Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01980, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903312 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01980, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein des ateliers de la flotte de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs ateliers de la flotte de Toulon et de Mururoa du 1er mai 1966 au 20 novembre 1999. Par une réclamation préalable du 5 juillet 2016 reçue le 7 juillet 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 14 décembre 2009 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., premier maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [Atelier militaire de la flotte de Toulon et de Mururoa] du 1er mai 1966 au 20 novembre 1999 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 14 décembre 2009, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2009. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2010 cette créance était prescrite à la date du 7 juillet 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01980 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 26/12/2024, 22TL22515, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire, dirigé contre la décision du 2 mars 2020 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux, d'enjoindre à l'administration de procéder au versement d'une pension militaire d'invalidité à son profit pour ses deux infirmités, de condamner l'Etat aux entiers dépens et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale afin d'évaluer l'imputabilité de ses infirmités et son taux d'invalidité. Par un jugement n° 2003951 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, a enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 12 décembre 2022, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement rendu 13 octobre 2022 ; 2°) de maintenir la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ; - une expertise médicale ne doit pas, de façon systématique, être ordonnée dans le cadre de l'examen d'une demande de pension militaire d'invalidité de sorte qu'aucun vice de procédure n'a entaché la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020 ; à cet égard, la circulaire du 12 février 2010 relative à la constitution, l'instruction et la liquidation des dossiers de pensions prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre retient que l'examen de la demande débute seulement par une instruction administrative. Une mise en demeure a été adressée, le 19 septembre 2023, à M. B... A..., qui n'a pas présenté d'observations en défense. Par une ordonnance du 24 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a effectué son service national dans l'armée de terre du 1er décembre 1978 au 1er décembre 1979. Par une demande enregistrée le 27 novembre 2019, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux. Par une décision du 2 mars 2020, la ministre des armées a rejeté sa demande. Le 3 juillet 2020, M. A... a présenté le recours administratif préalable obligatoire, que la commission de recours de l'invalidité a, par une décision du 4 novembre 2020, rejeté. Par un jugement du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour ces infirmités, a enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur l'office du juge : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. Sur la régularité du jugement : 3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait commis une erreur de droit en retenant que l'expertise médicale constituait une garantie procédurale pour le militaire qui sollicite une pension d'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement : 4. D'une part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Aux termes de l'article R. 151-9 du même code : " Les expertises auxquelles sont soumis les militaires en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet. L'agrément des médecins civils est délivré, pour une durée d'un an tacitement renouvelable, par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. En cas d'urgence ou de circonstances spéciales, le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre peut mandater, pour une affaire ou une séance déterminée, un médecin expert civil non agréé mais attaché à un service public. L'acte de nomination mentionne les motifs spéciaux de cette désignation. Le dossier peut être soumis à un expert spécialiste ou à une expertise complémentaire. " Selon l'article R. 151-10 de ce code : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert est mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un rapport qui est revêtu de sa signature. L'intéressé a la faculté de produire tout certificat médical ou document ayant trait à la pathologie à examiner, et dont il peut demander l'annexion au dossier. Il peut également, à chacune des expertises auxquelles il est procédé, se faire assister par un médecin à ses frais. Ce médecin présente, s'il le juge utile, des observations écrites, qui sont joints au rapport de l'expert. ". 6. Pour annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a retenu que M. A..., dont la demande présentée le 27 novembre 2019, n'avait pas donné lieu à une expertise médicale, avait été privé d'une garantie, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent. 7. Il résulte des articles R. 151-9 et R. 151-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre citées au point 5 que l'instruction médico-administrative d'une demande de pension militaire d'invalidité par l'administration doit nécessairement comporter une expertise médicale visant à vérifier les données produites à l'appui de la demande et à fixer le taux des infirmités concernées. 8. Le ministre des armées, qui ne peut utilement invoquer les dispositions de la circulaire du 12 février 2010 relative à la constitution, l'instruction et la liquidation des dossiers de pensions prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, laquelle est dépourvue de valeur règlementaire, fait valoir le caractère inutile d'une telle expertise, en l'espèce, dès lors que les examens médicaux joints à la demande, déposée par M. A..., reposaient sur des données audiométriques objectivement mesurées par un matériel spécialisé pouvant être converties en un taux d'invalidité. Toutefois, ces seuls examens audiométriques, qui ne mentionnent aucun taux mais seulement des niveaux de perte auditive supérieurs à ceux précédemment constatés, ne pouvaient permettre de statuer sur la demande de pension d'invalidité de M. A... et de fixer le taux d'invalidité prévu à l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que l'intimé n'aurait été privé d'aucune garantie de procédure. 9. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire et a enjoint au ministre des armées le réexamen de la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL22515 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 31/12/2024, 23MA01183, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille, d'annuler la décision du 19 janvier 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux d'invalidité au titre de ses infirmités à 68 % et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 21 octobre 2016, subsidiairement d'ordonner une expertise aux fins de déterminer l'imputabilité au service de l'hypoacousie de l'oreille droite, d'évaluer le taux de cette infirmité ainsi que des infirmités déjà pensionnées. Par un jugement n° 2000557 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... au titre de l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite, a fixé le taux global de sa pension à 70 % à compter du 21 octobre 2016 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mai et 5 octobre 2023, le ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2023 en tant qu'il a fixé le taux global de la pension de M. A... à 70 % ; 2°) de fixer le taux global de la pension de M. A... à 65 %, en application de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Le ministre soutient que : - en fixant à 70 % le taux global d'invalidité attribué au demandeur, par l'addition des taux d'invalidité de ses infirmités, dont le taux de 40 % retenu au titre de l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale, le tribunal, qui s'est à tort fondé sur le rapport de l'expert, a fait une inexacte application de la règle de la validité restante, posée par l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - en application de ces dispositions, le taux à retenir est de 65 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, M. A..., représenté par Me Boisset-Robert de la SCP cabinet Robert et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 55%, au titre des infirmités dites " surdité de perception gauche à type de cophose sub-totale ", " bourdonnements " et " vertiges de position-hyperexcitabilité vestibulaire sub-totale ", en a demandé la révision le 21 octobre 2016, pour aggravation de ces infirmités et pour une baisse de l'audition de l'oreille droite. Par une décision du 19 janvier 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 mars 2023, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... au titre de l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite, et a fixé le taux global de sa pension à 70 % à compter du 21 octobre 2016. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la demande de révision de pension de M. A... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". Aux termes de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dont les dispositions ont été en substance reprises à l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Il résulte des dispositions de l'article L. 9 du même code, reprises à l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, que " (...) Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". 3. Pour décider de reconnaître à M. A... un droit à pension pour hypoacousie à hauteur de 40 %, et faire droit pour ce motif à sa demande de révision de pension, le tribunal, dont le jugement n'est pas remis en cause sur ce point par le ministre, s'est fondé sur le rapport de l'expert judiciaire désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille le 10 janvier 2019, selon lequel l'hypoacousie dont il souffre correspond à un taux d'invalidité de 40 %, compte tenu de la perte d'audition de l'oreille droite de 42, 5 dB et de la surdité totale de l'oreille gauche, les deux autres infirmités pensionnées n'ayant pas connu d'aggravation. Néanmoins, l'hypoacousie dont souffre M. A... entraînant ainsi une invalidité d'au moins 20 %, le degré d'invalidité de l'infirmité résultant de la deuxième infirmité pensionnée, savoir les bourdonnements, doit être augmenté de 5 % en application de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre cité au point précédent, soit un degré d'invalidité total pour cette deuxième infirmité de 20 % à appliquer proportionnellement à la validité restante, en application des mêmes dispositions, laquelle s'élève à 60 %. Sur le fondement de ces mêmes dispositions, le degré d'invalidité attaché à la troisième infirmité pensionnée, savoir les vertiges de position avec hyperexcitabilité vestibulaire sub-totale, doit quant à lui être augmenté de 10 %, soit un degré d'invalidité total pour cette deuxième infirmité de 20 % à appliquer proportionnellement à la validité restante, laquelle s'élève à 48 %. Ainsi, le degré d'invalidité résultant de ces infirmités multiples étant égal à 61,5 %, M. C... peut prétendre au bénéfice d'une pension pour l'ensemble de ces infirmités à un taux arrondi à 65 % en application des dispositions de l'article L.9 citées au point précédent, et non au taux de 70 %. Le ministre des armées est, par suite, fondé à soutenir d'une part que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de révision de pension de M. A... en lui attribuant à ce titre un taux global d'invalidité de 70 %, et d'autre part que celui-ci a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 65 % à compter du 21 octobre 2016, date de sa demande de révision de pension. Il y a donc lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué et de fixer dans ces conditions à 65 % le taux global d'invalidité auquel M. A... peut prétendre pour bénéficier de sa pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées sur ce fondement par M. A... ne peuvent donc qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2000557 rendu le 16 mars 2023 par le tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a fixé à 70 % le taux global d'invalidité attribué à M. A... au titre de sa pension militaire d'invalidité. Article 2 : Le taux global d'invalidité attribué à M. A... au titre de sa pension militaire d'invalidité est fixé à 65 %. Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'octroi d'un taux global d'invalidité de 70 % et ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024. N° 23MA011832
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 5ème chambre, 20/12/2024, 472404, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 avril 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n° 1902371 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint au centre hospitalier de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... dans un délai de deux mois. Par un arrêt n° 21LY00628 du 25 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or, annulé ce jugement et rejeté les conclusions de première instance et d'appel de Mme A.... Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mars 2023, 23 juin 2023 et 20 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de Mme A... et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 5 avril 2019, le directeur du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif diagnostiqué le 13 janvier 2016 à Mme A..., assistante médico-administrative dans cet établissement. Par un jugement du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon, statuant sur la demande de Mme A..., a annulé cette décision et enjoint au centre hospitalier de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de cette pathologie. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 janvier 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel du centre hospitalier, a annulé ce jugement et rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants.(...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a retenu que le syndrome anxio-dépressif diagnostiqué à Mme A... ne résulte pas des conditions de travail difficiles qu'elle a relevées, mais d'un sentiment de déclassement ressenti par l'intéressée en raison de l'interruption de l'une de ses missions et du manque de reconnaissance de son implication professionnelle et, dès lors, que ce syndrome est lié à des traits de personnalité détachables du service. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ce syndrome est apparu consécutivement à des difficultés observées depuis 2011 dans le cadre de travail de Mme A..., caractérisées par des changements de missions et de lieu d'exercice de ses fonctions, une lourde charge de travail et des déplacements excédant régulièrement la distance maximale à laquelle le médecin du travail avait conditionné sa reprise d'activité après un accident du travail dont les séquelles ont conduit à lui reconnaître un taux d'invalidité permanente de 21 %. Les trois rapports d'expertise figurant au dossier font état des difficultés qu'a connues Mme A... après qu'il a été mis fin à sa mission de coordination de plusieurs secrétariats et relèvent des effets de ses conditions de travail sur son état de santé. Deux de ces rapports établissent un lien direct avec l'exercice des fonctions de l'intéressée et concluent à l'imputabilité de sa pathologie au service. Enfin, il ne ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond aucun fait personnel ou circonstance particulière, lesquels ne sauraient résulter de simples traits de la personnalité de l'agent dès lors que ceux-ci ne témoignent pas d'une pathologie préexistante, de nature à conduire à détacher la survenance de cette maladie du service. Par suite, en retenant que la pathologie de Mme A... n'est pas en lien direct avec l'exercice de ses fonctions, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la pathologie de Mme A... présente, dans les circonstances de l'espèce, un lien direct avec l'exercice des fonctions et les conditions de travail de l'intéressée. Par suite, le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 5 avril 2019 par laquelle son directeur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... et lui a enjoint de prendre la décision de reconnaître cette imputabilité. 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or la somme de 4 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des instances d'appel et de cassation. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Lyon du 25 janvier 2023 est annulé. Article 2 : La requête présentée par le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée. Article 3 : Le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or versera à Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Madame B... A... et au centre hospitalier de la Haute Côte-d'Or. Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 20 décembre 2024. Le président : Signé : M. Jean-Philippe Mochon Le rapporteur : Signé : M. Christophe Barthélemy La secrétaire : Signé : Mme Nathalie PiletECLI:FR:CECHS:2024:472404.20241220
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 06/12/2024, 23MA00688, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée sous le n° 1901351, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder la protection fonctionnelle à titre rétroactif, d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder un avancement, d'enjoindre à la ministre des armées de lui établir une nouvelle notation au titre de l'année 2014 et des années suivantes, conforme à son ancienneté et à ses réels mérites, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la maladie professionnelle dont elle est atteinte, d'assortir cette somme des intérêts au taux légal, à compter de sa réclamation préalable, et de la capitalisation des intérêts, de lui accorder une provision à valoir sur l'indemnisation définitive, à hauteur de 70 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens. Par une requête enregistrée sous le n° 1901354, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder la protection fonctionnelle à titre rétroactif, d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder un avancement, d'enjoindre à la ministre des armées de lui établir une nouvelle notation au titre de l'année 2014 et des années suivantes, conforme à son ancienneté et à ses réels mérites, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 1 800 834,20 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la maladie professionnelle dont elle est atteinte, d'assortir cette somme des intérêts au taux légal, à compter de sa réclamation préalable, et de la capitalisation des intérêts, de lui accorder une provision à valoir sur l'indemnisation définitive, à hauteur de 70 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens. Par un jugement n° 1901351, 1901354 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme totale de 533 652,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 25 mars 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi qu'une rente versée par trimestres échus pour un montant annuel fixé à 6 180 euros à compter du 1er janvier 2023 avec revalorisation chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Le tribunal a, en outre, mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 282,20 euros TTC ainsi que le paiement d'une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des requêtes. Procédure devant la Cour : I. Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 mars 2023, 4 avril 2023, 14 avril 2023 et 15 mai 2024 sous le n° 23MA00688, le ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme C... la somme de 533 652,99 euros, outre une rente. Il soutient que : - le lien de causalité entre le travail exercé par Mme C... et la maladie qu'elle a développée n'est pas établi ; - les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle sont déjà réparés forfaitairement par la pension et la rente viagère d'invalidité perçues par Mme C... ; - les préjudices d'agrément et sexuel ont été surévalués par le jugement attaqué. Par mémoires en défense enregistrés les 21 mai 2023 et 5 septembre 2024, Mme D... C..., représentée par Me Rebhun, doit être regardée comme demandant à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions portant refus de protection fonctionnelle et refus d'avancement ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et n'a condamné l'Etat à lui verser que la somme de 533 652,99 euros outre une rente ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 1 800 834,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation indemnitaire préalable, avec capitalisation des intérêts ; 3°) d'annuler les décisions implicites de refus de protection fonctionnelle et d'enjoindre au ministre des armées de la lui accorder à titre rétroactif ; 4°) d'annuler les décisions implicites de refus d'avancement et d'enjoindre au ministre des armées de lui établir une nouvelle notation au titre de l'année 2014 et des années suivantes ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens. Elle soutient que : - la requête d'appel est irrecevable dès lors, d'une part, qu'elle est tardive et, d'autre part, qu'elle comporte une erreur sur l'identification de son prénom ; - l'Etat a commis des fautes qui sont à l'origine directe de sa maladie et ont entraîné divers chefs de préjudices tant patrimoniaux qu'extrapatrimoniaux dont elle est fondée à obtenir réparation ; - elle devait bénéficier d'une protection fonctionnelle et d'un avancement. Par un courrier du 11 octobre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement dès lors que le tribunal n'a pas mis dans la cause les caisses de sécurité sociale dont dépendait Mme C.... Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites le 13 octobre 2024 pour Mme C... par Me Rebhun, et communiquées le 15 octobre 2024. Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron a indiqué ne pas vouloir solliciter le remboursement de débours. Un mémoire et des pièces enregistrés les 17 octobre 2024 et 14 novembre 2024 ont été produits par Mme C... à la suite de mesures d'instructions adressées par la Cour. II. Par une requête enregistrée le 20 mars 2024 sous le n° 24MA00683, le ministre des armées demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement précité du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme totale de 533 652,99 euros. Il soutient que l'exécution de ce jugement l'exposerait à la perte définitive d'une somme qui ne doit pas rester à sa charge. Par mémoires en défense enregistrés les 11 avril 2024, 13 avril 2024 et 30 avril 2024, Mme D... C..., représentée par Me Rebhun, doit être regardée comme demandant à la Cour de rejeter les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par le ministre des armées. Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code civil ; - le code de la défense ; - le code général des impôts ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 76-1110 du 29 novembre 1976 ; - le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ; - le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ; - le décret n° 2016-1084 du 3 août 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Moumni substituant Me Rebhun pour Mme C.... Une note en délibéré enregistrée le 25 novembre 2024 a été présentée pour Mme C... par Me Rebhun. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., née le 25 septembre 1981, a été recrutée le 16 octobre 2006 par le ministère de la défense, nommée et titularisée dans le corps des agents techniques du ministère de la défense au grade d'agent technique de 1ère classe à compter du 16 octobre 2008, et affectée à l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu en qualité de couturière aéronautique du 16 octobre 2006 au 30 septembre 2009. Elle a été placée en congé de maladie puis de longue maladie du 30 mai 2016 au 29 mai 2019 en raison d'une myélofibrose diffuse de grade 1, forme de cancer du sang. Par une décision du 19 mars 2018, conformément à l'expertise médicale et à l'avis de la commission de réforme, ce syndrome myéloprolifératif a été reconnu imputable au service au titre des maladies professionnelles du tableau n° 4 annexé au livre IV du code la sécurité sociale (hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en refermant). N'étant pas apte à reprendre ses fonctions à l'expiration de son congé de maladie, Mme C... a été admise à faire valoir ses droits à pension de retraite au titre de l'invalidité imputable au service et radiée des cadres du ministère des armées à compter du 30 mai 2019. D'une part, par une lettre du 28 décembre 2018, Mme C... a demandé à la ministre des armées le bénéfice d'un avancement au grade d'agent technique principal de 2ème classe. Par ailleurs, l'intéressée a également demandé, par lettre du 20 mars 2019, reçue par la ministre des armées le 25 mars 2019, et réitérée le 16 avril 2019, le bénéfice de la protection fonctionnelle. La ministre des armées a gardé le silence sur cette demande. D'autre part, par la lettre du 20 mars 2019, réitérée le 16 avril 2019, Mme C... a présenté une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son exposition au benzène et à d'autres substances nocives dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle. La ministre des armées a également gardé le silence sur cette réclamation indemnitaire. Par un jugement du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné l'État à verser à Mme C... la somme totale de 533 652,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 25 mars 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi qu'une rente versée par trimestres échus pour un montant annuel fixé à 6 180 euros à compter du 1er janvier 2023 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des requêtes présentées par Mme C.... Par une première requête enregistrée sous le n° 23MA00688, le ministre des armées interjette appel principal de ce jugement. Dans le cadre de cette requête, Mme C... forme, pour sa part, un appel incident. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 24MA00683, le ministre des armées demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement précité. 2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt. Sur la recevabilité de l'appel principal du ministre des armées : 3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à la ministre des armées le 20 janvier 2023. Par suite, la requête enregistrée le 21 mars 2023 n'est pas tardive. 4. En second lieu, si le ministre des armées s'est, dans le cadre de sa requête d'appel, mépris, par endroits, sur le prénom de Mme C..., cette circonstance n'est pas de nature à entacher ladite requête d'irrecevabilité. Sur la régularité du jugement : 5. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". En application de ces dispositions, il incombe au juge administratif, saisi d'un recours indemnitaire de la victime contre une personne publique regardée comme responsable du dommage, de mettre en cause les caisses auxquelles la victime est ou était affiliée. Le défaut de mise en cause de la caisse entache la procédure d'irrégularité. 6. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont mis dans la cause la caisse primaire d'assurance maladie du Var dont ne dépendait pas Mme C... et n'ont pas mis dans la cause celle dont elle relevait au moment du fait générateur du dommage, à savoir Harmonie fonction publique, ainsi que celles dont elle a, par la suite, relevé, à savoir la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron et celle du Gard. En ayant omis de mettre en cause d'office ces caisses en vue de l'exercice par celles-ci de l'action susmentionnée alors que Mme C... soulevait la responsabilité pour faute de son employeur, le tribunal administratif de Toulon a méconnu la portée des dispositions précitées. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme C.... 7. La Cour ayant, dans la présente instance, mis en cause les caisses dont relevait Mme C..., il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre cause d'irrégularité tirée de ce que le tribunal aurait insuffisamment motivé sa réponse relative au chef de préjudice résultant des souffrances endurées, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires de Mme C... et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur ses conclusions aux fins d'annulation des décisions de refus d'avancement de grade et de refus de protection fonctionnelle. Sur les conclusions aux fins d'annulation : En ce qui concerne le refus d'avancement au grade d'agent technique principal de 2ème classe : 8. Aux termes de l'article 2 du décret n° 76-1110 du 29 novembre 1976 modifié relatif au statut particulier du corps des agents techniques du ministère de la défense : " Le corps des agents techniques du ministère de la défense comprend le grade d'agent technique classé dans l'échelle de rémunération C1, le grade d'agent technique principal de 2e classe classé dans l'échelle de rémunération C2 et le grade d'agent technique principal de 1re classe classé dans l'échelle de rémunération C3. " 9. Mme C..., nommée agent technique du ministère de la défense de 1ère classe (grade C1) depuis le 16 octobre 2008, fait valoir qu'elle aurait dû passer au grade d'agent technique principal de 2ème classe (échelle C2) en 2014. 10. Aux termes de l'article 4 du décret n° 2016-1084 du 3 août 2016 modifiant le décret n° 2016-580 du 11 mai 2016 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique de l'Etat et les décrets relatifs à l'organisation de leurs carrières : " L'avancement à partir d'un grade situé en échelle de rémunération C1 dans un grade situé en échelle de rémunération C2 s'opère selon l'une des modalités suivantes : " 1° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par la voie d'un examen professionnel ouvert aux agents relevant d'un grade situé en échelle C1 ayant atteint le 4e échelon et comptant au moins trois ans de services effectifs dans ce grade ou dans un grade doté de la même échelle de rémunération d'un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie C ou dans un grade équivalent si le corps ou cadre d'emplois d'origine est situé dans une échelle de rémunération différente ou n'est pas classé en catégorie C ; " 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi, au choix, après avis de la commission administrative paritaire, parmi les agents relevant d'un grade situé en échelle C1 ayant atteint le 5e échelon et comptant au moins cinq ans de services effectifs dans ce grade ou dans un grade doté de la même échelle de rémunération d'un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie C, ou dans un grade équivalent si le corps ou cadre d'emplois d'origine est situé dans une échelle de rémunération différente ou n'est pas classé en catégorie C ; " 3° Soit par combinaison des modalités définies au 1° et au 2°, sans que le nombre des avancements prononcés par l'une de ces modalités puisse être inférieur au tiers du nombre total des avancements de grade (...) ". 11. S'il est constant que, conformément au 2° dudit article, Mme C... avait atteint, en 2014, le 5ème échelon d'un grade d'échelle C1 et comptait plus de 5 ans de services effectifs, cette seule circonstance n'était pas de nature à lui ouvrir droit à avancement de grade, lequel n'est pas, contrairement à ce qu'elle soutient, automatique mais résulte de l'appréciation comparée du mérite respectifs de tous les agents remplissant les conditions pour y prétendre. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions implicites par lesquelles son administration a refusé de faire droit à sa demande d'avancement à compter de 2014 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle : 12. Il y a lieu de rejeter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 11 à 18 du jugement attaqué, qui ne sont au demeurant pas sérieusement contestés par Mme C... dans le cadre de son appel incident, les conclusions dirigées contre les décisions par lesquelles le ministre des armées a refusé de faire droit à la demande de protection fonctionnelle présentée par l'intéressée ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction. Sur les conclusions indemnitaires : 13. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. 14. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, la rente viagère d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées ci-dessus, qui instituent cette prestation, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne l'utilisation de produits nocifs : 15. Le ministre des armées fait valoir qu'il n'est pas établi que Mme C... aurait, dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle de couturière, utilisé des produits nocifs, et notamment du benzène, dont l'utilisation aurait été interdite à compter de 1975, ou des produits dérivés du benzène, susceptibles d'être à l'origine de la maladie qu'elle a développée. Il résulte toutefois d'une note du directeur de l'atelier industriel de l'aéronautique de Cuers-Pierrefeu, au sein duquel travaillait Mme C..., en date du 19 mai 2017, que cette dernière a utilisé, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, du méthyléthylcétone, de la colle Bostik 1400, du vernis de scellement Scotchcal 3950 et de la colle Savaprène 126. Il résulte, par ailleurs, d'une attestation établie par M. B..., qui était alors supérieur hiérarchique de Mme C..., que cette dernière a été amenée à utiliser, entre autres, les produits précités. Il résulte également de l'instruction et notamment des fiches de sécurité de produits jointes au dossier et du rapport établi par M. F..., docteur en chimie, qui bien que non établi dans le cadre d'une expertise judiciaire, comporte des éléments d'informations, communiqués au ministre des armées, susceptibles d'être pris en compte par la Cour, que certains de ces produits, notamment le vernis de scellement Scotchcal 3950, sont composés à partir de dérivés du benzène, dont le toluène et l'éthylbenzène qui sont susceptibles d'avoir, après inhalation, des effets cancérogènes. Au vu de l'ensemble de ces éléments et alors, au demeurant, que le syndrome myéloprolifératif dont est atteinte Mme C... a, après avis du médecin agréé des armées et de la commission de réforme, été reconnu imputable au service par décision du 19 mars 2018 au titre des maladies professionnelles du tableau n° 4 annexé au livre IV du code la sécurité sociale, lequel est expressément relatif aux hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en refermant, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir qu'il n'est pas établi que l'intéressée utilisait les produits litigieux en se bornant à faire valoir que les fiches emploi nuisances qu'elle a signées ne portaient pas la mention du recours à de tels produits. En ce qui concerne les fautes alléguées : 16. Il résulte, en premier lieu, de l'instruction, et notamment du rapport de M. F..., établi sur la base de photos du local dans lequel travaillait l'intéressée qui ne sont pas contestées par le ministre des armées, qu'en dépit de l'usage de produits toxiques, les locaux, dans lesquels travaillaient six salariés, n'étaient pas dotés d'un système de ventilation centralisée mais seulement d'un système d'extraction localisé très en hauteur par rapport au plan de travail. Par ailleurs, il en résulte également, d'un part, que les locaux n'étaient pas équipés de box individuels avec hotte aspirante et, d'autre part, qu'une climatisation réversible à l'aplomb de la gaine aspirante annulait l'effet mineur de la gaine d'aspiration et avait pour effet de remélanger toutes les vapeurs. 17. En deuxième lieu, s'il résulte de la lettre précitée du directeur de l'atelier industriel de l'aéronautique de Cuers-Pierrefeu en date du 19 mai 2017 que des masques de type FFP2 étaient mis à disposition des salariés, il résulte du rapport établi par M. F... qu'au regard des substances utilisées, lesquelles génèrent des gaz, seuls des masques à cartouche de charbon actif de type A étaient de nature à protéger efficacement les salariés. 18. En troisième lieu, il résulte également de l'instruction qu'en dépit de l'utilisation régulière de produits nocifs, Mme C..., dont les fiches d'aptitude médicale ont été très sommairement remplies au cours des années d'exposition, n'a pas fait l'objet d'une surveillance médicale renforcée. 19. En quatrième lieu, il résulte également de l'instruction que les fiches emploi nuisances, alors, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il était fait usage de produits dérivés du benzène, n'en portaient pas la mention, Mme C... n'ayant ainsi pas été correctement informée sur les produits qu'elle était amenée à manipuler et les précautions d'usage. 20. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat aurait procédé à des mesures de contrôle, au sein des locaux, aux fins de vérifier le respect des valeurs limites d'exposition des salariés. 21. Au regard de l'ensemble de ces éléments, dont aucun n'est d'ailleurs contesté par le ministre des armées, l'Etat a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne le lien de causalité entre les fautes et la maladie : 22. Il résulte des expertises des docteurs E..., médecin agréé consulté par l'administration dans le cadre de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont est atteinte Mme C..., et A..., désigné par ordonnance de référé de la présidente du tribunal administratif de Toulon, que Mme C..., dont le diagnostic de thrombocytémie essentielle a été posé en juin 2010, avait, peu de temps avant son recrutement, un hémogramme normal ainsi que cela est attesté par un examen sanguin effectué le 26 mars 2006 et avait été déclarée apte à l'embauche après visite du médecin de prévention le 12 septembre 2006. Il en résulte également que l'âge de survenue de l'affection dont est atteinte Mme C... est extrêmement précoce au regard de l'âge de survenue normale de cette maladie. Par ailleurs, si le ministre des armées fait valoir que Mme C... n'aurait été que peu exposée à ces divers produits dès lors, d'une part, qu'elle ne travaillait, au cours des deux premières années au cours desquelles elle avait été recrutée dans le cadre d'un parcours d'accès aux carrières de la fonction publique (PACTE), qu'une semaine sur deux et, d'autre part, pour un temps inférieur à 20 % de son temps de présence, il résulte de l'instruction que, notamment du fait de l'absence de système de ventilation adéquat, l'intéressée était également exposée aux vapeurs émises par les produits utilisés, à proximité immédiate, par ses collègues de travail. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le lien de causalité entre l'exposition de Mme C... à des substances toxiques dans le cadre de son activité professionnelle, exposition qui n'a pas été palliée par des mesures de protection adéquates, et l'apparition de sa pathologie est, contrairement à ce que soutient le ministre des armées, qui l'a, au demeurant reconnu par sa décision du 19 mars 2018, direct et certain. 23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à prétendre à la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis. En ce qui concerne les préjudices : S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : Quant aux préjudices extrapatrimoniaux temporaires : Le déficit fonctionnel temporaire : 24. Il résulte de l'expertise du Dr A... que le déficit fonctionnel temporaire partiel de l'intéressée doit être évalué à 70 %. Si Mme C... fait valoir que la période d'indemnisation de celui-ci doit démarrer en juin 2010, date, ainsi qu'il a été dit précédemment, du diagnostic de thrombocytémie essentielle, il résulte de l'instruction et notamment du listing des congés de maladie de Mme C... avant 2016 que l'intéressée a, en dépit de quelques arrêts ponctuels, continué à travailler régulièrement au cours des années 2010 jusqu'au 30 mai de l'année 2016, au cours de laquelle a été diagnostiquée une myélofibrose diffuse de grade 1. Mme C... a d'ailleurs, jusqu'en 2016, fait l'objet de très bonnes évaluations. Par suite, le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur la période du 30 mai 2016 au 18 février 2019, la date de consolidation ayant été fixée au 19 février 2019. Au regard de ces taux et période, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, lequel inclut les demandes formulées par Mme C... au titre des troubles dans les conditions d'existence avant consolidation, le préjudice d'agrément avant consolidation et le préjudice sexuel avant consolidation, en l'évaluant à la somme de 13 000 euros. Les souffrances endurées : 25. Il résulte de l'expertise du Dr A... que les souffrances endurées, qui comprennent les souffrances physiques et les souffrances psychiques, peuvent être évaluées, à 3,5/7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 6 200 euros. Le préjudice esthétique temporaire : 26. S'il résulte de l'instruction que le Dr A... a retenu un préjudice esthétique temporaire de 1,5/7, il n'a, en réalité, retenu que des préjudices esthétiques permanents tenant, d'une part, à l'existence de brûlures, d'autre part, à une boiterie qu'il retient par ailleurs dans le cadre du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 3 %, et, enfin, à un vieillissement prématuré. Par suite, les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées. Quant aux préjudices extrapatrimoniaux permanents : Le déficit fonctionnel permanent : 27. Il résulte du rapport du Dr A... que le déficit fonctionnel permanent, lequel comprend notamment une stérilité partielle (5 %) et une anxiété quasi phobique de la survenue de complications et de leucémie (10 %) doit être évalué à 65 %. Au regard de l'âge de Mme C... au moment de la consolidation, soit 37 ans, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, lequel inclut les " souffrances endurées post-consolidation " ainsi que, dans les circonstances de l'espèce eu égard au rapport d'expertise, le " préjudice d'anxiété ", en l'évaluant à la somme de 220 000 euros. Le préjudice d'agrément : 28. Il résulte du rapport d'expertise que le préjudice d'agrément doit être évalué de moyen à important. Eu égard à la circonstance que la requérante, malgré son jeune âge, ne peut plus pratiquer les activités sportives auxquelles elle s'adonnait auparavant (sport en salle et snowboard), il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, au regard de son taux de déficit fonctionnel permanent tel que précédemment déterminé, en l'évaluant à la somme de 30 000 euros. Le préjudice esthétique permanent : 29. Il résulte de l'expertise du Dr A... que Mme C... présente des cicatrices de brûlures liées à la radiothérapie, une boiterie ainsi qu'un vieillissement prématuré. L'expert a estimé ce chef de préjudice à 2/7. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 2 000 euros. Le préjudice sexuel : 30. Il ne résulte pas de l'expertise du Dr A..., qui a porté la mention " sans objet " que Mme C... subirait, postérieurement à la consolidation de son état de santé, un préjudice sexuel, lequel doit être distingué du préjudice d'établissement. Par suite, les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées. Le préjudice d'établissement : 31. Il résulte de l'expertise que la fertilité de Mme C..., bien que devenue mère en 2022, a pu être impactée par les traitements, notamment la chimiothérapie, qu'elle a subis et que son projet d'enfantement a été, de ce fait, retardé. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'expert a inclus la stérilité partielle dont elle est atteinte dans le cadre du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 5 %. Les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice, déjà indemnisé par ailleurs, doivent, dès lors, être rejetées. Quant au préjudice d'impréparation : 32. Si Mme C... sollicite une indemnisation au titre d'un " préjudice d'impréparation ", ce chef de préjudice ne trouve à s'appliquer qu'en cas de défaut d'information en matière médicale. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées. S'agissant des préjudices patrimoniaux : Quant aux préjudices patrimoniaux temporaires : La perte de gains professionnels avant consolidation : 33. Mme C... fait, en premier lieu, valoir que si elle a été rémunérée au cours de la période de son congé de longue maladie du 30 mai 2016 à la date de consolidation de son état de santé, elle n'a plus perçu, à compter du 1er août 2016, l'indemnité mensuelle de fonctions, de sujétions et d'expertise qu'elle percevait auparavant. 34. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public ayant développé, du fait d'une faute commise par son employeur, une pathologie l'empêchant de poursuivre l'exécution de son service a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait des fautes commises. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. 35. Il résulte de l'instruction et notamment des feuilles de paye produites par Mme C... ainsi que du rapport établi par le cabinet d'expertise-comptable Demuyter, que celle-ci percevait, avant son placement en congé de longue maladie, une indemnité mensuelle de fonctions, de sujétions et d'expertise d'un montant mensuel net de 353,20 euros. Cette prime, instituée par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat, est liée à l'engagement professionnel et à la manière de servir et n'est pas destinée à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il résulte de l'instruction et notamment des évaluations de l'intéressée au titre des années précédant son placement en congé de maladie que Mme C... était un bon agent. Par suite, elle établit avoir perdu une chance sérieuse de percevoir cette prime à compter du 1er août 2016 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé. Ce chef de préjudice sera évalué, sur cette période, à la somme de 10 735,74 euros. 36. En second lieu, si Mme C... sollicite en outre une indemnisation afférente à la perte des traitements qu'elle aurait perçus si elle était passée, en 2014, au grade d'agent technique principal de 2ème classe, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la seule circonstance qu'elle ait atteint le 5ème échelon d'un grade d'échelle C1 et comptait plus de 5 ans de services effectifs, n'était pas de nature à lui ouvrir droit à avancement de grade. Par suite, la perte de chance sérieuse d'accéder à ce grade en 2014 n'est pas établie. 37. Il résulte de ce qui précède, dès lors que Mme C... n'a pas perçu, avant consolidation, de sommes au titre de l'allocation aux adultes handicapés, que le préjudice de l'intéressée au titre de ses pertes de gains professionnels actuels doit être évalué à la somme de 10 735, 74 euros. L'assistance par tierce personne avant consolidation : 38. Il résulte du rapport du Dr A... que Mme C... peut être regardée comme ayant eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour avant la consolidation de son état de santé. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 24 du présent arrêt, l'indemnisation ne doit porter que sur la période du 30 mai 2016 au 18 février 2019. 39. Sur la base d'un tarif horaire de 14 euros au titre de cette période, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 15 721 euros. 40. Toutefois, d'une part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. 41. Aux termes de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France (...) dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation (...) ". Aux termes de l'article L. 245-3 du même code : " La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges : / 1° liées à un besoin d'aides humaines y compris, le cas échéant, celles apportées par des aidants familiaux (...) ". Aux termes de son article L. 245-4 : " L'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-3 est accordé à toute personne handicapée (...) lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière (...). Le montant attribué à la personne handicapée est évalué en fonction du nombre d'heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur. ". Enfin, aux termes de l'article L. 245-7 du même code : " (...) Les sommes versées au titre de cette prestation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune (...) ". 42. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que le montant de la prestation de compensation du handicap peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. 43. Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas perçu, sur la période du 30 mai 2016 au 18 février 2019, de prestation de compensation du handicap. 44. D'autre part, lorsque le juge arrête le montant dû en réparation des frais d'assistance à tierce personne qui ont été exposés antérieurement à sa décision, que l'état de santé de la victime a nécessité le recours à une assistance qui a été assurée par un salarié ou par une association, une entreprise ou un organisme déclaré, et que celle-ci a effectivement bénéficié à ce titre de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 sexdecies du CGI, il lui appartient de déduire, au besoin d'office, au même titre que les prestations ayant pour objet la prise en charge de frais d'assistance par une tierce personne, le montant de l'avantage fiscal perçu, dans la mesure où il correspond à une telle assistance, de l'indemnité mise à la charge de la personne publique en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour déterminer le montant à déduire. 45. Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas bénéficié avant consolidation, pour l'emploi d'un salarié à domicile, d'un crédit d'impôt. 46. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à Mme C... au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation la somme de 15 721 euros. Quant aux préjudices patrimoniaux permanents : Les frais divers : 47. En premier lieu, Mme C... justifie, par la production de factures des 23 février 2021 et 23 septembre 2021, avoir exposé les frais de 1 843,20 euros pour l'assistance technique de M. F... ainsi que de 4 230 euros pour l'analyse comptable effectuée par le cabinet Demuyter. Ces frais ayant été utiles à la résolution du litige, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à ce titre à l'intéressée la somme de 6 163,20 euros. 48. En deuxième lieu, en revanche, il résulte de l'instruction et, notamment des pièces produites par Mme C... à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour, que les frais de 585,60 euros correspondant aux honoraires du Dr G... et ceux de 1 080 euros correspondant aux honoraires du Dr H..., qui a assisté l'intéressée lors des opérations d'expertise judiciaire, ont été pris en charge par son assurance protection juridique. Il y a lieu, dès lors, ces frais n'ayant pas été directement exposés par Mme C..., de rejeter les conclusions présentées par cette dernière à ce titre. 49. En troisième lieu, Mme C... justifie avoir exposé des frais de péage à hauteur de 50,66 euros et de parking à hauteur de 42,60 euros pour se rendre à l'accedit de l'expertise judiciaire du Dr A... à Nice le 28 avril 2021. Il y a lieu, dès lors, de condamner l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 93,26 euros. En revanche, il n'y a pas lieu de retenir les frais de repas qui auraient été exposés en tout état de cause. L'assistance par tierce personne post-consolidation : Période du 19 février 2019 au 6 décembre 2024 : 50. Il résulte du rapport d'expertise du Dr A... que Mme C... a, postérieurement à la consolidation, besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour. Il sera tenu compte d'un tarif horaire de 14 euros au titre des années 2019 et 2020 et de 15 euros au titre de 2021, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés. A partir du 1er janvier 2022 jusqu'au 31 décembre 2022, il doit être appliqué le taux horaire de 22 euros fixé par l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, sur la base de 365 jours, dès lors que ce taux horaire est réputé intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés. Du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023, le taux horaire a été fixé à 23 euros par arrêté du 30 décembre 2022. Enfin, pour l'année 2024, le taux horaire a été fixé à 23,50 euros par arrêté du 2 janvier 2024. Au regard de ces périodes et taux, le préjudice subi à ce titre par Mme C... doit être évalué à la somme de 41 377,75 euros dont il y a lieu de déduire la somme globale de 1 316 euros (56 X 23,50) correspondant à 56 heures d'assistance par tierce personne dont elle a bénéficié par son assurance prévoyance dans le cadre d'un protocole de soins anticancéreux (4 h du 1er mars 2024 au 12 avril 2024, 24 h du 27 mai 2024 au 5 juillet 2024, 24 h du 8 juillet 2024 au 16 août 2024 et 4 h du 26 septembre 2024 au 4 octobre 2024). Il résulte, par ailleurs de l'instruction, qu'elle n'a pas bénéficié, sur cette période, d'un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. L'Etat doit ainsi être condamné à verser à ce titre à Mme C... la somme de 40 061,75 euros. Période postérieure au 6 décembre 2024 : 51. S'agissant des frais d'assistance par tierce personne qu'exposera Mme C... à compter du présent arrêt, ceux-ci doivent être arrêtés sur la base des mêmes besoins que ceux fixés au point précédent, pour un tarif horaire de 23,50 euros, sur une durée annuelle de 365 jours. Ainsi, compte tenu de ce tarif, il convient de retenir une rente annuelle de 8 755,50 euros. Cette rente sera revalorisée par la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme C... au titre des aides financières à la tierce personne pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations perçues excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Il appartiendra en conséquence à Mme C... de fournir à l'Etat les justificatifs établissant le montant des prestations qu'elle est susceptible de percevoir à ce titre et notamment des prestations résultant de son contrat de prévoyance. Par ailleurs, la réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que la contribuable puisse bénéficier à l'avenir du crédit d'impôt au titre des prestations de service assurées par un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré et dont cette indemnité aura permis la prise en charge. La perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle : La perte de chance d'être intégrée dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications : 52. En premier lieu, Mme C... fait valoir que la pension de retraite et d'invalidité qu'elle perçoit ne permet pas une réparation intégrale de ses pertes de gains professionnels futurs dès lors qu'elle a perdu une chance sérieuse d'accéder au corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications de 3ème classe à compter de l'année 2017. 53. Aux termes de l'article 4 du décret 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat : " I. - Les recrutements dans le premier grade interviennent selon les modalités suivantes : (...) 3° Après inscription sur une liste d'aptitude : Peuvent être inscrits sur cette liste d'aptitude les fonctionnaires appartenant à un corps de catégorie C ou de même niveau dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins neuf années de services publics (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2011-964 du 16 août 2011 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense : " Le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense comprend les trois grades suivants : 1° Technicien supérieur d'études et de fabrications de 3e classe ; 2° Technicien supérieur d'études et de fabrications de 2e classe ; 3° Technicien supérieur d'études et de fabrications de 1re classe, grade le plus élevé. Ces grades sont respectivement assimilés aux premier, deuxième et troisième grades mentionnés par le décret du 11 novembre 2009 susvisé. ". 54. Il résulte tant des bonnes évaluations de Mme C... au titre des années 2015 et 2016 que des mémoires de proposition à l'avancement au titre de ces deux années que l'intéressée était très impliquée, prenait de très bonnes initiatives du niveau de certains cadres et qu'une " évolution vers un poste de technicien supérieur d'études et de fabrications [serait] une suite logique de tous les efforts fournis ". Il résulte également d'un courrier électronique en date du 17 mai 2016 qu'elle faisait partie de la liste des candidats proposés à l'avancement de corps au titre de l'année 2017. Mme C... justifie ainsi, si elle n'avait été placée en congé de longue maladie à compter du 30 mai 2016, avoir perdu une chance sérieuse d'intégrer le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications à compter de l'année 2017. Il suit de là que la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle liée aux pertes de pensions de retraite doivent être déterminées au regard de l'évolution de carrière qu'aurait eue l'intéressée si elle avait intégré le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications à compter de l'année 2017. La perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite à un taux majoré de 10 % : 55. Mme C... fait valoir, en se prévalant d'une attestation, qu'elle souhaitait avoir trois enfants et que la maladie dont elle est atteinte, qui a affecté sa fertilité, l'a privée de la possibilité d'avoir trois enfants et, par suite, de bénéficier d'une retraite calculée sur la base de 85 % de son traitement indiciaire brut au lieu de 75 %. Cependant, ce préjudice n'est qu'éventuel. Il ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation. 56. En tenant compte, d'une part, de la circonstance que Mme C... avait, ainsi qu'il a été dit précédemment, une chance sérieuse d'accéder au corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications à compter du 1er janvier 2017 au grade de 3ème classe, d'une évolution de carrière dans ce corps jusqu'au 1er octobre 1948, à l'âge de 67 ans, limite d'âge, puis d'une espérance de vie à 86 ans et d'une pension de retraite calculée sur la base d'un taux de 75 %, il résulte du rapport du cabinet d'expertise comptable Demuyter, dont le contenu n'est pas sérieusement contesté par le ministre des armées, que la perte de traitements, depuis le 1er juin 2019 peut être évaluée à 749 060,13 euros nets, puis celle de pensions à 373 232,07 nets (403 058,40 X (1-0,074), ce qui représente un total de 1 122 292,2 euros nets. Or, il résulte également de l'instruction que Mme C... perçoit depuis le 30 mai 2019, une pension de retraite et d'invalidité d'un montant mensuel net de 1 644,80 euros, soit 19 737,60 euros nets par an. En faisant application du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2022, cette pension, en tenant compte de l'âge de 37 ans au moment de l'octroi de la rente et d'un taux de 48,669, représente un capital de 960 609,25 euros (19 737,60 X 48,669). La perte subie par Mme C... au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle peut donc être évaluée à la somme de 161 682,95 euros. S'il résulte de l'instruction que Mme C... ne perçoit pas l'allocation aux adultes handicapés, il résulte toutefois des pièces produites par l'intéressée à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour que celle-ci, outre sa pension de retraite et d'invalidité d'un montant annuel de 19 737,60 euros nets, perçoit depuis le 1er juin 2019, au titre de son contrat de prévoyance PREMUO, une rente d'invalidité complémentaire d'un montant de plus de 7 000 euros nets par an, qu'elle a vocation à continuer à percevoir à l'avenir et qui aura pour effet de compenser la perte précitée de 161 682,95 euros. Par suite, le préjudice allégué au titre des pertes de gains futurs, en ce comprise l'incidence professionnelle, n'est pas certain et ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation. 57. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à Mme C... la somme globale de 343 974,95 euros, dont sera déduite la provision de 5 000 euros allouée à Mme C... par ordonnance de référé en date du 10 février 2021. En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts : 58. En premier lieu, en vertu de l'article 1231-6 du code civil, Mme C... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 343 974,95 euros à compter du 25 mars 2019, date de réception par le ministre des armées de sa demande d'indemnisation préalable. 59. En second lieu, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. Mme C... a demandé la capitalisation des intérêts dès le 27 avril 2019. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 25 mars 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. En ce qui concerne les frais d'expertise : 60. Dans les circonstances de l'espèce, les frais et honoraires de l'expertise confiée au docteur E... A..., liquidés et taxés à la somme de 1 282,20 euros toutes taxes comprises par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Toulon du 25 mai 2021, doivent être mis à la charge définitive de l'Etat, partie perdante dans le cadre du contentieux indemnitaire. En ce qui concerne la déclaration d'arrêt commun : 61. La caisse Harmonie fonction publique et les caisses primaires d'assurance maladie de l'Aveyron et du Gard, mises dans la cause, n'ont pas sollicité le remboursement de leurs débours. Il y a lieu, dès lors, de leur déclarer commun le présent arrêt. Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer : 62. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions présentées par le ministre des armées, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à statuer présentées dans le cadre de la requête enregistrée sous le n° 24MA00683. Sur les frais d'instance : 63. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA00683. Article 2 : Le jugement n° 1901351, 1901354 du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de Mme C.... Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme C... la somme globale de 343 974,95 euros, dont sera déduite la provision de 5 000 euros allouée à Mme C... par ordonnance de référé en date du 10 février 2021. Il versera également à Mme C... une rente annuelle de 8 755,50 euros. Cette rente sera revalorisée en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme C... au titre des aides financières à la tierce personne dont elle devra justifier. Article 4 : La somme de 343 974,95 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 et des intérêts capitalisés à compter du 25 mars 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 5 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 282,20 euros TTC sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 6 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 8 : Le présent arrêt est déclaré commun à Harmonie fonction publique et aux caisses primaires d'assurance maladie de l'Aveyron et du Gard. Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au ministre des armées et des anciens combattants, à Harmonie fonction publique et aux caisses primaires d'assurance maladie de l'Aveyron et du Gard. Copie en sera adressée au Dr A..., expert. Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente-assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024. N° 23MA00688, 24MA00683 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 18/12/2024, 23DA02125, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la caisse de crédit municipal de Roubaix à lui verser la somme de 233 709,48 euros en réparation de ses préjudices résultant des évènements dont il a été victime le 24 novembre 2015 dans le cadre de ses fonctions, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2018 et de la capitalisation de ces intérêts. Par un jugement n° 1902336 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné la caisse de crédit municipal de Roubaix à verser à M. B... la somme de 4 811,47 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2018 et de la capitalisation de ces intérêts à la date du 29 octobre 2020 puis à chaque échéance annuelle ultérieure, et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 novembre 2023 et le 5 août 2024, M. B..., représenté par Me Jorion, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer ce jugement du 3 octobre 2023 en ce qu'il a limité le montant de la condamnation à la somme de 4 811,47 euros ; 2°) d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle la caisse de crédit municipal de Roubaix a rejeté sa demande indemnitaire ; 3°) de condamner la caisse de crédit municipal de Roubaix à lui verser la somme de 135 726,72 euros en réparation de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2018 et de la capitalisation de ces intérêts ; 4°) de mettre à la charge de la caisse de crédit municipal de Roubaix une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 étaient recevables dès lors qu'il a entendu se prévaloir à titre principal de ce fondement de responsabilité dans sa demande préalable ; - au demeurant, ce fondement de responsabilité relève de la responsabilité sans faute, qui est d'ordre public et doit être soulevée d'office par le juge ; - il est en droit d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices sans attendre qu'il soit statué sur l'action civile devant le juge pénal et sans qu'il soit besoin de justifier l'impossibilité de recouvrer les sommes dues auprès des auteurs de l'infraction ou auprès du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ; - l'administration doit réparer les préjudices résultant des violences dont il a été victime dans l'exercice de ses fonctions, pour lesquelles la protection fonctionnelle lui a été accordée et l'imputabilité au service a été reconnue ; - l'indemnisation de 7 000 euros accordée par les premiers juges en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence doit être portée à la somme totale de 100 000 euros ; - l'arrêt de la cour d'assise du Pas-de-Calais du 19 septembre 2022 est revêtue de l'autorité de chose jugée en ce qui concerne l'existence de ses souffrances morales, la perte de valeur de son bien immobilier, les frais engagés pour la conservation de ce bien dans l'attente de la levée des scellées, ses pertes de revenus, le préjudice lié à la baisse prévisionnelle de ses indemnités de retraite, et le montant de ces postes de préjudice ; - il a subi un préjudice d'angoisse de mort imminente, lequel se distingue du préjudice moral, qui doit être évalué à la somme de 30 000 euros ; - les évènements dont il a été victime le 24 novembre 2015, et plus particulièrement le décès d'un des malfaiteurs, survenu à son domicile, ont entraîné une moins-value sur le prix de ce bien immobilier dont il est fondé à demander l'indemnisation pour un montant de 30 000 euros ; - il s'est trouvé contraint de vendre ce bien à un moment où le marché immobilier était en baisse, le conduisant à réduire de 20 000 euros le prix de vente de sa maison, justifiant une indemnisation supplémentaire à ce titre ; - il a été contraint d'exposer des frais nécessaires à la conservation de sa maison en bon état, dans l'attente de la levée des scellés et de la vente, évalués à la somme de 5 726,72 euros ; - les évènements subis le 24 novembre 2015 ont conduit la caisse de crédit municipal à le placer en congé spécial du 1er octobre 2018 au 30 juin 2020, entrainant des pertes de revenus pour un montant de 45 893,26 euros ; - l'administration ne peut refuser d'indemniser ses pertes de revenus dès lors qu'elle lui a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle par une délibération du 15 décembre 2015, laquelle est une décision créatrice de droit qui ne peut plus être retirée ; - il a subi un préjudice, évalué à 2 089,50 euros, lié à la baisse prévisionnelle de ses indemnités de retraite pendant une période de vingt-et-un mois, qui est consolidé à la date de départ à la retraite le 1er juillet 2020 ; - ses préjudices résultant de la perte de gains professionnels actuels, de la perte de gains professionnels futurs, de son déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées ont été indemnisés pour un montant total de 97 982,76 euros par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juin et 18 septembre 2024, la caisse de crédit municipal de Roubaix, représentée par Me Thoor, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce qu'il soit donné acte du désistement partiel de l'appelant, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'appelant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il convient de donner acte du désistement du requérant s'agissant de ses conclusions présentées au titre de ses pertes de rémunération, pour un montant de 45 893,26 euros, de sa perte de pension de retraite, pour un montant de 2 089,50 euros, des troubles dans les conditions d'existence pour un montant de 20 000 euros et du préjudice moral pour un montant de 30 000 euros ; - les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 sont irrecevables dès lors qu'elles relèvent d'une cause juridique distincte de celle invoquée dans la demande préalable ; - le juge administratif n'est pas lié par l'arrêt rendu par le juge pénal sur les intérêts civils ; - le préjudice d'angoisse de mort imminente ne peut être invoqué en l'absence de décès de la victime ; - les préjudices tenant à la perte de valeur du bien immobilier ne sont pas établis ; - le préjudice résultant des frais engagés pour la conservation de ce bien ne présente pas de lien avec les évènements du 24 novembre 2015, alors au demeurant que l'administration a pris en charge les taxes foncières de 2016 à 2018 et le remplacement du matériel de vidéo-surveillance ; - l'appelant n'a droit à aucune indemnisation résultant de pertes de revenus dès lors que ce préjudice relève du régime des pensions d'invalidité, exclusif de toute autre indemnisation, qu'il ne peut obtenir réparation pour avoir perdu des primes en l'absence d'exercice effectif des fonctions et que sa situation financière a résulté de son placement en congé spécial qui prévoit seulement le maintien du traitement indiciaire ; - le préjudice résultant d'une perte de pension de retraite n'est pas établi ; - le préjudice moral ne saurait être évalué à une somme supérieure à 7 000 euros ; - il convient de déduire de cette somme les versements auxquels ont procédé les auteurs de l'infraction à l'origine du dommage ; - l'appelant a bénéficié d'une double indemnisation de son préjudice moral. Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2024, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), représenté par la SELAFA Cassel, conclut à la réformation du jugement attaqué, à la condamnation de la caisse de crédit municipal de Roubaix à lui verser la somme de 97 982,76 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la caisse de crédit municipal sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il est subrogé dans les droits de l'appelant qu'il a dédommagé, de sorte que son recours est recevable ; - la demande indemnitaire préalable présentée par l'appelant lie nécessairement le contentieux dès lors que l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 se borne à réaffirmer un principe général du droit selon lequel l'agent victime d'une agression a droit à la réparation intégrale de ses préjudices par l'administration, que cette protection a été accordée à l'intéressé, que la caisse de crédit municipal est tenue de réparer ses préjudices du fait même qu'il a subi une agression, qu'elle s'en est prévalue dans le cadre de la procédure civile devant les juridictions criminelles, que la caisse n'a jamais contesté devant le tribunal administratif que la demande était présentée en application de l'article 11 précité, et que le régime issu de cet article est distinct de celui qui s'applique aux agents dont la maladie est imputable au service ; - pour l'évaluation des préjudices, il n'y a pas lieu de s'écarter des montants retenus par les juridictions pénales. Par une ordonnance du 26 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 octobre 2024, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la décret n° 88-614 du 6 mai 1988 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Pryfer, représentant M. B..., et de Me Thoor, représentant la caisse de crédit municipal de Roubaix. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., attaché territorial, a été nommé directeur de la caisse de crédit municipal de Roubaix en 1991. Le 24 novembre 2015, cinq individus armés l'ont séquestré à son domicile, ainsi que son épouse, sa fille et son petit-fils, en vue d'obtenir un accès aux coffres du crédit municipal. L'intervention des forces de l'ordre, au cours de laquelle l'un des preneurs d'otages a été mortellement blessé, a permis la libération de M. B... et de sa famille. Par un arrêté du 27 novembre 2015, la caisse de crédit municipal de Roubaix a reconnu que ces évènements constituaient un accident imputable au service. Par un courrier du 27 décembre 2018, M. B... a saisi la caisse de crédit municipal afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices résultant des faits survenus le 24 novembre 2015. Sa demande ayant été explicitement rejetée par un courrier du 30 janvier 2019, il a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la caisse de crédit municipal de Roubaix à lui verser la somme de 233 709,48 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 3 octobre 2023, le tribunal administratif a retenu le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis par M. B..., a évalué ces postes de préjudices au montant total de 7 000 euros, a déduit de cette somme celle de 2 188,53 euros dont l'un des auteurs de l'infraction s'était acquitté après avoir été pénalement condamné, a mis la somme de 4 188,53 euros à la charge de la caisse de crédit municipal de Roubaix et a rejeté le surplus de la demande. En application d'un constat d'accord signé le 15 avril 2024, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a versé la somme de 97 982,76 euros à M. B... en réparation de ses pertes de revenus, de ses pertes de pension de retraite, du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées. M. B... relève appel du jugement du 3 octobre 2023 et, tenant compte du versement accordé par le FGTI en cours d'instance, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la caisse de crédit municipal à lui verser la somme de 135 726,72 euros. Le FGTI, subrogé dans les droits de l'appelant, demande la condamnation de la caisse à lui rembourser la somme de 97 982,76 euros. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'avant de saisir le tribunal administratif de conclusions indemnitaires, le requérant doit présenter une demande préalable à l'administration dans laquelle il lui appartient d'invoquer les faits en raison desquels il demande réparation et la cause juridique sur laquelle repose le ou les chefs de préjudice invoqués. Pour être recevables devant le tribunal administratif, ces conclusions indemnitaires doivent ainsi se rattacher au même fait générateur et reposer sur la même cause juridique que le ou les chefs de préjudices invoqués dans la réclamation préalable. 3. Par ailleurs, le fonctionnaire qui subit, du fait de son invalidité ou de sa maladie imputable au service, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux qui sont réparés par la rente viagère d'invalidité ou l'allocation temporaire d'invalidité, ainsi que des préjudices personnels, peut rechercher, dans les conditions du droit commun, la responsabilité sans faute de la personne publique qui l'emploie au titre de l'obligation qui lui incombe de garantir ses agents contre les dommages corporels qu'ils peuvent subir dans l'accomplissement de leur service, ou même engager une action de droit commun contre la personne publique, pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 4. En revanche, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, reprises aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique, en vertu desquelles une collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires qu'elle emploie à la date des faits en cause contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté, sont relatives à un droit statutaire à protection qui découle des liens particuliers qui unissent une collectivité publique à ses agents et n'ont pas pour objet d'instituer un régime de responsabilité de la collectivité publique à l'égard de ses agents. 5. Dans sa demande préalable adressée à la caisse de crédit municipal de Roubaix par un courrier du 27 décembre 2018, M. B... a sollicité l'indemnisation des préjudices résultant des évènements survenus le 24 novembre 2015 en se référant à la seule imputabilité au service de ces préjudices, reconnue par l'arrêté précité du 27 novembre 2015. Si, dans sa demande préalable, M. B... reprend les termes de la délibération du conseil d'orientation et de surveillance de la caisse de crédit municipal du 15 décembre 2015, cette délibération se borne à réaffirmer le soutien de l'institution, impliquant une prise en charge par celle-ci des frais engagés par l'intéressé lorsqu'ils n'ont pas été remboursés par son assureur, sans se référer à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, et sans mentionner le droit de l'intéressé à obtenir la protection fonctionnelle. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, que M. B... a seulement invoqué dans sa réclamation préalable la responsabilité sans faute de l'administration au titre de l'obligation qui lui incombe de le garantir contre les dommages corporels qu'il a subis dans l'accomplissement de son service. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées directement devant le tribunal administratif sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, lequel relève d'un droit statutaire à protection et non d'un régime de responsabilité, reposent sur une cause juridique distincte de celle de la responsabilité sans faute seule invoquée dans la demande préalable, et sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 6. D'une part, les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice professionnels, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 7. D'autre part, le FGTI, qui justifie avoir procédé à l'indemnisation d'une partie des préjudices invoqués par M. B..., est subrogé de plein droit, sur le fondement de l'article L. 706-11 du code de procédure pénale, dans les droits de la victime à hauteur des sommes qu'il lui a versées à titre d'indemnisation, à l'encontre non seulement de l'auteur de l'infraction mais également de toute personne tenue de réparer le dommage, notamment parce qu'elle y a concouru dans des conditions de nature à engager sa responsabilité. 8. En premier lieu, l'autorité relative de la chose jugée par le juge civil ne peut être utilement invoquée en l'absence d'identité d'objet, de cause et de parties. L'arrêt du 19 septembre 2022 par lequel la cour d'assises du Pas-de-Calais a condamné les auteurs de l'infraction du 24 novembre 2015 à indemniser les préjudices subis par M. B..., au cours d'une instance dans laquelle était présente la caisse de crédit municipal de Roubaix en tant que partie civile, ne présente pas d'identité de cause avec le recours présenté par l'intéressé tendant à obtenir de l'administration la réparation des préjudices imputables au service. Il appartient à l'administration, qui ne s'est pas substituée aux auteurs du dommage, d'évaluer elle-même les préjudices résultant des faits survenus le 24 novembre 2015, et dont elle a reconnu l'imputabilité au service. 9. En deuxième lieu, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions rappelées au point 6 subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. 10. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'agression et de la séquestration dont il a été victime le 24 novembre 2015, M. B..., alors âgé de 57 ans, a été placé en congé de maladie avec le maintien de son plein traitement jusqu'au 30 septembre 2018, puis a été placé en congé spécial du 1er octobre 2018 au 1er juillet 2020, date de sa mise à la retraite. L'appelant, qui a continué à percevoir son traitement et son indemnité de résidence pendant la période de congé spécial, évalue les primes et indemnités dont il a été privé pendant cette même période à la somme de 45 893,26 euros. Il soutient également que ce congé spécial a eu pour effet une réduction de ses droits à pension à percevoir après le 1er juillet 2020, pour un montant qu'il évalue à 2 089,50 euros. Toutefois, il n'est pas démontré et il n'est pas même soutenu que M. B... aurait demandé à bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité ou d'une rente d'invalidité ni qu'il remplirait les conditions requises pour obtenir l'une de ces prestations. Par suite, il ne peut, en application des principes rappelés au point 9 et en l'absence de faute invoquée de nature à engager la responsabilité de l'administration, prétendre au bénéfice d'une indemnité réparant les pertes de revenus résultant de son placement en congé spécial. 11. En troisième lieu, si le fonctionnaire victime d'un accident de service qui ne remplit pas les conditions pour obtenir une rente ou une allocation temporaire d'invalidité ne peut prétendre à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle, cette circonstance ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de la collectivité qui l'emploie la réparation des préjudices d'une autre nature, patrimoniaux ou personnels, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 12. D'une part, M. B..., qui a vendu la résidence familiale dans laquelle sont survenus les évènements du 24 novembre 2015, soutient avoir subi une moins-value lors de la vente de sa maison en raison même de ces évènements et d'une baisse du marché immobilier en 2018, lorsqu'il a décidé de vendre son bien immobilier. Toutefois, s'il produit des courriers émanant d'agences immobilières indiquant une révision à la baisse de son bien au motif que les faits survenus à son domicile dissuaderaient les éventuels acquéreurs, il ressort de l'article de presse également produit au dossier que le marché immobilier a connu une baisse générale de plus de 14 % à Roubaix en 2018. L'appelant, qui ne démontre pas s'être trouvé dans l'obligation de vendre son bien au cours de l'année 2018, ne contredit pas les éléments apportés en défense par la caisse de crédit municipal, dont il ressort que le prix de vente de son domicile est équivalent à celui retenu pour des biens similaires à Roubaix. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la moins-value alléguée lors de la vente du domicile familial présenterait un lien avec l'accident imputable au service. En revanche, M. B... établit avoir exposé des frais pour l'entretien de son domicile de 2015 à 2018, alors qu'il ne pouvait l'occuper en raison des scellés posés pour les besoins de la procédure judiciaire. Dans les circonstances de l'espèce, ces frais constituent un préjudice patrimonial dont l'appelant est fondé à solliciter l'indemnisation pour un montant évalué, d'après les factures versées à l'instance, à la somme de 5 726,72 euros. 13. D'autre part, il ressort du rapport d'expertise médicale établi le 29 mars 2018 que les évènements du 24 novembre 2015 ont entraîné chez M. B... l'apparition de symptômes anxio-dépressifs et névrotiques évolutifs s'inscrivant dans le cadre d'un syndrome de stress post-traumatique. Si, pour justifier de son préjudice moral, l'appelant ne produit pas d'autres documents médicaux, il résulte suffisamment de l'instruction que l'agression particulièrement violente dont il a été victime à son domicile, impliquant en outre les membres de sa famille, dont sa fille et son petit-fils mineur, a eu pour effet la dégradation de son état de santé rendant impossible son retour au service jusqu'à son départ à la retraite en 2020. Il n'est pas sérieusement contesté que M. B... et sa famille ont dû quitter leur domicile en raison tant des scellés apposés sur le domicile familial que des réminiscences traumatiques résultant de l'agression, avec pour conséquence des conditions d'existence gravement troublées. Dans ces conditions, il sera fait une plus juste évaluation du préjudice moral de l'appelant et des troubles subis dans ses conditions d'existence en portant le montant alloué à ce titre par les premiers juges de la somme globale de 7 000 euros à celles de 30 000 euros pour le préjudice moral et de 20 000 euros pour les troubles dans les conditions d'existence. En revanche, le préjudice d'angoisse de mort imminente correspond à la souffrance ressentie par la victime d'un fait traumatique qui éprouve de façon certaine la conscience de son décès à venir et non à la souffrance éprouvée par une victime craignant une possible issue fatale. Dès lors, si M. B... fait valoir qu'il a craint pour sa vie lors de l'intervention des forces de police et qu'il est sorti indemne d'un tir de barrage de quatre balles tirées au jugé par les forces de l'ordre, il ne justifie pas à cet égard d'un préjudice moral distinct de celui qui fait par ailleurs l'objet d'une réparation. 14. Il résulte de ce qui précède que M. B... a subi, en raison de l'accident imputable au service, un préjudice patrimonial, un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être évalués à la somme totale de 55 726,72 euros. Il y a lieu de déduire de ce montant la somme de 2 188,53 euros déjà perçue par l'appelant de la part de l'un des auteurs des faits, dans le cadre des réparations résultant de l'arrêt civil rendu par la cour d'assises du Nord le 18 septembre 2020, et de fixer le montant des réparations à la charge de la caisse de crédit municipal de Roubaix à la somme de 53 538,19 euros. Il résulte également de ce qui précède que le FGTI, qui a indemnisé M. B... de ses pertes de revenus pour un montant de 45 893,26 euros, de ses pertes de pension de retraite pour un montant de 2 089,50 euros, de son préjudice moral pour un montant de 30 000 euros et de ses troubles dans les conditions d'existence pour un montant de 20 000 euros, est seulement fondé à obtenir, dans le cadre de son recours subrogatoire, la somme de 50 000 euros au titre de ces deux derniers postes de préjudices. 15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité le montant des réparations à la charge de la caisse de crédit municipal de Roubaix à la somme de 4 811,47 euros, qu'il y a lieu de porter à la somme de 53 538,19 et dont la caisse s'acquittera en versant 3 538,19 euros à M. B... et 50 000 euros au FGTI, subrogé dans les droits de l'appelant à hauteur de cette somme. Le FGTI est également fondé à demander que la somme de 50 000 euros soit assortie des intérêts à compter du 25 septembre 2024. En revanche, en l'absence d'intérêts dus pour une année entière, la demande de capitalisation présentée par le FGTI ne peut qu'être rejetée. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par les parties en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 4 811,47 euros que le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1902336 du 3 octobre 2023 a mis à la charge de la caisse de crédit municipal de Roubaix en réparation des préjudices subis par M. B... est portée au montant de 53 538,19 euros. Article 2 : La caisse de crédit municipal de Roubaix est condamnée à verser la somme de 3 538,19 euros à M. B... et la somme de 50 000 euros au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, cette dernière somme étant assortie des intérêts à compter du 25 septembre 2024. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1902336 du 3 octobre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la caisse de crédit municipal de Roubaix et au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2024. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière C. Huls-Carlier 2 N° 23DA02125
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 10/12/2024, 22TL21661, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler la décision du 29 août 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour quatre infirmités causées par un accident de la circulation ayant eu lieu le 4 septembre 1974. Par un jugement n° 16/00017 du 12 octobre 2018, le tribunal départemental des pensions du Gard a, après un jugement avant dire-droit du 14 avril 2017 ordonnant une expertise, condamné l'Etat à payer à M. A... une pension militaire d'invalidité au taux de 40 % à compter de sa demande de pension du 29 juillet 2015. Par un arrêt n° 18/0008 du 28 octobre 2019, la cour régionale des pensions de Nîmes a, sur appel de la ministre des armées, infirmé ce jugement et déclaré irrecevable la demande de M. A.... Par une décision n° 436673 du 21 juillet 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions de Nîmes du 28 octobre 2019 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Toulouse. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés le 20 novembre 2018 et le 30 août 2019 et, après cassation, des mémoires, enregistrés le 26 septembre 2022, les 1er août et 29 septembre 2023 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 27 octobre 2023, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2018 par lequel le tribunal départemental des pensions du Gard a condamné l'Etat à payer à M. A... une pension au taux de 40 % à compter de sa demande de pension du 29 juillet 2015 ; 2°) de constater que M. A... n'était pas recevable à contester la décision du 29 août 2016 refusant à nouveau un droit en pension pour les infirmités résultant d'un accident de la route, cette décision n'étant que purement confirmative de la décision du 22 juin 1976 régulièrement notifiée et devenue définitive. Elle soutient que : - son recours, signé par le sous-directeur des pensions, qui disposait, à cet effet, d'une délégation de signature régulièrement publiée, est recevable ; - le jugement attaqué, qui ne vise, ni ne cite aucun texte juridique, est irrégulier ; - la requête, présentée par M. A..., devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité était tardive dans la mesure où a été versée aux débats la preuve de la notification, le 9 juillet 1976, du premier refus de droits à pension, qui lui a été opposé le 22 juin 1976 ; - en l'absence de titre de permission, l'accident sur la voie publique qu'a subi M. A... ne saurait être regardé comme un accident de trajet ; - en outre, en montant dans le véhicule conduit par un sergent-chef en état d'imprégnation alcoolique, M. A... a commis une imprudence. Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 juillet et le 12 septembre 2019, et, après cassation, les 6 juin, 5 septembre et 16 octobre 2023, M. A..., assisté par sa curatrice, l'association tutélaire de gestion du Gard, et représenté par Me Mattler, conclut à la confirmation du jugement de première instance, au rejet de la requête, et à la condamnation de l'Etat au paiement de cette pension et des arrérages à compter de la 3ème année précédant la date du dépôt de sa demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve, pour son conseil, de renoncer à la part contributive allouée au titre de la mission d'aide juridictionnelle et les entiers dépens. Il fait valoir que : - l'appel est irrecevable, faute pour son signataire de justifier d'une qualité pour agir et signer le recours ; - l'appel, en tant qu'il n'a contesté la recevabilité de sa demande de pension que postérieurement au jugement avant-dire droit de première instance rendu le 14 avril 2017, retenant, au contraire, la recevabilité de cette demande et ordonnant une expertise, est partiellement tardif ; - le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard, qui s'est implicitement mais nécessairement fondé sur l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, est régulier ; - sa demande de pension, présentée le 20 juillet 2015, est recevable, l'accusé de réception produit par la ministre des armées, par note en délibéré devant la cour régionale des pensions de Nîmes, ne saurait valoir notification d'une décision du 22 juin 1976 rejetant une première demande, qu'il n'a, au demeurant, jamais présentée, et ce, en raison de l'absence de mention du nom de l'expéditeur, du nom du bureau de poste, de la nature même du document, qui ne précise pas le type de courrier auquel il se rapporte et enfin de la référence " LYON R.P 7 504 ", qui ne correspond pas au courrier censé rejeter la demande de pension ; - en l'absence de notification de la décision du 22 juin 1976, la décision rejetant la demande présentée le 20 juillet 2015, ne saurait être regardée comme confirmative et est donc susceptible de recours ; - contrairement à ce que soutient la ministre des armées, l'accident de la voie publique qu'il a subi a eu lieu sur le trajet le ramenant à l'hôtel des sous-officiers et doit être regardé comme un accident éprouvé à l'occasion du service au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - au surplus, la présomption d'imputabilité au service peut également être retenue en application de l'article L. 3 du même code dès lors qu'il a été blessé avant d'être renvoyé dans ses foyers ; - le conducteur étant son supérieur hiérarchique, son imprudence à être monté dans le véhicule ne saurait être retenue ; - eu égard à la circonstance qu'il présente des infirmités orthopédiques et des séquelles neurologiques en lien direct avec l'accident subi, c'est à bon droit que le tribunal des pensions militaires d'invalidité a retenu un taux global d'invalidité de 40%. Par une ordonnance du 18 octobre 2023, la date de clôture d'instruction a été reportée au 30 novembre 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 août 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre puis le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n°59-327 du 20 février 1959 ; - le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ; - le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 modifié par le décret n°2013-810 du 9 septembre 2013 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé, le 22 septembre 1970, dans l'armée française et, sous-officier d'infanterie de marine, avec le grade de sergent, a été victime d'un accident de la circulation, le 4 septembre 1974, au Mans (Sarthe). Gravement blessé, il a fait l'objet d'une hospitalisation au centre hospitalier du Mans et a été transféré au centre hospitalier universitaire de Tours. Souffrant de séquelles orthopédiques et neurologiques et les estimant en lien direct avec cet accident de la voie publique, il a sollicité, le 20 juillet 2015, l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de quatre infirmités. Par une décision du 29 août 2016, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que, le 22 juin 1976, en réponse à une première demande du 9 juin 1975, lui avait déjà été opposée une décision de rejet, qu'il n'avait pas contestée dans le délai de recours de six mois. M. A... a alors demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler cette décision et d'ouvrir, en conséquence, ses droits à pension militaire d'invalidité à compter de la date de sa demande. Le tribunal, après un jugement avant-dire droit du 14 avril 2017 ayant ordonné une expertise, a condamné l'Etat à payer à M. A... une pension pour une invalidité fixé au taux de 40 %, à compter de sa demande de pension du 29 juillet 2015. Sur appel de la ministre des armées, la cour régionale des pensions de Nîmes a, par un arrêt du 28 octobre 2019, retenu, au regard d'une notification ayant eu lieu le 9 juillet 1976, le caractère définitif de la décision du 22 juin 1976 qui faisait obstacle à toute nouvelle demande présentée au titre des mêmes infirmités et a infirmé le jugement du tribunal départemental des pensions militaires du Gard. A la suite du pourvoi en cassation de M. A..., formé le 12 décembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour. Sur les fins de non-recevoir opposées en défense : En ce qui concerne la qualité pour agir du signataire du recours en appel : 2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 modifié par décret du 9 septembre 2013 régulièrement publié, relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, (...) ". 3. Il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites par la ministre que M. C..., administrateur civil hors cadre, a été renouvelé, par un arrêté du 1er juin 2017, régulièrement publié au journal officiel de la République française, le 3 juin suivant, dans ses fonctions de sous-directeur des pensions au sein du service de l'accompagnement professionnel et des pensions de la direction des ressources humaines du ministère des armées, pour une durée de deux ans à compter du 1er juillet 2017. En outre, selon l'article 22 de l'arrêté du 20 avril 2012 modifié portant organisation de la direction des ressources humaines du ministère de la défense, dans ses dispositions applicables au litige, régulièrement publié au journal officiel de la République française, la sous-direction des pensions est chargée, en matière contentieuse, d'enregistrer, engager et suivre en première instance et, en appel, les dossiers relatifs au contentieux des pensions militaires d'invalidité. Il suit de là que le sous-directeur des pensions avait qualité pour signer, le 26 novembre 2018, le recours en appel au nom de la ministre des armées. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le recours serait irrecevable faute pour son auteur d'avoir qualité pour agir au nom de la ministre. En ce qui concerne la tardiveté du recours : 4. D'autre part, en application de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé. Selon l'article R. 732-1 du même code, la procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives. Enfin, aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. ". 5. Contrairement à ce que fait valoir M. A..., le jugement avant-dire droit du 19 avril 2017, qui a déclaré sa requête recevable et ordonné une expertise, n'a pu faire courir le délai de deux mois prévu à l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui, en vertu de l'article R. 811-6 du code de justice administrative, applicable au contentieux des pensions militaires d'invalidité, dans le silence des textes, ne commence à courir qu'à compter du jugement se prononçant définitivement sur le bien-fondé d'un litige. Dans ces conditions, et dès lors qu'à la date de l'introduction de l'instance d'appel, le 26 novembre 2018, le délai de recours contre le jugement définitif du tribunal départemental des pensions du Gard, rendu le 12 octobre 2018, n'était pas expiré, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté partielle des conclusions de la ministre des armées ne peut, en tout état de cause, qu'être écartée. Sur la régularité du jugement attaqué : 6. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. 7. Or, le tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité du Gard s'est prononcé sur le droit à pension en estimant les infirmités de M. A... imputables au service et en homologuant le rapport de l'expertise, ordonnée avant-dire droit, le 19 avril 2017, ayant retenu un taux de 40%, sans faire mention, ni dans ses visas ni dans ses motifs, des textes sur lesquels il se fondait. Il suit de là que, comme le soutient la ministre des armées, le jugement est entaché d'irrégularité. 8. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité du Gard. Sur le droit à pension : En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de pension, présentée, le 20 juillet 2015, par M. A... : 9. D'une part, aux termes de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, en vigueur à la date de la décision du 22 juin 1976, et désormais repris à l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " L'intéressé peut, dans un délai de six mois, se pourvoir devant le tribunal des pensions contre la décision prise en vertu soit du premier alinéa, soit du dernier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. ". 10. Le délai de recours contre une décision individuelle prise sur une demande de pension militaire d'invalidité commence, en principe, à courir à compter de la notification de cette décision. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse où un demandeur a saisi le juge des pensions d'un recours tendant à l'annulation d'une décision refusant de réviser une pension militaire d'invalidité en tant qu'elle est relative seulement à certaines des infirmités visées par sa demande de pension, le délai de recours contre cette décision en tant qu'elle concerne la ou les autres infirmités court, dans ce cas, au plus tard, à compter de l'introduction de son recours initial. 11. Si l'administration soutient, comme elle l'a opposé dans la décision du 29 août 2016, qu'en réponse à la première demande de pension d'invalidité, que M. A... aurait déposée, le 10 juin 1975, et qui n'est pas versée aux débats, une décision de rejet, énoncée le 22 juin 1976, lui aurait été notifiée, le 9 juillet 1976, il résulte toutefois de l'instruction que si cette décision de rejet comportait la mention des voies et délais et notamment la citation de l'article 5 du décret du 20 février 1959 cité au point 9, l'avis de réception produit par le ministre des armées, comportant la référence " Lyon RP7504 ", ainsi qu'une mention manuscrite rajoutée faisant référence à la décision de rejet, ne mentionne ni l'expéditeur, ni le bureau de destination postal et ne précise pas davantage le type de courrier expédié à M. A... à une adresse dans le département de l'Ardèche, celle à laquelle il sera domicilié à compter de sa radiation des contrôles et de l'armée active, quatre ans plus tard, alors qu'il est à cette date, selon le feuillet nominatif de contrôle répertoriant les services et mutations, versé au dossier, affecté au sein du groupement d'instruction des troupes marines de Fréjus (Var) et ne saurait, en conséquence, valoir établir une notification de la décision de rejet à M. A..., lequel conteste, en outre, en être le signataire, la signature portée sur le document n'étant pas identique à celle qui figure sur d'autres documents que ce dernier a versés au dossier. Dans ces conditions, à défaut d'une notification régulière, le délai de six mois prévu à l'article 5 du décret 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions alors en vigueur n'a pu commencer à courir, l'intéressé n'ayant été informé de l'existence de cette décision que le 29 août 2016, date à laquelle la décision de rejet, qui ne saurait être regardée comme confirmative, a été opposée à sa demande de pension, déposée le 10 juin 2015. Ainsi, le 30 septembre 2016, à la date de l'introduction de sa requête, le délai de six mois, prévu par le décret du 20 février 1959 puis par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, n'était pas expiré. La demande de M. A... devant le tribunal départemental des pensions du Gard était donc recevable. En ce qui concerne l'imputabilité au service de l'accident survenu le 4 septembre 1974 : 12. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : Ouvrent droit à pension :1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient. 13. En outre, lorsque, comme en l'espèce, le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il lui incombe d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques. 14. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport circonstancié du lieutenant commandant provisoirement la compagnie de commandement d'appui et des services du 2ème régiment d'infanterie de marine, rédigé le 9 septembre 1974, que le sergent A..., à l'issue de la prise d'armes organisée à l'occasion de la commémoration des combats de Bazeilles, regagnait, le 4 septembre 1974 vers 2 heures du matin, l'hôtel des sous-officiers du Mans (Sarthe) et a été victime, alors qu'il était passager avant d'un véhicule privé conduit par son supérieur hiérarchique, d'un accident de la voie publique, le conducteur ayant perdu le contrôle du véhicule, lequel a heurté violemment un mur d'une banque. Le même rapport indique que si M. A... ne détenait pas de titre de permission, il était en situation régulière et l'avis sur l'imputabilité au service, émis par le bureau compétent, n'a pas retenu la situation de quartier libre mais le fait détachable du service au regard d'une faute personnelle du militaire. Face à ces éléments, la ministre des armées n'est pas fondée à opposer, d'une part, la circonstance que l'intimé devait être réputé, sans autre précision, en position de quartier libre à l'heure à laquelle s'est produit l'accident, alors que l'obligation de service résultait de la cérémonie de commémoration des combats de Bazeille ayant eu lieu quelques heures auparavant et qu'il regagnait avec son supérieur hiérarchique le lieu d'hébergement des sous-officiers du régiment et ne peut davantage invoquer, d'autre part, sans se référer à un ordre manifestement illégal, la seule imprudence de M. A... à monter dans un véhicule civil conduit par un sergent-chef en état d'ébriété, condamné, le 28 avril 1976, à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis assortie d'une interdiction de solliciter le permis de conduire pendant dix-huit mois, dès lors qu'il s'agissait du supérieur hiérarchique de l'intéressé. Il suit de là qu'aucune circonstance n'est de nature à détacher l'accident du service de sorte que l'imputabilité au service de l'accident subi par M. A... le 4 septembre 1976 doit être retenue. En ce qui concerne les infirmités : 15. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de pension de M. A... : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...). ". Selon l'article L. 9 du même code, alors en vigueur : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 14 de ce code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. (...)". 16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise, ordonnée par le tribunal départemental des pensions du Gard, que M. A..., victime, lors de l'accident de service, survenu le 4 septembre 1976, d'un traumatisme crânien avec coma vigile et fracture ouverte de la diaphyse fémorale, traitée par enclouage centro-médullaire, est atteint, d'une part, de séquelles orthopédiques liées à un raccourcissement du membre inférieur gauche avec boiterie mixte de type Trendelenbourg et chute de l'épaule gauche à la marche et, d'autre part, des séquelles neurologiques liées au syndrome subjectif des traumatisés crâniens. 17. Selon l'avis du sapiteur, chirurgien orthopédique, que l'expert s'est approprié, le degré d'invalidité, doit être fixé, s'agissant des infirmités orthopédiques, au taux, au demeurant, non contesté, de 20%. Par ailleurs, si en fixant un taux global de 35% pour l'ensemble des infirmités dont est atteint M. A..., l'expert est réputé avoir implicitement mais nécessairement fixé un taux de 15%, s'agissant des infirmités neurologiques, ce taux doit être porté à 20% s'agissant de ces dernières séquelle, en application des dispositions citées au point 15, et conformément à l'avis de la commission de réforme, dans la mesure où les séquelles en lien avec le traumatisme crânien, incluent, au demeurant, des symptômes neurovasculaires, à savoir des céphalées postérieures, des sensations de vertige avec état nauséeux, ainsi que des troubles liés à une amnésie antérograde. Ainsi, le taux global d'invalidité doit être fixé à 40%. 18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que la décision du 29 août 2016 du ministre des armées refusant de lui accorder une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités dont il est atteint est entachée d'erreur d'appréciation et à en demander l'annulation. Sur la demande de liquidation de la pension et le paiement des rappels des arrérages : 19. Aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages, afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. ". 20. D'une part, M. A... a droit à pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux de 40 % à compter du 20 juillet 2015, date de sa demande. D'autre part, compte tenu du délai entre la date de l'accident de service et la date de sa demande, le 20 juillet 2015, et en application des dispositions précitées l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur, les droits de M. A... au rappel des arrérages de sa pension se limitent, conformément, au demeurant, à sa demande, à la période postérieure au 1er janvier 2012. 21. Il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées d'accorder à M. A... cette pension d'invalidité et le rappel des arrérages, selon les conditions définies au point précédent et dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 22. D'une part, les frais de l'expertise ordonnée, le 14 avril 2017 par le tribunal départemental des pensions du Gard, sont mis à la charge définitive de l'Etat. 23. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mattler renonce à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Mattler de la somme de 1 200 euros. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 16/00017 du 12 octobre 2018 du tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité du Gard est annulé. Article 2 : La décision du 29 août 2016 par laquelle la ministre des armées a refusé d'accorder à M. A... une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités orthopédiques et neurologiques en lien avec l'accident de service subi le 4 septembre 1974 est annulée. Article 3 : M. A... a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 40% au titre des infirmités orthopédiques et neurologiques. Article 4 : L'Etat versera les arrérages d'une pension militaire d'invalidité au taux de 40% à M. A... pour la période postérieure au 1er janvier 2012 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 5 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 avril 2017 sont mis à la charge de l'Etat. Article 6 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Mattler en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants, à M. B... A... et à Me Mattler. Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Bentolila, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL21661 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 04/12/2024, 23DA01484, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie au service, l'arrêté du 25 novembre 2020 le plaçant en disponibilité d'office pour une durée d'un an jusqu'au 16 décembre 2020 inclus, l'arrêté du 25 juin 2021 rejetant de nouveau sa demande de reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service et l'arrêté du 25 juin 2021 renouvelant sa mise en disponibilité d'office à compter du 17 décembre 2020 dans l'attente que le comité médical rende son avis sur sa situation médicale. Par un jugement n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a joint les quatre demandes de M. A..., a annulé les arrêtés des 25 novembre 2020 et 25 juin 2021, a enjoint au maire de la commune d'Orchies de reconnaître, à compter du 13 décembre 2014, l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint, de reconstituer sa carrière et de le placer dans une position statutaire régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et a rejeté le surplus de ses conclusions d'annulation et d'injonction. Par un arrêt n° 22DA00926 et 22DA01859 du 5 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de la commune d'Orchies tendant à l'annulation de ce jugement. Procédure devant la cour : Par un courrier enregistré le 23 août 2022, M. A... a demandé à la présidente de la cour administrative d'appel de prendre les mesures que nécessite l'exécution du jugement du 8 mars 2022 et de procéder à la liquidation de l'astreinte décidée par le tribunal administratif. Par une ordonnance du 26 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de M. A... tendant à l'exécution du jugement n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lille. Par des mémoires, enregistrés le 25 juillet 2023, le 31 août 2023, le 2 mai 2024, le 12 juin 2024, le 15 octobre 2024 et le 28 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Jamais, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de l'assister dans le cadre de l'exécution du jugement du 8 mars 2022 ; 2°) de porter à 2 000 euros par jour de retard le montant de l'astreinte fixée à l'article 2 de ce jugement ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Orchies une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - la commune d'Orchies a reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 17 décembre 2014 alors que le tribunal administratif lui a enjoint de reconnaître cette imputabilité à compter du 13 décembre 2014 ; - elle ne saurait se prévaloir de ce que l'arrêté annulé du 25 novembre 2020 refusait le bénéfice de cette imputabilité à compter du 17 décembre 2014, en l'absence de demande de rectification d'une erreur matérielle adressée au tribunal ; - sa carrière a été imparfaitement reconstituée dès lors, d'une part, qu'aucune cotisation n'a été versée par son employeur à la caisse de retraite depuis la fin de l'année 2019, et, d'autre part, qu'une somme de 87 274,83 euros lui reste due au titre des traitements et indemnités non versés ; - si l'administration a effectivement procédé à la reconstitution de ses droits sociaux, il n'a jamais reçu les documents en faisant mention ; - il a droit au maintien de son régime indemnitaire pendant la période de congé d'invalidité temporaire imputable au service en application des deux délibérations du 21 juin 2013, qui renvoient sur ce point au décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ; - ces deux délibérations ne peuvent pas avoir été abrogées par la délibération du 27 juin 2007, qui leur est antérieure ; - son placement en congé de longue durée jusqu'au 12 juillet 2023, par un arrêté du 20 juin 2023, ne constitue pas une position statutaire régulière. Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 avril 2024, le 27 mai 2024, le 18 juin 2024 et le 24 octobre 2024, la commune d'Orchies, représentée par Me Deregnaucourt, conclut au rejet de la demande d'exécution et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - elle ne peut reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. A... qu'à compter du 17 décembre 2014, date à laquelle l'arrêté annulé du 25 novembre 2020 lui en refusait le bénéfice ; - il appartient à la cour de lever l'ambigüité dont le jugement est entaché sur ce point ; - elle a versé les cotisations à la caisse de retraite pour la période du 13 mars 2019 au 12 juillet 2023, pendant laquelle l'intéressé a été placé en congé de longue durée ; - M. A... ne justifie pas du montant des éléments salariaux dont il prétend avoir été privé, lequel constitue d'ailleurs un litige distinct de celui se rapportant à l'exécution du jugement du 8 mars 2022 ; - les primes dont l'intéressé réclame le paiement ne sont pas dues dès lors qu'il a été remplacé pendant un congé d'invalidité temporaire imputable au service, dans les conditions prévues par le 3° de l'article 1er du décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ; - la délibération du 27 juin 2007 prévoit que les indemnités sont supprimées au-delà de deux semaines de congé sur une année ; - M. A... a omis de solliciter le renouvellement de son congé de longue durée dans lequel il a été placé du 13 mars 2019 au 12 juillet 2023 avec un plein traitement jusqu'au 12 mars 2022 et un demi-traitement du 13 mars 2022 au 12 juillet 2023 ; - au demeurant, le congé de longue durée a été prolongé jusqu'au 13 mars 2024 par un arrêté du 27 novembre 2023. Par une ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2024, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Jamais, représentant M. A..., et de Me Leuliet, représentant la commune d'Orchies. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ingénieur principal territorial, a rejoint les services de la commune d'Orchies le 1er mai 2013, par voie de mutation, pour exercer les fonctions de directeur des services techniques. Après un premier arrêt de travail du 15 septembre au 31 octobre 2014, il a été placé en congé de longue durée à compter du 17 décembre 2014, position qui a été renouvelée sans interruption jusqu'au 16 décembre 2019, en raison d'un " burn-out " et d'un état anxiodépressif réactionnel. Le 23 avril 2019, M. A... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Par deux arrêtés du 25 novembre 2020, le maire de la commune d'Orchies, d'une part, a rejeté sa demande et, d'autre part, l'a placé en disponibilité d'office du 17 décembre 2019 au 16 décembre 2020. M. A... a contesté ces deux arrêtés devant le tribunal administratif de Lille, tout en sollicitant du juge des référés la suspension de l'arrêté du 25 novembre 2020 rejetant sa demande d'imputabilité. Par une ordonnance du 26 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif a prononcé la suspension de l'arrêté du 25 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A... et a enjoint au maire de la commune d'Orchies de réexaminer sa situation. En exécution de cette ordonnance, l'administration a pris, le 25 juin 2021, deux nouveaux arrêtés afin, d'une part, de réitérer sa décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... et, d'autre part, de le maintenir en disponibilité d'office à compter du 17 décembre 2020, " à titre provisoire ", dans l'attente de l'avis du comité médical sur le renouvellement de cette position. L'intéressé a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation de ces deux arrêtés du 25 juin 2021. Par un jugement n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022, le tribunal administratif a joint les demandes de M. A..., a annulé les quatre arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021 et a enjoint à la commune d'Orchies de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint l'intéressé, à compter du 13 décembre 2014, de reconstituer sa carrière et de le placer dans une position statutaire régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. La commune d'Orchies a contesté ce jugement devant la cour administrative d'appel de Douai qui a rejeté son appel par un arrêt n° 22DA00926, 22DA01859 du 5 janvier 2023. Par un courrier enregistré le 23 août 2022, M. A... a demandé à la présidente de la cour de prendre les mesures que nécessite l'exécution du jugement du 8 mars 2022. Par une ordonnance du 26 juillet 2023, la présidente de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de M. A... tendant à l'exécution du jugement. 2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Aux termes de l'article R. 921-2 de ce code : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel (...) ". 3. Il résulte des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code précité d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision. Il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être. 4. En premier lieu, tirant les conséquences de l'annulation de la décision refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de M. A..., la commune d'Orchies a, par un arrêté du 15 février 2023, procédé à cette reconnaissance à compter du 17 décembre 2014. Toutefois, ainsi que le soutient M. A..., le tribunal administratif a enjoint à la commune de reconnaître cette imputabilité au service à compter du 13 décembre 2014. Si la commune fait valoir que l'arrêté annulé du 25 novembre 2020 refusait de reconnaître l'imputabilité à compter du 17 décembre 2014, de sorte que l'annulation de cet arrêté implique seulement d'en accorder le bénéfice à compter de cette date, les mesures d'exécution fixées par le jugement dont l'exécution est demandée ne sont affectées d'aucune obscurité ou ambigüité et il n'appartient pas à la cour, saisie dans le cadre de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de les remettre en cause. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en reconnaissant sa pathologie comme imputable au service à compter du 17 décembre 2014 au lieu du 13 décembre 2014, la commune d'Orchies n'a pas complètement exécuté le jugement du 8 mars 2022. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le requérant a perçu l'intégralité de son traitement et de ses primes du 13 au 17 décembre 2014, de sorte que cette exécution incomplète est sans conséquence sur sa situation financière. 5. En deuxième lieu, M. A... soutient que la commune d'Orchies ne lui a pas versé l'ensemble des traitements et indemnités qui lui sont dus pour la période du 17 décembre 2014 au 12 mars 2019, avant sa consolidation intervenue le 13 mars suivant, et évalue le montant brut de rémunération non versé à la somme de 87 274,83 euros. 6. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". 7. Il résulte de l'instruction que, refusant d'abord de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A..., la commune d'Orchies l'a placé en congé de longue durée à compter du 17 décembre 2014, lui ouvrant ainsi le droit à un plein traitement pendant une durée de trois ans en application des dispositions précitées du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. La commune d'Orchies justifie sur ce point, en produisant notamment les bulletins de paie de M. A..., notamment les deux bulletins de régularisation établis en avril et juillet 2017, que l'intéressé a bénéficié d'un plein traitement au titre de ce congé de longue durée dans lequel il a été initialement placé, du 17 décembre 2014 au 16 décembre 2017. Si l'annulation de la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. A... implique le maintien de ce plein traitement tout au long du congé de maladie résultant de cette pathologie, la commune justifie encore avoir procédé à la régularisation de sa situation sur ce point pour la période du 17 décembre 2017 au 12 mars 2019. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les mesures mises en œuvre par la commune d'Orchies pour régulariser la situation financière de M. A... seraient insuffisantes en ce qui concerne ses droits à traitement. 8. D'autre part, aux termes de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, applicable aux fonctionnaires de l'Etat : " A l'issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu'autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. / Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais ". Aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés, dans sa version applicable au litige : " 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; / 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables (...) ". 9. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent et de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dont les dispositions sont identiques sur ce point à celles de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 applicable aux fonctionnaires territoriaux, que les fonctionnaires de l'Etat placés en congé de longue maladie ou de longue durée n'ont pas droit au maintien des indemnités attachées à l'exercice des fonctions, hors les cas où ce congé résulte d'un accident ou d'une maladie imputables au service, de sorte qu'il est également interdit à une collectivité territoriale d'en prévoir le maintien à ses fonctionnaires placés dans les mêmes situations. En revanche, le bénéfice de ces indemnités est maintenu, dans les conditions définies à l'article 1er du décret du 26 août 2010, aux fonctionnaires de l'Etat placés soit en congé de maladie ordinaire soit en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service. Dans ce second cas, les fonctionnaires bénéficiant du maintien de l'intégralité de leur traitement en vertu des dispositions citées au point 8, ils conservent également le bénéfice intégral de ces régimes indemnitaires, dans le respect, quand ceux-ci prévoient une modulation, des dispositions du 2° du I de l'article 1er du même décret. Par conséquent, il est loisible à l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale, quand elle institue des indemnités attachées à l'exercice des fonctions, de prévoir le maintien du bénéfice de ces régimes aux fonctionnaires placés soit en congé de maladie ordinaire, soit en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service, dans des conditions qui peuvent être aussi favorables que celles prévues à l'article 1er du décret du 26 août 2010. 10. Il résulte de l'instruction que, par deux délibérations du 21 juin 2013, la commune d'Orchies a institué la prime de rendement et de service (PSR) et l'indemnité spécifique de service (ISS) au bénéfice des agents titulaires du grade d'ingénieur principal. M. A..., titulaire de ce grade, s'est ainsi vu accorder le bénéfice de la PSR et de l'ISS à compter du 1er mai 2013, en application des deux délibérations précitées qui renvoient, à leur article 3 sur les modalités de maintien ou de suppression, au décret n° 2010-997 du 26 août 2010. La commune d'Orchies a ainsi entendu maintenir le bénéfice des deux régimes indemnitaires notamment aux fonctionnaires placés en congé à raison d'un accident de service ou d'une maladie imputable au service. Dès lors, le jugement litigieux, qui a enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint le requérant à compter du 13 décembre 2014 et de reconstituer sa carrière en conséquence, implique pour son exécution que M. A... bénéficie de la PSR et de l'ISS pendant sa période de congé imputable au service. La commune d'Orchies ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du 3° du I de l'article 1er du décret précité du 26 août 2010, en application desquelles " les dispositions qui prévoient, pour certains régimes indemnitaires spécifiques rétribuant des sujétions particulières, leur suspension à compter du remplacement de l'agent dans ses fonctions demeurent applicables " dès lors que la PSR et l'ISS ne constituent pas des régimes indemnitaires rétribuant des sujétions particulières. Elle ne saurait pas plus se prévaloir utilement de la délibération du 27 juin 2007 qui prévoit une suppression des indemnités versées au-delà de deux semaines d'arrêt de travail, alors que cette délibération concerne d'autres agents que ceux relevant du grade d'ingénieur principal et précise expressément que la suppression ne s'applique pas en cas d'accident du travail. Il n'est pas sérieusement contesté par M. A..., qui réclame le versement de ses primes et indemnités pour la période du 17 décembre 2014 au 12 mars 2019, que ces éléments de rémunération lui ont été versés pour la période du 13 au 16 décembre 2014. Par ailleurs, la commune d'Orchies n'apporte à l'instance aucun élément laissant supposer une régularisation de la situation financière de M. A... en ce qui concerne son régime indemnitaire à compter du 17 décembre 2024. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui accorder la PSR et l'ISS du 17 décembre 2014 au 12 mars 2019, la commune d'Orchies n'a pas complètement exécuté le jugement du 8 mars 2022. 11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, se prononçant au vu d'un avis du comité médical du 17 mai 2023, la commune d'Orchies a placé M. A... en congé de longue durée à compter du 13 mars 2019, date de sa consolidation, avec le bénéfice d'un plein traitement pendant trois ans et d'un demi-traitement pour deux années supplémentaires. Le requérant allègue que cette position est irrégulière et ne répond pas aux mesures prescrites par le jugement du 8 mars 2022. Toutefois, il ressort de la demande d'allocation temporaire d'invalidité présentée le 13 avril 2023 que, si l'intéressé est toujours en congé de maladie depuis le 13 mars 2019 en dépit de la consolidation des séquelles induites par sa maladie professionnelle, cette incapacité de travail procède d'une autre cause que sa pathologie initiale. Si, dans sa demande d'allocation, M. A... évoque une rechute de sa maladie professionnelle à compter du 1er décembre 2019, soit postérieurement à sa consolidation, le litige susceptible de résulter du refus de reconnaître l'imputabilité au service de cette rechute revêt un caractère distinct au regard du litige tranché par le jugement dont l'intéressé demande l'exécution à la cour. Par suite, il n'est pas établi qu'en plaçant l'intéressé en congé de longue durée à compter du 13 mars 2019, dans des conditions indiquant que cette période de congé n'est pas imputable au service, la commune d'Orchies aurait procédé à une exécution incomplète du jugement du 8 mars 2022. 12. En dernier lieu, M. A... reconnaît, dans le dernier état de ses écritures, que la commune d'Orchies a procédé à la reconstitution de ses droits sociaux, incluant le versement des cotisations dues à la caisse de retraite, au titre de la période pendant laquelle il avait été placé en disponibilité, ainsi qu'il ressort notamment du bulletin de paie régularisant sa situation à compter du 13 mars 2019. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Orchies a seulement manqué à ses obligations en reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... à compter du 17 décembre 2014 au lieu du 13 décembre 2014 et en refusant de lui accorder la PSR et l'ISS pour la période du 17 décembre 2014 au 12 mars 2019. Si le premier manquement est sans conséquence sur la situation financière de l'intéressé, le second manquement justifie de compléter les mesures d'exécution déjà prescrites par le tribunal administratif de Lille en portant de 150 à 500 euros le montant de l'astreinte retenue par les premiers juges si la commune d'Orchies ne procède pas à une exécution complète du jugement litigieux dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune d'Orchies au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la commune d'Orchies, à verser à M. A... en application des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le montant de l'astreinte fixé par le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022 est porté de 150 à 500 euros si la commune d'Orchies ne procède pas à une exécution complète du jugement litigieux dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 2 : La commune d'Orchies versera une somme de 1 500 euros à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus de la demande d'exécution et les conclusions présentées par la commune d'Orchies sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune d'Orchies. Délibéré après l'audience publique du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 décembre 2024. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, par délégation, La greffière, C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01484
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 10/12/2024, 22TL21584, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision du 4 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité liée à une " disjonction acromio-claviculaire gauche (...) " et de réviser ses droits à pension au titre de cette infirmité en la fixant au taux d'invalidité aggravé de 25 % à compter du 18 septembre 2017, date d'enregistrement de sa demande de pension et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement n°2006025 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2022 et le 2 mai 2024, le ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement rendu le 3 mai 2022 ; 2°) de maintenir la décision de la commission de recours de l'invalidité du 3 septembre 2020 ; 3°) de dire et juger que le taux d'invalidité de 15% de l'infirmité liée à la disjonction acromio-claviculaire gauche est maintenu. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; - le tribunal administratif de Toulouse a statué dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir et a donc méconnu son office de juge de plein contentieux ; - c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le vice de procédure tiré d'une information insuffisante dans la mesure où le service instructeur disposait de l'entier dossier de l'intéressé ; - la demande de révision ne pouvait être accueillie dès lors que le rapport d'expertise ne mettait pas en évidence une aggravation fonctionnelle de l'infirmité touchant l'épaule gauche, étant précisé que le taux de 20% n'a jamais été retenu. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Pradal, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au ministre des armées de bien vouloir lui reconnaître un taux d'invalidité de 25% de lui accorder une pension militaire d'invalidité dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il fait valoir que : - l'administration n'établissant pas que les trois comptes rendus des expertises médicales, rendues le 24 février 2010, le 6 mars 2012 et le 14 novembre 2012, sur les demandes antérieures de révision déposées par M. A..., ont bien été examinés, le tribunal administratif a accueilli à bon droit le vice de procédure ; - contrairement à ce qui est allégué, la pathologie de son épaule s'est aggravée et nécessite la fixation d'un taux de pension de 25%. Par une ordonnance du 3 mai 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 30 mai 2024. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Got substituant Me Pradal, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé dans l'armée de terre, le 13 septembre 1965, y a exercé ses fonctions et a obtenu, en dernier lieu, le grade de commandant, avant d'être radié des contrôles, le 1er juin 1982. Par un arrêté ministériel du 22 février 1983, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée, à compter du 1er juin 1982, au titre de l'infirmité " Disjonction acromio-claviculaire gauche. (...) " pensionnée au taux d'invalidité de 15 %, qui a ainsi été reconnue imputable à un accident de service survenu le 11 mars 1968. Les quatre premières demandes de révision de sa pension formées par M. A..., entre 2002 et 2009, ont été rejetées. Par une nouvelle demande, déposée le 18 septembre 2017, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de son infirmité à l'épaule gauche. Par une décision du 4 novembre 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande au motif qu'aucune aggravation n'avait été constatée. L'intéressé a alors formé le recours administratif préalable obligatoire, que la commission de recours de l'invalidité a, par une décision du 3 septembre 2020, rejeté pour le même motif. Par un jugement, rendu le 3 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité et a, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Le ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 3 septembre 2020 de la commission de recours de l'invalidité. Par la voie de l'appel incident, M. A... sollicite l'attribution d'un taux d'invalidité de 25% pour l'infirmité relative à son épaule gauche et la liquidation de sa pension ainsi révisée. Sur la régularité du jugement : 2. D'une part, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Toulouse aurait commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit en retenant que le service instructeur n'avait pas pris connaissance des comptes rendus des expertises médicales portant sur ses trois demandes de révisions antérieures. 3. D'autre part, lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 4. Contrairement à ce que soutient le ministre des armées, le tribunal administratif de Toulouse ne s'est pas borné à annuler la décision du 3 septembre 2020 rejetant la demande de révision de pension présentée par M. A... au motif qu'elle avait été prise au terme d'une procédure irrégulière, en raison de l'absence de transmission de certaines pièces médicales au service instructeur, mais a également relevé, au point 8, que si une telle annulation n'impliquait pas de faire droit à la révision de la pension sollicitée par l'intéressé, elle impliquait nécessairement que la ministre des armées réexaminât cette demande. Il a donc, en tout état de cause, statué sur le droit à révision pour l'écarter, le dispositif du jugement, après avoir annulé la décision en litige, faisant état d'un rejet du surplus de la demande. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu son office de juge de plein contentieux ne peut qu'être écarté. Sur l'appel principal : En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal : 5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé sa décision prise sur le recours, qui se substitue à la décision contestée. Cette notification est effectuée par tout moyen lui conférant date certaine de réception. L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission (...) ". 6. Il résulte de ces dispositions que les décisions prises par la commission de recours d'invalidité sur le recours administratif préalable obligatoire se substituent aux décisions initiales et sont seules susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. Cette substitution ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient invoqués à leur encontre des moyens tirés de la méconnaissance de règles de procédure applicables aux décisions initiales qui, ne constituant pas uniquement des vices propres à ces décisions, sont susceptibles d'affecter la régularité des décisions soumises au juge. 7. En deuxième lieu, l'examen d'une demande de révision pour aggravation d'une infirmité pensionnée présentée en application de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre nécessite que l'administration compare le taux d'invalidité de l'infirmité auquel la pension a été concédée au demandeur avec celui prévalant à la date de la demande de révision de cette pension. 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 151-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent livre sont communiqués sur leur demande aux services administratifs chargés de l'instruction des demandes de pension, de la liquidation et de la concession des pensions, dans des conditions de confidentialité et de respect du secret médical définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Selon l'article R. 151-4 du même code : " Dès réception de la demande émanant de l'ancien militaire, le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre réclame au corps ou service auquel a appartenu en dernier lieu le postulant, les états de ses services et tous les documents concernant les blessures, infirmités ou maladies qui motivent la demande de pension. / Ce service peut, en outre, correspondre avec les autorités civiles ou militaires en vue d'obtenir tous renseignements utiles à l'instruction de l'affaire. ". 10. M. A... invoquant l'irrégularité de procédure issue de ce que l'administration aurait omis de verser des pièces médicales à son dossier requises pour l'examen de sa demande de révision, et notamment les conclusions des expertises médicales rendues en 2010 et 2012 sur ses trois demandes antérieures de révision de pension, le tribunal administratif de Toulouse a adressé, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, au ministre des armées, une mesure d'instruction visant à obtenir l'inventaire des pièces figurant au dossier médical de M. A.... En réponse à cette mesure, l'administration n'a ni établi ni même allégué que ces conclusions des trois dernières expertises médicales y figuraient. Or, dans le cadre de la comparaison du taux d'invalidité de l'infirmité pensionnée avec le taux d'invalidité de cette infirmité constatée à la date de la demande de révision, rappelée au point 7, ces documents médicaux sont susceptibles d'éclairer le service instructeur sur l'évolution de l'infirmité en cause et donc nécessaires à l'examen de la demande de sorte que M. A... était fondé à soutenir qu'en l'absence de preuve de leur versement au dossier, il a été privé de la garantie d'un examen éclairé de sa situation médicale et de l'évolution de l'infirmité touchant son épaule gauche. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas davantage établi que la commission de recours de l'invalidité aurait statué en ayant eu connaissance de l'ensemble de ces documents médicaux, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a accueilli le vice de procédure ainsi soulevé. 11. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité. Sur l'appel incident : 12. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en vigueur à la date de la demande de l'intéressé : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités se trouve augmenté d'au moins dix points. 13. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise, réalisée, à la suite de la demande de révision déposée, le 18 septembre 2017, et remise, le 19 juillet 2019, comme de l'avis du médecin conseil de la sous-direction des pensions, qui a relevé une stabilité des impotences fonctionnelles de l'épaule gauche, que l'intéressé présente une abduction à 90% et une flexion à 80%, une légère raideur à la rotation latérale et à la flexion-extension justifiant un taux d'invalidité de 15%, l'examen comparatif de cette expertise et de celles réalisées le 29 mars 1975 et le 14 novembre 2012, laquelle retenait un taux d'invalidité relatif à cette infirmité de 20%, n'ayant révélé aucune aggravation fonctionnelle significative des séquelles liées à l'infirmité pensionnée. Dans ces conditions, et en l'absence d'une telle aggravation, les demandes de fixation d'un taux d'invalidité à 25% et de révision de pension ne sauraient être accueillies. 14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A..., par la voie de l'appel incident, doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 15. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pradal renonce à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Pradal de la somme de 1 200 euros en application de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées et les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par M. A... sont rejetés. Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Pradal en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants, à M. B... A... et à Me Rudy Pradal. Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL21584 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 06/12/2024, 22MA02423, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la rechute déclarée le 11 mai 2018 de précédents accidents de service survenus le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015 et d'enjoindre à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de reconnaître l'imputabilité de cette rechute, de lui verser les salaires retenus, de lui rembourser les frais subis et de revoir le taux de son incapacité permanente partielle. Par un jugement n° 2101582 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 17 janvier 2019 du président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et enjoint à cet établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. C... et ayant nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2022 et le 17 avril 2023, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Kaczmarczyk, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 2101582 du 4 juillet 2022 ; 2°) d'ordonner à M. C... de produire les conclusions d'expertise du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 ainsi que toutes pièces, rapports ou éléments médicaux ayant trait à son état de santé et spécialement à une pathologie affectant son genou, permettant d'éclairer la juridiction sur l'existence d'un état antérieur ; 3°) de rejeter la requête de M. C... ; 4°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en tant qu'il n'est pas revêtu de la signature des magistrats qui l'ont rendu ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application du 2e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et en ne statuant pas sur la question d'une rechute d'un accident imputable au service mais sur celle d'une maladie professionnelle ; - les premiers juges ont retenu un moyen non soulevé par les parties, qui n'a pas été débattu, relatif à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une pathologie et non seulement d'une rechute ; - les premiers juges ne pouvaient estimer ne pas connaître la cause exclusive de l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017 à savoir l'état intrinsèque à l'agent ; - les premiers juges ont inversé la charge de la preuve dès lors qu'il n'appartenait qu'à M. C... de démontrer le lien entre son état antérieur et le service ; - il aurait été utile que M. C... produise les conclusions d'expertises du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 dans leur intégralité. Par des mémoires, enregistrés le 3 novembre 2022 et le 15 mars 2023, M. C..., représenté par la SELARL Lextone avocats, agissant par Me Bertelle, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la minute du jugement attaqué comporte bien les signatures des magistrats, conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - les dispositions du 2e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dont les premiers juges ont fait application sont celles applicables dans le présent litige ; - sa déclaration de rechute n'était pas tardive ; - le tribunal administratif n'a pas commis de dénaturation des pièces ni d'erreur d'appréciation ; - sa rechute est imputable au service. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - et les observations de Me Bertelle, représentant M. C.... Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 22 novembre 2024. Considérant ce qui suit : 1. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur interjette appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 17 janvier 2019 par laquelle le président de la collectivité a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la rechute déclarée le 11 mai 2018 de précédents accidents de service dont M. C... a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. C... et ayant nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " 3. Il ressort du dossier de première instance communiqué à la cour par le greffe du tribunal administratif de Toulon que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté comme manquant en fait. 4. En jugeant que la pathologie du genou gauche de M. C..., qui a nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, était imputable aux accidents dont ce dernier a été victime, dont celui, reconnu imputable au service, du 12 avril 2013, le tribunal administratif, qui a répondu à l'argumentation qui lui était soumise par les parties, n'a pas relevé d'office un moyen et s'est borné à exercer son office. Sur la demande de la région PACA tendant à ce qu'il soit ordonné à M. C... de produire certaines pièces : 5. Il n'appartient pas au juge administratif d'enjoindre à une personne privée de communiquer des documents médicaux dont elle n'a pas entendu se prévaloir à l'instance. Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à ce titre doivent dès lors être rejetées. Sur le bienfondé du jugement : 6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été victime le 12 avril 2013, alors qu'il était employé par la commune de Jouques, d'un accident au genou gauche dont l'imputabilité au service a été reconnue par arrêté du maire de cette commune du 23 novembre 2015, puis d'un nouvel accident au genou gauche, le 20 mai 2015, alors qu'il avait rejoint les effectifs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont l'imputabilité au service a été reconnue par arrêté du président de cet établissement du 8 décembre 2017. Le 11 mai 2018, M. C... a transmis aux services de la région une demande de prise en charge d'une rechute de son état imputable au service à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée le 20 octobre 2017. Dans ces conditions, la situation de M. C... doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, et non celles énoncées aux II et IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui ne sont pas applicables aux situations constituées avant l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale pris pour son application. 8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a subi une intervention chirurgicale le 20 octobre 2017, programmée au mois de septembre précédent, réalisée au sein de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon, et consistant en une ostéotomie tibiale gauche de valgisation. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette intervention chirurgicale et de ses suites, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a retenu l'absence de lien direct et certain entre ces dernières et l'activité professionnelle, suivant ainsi l'avis émis par la commission de réforme le 18 octobre 2018. Par cet avis, la commission de réforme a retenu que la rechute déclarée par M. C... était une aggravation " due uniquement à l'existence d'un état pathologique antérieur " en se fondant sur le rapport d'expertise établi par le Dr F..., médecin agréé, en date du 21 juin 2018 qui conclut à l'absence de justification d'une imputabilité au service de la rechute déclarée par M. C... en estimant que les critères n'en sont pas réunis et qu'il existe un état antérieur. Les certificats médicaux et comptes-rendus d'examens médicaux produits par M. C... et réalisés après l'accident de service du 20 mai 2015, et notamment le certificat établi par le Dr E..., médecin rhumatologue, le 16 juin 2015, et celui établi par le Dr B... le 18 janvier 2017, le compte-rendu d'hospitalisation de M. C... du 20 décembre 2017, le certificat établi le 27 juin 2018 par le Dr D..., chirurgien orthopédiste de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon, et le certificat établi par le Dr E... le 23 novembre 2018, montrent que M. C... était atteint d'un genu varum aux deux membres inférieurs, de 6e au membre gauche, favorisant l'usure de ses articulations des genoux et qu'il présentait une gonarthrose interne du genou gauche et des douleurs associées qui se sont aggravées en raison des deux accidents reconnus imputables au service dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015. 10. Dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer si l'état de santé de M. C... qui a justifié l'intervention chirurgicale dont il a bénéficié le 20 octobre 2017 présente un lien direct avec les deux accidents de services dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur d'ordonner une expertise sur ce point dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt et de réserver jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt. D É C I D E : Article 1er : Les conclusions de requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur tendant à ce que la cour ordonne à M. C... de produire les conclusions d'expertise du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 ainsi que toutes pièces, rapports ou éléments médicaux ayant trait à son état de santé sont rejetées. Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, procédé par un expert, désigné par le président de la cour, à une expertise au contradictoire de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de M. C..., avec mission de : 1°) de prendre connaissance des pièces du dossier médical de M. C..., des pièces qui ont été soumises à la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale du Var ainsi que des différentes expertises déjà réalisées ; 2°) d'examiner l'intéressé ; 3°) de décrire son état ; 4°) de fournir à la cour tous éléments permettant de déterminer si l'intervention chirurgicale dont M. C... a bénéficié le 20 octobre 2017 présente un lien direct avec les accidents de service dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015. Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant. Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à M. A... C.... Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme C. Fedi, présidente de chambre, - Mme L. Rigaud, présidente assesseure, - M. N. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024. 2 N° 22MA02423
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Marseille