Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 21/01/2025, 23TL00884, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision du 3 février 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours contre la décision du 19 octobre 2020 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité, de lui accorder un droit à pension militaire d'invalidité à compter de sa demande, présentée, le 18 avril 2018 et selon un taux d'invalidité de 10% relatif aux acouphènes bilatéraux dont il est atteint et, à titre subsidiaire, d'ordonner, avant-dire droit une expertise médicale. Par un jugement n° 2101760 du 24 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée, le 17 avril 2023, M. C... B..., représenté par Me Tandonnet, de la société civile professionnelle d'avocats Tandonnet - Lipsos Lafaurie, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement rendu le 24 février 2023 ; 2°) de dire et juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité à compter de sa demande, présentée, le 18 avril 2018 selon un taux d'invalidité de 10% relatif aux acouphènes bilatéraux dont il est atteint ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant-dire droit une expertise médicale ; 4°) de statuer sur les dépens. Il soutient que : - sa demande, à l'instar de celle de première instance, ne porte que sur l'infirmité liée aux acouphènes bilatéraux ; - contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Montpellier, l'expert médical a retenu une imputabilité au service des acouphènes bilatéraux au regard de l'accident qu'il a subi le 16 novembre 1981 ; - si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, il conviendrait d'ordonner un supplément d'expertise. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - les moyens soulevés ne sont pas fondés ; - le droit à pension ne peut qu'être dénié dès lors que M. B... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'imputabilité au service des acouphènes bilatéraux dont il souffre. Par une ordonnance du 10 septembre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2024. Par une décision du 8 janvier 2024, le président de la cour a annulé la décision du 6 décembre 2023, rejetant la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. B..., et lui a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. 1. M. B..., engagé dans l'infanterie depuis le 1er janvier 1969 et ayant obtenu, en dernier lieu, le grade de capitaine, a été victime le 6 novembre 1981 d'un accident de service, alors qu'il manipulait deux pétards figuratifs d'artillerie qui n'avaient pas explosé et a subi des blessures aux mains et aux jambes. Le 30 novembre 1995, il a été radié des contrôles de l'armée. Le 18 avril 2018, M. B... a sollicité le versement d'une pension militaire d'invalidité pour une hypoacousie de perception bilatérale et des acouphènes bilatéraux en lien, selon lui, avec l'accident de 1981. Par une décision du 19 octobre 2020, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que les deux infirmités n'étaient pas imputables au service et que le taux d'invalidité résultant de la première infirmité était inférieur à 10%. Par une décision du 3 février 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier, rendu le 24 février 2023, rejetant sa demande d'annulation de cette décision, ainsi que celle tenant à l'ouverture d'un droit à pension. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2017 : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; " et aux termes de l'article L. 121-2 du même code dans sa rédaction applicable pour la période du 1er janvier au 15 juillet 2018 : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle (...). La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; ". 4. Il résulte de ces dispositions que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service. 5. En application de ces dispositions, il appartient à M. B..., qui s'est prévalu à l'appui de sa demande de pension militaire d'invalidité présentée le 18 avril 2018, soit près de vingt-six ans après sa radiation des contrôles de l'armée, d'acouphènes bilatéraux qui auraient été causés par l'accident de service dont il a été victime au camp militaire de Caylus (Tarn-et-Garonne), le 6 novembre 1981, et à l'occasion duquel seules des plaies ouvertes et des hématomes sur les membres inférieurs et la main gauche ont été constatés, de démontrer que la survenance de ces infirmités présente un lien de causalité directe et certaine avec le service. 6. M. B... souffre d'acouphènes bilatéraux, ainsi que cela a été relevé dans l'expertise médicale réalisée, le 16 février 2016, par un médecin mandaté par l'administration et retenant un taux d'invalidité de 10%. Sa première demande de pension, présentée le 14 avril 2014, au titre de cette infirmité, qui présentait un caractère non permanent, a été rejetée, le 20 septembre 2016. Dans le cadre de sa nouvelle demande de pension, présentée le 18 avril 2018, il a été relevé dans l'expertise médicale réalisée par le docteur A..., à la demande de la sous-direction des pensions du ministère des armées, le 16 janvier 2020, que M. B... est atteint d'acouphènes bilatéraux nocturnes et dans les moments de calme, d'intensité variable, et qui seraient en lien direct avec l'accident de service, le 6 novembre 1981, à l'occasion duquel il a été blessé par les projectiles de plastique et de carton de deux pétards figuratifs d'artifice. Toutefois, si cet expert a retenu un lien de causalité direct entre cette explosion et les acouphènes bilatéraux désormais permanents, c'est sur le seul fondement des déclarations de M. B..., qui a indiqué avoir subi un blast auriculaire, lors de cet accident de service, alors même que ni le registre ni le livret médical de l'intéressé n'en font état, aucun trouble auditif de ce type n'ayant été signalé, auprès de sa hiérarchie ou des services médicaux, dans les suites de ce traumatisme sonore. La simple circonstance alléguée par le docteur A..., dont les conclusions ont, au demeurant, été infirmées, par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, le 5 mars 2020, que ce traumatisme sonore ait pu être négligé lors de son hospitalisation ne saurait suffire à établir un tel lien de causalité direct et certain dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'aucune anomalie n'a été détectée, dans le cadre du bilan oto-rhino-laryngologique, réalisé le 13 septembre 1990, soit neuf ans après l'accident de service, au centre de Montlouis (Pyrénées-Orientales), dans le cadre de la candidature de l'intéressé en qualité d'observateur pour l'Organisation des Nations Unies. Dans ces conditions, le lien entre les acouphènes bilatéraux permanents dont souffre M. B... et l'accident de service du 6 novembre 1981 n'est pas établi et ne saurait, en tout état de cause, être démontré par des rapports d'expertise médicale, versés aux débats, qui concernent d'autres militaires. 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d'annulation de la décision du 3 février 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. Sur les frais liés au litige : 8. En l'absence, dans la présente instance, de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la demande de remboursement présentée à ce titre par M. B... ne peut qu'être rejetée. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Tandonnet et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL00884 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/01/2025, 23MA01581, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis son recours au tribunal administratif de Marseille en application de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " acouphènes ", d'enjoindre à la ministre des armées de liquider sa pension militaire d'invalidité pour cette infirmité et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit. Par un jugement n° 2003842 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... pour l'infirmité " acouphènes ", a alloué à celui-ci une pension militaire d'invalidité à compter du 4 octobre 2016 au taux de 10 % au titre de cette infirmité, et a rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juin 2023 et 10 octobre 2024, le ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 avril 2023 ; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Le ministre soutient que : - le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ; - c'est à tort, au regard des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que les premiers juges ont fait droit à la demande, alors que les acouphènes subis le 18 mars 2014 ont été guéris le 31 mars 2014 et que l'affection faisant l'objet de la demande de pension n'est due à aucun fait précis de service, mais nécessairement à une cause étrangère au service, en l'absence de continuité entre ces deux acouphènes ; - les conditions d'une présomption d'imputabilité au service ne sont pas réunies ; - la mention au livret médical de l'intéressé de la disparition des acouphènes n'est pas le résultat d'une erreur de plume. Par un mémoire en défense, enregistrés le 30 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Adrai-Lachkar, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 4 000 euros au bénéfice de Me Adrai-Lachkar au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés, compte tenu à titre principal de la présomption d'imputabilité au service des acouphènes dont il peut bénéficier, et subsidiairement de la preuve de cette imputabilité qu'il rapporte. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 mars 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., engagé dans la marine nationale depuis le 1er juin 1995, a demandé le 4 octobre 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité notamment au titre des infirmités dites " hypoacousies bilatérales " et " acouphènes " qu'il impute à un traumatisme sonore aigu causé par un tir de missile, le 18 mars 2014, alors qu'il se trouvait sur la plateforme à hélicoptères du navire sur lequel il était embarqué. Par une décision du 19 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté cette demande, aux motifs, d'une part que le taux d'invalidité susceptible d'être attribué au titre de la première infirmité est inférieur à 10 %, et d'autre part que la seconde infirmité n'est pas en relation avec le traumatisme sonore invoqué et que, constitutive d'une maladie, le taux d'invalidité correspondant est inférieur à 30%. Par un jugement du 27 avril 2023, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de pension de M. A... au titre de l'infirmité " acouphènes " et lui a accordé, au titre de cette infirmité, une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 4 octobre 2016. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction en vigueur au jour de la demande de pension de M. A... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...)". Aux termes de l'article L. 3 du même code : "Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...). 3° En tout état de cause, que soit établie médicalement la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...)". Enfin, en vertu de l'article L. 4 du même code : "Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) Il est concédé une pension : 1° au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) 2° au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 30 % (...)". Il résulte de ces dispositions que s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, le demandeur de pension doit rapporter la preuve d'une relation certaine, directe et déterminante entre les troubles qu'il invoque et un fait ou des circonstances particulières de son service. Cette preuve ne peut résulter d'une vraisemblance ou d'une simple hypothèse médicale, ni d'une concomitance avec le service, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires soumis à des contraintes identiques. Ces principes n'interdisent pas au juge des pensions, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former sa conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité au service doit, par dérogation à ces principes, être regardée comme établie. 3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport circonstancié du 26 mars 2014, que le 18 mars 2014, alors qu'il était embarqué et participait à un exercice de tirs d'artillerie et de missiles ayant pour objectif, pour les unités, le réalisme dans l'entraînement, dit exercice " tamouré ", M. A... a été victime d'un traumatisme sonore aigu causé par un tir de missile. Un tel exercice militaire, réalisé en dehors de toute campagne de guerre, ne correspondant à aucun des cas de présomption légale d'imputabilité énumérés limitativement par les dispositions de l'article L. 3 du code de des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, il incombe à M. A..., qui compte tenu de la date de sa demande de pension, ne peut non plus se prévaloir de la présomption instituée par le dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, de rapporter la preuve d'une relation certaine, directe et déterminante entre les troubles qu'il invoque et ce fait de service. Certes, ainsi que le souligne le ministre, le livret médical de M. A..., qui mentionne, au 18 mars 2014, qu'il souffrait d'acouphènes bilatéraux et que ceux-ci avaient diminué dès le 19 mars, précise, au 31 mars 2014, que ces troubles avaient disparu. Mais alors que ni ce livret, ni l'avis de la commission de réforme du 17 octobre 2018, ni aucune autre pièce médicale du dossier ne permettent d'affirmer, comme le fait le ministre des armées à l'appui de son appel, que ces troubles étaient bénins et guéris dès le 31 mars 2014, il résulte du rapport d'expertise établi le 10 avril 2018 par le médecin otorhinolaryngologiste désigné par l'administration des pensions, dont le ministre ne critique ni les conclusions ni les éléments d'appréciation, que les acouphènes dont M. A... souffre, au jour de sa demande de pension, ne l'ont pas empêché de mener une vie personnelle et professionnelle, mais sont " bien en rapport avec le traumatisme sonore subi en exercice le 18 mars 2014 ". Ainsi, M. A... produisant au reste des attestations de son épouse, des membres de sa famille et de proches affirmant qu'il n'a pas cessé de se plaindre d'acouphènes depuis le 18 mars 2014, le ministre n'est pas fondé à prétendre que la circonstance que son livret médical ne fait aucune mention de ces troubles depuis le 31 mars 2014, et que l'intéressé ne produit aucune pièce médicale entre cette date et sa demande de pension, serait de nature à faire obstacle à l'établissement de la preuve, par l'ensemble des pièces du dossier, de l'imputabilité de ces troubles au fait de service du 18 mars 2014. Il suit de là que M. A... a droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre des acouphènes bilatéraux dont il souffre et qui ont été causés non pas par une maladie, mais par une blessure, au taux, non contesté par le ministre, de 10 %, à compter du 4 octobre 2016, date de sa demande, ainsi que l'a jugé à bon droit et de manière suffisamment motivée le tribunal. 4. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 19 octobre 2018 en tant qu'elle a rejeté la demande de pension de M. A... au titre des acouphènes bilatéraux et a fait droit à cette demande au taux de 10% à compter du 4 octobre 2016. Sa requête d'appel doit donc être rejetée. Sur les frais liés au litige : 5. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans cette instance, la somme de 1 500 euros à verser à Me Adrai-Lachkar. DECIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Me Adrai-Lachkar une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées, à Me Adrai-Lachkar et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025. N° 23MA015812
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 1ère chambre, 27/01/2025, 22NC00858, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé, par un recours enregistré le 13 juillet 2018 au greffe du tribunal des pensions de Strasbourg, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement avant dire droit du 15 juillet 2019, ce tribunal a ordonné une expertise médicale. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. B.... Par un jugement n° 2001677 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 avril 2022 et 27 janvier 2023, M. B..., représenté par la SELARL MDMH, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de lui verser une pension avec effet rétroactif au 6 mars 2014 ; 4°) d'ordonner une expertise ; 5°) de condamner l'Etat aux dépens ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son accident de service du 14 septembre 2005 est à l'origine des séquelles lui provoquant des douleurs lombaires ; - le jugement est entachée d'une erreur de fait ; - l'existence d'une pathologie préexistante n'exclut pas l'imputabilité au service de ses douleurs lombaires, lesquelles sont survenues à la suite de son accident de service ; - il ne saurait être déduit 5 % du taux d'invalidité de 10 % au titre de sa malformation de naissance ; - le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation. Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 décembre 2022 et le 13 février 2023, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Michel, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né en 1967, s'est engagé dans la Légion étrangère en octobre 2003 et a été rayé des contrôles le 16 mars 2020. Par une demande enregistrée par l'administration le 6 mars 2014, l'intéressé a sollicité une pension militaire d'invalidité au titre de douleurs lombaires qui seraient survenues à la suite d'une chute le 14 septembre 2005 à Djibouti. Par une décision du 19 mars 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de pension de M. B... : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension :1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une infirmité ouvre droit au versement d'une pension, sous réserve que les conditions d'imputabilité au service prévues par le code soient par ailleurs remplies, dès lors qu'elle entraîne une invalidité égale ou supérieure à 10 %. 4. Par la décision en litige, la ministre des armées a rejeté la demande de versement d'une pension militaire d'invalidité à M. B... au motif que le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles de traumatisme dorso-lombaire ", était inférieur au minimum indemnisable de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension. 5. Selon le rapport circonstancié de l'administration du 18 septembre 2005, M. B... a été victime en service d'une chute le 13 septembre 2005 lui ayant occasionné un " traumatisme lombaire ". Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de l'expert judiciaire s'appuyant notamment sur le bilan radiographique du rachis cervical et lombaire du 14 septembre 2005 et le scanner lombaire du 27 novembre 2017, que, d'une part, M. B... ne présente aucune lésion traumatique vertébrale et disco-radiculaire, et, d'autre part, que l'intéressé a une malformation de naissance, révélée par le bilan scanographique précité, consistant en une transversomégalie bilatérale avec ébauche de sacralisation de L5. Estimant que la chute de M. B... est intervenue sur cet état antérieur malformatif qu'elle a temporairement activé, l'expert judiciaire a proposé de retenir un état séquellaire de l'accident à un taux d'invalidité de 10 % dont 5 % rattachable à cet état antérieur. 6. Pour contester ces éléments du rapport d'expertise, le requérant soutient qu'il n'est pas exclu que la discopathie protusive gauche au niveau L4-L5 décelée lors du scanner lombaire du 27 novembre 2017 puisse être liée à sa chute du 14 septembre 2005. Toutefois, les termes du certificat médical du Dr. Tallet dont se prévaut M. B... à l'instance ainsi que la circonstance qu'il suive des séances de kinésithérapie pour la prise en charge de ses douleurs lombaires à la suite de sa chute ne sont pas de nature à remettre sérieusement en cause les constations de l'expert et en particulier l'évaluation du taux d'invalidité de 5 % rattachable à sa malformation de naissance. Par suite, c'est sans commettre une erreur d'appréciation que, par la décision en litige, la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme dorso-lombaire " en l'absence d'un degré d'invalidité inférieur au minimum indemnisable de 10 %. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2018. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B.... Sur les dépens : 9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". Aux termes de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 42 de la même loi : " Lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions de l'article 75. / Le juge peut toutefois, même d'office, laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat (...) ". 10. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 15 juin 2023. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise, ordonnée par le tribunal des pensions militaires de Strasbourg dans son jugement avant dire droit du 15 juillet 2019, liquidés et taxés par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2021 à la somme de 1 161,52 euros TTC, à la charge définitive de l'Etat. Sur les frais liés à l'instance : 11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Les frais et honoraires d'expertise d'un montant de 1 161,52 euros TTC sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er février 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - M. Michel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2025. Le rapporteur, Signé : A. MichelLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : F. Dupuy La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, E. Delors 2 N° 22NC00858
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de LYON, 3ème chambre, 08/01/2025, 23LY00505, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... C..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 novembre 2019, confirmée par une décision du 19 février 2020 prise sur recours gracieux, par laquelle le maire de la commune de Lyon a rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle. Par un jugement n° 2102651 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, Mme C..., représentée par Me Bouillet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2022 ; 2°) d'annuler les décisions susvisées ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Lyon une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme C... soutient que l'aggravation de sa pathologie est en lien direct et certain avec les tâches qui lui étaient confiées. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, la commune de Lyon, représentée par Me Conti, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que le moyen soulevé n'est pas fondé. Une ordonnance du 15 mars 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 10 avril 2024. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, - les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique, - et les observations de Me Faivre, représentant Mme C... et de Me Conti, représentant la commune de Lyon. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., adjointe technique territoriale de la commune de Lyon exerçant les fonctions d'agent de service des écoles primaires (ASEP), a demandé que soit reconnue l'imputabilité au service de sa pathologie constatée pour la première fois le 10 juin 2015 par un certificat médical initial établi le 19 novembre 2018. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2019, confirmée par une décision du 19 février 2020 prise sur recours gracieux, par laquelle le maire de la commune de Lyon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, demeurée applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, soit le 12 avril 2019 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) ". Ces dispositions sont applicables en l'espèce dès lors que la maladie a été constatée le 10 juin 2015 et déclarée par un certificat daté du 19 novembre 2018. 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des éléments médicaux produits, que Mme C... présente des brûlures avec brides et chéloïdes du pubis et des racines des cuisses qui sont la conséquence d'un accident domestique survenu à l'âge de cinq ou six ans, et que l'inflammation des cicatrices présentées par l'intéressée est favorisée par la position debout prolongée et les montées et descentes d'escaliers. Si Mme C... soutient que l'inflammation de ses cicatrices est due aux fonctions qu'elle exerce en qualité d'agent d'entretien dans les écoles de la commune, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle a été placée à compter de juin 2013 en congé de maladie ordinaire puis, à compter du 11 juin 2014, en disponibilité d'office pour raisons de santé, et qu'elle n'exerçait pas ses fonctions d'ASEP le 10 juin 2015, date à laquelle la maladie a été constatée. En outre, il ressort des certificats médicaux établis les 5 juin 2013 et 5 mars 2015 qu'" avec l'âge et la prise de poids [les cicatrices] ont tendance à s'agrandir et à devenir gênantes et douloureuses à la marche et au frottement ". Si Mme C... estime également que sa reprise d'activité le 11 juin 2018 a favorisé l'aggravation de son état de santé, il est constant qu'elle n'a repris ses fonctions dans une école du 4ème arrondissement de Lyon que pour une courte période avant d'être de nouveau arrêtée le 18 octobre 2018, et qu'en attendant de pouvoir aménager son temps de travail, la commune de Lyon l'avait placée à un poste de surveillance dans la cour à l'heure de la pause méridienne afin de limiter ses déplacements et de lui permettre de s'asseoir en cas de besoin. Il ne ressort pas davantage des conclusions de l'expertise médicale rendue le 11 septembre 2019 que cette aggravation serait en lien avec les fonctions exercées. L'expert a d'ailleurs relevé, comme précédemment, que l'âge implique que les cicatrices deviennent invalidantes du fait des frottements. En outre, à la date de cet examen, et alors qu'elle n'exerçait plus les fonctions d'ASEP depuis un an, Mme C... présentait encore des pansements et une irritation des parties internes des cuisses. Dans ces conditions, ni la constatation de sa maladie en 2015 ni l'aggravation des tensions cicatricielles et des irritations cutanées présentées par l'intéressée en 2018 ne présentent un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le maire de la commune de Lyon, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lyon, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme C... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A... et à la commune de Lyon. Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, Mme Sophie Corvellec, première conseillère, Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025. La rapporteure, Vanessa Rémy-NérisLa présidente, Emilie Felmy La greffière, Péroline Lanoy La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière 2 N° 23LY00505
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, Juge des référés, 07/01/2025, 24MA02432, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au juge des référés d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise portant sur ses troubles anxio-depressifs à compter de l'année 2021 et de lui allouer, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision à fixer sur les honoraires de l'expert. Par une ordonnance n° 2401949 du 27 août 2024, le juge des référés près le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Harutyunyan, demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 27 août 2024 ; 2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ; 3°) de fixer la provision sur les honoraires de l'expert et de les mettre à la charge de l'Institut de recherche pour le développement ; 4°) de mettre à la charge de l'Institut de recherche pour le développement le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - La détermination du taux d'incapacité partielle permanente (IPP) est importante pour éclairer le juge administratif ; - Les experts désignés par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ne se sont jamais prononcés sur le taux d'IPP ; - La désignation d'un expert est utile malgré les pouvoirs d'instruction dont dispose le tribunal administratif dans l'instruction du recours qu'elle a déposé au fond ; - L'IRD a refusé de faire droit à sa demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) en se fondant sur le seul avis du conseil médical sans connaitre le taux d'IPP ; - Ce taux peut être déterminé uniquement au regard du barème prévu par le décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; - En l'absence d'un ou de plusieurs certificats de spécialiste, l'avis d'un conseil médical réuni sans médecin spécialiste est irrégulier ; - Elle se trouve dans une situation de précarité qui nécessite la désignation d'un expert. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2024, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, formule toutes protestations et réserves d'usage sur l'utilité d'une éventuelle mesure d'expertise et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - L'expertise sollicitée ne présente aucun caractère d'utilité dans la mesure où le juge de l'annulation peut prescrire des mesures similaires dans l'exercice de ses pouvoirs d'instruction ; - Mme B... ne verse aucune pièce de nature à justifier que le juge des référés fasse usage de ses pouvoirs sans attendre que le tribunal chargé de l'instruction de la requête ait pu en apprécier l'utilité ; - Les délais d'instruction devant la juridiction administrative ne sauraient conférer à la demande de Mme B... un caractère d'utilité ; - Les circonstances entourant la décision portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie ne sont pas plus de nature à justifier de l'utilité de la mesure d'expertise sollicitée ; - l'expertise du docteur C..., médecin spécialiste, en date du 2 mars 2023, conclut en tout état de cause à l'existence d'un état antérieur. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés. 2. Mme A... B... a demandé au juge des référés d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise portant sur ses troubles anxio-depressifs à compter de l'année 2021 et de lui allouer, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision à fixer sur les honoraires de l'expert. Par une ordonnance n° 2401949 du 27 août 2024, le juge des référés près le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Sur les conclusions aux fins d'expertise : 3. S'il résulte de l'article R. 625-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête à fin d'annulation est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement (cf. CE, 27.11.20214, n° 385843, 385844). 4. En l'espèce, par deux requêtes enregistrées au tribunal administratif de Marseille les 2 juin et 27 novembre 2023 sous les n° 2305186 et 2311228, Mme B... a demandé l'annulation de la décision de l'Institut de recherche pour le développement du 21 mars 2023, notifiée le 11 avril 2023, portant refus de protection fonctionnelle et de la décision du 2 juin 2023 de ce même institut, notifiée le 7 juin 2023, portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et refus d'accorder le CITIS. 5. Ainsi que l'a jugé à bon droit le juge des référés en première instance, aucune circonstance particulière ne confèrerait à la mesure qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge de l'excès de pouvoir, saisi des requêtes à fin d'annulation, pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction. A cet égard, les considérations tenant à l'expertise menée par l'IRD, qui n'aurait pas statué sur le taux d'incapacité permanente partielle (IPP), au bien-fondé de la demande de CITIS, aux délais impliqués par les procédures initiées sous les n° 2305186 et 2311228 devant le tribunal administratif de Marseille ainsi que celles relatives à la situation financière de Mme B... sont sans incidence. 6. Dans ces conditions, les conclusions de Mme B... tendant à ce que le juge des référés de la Cour désigne un expert doivent être rejetées. Sur les conclusions aux fins de provision : 7. Les conclusions tendant à ce que le juge des référés accorde une provision à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par le juge des référés en première instance au point 4 de l'ordonnance, que Mme B... ne critique pas au demeurant. 8. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de Mme B... doit être rejetée. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Institut de recherche pour le développement, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'Institut de recherche pour le développement au titre de ces mêmes dispositions. O R D O N N E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'Institut de recherche pour le développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et à l'Institut de recherche pour le développement. Fait à Marseille, le 7 janvier 2025 N° 24MA024322
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01985, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903767 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01985, M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. B.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Les mémoires complémentaires, présentés pour M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistrés les 19 et 22 novembre 2024 n'ont pas été communiqués. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 20 décembre 1990 au 6 juillet 2005. Par une réclamation préalable du 29 septembre 2014 reçue le 1er octobre 2014, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 13 octobre 2006 établie par le directeur du personnel militaire de la marine que " M. B..., premier maître de réserve, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 20 décembre 1990 au 1er juin 1992, du 5 janvier 1993 au 4 septembre 1995, du 10 décembre 1996 au 24 décembre 1996, du 9 septembre 1997 au 6 décembre 1997, du 2 février 1998 au 12 mai 2003, du 19 mai 2003 au 14 juin 2004, du 8 juillet 2004 au 29 juillet 2004, du 6 septembre 2004 au 6 juillet 2005 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. B.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. B... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 13 octobre 2006, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2006. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. B... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2007, cette créance était prescrite à la date du 1er octobre 2014, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. B... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01985 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01995, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903764 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01995, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale et sur la base aéronautique navale de Nîmes Garons du 28 mars 1983 au 1er octobre 1998. Par une réclamation préalable du 9 novembre 2016 reçue le 14 novembre 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 4 février 2008 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés et base aéronautique navale de Nîmes Garons] du 28 mars 1983 au 3 août 1983, du 2 mai 1984 au 29 avril 1989, du 17 août 1989 au 31 décembre 1989, du 25 mai 1990 au 28 mai 1991, du 8 juillet 1991 au 1er octobre 1998 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 4 février 2008, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2008. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2009, cette créance était prescrite à la date du 14 novembre 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01995 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01981, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903350 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01981, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 1er août 1970 au 23 octobre 1987. Par une réclamation préalable du 5 juillet 2016 reçue le 7 juillet 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 16 décembre 2005 établie par le directeur du personnel militaire de la marine que " M. A..., premier maître honoraire, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 1er août 1970 au 28 avril 1973, du 16 mars 1974 au 1er juin 1975, du 6 octobre 1975 au 12 mars 1979, du 2 juillet 1979 au 10 janvier 1983, du 6 avril 1983 au 23 octobre 1987 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 16 décembre 2005, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2005. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2006, cette créance était prescrite à la date du 7 juillet 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01981 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01975, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903321 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01975, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein des ateliers de la flotte de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 25 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs ateliers de la flotte de Toulon et de Mururoa du 1er mars 1973 au 8 mars 2001. Par une réclamation préalable du 13 juillet 2018 reçue le 16 juillet 2018, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 22 novembre 2007 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., maître principal, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [Atelier militaire de la flotte de Toulon et de Mururoa] du 1er mars 1973 au 2 septembre 1985 et du 5 mai 1986 au 8 mars 2001 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates du début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 22 novembre 2007, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2007. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2008, cette créance était prescrite à la date du 16 juillet 2018, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01975 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01989, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903356 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01989, M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. B.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. B... représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 1er mars 1968 au 1er septembre 1981. Par une réclamation préalable du 2 novembre 2016 reçue le 3 novembre 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 3 mai 2006 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. B..., premier maître honoraire, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 1er mars 1968 au 10 mai 1968, 21 août 1968 au 7 septembre 1970, du 15 février 1971 au 21 février 1972, du 15 juillet 1974 au 1er septembre 1981 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. B.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. B... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 3 mai 2006, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2006. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. B... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2007, cette créance était prescrite à la date du 3 novembre 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. B... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01989 fa
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Marseille