Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 08/03/2024, 23MA00351, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 8 août 2019 par laquelle la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n° 1904859 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 février 2023, M. A..., représenté par Me Cesari, demande à la Cour : 1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 13 décembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 8 août 2019 ; 3°) d'enjoindre à la société Orange de prendre en charge les arrêts de travail et soins liés à ses pathologies au titre de la maladie professionnelle et de mettre à jour le montant des salaires et mesures connexes pour la période des congés de maladie ordinaire ; 4°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dès lors que sa maladie et son aggravation sont en lien avec les fonctions exercées pour la société Orange ; - par la décision contestée, la société Orange a statué uniquement sur le refus d'imputabilité de la dorsalgie et de la lombalgie par l'absence de correspondance avec les critères du tableau des maladies professionnelles n° 97 et 98 et ne s'est pas prononcée sur le lien entre ces maladies ou leurs aggravations avec ses fonctions de téléconseiller ; - le lien entre les aggravations de ses maladies résulte du laxisme, voire même des refus délibérés de la société Orange à adapter son poste de travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, la société Orange, représentée par l'association d'avocats à responsabilité professionnelle Baker et McKenzie, conclut au rejet de la requête de M. A... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - le moyen tiré du défaut de motivation est irrecevable dès lors qu'en première instance, M. A... n'a invoqué que des moyens de légalité interne ; - le juge administratif peut procéder d'office à une substitution de base légale de la décision contestée dès lors que le pouvoir d'appréciation de l'administration est identique lorsqu'elle met en œuvre les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et celles de l'article 21 bis de la loi de 1983 et de son décret n° 2019-122 du 21 février 2019, entré en vigueur le 24 février suivant ; - l'autre moyen soulevé par M. A... n'est pas fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux ; - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Cesari, représentant M. A... et de Me Perche, représentant la société Orange. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., agent public de l'Etat, employé par la société Orange depuis 1991, a successivement occupé les postes de promoteur de réseau, de technico-commercial, de responsable gestion de la maintenance immobilière et, en dernier lieu, de téléconseiller. Il a commencé à souffrir d'une lombalgie chronique, diagnostiquée dans les années 1990 qui a évolué en discopathie dégénérative et en arthrose. Le requérant a demandé, le 1er octobre 2018, à la société Orange la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses pathologies. La commission de réforme a rendu un avis défavorable le 4 juillet 2019. Par une décision du 8 août 2019, la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des pathologies dont souffre M. A.... Ce dernier relève appel de l'article 1er du jugement du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 8 août 2019. Sur l'irrecevabilité du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige : 2. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge informe les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative cité ci-dessus, que sa décision est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, cette information n'a pas par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction. La communication par le juge, à l'ensemble des parties, des observations reçues sur ce moyen relevé d'office n'a pas non plus par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction, y compris dans le cas où, par l'argumentation qu'elle développe, une partie doit être regardée comme ayant expressément repris le moyen énoncé par le juge et soulevé ainsi un nouveau moyen. La réception d'observations sur un moyen relevé d'office n'impose en effet au juge de rouvrir l'instruction, conformément à la règle applicable à tout mémoire reçu postérieurement à la clôture de l'instruction, que si ces observations contiennent l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire et dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. 3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... n'a soulevé un moyen de légalité externe que dans sa réponse au moyen relevé d'office par le tribunal, enregistrée le 9 novembre 2022, postérieurement à la clôture d'instruction fixée au 20 mai 2022 à 12h par une ordonnance du 5 mai 2022. Par suite, le moyen de légalité externe tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée qui n'est pas d'ordre public, invoqué pour la première fois devant la Cour, se rattache à une cause juridique distincte de celle afférente aux moyens de légalité interne invoqués en première instance dans le délai du recours contentieux. Il constitue ainsi un moyen nouveau, irrecevable en appel. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les dispositions applicables : 4. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressée ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. 5. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; ". 6. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017, et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / IV. -Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 7. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret susvisé du 21 février 2019. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 8. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de M. A..., dont les pathologies ont été diagnostiquées le 15 janvier 1997, soit avant le 24 février 2019, est régie par les conditions de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, soit celles de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. 9. Il ressort notamment des motifs de l'arrêté contesté que la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des pathologies dont souffre M. A..., au visa de la loi du 11 janvier 1984, du décret du 14 mars 1986 et du décret du 4 février 2014 tout en estimant que les pathologies dont ils souffrent ne sont pas imputables au service au motif qu'elles ne correspondent pas aux critères du tableau des maladies professionnelles n° 97 et 98. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 8 que l'arrêté en litige ne pouvait trouver son fondement dans les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Toutefois, le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires, M. A... ayant au demeurant bénéficié de la consultation de la commission de réforme qui a émis un avis le 4 juillet 2019. Dans ces conditions, et comme le fait valoir la société Orange, il y a lieu de substituer ces dispositions à la base légale retenue par l'arrêté contesté. En ce qui concerne l'appréciation du caractère imputable au service : 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 11. M. A... a occupé des fonctions de promoteur réseau pour la société orange de 1991 à 1994, de responsable concepteur de 1994 à 1996, de responsable de gestion de maintenance de 1996 à 1998, de chargé d'opération en détachement au conseil général des Alpes-Maritimes puis de téléconseiller depuis 2001. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits par le requérant qu'une scoliose lombaire et une hyperlordose lombaire avec une ébauche de discopathie C6-C7 et L3-L4 ont été diagnostiquées le 15 janvier 1997, qu'il a bénéficié d'arrêts maladies en 2007, 2012, 2013, 2014 et 2018 en raison d'une lombalgie aiguë, et que cette dernière a évolué défavorablement en discopathie dégénérative ainsi que cela ressort du résultat de l'IRM du rachis-lombo-sacré daté du 7 mars 2018. Le 4 juillet 2019, la commission de réforme a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du lien avec le service des pathologies de dorsalgie et de lombalgie. Si M. A... soutient que dans le cadre de ses fonctions d'agent spécialisé en téléinformatique, il devait transporter et installer des matériels informatiques particulièrement volumineux et lourds à l'aide de chariots élévateurs, les certificats précités ne se prononcent pas sur le lien avec le service de ses pathologies. Les fiches émanant de l'institut national de la recherche et de la sécurité produites par le requérant et indiquant que des travaux de manutention peuvent causer des sciatiques par hernie discale sont des documents généraux qui ne permettent pas d'établir un tel lien. 12. M. A... soutient également que l'aggravation de cette pathologie en discopathie et arthrose est liée à l'absence d'adaptation de son poste par la société Orange. Il ressort des pièces du dossier que dès le 21 juin 2005, le médecin du travail qui l'a examiné dans le cadre d'une visite de reprise a préconisé l'aménagement de son poste de travail par l'installation de l'agent en retrait de l'ambiance sonore du plateau de travail, la fourniture d'un siège récent, plus adapté à sa pathologie, de lui laisser passer la possibilité de passer en position assis-debout, recommandations réitérées le 12 octobre 2005. Il ressort également de ces pièces que la société intimée a procédé à l'aménagement du poste de travail du requérant en mettant en œuvre les recommandations de la médecine du travail par l'acquisition, le 15 octobre 2015, d'un tapis de souris gel, d'un repose poignet gel, de deux écrans identiques par l'inscription en mai 2017 de l'intéressé à une formation " identifier les postures sur écran afin de limiter l'apparition des TMS " et par l'achat d'un bureau réglable en hauteur électrique le 5 novembre 2018 après devis reçu le 23 octobre 2018 et étude de poste du 24 septembre 2018. Ainsi, s'il est constant que la société Orange a mis en place des mesures de protection dix ans plus tard, à partir de 2015 alors que les premières préconisations de la médecine du travail dataient de 2005, il n'est pas établi que les pathologies de M. A... auraient été aggravées par cette mise en œuvre tardive alors que comme dit au point 11, sa lombalgie aiguë a évolué défavorablement en discopathie dégénérative constatée par une IRM du rachis-lombo-sacré du 7 mars 2018. 13. Compte tenu de ce qui a été aux points 10 à 12, il ne ressort pas des pièces du dossier que les pathologies de M. A... présenteraient un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de celle-ci. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision 8 août 2019. Sur les conclusions à fin d'injonction : 15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. A.... Sur les frais liés au litige : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orange, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Orange en application desdites dispositions. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société Orange présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la société Orange. Délibéré après l'audience du 23 février 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2024. N° 23MA00351 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 12/03/2024, 22TL00223, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes : 1°) d'annuler la décision du 24 avril 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard l'a placé en congé de maladie ordinaire du 1er octobre 2018 au 29 mai 2019 et a mis à sa charge les frais et soins en relation avec son accident de service, ainsi que la décision du 26 septembre 2019 rejetant son recours gracieux ; 2°) d'enjoindre à l'autorité territoriale de prendre en charge, à compter du 1er octobre 2018, ses arrêts de travail et les soins induits au titre de la rechute de son accident imputable au service du 7 novembre 1999 et, en conséquence, de régulariser sa rémunération pour les périodes du 15 novembre 2018 au 13 mars 2019 et du 5 au 29 mai 2019, et de lui rembourser le jour de carence du 1er octobre 2019 ; 3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1904161 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a : - annulé les décisions des 24 avril 2019 et 26 septembre 2019, - enjoint au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard de prendre une nouvelle décision plaçant M. D... en congé de maladie imputable au service du 1er au 29 octobre 2018 avec toutes les conséquences financières qu'une telle décision implique sur la rémunération de M. D... et de prendre en charge au titre du régime des accidents de service les soins relatifs aux acouphènes entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, - mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, - et rejeté le surplus de la demande de M. D.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°22MA00223, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°22TL00223, et un mémoire enregistré le 5 juin 2023, M. F... D..., représenté par Me Coudurier de la SCP Coudurier et Chamski, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer ce jugement du 18 novembre 2021 en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail sur la totalité de la période allant jusqu'au 30 septembre 2019 ; 2°) de rejeter l'appel incident du service départemental d'incendie et de secours du Gard ; 3°) d'enjoindre au président du service départemental d'incendie et de secours du Gard de prendre une nouvelle décision le plaçant en congé de maladie imputable au service du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019, avec toutes les conséquences financières qu'une telle décision implique sur sa rémunération ; 4°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens. Il soutient que : - la mise en congé maladie imputable au service ne pouvait être limitée du 1er au 29 octobre 2018 au regard de la nécessité de traitements longs et prolongés ; - la décision du 26 septembre 2019 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a été prise en violation de l'article 57 alinéa 2 de la loi du 26 janvier 1984 dès lors que les arrêts de travail depuis le 1er octobre 2018 sont la conséquence directe et certaine de l'accident de service du 7 novembre 1999, s'agissant d'une rechute ; il en est de même de la prise en charge des soins relatifs aux acouphènes ; - sa demande devant le tribunal administratif n'était pas tardive ; - il a présenté une demande d'annulation des décisions contestées et non une demande indemnitaire. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier 2023 et 23 octobre 2023, le service départemental d'incendie et de secours du Gard, représenté par Me Journault, conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 18 novembre 2021 et de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens. Il fait valoir que : - le lien direct et certain entre les arrêts de travail de M. D... et le service n'est pas établi, en l'absence d'aggravation de son état ou d'une nouvelle lésion ; - d'une part, ces arrêts concernent la période courant jusqu'au 29 mai 2019 et non jusqu'au 30 septembre 2019 et, d'autre part, son état a été déclaré consolidé en janvier 2003 ; - seule la période du 1er au 5 octobre 2018 peut être considérée comme présentant un lien direct avec l'accident de service, celle du 16 au 29 octobre 2018 étant dépourvue de lien direct avec celui-ci ; - les conséquences financières dont il demande la prise en charge sont patrimoniales et se confondent avec celles réparées par l'allocation temporaire d'invalidité ; - les soins relatifs aux acouphènes, dont le montant n'a jamais été communiqué au service et dont la matérialité n'est pas établie, ne peuvent être pris en charge en l'absence de nécessité. Par ordonnance du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Journault, représentant le service départemental d'incendie et de secours du Gard. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., qui exerçait en qualité d'adjudant de sapeur-pompier professionnel, a été victime d'un accident reconnu imputable au service le 7 novembre 1999 alors qu'il était affecté au centre de secours d'Uzès. Son état de santé a été déclaré consolidé le 13 janvier 2003 et son taux d'incapacité a été fixé à 38 % avec effet au 13 janvier 2003, puis porté à 54 % à compter du 13 janvier 2008. L'intéressé a obtenu à ce titre l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité pour un montant de près de 600 euros par mois. M. D... a été placé en arrêt de travail à compter du 1er octobre 2018. Il a transmis à son employeur des certificats médicaux d'accident de travail pour la période et demandé la prise en charge de ses arrêts courant jusqu'au 29 mai 2019 au titre d'une rechute de son accident de service du 7 novembre 1999, ainsi que les soins reçus pendant cette période. Par une décision du 24 avril 2019, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard a rejeté sa demande, l'a placé en congé de maladie ordinaire du 1er octobre 2018 au 29 mai 2019 et a mis à sa charge les frais et soins en relation avec son accident. Son recours gracieux a été rejeté le 26 septembre 2019. M. D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation des décisions prises les 24 avril et 26 septembre 2019. Par un jugement du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces décisions et a enjoint au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard de prendre une nouvelle décision plaçant M. D... en congé de maladie imputable au service du 1er au 29 octobre 2018 avec toutes les conséquences financières qu'une telle décision implique sur la rémunération de l'intéressé, et de prendre en charge au titre du régime des accidents de service les soins relatifs aux acouphènes entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019. M. D... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail sur la totalité de la période allant jusqu'au 30 septembre 2019 et demande d'enjoindre au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard de prendre une nouvelle décision le plaçant en congé de maladie imputable au service jusqu'à cette date, avec toutes les conséquences financières qu'une telle décision implique sur sa rémunération. Le service départemental d'incendie et de secours du Gard demande, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 18 novembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service. 4. Pour refuser de prendre en charge les arrêts de travail de M. D... à compter du 1er octobre 2018 au titre de l'accident de service dont il a été victime le 7 novembre 1999, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Gard s'est fondé sur l'absence de rechute de l'accident initial et sur la circonstance que ces arrêts ne peuvent être considérés ni comme justifiés ni comme nécessaires, alors même que le lien entre les troubles et l'accident initial n'est pas contesté. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui a été victime d'un traumatisme crânien avec vertiges et surdité à la suite de l'accident de service du 7 novembre 1999, présente une surdité nécessitant le port de prothèses auditives, ainsi que des acouphènes invalidants. Il a été hospitalisé du 1er au 5 octobre 2018 à la clinique du docteur A... C... pour y subir un traitement destiné à diminuer la gêne des acouphènes, puis du 16 au 29 octobre 2018 en centre de soins de suite à la clinique les Oliviers afin de reprendre une thérapie permettant également de réduire ces acouphènes. Selon le certificat médical de son médecin traitant du 20 novembre 2018 et celui du médecin de la clinique du docteur A... C... du 22 novembre 2018, un traitement par appareillage masqueur d'acouphènes d'une durée de douze mois était prévu à la suite de la première hospitalisation. Si ces soins présentent un lien direct et certain avec l'accident de service du 7 novembre 1999, ainsi qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le service départemental d'incendie et de secours, il ne ressort cependant d'aucune pièce médicale produite que la poursuite du traitement à l'issue de la seconde hospitalisation, limitée au port de cet appareillage pendant une durée maximale de six heures par jour, faisait obstacle à la poursuite de l'activité professionnelle de M. D..., laquelle ne comporte que des tâches administratives, à l'exclusion de toute intervention sur le terrain. Ainsi, selon le docteur E..., les acouphènes invalidants dont souffre M. D... nécessitent des périodes régulières de mise en place d'un masqueur d'acouphènes d'une durée d'un à deux mois. En outre, selon l'expert B..., la thérapie sonore suivie à compter d'octobre 2018, qui ne nécessite que 2 heures par jour et non 8 heures, est compatible avec une activité professionnelle à temps plein. Si cet expert a estimé que ces soins ne présentaient pas un caractère de nécessité, il ressort cependant des pièces médicales produites que cette thérapie a été prescrite à M. D... dans un contexte de recrudescence des acouphènes dont il souffrait depuis le printemps 2018. Par suite, elle présentait un caractère d'utilité directe pour M. D..., alors même que son état ne se serait pas aggravé de manière sensible comme l'a constaté le dernier expert mandaté. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance que la commission de réforme a émis, le 10 septembre 2019, un avis favorable à l'imputabilité à l'accident de service des arrêts de travail de M. D... du 1er octobre 2018 au 31 mars 2019, seule la prise en charge des arrêts de travail au titre de la période du 1er au 29 octobre 2018, date de sortie de M. D... de la clinique les Oliviers, est justifiée en raison du lien direct et certain avec l'accident de service initial. 5. S'agissant ensuite de la prise en charge des soins relatifs aux acouphènes, il résulte de ce qui vient d'être exposé que, contrairement à ce que persiste à faire valoir le service départemental d'incendie et de secours du Gard, la thérapie suivie par M. D... présentait un caractère d'utilité directe. Alors que l'allocation temporaire d'invalidité n'a pas vocation à réparer les conséquences financières d'un accident de service portant sur les frais de santé, M. D... était fondé à solliciter la prise en charge de ces frais au titre de la totalité de la période des soins, soit jusqu'au 30 septembre 2019. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a seulement fait droit de manière partielle à sa demande en enjoignant au service départemental d'incendie et de secours du Gard de prendre une nouvelle décision le plaçant en congé de maladie imputable au service du 1er au 29 octobre 2018 avec toutes les conséquences qu'une telle décision implique sur sa rémunération, et de prendre en charge au titre du régime des accidents de service les soins relatifs aux acouphènes entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019. Il y a lieu par voie de conséquence de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par le service départemental d'incendie et de secours du Gard tendant à l'annulation du jugement. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Gard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours du Gard et non compris dans les dépens. 9. En l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions des parties tendant à l'attribution de leur charge sont sans objet et doivent donc être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours du Gard au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative et à fin d'appel incident sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au service départemental d'incendie et de secours du Gard. Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL00223 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 12/03/2024, 23MA02153, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler l'arrêté interministériel du 3 décembre 2018 réduisant le montant de sa pension militaire d'invalidité à un taux global de 85 %. Par un jugement n° 18/00163 du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a partiellement annulé cet arrêté, notamment en tant qu'il supprime la mention de la perte de sélectivité et a décidé que M. B... avait droit au renouvellement, à titre définitif, de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", avec un taux fixé à 40 %, dont 22 % imputable au service, avec majoration de 10 % pour perte de sélectivité, avant d'enjoindre à l'administration de procéder à la liquidation de la pension de M. B... au taux global de 90 %, avec le versement d'une allocation de grand invalide. Procédure devant la Cour avant cassation : Par un recours et des mémoires complémentaires, enregistrés le 7 novembre 2019, et les 21 février et 3 juillet 2020, le ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019. Il soutient que : - l'hypoacousie bilatérale dont M. B... est atteint et qui est d'origine traumatique n'ayant pu s'aggraver en l'absence d'exposition à de nouveaux traumatismes, sa baisse d'audition est due à une presbyacousie qui constitue une infirmité distincte ; - la majoration pour perte de sélectivité n'était plus constituée à la date du renouvellement de cette infirmité qui n'avait pu être reconnue qu'à titre temporaire, nonobstant l'existence d'une décision judiciaire devenue définitive. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 janvier, 27 février et 9 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, conclut, à titre principal, au rejet de ce recours, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés. Par un arrêt n° 19MA04751 du 26 janvier 2021, la Cour a réformé le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019 en ce qu'il porte le taux de l'infirmité " hypoacousie bilatérale " à 40 %, dont 22 % imputables au service, et a rejeté le surplus des conclusions du recours du ministre des armées. Par une décision n° 451212 du 11 août 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt de la Cour du 26 janvier 2021 en tant qu'il statue sur la majoration de 10 % pour perte de sélectivité et, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, lui a renvoyé l'affaire qui porte désormais le n° 23MA02153. Procédure devant la Cour après cassation : Par des courriers du 17 août 2023, la Cour a informé les parties de la reprise d'instance après cassation. Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 octobre et 5 décembre 2023, M. B... conclut : - à ce que, avant dire droit, la Cour désigne un expert de justice avec pour mission de : . se placer à la date de conversion en pension définitive, soit le 29 octobre 2017 ; . décrire l'infirmité " perte de sélectivité ", après avoir pratiqué un examen audiométrique complet ; . donner son avis sur les divers audiogrammes pratiqués avant la date de conversion et après ladite date ; . fixer le taux d'invalidité au regard du guide barème applicable aux pensions militaires d'invalidité et, plus précisément en l'espèce, du décret du 3 décembre 1971 modifié par le décret du 30 janvier 1993 ; . d'une manière générale, faire toute constatation médicale utile à la solution du litige ; - à ce que la Cour sursoie à statuer sur le surplus. Il fait valoir que : - le rapport dressé le 30 août 2018 n'a pas été établi conformément au guide-barème applicable ; - la perte de sélectivité a toujours été observée sur l'ensemble de la période courant de 2015 à 2019 ; - le code impose de se placer à la date de la demande mais pas d'écarter des débats les documents qui, bien que postérieurs à cette date, tendent à établir la réalité et l'importance de l'infirmité à cette même date ; si toutes les pièces postérieures à la date de référence, soit le 29 octobre 2017, devaient être écartées, le rapport dressé le 30 août 2018 devrait l'être aussi ; - en l'état, une mesure d'expertise est seule de nature à trancher la question médicale posée. Par des mémoires complémentaires, enregistrés les 30 novembre et 15 décembre 2023, le ministre des armées demande à la Cour de rejeter les conclusions présentées par M. B... tendant à la désignation d'un expert de justice et au bénéfice de la majoration de 10 % au titre d'une perte de sélectivité. Il soutient que : - le code des pensions militaires d'invalidité exige de se placer à la date du renouvellement de la pension, soit, en l'espèce, le 29 octobre 2017, au regard des résultats d'expertise rendus conformément aux obligations prévues par la circulaire relative à la constitution, à l'instruction et à la liquidation des dossiers de pension d'invalidité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre du 12 février 2010, et par l'instruction ministérielle n° 606 B du 20 juillet 1976 relative aux expertises médicales ; M. B... ne peut utilement se prévaloir des audiogrammes des 28 mai 2015, 8 janvier 2019 et 25 septembre 2023 pour remettre en cause les résultats de celui réalisé le 13 août 2018, ni pour solliciter avant dire droit, la mise en œuvre d'une expertise médicale ; - le taux d'invalidité résultant de l'hypoacousie de M. B... ne peut être majoré de 10 dès lors que ce dernier n'invoque aucun moyen susceptible de remettre en cause la validité de l'audiogramme du 13 août 2018, qui a été réalisé dans le cadre de sa demande de renouvellement, au plus proche de la date du 29 octobre 2017, et qui a montré une différence de 40 décibels (dB) entre les seuils d'audition sur les fréquences 4 000 et 1 000 hertz (Hz) pour la meilleure oreille. Un courrier du 8 novembre 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 15 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. En exécution d'un jugement du tribunal des pensions de Marseille du 13 avril 2017, confirmé par un arrêt de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence rendu le 14 mai 2018, M. B..., né le 22 juillet 1948, militaire de carrière radié des cadres le 30 octobre 1991, alors titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 40 %, s'est vu reconnaître, par un arrêté interministériel du 16 juillet 2018, le droit à la révision de cette pension, dont le taux global a été porté à 90 %, du fait de deux infirmités nouvelles, dont une hypoacousie bilatérale. Le taux de cette infirmité, arrêté à titre temporaire pour la période du 29 octobre 2014 au 28 octobre 2017, était alors évalué à 30 %, dont 12 % imputables au service, avec majoration de 10 % pour perte de sélectivité, soit un taux indemnisable de 22 %. Par un arrêté interministériel du 3 décembre 2018 statuant sur le droit au renouvellement de la pension versée au titre de ces infirmités nouvelles à compter du 29 octobre 2017, le taux global de la pension attribuée à M. B... a été ramené à 85 %, par suite de la réévaluation constatée de l'hypoacousie bilatérale, dont le taux d'invalidité a été limité à 12 %, sans droit à la majoration de 10 % pour perte de sélectivité, tandis qu'une nouvelle baisse auditive bilatérale non imputable au service a été identifiée, dont le taux a été évalué à 28 %. Par un jugement du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a, saisi par M. B..., jugé que ce dernier avait droit au renouvellement à titre définitif de la pension versée au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", dont il a fixé le taux à 40 %, dont 22 % imputable au service, avec une majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Sur appel du ministre des armées, la Cour a, par l'arrêt n° 19MA04751 du 26 janvier 2021, réformé ce jugement en ce qu'il a porté le taux de l'infirmité " hypoacousie bilatérale " à 40 %, dont 22 % imputable au service, en jugeant que M. B... ne pouvait prétendre qu'à un taux de 12 % imputable au service mais avec une majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Par la décision susvisée rendue le 11 août 2023, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi du ministre des armées, annulé cet arrêt de la Cour en tant qu'il statue sur cette majoration de 10 % pour perte de sélectivité et lui a renvoyé l'affaire dans cette mesure. 2. Aux termes de l'article L. 8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 121-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. / Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension. (...) ". 3. Par ailleurs, le guide barème des invalidités, qui constitue l'annexe 2 au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicable au présent litige, précise, en ce qui concerne les diminutions d'acuité auditive : " Pour tenir compte des pertes de sélectivité importantes qui peuvent être la conséquence d'une atteinte post-traumatique ou toxique, ces taux seront majorés de 10 lorsque, pour la meilleure oreille (celle dont la PA est la moins accentuée), la différence des seuils d'audition sur les fréquences 4 000 et 1 000 Hz (4 000 - 1 000) est égale ou supérieure à 50 dB, à la condition toutefois que la perte auditive moyenne en dB (PA) de la meilleure oreille soit inférieure à 60 dB, car la gêne fonctionnelle qui résulte d'une perte de sensibilité supérieure n'est que fort peu aggravée par la perte de sélectivité ". Il résulte de ces dispositions que si la perte de sélectivité ne peut être retenue que sous la forme d'une majoration du taux de l'hypoacousie, et non d'une infirmité distincte, les conditions qu'elles prévoient doivent néanmoins être appréciées sur la base de l'ensemble des pertes auditives que présente l'intéressé, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre le taux de ces pertes auditives imputables au service et le taux de celles qui ne le sont pas. Ainsi, en cas d'aggravation de l'hypoacousie pour une cause non imputable au service, l'application de ces dispositions peut conduire à ce qu'une perte de sélectivité précédemment égale ou supérieure à 50 décibels (dB), et comme telle ouvrant droit à une majoration de 10, soit constatée comme inférieure à 50 dB, et comme telle comme n'ouvrant plus droit à cette majoration. 4. Au cas particulier, il résulte de l'instruction, et notamment des résultats de l'audiométrie pratiquée, le 13 août 2018, par le chef du service oto-rhino-laryngologiste (ORL) de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Laveran, que les seuils d'audition sur la meilleure oreille de M. B..., soit celle de droite, ont été mesurés à 80 dB, sur la fréquence 4 000 hertz (Hz), et à 40 dB, sur la fréquence 1 000 Hz. La différence des seuils d'audition sur les fréquences 4 000 et 1 000 Hz pour cette oreille était ainsi alors égale à 40 dB, soit un niveau inférieur au minimum de 50 dB ouvrant droit à une majoration du taux d'invalidité pour pertes de sélectivité importantes. En se bornant à affirmer que ce chef de service n'aurait pas appliqué le guide-barème, à se prévaloir d'audiogrammes réalisés le 28 mai 2015, les 24 janvier et 17 décembre 2019, et le 25 septembre 2023, et à soutenir que les résultats obtenus peuvent varier en fonction de l'appareil utilisé, M. B... n'apporte pas d'éléments suffisamment circonstanciés pour remettre en cause les relevés du chef du service ORL de l'HIA Laveran qui ont été opérés à la date la plus proche de celle du 29 octobre 2017, date du renouvellement de la pension, ni à justifier que soit ordonnée une expertise avant dire droit. Dès lors, M. B... ne peut prétendre à la majoration du taux d'invalidité prévue par les dispositions citées au point 3 ci-dessus du présent arrêt. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire-droit comme le demande en défense M. B..., le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a retenu une majoration de 10 % pour perte de sélectivité. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 18/00163 du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019 est également annulé en tant qu'il a retenu une majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Article 2 : La demande de première instance de M. B... tendant au bénéfice de cette majoration ainsi que les conclusions à fin d'expertise qu'il a présentées devant la Cour sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024. 2 No 23MA02153
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 12/03/2024, 22NT03709, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'annuler la décision du 24 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation. Par un jugement n° 1905899 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Ongis, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 septembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 24 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation ; 3°) d'ordonner une expertise médicale pour fixer le niveau d'aggravation de son infirmité " séquelles de méniscectomie externe du genou gauche " ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'expertise réalisée le 2 janvier 2019 est insuffisante : * les derniers clichés radiologiques réalisés en décembre 2018 produits au soutien de sa demande de révision de sa pension n'ont pas été pris en compte par l'expert ; * l'expert se borne à indiquer, sans en justifier, qu'il ne présente pas une aggravation de son infirmité ; * ce rapport d'expertise n'est qu'un " copier-coller " de l'examen clinique réalisé en 2013 et il n'a pas été réalisé dans des conditions satisfaisantes ; - l'état de son genou gauche s'est aggravé et il souffre d'une arthrose persistante ; - les éléments produits à l'instance sont de nature à mettre en cause les conclusions du rapport d'expertise et à justifier une demande de nouvelle expertise. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B.... Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant de gendarmerie rayé des contrôles le 7 avril 2005, bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis 2001, portée au taux global de 70 % à titre définitif depuis le 20 avril 2015, pour les infirmités " séquelles de méniscectomie externe du genou gauche " au taux de 35 %, " séquelles de méniscectomie interne du genou droit " au taux de 35 % et " séquelles de fracture de la tête radiale droite " au taux de 10 %. Il a présenté, le 9 octobre 2017, une demande de révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " séquelles de méniscectomie externe du genou gauche ". Par décision du 24 avril 2019, le ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. ". Aux termes de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Aux termes du guide barème s'agissant du genou : " raideurs articulaires : 5 à 30 pour cent ". 3. Il résulte de l'instruction que M. B... a été examiné par un expert agréé, le 2 janvier 2019. A cette occasion, l'expert a constaté : " un appui monopodal stable, une marche sans canne, légère boiterie, une marche sur pointe des pieds et talons déclarée impossible, un accroupissement incomplet, un flessum de 10°, une flexion du genou gauche de 95°, une distance talon-fesse de 38 cm à gauche, une amyotrophie de la jambe gauche et une gonarthrose bilatérale tri-compartimentale ". L'expert conclut que l'aggravation est peu significative sur le plan clinique et maintient le taux de 35% pour l'infirmité " séquelles de méniscectomie externe du genou gauche ". Cette expertise est confirmée par l'analyse du médecin en chef du bureau des expertises et analyses médicales, dans son avis du 13 février 2019, qui relève que l'expertise est similaire à celle faite par le même expert en 2013 et constate seulement une " légère boiterie à gauche et une limitation de la flexion de 10° par rapport à l'expertise de 2013 ". Il estime que les séquelles ont peu évolué et confirme le maintien du taux de 35%. Contrairement à ce qui est allégué par le requérant, l'expert a pris en compte, dans le cadre de son évaluation, les précédents clichés radiologiques réalisés par M. B... puisqu'il souligne : " il a apporté à l'expertise des radiographies des deux genoux de face (appui unipodal et fémoro-patellaire) montrant une arthrose tri-compartimentale prédominant en fémoro-tibial interne de façon bilatérale, mais également fémoro-tibiale externe gauche. " et souligne " qu'il a également bénéficié d'une imagerie par résonance magnétique, le 19 décembre 2018, montrant une aggravation des lésions dégénératives par rapport aux examens antérieurs ". De même, si l'expert a repris la trame de son rapport d'expertise du 25 novembre 2013, le rapport du 2 janvier 2019 ne saurait être regardé comme un " copier-coller " du précédent examen clinique, l'expert ayant relevé des modifications par rapport à la précédente expertise tenant notamment à l'impossibilité de marcher sur talon et pointe et à la mobilité du genou gauche avec un déficit en flexion de 10°. Les certificats médicaux des 10 et 20 octobre 2022 produits par le requérant, qui se bornent à constater une aggravation de sa gonarthrose fémoro-tibiale externe entre les clichés radiographiques de 2001 et de 2018 sans attester d'une gêne fonctionnelle plus importante que celle constatée par le médecin expert, ne sont pas de nature à remettre en cause les avis concordants des médecins experts ayant examiné M. B.... Sur les conclusions à fin d'indemnisation : 4. Dès lors que l'administration n'a en l'espèce commis aucune faute, les conclusions indemnitaires du requérant, au demeurant irrecevables car nouvelles en appel, ne peuvent qu'être rejetées. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale au regard des motifs développés au point 3, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 16 février 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mars 2024. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT03709
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANCY, 2ème chambre, 14/03/2024, 21NC03161, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 12 février 2020 par laquelle le président de l'université de Lorraine a décidé de suivre l'avis émis par la commission de réforme de l'admettre à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2019 à la suite d'une inaptitude totale et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions dans la fonction publique de l'Etat. Par un jugement n° 2001332 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 9 décembre 2021 et 15 février 2023, Mme B..., représentée par Me Bauer, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2021 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision du 12 février 2020 et, à titre subsidiaire, l'arrêté du 22 mai 2020 par lequel le ministre de l'enseignement supérieur l'a admise d'office à la retraite ; 3°) ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer l'origine et les causes de ses différentes pathologies ; 4°) de mettre à la charge de l'université de Lorraine la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme B... soutient que : - le courrier du 12 février 2020 par lequel le président de l'université de Lorraine a décidé de suivre l'avis émis par la commission de réforme ne constitue pas un acte préparatoire, il est décisoire puisque le président décide de suivre l'avis consultatif de la commission de réforme et lui fait grief ; - la décision est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où la composition de la réforme est irrégulière en ce qu'elle ne comprenait pas de psychiatre en méconnaissance de l'article R. 45 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que les expertises relatives à son état de santé sont contradictoire et incomplètes ; - en ne prenant aucune mesure pour mesurer son exposition aux ondes magnétiques, son employeur a méconnu son obligation de sécurité. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2022, l'université de Lorraine, représentée par Me Jeandon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 850 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la lettre du 12 février 2020 est dépourvue de caractère décisoire ; - les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 22 mai 2020 sont tardives. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Mosser, - les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique, - et les observations de Me Bauer, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Maître de conférences à l'université de Lorraine, Mme B... a été placée en congé longue maladie, puis longue durée du 1er septembre 2014 au 31 août 2019. Par un avis du 11 février 2020, la commission de réforme a émis un avis favorable à son admission d'office à la retraite à compter du 1er septembre 2019 en raison d'une inaptitude totale et définitive à ses fonctions et à toute fonction dans la fonction publique de l'Etat. Par un courrier du 12 février 2020, le président de l'université de Lorraine l'a informée de la teneur de cet avis et qu'il avait " décidé de suivre cet avis ". Par un arrêté du 22 mai 2020, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation l'a admise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 1er septembre 2019. Mme B... relève appel du jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et demande à titre principal l'annulation de la décision du 12 février 2020 et à titre subsidiaire, celle de l'arrêté du 22 mai 2020. Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 22 mai 2020 : 2. Dans le mémoire en réplique présentée en première instance pour Mme B... et enregistré le 18 juin 2021, l'avocat se borne à demander au tribunal, " de considérer les griefs exposés par Mme B... en contestation de la décision du 12 février 2020 comme des griefs dirigés dont l'arrêté prononcé par le ministère de l'enseignement supérieur en date du 4 juin 2020 ", étant précisé que le 4 juin 2020 est la date à laquelle la direction des ressources humaines de l'université a reçu l'arrêté ministériel du 22 mai 2020. Ce faisant l'avocat, qui ne critique d'ailleurs pas le jugement attaqué sur ce point, n'a entendu demander, ni à titre principal, ni à titre subsidiaire l'annulation de cet arrêté devant les premiers juges. Dès lors, les conclusions tendant à son annulation, soulevées à titre subsidiaire dans sa requête d'appel, sont présentées directement devant la cour. Par suite, elles sont irrecevables comme nouvelles en appel. Sur les conclusions dirigées contre la décision du 12 février 2020 : 3. Il ressort des pièces du dossier que le 11 février 2020, la commission de réforme a rendu un avis favorable à l'admission de Mme B... à la retraite d'office pour raisons de santé. Par le courrier contesté du 12 février 2020, le président de l'université l'a informée de la teneur de cet avis de la commission de réforme, qu'il " [avait] décidé de suivre cet avis ", et que son dossier serait étudié par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation dont elle relevait, dans l'attente, sa rémunération étant maintenue à demi-traitement. Ainsi, cette lettre, en dépit de sa formulation maladroite, n'a eu pour seule conséquence que de transmettre son dossier à la ministre qui l'a admise, par arrêté du 22 mai 2020, à la retraite pour invalidité à titre rétroactif à compter du 1er septembre 2019, le maintien de sa rémunération à demi-traitement étant prévu par les dispositions des articles 27 et 47 du décret du 14 mars 1986. Dès lors, ce courrier constitue une simple lettre d'information, non prévue par les dispositions législatives ou règlementaires et n'a pas eu d'effet juridique sur la situation de la requérante. Par suite, il ne peut pas être regardé comme une décision faisant grief, susceptible d'un recours en excès de pouvoir et les conclusions dirigées contre lui sont irrecevables. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'université de Lorraine, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'université de Lorraine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Lorraine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'université de Lorraine. Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient : Mme Rousselle, présidente, M. Agnel, président-assesseur, Mme Mosser, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024. La rapporteure, Signé : C. MosserLa présidente, Signé : P. Rousselle La greffière, Signé : C. Schramm La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, C. Schramm 2 N° 21NC03161
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 2ème chambre, 11/03/2024, 473488, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 13 mars 2018 par laquelle la direction générale des finances publiques a suspendu le paiement des arrérages de la pension qui lui a été attribuée le 26 février 2018 du montant de la rente viagère d'invalidité servie par la CNP Assurances à compter du 1er janvier 2002, ainsi que le titre de pension qui fait application de cette minoration et, d'autre part, d'annuler la décision du 7 juillet 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande de révision de sa pension. Par un jugement nos 2003848, 2010344 du 19 juillet 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21MA04023 du 5 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 466845 du 10 mars 2023, le Conseil d'État, statuant au contentieux, n'a pas admis le pourvoi formé par M. B... contre cet arrêt. Recours en révision et en rectification d'erreur matérielle Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 avril et 26 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'État : 1°) de réviser ou, à titre subsidiaire, de rectifier pour erreur matérielle la décision du 10 mars 2023 ; 2°) de déclarer nulle et non avenue cette décision ; 3°) statuant à nouveau sur son pourvoi, d'annuler l'arrêt du 5 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille ; 4°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur, - les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : Sur le recours en révision : 1. Aux termes de l'article R. 834-1 du code de justice administrative : " Le recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat ne peut être présenté que / (...) / 3°) Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision ". 2. À l'appui de son recours en révision, M. B... soutient que le Conseil d'État, statuant au contentieux, a omis de se prononcer sur les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'insuffisance de motivation tenant à ce qu'en faisant application des dispositions des articles L. 112 et L. 219 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la cour administrative d'appel s'est non seulement méprise sur la règle applicable en faisant application de dispositions abrogées mais n'a pas appliqué les dispositions en vigueur qui permettaient de faire droit à ses prétentions. Toutefois, cette circonstance, qui constitue seulement un cas d'ouverture du recours en rectification d'erreur matérielle, n'est pas de nature à rendre recevable le recours en révision sur le fondement du 3° de l'article R. 834 1 du code de justice administrative. Sur le recours en rectification d'erreur matérielle : 3. Aux termes des dispositions de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification (...) ". Le recours en rectification d'erreur matérielle n'est ouvert qu'en vue de corriger des erreurs de caractère matériel qui ne sont pas imputables aux parties et qui ont pu avoir une influence sur le sens de la décision. Les appréciations d'ordre juridique auxquelles se livre le Conseil d'Etat pour statuer sur l'argumentation des parties ne sont pas susceptibles d'être remises en cause par la voie du recours en rectification d'erreur matérielle. 4. A l'appui de son recours en rectification d'erreur matérielle, M. B... soulève le moyen énoncé au point 2. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, le Conseil d'État, statuant au contentieux, qui n'avait pas à détailler l'argumentation du requérant, a bien visé et analysé les moyens soulevés par M. B.... 5. Il résulte de tout ce qui précède que le recours en révision et en rectification d'erreur matérielle présenté par M. B... n'est pas recevable et doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 29 février 2024 où siégeaient : M. Jean-Yves Ollier, assesseur, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur. Rendu le 11 mars 2024. Le président : Signé : M. Jean-Yves Ollier Le rapporteur : Signé : M. Hadrien Tissandier La secrétaire : Signé : Mme Catherine XavierECLI:FR:CECHS:2024:473488.20240311
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 27/02/2024, 22TL21083, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier sous le n° 2001298, d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa réclamation préalable du 16 décembre 2019, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts de droit à compter du dépôt de sa demande préalable et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2001298-2104761 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté sa demande indemnitaire. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 mai 2022, M. B..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°2001298 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa réclamation préalable reçue le 16 décembre 2019 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts de droit à compter du dépôt de sa demande préalable ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement contesté est mal fondé ; en analysant séparément, et non dans leur ensemble, les différents agissements dont il a été victime, le tribunal n'a pas tiré les conclusions qui s'imposaient des éléments du dossier au titre du harcèlement moral ; le tribunal a écarté le caractère imputable au service de sa pathologie sans tenir compte des pièces médicales produites ; - il a été victime de harcèlement moral, à défaut, d'une gestion fautive de sa carrière par sa hiérarchie, ce qui engage la responsabilité pour faute de l'Etat ; - il a droit, même sans faute, à la réparation des préjudices imputables à son syndrome anxiodépressif d'origine professionnelle ; - il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en le fixant à la somme de 20 000 euros ; l'atteinte à l'intégrité physique peut être évaluée à la somme de 40 000 euros ; il a subi un préjudice de carrière, qui sera réparé par le versement d'une somme de 20 000 euros ; une somme de 10 000 euros lui sera octroyée au titre de l'atteinte à sa réputation et la perte du bénéfice de 46 heures 26 d'aménagement et réduction du temps de travail et d'heures supplémentaires acquises au 1er janvier 2019 sera réparée par le versement d'une somme de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré, l'existence d'un fait accidentel n'étant pas établie ; le requérant n'a jamais expressément sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un trouble anxiodépressif mais d'un accident ; ni la commission de réforme, ni le préfet n'ont été mis à même de se prononcer sur l'imputabilité de cette maladie ; - il oppose la prescription quadriennale aux éventuels préjudices antérieurs à l'année 2015 ; - M. B... ne saurait se prévaloir de l'existence d'un harcèlement moral ou de fautes dans la gestion de sa carrière et ne justifie de la réalité d'aucun préjudice ; - le requérant ne peut se prévaloir de la qualité de fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle. Par une ordonnance du 26 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., brigadier-chef de la police nationale, affecté au sein de la circonscription de sécurité publique de Narbonne, a présenté une demande indemnitaire préalable en date du 5 décembre 2019 afin d'obtenir la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis et résultant de la dégradation de ses conditions de travail. Du silence gardé par l'administration sur cette demande est née une décision implicite de rejet. Par un jugement du 8 avril 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté cette demande indemnitaire. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 applicable à l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". 3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 4. M. B... expose d'abord avoir été victime de faits de harcèlement moral sur une période allant de 2006 à 2013, et avoir alors subi des reproches injustifiés, remarques vexatoires et violences verbales, une mutation d'office en 2007 réduisant ses responsabilités, un aménagement de ses horaires nuisant à sa vie privée, une baisse arbitraire de notation et une procédure disciplinaire injustifiée. Toutefois, il ne produit, sur ce point, qu'un récit détaillé, rédigé par ses soins, à lui seul, insuffisant pour étayer ses allégations. 5. Il expose ensuite que ses conditions de travail se sont de nouveau dégradées à compter de l'année 2016. Il précise avoir été victime de la vindicte de son chef d'unité, qui aurait rédigé des comptes-rendus défavorables sans lui en faire part, aurait émis des reproches injustifiés, fantaisistes et de mauvaise foi, notamment des observations orales. Il ne résulte cependant pas de l'instruction que le comportement du chef d'unité à l'égard de l'intéressé aurait excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, notamment sa demande d'explication en date du 4 décembre 2018 sur le départ anticipé du service de M. B... le 2 décembre 2018. 6. M. B... indique encore que le 15 octobre 2018, il a signalé à sa hiérarchie des faits de harcèlement sexuel impliquant un brigadier à l'égard d'une adjointe de sécurité et que ce brigadier a obtenu le soutien d'un officier supérieur, et entrepris de le discréditer sans qu'il n'ait reçu aucun soutien de sa hiérarchie. Or, ainsi que l'a jugé le tribunal, ses allégations quant au désaveu de la hiérarchie dont il aurait fait l'objet ne sont pas étayées et sont mêmes contredites par les pièces produites en appel par le ministre. 7. La circonstance que M. B... se soit vu retirer, le 15 janvier 2019, 46 heures 26 d'aménagement et réduction du temps de travail et d'heures supplémentaires acquises au 1er janvier 2019 n'est pas, en elle-même, de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral alors qu'il résulte de l'instruction que l'administration s'est engagée, dès le 4 février suivant, à corriger l'erreur commise en abondant à nouveau les heures indûment prélevées sur les comptes de l'intéressé. De même, le rejet de sa candidature au poste de chef de bureau d'ordre et d'emploi ne saurait, en lui-même, faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 8. Enfin, s'il se prévaut d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre jours avec sursis, dont il a fait l'objet le 26 janvier 2010 qui a été annulée par un jugement n° 1002171 du tribunal administratif de Montpellier du 6 juin 2012 pour erreur de fait, et de la circonstance qu'il a été placé en congés maladie en raison d'un syndrome anxiodépressif, ces deux éléments, ne peuvent à eux seuls faire présumer d'une situation de harcèlement moral. 9. Les éléments de fait allégués aux points précédents qui, pris isolément, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ne sont pas davantage de nature, considérés dans leur ensemble, à faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Par suite et alors même que l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 fait obstacle à ce que le ministre oppose la prescription quadriennale pour la première fois en appel, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. 10. M. B... soutient, à titre subsidiaire, que l'administration l'aurait " mis au placard " et serait responsable d'une gestion fautive de sa carrière. Or, il n'établit pas, par ses seules allégations, identiques à celles invoquées pour les faits présumés de harcèlement moral, l'existence de telles fautes commises par l'administration. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 11. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 12. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 13. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 14. D'une part, il résulte du formulaire de sa déclaration d'accident de travail, daté et signé le 23 janvier 2019, que M. B... a indiqué comme date et heure de l'accident " 22/01/2019 à 11 H 50 ", avec comme circonstances détaillées, une " accumulation de stress professionnel du fait d'actes managéri[aux] aux conséquences morales violentes, portant atteinte psychologiquement : surcharge de travail, déconsidération au vu du grade, de la fonction et des requêtes exercées, ignorance, mépris, réflexions verbales infondées sur la façon de travailler, atteinte, obstruction au droit de recours administratif, suppression non conforme d'un quota d'heures de repos, le 22 janvier 19 angoisse au moment de prendre son service, pose un titre de congé et se rend chez son médecin ", la nature décrite de l'accident étant une " altération des conditions de travail " et l'élément matériel associé des " violences managériales professionnelles ". Le rapport, daté du 28 mars 2019, du docteur C..., psychiatre qui assure le suivi de M. B... depuis l'année 2015 et signataire du certificat médical du 22 janvier 2019 mentionnant, au titre des constatations effectuées, une décompensation anxio-thymique et un stress professionnel intense, indique que son patient souffre depuis de nombreux mois d'un syndrome anxiodépressif sévère en lien avec une situation de travail complexe et que cet effondrement est " actuellement exacerbé par de nouveaux évènements professionnels stressants, récemment évoqués par le patient et vécus comme particulièrement injustes, excessifs et destructeurs ". Par ailleurs, M. B... indique lui-même dans ses écritures avoir fait l'objet d'un arrêt de travail pour asthénie physique et morale du 8 au 20 novembre 2018 en lien avec le désaveu ressenti après la dénonciation à sa hiérarchie directe de faits de harcèlement sexuel ainsi que d'un traitement antidépresseur prescrit à compter 15 janvier 2019 à la suite du rejet de sa candidature au poste de chef de bureau d'ordre et d'emploi. Dès lors et ainsi que le relève la commission de réforme, dans son avis du 15 avril 2021, eu égard à cet état antérieur et en l'absence d'un fait soudain survenu le 22 janvier 2019 susceptible d'être qualifié d'accident, M. B... ne peut être regardé comme victime d'un accident de service. 15. D'autre part, il résulte de l'instruction que la maladie contractée par l'intéressé n'a pas été préalablement reconnue imputable au service par une décision du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud. Par suite, M. B... n'ayant pas été reconnu comme victime d'une maladie professionnelle, il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité sans faute de l'Etat en cette qualité. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 16. La décision implicite de rejet de la réclamation préalable de M. B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de l'intéressé qui, en formulant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa requête n°2001198 le caractère d'un recours de plein contentieux. Par suite, ainsi que l'ont à bon droit opposé les premiers juges, ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa demande indemnitaire préalable doivent être rejetées. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire et celle tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable. Sur les frais liés au litige : 18. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande M. B... sur ce fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret Le greffier, F. Kinach La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°22TL21083
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 20/02/2024, 23MA01286, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par un premier recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2007077, M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 23 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au maire de la commune de Sainte-Tulle de reconnaître cette imputabilité, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et d'ordonner avant dire droit une expertise médicale psychiatrique ayant pour objet de décrire son état de santé et d'indiquer l'existence d'antécédents psychiatriques avant 2015 et l'imputabilité au service de son état de santé actuel. Par un deuxième recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2007852, M. A... B... a demandé d'annuler une décision par laquelle le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de lui verser un demi-traitement. Par un troisième recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2104332, M. A... B... a demandé au tribunal, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 10 mai 2021 du rejet, par le maire de la commune de Sainte-Tulle, de ses demandes tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie médicalement constatée le 11 janvier 2016 et au versement de son traitement, d'autre part d'enjoindre à la commune de Sainte-Tulle, à titre principal, de lui verser un plein traitement, rétroactivement depuis le 11 janvier 2019 jusqu'à la notification de l'arrêté de la commune se prononçant sur l'imputabilité au service de sa maladie, ou, à titre subsidiaire, de lui verser un demi-traitement pour la période du 11 janvier 2021 au 15 avril 2021, et en tout état de cause de prendre une décision sur sa demande d'imputabilité au service de sa maladie médicalement constatée le 11 janvier 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un quatrième recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2104555, M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le maire de la commune de Sainte-Tulle a prolongé son placement en disponibilité d'office en raison d'une inaptitude temporaire pour une durée de douze mois à compter du 11 janvier 2021, et d'enjoindre à la commune de régulariser sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n°s 2007077, 2007852, 2104332, 2104555 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a, premièrement, joint ces quatre demandes, deuxièmement annulé l'arrêté du 23 mars 2020, la décision implicite rejetant la demande de M. B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et l'arrêté du 22 avril 2021, troisièmement enjoint au maire de Sainte-Tulle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, d'une part de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'autre part de lui verser un plein traitement à compter du 11 janvier 2019, quatrièmement mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'instance n° 2104555 et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédures devant la Cour : I - Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, sous le n° 23MA01286, la commune de Sainte-Tulle, représentée par Me Dillenschneider, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 avril 2023 ; 2°) à titre principal, de rejeter les demandes de M. B... et subsidiairement, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale psychiatrique ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune soutient que : - en considérant qu'une maladie hors tableau, n'ayant ni entraîné la mort de l'agent, ni son incapacité permanente de plus de 25 %, peut être reconnue comme maladie professionnelle, le tribunal a commis une erreur de droit ; - en jugeant qu'elle ne contestait pas les diagnostics médicaux produits par le demandeur, les premiers juges ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits de l'espèce ; - la maladie en cause n'est pas directement liée à l'exercice des fonctions ; - le tribunal ne pouvait retenir le vice de procédure entachant selon lui la décision de mise en disponibilité d'office, sans faire usage de son pouvoir d'instruction ; - les autres moyens de première instance ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Chapuis, conclut au rejet de la requête, en confirmant en tout point le jugement attaqué, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Tulle la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 19 décembre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2024, à 12 heures, puis reportée au 23 janvier 2024 à 12 heures, par une ordonnance du 8 janvier 2024. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 septembre 2023. II - Par une requête enregistrée le sous le n° 23MA01287, la commune de Sainte-Tulle, représentée par Me Dillenschneider, demande à la Cour, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement n°s 2007077, 2007852, 2104332, 2104555 rendu le 13 avril 2023 par le tribunal administratif de Marseille. La commune soutient que : - sont sérieux les moyens suivants : * en considérant qu'une maladie hors tableau, n'ayant ni entraîné la mort de l'agent, ni son incapacité permanente de plus de 25 %, peut être reconnue comme maladie professionnelle, le tribunal a commis une erreur de droit ; * en jugeant qu'elle ne contestait pas les diagnostics médicaux produits par le demandeur, les premiers juges ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits de l'espèce ; * la maladie en cause n'est pas directement liée à l'exercice des fonctions ; * le tribunal ne pouvait retenir le vice de procédure entachant selon lui la décision de mise en disponibilité d'office, sans faire usage de son pouvoir d'instruction ; - les autres moyens de première instance, que ceux retenus par le jugement attaqué, ne sont pas fondés ; - l'exécution de ce jugement présente nécessairement pour elle des conséquences difficilement réparables, en l'exposant à un risque de perte définitive des sommes mises à sa charge. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Chapuis, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Tulle la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que la commune ne justifie pas qu'elle s'exposerait à un risque de perte définitive des sommes mises à sa charge ni même que la récupération des sommes versées par la commune en exécution du jugement s'avérerait particulièrement compromise, dans la mesure où il est agent de la commune depuis de nombreuses années et y réside encore. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Dillenschneider, représentant la commune de Sainte-Tulle. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint d'animation territorial de deuxième classe, a été placé en congé de maladie ordinaire du 11 janvier 2016 au 11 janvier 2019, et à l'expiration de ces congés, en disponibilité d'office pour raison de santé, pour une durée de douze mois, par un arrêté du 25 janvier 2019. Cette mise en disponibilité a été prolongée pour une durée de douze mois, à compter du 11 janvier 2020, par un arrêté du 23 mars 2020 et pour une durée de douze mois supplémentaires, à compter du 11 janvier 2021, par un arrêté du 22 avril 2021. Par un arrêté du 23 mars 2020, pris après avis de la commission de réforme du 20 février 2020, le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... Par un jugement du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille, saisi par M. B... de quatre recours qu'il a joints, a d'une part annulé les arrêtés des 23 mars 2020 et 22 avril 2021, ainsi que la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Sainte-Tulle a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie médicalement constatée le 11 janvier 2016 et au versement de son traitement, d'autre part a enjoint au maire de la commune, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie et de verser à M. B... un plein traitement à compter du 11 janvier 2019, et a mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par sa requête n° 23MA01286, la commune de Sainte-Tulle relève appel de ce jugement, dont elle demande le sursis à exécution, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, par sa requête n° 23MA01287. 2. Les requêtes n°s 23MA01286 et 23MA01287 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité des décisions expresse et tacite refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B... : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date des décisions en litige, désormais codifié aux articles L. 822-6 à L. 822-17 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. Pour annuler les décisions par lesquelles le maire de la commune de Sainte-Tulle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., le tribunal a considéré, sur le fondement des dispositions législatives citées au point 3, d'une part que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étaient pas applicables à la demande d'imputabilité de l'intéressé, compte tenu de la date de constatation de sa maladie, le 11 janvier 2016, et d'autre part que cette pathologie était en lien direct avec le service. 6. En premier lieu, si les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, publié au journal officiel de la République française du 12 avril 2019, et pris pour l'application de cette ordonnance, les droits à congé de M. B... liés à la maladie dont il réclame l'imputabilité au service étaient constitués depuis la constatation de sa maladie, dont l'appelante ne conteste pas qu'elle a été diagnostiquée le 11 janvier 2016. Dès lors la commune ne peut utilement critiquer le jugement attaqué en se prévalant des conditions d'imputabilité des maladies professionnelles et des maladies non désignées par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, telles qu'elles résultent des dispositions de l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique, qui ne sont pas applicables au litige. 7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 13 novembre 2019, joint à l'appui de la demande d'imputabilité du 23 novembre 2019, que M. B... souffre depuis le mois d'octobre 2015 d'un syndrome dépressif réactionnel avec anxiété, d'insomnie, d'une perte de confiance en soi, avec verbalisations répétées d'un sentiment de dévalorisation et de non-reconnaissance entraînant un repli sur soi, et bénéficie, depuis le mois de janvier 2016, d'un accompagnement psychothérapeutique et médicamenteux. Il est constant que cette maladie est à l'origine de son placement en congé de maladie à compter du 11 janvier 2016, pour la durée totale de ces congés. Il ressort également de l'expertise réalisée le 6 janvier 2020 par un expert psychiatre à la demande de la commune, qui conclut à l'imputabilité de sa maladie et qui n'est pas sérieusement contredite par la commune, que l'état de santé de l'agent, qui ne présentait aucun antécédent dépressif, trouve son origine directe dans le changement de maire et d'équipe municipale en 2014 et une réorganisation des services qui se sont accompagnés, en ce qui le concerne, par un changement de bureau dépourvu de téléphone, une moindre valorisation de son rôle dans la collectivité que celle-ci concevait jusqu'alors comme " hors statut ", et, ainsi que l'a relevé le tribunal, par des difficultés et tensions observées dans son cadre de travail. Si aucune des pièces du dossier ne permet d'établir des décisions ou agissements de la part de la hiérarchie de M. B... qui auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique à son endroit, et qui partant seraient de nature à faire présumer des agissements de harcèlement moral, et si ces mêmes éléments ne font apparaître ni dysfonctionnements de service ni incidents survenus dans le cadre de celui-ci, les conditions de travail de l'intéressé ont été, en l'espèce, de nature à susciter le développement de sa maladie, ainsi que l'a considéré la commission de réforme dans son avis du 20 février 2020. 8. En troisième lieu, l'avis du psychiatre expert du 6 janvier 2020, ainsi que celui du psychiatre du 15 février 2020 qui ne se prononce que sur l'aptitude de M. B... à l'exercice de ses fonctions, en soulignant pour le premier la personnalité psychorigide de l'intéressé tout en indiquant sa bonne volonté et son dévouement dans le travail, et faisant état pour le second de sa personnalité histrionique, ne mettent pas au jour un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière, de nature à détacher la survenance de sa maladie du service. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire droit, que la commune de Sainte-Tulle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions de son maire refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B..., et lui a enjoint non seulement de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie mais encore de lui verser un plein traitement à compter du 11 janvier 2019. En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 22 avril 2021 prolongeant la disponibilité d'office de M. B... pour une durée de douze mois à compter du 11 janvier 2021 : 10. Aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix ". 11. Pour annuler l'arrêté du 22 avril 2021 prolongeant la mise en disponibilité d'office de M. B..., pris après avis de la commission de réforme du 15 avril 2021, le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions réglementaires citées au point précédent, l'intéressé n'a pas été informé de la possibilité dont il disposait de se faire entendre par la commission de réforme ainsi que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. 12. La commune de Sainte-Tulle, en se bornant à soutenir que les premiers juges ne pouvaient retenir un tel motif pour annuler l'arrêté en litige, sans faire usage de leur pouvoir d'instruction à l'égard du centre de gestion des Bouches-du-Rhône, auprès duquel est placé le secrétariat de la commission départementale de réforme, mais en indiquant également, en cause d'appel, avoir elle-même demandé au centre de gestion communication de la lettre d'information adressée à M. B... avant la séance de cette commission, ne conteste pas efficacement l'irrégularité de procédure entachant sa décision, dès lors que sa demande de communication n'a reçu aucune réponse. 13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Tulle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté. Sur la demande de sursis à exécution du jugement : 14. Le présent arrêt rejetant l'appel formé par la commune contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 avril 2023, sa requête n° 23MA01287 tendant au sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans l'instance n° 23MA01286, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Sainte-Tulle et non compris dans les dépens. En revanche, M. B... a obtenu, dans les deux instances n°s 23MA01286 et 23MA01287, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sainte-Tulle, en application de ces dispositions, et au titre de ces deux instances, la somme de 2 000 euros à verser à Me Chapuis, avocat de M. B..., sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23MA01287 de la commune de Sainte-Tulle. Article 2 : La requête n° 23MA01286 de la commune de Sainte-Tulle est rejetée. Article 3 : La commune de Sainte-Tulle versera à Me Chapuis, avocat de M. B..., la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Tulle, à Me Chapuis et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 6 février 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024. N° 23MA01286, 23MA012872
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX00129, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, sous le n° 1801923 d'annuler la décision du 6 mars 2018 par laquelle la maire de la commune d'Artigues-près-Bordeaux a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner la commune à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral, et sous le n° 1900915 d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel la présidente du centre communal d'action sociale (CCAS) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, et d'enjoindre sous astreinte à la maire de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 18 juin 2014. Par un jugement nos 1801923, 1900915 du 22 septembre 2020, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 4 août 2021, Mme B..., représentée par Me Noël, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2019 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 ; 3°) d'enjoindre à la maire d'Artigues-près-Bordeaux de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 18 juin 2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune d'Artigues-près-Bordeaux le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - l'arrêté est insuffisamment motivé ; - les différents médecins qui l'ont examinée, ainsi que l'expert missionné par la commune, ont tous conclu que son syndrome dépressif était imputable au service ; le refus d'imputabilité méconnaît les dispositions des articles 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - alors qu'elle n'avait jamais présenté d'état dépressif, ses symptômes sont apparus lors du changement de municipalité, lorsqu'elle est " devenue la cible principale " de la maire de et son adjointe chargée du CCAS ; l'expert a retenu un lien direct entre sa pathologie et la maltraitance morale subie dans son travail ; dès le 6 août 2014, la psychologue du service de médecine au travail a indiqué que ses ressources psychologiques ne lui permettaient pas " de faire face au contexte professionnel rapporté et vécu de manière éprouvante " ; le psychiatre consulté le 14 octobre 2014 l'a déclarée inapte à la reprise du travail au poste actuel suite à des conflits professionnels qui entraînent des troubles psychologiques ; le psychiatre qui l'a suivie de février 2015 à juin 2019 a confirmé le caractère professionnel de la maladie par deux certificats du 28 mars 2017 et du 13 octobre 2020, et la commission de réforme a également conclu à l'imputabilité au service ; ainsi, l'arrêté du 8 janvier 2019 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2021, la commune d'Artigues-près-Bordeaux, représentée par le cabinet FCA, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée le 7 mai 2018, près de quatre ans après les prétendus faits de harcèlement moral qui seraient à l'origine de la maladie ; le tribunal, qui a joint les deux demandes dont Mme B... l'avait saisi, n'a pas retenu de harcèlement moral, ce que la requérante ne conteste pas ; -la décision est suffisamment motivée ; - en vertu de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, il appartient à Mme B..., dont le syndrome dépressif n'est pas inscrit dans les tableaux mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, d'apporter la preuve que sa pathologie aurait été " essentiellement et directement " causée par l'exercice de ses fonctions ; tel n'est pas le cas dès lors que les conditions de travail n'étaient pas de nature à susciter le développement de l'affection durant la période invoquée de deux mois en 2014, du 15 avril au 17 juin, interrompue par un arrêt de maladie du 21 mars au 14 avril 2017 ; - les certificats médicaux et l'avis de la commission de réforme sont fondés sur les seules déclarations de Mme B.... Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 janvier 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Noël représentant Mme B..., et de Me Cadro, représentant la commune d'Artigues-près-Bordeaux. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., recrutée en septembre 2011 par la commune d'Artigues-près-Bordeaux en qualité de conseillère en action sociale contractuelle et affectée au centre communal d'action sociale, a été titularisée le 1er avril 2013 dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 18 juin 2014, requalifié ultérieurement en congé de longue durée et prolongé jusqu'au 17 juin 2018. Par lettre du 4 janvier 2018, elle a sollicité la protection fonctionnelle et la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral, et elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision de rejet du 6 mars 2018 et de condamner la commune à lui verser une indemnité de 50 000 euros. Par ailleurs, sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie anxiodépressive, présentée par lettre du 7 mai 2018 en invoquant un " management agressif " par la nouvelle équipe municipale élue en mars 2014, a été rejetée par un arrêté du 8 janvier 2019, dont elle a sollicité l'annulation devant le tribunal administratif de Bordeaux. Le tribunal a joint les demandes et les a rejetées par un jugement du 22 septembre 2020, dont Mme B... relève appel en tant seulement qu'il n'a pas annulé l'arrêté du 8 janvier 2019 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. 2. En premier lieu, l'arrêté du 8 janvier 2019 vise les textes applicables, indique que la maladie ne figurant pas aux tableaux des maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, elle ne relève pas de la présomption d'imputabilité, de sorte qu'il appartient à la collectivité d'apprécier si la pathologie anxiodépressive est essentiellement et directement liée au service, et conclut que ce lien n'est pas avéré dès lors que la matérialité des faits (reproches, retraits de la gestion de dossiers, exclusion de réunions, dénigrement) avancés par Mme B... n'est pas établie. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait exigées par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que l'expert et la commission de réforme se sont prononcés en faveur d'une reconnaissance de l'imputabilité au service est sans incidence sur la régularité de cette motivation. 3. En deuxième lieu, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Mme B... a été placée en congé de maladie à compter du 18 juin 2014. Par suite, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, sur lesquelles l'administration et les premiers juges se sont fondés, ne sont pas applicables à sa situation, et ne peuvent être utilement invoquées. 4. En troisième lieu, l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable au litige prévoit que " si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. " Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été placée en arrêt de travail à compter du 18 juin 2014 pour un état anxiodépressif progressivement devenu invalidant. Le 6 août 2014, la psychologue du service de médecine du travail qui l'a reçue a rapporté ses plaintes relatives à une dégradation des conditions de travail depuis un changement de direction, à des propos décrédibilisants tenus par une collègue auprès de la hiérarchie, au retrait de dossiers, à une mise à l'écart des instances décisionnaires et à une perte de transmission d'informations. Mme B... a invoqué les mêmes faits devant son psychiatre traitant et devant l'expert psychiatre qui l'a examinée le 25 juillet 2018, après qu'une mise en retraite pour invalidité ait été envisagée. Dans sa demande d'imputabilité au service du 7 mai 2018, elle a affirmé présenter une " lourde dépression réactionnelle " imputable à trois mois de " management agressif " et de " privations " au sein de son emploi par la nouvelle équipe municipale d'Artigues-près-Bordeaux élue en mars 2014. Toutefois, il ressort du rapport hiérarchique établi sur cette demande, illustré par de nombreux échanges de courriels, que Mme B... a été placée en congé de maladie deux mois et demi après la prise de fonctions de la nouvelle équipe municipale, alors que ses relations avec sa hiérarchie étaient restées courtoises, qu'aucun dossier ne lui a été retiré, et que la seule réunion de travail à laquelle elle n'a pas été invitée ne la concernait pas. Si la requérante réitère les mêmes allégations de harcèlement moral en introduction de ses écritures d'appel, elle ne conteste pas le jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation du refus de protection fonctionnelle et d'indemnisation au motif que la réalité des faits invoqués n'était pas établie. Enfin, alors que son psychiatre précise l'avoir déjà prise en charge " en 2012-2013 pour un tableau identique lors d'une séparation difficile ", ce qui contredit l'expertise selon laquelle elle n'aurait présenté aucun problème sur le plan psychiatrique avant l'épisode en cours, tant l'expertise que les certificats médicaux produits se bornent à rapporter ses doléances quant au contexte professionnel et à une " maltraitance morale ". Dans ces circonstances, la maladie de Mme B... ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à en susciter le développement, et l'arrêté du 8 janvier 2019 n'est pas entaché d'erreur d'appréciation. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées. 7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme B... au titre des frais exposés par la commune d'Artigues-près-Bordeaux à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Artigues-près-Bordeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune d'Artigues-près-Bordeaux. Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX00129
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 27/02/2024, 22TL20493, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 23 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande du 27 septembre 2012 tendant à l'ouverture de ses droits à pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " traumatisme dorso-lombaire sans lésion osseuse apparente en 2010 " et d'ouvrir ses droits à pension au titre de cette infirmité à compter de la date de sa demande et, à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale aux fins, en particulier, d'évaluer le taux d'invalidité résultant pour lui de cette infirmité. Par un jugement n° 1907033 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 23 janvier 2019 de la ministre des armées. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 15 février 2022 sous le n° 22BX00493 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL20493, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2021 ; 2°) de confirmer la décision du 23 janvier 2019. Elle soutient que : - le tribunal a méconnu son office en statuant en excès de pouvoir sur une demande relevant d'un contentieux de pleine juridiction, et a commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit au regard des termes de la demande présentée par M. A... ; - le tribunal a entaché son jugement d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit en estimant que M. A... n'avait pas été informé de la possibilité de se voir assister par un médecin de son choix ; en tout état de cause, un tel défaut d'information ne constitue pas un vice de procédure d'une gravité qui l'aurait privé d'une garantie. La procédure a été communiquée à M. B... A..., qui n'a présenté aucune observation malgré une mise en demeure du 9 janvier 2023. Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 24 mai 1977, s'est engagé dans l'armée de terre à compter du 1er février 1997 et a été radié des cadres pour inaptitude physique le 28 mars 2018. Le 27 septembre 2012, il a demandé l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " traumatisme dorso-lombaire sans lésion osseuse apparente en 2010 " qu'il estime imputable à la mauvaise réception d'un saut en parachute lors de laquelle il a violemment percuté le sol le 28 avril 2010. Par une décision du 23 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité imputable à sa blessure était inférieur au minimum indemnisable de 10%. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision et d'ouvrir en conséquence ses droits à pension militaire d'invalidité à compter de la date de sa demande et d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 23 janvier 2019. La ministre des armées demande l'annulation de ce jugement. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif : 2. Aux termes de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à l'espèce : " Les expertises auxquelles sont soumis les militaires ou marins en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. / Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet. (...) ". Aux termes de l'article R. 151-10 de ce code, applicable à l'espèce : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert doit être mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un rapport qui est revêtu de sa signature. / L'intéressé a la faculté de produire tout certificat médical ou document ayant trait à la pathologie à examiner, et dont il peut demander l'annexion au dossier. Il peut également, à chacune des expertises auxquelles il est procédé, se faire assister par un médecin à ses frais. Ce médecin présente, s'il le juge utile, des observations écrites, qui sont jointes au rapport de l'expert. ". 3. Il n'est pas contesté que, par lettre du 12 février 2018 l'invitant à prendre contact avec l'expert médical désigné par le service des pensions du ministère des armées, M. A... a été informé de la possibilité de se faire accompagner, à ses frais, par un médecin de son choix lors de l'expertise. Par suite, la décision attaquée n'est pas entachée du vice de procédure tenant à un tel défaut d'information. 4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 23 janvier 2019. 5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse. Sur les autres moyens soulevés en première instance : 6. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " (...) Toute décision comportant rejet de pension doit être également motivée et faire ressortir qu'il n'est pas établi que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2, ou, lorsque l'intéressé a droit à la présomption, les faits, documents ou raisons d'ordre médical dont résulte la preuve contraire détruisant cette présomption. ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ". 8. La décision du 23 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... vise les articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que la procédure suivie au cours de l'instruction. Elle indique que le taux d'invalidité, évalué après expertise à 10%, résulte d'une part de maladie sans lien avec le service s'agissant de la scoliose dorso-lombaire, et d'autre part d'un accident en date du 28 avril 2010 dont les séquelles entraînent un degré d'invalidité inférieur à 10%, taux minimum requis pour la prise en compte d'une infirmité. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de cette décision doit être écarté. 9. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise médicale remis le 30 mars 2018, que M. A... présente des séquelles des suites d'un accident de service survenu le 28 avril 2010, avec traumatisme dorsolombaire sans lésion osseuse apparente après les radiographies réalisées, des examens de radiologie par imagerie à résonance magnétique et scintigraphie. Il reste atteint de lombalgies communes, sans sciatalgie retrouvée à la date de l'examen par l'expert, le dernier examen réalisé le16 mars 2018 ayant retrouvé une discopathie avec souffrance angulaire L4-L5 et hernie sous-ligamentaire postérolatérale gauche en L5-S1 en appui sur la racine S1 dans le cadre d'une scoliose dorsolombaire justifiant un taux d'invalidité global de 10%, dont la moitié est dû à l'état antérieur de scoliose dorsolombaire. M. A... conteste l'absence de réalisation d'une scintigraphie osseuse dans le cadre de l'expertise réalisée, alors que cet examen avait été ordonné par le médecin en chef le 13 janvier 2011. Toutefois, l'expert n'était pas tenu d'effectuer un examen complémentaire dont l'utilité ne lui est pas apparue. S'il soutient que cet examen ne lui aurait pas été prescrit en 2011 et qu'il aurait permis de révéler une éventuelle présence d'une fissuration osseuse, il ne résulte d'aucune pièce médicale que cet examen aurait été de nature à remettre en cause le taux d'invalidité fixé par l'expert. Si M. A... reproche ensuite l'absence de mission spécifique de l'expert concernant la scoliose, il résulte de l'instruction que sa demande de pension militaire d'invalidité concernait le traumatisme dorsolombaire, à l'exclusion de la scoliose résultant de son état antérieur pour laquelle il n'a fait état d'aucune aggravation en lien avec le service. Par suite, M. A... qui ne conteste pas sérieusement le taux d'invalidité retenu par l'expert, n'est pas fondé à demander que soit ordonnée avant dire droit une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de la régularité du jugement, que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 23 janvier 2019. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1907033 du tribunal administratif de Toulouse en date du 16 novembre 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret Le greffier, F. Kinach La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL20493 2
Cours administrative d'appel
Toulouse