déterminer le taux des infirmités objet de la demande ; 4°) de reconnaître son droit à pension au taux de 10 % pour l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule gauche " ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que " les entiers dépens ". Il soutient que : - les certificats médicaux démontrent une aggravation de son infirmité " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " qui justifie une révision de sa pension, à tout le moins une expertise ; - c'est à tort que les premiers juges lui ont opposé le jugement du 15 novembre 2012 pour rejeter la demande relative à l'infirmité " perte de sélectivité due aux traumatismes sonores répétés " ; l'aggravation de cette infirmité n'a pas été expertisée le 24 août 2016 ; l'administration n'apporte pas la preuve d'une cause étrangère ou d'une affection distincte ; une expertise médicale s'impose sur cette infirmité, tout comme pour les infirmités " acouphènes " ; - l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule gauche, déformation visible de la clavicule " est imputable au service puisqu'elle est consécutive à un accident de la circulation intervenu le 11 septembre 1988 lors d'un trajet de retour à son domicile ; - l'infirmité " séquelles de fracture du gros orteil droit ; marche normale, hallus valgus constitutionnel opéré ", dont l'existence est avérée à la date de sa demande, nécessite une nouvelle expertise médicale ; - l'existence de l'infirmité " perte de sélectivité due aux traumatismes sonores répétés ; différence entre 4 000 et 1 000 décibels : oreille droite 30 décibels - oreille gauche 45 décibels inférieur à 50 décibels " est parfaitement établie et une nouvelle expertise médicale s'impose ; - l'existence de l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule droite " est démontrée par les pièces médicales et cette infirmité n'a pas été examinée par le médecin de l'administration ; une expertise médicale doit être ordonnée ; - s'agissant de l'infirmité " fractures bi-malléolaires du pied gauche ", l'administration ne saurait lui opposer le jugement du tribunal des pensions de Pau du 4 mai 1995 qui portait sur une autre infirmité ; une expertise médicale est nécessaire. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 décembre 2019 et 24 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - s'agissant des infirmités auditives, M. B... n'avait, dans sa demande, sollicité que la prise en compte de l'infirmité " perte de sélectivité ", ce qui explique que l'expert ne se soit prononcé que sur celle-ci ; en l'absence de demande préalable, les conclusions relatives aux infirmités hypoacousies et acouphènes sont irrecevables ; la demande relative à la perte de sélectivité qui, contrairement à ce que M. B... soutient, n'est pas une demande nouvelle, a déjà été rejetée par un jugement du 15 novembre 2012 revêtu de l'autorité de chose jugée ; au demeurant, la différence de décibels est inférieure à 50 ; - l'infirmité " fractures bi-malléolaires du pied gauche " est la même que celle dénommée " séquelles de fractures de la cheville gauche " qui a déjà été rejetée pour défaut d'imputabilité au service par jugement du 4 mai 1995 ; M. B... ne rapporte pas la preuve d'un fait nouveau précis de service qui en soit à l'origine ; - il n'est pas établi par les pièces médicales produites que l'infirmité relative aux rachialgies, pour laquelle M. B... bénéficie déjà d'une pension avec un taux de 40 %, se serait aggravée le 20 novembre 2016 par rapport à l'expertise qui en a été faite le 13 mai 2010 ; - l'accident de la circulation dont a été victime M. B... a eu lieu lors d'une permission et ses séquelles ne sont pas imputables au service ; l'infirmité " séquelles de fractures de la clavicule gauche " doit être rejetée pour ce motif ; - alors qu'il la rattache à un accident de la circulation survenu le 24 novembre 1977, l'intéressé n'a pas invoqué d'infirmité relative à des séquelles de fracture de la clavicule droite lors de l'expertise du 20 novembre 2016 ; aucun élément médical, contemporain à la demande, n'atteste de l'existence d'une gêne fonctionnelle, imputable au service, d'un taux indemnisable ; l'expertise, qui a bien porté sur une déformation visible des clavicules, tend à démontrer la modicité de cette infirmité ; - l'infirmité relative aux séquelles de fracture du gros orteil droit a été expertisée le 20 novembre 2016 et a conduit à retenir un taux de 5 %, inférieur au taux indemnisable ; - les certificats médicaux établis en 2019 et qui relatent des constatations médicales faites au jour de leur rédaction doivent être écartés dès lors qu'en vertu de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité, il convient de se placer à la date de la demande pour apprécier le taux d'invalidité. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 2019/004577 du 16 août 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D... A..., - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 25 juillet 1947, a été radié des cadres de l'armée de terre le 31 décembre 1992 au grade de capitaine. Une pension militaire d'invalidité lui a été concédée par arrêté du 4 février 2008, au taux de 70 % pour les trois infirmités suivantes : " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " (taux de 40 %), " hypoacousie de perception bilatérale, perte auditive oreilles droite et gauche : 52,5 décibels " (taux de 30 %) et " acouphènes " (taux de 10 %). Il a présenté, le 16 octobre 2014, une demande de révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités et prise en compte de nouvelles infirmités. Par une décision du 27 avril 2017, prise après expertises médicales réalisées les 24 août et 20 novembre 2016 et avis de la commission de réforme, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal des pensions de Pau a rejeté la demande de l'intéressé d'annuler cette décision. L'appel formé par M. B... à l'encontre de ce jugement a été transféré à la cour à la suite de la réforme, par la loi du 13 juillet 2018 susvisée, du contentieux des décisions individuelles relatives aux pensions militaires d'invalidité. Sur les infirmités déjà pensionnées : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (...) ". En ce qui concerne l'infirmité " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " : 3. Il résulte de l'instruction que M. B... qui bénéficie d'une pension, à un taux de 40 %, pour l'infirmité " rachialgies post-traumatiques diffuses, arthrose vertébrale étagée, raideur rachidienne importante avec cervicalgies fréquentes et sciatalgies " résultant d'une blessure du 16 décembre 1980, a sollicité une première fois, le 22 octobre 2009, la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. Cette demande a été rejetée par décision ministérielle du 19 novembre 2010 au vu de l'avis du rhumatologue expert auprès de la commission de réforme, qui a conclu à une rachialgie diffuse et à une discopathie L5-S1 et a proposé le maintien du taux de 40 % après avoir noté " qu'il existe une discordance entre l'importance des symptômes rapportés (douleurs et enraidissement) et les lésions dégénératives discales qui sont modérées (pas d'atteinte radiologique spécifique à l'IRM permettant de confirmer une spondylarthrite évolutive, pas de signes neurologiques déficitaires) ". L'expertise du 20 novembre 2016 a également conclu au maintien du taux de 40 % après avoir pris connaissance des certificats médicaux des 20 août et 3 octobre 2014 faisant état d'une aggravation de la discarthrose C5-C6 avec uncarthrose étagée, sans précision sur les séquelles supplémentaires que celle-ci occasionnerait, et après avoir relevé que, par rapport à l'expertise de 2010, il n'existait pas de réelle modification de la symptomatologie. Si M. B... produit deux nouveaux certificats médicaux attestant notamment d'une " raideur rachidienne étendue à la fois cervico-dorso-lombaire en rapport avec une arthrose rachidienne ", le constat établi en 2019 par son généraliste n'est pas de nature à établir une aggravation de son infirmité à la date de sa demande, et le certificat du rhumatologue établi en 2014 est contredit par les conclusions de l'expertise du médecin militaire. Par suite, l'existence d'une aggravation de l'infirmité qui serait de nature à justifier la révision de la pension accordée à M. B... n'est pas établie. En ce qui concerne les infirmités " hypoacousie de perception bilatérale. Perte auditive oreilles droite et gauche : 52,5 décibels ", " acouphènes " et " perte de sélectivité due aux traumatismes sonores répétés " : 4. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 5. D'une part, M. B... demande la reconnaissance de l'aggravation des infirmités déjà pensionnées, ainsi que la prise en compte d'une nouvelle infirmité liée à une " perte de sélectivité ". La ministre des armées ne peut sérieusement soutenir que le contentieux ne serait pas lié s'agissant de la demande relative à une aggravation des infirmités déjà pensionnées, alors que la décision en litige, tout comme la commission de réforme, se sont prononcées sur ce point. Elle ne peut davantage se prévaloir de l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement du tribunal des pensions du 15 novembre 2012 statuant sur une précédente demande de révision de la pension, eu égard au changement de circonstances de fait allégué par M. B.... En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, l'infirmité relative à une perte de sélectivité, qui est une composante de l'hypoacousie, ne saurait donner lieu à un taux d'invalidité distinct des infirmités déjà pensionnées, mais seulement à une majoration éventuelle du taux d'invalidité accordé. 6. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. B... perçoit une pension au taux de 30 % pour une perte d'acuité auditive bilatérale de 52,50 décibels et une pension au taux de 10 % pour des acouphènes. L'expertise réalisée le 24 août 2016 ne permet pas de constater une aggravation de ces deux infirmités, pas plus d'ailleurs que les résultats du bilan auditif réalisé le 19 juin 2017 à la demande de M. B.... Par ailleurs, cette même expertise de 2016 a conclu à l'absence de perte de sélectivité en lien avec les traumatismes sonores éprouvés entre le 10 et le 13 février 1987 lors de tirs répétés au fusil et au mortier, puis le 4 décembre 1987 à la suite d'un saut en parachute à 6 000 mètres occasionnant un barotraumatisme bilatéral. L'expert a procédé à un bilan audio-tympanométrique qui révèle notamment une perte de 35-40 % de discrimination en audiométrie vocale, qu'il estime en cohérence avec l'hypoacousie pensionnée, et une absence de distorsion du son, et s'est prononcé au vu de plusieurs bilans audiométriques dont le dernier est daté du 6 octobre 2014. Il confirme ainsi la précédente expertise judiciaire du 19 avril 2012, la différence de perception des fréquences entre 4 000 et 1 000 hertz atteignant des valeurs inférieures au minimum de 50 décibels. Si les résultats des examens réalisés par M. B... en 2017 révèlent la présence d'une telle infirmité, il n'est pas établi que celle-ci aurait déjà été présente à la date de la demande, près de trois ans auparavant. Sur les nouvelles infirmités : En ce qui concerne l'infirmité " fractures bi-malléolaires du pied gauche " : 7. Il résulte de l'instruction que par jugement du 4 mai 1995, le tribunal des pensions de Pau a confirmé l'arrêté du 21 septembre 1993 par lequel le ministre de la défense a rejeté la demande de pension pour l'infirmité " séquelles de fractures de la cheville gauche - enraidissement sous astragalien " qui serait due à un accident survenu le 17 avril 1976, en raison d'un défaut d'imputabilité au service. Si M. B... soutient que cette infirmité est distincte de celle dont il fait état dans sa demande du 16 octobre 2014 et relative à des fractures bi-malléolaires du pied gauche, il n'apporte aucun élément pour démontrer que cette dernière serait différente de celle ayant déjà été rejetée par l'administration. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstance de fait ou de droit nouvelle justifiant qu'il soit procédé à un nouvel examen de la demande de l'intéressé, l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal des pensions de Pau fait obstacle, ainsi que le fait valoir la ministre, à la demande du requérant concernant cette infirmité. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule gauche, déformation visible de la clavicule " : 8. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un accident de la circulation dont est victime un militaire bénéficiant d'une permission régulière ne peut être regardé comme survenu à l'occasion du service que si cet accident a eu lieu, soit en début de permission pendant le trajet direct de son lieu de service vers le lieu où il a été autorisé à se rendre en permission, soit en fin de permission pendant le trajet inverse. Par suite, un accident de la circulation survenu sur le trajet de retour entre le lieu où un militaire a été autorisé à se rendre en permission et celui de son domicile ne saurait être imputé au service. 9. M. B... souffre des séquelles d'une fracture de la clavicule gauche, survenue lors d'un accident de la circulation le 11 septembre 1988. Il ressort de ses propres déclarations sur les circonstances de l'accident, telles que relatées dans un courrier du 29 septembre 1988, que cet accident est survenu au retour d'une permission, alors qu'il rejoignait son domicile. Par suite, cette infirmité ne résulte pas de blessures occasionnées lors d'un accident survenu sur le trajet direct reliant son lieu de service et le lieu de permission, et ne peut donc être reconnue imputable au service. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture de la clavicule droite " : 10. Lors de l'examen médical du 20 novembre 2016, l'expert, saisi notamment des pathologies relatives aux clavicules, n'a noté aucune doléance de M. B..., ni constaté de pathologie pour la clavicule droite, et a seulement relevé une " déformation visible des clavicules au niveau 1/3MY-1/3INT ". La circonstance que M. B... indique avoir eu un accident de la circulation le 24 novembre 1977 dans le cadre du service est sans incidence sur le fait qu'aucune gêne fonctionnelle n'a pu être établie. Par suite, la ministre des armées a pu rejeter la demande de révision en estimant que l'infirmité alléguée était inexistante. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture du gros orteil droit " : 11. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Aux termes de l'article L. 6 de ce code, alors en vigueur : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". En vertu de ces dernières dispositions, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. 12. L'expertise rendue le 20 novembre 2016 a conclu à un taux d'invalidité inférieur à 5 % pour l'infirmité relative aux séquelles de fracture du gros orteil droit, après que l'expert a relevé l'existence d'une fracture résultant d'un accident de service du 8 décembre 1975 et constaté, lors de l'examen clinique, une marche normale de l'intéressé et le port de semelles. Cette appréciation n'est pas remise en cause par les certificats médicaux produits par M. B... qui font état, en juin 2019, " de métatarsalgies statiques avec hallux-rigidus du côté droit et griffe d'orteil des 2e et 3e orteils " ou d'une pénibilité dans la station debout prolongée. Par suite, la ministre des armées n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de réviser la pension de M. B... au motif que l'invalidité occasionnée par cette infirmité ne dépassait pas, à la date de la demande de pension, le taux de 10 %. 13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 27 avril 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant, d'une part, au paiement des entiers dépens du procès, lequel au demeurant n'en comporte aucun, et, d'autre part, à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022. Le rapporteur, Olivier A... La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19BX04064
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 25/10/2022, 20TL00529, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre à l'épaule gauche, et d'enjoindre au département de l'Aude de lui délivrer une décision de reconnaissance de maladie professionnelle ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de son dossier. Par un jugement n° 1800362 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 18 décembre 2017 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule gauche dont souffre Mme A... dans un délai de deux mois. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 février 2020 sous le n° 20MA00529 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL00529, et des mémoires enregistrés les 21 mars 2022, 15 avril 2022 et 13 mai 2022, le département de l'Aude, représenté par Me Walgenwitz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2019 ; 2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation et de qualification juridique des faits ; - la présence d'un état antérieur caractérisé de Mme A... justifie la décision de refus d'imputabilité ; en écartant cet élément, le tribunal a fait une inexacte appréciation des faits ; - il est entaché de contradiction quant à la portée et la pertinence de l'expertise judiciaire ; - il est entaché d'erreur de droit en ce que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient inapplicables ; seules les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 demeuraient applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - il est nécessaire de joindre cette instance avec celle enregistrée sous le n° 21TL03793, dans un souci de bonne administration de la justice ; - les moyens invoqués à titre subsidiaire par Mme A... ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 mars 2020 et le 31 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Passet, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du département de l'Aude le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les moyens soulevés par le département de l'Aude ne sont pas fondés : sa pathologie est désignée par le tableau n° 57A du code de la sécurité sociale ; elle a été directement causée par l'exercice de ses fonctions ; aucun état antérieur ne peut être retenu ; - à titre subsidiaire, sa demande présentée devant le tribunal administratif est fondée en ses autres moyens invoqués : la décision est entachée d'un vice de procédure en raison de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme ; elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ; le rapport du docteur ... en tant qu'il méconnaît le principe du contradictoire et présente des erreurs ne saurait être pris en considération ; la commission de réforme a rendu un avis favorable concernant la déclaration de l'épaule droite ; elle doit bénéficier d'une présomption de la maladie professionnelle conformément à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Par une ordonnance en date du 1er mars 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transféré à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du département de l'Aude. Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Brunière, représentant le département de l'Aude, et de Me Passet, représentant Mme A.... Une note en délibéré présentée pour le département de l'Aude a été enregistrée le 14 octobre 2022. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., qui est agent de maîtrise au sein du département de l'Aude depuis 2013, exerçait ses fonctions au sein de la structure accueil enfance de Narbonne en y effectuant des tâches d'agent d'entretien ménager. Par courrier du 29 janvier 2015, Mme A... a effectué une demande de reclassement professionnel en raison de son état de santé. Le 8 juillet 2015, le comité médical départemental a émis un avis favorable à sa demande. En septembre 2015, Mme A... a été affectée sur un poste de loge aménagé au sein du collège des ... de la commune de Sigean. Le 6 avril 2017, Mme A... a sollicité à nouveau son reclassement en raison de son état de santé. Le 20 avril 2017, son médecin généraliste traitant a établi un arrêt de travail pour maladie professionnelle du 20 avril au 21 mai 2017. Le même jour, Mme A... a demandé la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de la pathologie affectant son épaule gauche. Le 5 décembre 2017, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie de la requérante comme maladie professionnelle. Par arrêté du 18 décembre 2017, le président du conseil départemental de l'Aude a refusé de reconnaître la pathologie de Mme A... comme étant imputable au service. L'intéressée a été placée en congé de longue maladie du 20 avril 2017 au 19 janvier 2019 par arrêté du 3 décembre 2018, prolongé jusqu'au 19 juillet 2019 par arrêté du 22 février 2019. Par un jugement du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 18 décembre 2017 et a enjoint au président du conseil départemental de l'Aude de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie à l'épaule gauche dont souffre Mme A.... Le département de l'Aude relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. (...) ". 3. Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 4. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / ...2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la pathologie de l'épaule gauche dont est atteinte Mme A... a été diagnostiquée le 20 avril 2017, date du certificat médical du médecin traitant de l'intéressée. A cette date, Mme A... a sollicité la reconnaissance d'une maladie professionnelle en raison de cette affection, à l'exclusion de toute demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service instauré par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dès lors, au regard de la date à laquelle sa pathologie a été diagnostiquée, sa demande devait être traitée en faisant application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issues de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 7. En deuxième lieu, il est constant que Mme A... souffre à l'épaule gauche d'une " rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ", pathologie mentionnée dans le tableau n° 57 A des maladies professionnelles. Pour annuler l'arrêté contesté du 18 décembre 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., les premiers juges ont estimé que si l'intéressée ne pouvait pas se prévaloir d'une présomption d'imputabilité en application de l'article 21 bis précité pour la reconnaissance en tant que maladie professionnelle de sa pathologie à l'épaule gauche, au regard notamment des conclusions rendues le 19 avril 2019 par le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier, l'existence d'un lien direct entre la pathologie et l'exercice des fonctions confiées à Mme A... était cependant établie par les différents médicaux produits. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a exercé des fonctions d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013. Souffrant de douleurs lombaires importantes à compter de l'année 2014, elle a sollicité un reclassement professionnel en raison de lombalgies chroniques le 29 janvier 2015. Après avis favorable du comité médical le 8 juillet 2015, Mme A... a été affectée sur un poste d'agent d'accueil et d'entretien ménager au sein du collège des ... de Sigean en septembre 2015. Alors que le médecin du travail a émis les recommandations prohibant la manutention de charges de plus de 5 kilogrammes et limitant les tâches de ménage aux locaux administratifs et à une heure par jour au plus, Mme A... a continué d'effectuer des tâches d'entretien ménager dans une moindre mesure que dans son précédent poste dès lors que ses fonctions consistaient essentiellement en des tâches d'accueil des usagers du collège et d'accueil téléphonique, mais elle a toutefois continué d'effectuer des mouvements avec le membre supérieur surélevé. Selon l'étude de son poste de travail réalisée par l'ingénieur préventeur responsable du service santé et sécurité au travail le 5 mars 2019, Mme A... était ainsi chargée de tâches d'entretien ménager des locaux administratifs pendant une durée comprise entre trente minutes et une heure chaque matin, et de la fermeture des portes, des volets à commande électrique ainsi que des fenêtres coulissantes des bâtiments pendant une durée d'une heure chaque soir. De plus, elle était chargée de manière hebdomadaire de la fermeture des rideaux en fer des toilettes, nécessitant de se munir d'une perche de 1,4 mètre, de l'accrocher à la poignée du rideau située à environ 2,4 mètres du sol afin de descendre chaque rideau. Si le médecin agréé désigné par le tribunal administratif de Montpellier a estimé dans son rapport rendu le 6 février 2019 que les tâches confiées à Mme A... à compter de septembre 2015 comportaient des mouvements des épaules dans des gestes ne relevant pas de mouvements de travail de force, il ressort toutefois de l'étude de son poste de travail que l'intéressée a continué d'effectuer des mouvements mobilisant son membre supérieur élevé dans une moindre mesure à compter de septembre 2015, après avoir cependant exercé des fonctions d'agent polyvalent au sein de collèges à compter de janvier 2007, puis d'agent d'entretien ménager à compter d'avril 2013 comportant des gestes avec des épaules surélevées. En outre, il n'est pas contesté que lors des permanences dont la fréquence n'est pas précisée, Mme A... effectuait huit heures de ménage quotidien, comportant en particulier le lavage des vitres, ainsi qu'il en est attesté par une collègue de travail ainsi que par le médecin de prévention dans un courrier du 19 octobre 2017. Ainsi, la pathologie contractée par Mme A... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, si le rapport du docteur ... conclut à l'absence de lien direct et certain entre l'activité professionnelle de Mme A... au poste adapté auquel elle était affectée depuis septembre 2015 et la pathologie de son épaule, cet expert se prononce principalement sur les conditions particulières posées par le tableau n° 57 A des maladies professionnelles entraînant, si elles sont remplies, une présomption d'imputabilité au service et notamment sur celle tenant aux travaux susceptibles de provoquer de telles maladies. Le département de l'Aude invoque ensuite l'état antérieur de Mme A.... Toutefois, la circonstance que Mme A... souffrait de lombalgies chroniques depuis 2014, la conduisant à solliciter davantage ses membres supérieurs, ainsi que l'a relevé le médecin expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, ne saurait être de nature à caractériser la préexistence d'un état antérieur excluant tout lien direct entre la pathologie et le service. En outre, alors que le rapport d'expertise établi par le docteur ..., rhumatologue, le 20 juillet 2018, relève l'absence d'état antérieur préexistant en rapport avec la pathologie en cause, aucun des autres rapports d'expertise produit ne fait état d'un état antérieur. Si les deux médecins experts désignés par le tribunal administratif de Montpellier pour le premier et par la cour administrative d'appel de Marseille pour le second dont le rapport a été remis le 21 avril 2022, évoquent une pathologie dégénérative des deux épaules comprenant un syndrome sous acromial et une perforation du sus-épineux, imputable aux lésions des épaules, il n'en résulte pas davantage que Mme A... présentait un état antérieur évolutif excluant sa prise en charge par le service. Par ailleurs, si la commission de réforme a émis un avis défavorable à sa demande dans sa séance du 7 décembre 2019, elle s'est ensuite prononcée de manière favorable à la reconnaissance de la maladie professionnelle de la même pathologie dont est atteinte Mme A... à l'épaule droite le 2 juillet 2019, se fondant sur les conclusions du docteur .... Dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le département de l'Aude, la pathologie contractée par Mme A... doit être regardée comme imputable au service dès lors qu'aucun fait personnel ou circonstance particulière ne conduisent à détacher sa survenance du service. 8. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Aude n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé sa décision du 18 décembre 2017. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de l'Aude demande sur ce fondement. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Aude le versement à Mme A... de la somme de 1 000 euros. D E C I D E : Article 1er : La requête du département de l'Aude est rejetée. Article 2 : Le département de l'Aude versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Aude et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente-assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°20TL00529 2
Cours administrative d'appel
Toulouse