Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/12/2024, 23NT03190, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et a refusé de prendre en charge à ce titre les arrêts de travail prescrits à compter du 5 juillet 2019, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n°2005206 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2023 et le 7 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Deniau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et a refusé de prendre en charge à ce titre les arrêts de travail prescrits à compter du 5 juillet 2019, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux contre cette décision ; 3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nantes de prendre une nouvelle décision tendant à voir reconnaître comme imputable au service sa maladie et ses arrêts de travail, à titre principal, à compter du 15 mars 2019 ou, à titre subsidiaire, à compter du 5 juillet 2019, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée n'est pas motivée en droit et en fait ; - c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle : * il démontre l'existence de circonstances particulières, dans l'exercice de ses fonctions de directeur d'école, ayant conduit à sa pathologie ; * ses fonctions induisent par elles-mêmes des risques psychosociaux, pouvant aboutir au déclenchement d'une maladie professionnelle ; * l'intégration de la commune de ... au sein de la commune nouvelle de ... a engendré des conséquences sur l'organisation des liaisons entre l'école et la collectivité : une complexification des procédures, un éloignement des prises de décision, ainsi qu'une perte de sens ; * ce contexte professionnel compliqué a été aggravé par l'annonce faite de l'accueil d'un élève au comportement difficile ; * l'ensemble des éléments médicaux produits écartent l'existence d'antécédents médicaux et reconnaissent le lien direct et certain de sa pathologie avec l'exercice de ses fonctions ; * le seul courrier du 11 septembre 2019 de l'inspectrice de l'éducation nationale ne saurait, à lui seul, démontrer l'absence de circonstances particulières ayant conduit à sa maladie. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le recteur de l'académie de Nantes conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique, - et les observations de Me Deniau pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., professeur des écoles à l'école primaire de ..., exerçant également les fonctions de directeur de cette école, a été placé, à compter du 15 mars 2019 en congé de maladie sur la base d'un certificat d'arrêt de travail mentionnant une cervicalgie et un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Les arrêts de travail ayant été prolongés, M. A... a demandé la reconnaissance de ces arrêts au titre de la maladie professionnelle en adressant à son administration un certificat médical en date du 5 juillet 2019. Après consultation de la commission de réforme, réunie le 10 décembre 2019, le recteur de l'académie de Nantes a rejeté sa demande par une décision du 16 décembre 2019. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 26 octobre 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, il convient de rejeter par adoption des motifs relevés à bon droit par le tribunal le moyen selon lequel la décision du 16 décembre 2019 serait insuffisamment motivée en droit et en fait. 3. En second lieu et d'une part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau (...). Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 47-8 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale : " Le taux d'incapacité mentionné au quatrième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ". 5. En l'espèce, le syndrome anxio-dépressif réactionnel à l'origine des arrêts de travail prescrits à M. A... n'est pas mentionné par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L.461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Par suite, pour être reconnu imputable au service, il doit être susceptible d'entraîner un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) d'au moins 25% et présenter un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Il ressort des pièces du dossier que le psychiatre agréé ayant examiné M. A... pour éclairer la commission de réforme a, après avoir relevé que le requérant ne présentait pas de pathologie antérieure, émis un avis favorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle, en qualifiant sa maladie de dépression d'une intensité moyenne à sévère, susceptible d'entraîner un taux d'IPP de 25%. Il a également estimé que le lien entre cette pathologie et la souffrance ressentie au travail était clair, direct et explicite, la symptomatologie s'étant installée dans les suites d'une modification des conditions de travail vécue difficilement par le requérant. La commission de réforme, consultée le 10 décembre 2019, a émis à son tour un avis favorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle de l'intéressé. Le rapport écrit du médecin de prévention évoque quant à lui " un syndrome dépressif avec découragement, lassitude, et souffrance ". 7. Toutefois, les éléments évoqués par M. A... concernant la dégradation progressive des conditions dans lesquelles il a dû exercer ses fonctions de directeur d'école ne sont pas suffisamment caractérisés pour établir un lien direct et certain entre sa pathologie et l'exercice de ses fonctions. Ainsi, le requérant, qui évoque l'accroissement du temps consacré aux tâches administratives, la modification des procédures ayant résulté de la création de la commune nouvelle de ..., et l'inquiétude particulière qu'il a ressentie à la perspective de devoir accueillir un élève perturbateur, ne sauraient caractériser une surcharge effective de travail pouvant induire un syndrome anxio-dépressif réactionnel, bien que le requérant ne bénéficie d'aucune décharge de service liée à la taille de l'école, composée de trois classes. Le rapport du 11 septembre 2019 de l'inspectrice de l'éducation nationale chargée de la circonscription de ... mentionne notamment que le contexte d'exercice de l'année scolaire 2018-2019 ne présentait pas de difficulté particulière, et que, si l'intégration de la commune de ... dans la commune nouvelle de ... a entrainé des modifications dans l'organisation des liaisons entre école et collectivité territoriale, la charge administrative incombant à M. A... est celle de tout directeur d'école. Si M. A... produit des témoignages de collègues évoquant les difficultés des fonctions de direction et la complexité supplémentaire induite par la création de la commune nouvelle, ils ne sauraient, par eux-mêmes, mettre en évidence des conditions de travail susceptibles d'induire un lien direct entre la pathologie de M. A... et ses conditions de travail. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. Le rejet des conclusions à fin d'annulation de la requête n'impliquant aucune mesure d'exécution, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A.... Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant sur le fondement de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'éducation nationale. Une copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Nantes. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024. Le rapporteur, F. PONS Le Président, O. GASPON La greffière I. PETTON La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT03190
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/12/2024, 24NT00173, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 novembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif formé contre la décision du ministre des armées en tant que cette décision refuse l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre d'une hypoacousie bilatérale et d'acouphènes bilatéraux permanents et, subsidiairement, de prescrire une expertise médicale. Par un jugement n° 2200167 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Letertre, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 décembre 2023 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 24 novembre 2021 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les taux d'infirmité retenus au titre de l'hypoacousie bilatérale, d'une part et des acouphènes bilatéraux permanents, d'autre part, sont sous sous-évalués ; - les troubles auditifs dont il souffre résultent de l'accident de plongée qu'il a subi le 24 novembre 2014 ; - ces troubles sont évolutifs de sorte qu'il convient de procéder à une nouvelle évaluation de sa perte auditive. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bougrine, - et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., officier-marinier rayé des contrôles le 1er août 2016, a sollicité le 24 mai 2019 une pension militaire d'invalidité en se prévalant de " lésions lombaires et ORL " dont il attribue l'origine à des blessures reçues à l'occasion du service. Par un arrêté du 19 avril 2021, M. A... s'est vu reconnaître un droit à pension au titre de l'infirmité résultant de séquelles de hernie discale imputables à un accident de service survenu le 30 janvier 2012. Par une décision du 27 avril 2021, le ministre des armées a, en revanche, rejeté sa demande de pension au titre des infirmités résultant, d'une part, d'hypoacousie bilatérale et, d'autre part, d'acouphènes bilatéraux permanents. M. A... a saisi la commission de recours de l'invalidité d'un recours administratif dirigé contre cette décision ministérielle en tant qu'elle refuse l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de ces deux infirmités. Par une décision du 24 novembre 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / (...) ". 3. D'autre part, le second alinéa de l'article L. 121-4 du même code dispose : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". 4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 5. Enfin, en vertu de l'article L. 125-1 du même code, le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. Par ailleurs, il convient d'apprécier le degré d'invalidité à la date de la demande de pension sans tenir compte d'une éventuelle aggravation survenue après cette date. En ce qui concerne les droits à pension au titre de l'hypoacousie bilatérale : 6. Il résulte de l'expertise médicale menée le 25 janvier 2021 dans le cadre de l'instruction de la demande de pension de M. A..., à l'occasion de laquelle un bilan audiométrique a été réalisé, que la perte d'acuité auditive observée chez l'intéressé s'élève à 36,25 décibels à droite et à 31,25 décibels à gauche. Selon le tableau à double entrée figurant dans le guide barème des invalidités, ces diminutions d'acuité auditive correspondent à un taux d'invalidité de 5 %. Tant le médecin conseil expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 16 février 2021 que la commission consultative médicale, dans son avis du 26 mars 2021, ont estimé que la gêne fonctionnelle subie par M. A... en raison de son hypoacousie bilatérale devait être évaluée à 5 %. Si le requérant fait valoir qu'il a dû s'équiper d'un appareillage et qu'un oto-rhino-laryngologue a certifié, à l'issue d'une consultation réalisée le 11 mai 2018, que l'audiogramme alors mené mettait en évidence une " surdité moyenne de perception bilatérale sur les fréquences aigües ", ces considérations ne suffisent pas à démontrer que les troubles fonctionnels générés par l'infirmité considérée traduisaient, à la date de la demande de pension, une invalidité supérieure au taux préconisé par le guide-barème. Dans ces conditions, le taux d'invalidité concernant l'hypoacousie bilatérale dont souffre M. A... doit être fixée à 5 %. Ce taux étant inférieur au seuil minimal requis par les dispositions, citées au point 3, de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. A... n'a pas droit à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité à raison de l'hypoacousie bilatérale. En ce qui concerne les droits à pension au titre des acouphènes bilatéraux permanents : 7. En premier lieu, selon les indications du guide-barème, " les traumatismes de l'oreille moyenne, les acouphènes ne sont jamais durables ; leur intensité est modérée. La guérison rapide est la règle. / Au contraire, dans l'otite chronique moyenne sèche, dans l'otospongiose et, surtout dans les labyrinthites ou neurolabyrinthites, les bourdonnements peuvent durer plusieurs années avec une intensité plus ou moins constante. / Ceux-là seuls méritent d'être l'objet d'une indemnisation qui, suivant leur gravité (durée, intensité, retentissement sur l'état général, moral et psychique), variera de [entre] 10 à 30 ". Le médecin-expert a relevé, à l'issue de l'examen du 25 janvier 2021, que l'intéressé décrivait des " acouphènes bilatéraux permanents à type de sifflement très bien tolérés, sans répercussion sur le sommeil ". Il a estimé que l'invalidité en résultant devait être évaluée à 10 %. Ce même taux a été retenu par le médecin conseil expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 16 février 2021 et par la commission consultative médicale, dans son avis du 26 mars 2021. Aucun élément versé à l'instruction ne vient étayer les allégations de M. A... selon lesquelles il ne correspondrait pas à son degré d'invalidité. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le taux d'invalidité concernant les acouphènes à 10 %. 8. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... appartenait au corps des officiers mariniers de maintenance et exerçait les fonctions de plongeur-démineur. Le 24 novembre 2014, lors d'une plongée effectuée à l'occasion du service, il a subi un barotraumatisme de l'oreille moyenne gauche dont a résulté une otite. Il résulte tant de l'expertise médicale du 25 janvier 2021 que du certificat du médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie de l'hôpital d'instruction des armées de Toulon du 21 avril 2016 que ce barotraumatisme " aurait bien récupéré sous traitement ". M. A... s'est plaint d'acouphènes bilatéraux, pour la première fois, au printemps 2016. Aucun élément de l'instruction ne permet de rattacher l'apparition de ces acouphènes au barotraumatisme survenu le 24 novembre 2014. A l'inverse, le médecin-conseil et la commission consultative médicale relient cette infirmité aux activités régulières de plongées et aux travaux confiés à M. A..., du fait de sa spécialité, dans des milieux où la pression est supérieure à la pression atmosphérique. Dans les circonstances de l'espèce, l'infirmité de M. A... doit ainsi être regardée comme résultant d'une maladie et non d'une blessure au sens des dispositions, citées au point 4, de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Conformément à ces mêmes dispositions, cette infirmité n'ouvre pas, faute d'atteindre le taux d'invalidité de 30 %, droit à pension. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin, eu égard aux motifs énoncés aux points 6 et 8, d'ordonner une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024. La rapporteure, K. BOUGRINELe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 24NT00173
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 9ème chambre, 18/12/2024, 491847, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 3 janvier 2023 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Bretagne lui a refusé le bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite (ITR). Par un jugement n° 2300336 du 21 décembre 2023, ce tribunal a fait droit à sa demande. Par un pourvoi, enregistré le 16 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ; - l'arrêté du 16 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... exerçait les fonctions de magistrat au tribunal judiciaire de Saint-Pierre à La Réunion depuis le 1er septembre 2016, lorsqu'il a été admis à la retraite à compter du 1er janvier 2023. Par décision du 3 janvier 2023, le directeur régional des finances publiques de Bretagne a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite. Par un jugement du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre ce jugement. 2. D'une part, aux termes du I de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " I. - L'indemnité temporaire accordée aux fonctionnaires pensionnés relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite majore le montant en principal de la pension d'un pourcentage fixé par décret selon la collectivité dans laquelle ils résident. / L'indemnité temporaire est accordée aux pensionnés qui justifient d'une résidence effective dans les collectivités suivantes : La Réunion (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'indemnité temporaire de retraite constitue un accessoire de la pension de retraite. 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 312-13 du code de justice administrative : " Les litiges relatifs aux pensions des agents des collectivités locales relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège de la personne publique dont l'agent intéressé relevait au moment de sa mise à la retraite. / Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le domicile du demandeur lors de l'introduction de sa requête. / Pour les autres pensions dont le contentieux relève de la juridiction des tribunaux administratifs, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d'assignation du paiement de la pension ou, à défaut, soit qu'il n'y ait pas de lieu d'assignation, soit que la décision attaquée comporte refus de pension, la résidence du demandeur lors de l'introduction de sa réclamation ". 4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que le tribunal compétent pour statuer sur un litige relatif à un refus d'accorder au fonctionnaire pensionné relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite l'indemnité temporaire qui en majore le montant dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 2, qui n'a pas le caractère d'un refus de pension, est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d'assignation du paiement de la pension. Il ressort des pièces du dossier que le comptable assignataire de la pension de M. B... a son siège dans le ressort du tribunal administratif de Rennes. Par suite, en statuant sur la demande de M. B..., le tribunal administratif de La Réunion a méconnu sa compétence territoriale. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de La Réunion est annulé. Article 2 : Le jugement de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2023 du directeur général des finances publiques de Bretagne est attribué au tribunal administratif de Rennes. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics et à M. A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 18 décembre 2024. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi La rapporteure : Signé : Mme Agathe Lieffroy Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2024:491847.20241218
Conseil d'Etat
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 22/11/2024, 22VE02066, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Châteauneuf-sur-Loire du 23 mars 2020 portant refus d'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n° 2001802 du 21 juin 2022, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté et a enjoint à la commune de Châteauneuf-sur-Loire de saisir le conseil médical afin qu'il se prononce sur le taux d'incapacité permanente de M. B... conformément à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par une ordonnance n° 2001802 du 30 juin 2022, le président du tribunal administratif d'Orléans a rectifié l'erreur matérielle entachant ce jugement et a décidé que le point 10 de ce jugement était remplacé par " Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ". Procédure devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 21 août 2022, sous le n° 22VE02066, M. B..., représenté par Me Cochereau, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'octroi d'une somme au titre des frais irrépétibles ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en appel. Il soutient que : - l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle est revenue sur l'appréciation portée par la formation collégiale sur les frais irrépétibles ; le président a outrepassé les pouvoirs qu'il tire de l'article R. 833-1 du code de justice administrative ; - l'équité commandait de lui accorder le versement d'une somme au titre des frais irrépétibles. II. Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 23 août 2022 et le 24 juin 2024, sous le n° 22VE02099, la commune de Châteauneuf-sur-Loire, représentée par Me Rainaud, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la charge de travail de M. B... n'était pas anormale ; - il n'a pas fait l'objet d'un déclassement professionnel ; - il n'a pas fait l'objet de brimades et d'agressivité verbale de la part de son employeur ; - il n'est pas fondé à invoquer l'absence de réactions à des alertes qui ne sont pas établies ; - l'injonction prononcée par le tribunal administratif doit être annulée par voie de conséquence ; - la maire ne pouvait reconnaître le caractère professionnel de la maladie en l'absence de taux d'incapacité permanente partielle retenu par la commission de réforme. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2024, M. B..., représenté par Me Cochereau, avocate, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la commune de Châteauneuf-sur-Loire ; 2°) d'enjoindre à la commune de Châteauneuf-sur-Loire de prendre une décision définitive quant à l'imputabilité au service de sa maladie dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, la requête de la commune de Châteauneuf-sur-Loire se borne à critiquer l'existence d'un lien direct entre sa maladie et l'exercice de ses fonctions alors que le jugement attaqué annule l'arrêté de refus en raison de l'absence de fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle ; ce moyen est inopérant et la requête est irrecevable ; - à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés. III. Par une lettre, enregistrée le 11 avril 2023, M. B..., représenté par Me Cochereau, avocate, a demandé à la cour de prendre les mesures nécessaires à l'exécution du jugement rectifié n° 2001802 du tribunal administratif d'Orléans du 21 juin 2022 et : 1°) d'enjoindre à la commune de Châteauneuf-sur-Loire de saisir, dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, un expert psychiatre afin de définir son taux d'incapacité permanente partielle, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 2°) d'enjoindre à la commune de Châteauneuf-sur-Loire de lui communiquer le compte rendu d'expertise, ainsi qu'au conseil médical, dans un délai de 8 jours à compter de sa rédaction, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) d'enjoindre à la commune de Châteauneuf-sur-Loire de se prononcer de nouveau sur l'imputabilité au service de sa maladie, dans un délai de 8 jours à compter de l'avis du conseil médical, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que si la commune a saisi le conseil médical le 8 juillet 2022, celui-ci ne dispose pas d'un dossier complet comportant une expertise médicale par un médecin agréé concernant son taux d'incapacité permanente partielle. Par une ordonnance du 22 décembre 2023, le président de la cour a procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, enregistrée sous le n° 23VE02792, en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution du jugement rectifié n° 2001802 du tribunal administratif d'Orléans du 21 juin 2022. Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 31 janvier 2024 et 2 mai 2024, la commune de Châteauneuf-sur-Loire, représentée par Me Tissier-Lotz, avocate, demande à la cour de : 1°) rejeter la requête de M. B... ; 2°) mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'après expertise médicale le 26 avril 2023, le conseil médical a fixé le taux d'incapacité permanente partielle à 50 % ; une contre-expertise du 10 octobre 2023 a fixé ce taux à 40 % ; par un arrêté du 19 juin 2023, M. B... a été placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire à compter du 3 juin 2019 ; elle a versé rétroactivement son plein traitement à M. B... ; le caractère provisoire du congé ne relève pas de l'office du juge de l'exécution. Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2024, M. B..., représenté par Me Cochereau, avocate, demande à la cour : 1°) d'enjoindre à la commune de Châteauneuf-sur-Loire de se prononcer de nouveau sur l'imputabilité au service de sa pathologie dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la commune n'a pas statué définitivement sur sa situation ; elle refuse d'exécuter le jugement ; les conditions de placement en congé pour invalidité imputable au service provisoire ne sont pas remplies ; la commune ne fait valoir aucun obstacle à l'exécution du jugement. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - les observations de Me Lemoine pour M. B... et celles de Me Hallé pour la commune de Châteauneuf-sur-Loire. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., éducateur territorial des activités physiques et sportives employé depuis 2001 en qualité de directeur du service des sports et de la vie associative de la commune de Châteauneuf-sur-Loire, relève appel, sous le n° 22VE02066, du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 juin 2022 rectifié par une ordonnance du président du tribunal du 30 juin 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Sous le n° 22VE02099, la commune de Châteauneuf-sur-Loire relève appel de ce même jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du maire de cette commune du 23 mars 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... Enfin, ce dernier a demandé à la cour, sous le n° 23VE02792, de prendre les mesures propres à assurer l'exécution de ce jugement. Ces appels et cette demande d'exécution concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même arrêt. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : " Lorsque le président du tribunal administratif (...) constate que la minute d'une décision est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle non susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties, les corrections que la raison commande. / La notification de l'ordonnance rectificative rouvre, le cas échéant, le délai d'appel ou de recours en cassation contre la décision ainsi corrigée. / Lorsqu'une partie signale au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel l'existence d'une erreur ou d'une omission matérielle entachant une décision, et lui demande d'user des pouvoirs définis au premier alinéa, cette demande est, sauf dans le cas mentionné au deuxième alinéa, sans influence sur le cours du délai d'appel ou de recours en cassation ouvert contre cette décision ". 3. Le jugement en litige a fait droit, ainsi qu'il a été dit, aux conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Châteauneuf-sur-Loire du 23 mars 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont il est atteint. Le point 10 de ce jugement disposait initialement que " il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ". La mise à la charge de la commune de cette somme ne figurait cependant pas dans le dispositif de ce jugement. M. B... ayant demandé la rectification de cette erreur matérielle, le président du tribunal administratif, par une ordonnance du 30 juin 2022, a rectifié cette erreur, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 741-11 du code de justice administrative, en remplaçant le point 10 de ce jugement par " il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ". Toutefois, en inversant ainsi le sens de ce jugement, l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle ne peut être regardée comme y ayant apporté la correction que la raison commandait. Par suite, le jugement attaqué, rectifié par l'ordonnance du 30 juin 2022, est irrégulier en tant qu'il se prononce sur les frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il doit être annulé dans cette mesure. 4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions de M. B... au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens, par la voie de l'évocation et de statuer sur la légalité de l'arrêté du 23 mars 2020 par l'effet dévolutif de l'appel. Sur les conclusions à fin d'annulation : 5. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires alors en vigueur : " Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 37-8 du décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux dans sa rédaction alors applicable : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". Ce taux d'incapacité est fixé à 25 % par l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. 6. Il ressort des mentions de l'arrêté du 23 mars 2020 en litige que, pour rejeter la demande de M. B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, le maire de la commune de Châteauneuf-sur-Loire s'est fondé principalement sur la circonstance que " la commission de réforme a estimé que la pathologie de M. B... n'était pas de nature à entraîner un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 % " de sorte que cette pathologie " ne saurait être regardée comme ayant été contractée en service, faute d'atteindre le taux d'incapacité permanente réglementairement requis ". 7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'avis de la commission de réforme du 4 mars 2020 ne se prononce pas sur le taux d'incapacité permanente partielle de M. B..., de même, d'ailleurs, que le rapport d'expertise du médecin psychiatre du 6 février 2020. Ainsi, l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait. 8. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 10. Il ressort des mentions de l'arrêté du 23 mars 2020 en litige que, pour rejeter la demande de M. B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, le maire de la commune de Châteauneuf-sur-Loire du 23 mars 2020 s'est également fondé sur la circonstance " qu'au surplus, M. B... ne démontre pas que la pathologie déclarée est essentiellement et directement causée par les conditions d'exercice de ses fonctions, en l'absence d'éléments propres à établir un contexte professionnel pathogène, se manifestant par un exercice anormal du pouvoir hiérarchique de nature à expliquer la souffrance psychique alléguée ". 11. Toutefois, M. B..., qui a été placé en congé de longue maladie à compter du 3 juin 2019, a notamment produit un certificat médical établi par un médecin psychiatre le 3 septembre 2019 faisant état d'un syndrome anxiodépressif caractérisé d'intensité sévère en lien avec des difficultés professionnelles ainsi qu'un certificat établi par son médecin généraliste le 27 août 2019 indiquant qu'il fait l'objet d'un suivi depuis mai 2018 pour décompensation anxiodépressive dans un contexte d'épuisement professionnel. Le rapport d'expertise du médecin psychiatre agréé du 6 février 2020 confirme l'existence d'un lien direct entre la maladie de M. B... et son travail. Lors de sa séance du 4 mars 2020, la commission de réforme départementale des agents territoriaux a émis un avis favorable à l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par M. B.... Un rapport d'un médecin psychiatre établi le 29 avril 2022 à la demande du comité médical départemental fait état d'un " épisode dépressif majeur, évoluant depuis mai 2019, et réactionnel à des difficultés professionnelles ". Le lien entre la maladie et le service est également confirmée par un autre rapport d'expertise établi par un médecin psychiatre missionné par la commune de Châteauneuf-sur-Loire le 30 août 2023. Ces rapports mentionnent l'absence d'antécédents médicaux notables. Il n'est pas établi ni même allégué qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduirait à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. En revanche, le compte rendu d'entretien professionnel de M. B... établi le 23 janvier 2019 fait notamment état d'une augmentation des tâches et missions traitées par le service, d'un temps insuffisant pour se rendre sur le terrain ou d'une période de trois mois très compliquée avant l'arrivée d'une nouvelle collaboratrice, l'appréciation générale du supérieur hiérarchique confirmant d'ailleurs que M. B... a été seul dans son service pendant quelques mois. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, ce dernier est fondé à soutenir que la maladie qu'il a déclarée est en lien direct avec ses conditions de travail au sein de la commune de Châteauneuf-sur-Loire. 12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par M. B..., que la commune de Châteauneuf-sur-Loire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 23 mars 2020. Sur les conclusions à fin d'exécution : 13. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du jugement rectifié n° 2001802 du 21 juin 2022, la commune de Châteauneuf-sur-Loire a saisi le conseil médical le 8 juillet 2022. Une expertise médicale du 26 avril 2023 a conclu que l'incapacité permanente de M. B... devait être évaluée au taux de 50 %. Le conseil médical a retenu ce taux dans son avis du 24 mai 2023, une expertise médicale du 30 août 2023 retenant un taux de 40 % et une consolidation à cette dernière date. Par un arrêté du 19 juin 2023, M. B... a été placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire à compter du 3 juin 2019. La commune a versé son plein traitement à l'intéressé. 14. Toutefois, l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au maire de la commune de Châteauneuf-sur-Loire de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais exposés en première instance : 15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire le versement à M. B... de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens. Sur les frais liés aux instances d'appel et d'exécution : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à la commune de Châteauneuf-sur-Loire au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-sur-Loire le versement à M. B... de la somme de 2 000 euros sur ce même fondement. DECIDE : Article 1er : Le jugement rectifié n° 2001802 du tribunal administratif d'Orléans du 21 juin 2022 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de M. B... au titre des frais irrépétibles. Article 2 : La requête n° 22VE02099 de la commune de Châteauneuf-sur-Loire et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 23VE02792 sont rejetées. Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Châteauneuf-sur-Loire de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Châteauneuf-sur-Loire versera les sommes de 1 200 euros et 2 000 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Châteauneuf-sur-Loire. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024. Le rapporteur, G. CAMENEN La présidente, C. SIGNERIN-ICRE La greffière, C. RICHARD La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 22VE02066...
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 07/11/2024, 22VE01176, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy a rejeté sa réclamation préalable formée à l'encontre du titre de perception émis par la direction départementale des finances publiques d'Indre-et-Loire le 28 juillet 2017, ainsi que la décision du 13 juin 2018 par laquelle cette direction a rejeté sa réclamation préalable dirigée contre la mise en demeure du 23 mars 2018 et de prononcer la décharge de son obligation de payer la somme principale de 16 957 euros ainsi que la somme de 1 696 euros au titre des majorations, à titre subsidiaire, de prononcer la remise gracieuse de sa dette, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1902164 du 22 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 16 mai 2022 et 15 mars 2024, M. B..., représenté par Me Moumni, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision du 6 novembre 2017, ensemble le titre de perception du 28 juillet 2017, ainsi que la décision du 13 juin 2018 par laquelle cette direction a rejeté sa réclamation préalable dirigée contre la mise en demeure du 23 mars 2018 ; 3°) à titre subsidiaire, de lui accorder la remise gracieuse de la régularisation qui lui est demandée pour un trop-perçu d'un montant de 16 957 euros, ainsi que de la somme de 1 696 euros qui lui est réclamée à titre de majoration ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est manifestement entaché d'une erreur de droit et de fait dès lors qu'il retient que le titre de perception litigieux est suffisamment motivé ; - il est entaché d'une erreur de droit et de fait au regard des règles de prescriptions énoncées notamment par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, la décision refusant de faire droit à sa demande de remise gracieuse étant entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; - le titre de perception en litige est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 24 et de celles des articles 112 et suivants du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dès lors que l'indication des montants de la créance ne suffit pas à justifier de la réalité des sommes réclamées ; - le créance litigieuse n'était ni liquide, ni certaine, ni exigible lors de l'émission du titre de perception ; - la créance d'un montant de 16 628,53 euros était prescrite, conformément aux dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; - la décision rejetant sa demande de remise gracieuse est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit et repose à tout le moins sur une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'affaire dès lors que la procédure de recouvrement méconnaît l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; il est sans emploi. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B.... Il soutient que : - la demande était tardive, M. B... ayant été informé dans le courrier du 20 mars 2017 que le titre de perception pouvait faire l'objet d'un recours, sous la forme de l'opposition à l'exécution du titre prévue par les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012, cette démarche étant un préalable obligatoire à toute saisine de la juridiction administrative ; M. B... ne justifie pas en quoi l'imprécision dont il se prévaut serait à l'origine de la tardiveté de son recours ; - subsidiairement, les bulletins de solde constituent une preuve suffisante du versement effectif des sommes en question ; - sur les conclusions dirigées contre la mise en demeure du 23 mars 2018, seul le moyen tiré de la prescription est opérant ; la créance n'était pas prescrite lors de l'émission du titre ; - sur les conclusions tendant à la remise gracieuse, ces conclusions sont irrecevables ; si M. B... demande l'annulation de la décision de refus de remise gracieuse, il n'apporte aucun élément de nature à établir son impossibilité de s'acquitter de sa dette ; - il s'en remet pour le surplus à ses écritures de première instance. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 51-1185 du 11 octobre 1951 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant-chef de l'armée de terre, relève appel du jugement du 22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy du 6 novembre 2017 rejetant sa réclamation préalable formée à l'encontre du titre de perception émis le 28 juillet 2017 et mettant à sa charge le reversement d'un indu de rémunération de 16 957 euros, ainsi que de la décision du 13 juin 2018 rejetant sa réclamation préalable dirigée contre le commandement de payer du 23 mars 2018, et à ce que soit prononcée la décharge de l'obligation de payer cette somme ainsi que de la somme de 1 696 euros au titre des majorations, à titre subsidiaire, à ce que soit prononcée la remise gracieuse de sa dette. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, d'erreurs de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation, de tels moyens, qui sont relatifs au bien-fondé de ce jugement, sont sans incidence sur sa régularité et ne peuvent utilement être invoqués en appel. Ils doivent, par suite, être écartés. Au fond : En ce qui concerne le moyen opposé par le ministre des armées et tiré de la tardiveté de la demande de première instance : 3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle. 4. Il résulte de l'instruction que le titre de perception en litige émis le 28 juillet 2017 ne comporte pas la mention des voies et délais de recours. Si le courrier du 20 mars 2017 informant M. B... de la régularisation d'un trop-versé de solde indique que " seul le titre de perception notifié peut faire l'objet d'un recours, sous la forme de l'opposition à l'exécution de titre prévue par les articles 117 et 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique " et que " cette démarche est un préalable obligatoire à toute saisine de la juridiction administrative ", d'une part, cette information ne figure pas dans la notification de la décision au sens des dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative et, d'autre part, elle n'indique pas si le recours contentieux doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et dans quel délai. Ces mentions ne sont donc pas suffisantes pour faire courir le délai de recours. En outre, si le courrier du 6 novembre 2017 rejetant la réclamation préalable de M. B... précise qu'il peut contester ce rejet " devant la juridiction compétente, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, conformément aux dispositions prévues aux articles 118 et 119 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ", ces mentions ne sont, en tout état de cause, pas davantage suffisantes en ce qui concerne la juridiction concernée pour faire courir les délais de recours. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées doit être écartée. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du titre de perception, du commandement de payer et de décharge de l'obligation de payer la somme de 16 957 euros : 5. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ces dispositions imposent à la personne publique qui émet un état exécutoire d'indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases de la liquidation. 6. Il résulte de l'instruction que le titre de perception litigieux mentionne les indemnités et cotisations répétées à titre de paiements indus, ainsi que les périodes concernées. Il se réfère à la lettre adressée à M. B... par le centre expert des ressources humaines et de la solde le 20 mars 2017, qui détaille les montants en cause pour chaque composante de la créance et que l'intéressé a nécessairement reçue ainsi qu'il résulte de son courriel du 28 mars 2017. Par ailleurs, il ne résulte pas des articles 112 et suivants du décret du 7 novembre 2012 précité, contrairement à ce que soutient le requérant, que le titre de perception devrait indiquer les éléments de preuve du bien-fondé de la créance. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du titre de perception doit être écarté. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. (...). ". 8. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration. 9. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B... a perçu, sur sa solde de juillet 2013, une avance d'un montant de 16 628,53 euros au titre de l'indemnité d'éloignement à laquelle il avait droit en raison de son affectation à venir sur l'archipel des Crozet, puis a perçu la première fraction de cette indemnité, d'un montant de 16 741,40 euros, sur sa solde d'octobre 2013 avant de recevoir la deuxième fraction de cette indemnité, de même montant, sur sa solde de juillet 2017. Il n'est pas contesté qu'il ne pouvait prétendre qu'à une indemnité d'éloignement d'un montant total de 33 482,80 euros. L'existence d'un trop-versé d'un montant de 16 628,53 euros n'a été révélée que lors du versement de la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement à M. B... en juillet 2017. Cette créance n'était donc pas prescrite lors de l'émission du titre de perception le 28 juillet 2017, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce trop-versé n'était pas encore constitué lorsque l'administration a informé M. B... de son existence dans son courrier précité du 20 mars 2017. 10. D'autre part, il résulte de l'instruction que les créances réclamées au titre de la nouvelle bonification indiciaire correspondent quant à elles à des sommes versées sur les soldes d'août 2015 à juillet 2016. Ces créances ne sont, dès lors, pas non plus prescrites, la lettre du 20 mars 2017 ayant interrompu la prescription. 11. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, les conditions de recrutement, de mise en congé ou à la retraite de ces mêmes fonctionnaires : " Pour faire face aux sujétions particulières inhérentes à l'exercice de la fonction publique dans les territoires d'outre-mer, les fonctionnaires civils visés à l'article 1er recevront : (...) / 2° Une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour, accordée au personnel appelé à servir en dehors soit de la métropole, soit de son territoire, soit du pays ou territoire où il réside habituellement, qui sera déterminée pour chaque catégorie de cadres à un taux uniforme s'appliquant au traitement et majorée d'un supplément familial. Elle sera fonction de la durée du séjour et de l'éloignement et versée pour chaque séjour administratif, moitié avant le départ et moitié à l'issue du séjour. (...) / Le complément spécial et l'indemnité d'éloignement seront attribués par décret au personnel militaire en service dans les territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer dans les mêmes formes et délais que pour les fonctionnaires civils. ". Et aux termes de l'article 7 du décret du 11 octobre 1951 modifiant les régimes de rémunération et des prestations familiales des militaires à solde mensuelle et à solde spéciale progressive entretenus au compte du budget du ministère de la France d'outre-mer dans les territoires relavant dudit ministère : " II. - L'indemnité d'éloignement prévue par l'article 2, alinéa 2 de la loi n° 50-772 du 20 juin 1950, est allouée dans les mêmes conditions, qu'aux personnels civils des cadres généraux, aux militaires à solde mensuelle et à solde spéciale progressive appelés à servir en dehors, soit de la métropole, soit du territoire où ils sont en service, soit du pays ou territoire où ils résident habituellement. (...) / III. - L'indemnité d'éloignement est payable en deux fractions égales, l'une avant le départ, l'autre au retour, fixées chacune d'après les soldes métropolitaines en vigueur au moment de sa liquidation et en fonction de l'éloignement et de la durée du séjour. (...). ". 12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il n'est pas contesté que le montant total de l'indemnité d'éloignement à laquelle avait droit M. B... au titre de son affectation au sein de l'archipel des Crozet était de 33 482,80 euros et il résulte de l'instruction que M. B... a bénéficié d'une avance sur son indemnité d'éloignement sur sa solde de juillet 2013 d'un montant de 16 628,53 euros, puis de la première fraction de cette indemnité d'un montant de 16 741,40 euros en octobre 2013 et, enfin, de la deuxième fraction de cette indemnité d'un même montant en juillet 2017. La preuve de ces versements est suffisamment établie par les bulletins de solde produits par l'administration en première instance. Ainsi, lors de l'émission du titre de perception litigieux, il existait un trop-versé de solde au bénéfice de M. B... d'un montant de 16 628,53 euros. Par suite, cette créance était certaine, liquide et exigible lors de l'émission du titre de perception en litige. 13. Enfin, il résulte de l'instruction, en particulier du mémoire en défense produit par le ministre des armées en première instance auquel il se rapporte expressément en appel, que l'analyse du centre expert des ressources humaines et de la solde a mis en évidence l'existence d'un trop-versé d'indemnité d'éloignement à M. B... de 16 628,53 euros et d'un trop-versé de nouvelle bonification indiciaire de 404,63 euros, soit au total déduction faite des cotisations sociales, d'un montant net global de 15 485,87 euros. Ainsi, le titre de recettes litigieux comporte une erreur de calcul au détriment de M. B.... Il y a lieu de la rectifier et de ramener le montant de la créance résultant du titre de perception litigieux à la somme de 15 485,87 euros et d'annuler dans cette mesure le titre de recettes. En ce qui concerne les conclusions à fin de remise gracieuse : 14. L'octroi d'une remise gracieuse n'est qu'une simple faculté pour l'administration. La décision refusant une remise gracieuse ne peut être utilement déférée au juge de l'excès de pouvoir que si elle est entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit ou si elle repose sur une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'affaire. 15. En se prévalant de ce que la procédure de recouvrement méconnaît les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et celle de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, M. B... n'établit pas que la décision contestée repose sur des faits matériellement inexacts ou qu'elle est entachée d'une erreur de droit. En tout état de cause, ces circonstances ne sont pas établies, compte tenu de ce qui a été énoncé aux points précédents. Par ailleurs, les circonstances que M. B... a formulé une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et qu'il est demandeur d'emploi titulaire d'une pension militaire d'invalidité d'un montant mensuel de 153 euros ne sont pas, à elles seules, de nature à établir qu'il est dans l'impossibilité de rembourser la somme réclamée par l'administration et qu'une erreur manifeste d'appréciation aurait été commise. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande, la somme mise à sa charge par le titre de recettes du 28 juillet 2017 devant être ramenée à la somme de 15 485,87 euros. Sur les frais liés à l'instance : 17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1902164 du tribunal administratif d'Orléans du 22 mars 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du titre de recettes émis à son encontre le 28 juillet 2017 en tant qu'il excède la somme de 15 485,87 euros et à la décharge de la somme excédant celle de 15 485,87 euros prévue par ce titre. Article 2 : Le titre de recettes émis à l'encontre de M. B... le 28 juillet 2017 est annulé en tant qu'il excède la somme de 15 485,87 euros. Article 3 : M. B... est déchargé de la somme de 1 471,13 euros correspondant à la différence entre la somme de 16 957 euros mise à sa charge par le titre de recettes émis à son encontre le 28 juillet 2017 et celle de 15 485,87 euros. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente, M. Camenen, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024. Le rapporteur, G. CAMENENLa présidente, C. SIGNERIN-ICRE La greffière, V. MALAGOLILa République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 22VE01176 2
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 07/11/2024, 472707, Publié au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une décision n° 435323 du 29 septembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 17NT03250 du 5 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... D... contre le jugement n° 1500510 du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et celle qu'il avait formée au nom de ses enfants mineurs, E... et C..., tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B. Par un arrêt n° 21NT02781 du 3 février 2023, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté la requête de M. D..., agissant tant en son nom propre qu'en celui de son fils, et de Mme E... D..., devenue majeure. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 avril et 4 juillet 2023 et le 15 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D..., agissant tant en son nom propre qu'en celui de son fils, et Mme E... D... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code de la santé publique ; - le code du service national ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. D... et autres ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D..., vacciné en 1994 et 1995 contre le virus de l'hépatite B, à titre obligatoire, pendant son service national, a souffert à partir de septembre 1995 de divers troubles qu'il a attribués à cette vaccination, en lien avec une myofasciite à macrophages par ailleurs diagnostiquée en 1997. Il a bénéficié pour ce motif, à partir de 2001, d'une pension militaire d'invalidité. Le ministre de la défense a toutefois rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices non réparés par cette pension, par une décision du 17 mars 2015. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. D..., agissant en son nom propre et pour le compte de ses enfants mineurs, tendant à l'indemnisation de ces préjudices sur le fondement de l'article L. 62 du code du service national. Par une décision du 29 septembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes avait rejeté son appel contre ce jugement et renvoyé l'affaire devant la même cour administrative d'appel. L'intéressé, agissant tant en son nom propre qu'en celui de son fils C..., mineur à la date d'introduction du pourvoi, et sa fille, Mme E... D..., désormais majeure, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 3 février 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, après avoir, en application de l'article R. 625-3, devenu l'article R. 626-3, du code de justice administrative, invité l'Académie nationale de médecine à produire des observations d'ordre général destinées à l'éclairer sur la solution à donner au litige, a de nouveau rejeté son appel contre le jugement de première instance. Sur le pourvoi en cassation de M. D... et autres : 2. Saisis d'un litige individuel portant sur la réparation des conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient aux juges du fond, dans un premier temps, non pas de rechercher si le lien de causalité entre la vaccination et l'affection présentée est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant eux, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il leur appartient ensuite, soit, s'il ressort de cet examen qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination obligatoire subie par la victime et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination. 3. Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. D..., la cour administrative d'appel a, aux points 3 à 6 de son arrêt, analysé les observations d'ordre général de l'Académie nationale de médecine qu'elle avait sollicitées, et en a déduit, au point 7, qu'" en l'état des connaissances scientifiques (...), aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B contenant ou non un adjuvant aluminique et la survenue de symptômes pouvant se rattacher aux manifestations cliniques caractéristiques d'une myofasciite à macrophages ne peut être retenue ". 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des travaux scientifiques, conduits pour l'essentiel par une équipe du centre hospitalier universitaire Henri Mondor à partir de 1998, ont formulé l'hypothèse d'un lien entre l'administration de vaccins comportant des adjuvants à base de sels d'aluminium et la survenance d'un ensemble de symptômes de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie et de troubles cognitifs rattachés à la myofasciite à macrophages et qu'en 1999, puis à nouveau en 2002, l'Organisation mondiale de la santé a recommandé de mener des recherches complémentaires sur cette question. Les observations d'ordre général de l'Académie nationale de médecine, sollicitées par la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir rappelé ces éléments, indiquent que les recherches ultérieures, ainsi que plusieurs rapports consacrés aux adjuvants vaccinaux par l'Académie nationale de médecine en 2012, le Haut conseil de la santé publique en 2013 et l'Académie nationale de pharmacie en 2016, ont permis d'établir un lien entre les vaccinations comportant, à l'instar de celle reçue par M. D..., des adjuvants à base de sels d'aluminium et l'existence de lésions histologiques autour du site d'injection, constitutives de la myofasciite à macrophages, mais n'ont jamais validé l'association entre ces lésions et les signes cliniques mentionnés ci-dessus et relevés chez certains des patients qui en étaient atteints, ce dont elles concluent que le " rôle éventuel [des adjuvants à base de sels d'aluminium] dans la mise en œuvre d'une maladie clinique générale, qu'elle soit inflammatoire et/ou auto-immune (...) n'est pas démontré à ce jour ". 5. Il résulte de l'ensemble des éléments relevés par l'arrêt attaqué et rappelés au point 4 ainsi que des autres pièces du dossier soumis aux juges du fond que si aucun lien de causalité n'a pu être établi à ce jour entre l'administration de vaccins contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium et des symptômes de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie et de troubles cognitifs susceptibles d'être rattachés aux lésions histologiques caractéristiques de la myofasciite à macrophages retrouvées, chez les patients concernés, autour du site d'injection, l'hypothèse qu'un tel lien existe a été envisagée par des travaux de recherche scientifique ayant donné lieu à des publications dans des revues reconnues, qui ne sont pas formellement démentis par les données actuelles de la science, notamment pas par les observations d'ordre général de l'Académie nationale de médecine précédemment mentionnées, qui se bornent à faire la synthèse de travaux déjà connus, sans s'appuyer sur des travaux de recherche ou une méthodologie d'analyse nouveaux, et qui ne concluent, au demeurant, qu'à l'absence de démonstration de l'existence d'un lien entre vaccin contenant des adjuvants aluminiques et symptômes déjà mentionnés. Dès lors, en jugeant qu'au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, il n'y avait aucune probabilité qu'existe un lien entre ces symptômes et la vaccination contre l'hépatite B, la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié les faits de la cause. 6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, M. D... et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. 7. Conformément au second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il incombe au Conseil d'Etat, statuant au contentieux de régler l'affaire au fond. Sur le règlement du litige : En ce qui concerne l'exception de prescription retenue par le tribunal administratif : 8. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 62 du code du service national : " Nonobstant les dispositions régissant les régimes de couverture sociale qui leur sont propres, les jeunes gens accomplissant les obligations du service national, victimes de dommages corporels subis dans le service ou à l'occasion du service, peuvent, ainsi que leurs ayants droit, obtenir de l'Etat, lorsque sa responsabilité est engagée, une réparation complémentaire destinée à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi, calculée selon les règles du droit commun. " Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics visée ci-dessus : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. " Dans le cas d'indemnisation d'un dommage corporel, le délai de cette prescription commence à courir au premier jour de l'année suivant la date de consolidation du dommage. Enfin, aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance. / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption ". 9. Il résulte de l'instruction que si le rapport de l'expertise réalisée en mai 2014 par le Dr B... à la demande de l'administration indique qu'une certaine stabilité clinique semble avoir été constatée chez M. D... après 2007, plusieurs documents médicaux versés au dossier, notamment, outre ce rapport, le compte-rendu d'expertise du Dr F... de juin 2010 et le bilan d'hospitalisation à l'Institution nationale des Invalides en juillet 2017, mettent en évidence, de manière concordante, la difficulté à fixer la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressé en raison du caractère évolutif de certains des symptômes dont il est atteint. Il en ressort toutefois que cette date ne pouvait être antérieure à 2010. Dès lors, l'action en réparation n'était pas prescrite le 13 novembre 2013, date à laquelle M. D... a formé sa demande indemnitaire préalable. 10. Il suit de là que M. D... et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans qui a fait droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre pour rejeter la demande indemnitaire dont il était saisi. 11. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande présentée par M. D... et autres devant le tribunal administratif d'Orléans. En ce qui concerne la demande de première instance : Quant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat : 12. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, la probabilité de l'existence d'un lien de causalité entre l'administration d'un vaccin contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium et les symptômes de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie et de troubles cognitifs susceptibles d'être rattachés à la myofasciite à macrophages ne peut, dans le dernier état des connaissances scientifiques, être regardée comme exclue. Il y a donc lieu, de faire application des principes énoncés au point 2, en examinant, dans les circonstances de l'espèce, si les symptômes sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de l'état de santé antérieur ou des antécédents de l'intéressé et, par ailleurs, s'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination litigieuse. 13. Il résulte de l'instruction, notamment des documents médicaux produits au dossier, que M. D..., qui a reçu, les 3 mai, 29 juin, 22 août 1994 et le 8 février 1995 des injections du vaccin contre l'hépatite B, contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium, a ressenti à partir de septembre 1995 des troubles consistant en des douleurs musculaires, et un état d'essoufflement et de fatigue généralisée, qui se sont aggravés et ont conduit à plusieurs hospitalisations à partir de décembre 1995, et auxquels se sont ajoutés des troubles cognitifs. Une biopsie réalisée en mars 2017 a mis en évidence des lésions de myofasciite à macrophages autour des sites d'injection. Le délai d'apparition des symptômes, inférieur à un an, peut être considéré comme normal pour une affection liée à la myofasciite à macrophages et se caractérisant par les symptômes manifestés. Contrairement à ce que soutient le ministre de la défense et des armées, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre cause que les vaccinations reçues par l'intéressé puisse être retenue pour expliquer ces symptômes. Il en résulte que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B reçue par M. D... dans le cadre de son service national et les symptômes dont il est atteint doit être regardé comme établi et que, dès lors, l'intéressé est fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée au titre des dispositions de l'article L. 62 du code du service national. Quant à l'indemnisation des préjudices subis par M. D... : 14. En premier lieu, M. D... est fondé à réclamer la compensation des souffrances endurées à titre temporaire, que le rapport d'expertise du Dr B... réalisé le 23 mai 2014 évalue à " au minimum " un niveau de 5 sur une échelle allant jusqu'à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à 20 000 euros. 15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. D... subit un préjudice esthétique résultant notamment de troubles de la marche nécessitant l'utilisation d'une canne pour les distances supérieures à un kilomètre. Il en sera fait une juste appréciation en le fixant à 3 000 euros. 16. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. D... a été contraint, en raison de son état de santé, de renoncer à plusieurs activités exigeant un effort physique, notamment la pratique du karaté qu'il exerçait à haut niveau. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en le fixant à 2 000 euros. Quant à l'indemnisation des préjudices subis par M. C... D... et Mme E... D... : 17. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les enfants de M. D... du fait de la dégradation de l'état de santé de leur père, en allouant à ce titre la somme de 3 000 euros à son fils, M. C... D..., qui est désormais majeur, et la même somme à sa fille, Mme E... D.... 18. Il résulte de tout ce qui précède qu'il convient de condamner à l'Etat à verser à M. A... D... la somme de 25 000 euros et la somme de 3 000 euros chacun à M. C... D... et Mme E... D.... Quant aux intérêts : 19. Conformément à l'article 1231-6 du code civil, M. D... et autres ont droit aux intérêts au taux légal afférents aux sommes indiquées au point 18 à compter du 13 novembre 2013, date de la demande préalable à l'administration. Sur les frais d'instance : 20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 5 000 euros à verser à M. D... et autres au titre des frais exposés par eux devant le Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nantes et le tribunal administratif d'Orléans. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 3 février 2023 de la cour administrative de Nantes est annulé. Article 2 : Le jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif d'Orléans est annulé. Article 3 : L'Etat versera les sommes de 25 000 euros à M. A... D... et de 3 000 euros chacun à Mme E... D... et M. C... D..., avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2013. Article 4 : L'Etat versera à M. D... et autres la somme globale de 5 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... et autres est rejeté. Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., premier dénommé, et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré à l'issue de la séance du 9 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, conseillers d'Etat et Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, rapporteure. Rendu le 7 novembre 2024. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Amel Hafid Le secrétaire : Signé : M. Bernard LongierasECLI:FR:CECHR:2024:472707.20241107
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/11/2024, 23NT02409, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 mai 2021 du premier président et du procureur général près la cour d'appel de Rennes portant retrait du bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) qui lui a été accordé le 25 novembre 2020. Par un jugement n°2103236 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 aout 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 juin 2023 et de rejeter la demande de M. E.... Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que les chefs de la cour d'appel de Rennes ne pouvaient se fonder sur les dispositions du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, pris pour l'application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dès lors que cette loi ne serait pas applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, M. E... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable et à titre subsidiaire qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique, - et les observations de M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., magistrat judiciaire, a été nommé vice-procureur près le tribunal de grande instance de Cayenne par un décret du 10 décembre 2018 et installé dans ses fonctions le 1erjanvier 2019. Après avoir été affecté au tribunal judiciaire de Rennes à la suite de sa nomination en qualité de vice-président placé auprès du premier président de la cour d'appel de Rennes par un décret du 27 avril 2020, il a été placé en congé de longue maladie (CLM) du 20 juin 2019 au 20 septembre 2020. Par des courriers des 7 septembre 2019 et 1er août 2020, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie à l'origine de son CLM et le bénéfice des dispositions du décret n°2019-122 du 21 février 2019. Par une décision du 25 novembre 2020, le premier président de la cour d'appel de Rennes et le procureur général près de cette cour ont accordé à l'intéressé, à titre provisoire, le bénéfice d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Par une décision du 5 mai 2021, intervenue après un avis émis le 11 février 2021 par la commission de réforme, ces mêmes autorités ont retiré à M. E... le bénéfice du CITIS. Saisi par M. E..., le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision par un jugement du 9 juin 2023.Le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'annuler ce jugement. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Il ressort de la décision du 18 avril 2023 portant délégation de signature du secrétaire général du ministère de la justice, régulièrement publiée, que ce dernier a donné, en application de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, à Mme B... C..., signataire de la requête d'appel, adjointe au chef du bureau du contentieux administratif et du conseil, chef du pôle contentieux statutaire, délégation de signature à l'effet de signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, à l'exclusion des décrets, tous actes, arrêtés et décisions relevant du service de l'expertise et de la modernisation du secrétariat général dans la limite des attributions du bureau du contentieux administratif et du conseil de la sous-direction des affaires juridiques générales et du contentieux. Par suite, la requête d'appel du garde des sceaux, ministre de la justice est recevable. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : /1° En activité ; /2° En service détaché ; /3° En disponibilité ; / 4° Sous les drapeaux ; / 5° En congé parental. (...) ". Aux termes de l'article 68 de cette ordonnance : " Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après. ". Aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire. (...) ". 4. En vertu de l'article 68 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant certaines positions, dont le congé maladie pour invalidité temporaire imputable au service, qui est une position d'activité, s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire. Dès lors qu'aucune disposition du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat n'est contraire aux règles statutaires du corps judiciaire, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que ces dispositions n'étaient pas applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire. 5. Il appartient alors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour. 6. En premier lieu, par un décret du 12 avril 2016, M. D... a été nommé conseiller à la Cour de cassation pour exercer les fonctions de premier président de la cour d'appel de Rennes et par un décret du 1ermars 2021, M. Benet-Chambellan, avocat général à la Cour de cassation, a été déchargé des fonctions de procureur général près la cour d'appel de Rouen et chargé des fonctions de procureur général près la cour d'appel de Rennes. La décision en litige comporte en outre la signature de ses auteurs ainsi que la mention lisible de leurs noms, prénoms et qualités. La circonstance selon laquelle la décision en cause ne mentionne pas les actes de nomination des autorités signataires est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen selon lequel il n'est pas justifié de la compétence des auteurs de la décision en litige doit être écarté. 7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 46 du code des pensions civiles et militaires, dans sa version applicable : " La commission de réforme est, lorsqu'il s'agit d'examiner le cas d'un membre du Conseil d'Etat ou d'un magistrat de l'ordre judiciaire, composée comme suit : (...) 2° Dans chaque autre département, sous la présidence du commissaire de la République ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes : - le chef de service dont dépend l'intéressé, ou son représentant ; - le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ; - deux représentants, titulaires ou éventuellement suppléants, des magistrats à l'égard desquels la commission est compétente et qui sont désignés par leurs collègues dans les conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ; - les membres du comité médical prévu à l'article 5 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Le secrétariat de la commission de réforme départementale est celui du comité médical prévu à l'article 6 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Cette commission est compétente à l'égard des magistrats exerçant leurs fonctions dans le département considéré, sauf pour les premiers présidents et procureurs généraux et pour les présidents et procureurs des tribunaux judiciaires de Nanterre, Bobigny et Créteil, qui relèvent de la compétence de la commission visée au 1° ci-dessus. " Aux termes de l'article R. 49 du même code : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou un spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. (...) ". 8. D'autre part, aux termes de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé, dans sa rédaction applicable : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel un comité médical ministériel compétent à l'égard des personnels mentionnés au 1er alinéa de l'article 14 ci-après. Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Un suppléant est désigné pour chacun de ces membres. (...) ". Aux termes de l'article 5-1 de ce même décret : " Un conseil médical départemental est institué auprès du préfet dans chaque département. / Les conseils médicaux départementaux sont compétents à l'égard des fonctionnaires qui exercent leurs fonctions dans les départements considérés et qui ne relèvent pas de la compétence d'un autre conseil médical. (...) ". 9. Il ressort du procès-verbal de la commission de réforme du 11 février 2021 que celle-ci était composée du président, de deux médecins, d'un délégué du personnel et d'un représentant de l'administration. Toutefois, l'absence d'un représentant du personnel à la réunion du 11 février 2021 de la commission de réforme départementale ou la présence d'un seul médecin généraliste ne sont pas, à elles seules de nature à entacher la procédure d'irrégularité, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué par M. E... que cette commission n'aurait pas siégé puis délibéré dans les conditions fixées par l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires précité, en vertu duquel elle ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice, parmi lesquels un praticien de médecine générale ou un spécialiste compétent pour l'affection considérée, assiste à la séance et prend part à la délibération. En outre, le fait qu'un seul des représentants prévus par le décret du 14 mars 1986 a siégé n'a ni exercé une influence sur la décision prise, ni privé M. E... d'une garantie à laquelle il avait droit dès lors qu'il ressort des mentions de son avis que la commission a, lors de sa séance du 11 février 2021, adopté cet avis à l'unanimité. De plus, si M. E... soutient que l'administration aurait refusé de procéder à une expertise complémentaire, il ne résulte d'aucune disposition législative ni réglementaire que l'administration était tenue de procéder à une telle expertise. Enfin, si M. E... fait valoir que la commission de réforme de Guyane aurait dû être saisie, il ressort des pièces du dossier que le comité départemental de la Guyane a bien été saisi et a, le 9 janvier 2020, estimé que son avis, sollicité sur la question du droit à l'intéressé d'un congé de longue maladie, était devenu sans objet, puis a recommandé de saisir la commission de réforme pour avis sur la reconnaissance d'une maladie imputable au service. Il ressort en outre des pièces produites en première instance, et notamment du procès-verbal de la séance du 11 février 2021, que la commission de réforme de Rennes, régulièrement saisie le 4 août 2020 en raison de la mutation de l'intéressé dans ce ressort, a ainsi pu se prononcer sur la demande du requérant. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 5 mai 2021 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière. 10. En dernier lieu, aux termes de l'article 47-5 du décret du 14 mars 1986 relatif, notamment, au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable : " (...) 2°En cas de maladie, de deux mois à compter de la date à laquelle elle reçoit le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. / Un délai supplémentaire de trois mois s'ajoute aux délais mentionnés au 1° et au 2° en cas (...) de saisine de la commission de réforme compétente. (...) /Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'administration n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire (...) ". Selon les termes de l'article 47-9 du même décret : " (...) Lorsque l'administration ne constate pas l'imputabilité au service, elle retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées. (...) ". La décision du 5 mai 2021 relève que les délais d'examen des dossiers devant la commission de réforme ont rendu impossible la prise de décision des chefs de cour avant l'expiration du délai maximum de cinq mois prévus par les dispositions de l'article 47-5 2° cité ci-dessus. M. E... a donc été placé, à titre provisoire, par une décision du 25 novembre 2020, en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période du 20 juin 2019 au 20 septembre 2020 inclus, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. Dès lors que M. E... a été placé, à titre provisoire, en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période du 20 juin 2019 au 20 septembre 2020 inclus, cette décision, dont les conditions du retrait sont réglées par décret, n'est pas susceptible d'avoir créé des droits au profit de l'intéressé et il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire préalable. 11. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 5 mai 2021 du premier président et du procureur général près la cour d'appel de Rennes. Le garde des sceaux, ministre de la justice est donc fondé à demander l'annulation de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er: Le jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La demande de M. E... présentée devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2024. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, C. VILLEROT La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT02409
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 14/11/2024, 22BX01885, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler, d'une part, la décision du 5 décembre 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de la Basse-Terre a " annulé " l'arrêté du 13 juin 2019 l'autorisant à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 décembre 2019, et d'autre part, la décision " contenue dans l'arrêté n° 2020/170/CHBT " le plaçant en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 " prorogée par lettre du 29 juin au 1er juillet 2020 ". Par un jugement n° 2000540 du 12 avril 2022, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 29 juin 2020 plaçant M. B... en congé de maladie à demi-traitement respectivement du 17 avril au 20 octobre 2020 et du 1er juillet au 20 octobre 2020, et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 juillet 2022, M. B..., représenté par la SELARL Roland Ezelin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de la Basse-Terre a " annulé " l'arrêté du 13 juin 2019 l'autorisant à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 décembre 2019, ainsi que la décision " contenue dans l'arrêté n° 2020/170/CHBT " le plaçant en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 " prorogée par lettre du 29 juin au 1er juillet 2020 ". 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Basse-Terre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du 5 décembre 2019 l'admettant à la retraite a été retirée plus de quatre mois après avoir été prise ; c'est ainsi à tort que le tribunal a refusé de l'annuler ; - le tribunal ne s'est pas prononcé sur la demande d'annulation de " l'arrêté n° 2020/170/CHBT qui l'avait placé en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 prorogé par lettre du 29 juin 2020 " ; - si la directrice du centre hospitalier a rapporté la décision relative à son traitement qui lui faisait grief, il a été une nouvelle fois placé à demi-traitement ; le centre hospitalier a souhaité soumettre son dossier d'accident du travail à la commission de réforme, mais celle-ci ne s'est jamais réunie, et le directeur des ressources humaines l'a invité à solliciter un congé de longue maladie si son état ne lui permettait pas de reprendre le travail ; il aurait dû être placé en arrêt de travail imputable au service ; cette situation lui a causé une perte de salaire, il est suivi en thérapie psychologique, et son bras atteint par l'accident n'a pas retrouvé sa mobilité. Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2023, le centre hospitalier de la Basse-Terre, représenté par la SELARL Minier, Maugendre et Associées, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - si la décision du 13 juin 2019 a admis M. B... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 décembre 2019, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a informé l'intéressé, par un courrier du 23 octobre 2019, de ce qu'il était classé dans la catégorie sédentaire et ne pouvait être admis à la retraite avant l'âge de 62 ans ; cette décision non contestée est devenue définitive ; alors que M. B... ne remplissait pas les conditions d'attribution d'une pension de retraite, la décision du 13 juin 2019, qui n'avait pour effet ni de le radier des cadres, ni de lui accorder une pension de retraite, ne lui ouvrait aucun droit ; comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le centre hospitalier était tenu de la retirer afin de placer M. B... dans une position régulière d'activité jusqu'à l'ouverture des droits à pension ; - M. B... a été victime d'un accident de service le 28 mai 2019, et ses arrêts de travail ont été pris en charge à ce titre jusqu'au 20 octobre 2019 ; après avoir présenté un certificat de rechute, il a été placé en arrêt de maladie au titre de l'accident de service jusqu'au 17 janvier 2020, mais une expertise médicale a conclu à l'absence d'imputabilité au service ; M. B... a donc été placé en congé de maladie ordinaire par un arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020, avec un passage à demi-traitement du 17 avril au 20 octobre 2020, en retardant l'application du demi-traitement au 1er juillet 2020 par le courrier d'accompagnement du même jour ; M. B... a présenté un recours gracieux par lettre du 3 juillet 2020, auquel il a été fait droit par un arrêté n° 2020/377/CHBT du 15 juillet 2020 qui a annulé l'arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020 et a placé M. B... en congé au titre de la rechute d'accident du travail jusqu'au 20 octobre 2020 ; cette décision de retrait non contestée est devenue définitive ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 29 juin 2020, ce qui a nécessairement pour effet de rejeter les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020 . Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., technicien supérieur hospitalier de première classe né le 25 avril 1961, qui était considéré comme relevant de la catégorie active du fait de l'exercice de fonctions de buandier, a été admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite à compter du 31 décembre 2019 par un arrêté de la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre du 13 juin 2019. Toutefois, par une décision du 23 octobre 2019, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) lui a refusé le bénéfice d'un départ anticipé à la date souhaitée, et par une décision du 5 décembre 2019, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier a " annulé " l'arrêté du 13 juin 2019 et informé M. B... de ce qu'il devait reprendre son activité au moins jusqu'à l'âge de soixante-deux ans, à partir duquel il pourrait faire valoir ses droits à la retraite. 2.Par ailleurs, M. B... a été victime d'un accident de service le 28 mai 2019, et ses arrêts de travail ont été pris en charge à ce titre jusqu'au 20 octobre 2019. Il a ensuite pris un congé annuel du 21 octobre au 7 novembre 2019. Son médecin lui a prescrit un arrêt de travail à partir du 8 novembre 2019, en retenant une imputabilité à l'accident du travail, mais cette imputabilité n'a pas été retenue par le médecin expert désigné par l'administration. Par un arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020, la directrice du centre hospitalier a placé M. B... en congé de maladie à demi-traitement du 17 avril au 20 octobre 2020, en précisant dans le courrier d'accompagnement que dans l'attente de l'avis de la commission de réforme sur l'imputabilité au service, les arrêts de travail étaient considérés comme relevant de la maladie ordinaire à partir du 18 janvier 2020, et que dans un premier temps, le demi-traitement ne serait pas appliqué pour la période du 17 avril au 20 juin 2020 afin de permettre à M. B..., s'il le souhaitait, de déposer une demande de congé de longue maladie. 3. M. B... a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande d'annulation de la décision du 5 décembre 2019, ainsi que de la décision " contenue dans l'arrêté n° 2020/170/CHBT " le plaçant en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 " prorogée par lettre du 29 juin au 1er juillet 2020 ". Il relève appel du jugement du 12 avril 2022 par lequel le tribunal le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions initiale et modificative du 29 juin 2020 le plaçant en congé de maladie à demi-traitement respectivement du 17 avril au 20 octobre 2020 et du 1er juillet au 20 octobre 2020, et a rejeté le surplus de la demande. Sur la régularité du jugement : 4. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite de la requête dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. 5. Ainsi qu'il a été exposé au point 2, l'arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020 a placé M. B... en congé de maladie à demi-traitement du 17 avril au 20 octobre 2020, et le courrier d'accompagnement a indiqué que dans un premier temps, le demi-traitement ne serait pas appliqué pour la période du 17 avril au 20 juin 2020. Par un arrêté n° 2020/377/CHBT du 15 juillet 2020 postérieur à l'introduction de la requête de première instance, lequel avait acquis un caractère définitif à la date du jugement, la directrice du centre hospitalier a " annulé " l'arrêté du 29 juin 2020 et placé M. B... en congé pour rechute d'accident du travail à plein traitement jusqu'au 20 octobre 2020. Le litige relatif à la rémunération à demi-traitement dont le tribunal était saisi avait ainsi perdu son objet. En se bornant à faire valoir qu'il aurait été " une nouvelle fois placé à demi-traitement ", que la commission de réforme ne se serait jamais réunie et qu'il aurait dû être placé en arrêt de travail imputable au service, M. B... ne critique pas utilement le non-lieu à statuer prononcé par les premiers juges au regard des conclusions dont ils étaient saisis. 6. Dès lors que le tribunal a prononcé à bon droit un non-lieu sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 29 juin 2020 plaçant M. B... en congé de maladie à demi-traitement jusqu'au 20 octobre 2020, il n'avait pas à se prononcer sur la légalité de ces décisions. Le jugement n'est ainsi pas entaché d'irrégularité. Sur la décision du 5 décembre 2019 : 7. Aux termes de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. " 8. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction applicable au litige : " I.- La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / (...). " L'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale fixait alors l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " (...) L'admission à la retraite est prononcée, après avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, par l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination. " Aux termes de l'article 61 du même décret : " Les pensions et les rentes viagères d'invalidité sont liquidées par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. " 9. La décision de la CNRACL du 23 octobre 2019 mentionnée au point 1, devenue définitive faute d'avoir été contestée, a refusé à M. B... le bénéfice d'un départ en retraite à l'âge de cinquante-huit ans aux motifs que ses fonctions de " blanchisseur " ne relevaient pas de la catégorie active et que la durée de ses services dans cette catégorie n'était que de 3 ans, 7 mois et 18 jours. Ainsi, la situation de M. B..., qui ne pouvait prétendre à une retraite anticipée au titre de la catégorie active et n'avait pas atteint l'âge de soixante-deux ans, n'ouvrait pas droit à la liquidation d'une pension de retraite à compter du 31 décembre 2019. Dans ces circonstances, l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre, qui n'avait pas recueilli l'avis de la CNRACL, l'a admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite à compter du 31 décembre 2019, n'a pas créé de droits à son bénéfice, et pouvait être abrogé par la décision du 5 décembre 2019. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a refusé d'annuler la décision du 5 décembre 2019 abrogeant l'arrêté du 13 juin 2019, ni à soutenir que c'est à tort qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande d'annulation des décisions du 29 juin 2020. 11. M. B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le centre hospitalier de la Basse-Terre à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Basse-Terre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au centre hospitalier de la Basse-Terre. Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient : M. Luc Derepas, président de la cour, Mme Catherine Girault, présidente de chambre, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024. La rapporteure, Anne A... Le président, Luc DerepasLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX01885
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 08/11/2024, 22MA01822, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre et d'enjoindre à la commune de reconnaître cette pathologie comme maladie professionnelle imputable au service depuis le 13 juin 2014. Par un jugement n° 1901189 du 27 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 7 mars 2019 du maire de Six-Fours-les-Plages refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par M. E... et a enjoint au maire de la commune de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par M. E... avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 juin 2022, le 25 juillet 2022 et le 5 septembre 2022, la commune de Six-Fours-les-Plages, représentée par la SELARL Grimaldi et associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1901189 du 27 mai 2022 ; 2°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête de première instance était irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - la pathologie dont souffre M. E... n'est pas imputable au service. Par un mémoire, enregistré le 10 août 2022, M. E..., représenté par Me Coureau, demande à la cour : 1°) d'annuler la décision du maire de Six-Fours-les-Plages du 7 mars 2019 ; 2°) d'enjoindre au maire de Six-Fours-les-Plages de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie depuis le 13 juin 2014 et en tirer toutes les conséquences ; 3°) d'enjoindre au maire de Six-Fours-les-Plages de le placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité ; 4°) d'enjoindre à la commune de Six-Fours-les-Plages de lui verser de manière rétroactive l'intégralité de la rémunération qui aurait dû lui être versée depuis le début de son arrêt de travail en date du 13 juin 2014 ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - sa requête en première instance était recevable ; - l'attitude de sa hiérarchie à son égard constitue une sanction déguisée illégale ; - il est victime de harcèlement moral ; - les problèmes rencontrés dans l'exercice de sa profession sont à l'origine de ses troubles dépressifs. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - et les observations de Me Bouarfa, représentant la commune de Six-Fours-les-Plages. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Six-Fours-les Plages interjette appel du jugement du 27 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 ainsi qu'à la réparation des préjudices en résultant. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. ". 3. La demande présentée par M. E... devant le tribunal, qui tendait, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de reconnaître cette pathologie comme maladie professionnelle imputable au service depuis le 13 juin 2014, était assortie d'un exposé des faits et de moyens suffisamment précis, à l'appui de ces conclusions. En particulier, M. E... a fait valoir que la pathologie dont il souffre était imputable au service. La commune de Six-Fours-les-Plages n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée selon laquelle la demande ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Sur le bienfondé du jugement : 4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires et de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qu'un fonctionnaire qui souffre d'une maladie contractée ou aggravée en service a droit à un congé de maladie à plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... souffre de troubles dépressifs en raison desquels il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 13 juin 2014, puis en congé de longue maladie. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, le maire de Six-Fours-les-Plages a retenu l'absence de lien direct et certain entre cette dernière et l'activité professionnelle, suivant ainsi l'avis émis par la commission de réforme le 21 février 2019. La commune de Six-Fours-les-Plages se prévaut du rapport d'expertise du Dr D..., médecin psychiatre, en date du 19 septembre 2017, qui conclut à l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de M. E..., et des avis émis par la commission de réforme le 24 mai 2018 et le 7 mars 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'expertise médicale réalisée par le Dr C..., médecin psychiatre agréé et chef de service au centre hospitalier Sainte-Marie à Nice, dont la valeur probante n'est pas remise en cause par la circonstance qu'elle a été réalisée à la demande de M. E..., que les conditions de survenue de la décompensation psychopathologique de l'intéressé permettent de retenir l'existence d'un lien direct avec les conditions de travail. Ces conclusions sont corroborées d'une part par les témoignages de collègues de travail de M. E... et d'autre part par le signalement effectué par le Dr B..., médecin du travail, auprès du service d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés au mois de juin 2014, après avoir constaté l'existence d'un risque psycho-social affectant l'agent, particulièrement suite à son isolement physique dans un bureau individuel de la mairie à compter de 2012. Si, par ailleurs, la commune de Six-Fours-les-Plages invoque l'existence de circonstances permettant selon elle de détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service, tenant aux difficultés induites par la gestion, par M. E..., de la mise sous-tutelle de ses deux parents, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que ces difficultés aient entraîné de troubles psychologiques chez l'agent, qui, par ailleurs, ne présente aucun antécédent de cette nature. Dans ces conditions, les premiers juges ont pu, à bon droit, rattacher les troubles dépressifs subis par l'agent à son activité professionnelle, qui ne s'expliquent, dans leur gravité, par aucun antécédent ou cause extérieure à l'exercice de la profession. 7. La commune de Six-Fours-les-Plages n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. E.... Sur l'injonction : 8. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 sont applicables, s'agissant des agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, depuis le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la fonction publique territoriale. Les droits des agents en matière d'accident de service ou de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. 9. En l'espèce, les troubles dépressifs dont souffre M. E... sont apparus en 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Il n'est donc pas fondé à demander à la cour qu'il soit enjoint à la commune de Six-Fours-les-Plages de le placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité. 10. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles que les premiers juges ont déjà enjoint à la commune de Six-Fours-les-Plages de prendre. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. E... dans la présente instance. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Six-Fours-les-Plages au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 1 500 euros à verser à M. E.... D É C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Six-Fours-les-Plages est rejetée. Article 2 : La commune de Six-Fours-les-Plages versera à M. E... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Les surplus des conclusions de M. E... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Six-Fours-les-Plages. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024. 2 N° 22MA01822
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, Juge des référés, 19/11/2024, 24BX01739, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner l'Etat à lui verser à titre de provision, sur le fondement de l'article R 541-1 du code de justice administrative, la somme totale de 26 486, 20 euros au titre des préjudices subis du fait de l'accident de service reconnu imputable au service. Par ordonnance du 4 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 juillet 2024 et des mémoires enregistrés les 9 et 11 octobre 2024, Mme B... représentée par Me Renoult, demande à la cour : - d'annuler cette ordonnance ; - à titre principal de condamner l'administration au paiement de la somme de 26 486,2 euros à titre de provision ; - à titre subsidiaire de condamner l'administration à lui verser une provision de 22 531 euros ; - de condamner l'administration à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens en application de l'article R 761-1 du même code. Elle soutient que : - son accident de service a été reconnu imputable au service par décision de la rectrice de l'académie le 18 mars 2022 et elle est donc fondée à solliciter la condamnation de l'administration, même en l'absence de faute de celle-ci, à lui verser une indemnité complémentaire réparant ses préjudices patrimoniaux et personnels non réparés par l'allocation temporaire d'invalidité et en conséquence, l'obligation indemnitaire est non sérieusement contestable ; - l'expertise réalisée par le médecin agréé ainsi que l'avis du conseil médical permettent de déterminer le quantum non sérieusement contestable des préjudices qu'elle a subis ; - elle a subi un déficit fonctionnel temporaire qui, compte tenu du déficit fonctionnel permanent fixé à 15 % à la date de consolidation, peut être évalué à 15 % sur la base de 16 euros par jour entre le 4 juin 2021 et le 7 juillet 2022 soit 398 jours, soit un total de 955,2 euros ; - les souffrances qu'elle a endurées avant sa consolidation qui peuvent être évaluées à 2/7 doivent être indemnisées par une somme de 3 000 euros ; - compte tenu de son taux d'incapacité permanente partielle évalué par l'expert psychiatre le 12 décembre 2022 à 15 % et de son âge, 40 ans, à la date de consolidation, ce préjudice peut être évalué à hauteur de 22 531 euros. - à titre subsidiaire, le déficit fonctionnel permanent a fait l'objet d'une évaluation par un médecin agréé et par le conseil médical de sorte que son évaluation et son indemnisation ne sont pas sérieusement contestables ; c'est à tort que le tribunal a considéré les trois postes de préjudices comme sérieusement contestables dans la mesure où l'un d'entre eux avait déjà été évalué et qu'il aurait alors dû réduire le montant de la provision à ce poste de préjudice déjà déterminé soit une provision de 22 531 euros. Par mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2024, la rectrice de la région académique de Guadeloupe conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - La créance de Mme B... ne peut être regardée comme non sérieusement contestable dès lors que sa demande ne s'appuie que sur la seule expertise du psychiatre qui ne se prononce que sur la date de consolidation et sur un taux d'IPP de 15 % confirmé ensuite par le conseil médical réuni en formation plénière et ne permet pas de se prononcer sur la nature et l'étendue des préjudices ni de caractériser l'existence de préjudices de nature à ouvrir droit à réparation, en l'absence d'un rapport d'expertise judiciaire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre, en qualité de juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., professeur des écoles affectée à l'école Suzanne Rollon au Gosier, a été victime d'un malaise à son domicile le 4 juin 2021 et estimant qu'il avait été causé par des mois de souffrance dans l'exercice de sa profession, a effectué une déclaration d'accident de service. La rectrice de la région académique de Guadeloupe a reconnu l'imputabilité au service de cet accident par décision du 18 mars 2022, au regard des conclusions médicales et de l'enquête administrative. L'expert psychiatre qui a examiné Mme B... à la demande de l'administration, a estimé dans son rapport du 31 décembre 2022, que la date de consolidation de l'état de santé de celle-ci pouvait être fixée au 7 juillet 2022 et, après avoir constaté l'absence d'état antérieur, que le taux d'incapacité permanente partielle pouvait être fixé à 15 %. Ces conclusions ont été reprises par le conseil médical réuni en formation plénière qui a émis un avis favorable à la demande d'allocation temporaire d'invalidité de Mme B... le 5 juin 2023. Celle-ci a ensuite saisi l'administration d'un recours indemnitaire préalable en vue de l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis, le 13 décembre 2023, lequel a fait l'objet d'un rejet implicite. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 4 juillet 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 26 486,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de son accident de service. 2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. 3. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et à leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 4. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il est constant que Mme B..., professeur des écoles, a, été victime le 4 juin 2021 d'un malaise à son domicile qui a été reconnu comme accident imputable au service, par décision de la rectrice de la région académique de Guadeloupe, du 18 mars 2022. L'administration a fixé la date de consolidation au 7 juillet 2022 et reconnu un taux d'incapacité permanente partielle de 15 % en reprenant les conclusions de l'expert psychiatre en date du 31 décembre 2022 qu'elle avait désigné afin qu'il examine Mme B..., et l'avis rendu par le conseil médical en formation plénière sur le taux proposé. Par suite, en application des règles rappelées ci-dessus, la responsabilité de l'Etat est engagée en l'absence de toute faute, et l'existence de son obligation envers la requérante à ce titre présente un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R 541-1 du code de justice administrative. 5. Dès lors que l'incapacité permanente partielle est un préjudice extrapatrimonial que l'allocation temporaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer, Mme B... est fondée à demander qu'une indemnité complémentaire lui soit allouée à ce titre. L'intéressée dont le taux d'incapacité permanente partielle a été fixé par l'Etat à 15 % sur le fondement du rapport de l'expert psychiatre qu'il avait désigné ainsi qu'il a été dit précédemment, était âgée de 40 ans à la date de consolidation de son état de santé le 7 juillet 2022. L'administration qui a retenu ce taux de 15 % ainsi que la date de consolidation, n'explicite pas dans ses écritures, la raison pour laquelle ces éléments ne pourraient être retenus. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du psychiatre désigné par l'administration décrivant les séquelles de l'accident et constatant l'absence d'état antérieur de Mme B..., que contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif, il y a lieu de considérer l'obligation de réparation par l'Etat de ce chef de préjudice comme présentant un caractère non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 20 000 euros. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction ni des éléments produits que les préjudices invoqués résultant des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire présenteraient un caractère non sérieusement contestable. 6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme B... une provision de 20 000 euros et de réformer en ce sens l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe. Sur les frais liés au litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme B..., sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. ORDONNE : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme B... une provision de 20 000 euros. Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe du 4 juillet 2024 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance. Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique de Guadeloupe. Fait à Bordeaux, le 19 novembre 2024. La juge des référés, Evelyne Balzamo La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°24BX01739
Cours administrative d'appel
Bordeaux