Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de LYON, 3ème chambre, 27/03/2024, 23LY03456, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons a prononcé son licenciement pour inaptitude physique. Par un jugement n° 2108550 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté. Procédures devant la cour I- Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2023 sous le numéro 23LY03456, et un mémoire en réplique enregistré le 21 février 2024, la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons, représentée par Me Tissot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2023 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'irrégularité en raison d'une insuffisante motivation concernant le moyen d'annulation retenu ; - le tribunal a dénaturé les écritures de la requête de première instance ; - elle était en situation de compétence liée pour procéder au licenciement de M. A... ; - les moyens invoqués par M. A... en première instance ne sont pas fondés ; - le rejet des conclusions indemnitaires doit être confirmé. Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Laumet, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la condamnation de la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons au versement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ; 3°) à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les moyens invoqués ne sont pas fondés ; - la décision en litige est insuffisamment motivée ; - le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation à l'indemniser du préjudice moral qu'il a subi. II- Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2023 sous le numéro 23LY03457, la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons, représentée par Me Tissot, demande à la cour : 1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2023 ; 2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de sa requête au fond sont sérieux. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 janvier et 4 mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Laumet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, dans cette instance, en dernier lieu, au 21 février 2024. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - les observations de Me Métier, représentant la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons, - et les observations de Me Laumet, représentant M. A.... Deux notes en délibéré, enregistrées les 12 et 20 mars 2024, ont été produites respectivement pour M. A... et pour la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons dans l'instance n° 23LY02356. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique principal de 2e classe, employé par la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons, a été placé en congé de maladie ordinaire du 12 septembre 2017 au 11 octobre 2018 puis en disponibilité d'office pour raison de santé jusqu'au 11 septembre 2021. Il a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le président de la communauté d'agglomération a prononcé son licenciement. La communauté d'agglomération relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A..., et demande qu'il soit sursis à son exécution. M. A..., dont les conclusions indemnitaires ont été rejetées par ce même jugement, forme un appel incident sur ce point. 2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par la communauté d'agglomération d'Annemasse-Les Voirons étant formés contre un même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. D'une part, aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 susvisé : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas d'inaptitude physique définitive, le licenciement d'un fonctionnaire ne peut être légalement envisagé que si son admission à la retraite est exclue. 4. D'autre part, s'agissant du régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, aux termes de l'article 7 du décret du 26 décembre 2003 : " Le droit à pension est acquis : ... 2° Sans condition de durée des services aux fonctionnaires rayés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions. ". Aux termes de l'article 30 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. " et aux termes de l'article 31 : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. ". L'article 36 du même décret prévoit que " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 (...) ". Enfin, aux termes de l'article 39 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande soit d'office (...). L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la mise à la retraite d'un fonctionnaire pour invalidité assortie du bénéfice du droit à pension, d'une part, d'émettre un avis sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité, d'autre part, de décider si l'intéressé a droit à une pension. L'intervention de la décision de mise à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire, prise par l'autorité ayant qualité pour procéder à sa nomination, étant subordonnée à l'avis conforme de la caisse, cet avis est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir de la part du fonctionnaire concerné lorsqu'il est défavorable. Enfin, lorsque l'invalidité ne résulte pas de l'exercice des fonctions, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est tenue de vérifier, d'une part, si le fonctionnaire se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au sens des articles 30 et 39 et, d'autre part, s'il a droit au bénéfice d'une pension sans condition de durée de services, conformément à l'article 39, dans le cas où ses blessures ou maladies ont été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. 5. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. 6. Il ressort du jugement attaqué que pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal s'est fondé sur un vice de procédure, lié à la contradiction qui aurait entaché l'avis de la commission de réforme du 26 août 2020 par lequel celle-ci a estimé que l'état de santé de M. A... ne justifiait pas une retraite pour invalidité, et le procès-verbal correspondant à la séance de cette commission rappelant l'avis du comité médical du 15 juillet 2020 selon lequel M. A... était inapte à exercer toutes fonctions. 7. Toutefois, d'une part, ainsi que la communauté d'agglomération le fait valoir, ce moyen, qui n'était au surplus pas invoqué en première instance et n'était pas d'ordre public, était inopérant au vu de la situation de compétence liée dans laquelle elle se trouvait, comme dit au point 10. D'autre part, à supposer que le tribunal, qui a également estimé que l'avis de la commission de réforme à l'origine de la décision de la CNRACL du 19 mai 2021 refusant à M. A... le bénéfice de la retraite pour invalidité avait conduit l'établissement public à licencier ce dernier, ait entendu se fonder sur l'exception d'illégalité de la décision précitée de la CNRACL, l'arrêté portant licenciement de M. A... n'a pas été pris pour l'application de la décision de la CNRACL. Celle-ci n'en constitue pas davantage la base légale ni ne forme avec l'arrêté de licenciement une opération complexe, dès lors qu'elle n'a pas été spécialement prévue en vue de l'adoption dudit arrêté. Par suite, ce moyen qui était également inopérant ne pouvait davantage être retenu par le tribunal. 8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... à l'encontre de la décision de licenciement contesté. 9. Il ressort des pièces du dossier que, par un premier avis du 30 janvier 2019, le comité médical a estimé que M. A... était inapte à l'exercice de ses fonctions de gardien de déchèterie. A la suite de sa demande formée le 11 octobre 2019, par laquelle M. A... a sollicité son placement à la retraite pour invalidité, le comité médical a estimé, par un second avis du 15 juillet 2020, que cet agent était inapte totalement et définitivement à ses fonctions et à toutes fonctions. Par un avis du 26 août 2020, la commission de réforme a estimé que " l'état de santé de M. A... ne justifie pas une retraite pour invalidité ", en relevant dans son procès-verbal que celui-ci était, conformément à l'avis du comité médical, inapte à exercer toutes fonctions, définitivement. A la suite de ce dernier avis, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a refusé, par une décision du 19 mai 2021, de reconnaître à M. A... un droit à pension d'invalidité, en précisant qu'un tel droit est acquis à l'agent reconnu inapte de manière absolue et définitive à l'exercice de ses fonctions, lorsque cette inaptitude résulte d'une affection contractée ou aggravée depuis l'affiliation obligatoire au régime et au cours d'une période valable pour la retraite. 10. Pour procéder au licenciement de M. A... à compter du 12 septembre 2021 en raison de son inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions, la communauté d'agglomération a relevé que celui-ci avait épuisé ses droits à congés de maladie, que la CNRACL avait refusé sa demande de mise à la retraite pour invalidité et que la période de disponibilité d'office, déjà renouvelée deux fois, devait parvenir à son terme le 11 septembre 2021. En application des dispositions, rappelées au point 3, de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986, et dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. A... présentait une inaptitude à l'exercice de ses fonctions et que son droit à pension lui avait été refusé, l'administration était, en dépit de l'apparente contradiction résultant de l'analyse de l'inaptitude de l'agent à exercer ses fonctions et de l'absence d'invalidité constatée par la commission de réforme, en situation de compétence liée pour procéder au licenciement de celui-ci. Il en résulte que l'ensemble des autres moyens invoqués par M. A... en première instance et en appel sont inopérants et doivent être écartés pour ce motif. 11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 octobre 2021 du président de cet établissement public. Sur les conclusions d'appel incident : 12. En l'absence d'illégalité entachant l'arrêté du 15 octobre 2021, les conclusions indemnitaires de M. A..., présentées en appel par la voie de l'appel incident, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement : 13. Le présent arrêt rejetant l'appel de la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande de sursis à exécution. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la communauté d'agglomération présentées sur ce même fondement. D E C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23LY03457 de la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons. Article 2 : Le jugement du 26 septembre 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble, ses conclusions d'appel ainsi que le surplus des conclusions de la requête n° 23LY03456 sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Annemasse-Les Voirons et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, M. Joël Arnould, premier conseiller, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024. La présidente rapporteure, Emilie FelmyL'assesseur le plus ancien, Joël Arnould La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°s 23LY03456, 23LY03457
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 04/04/2024, 22BX00843, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bordeaux, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Bordeaux, d'organiser une expertise avant dire droit, d'annuler la décision du 17 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, et d'enjoindre à l'administration de lui concéder une pension au taux de 60 % pour l'infirmité de syndrome pyramidal avec perte de sensibilité du membre supérieur droit. Par un jugement n° 1905573 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 11 mars 2022, M. C..., représenté par Me Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'ordonner une expertise médicale avant dire droit, d'annuler la décision du 17 décembre 2018 et d'enjoindre à l'administration de " reconnaître l'imputabilité au service de son infirmité avec un taux d'invalidité de 60 % " ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; - le rapport circonstancié indique qu'il a ressenti brutalement des douleurs cervicales et un fourmillement du membre supérieur droit lors d'une séance de sport le 30 septembre 2013 ; le certificat de consolidation du 16 octobre 2014 rappelle que les troubles sensitifs de la main droite et le syndrome pyramidal sont survenus lors d'une séance de sport ; le protocole transactionnel du 6 juillet 2016 reconnaît qu'il a été victime d'un accident de service lors d'une séance de sport ; la déclaration initiale d'affection présumée imputable au service du 31 janvier 2014 a également constaté que les symptômes sont survenus à l'occasion d'une séance de sport le 30 septembre 2013 ; son infirmité a été déclenchée par un accident survenu alors qu'il était en opération extérieure en Afghanistan, au cours du service, de sorte qu'il doit bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que de celle prévue à l'article L. 3 dès lors que les blessures ont été constatées avant le renvoi dans ses foyers ; - dans son avis du 12 décembre 2018, la commission de réforme a reconnu l'imputabilité au service en relevant que le traumatisme cervical était à l'origine de la symptomatologie séquellaire ; il n'avait aucun état antérieur au moment de l'accident du 30 septembre 2013 ; si le canal cervical étroit a pu créer un terrain sensible, c'est bien l'accident qui est à l'origine de l'apparition de l'affection ; - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le fait que l'administration a reconnu l'accident de service dans le cadre du protocole transactionnel démontre que la décision prise sur la demande de pension est injustifiée ; - les séquelles qu'il conserve sont en lien avec l'accident de service, de sorte que la décision de rejet de sa demande de pension doit être annulée ; - il sollicite une expertise médicale afin de déterminer le taux d'invalidité et le lien d'imputabilité de son affection au service. Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la décision du 17 décembre 2018 est suffisamment motivée ; - selon le rapport circonstancié, M. C... a ressenti brutalement des douleurs cervicales et des fourmillements au niveau du membre supérieur droit à l'occasion d'une séance de volley le 30 septembre 2013 ; le 28 novembre 2013, un chirurgien de l'hôpital français de Kaboul a noté une trépidation épileptoïde de la cheville droite depuis début septembre 2013 et un franc syndrome pyramidal des membres inférieurs fin octobre 2013, ainsi qu'une atteinte des membres supérieurs avec une hypoesthésie du bord cubital de la main droite et un signe de Hoffmann bilatéral ; le 9 décembre 2013, un neurologue de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué a noté que M. C... ne décrivait pas de problème de santé antérieur sur le plan neurologique, que suite à une manœuvre de smash en volley-ball, il a ressenti des fourmillements du bord cubital de la main droite puis dans les jours qui ont suivi une trépidation des pieds dans certaines positions, un syndrome tétra-pyramidal a été mis en évidence, et le tableau clinique a été expliqué par une myélopathie sur un probable canal cervical étroit congénital ; l'existence d'un canal cervical étroit, anomalie constitutionnelle sans lien avec le service, a été confirmée par deux médecins le 28 avril 2014 et le 26 novembre 2014 ; l'accident du 30 septembre 2013 ne peut être responsable de la cervicarthrose constatée deux mois et demi plus tard sur l'IRM, qui était antérieurement asymptomatique et s'est révélée lors de l'accident du 30 septembre 2013 ; dès lors que la blessure n'est que la traduction d'un état pathologique préexistant, ce dernier doit être regardé comme la cause de l'infirmité ; - l'infirmité résulte d'une maladie constatée avant le 90ème jour de service effectif, et la circonstance que l'accident a eu lieu avant le renvoi du militaire dans ses foyers ne suffit pas à ouvrir droit au bénéfice de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - si l'administration a indemnisé M. C... dans le cadre d'un protocole transactionnel, elle pouvait rendre deux décisions sans influence l'une sur l'autre et adoptant une appréciation différente. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., engagé dans l'armée de terre le 1er mai 1995 et affecté depuis 1997 au 13ème régiment de dragons parachutistes, a présenté brutalement des cervicalgies et des paresthésies du membre supérieur droit le 30 septembre 2013 lors d'une séance de sport programmée, alors qu'il se trouvait en mission en Afghanistan. Des trépidations des pieds sont survenues quelques jours plus tard dans certaines positions, et un syndrome pyramidal progressif de nature indéterminée a été constaté à l'hôpital français de Kaboul. A son retour en France, M. C... a été pris en charge à l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué, où une IRM a permis de diagnostiquer une myélopathie cervicarthrosique sur un canal cervical étroit constitutionnel, avec un hypersignal intramédullaire en C5-C6. Une décompression médullaire par laminoplastie C3-C7 avec ostéosynthèse a été réalisée le 12 mars 2014, ce qui a permis une régression des signes neurologiques, mais M. C... a conservé comme séquelles un syndrome pyramidal caractérisé notamment par des tremblements des membres inférieurs et une perte de sensibilité de la main droite. Le 15 janvier 2015, il a sollicité à ce titre une pension militaire d'invalidité. Par une décision du 17 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que la preuve d'imputabilité au service n'était pas établie et que la présomption ne pouvait s'appliquer, l'infirmité " ayant été constatée avant d'avoir effectué 90 jours de services effectifs ". M. C... relève appel du jugement du 4 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et demande à la cour d'ordonner une expertise médicale avant dire droit, d'annuler la décision du 17 décembre 2018 et d'enjoindre à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de son infirmité avec un taux d'invalidité de 60 % . 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / (...) / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / (...). " Aux termes de l'article L 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) " Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage. " Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service. 3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise organisée par l'administration, que M. C..., qui était parachutiste et n'avait jusqu'alors pas d'autre antécédent qu'une fracture de la cheville droite opérée en 2004, un tassement de L 4 traité médicalement et une pathologie rotulienne, a présenté brutalement le 30 septembre 2013, en se réceptionnant d'un saut (smash) lors d'un match de volley-ball organisé dans le cadre du service, des cervicalgies et des paresthésies du territoire cubital du membre supérieur droit, avec une fatigabilité des quatre membres. Le lien entre ces symptômes et la séance de sport est établi par le rapport circonstancié et la déclaration initiale d'affection présumée imputable au service du 31 janvier 2014, et l'experte a précisé que le déclenchement clinique de la myélopathie cervicarthrosique pouvait être traumatique. M. C... a ainsi présenté une blessure survenue à l'occasion du service, laquelle a aggravé une pathologie étrangère au service jusqu'alors asymptomatique. Cette situation relève des dispositions du 3° de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, de sorte que les dispositions du 2° de l'article L. 3 opposées par la décision du 17 décembre 2018 n'étaient pas applicables. 4. Les pièces du dossier ne permettent pas d'apprécier la part de l'aggravation de la pathologie préexistante imputable à l'accident de service. Par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise avant de statuer sur le droit à pension de M. C.... DÉCIDE : Article 1er : Avant de statuer sur le droit à pension de M. C... pour l'infirmité de syndrome pyramidal avec perte de sensibilité du membre supérieur droit, il sera procédé à une expertise médicale contradictoire par un médecin spécialisé en neurologie, en présence de M. C... et du ministre des armées. Article 2 : L'expert aura pour mission de : 1°) prendre connaissance du dossier médical et de l'expertise du docteur B..., et examiner M. C... ; 2°) décrire la pathologie caractérisée par le canal cervical étroit et l'arthrose cervicale antérieurement à l'accident de service du 30 septembre 2013, et donner son avis sur son évolution probable en précisant si la myélopathie cervicarthrosique se serait nécessairement déclenchée en l'absence de cet accident, et dans quel délai ; 3°) décrire l'infirmité de syndrome pyramidal avec perte de sensibilité du membre supérieur droit dont M. C... reste atteint, et en évaluer le taux au regard du guide barème des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en distinguant le cas échéant la part imputable à l'état antérieur de celle imputable à l'accident de service du 30 septembre 2013. Article 3 : Pour l'accomplissement de la mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du code de justice administrative, tous documents utiles, et notamment tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé. Il pourra également entendre toute personne dont il estimerait l'audition utile. Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. S'il lui apparaît nécessaire de faire appel au concours d'un sapiteur, il sollicitera l'autorisation du président de la cour, comme le prévoit l'article R. 621-2 du code de justice administrative. Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport sous forme dématérialisée dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec l'accord de ces dernières, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX00843
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 09/04/2024, 22MA01201, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a confirmé le rejet par le ministre des armées de sa demande de révision de ses droits à pension et d'enjoindre au sous-directeur des pensions de lui délivrer un nouveau titre de pension prenant en compte une aggravation de 10 % de ses " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " et de 10 % de son " état anxiodépressif ", avec effet à compter de la date d'enregistrement de sa demande, soit le 19 avril 2018. Par un jugement n° 2100090 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par un arrêt n° 22MA01201 du 7 juillet 2023, la Cour a, d'une part, rejeté les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre cette décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation de son état anxiodépressif et, d'autre part, ordonné avant dire droit une expertise aux fins de déterminer, en se plaçant au jour de l'enregistrement de sa demande de révision, soit le 19 avril 2018, si l'aggravation des " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " était due à des causes étrangères à cette infirmité pensionnée liée à l'accident dont il a été victime le 24 juin 1975 et de proposer le taux d'invalidité afférent, en référence au guide-barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une ordonnance du 3 octobre 2023, la présidente de la Cour a désigné Mme A... C... en qualité d'experte. L'experte de justice a déposé son rapport au greffe de la Cour le 10 janvier 2024. Le 11 janvier 2024, les parties ont été invitées, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, à fournir leurs observations sur ce rapport d'expertise, dans un délai d'un mois. Par ordonnance du 18 janvier 2024, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise confiée à Mme C... à la somme de 864,27 euros, en ce compris l'allocation provisionnelle d'un montant de 800 euros accordée par une ordonnance du 11 octobre 2023. Par des mémoires, enregistrés les 24 janvier et 19 mars 2024, M. B..., représenté par Me Stark, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 ; 2°) d'enjoindre au ministre des armées, d'une part, de lui délivrer un nouveau titre de pension et une nouvelle fiche descriptive des infirmités, avec effet à compter de la date de la demande de réexamen des droits, soit le 19 avril 2018, au taux d'invalidité de 20 % correspondant à l'infirmité " acouphènes droits " et, d'autre part, de procéder au remboursement de la somme qu'il a déboursée au titre de l'allocation provisionnelle accordée à l'experte de justice et à s'acquitter du surplus demandé par cette dernière ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que l'avis rendu par l'experte de justice désignée par la présidente de la Cour, dans son rapport du 6 janvier 2024, démontre que son infirmité auditive s'est aggravée, ce qui justifie le réexamen de ses droits à pension comme il le demande. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 et 22 mars 2024, le second n'ayant pas été communiqué, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022. Il fait valoir que : - l'experte de justice n'a pas respecté la mission qui lui a été confiée par la Cour ; - l'experte de justice s'est fondée sur le barème d'évaluation légal de la société de médecine légale et de criminologie de France pour déterminer le taux d'invalidité relatif à la surdité de M. B... alors que ce barème n'est pas applicable en matière de pension militaire d'invalidité ; - le taux d'invalidité de 20 % arrêté par l'experte de justice s'avère injustifié médicalement et en contradiction avec le taux d'invalidité de 10 % qu'elle-même fixait initialement ; - l'experte de justice a pris en compte l'évolution clinique des troubles auditifs de M. B... en contradiction avec le champ temporel de la mission qui lui a été dévolue par les 2° et 3° de l'article 2 de l'arrêt de la Cour du 7 juillet 2023 ; - si l'experte de justice affirme, en page 7 de son rapport, que " la presbyacousie physiologique a aggravé les lésions initiales et ne constituent pas une infirmité différente de celle pensionnée ", d'une part, cette position est en contradiction avec la jurisprudence et la doctrine médicale et, d'autre part, elle n'apporte aucun élément de nature à étayer son affirmation ; - en tout état de cause, l'éventuelle aggravation des acouphènes droits de M. B..., non retrouvée par l'experte de justice, n'est pas exclusivement en lien avec ses infirmités pensionnées mais résulte de l'aggravation de sa surdité non imputable au service. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Stark, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Né le 23 juin 1942, M. B..., a été libéré de ses obligations légales de service actif le 1er mars 1968 au grade de sous-lieutenant et rayé des contrôles du 26ème régiment d'infanterie. Le 1er juillet 1969, il a été promu au grade de lieutenant de réserve. Le 24 juin 1975, M. B... a été victime d'un traumatisme sonore au cours d'une séance de tir au bazooka. Par un arrêté du 2 avril 1996, il s'est vu concéder, au titre des blessures imputables à cet accident survenu en service, une pension militaire d'invalidité au taux global de 75 %, pour des sensations vertigineuses, un état anxiodépressif, une hypoacousie droite ainsi que des acouphènes. Par un courrier du 15 avril 2018, reçu le 19 avril suivant, M. B... a demandé la révision de cette pension militaire d'invalidité au titre d'une aggravation de ces infirmités. Par une décision du 20 avril 2020, rectifiée le 16 septembre 2020, le ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande. M. B... a alors contesté cette décision en tant qu'elle porte sur les infirmités ayant trait à son état anxiodépressif et aux acouphènes dont il souffre, devant la commission de recours de l'invalidité. Celle-ci a rejeté son recours préalable obligatoire par décision du 18 novembre 2020. Par un jugement du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 18 novembre 2020. M. B... ayant interjeté appel de ce jugement, la Cour a, par un arrêt du 7 juillet 2023, d'une part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation de son état anxiodépressif. Mais elle a, d'autre part, ordonné avant dire droit une expertise aux fins, en se plaçant au jour de l'enregistrement de sa demande de révision, soit le 19 avril 2018, de déterminer si l'aggravation des " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " est due à des causes étrangères à cette infirmité pensionnée liée à l'accident dont il a été victime le 24 juin 1975, et de proposer un taux d'invalidité, en référence au guide-barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. L'experte de justice désignée par la présidente de la Cour a déposé son rapport au greffe le 10 janvier 2024. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il concerne l'infirmité tenant aux " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " : 2. Selon l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 3. Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. Par ailleurs, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 5. Après avoir constaté au vu des pièces versées aux débats que l'infirmité pensionnée de M. B... au taux de 10 %, correspondant aux " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " s'était aggravée, la Cour, a, par son arrêt susvisé du 7 juillet 2023, ordonné une expertise dès lors que l'état de l'instruction ne lui permettait pas de déterminer si cette aggravation était en lien exclusif avec le service. Or, d'une part, l'analyse à laquelle s'est livrée l'experte de justice désignée par la présidente de la Cour, dans son rapport déposé le 10 janvier 2024 confirme les conclusions déjà opérées tant par le médecin expert de l'administration, dans son avis du 29 octobre 2019, que par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 28 novembre 2019 qui évaluaient cette aggravation à 10 %. D'autre part, cette experte de justice précise, sans être utilement contestée par le ministre intimé, que cette aggravation a pour origine le vieillissement de M. B..., sans aucune autre cause étrangère à l'infirmité initiale, la presbyacousie physiologique ayant aggravé les lésions initiales et ne constituant pas une infirmité différente de celle pensionnée. L'appelant est dès lors fondé à soutenir qu'en refusant, par la décision contestée du 18 novembre 2020, la révision de ses droits à pension pour cette infirmité, la commission de recours de l'invalidité a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, cette décision doit être annulée. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a confirmé le rejet par le ministre des armées de sa demande de révision de ses droits à pension s'agissant de l'infirmité tenant aux " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite ". Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". 8. Eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder à la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. B... sur la base d'un taux de 20 %, à compter du 19 avril 2018, date à laquelle il a demandé la révision de ses droits, pour l'infirmité " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " dont il souffre et de modifier en conséquence la fiche descriptive des infirmités. Sur les frais d'expertise : 9. Selon l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ". 10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise confiée à Mme C... qui ont été taxés et liquidés à la somme de 864,27 euros par l'ordonnance susvisée du 18 janvier 2024. Par ailleurs, ces frais et honoraires comprenant le montant de l'allocation provisionnelle d'un montant de 800 euros mise à la charge de M. B... par une ordonnance du 11 octobre 2023, l'Etat devra rembourser à l'appelant ce montant et supporter le solde de 64,27 euros qui reste à verser à l'experte de justice. Sur les autres frais liés au litige : 11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 12. Il y a également et enfin lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2100090 du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation des " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite ", et dans cette même mesure, cette décision, sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder à la liquidation de la pension militaire d'invalidité allouée à M. B... sur la base d'un taux de 20 % à compter du 19 avril 2018, pour l'infirmité " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " dont il souffre et de modifier en conséquence la fiche descriptive des infirmités. Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 864,27 euros, sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : L'Etat remboursera à M. B... la somme de 800 euros correspondant au montant de l'allocation provisionnelle accordée à l'experte de justice par une ordonnance de la présidente de la Cour du 11 octobre 2023. Article 5 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre des armées. Copie en sera adressée à Mme A... C..., experte de justice. Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024. 2 No 22MA01201 ot
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 04/04/2024, 22BX00487, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision de la ministre des armées en date du 13 décembre 2018 en tant qu'elle lui attribue, à titre définitif, une pension militaire d'invalidité au taux global de seulement 60 % au titre des deux infirmités dont il souffre, de fixer le taux de l'infirmité pour état de stress post-traumatique à 70 % et le taux de l'infirmité pour acouphènes bilatéraux permanents à 15 %, et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale à l'effet de déterminer le taux desdites infirmités ainsi que l'aggravation y afférente et, enfin, de lui accorder le bénéfice de la revalorisation indiciaire de sa pension militaire d'invalidité au taux du grade équivalent de la marine nationale à compter de la date de sa jouissance avec application des dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par un jugement n° 1902524 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a donné acte à M. B... de son désistement s'agissant des conclusions tendant à la revalorisation indiciaire de sa pension militaire d'invalidité au taux du grade équivalent de la marine nationale, et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février 2022, 15 septembre et 17 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Tucoo-Chala, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ; 2°) d'annuler la décision du 13 décembre 2018 et l'arrêté du 24 décembre 2018 et de fixer le taux des deux infirmités à 70 % pour l'état de stress post-traumatique et à 15 % pour les acouphènes bilatéraux permanents ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'aggravation de son infirmité en lien avec un état de stress post-traumatique, homologuée blessure de guerre le 19 janvier 2021, est établie par le rapport du médecin de l'administration qui retient une infirmité au taux de 70 % et donc une aggravation de 20 %, le certificat établi par le médecin responsable de l'antenne médicale spécialisée de Bayonne qui constate l'augmentation des traitements médicamenteux et des périodes d'hospitalisation au vu des manifestations cliniques retardées ; à tout le moins, une expertise judiciaire serait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, utile puisque l'administration n'a pas suivi les conclusions de son propre expert médical ; - le médecin de l'administration a également retenu une aggravation de l'infirmité liée aux acouphènes bilatéraux permanents, ce qui est de nature à remettre en cause la décision prise par l'administration de maintien de son taux d'infirmité ou, à défaut, à justifier une expertise. Par deux mémoires en défense enregistrés les 6 janvier et 12 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la comparaison de l'expertise médicale réglementaire du 14 août 2018 avec la précédente du 3 mars 2017 permet de constater une aggravation fonctionnelle de l'infirmité due à l'état de stress post-traumatique de 10 %, justifiée par des hospitalisations séquentielles, et une absence d'aggravation de la seconde infirmité, sur laquelle au demeurant la demande de révision de la pension ne portait pas et qui n'a été étudiée qu'en raison de la proximité de la période de renouvellement de la pension ; le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de la commission consultative médicale et rien ne permet de confirmer ses dires sur la phase de latence de l'état de stress post-traumatique ; le taux d'invalidité précédemment retenu de 40 % pour l'infirmité de stress post-traumatique n'a pas été contesté, de sorte que la majoration retenue doit s'appliquer sur ce taux ; l'augmentation alléguée de la seconde infirmité de 5 points est inopérante au regard de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 7 mars 1988, est militaire de carrière dans l'armée de terre et a atteint le grade de sergent. Depuis le 10 mars 2018, il est placé en congé de longue maladie. A la suite d'opérations extérieures au Burkina Faso et au Mali, il s'est vu concéder, par un arrêté du 22 décembre 2017, une pension militaire d'invalidité, à titre provisoire, au taux global de 50 %, avec jouissance à compter du 19 janvier 2016, en raison d'un syndrome d'état de stress post-traumatique évalué à 40 % et d'acouphènes bilatéraux permanents évalués à 10 % + 5. Il a sollicité, le 5 mars 2018, la révision de sa pension pour aggravation de son infirmité liée au stress post-traumatique. En raison de la proximité de la date de renouvellement de sa pension, le ministre a réexaminé les deux infirmités. Par un arrêté du 24 décembre 2018, M. B... s'est vu accorder une pension au taux global de 60 %, tenant compte d'une aggravation de l'infirmité de l'état de stress post-traumatique pour lequel l'administration a retenu un taux de 50 %. Saisi par M. B... d'une contestation de cette décision, le tribunal des pensions militaires de Pau a transmis la demande, en application du décret du 28 décembre 2018, au tribunal administratif de cette même ville. Par un jugement du 15 décembre 2021, le tribunal a donné acte à M. B... de son désistement s'agissant des conclusions tendant à la revalorisation indiciaire de sa pension militaire d'invalidité au taux du grade équivalent de la marine nationale et a rejeté le surplus de ses demandes relatives à la révision à la hausse du taux de sa pension militaire d'invalidité. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Sur l'infirmité liée au stress post-traumatique : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Tout bénéficiaire d'une pension temporaire chez qui s'est produite une complication nouvelle ou une aggravation de son infirmité peut, sans attendre l'expiration de la période de trois ans prévue à l'article R. 121-3, adresser une demande de révision sur laquelle le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et des victimes de guerre statue selon les modalités définies au chapitre Ier du présent livre. ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. (...) ". Selon ce guide-barème annexé au code, l'évaluation de l'invalidité pour les troubles psychiques de guerre s'effectue au vu de la souffrance physique, de la répétition, de la perte de la capacité relationnelle et du rétrécissement de la liberté existentielle. Il y a lieu de tenir compte de la capacité de contrôle des affects et des actes, du degré de tolérance à l'angoisse et à la peur, de l'aptitude à différer les satisfactions et à tenir compte de l'expérience acquise, et des possibilités de créativité, d'orientation personnelle et de projet. Les troubles modérés correspondent à un taux de 40 %, les troubles intenses à 60 % et les troubles très intenses à 80 %. 4. Il résulte de l'instruction que M. B... a participé à une intervention au Mali, le 20 octobre 2015, en vue de libérer plus d'une centaine d'otages retenus par un groupe djihadiste dans un hôtel de Bamako. Ayant servi de bouclier de tête, il a livré le récit d'accrochages répétés sur une longue durée, la vision de nombreux cadavres et une recherche angoissée des terroristes, étage par étage. Cela a justifié un arrêt de travail de six mois de juin à décembre 2016, avant l'obtention d'un congé de longue maladie l'année suivante, régulièrement renouvelé depuis. A l'appui de sa demande de révision de sa pension, il a produit un certificat du médecin des armées attestant d'une aggravation de l'état de stress post-traumatique, avec une augmentation des traitements médicamenteux et des périodes d'hospitalisation. Il résulte de la comparaison des deux expertises dont l'intéressé a fait l'objet les 3 mars 2017 et 14 août 2018 que celui-ci, qui était suivi par un psychiatre et un psychologue de l'armée, est désormais astreint à des hospitalisations répétées à l'hôpital des armées Robert Picqué de Bordeaux. Il suit un traitement associant un antidépresseur et un psychotrope à action sédative puissante. Aux constats déjà effectués en 2017, constitués de réminiscences permanentes de l'accident traumatique majeur, d'une anxiété importante, d'une baisse de la libido, d'une culpabilité du survivant, d'un désinvestissement familial, d'un sentiment d'être incompris de sa hiérarchie et d'un état dépressif, associant tristesse, anhédonie, auto-dévalorisation et troubles de la concentration, la nouvelle expertise ajoute une absence de projection dans l'avenir, des difficultés à contrôler son impulsivité, une diminution de l'élan vital, un apragmatisme avec diminution de la vie relationnelle et de loisir, et une augmentation de la consommation d'alcool. Ces pièces médicales, ainsi que l'avis de la commission consultative médicale, permettent de tenir pour acquise l'aggravation de l'état de stress post-traumatique dont est victime M. B.... Si la commission consultative médicale a proposé d'augmenter de 10 % le taux retenu initialement pour cette infirmité pour le fixer à 50 %, l'expert a, quant à lui, avancé un taux de 70 % en qualifiant les troubles d'importants. Au vu de ces éléments et des mentions du guide-barème, et alors même que M. B... n'avait pas contesté le taux de 40 % qui lui a été reconnu pour cette infirmité pour la liquidation de sa pension à compter du 19 janvier 2016, il peut être fait une juste appréciation de l'aggravation de l'état de stress post-traumatique en portant le taux d'invalidité de 40 % à 60 %. Sur l'infirmité résultant des acouphènes bilatéraux permanents : 5. Aux termes de l'article R. 121-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension temporaire est concédée pour trois années à compter du point de départ défini à l'article L. 151-2. (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " A l'issue du délai de trois ans, pour la ou les infirmités résultant uniquement de blessures, la situation du pensionné doit être définitivement fixée : / 1° (...) par la conversion de la pension temporaire en pension définitive à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif ; (...) ". 6. Il résulte du rapport d'expertise établi par un oto-rhino-laryngologue le 8 octobre 2018 que s'il propose de retenir un taux d'invalidité de 15 % pour des acouphènes permanents, continus et bilatéraux, il relève dans le même temps que l'examen ORL est identique au précédent qu'il avait réalisé le 24 mars 2017, faisant ressortir une minime et discrète hypoacousie de perception bilatérale avec une perte moyenne de 15 dB de chaque côté et une impédancemétrie normale. En l'absence de modification des constats cliniques entre les deux expertises, M. B... n'est pas fondé à contester le taux de 10 % + 5 qui lui avait été reconnu pour cette infirmité auditive. 7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise dont le caractère utile n'est pas démontré, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande relative au rehaussement du taux d'invalidité à 60 % pour son infirmité liée à l'état de stress post-traumatique. Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le taux d'invalidité pour l'infirmité relative à l'état de stress post-traumatique dont souffre M. B... est porté de 50 % à 60 %. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX00487
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 6ème chambre, 02/04/2024, 23PA01620, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de La Chapelle-la-Reine a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017, ainsi que les arrêtés des 21 décembre 2018 et 10 janvier 2019 par lesquels le maire l'a placée en disponibilité d'office, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, d'enjoindre à la commune de la rétablir dans ses droits statutaires et de de mettre à la charge de la commune de La Chapelle-la-Reine une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1902850 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du maire de La Chapelle-la-Reine du 4 décembre 2018, a enjoint à la commune de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que les conclusions présentées par la commune de La Chapelle-la-Reine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens . Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 19 avril et 26 septembre 2023, la commune de La Chapelle-la-Reine représentée par Me Simon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme A... ; 2°) à titre principal de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Melun dans son intégralité ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit ; 4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la motivation du jugement est irrégulière ; - le jugement est entaché de défaut de réponse à conclusions ; - l'annulation prononcée est assortie d'une injonction dont les termes sont incomplets et empêchent sa mise en œuvre ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire avait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître imputable au service la pathologie de Mme A.... Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet et 1er décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Coche, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de la Chapelle la Reine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de La Chapelle-la-Reine sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code général de la fonction publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès ; - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., titulaire du grade d'adjointe technique de 2ème classe, exerce les fonctions d'agent de restauration et d'entretien au sein des services de la commune de La Chapelle-la-Reine depuis 2001. Par un courrier du 26 décembre 2017, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de la tendinopathie des épaules qui lui a été diagnostiquée le 28 novembre 2017. En dépit de l'avis favorable de la commission de réforme du 13 juin 2018, par un arrêté du 4 décembre 2018, le maire de La Chapelle-la-Reine a refusé de reconnaître sa pathologie, au titre de laquelle elle a fait l'objet d'arrêts de travail depuis le 28 novembre 2017, comme étant imputable au service. Puis, compte tenu de l'épuisement de ses droits à congés de maladie et au vu de l'avis rendu le 19 décembre 2018 par le comité médical, par un arrêté du 21 décembre 2018, retiré et remplacé par un arrêté du 10 janvier 2019, le maire a placé Mme A... en disponibilité d'office pour une durée de trois mois, du 20 novembre 2018 au 19 février 2019. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation des arrêtés du 4 décembre 2018, 21 décembre 2018 et 10 janvier 2019. Par un jugement n° 1902850 du 30 mars 2023, le Tribunal a annulé l'arrêté du maire de La Chapelle-la-Reine du 4 décembre 2018, a enjoint à la commune de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que les conclusions présentées par la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La commune de La Chapelle-la-Reine relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme A.... Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, le bien-fondé de la réponse que les premiers juges ont apportée, par un jugement qui est suffisamment motivé, aux moyens soulevés est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. 3 En deuxième lieu, si la commune et Mme A... ont sollicité une expertise médicale en première instance, il ressort clairement de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges se sont estimés suffisamment informés et ont entendu écarter la demande d'expertise comme sans intérêt pour la solution du litige. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur ces conclusions doit donc être écarté. 4. En dernier lieu, le tribunal a enjoint à la commune de La Chapelle-la-Reine de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Contrairement à ce que soutient la commune requérante, cette injonction était suffisamment précise pour être exécutée quand bien même elle ne précisait pas la date de la fin de la pathologie. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions, notamment, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale. 6. L'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. La maladie dont se prévaut Mme A... a été diagnostiquée le 28 novembre 2017, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article 21 bis. Aussi, la situation de Mme A... demeure régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale. 8. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, désormais codifié aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 9. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., le maire de La Chapelle-la-Reine s'est fondé sur l'insuffisance d'éléments d'appréciation établissant l'existence d'une maladie professionnelle et sur l'absence d'élément établissant le lien entre la pathologie et les fonctions exercées par Mme A.... Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité le 26 décembre 2017 la reconnaissance de l'imputabilité au service de la tendinopathie des deux épaules, dont elle souffre depuis le 28 novembre 2017 ainsi que la prise en charge des arrêts et soins afférents. La commune s'est notamment fondée sur les conclusions du rapport d'expertise du médecin rhumatologue agréé, établi le 26 avril 2018, réfutant l'imputabilité au service de sa pathologie. Or, d'une part, ce rapport ne comporte aucune précision alors qu'aux termes d'une nouvelle expertise, un autre médecin rhumatologue agréé a conclu, dans un rapport ultérieur du 16 janvier 2019, certes postérieur à l'arrêté attaqué, mais de nature à constater l'état de santé de l'intéressée à la date de l'arrêté litigieux, et de manière précise et détaillée, à l'imputabilité au service de sa pathologie. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme qui disposait des premières conclusions médicales, a émis un avis favorable à l'imputabilité au service le 13 juin 2018. Dès lors, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la pathologie de Mme A... est en lien direct avec les fonctions qu'elle exerçait au sein de la collectivité et ont annulé l'arrêté litigieux pour erreur d'appréciation. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise médicale avant-dire droit, que la commune de La Chapelle-la-Reine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 4 décembre 2018 du maire de La Chapelle-la-Reine et enjoint à la commune de La Chapelle-la-Reine de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie. Sur les frais liés au litige : 11. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à la commune de La Chapelle-la-Reine sur ce fondement. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au profit de Mme A.... DÉCIDE : Article 1 : La requête de la commune de La Chapelle-la-Reine est rejetée. Article 2 : La commune de La Chapelle-la-Reine versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Chapelle-la-Reine et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA01620
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 5ème chambre, 05/04/2024, 22PA02378, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 14 807 euros versée à Mme B... A..., militaire, en indemnisation des préjudices résultant d'agressions subies par elle en service. Par un jugement n° 1918691 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a intégralement fait droit à sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1918691 du 23 mars 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Elle soutient que : - le tribunal, en jugeant que la victime d'une faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service, ou une personne subrogée dans ses droits, peut demander au juge administratif de condamner l'Etat, en qualité d'employeur de l'agresseur, à assumer l'entière réparation des préjudices subis, a méconnu les règles spécifiquement applicables aux accidents de service et entaché ainsi sa décision d'erreur de droit ; - le tribunal, en se fondant également sur un manquement de l'Etat à son obligation de surveillance de son personnel, laquelle ne résulte d'aucun texte ni de la jurisprudence, a entaché sa décision d'une seconde erreur de droit ; en tout état de cause, aucune faute ne peut être reprochée à l'Etat à ce titre, compte tenu des mesures prises dès que les faits litigieux ont été portés à sa connaissance. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par la ministre des armées sont infondés et que les agressions subies par Mme A... à l'occasion de l'exercice de ses fonctions sont en tout état de cause intégralement indemnisables sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de procédure pénale ; - le code de la défense ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marjanovic ; - et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. A la suite du jugement du tribunal correctionnel de Paris du 14 novembre 2017 condamnant son supérieur hiérarchique pour des faits de violences et d'agressions sexuelles commis entre janvier et octobre 2015 lors de missions effectuées à Paris, Mülheim (Allemagne) et Saint-Pierre de la Réunion, Mme A..., militaire du rang, a saisi, le 3 janvier 2018, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), sur le fondement des dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale, afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis à raison de ces agissements. Par décision du 27 septembre 2018, ladite commission a accordée à ce titre à l'intéressée une somme globale de 14 807 euros, intégrant celles de 2 907 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles, 3 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 8 000 euros en réparation des souffrances endurées et 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, qui a versé ces sommes à Mme A... le 24 octobre 2018, en a demandé le remboursement à la ministre des armées. Par la présente requête, celle-ci relève appel du jugement du 23 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme précitée de 14 807 euros au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la ministre des armées ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs de droit. Sur les droits indemnitaires du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions : 3. D'une part, en vertu des articles 706-3 et 706-4 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut, lorsque certaines conditions sont réunies, obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne auprès d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions, juridiction civile instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance qui peut prendre sa décision avant qu'il soit statué sur l'action publique ou sur les intérêts civils. L'indemnité correspondante est alors versée par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Selon le premier alinéa de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le Fonds " est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. ". Aux termes de l'article 15 de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, aujourd'hui repris à l'article L. 4123 - 10 du code de la défense : " Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être l'objet. / L'Etat est tenu de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Il est subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées aux victimes. ". 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la collectivité publique dont dépend un agent victime de violences à l'occasion de ses fonctions, dès lors qu'elle est tenue, au titre de la protection instituée par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, de réparer le préjudice résultant de ces violences, est au nombre des personnes à qui le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions peut réclamer le remboursement de l'indemnité ou de la provision qu'il a versée à cet agent à raison des mêmes violences, dans la limite du montant à la charge de cette collectivité. Si la collectivité publique ne se substitue pas, pour le paiement des dommages et intérêts accordés par une décision de justice, à l'auteur des faits à l'origine du dommage, il lui incombe toutefois d'assurer la juste réparation du préjudice subi par l'agent. 6. En l'espèce, et en premier lieu, il résulte de l'instruction que les violences et agressions infligées à Mme A... par son supérieur hiérarchique l'ont été à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Dès lors, l'intéressée remplissait les conditions pour bénéficier de la protection instituée par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de service, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions pouvait agir à l'encontre de l'Etat par subrogation à l'intéressée. 7. En deuxième lieu, il n'est ni établi, ni même allégué que Mme A... aurait reçu de l'Etat, en raison des conséquences matérielles des agressions subies et de leurs effets sur son intégrité physique, une allocation temporaire, pension ou rente d'invalidité. Dès lors, la ministre des armées ne peut valablement opposer aux prétentions du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions la règle du forfait de pension applicable aux fonctionnaires victimes d'un accident de service ou atteints d'une maladie professionnelle. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Son appel doit dès lors être rejeté. Sur les frais liés à l'instance : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient : - M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. Gobeill, premier conseiller, - M. Dubois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024. Le président rapporteur, V. MARJANOVIC L'assesseur le plus ancien, J.F. GOBEILL La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02378 2
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 03/04/2024, 475587
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le titre de perception d'un montant de 20 444 euros émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine le 12 avril 2021 à la suite de l'annulation de sa pension civile d'invalidité et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 444 euros en réparation du préjudice subi à raison du versement fautif de sa pension de retraite. Par un jugement n° 2104099 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juillet et 4 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Pinet, avocat de Mme A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., adjointe administrative de 2ème classe au ministère de la culture et de la communication, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 18 juillet 2016 par un arrêté du 16 mai 2017. Une pension civile d'invalidité lui a été accordée, avec date d'effet au 18 juillet 2016. Mme A... a contesté cet arrêté la radiant des cadres, qui a été annulé par un jugement n° 1703026 du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes. Mme A... a été réintégrée dans le corps des adjoints administratifs du ministère de la culture à compter du 18 juillet 2016, par un arrêté du 30 octobre 2019. Sa pension civile d'invalidité a été annulée par un arrêté du 21 mars 2021. Mme A... a fait valoir ses droits à la retraite et une pension de retraite lui a été accordée par arrêté du 17 mai 2021 avec effet à compter du 1er avril 2019. Le 12 avril 2021, la direction régionale des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine a émis à son encontre un titre de perception d'un montant de 20 444 euros en vue de récupérer les indus de pension versés en application de l'arrêté du 16 mai 2017. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ce titre de perception et de la décharger de l'obligation de payer la somme qui lui est réclamée et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 444 euros en réparation du préjudice subi par le versement fautif de cette pension de retraite. Par un jugement du 2 mai 2023, contre lequel Mme A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 prévoit que pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ". 3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Ces dispositions n'imposent pas de faire figurer sur cet état les nom, prénom et qualité du signataire. Les nom, prénom et qualité de la personne ayant signé l'état revêtu de la formule exécutoire doivent, en revanche, être mentionnés sur le titre de perception, de même que sur l'ampliation adressée au redevable. 4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes, après avoir relevé que ce titre de perception, qui n'était pas signé, comportait les nom, prénom et qualité de son auteure, s'est fondé sur la circonstance que l'état récapitulatif des créances, émis le même jour et revêtu de la formule exécutoire, comportait la signature d'une autre personne, qui bénéficiait d'une délégation pour la signature de ces états pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la signature du titre de perception contesté. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses constatations que le titre de perception ne comportait pas les nom, prénom et qualité de la personne ayant signé l'état revêtu de la formule exécutoire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. 5. En second lieu, il ressort des énonciations du point 9 du jugement du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Rennes que les juges du fond ont écarté le moyen tiré par Mme A... de ce que l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en continuant de lui verser sa pension au-delà de la date à laquelle le jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes annulant la décision la radiant des cadres et l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service lui a été notifié en se bornant à juger qu'en l'absence de faute de l'Etat, l'intéressée n'était pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi. Eu égard à la teneur de l'argumentation dont il était saisi, qui faisait notamment valoir que le versement de sa pension s'est poursuivi pendant seize mois après la notification du jugement du 3 octobre 2019, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rennes. Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la ministre de la culture.ECLI:FR:CECHR:2024:475587.20240403
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 12/03/2024, 21TL04735, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier : Sous le n° 2003490, d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020, notifié le 29 juin 2020, par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social (UDSIS) des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé de maladie ordinaire du 2 décembre 2019 au 31 mai 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service de la rechute à compter du 2 décembre 2019 de l'accident de service dont elle a été victime le 11 janvier 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Sous le n° 2003491, d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le président de l'UDSIS des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé de maladie ordinaire du 1er juin au 25 août 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service de la rechute dont elle a été victime à compter du 1er juin 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Sous le n° 2004098, d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le président de l'UDSIS des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office, sans rémunération, pour raison de santé pour une période de trois mois à compter du 26 août 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de la rétablir dans ses droits en ce compris la reconstitution des droits sociaux et, notamment, des droits à pension de retraite, avancement, grade, avec effet rétroactif et de procéder au réexamen de son dossier dans le délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Sous le n° 2004100, d'annuler l'arrêté 10 août 2020 par lequel le président de l'UDSIS des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office avec demi-traitement à compter du 26 août 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de la rétablir dans ses droits en ce compris la reconstitution des droits sociaux et, notamment, des droits à pension de retraite, avancement, grade, avec effet rétroactif et de procéder au réexamen de son dossier dans le délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2003490, 2003491, 2004098, 2004100 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2021, sous le n° 21MA04735 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04735, Mme C... B..., représentée par Me Cacciapaglia, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé maladie ordinaire du 2 décembre 2019 au 31 mai 2020 ; 3°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé maladie ordinaire du 1er juin au 25 août 2020 ; 4°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office avec demi-traitement à compter du 26 août 2020 ; 5°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office sans rémunération pour raison de santé pour une période de trois mois à compter du 26 août 2020 ; 6°) d'enjoindre à l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service à compter du 2 décembre 2019 de la rechute de l'accident de service du 11 janvier 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 7°) d'enjoindre à l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service de la rechute dont elle a été victime à compter du 1er juin 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 8°) d'enjoindre à l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales de la rétablir dans ses droits en ce compris la reconstruction de ses droits sociaux et de ses droits à pension de retraite, avancement et grade, avec effet rétroactif et de procéder au réexamen de son dossier dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 9°) de mettre à la charge de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement : - s'agissant des arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020, le tribunal a écarté de manière injustifiée le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait et a commis une erreur de fait et de droit en ne reconnaissant pas que les " rechutes " relèvent de l'aggravation de sa pathologie reconnue imputable au service ; - s'agissant des arrêtés des 10 août et 3 septembre 2020, le tribunal a commis une erreur de droit en violant les dispositions du décret n°87-602 du 30 juillet 1987, et une erreur de droit et de fait en ne prenant pas en compte toutes les conséquences discriminatoires de la portée de ces arrêtés ; Sur l'illégalité des arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020 : - ils sont entachés d'une insuffisance de motivation en fait ; - ils sont entachés d'un vice de procédure dès lors que le docteur A..., médecin généraliste, ne pouvait éclairer la commission de réforme, n'étant pas spécialisé dans le type de pathologie dont elle souffre ; de plus, ce médecin qui est membre permanent de la commission de réforme et a siégé lorsque cet organisme a rendu son avis sur son dossier ; ces vices ont exercé une importante influence sur le sens des arrêtés pris, la privant de garanties ; - ils ont été pris en violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; - ils sont entachés d'erreur de droit pour incompétence négative ; - ils ont été pris en violation de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ; Sur l'illégalité de l'arrêté du 10 août 2020 : - il est entaché d'une insuffisance de motivation en fait ; - il a été pris en violation de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il méconnaît son droit au reclassement ; Sur l'illégalité de l'arrêté du 3 septembre 2020 : - il est entaché d'une insuffisance de motivation en fait ; - il est entaché d'un vice de procédure en raison de l'information tardive de la consultation du comité médical ; - il a été pris en violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; - il est entaché d'erreur de droit pour incompétence négative ; - il a été pris en violation de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il méconnaît son droit au reclassement. Par un mémoire enregistré le 4 avril 2023, l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales, représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par ordonnance du 5 avril 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 17 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Aubert substituant Me Cacciapaglia, représentant Mme B..., et de Me Merland représentant l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjoint technique territorial de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales, a développé une tendinopathie de l'épaule droite à compter d'octobre 2013, reconnue comme maladie professionnelle. Elle a été victime d'un accident survenu le 8 décembre 2016, ayant entraîné son placement en congé pour accident de service reconnu imputable au service par un arrêté du 16 mars 2017 au titre de la période du 8 au 14 décembre 2016. Mme B... a ensuite transmis plusieurs arrêts de travail relatifs à une " rechute " de sa maladie professionnelle, qui a été reconnue imputable au service du 6 juin 2018 au 1er mars 2019. Elle a été mise à disposition de la communauté de communes des Aspres à compter du 22 août 2019 pour une durée d'un an et affectée à la crèche de .... Elle a de nouveau transmis des arrêts de travail pour les périodes allant du 26 août 2019 au 31 janvier 2020 pour des douleurs à l'épaule droite, en faisant ensuite état d'un accident de service survenu le 29 août 2019. Par un arrêté du 22 juin 2020, le président de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ces arrêts de travail et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 2 décembre 2019 au 31 mai 2020. Par un arrêté du 21 juillet 2020, Mme B... a été placée en congé de maladie ordinaire du 1er juin au 25 août 2020. Par un arrêté du 1er juillet 2020, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a mis fin à sa mise à disposition et prononcé sa réintégration au sein de ses effectifs à compter du 1er août 2020. Par un arrêté du 10 août 2020, l'intéressée a été placée en disponibilité d'office à titre conservatoire à l'issue d'un congé de maladie ordinaire à compter du 26 août 2020 avec maintien de son demi-traitement jusqu'à la date de sa reprise de fonctions, de son reclassement ou de son admission à la retraite pour invalidité. A la suite de l'avis du comité médical réuni le 26 août 2020, favorable à la reprise de service de l'intéressée, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a pris, le 3 septembre 2020, un arrêté plaçant Mme B... en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 26 août 2020 pour une durée de trois mois dans l'attente de sa reprise d'activité, avec cessation du versement de sa rémunération et suspension de ses droits à l'avancement et à la retraite. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés des 22 juin 2020, 21 juillet 2020, 10 août 2020 et 3 septembre 2020. Par un jugement rendu le 12 octobre 2021 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement : 2. Mme B... soutient, s'agissant tout d'abord des arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020, que le tribunal a écarté de manière injustifiée le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait, et a commis une erreur de fait et de droit en ne reconnaissant pas que les rechutes dont elle a été victime sont indéniablement le fruit de l'aggravation de sa pathologie à la suite de la déclaration de sa maladie professionnelle. S'agissant ensuite des arrêtés des 10 août et 3 septembre 2020, la requérante soutient que le tribunal a également commis une erreur de droit en violant les dispositions du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en l'absence de poste adapté proposé, ainsi qu'une erreur de droit et de fait en ne prenant pas en compte toutes les conséquences discriminatoires de la portée de ces arrêtés. Toutefois, de tels moyens qui relèvent du bien-fondé du jugement, ne sont pas susceptibles d'affecter sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020 : 3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'incompétence négative dont seraient entachés les arrêtés contestés, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 3 et 12 de son jugement. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". Aux termes de l'article 17 de l'arrêté dans sa version applicable : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. / Les médecins visés au 1 de l'article 3 (...) ne peuvent pas siéger avec voix délibérative lorsque la commission examine le dossier d'un agent qu'ils ont examiné à titre d'expert ou de médecin traitant. ". 5. Il ressort du procès-verbal de la commission de réforme du 27 mai 2020, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que le docteur A..., qui a remis un rapport d'expertise le 22 janvier 2020, n'a pas siégé avec voix délibérative lors de cette séance, sa signature n'ayant pas été apposée sur le procès-verbal de cette séance. En outre, la circonstance que le docteur A... siégeait en qualité de membre permanent en qualité de suppléant de la commission de réforme n'a pu en l'espèce être de nature à priver Mme B... d'une garantie dès lors que ce médecin s'était antérieurement prononcé en faveur de la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Si la requérante persiste à soutenir qu'elle aurait dû être examinée par un médecin spécialisé en orthopédie, alors même que le docteur A... l'avait examinée à plusieurs reprises depuis novembre 2013, ni les dispositions énoncées au point 4 ni aucun principe n'imposait qu'un médecin spécialiste soit désigné pour procéder à l'expertise des douleurs à l'épaule dont elle souffre. Par suite, le moyen tiré des vices entachant la procédure suivie doit être écarté. 6. En troisième lieu, si les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut déroger à cette règle générale en leur conférant une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. En l'espèce, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales étant tenue de placer Mme B... dans une position régulière, le moyen tiré de la violation du principe de non-rétroactivité doit être écarté. 7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, alors applicable : " (...) Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 9. Il ressort des pièces du dossier que la pathologie développée à l'occasion du service par Mme B... à compter du 18 octobre 2013, a provoqué une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite qui a été reconnue comme maladie professionnelle n°57 désignée dans le tableau des maladies professionnelles. Son état de santé a été déclaré consolidé sans séquelles imputables le 19 mars 2014. Toutefois, les arrêts de travail qu'elle a présentés au titre d'une rechute de cette maladie professionnelle ont été reconnus imputables au service pour la période allant du 6 juin 2018 au 1er mars 2019, après avis favorable de la commission de réforme. En revanche, ses arrêts de travail présentés au titre de la période allant du 24 mai au 7 juillet 2019 n'ont pas été reconnus imputables au service, après avis défavorable de ladite commission à la rechute de sa maladie professionnelle au vu des pièces médicales produites ne faisant état d'aucun examen complémentaire ou conduite thérapeutique continue. La requérante, qui avait accepté d'être mise à la disposition de la communauté de communes des Aspres sur un poste d'auxiliaire de crèche par courrier du 20 mai 2019, a été affectée sur ce poste plus adapté à son état de santé pour une durée d'un an à compter du 22 août 2019. Elle a cependant été placée en arrêt de travail de manière ininterrompue à compter du 26 août 2019, avant d'être réintégrée au sein de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales à compter du 1er août 2020. Le 2 décembre 2019, Mme B... a adressé un arrêt de travail au titre d'un accident de service survenu le 29 août 2019. Saisie de la question de l'imputabilité de la rechute déclarée le 29 août 2019, date à laquelle la requérante était affectée au sein de la crèche de ... et en arrêt de travail depuis le 26 août précédent, la commission de réforme, réunie le 27 mai 2020, s'appuyant sur les conclusions du rapport du docteur A... en date du 22 janvier 2020, a constaté l'absence d'évènement accidentel et estimé que le certificat médical de prolongation devait, à compter du 2 décembre 2019, être pris en compte dans le cadre de l'assurance maladie. En outre, la commission a constaté, au vu de l'expertise précitée révélant " un examen pratiquement normal ", que Mme B... était apte à exercer ses fonctions, en précisant toutefois, d'une part, que " se pose un problème d'adaptation au nouveau poste de travail adapté à sa pathologie sur lequel elle a été affectée à sa demande et qui ne semble pas lui convenir " et, d'autre part, que la manifestation d'un " trouble de l'adaptation avec altération de l'humeur " justifie un suivi par la médecine du travail et par le comité médical. Il ne ressort pas des documents médicaux et compte-rendu d'imagerie par résonance magnétique produits par la requérante que sa pathologie a été contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein de la crèche de ... pendant une durée particulièrement brève, ni qu'elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter son développement. Par suite, alors même qu'un précédent épisode affectant la même épaule a été reconnu imputable au service, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 57-2 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. En ce qui concerne les arrêtés des 10 août et 3 septembre 2020 : 10. En premier lieu, les décisions plaçant d'office un fonctionnaire en disponibilité en raison de l'expiration de ses droits statutaires à congé de maladie ne relèvent d'aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées. En tout état de cause, les arrêtés contestés plaçant Mme B... en disponibilité d'office comportent une motivation suffisante lui permettant de comprendre les raisons pour lesquelles ils ont été adoptés, alors même qu'ils ne mentionnent pas la date de saisine du comité médical. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait des décisions attaquées doit être écarté. 11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le comité médical départemental est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation.(...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire/- de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier -de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix. ". 12. Il ressort des pièces du dossier que le secrétariat du comité médical du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Pyrénées-Orientales a adressé à Mme B... un courrier daté du 6 août 2020 portant convocation en vue de la réunion du comité médical prévue le 26 août 2020. Cette convocation, qui lui a été notifiée le 14 août 2020, informait par ailleurs Mme B... de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix. Mme B... n'établit pas que le délai dont elle a disposé avant la réunion du comité médical aurait été insuffisant pour lui permettre de consulter un médecin. Par suite, la requérante, qui n'a pas, en tout état de cause, sollicité la communication de son dossier médical, n'est pas fondée à soutenir que la consultation du comité médical serait entachée d'un vice de procédure. 13. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la violation du principe de non-rétroactivité dirigé à l'encontre de l'arrêté du 3 septembre 2020, pour les motifs énoncés au point 6. 14. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 3 septembre 2020 serait entaché d'une incompétence négative. 15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret du 30 septembre 1985 susvisé, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ". 16. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite, et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical. 17. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 26 août 2019, avait épuisé ses droits le 25 août 2020. L'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a saisi le comité médical le 11 février 2020 d'une demande portant sur la prolongation de son congé de maladie au-delà de six mois et sur la possibilité de la placer en congé de longue maladie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le comité médical n'a pu se réunir avant le 26 août 2020. Il appartenait dans ces conditions à l'administration de prendre une décision provisoire dans l'attente de cet avis pour placer Mme B... dans l'une des positions prévues par son statut. Il est constant que l'arrêté du 10 août 2020 prévoyait le maintien d'un demi-traitement à compter du 26 août 2020 et dans l'attente de l'avis du comité médical. En revanche, alors même que l'avis rendu par le comité médical a constaté un examen quasi normal et l'aptitude à ses fonctions par Mme B..., ajoutant que le dossier devait être suivi par la médecine du travail et qu'en l'absence de reprise du travail l'agent devait être mise en disponibilité d'office pour raison de santé pour une durée de trois mois, les dispositions de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 n'imposaient pas le maintien d'un demi-traitement. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par courriers du 3 septembre 2020, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a demandé à Mme B... de prendre contact avec le médecin du travail et a saisi ce dernier pour avis sur une reprise de travail de l'agent sur la fiche de poste aménagé. Le médecin du travail a cependant estimé, par un courriel du même jour, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner Mme B... avant la visite de reprise à laquelle elle a été convoquée par un courrier en date du 28 octobre 2020. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté du 3 septembre 2020 doit être écarté. 18. Il résulte de ce qui a été évoqué aux points 9 et 17, que Mme B... ne saurait utilement soutenir que la décision du 3 septembre 2020 la plaçant en position de disponibilité d'office sans rémunération pour raison de santé pour une période de trois mois à compter du 26 août 2020, aurait méconnu l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. De même, la requérante n'ayant pas été reconnue inapte à l'exercice de ses fonctions, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit au reclassement doit être écarté comme inopérant. 19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. 21. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à verser à l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Mme B... versera à l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales. Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL04735 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 12/03/2024, 22MA00979, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille en application de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, en premier lieu, d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, en deuxième lieu, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer de manière définitive le taux d'invalidité des séquelles de traumatisme lombaire à 15 %, celui des séquelles de traumatisme du genou droit à 10 %, celui des séquelles de traumatisme de la hanche droite à 15 %, et celui des séquelles de traumatisme du rachis cervical à 15 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 16 juin 2016, en troisième lieu et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit et en dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1911527 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022 et transmise par ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Toulouse du 29 mars 2022, et des mémoires les 10 janvier et 6 février 2023, M. A..., représenté par Me Mattler, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 janvier 2022 ; 2°) d'annuler cette décision de la ministre des armées du 24 juin 2019 ; 3°) de faire droit à sa demande de pension au taux d'invalidité de 15 % pour séquelles de traumatisme lombaire, au taux de 10 % pour séquelles de traumatisme du genou droit, au taux de 15 % pour séquelles de traumatisme de la hanche droite et au taux de 15 % pour séquelles de traumatisme du rachis cervical ; 4°) de le renvoyer devant l'administration compétente aux fins de mise en œuvre des dispositions applicables en matière de pensions militaires d'invalidité et de régularisation financière afférente ; 5°) subsidiairement, d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale, confiée à un expert en orthopédie - traumatologie, aux fins, notamment, de proposer un libellé pour les quatre infirmités en cause, de chiffrer avec précision, pour chacune des quatre infirmités, le taux d'invalidité imputable au service, à la date de la demande du 16 juin 2016 enregistrée le 28 octobre 2016 pour les séquelles résultant des quatre premiers accidents, à la date de la demande du 12 janvier 2018 enregistrée le 5 février 2018 pour les séquelles résultant du cinquième accident, de donner son avis sur la nature des infirmités et sur leur imputabilité au service ; 6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - s'agissant de la première infirmité : * celle-ci constitue non pas des " lombalgies chroniques " mais des " séquelles de traumatisme lombaire ", et non pas une maladie, mais une blessure ainsi que l'a jugé le tribunal ; * les avis de la commission consultative médicale et du médecin chargé des pensions sont inopposables et doivent être annulés, d'une part, faute pour le ministre de démontrer l'identité des membres de la commission qui y ont siégé, leur qualité, la régularité de leur désignation, faute pour la commission, qui n'est pas indépendante et qui a proposé un abaissement du taux, d'avoir procédé à un nouvel examen du militaire, en méconnaissance d'une instruction du 22 novembre 1924, et d'autre part, en raison de l'absence de visa de l'avis de ce médecin par la décision en litige, d'examen du militaire par ce médecin qui n'est pas indépendant et d'information préalable de l'intervention d'un tel avis ; * le tribunal a soulevé le moyen de l'abrogation de cette instruction dont il n'a eu connaissance qu'à l'audience ; * le taux d'invalidité à retenir, tenant compte de l'accident de service du 18 novembre 2016, doit être de 15 % et de non 10 % ; * cette infirmité est imputable au service, en l'absence de tout état antérieur auquel elle serait liée ; - s'agissant de la deuxième infirmité : * ces séquelles au genou droit, qui traduisent une gêne fonctionnelle, sont imputables au service et doivent être indemnisées suivant un taux d'invalidité de 10 %, même dans le silence du guide-barème ; - s'agissant de la troisième infirmité : * pour les motifs précédemment évoqués, les avis de la commission consultative médicale et du médecin chargé des pensions ne sont pas opposables, non plus que celui de la commission de réforme ; * ces séquelles de traumatisme de la hanche droite, imputables au service, justifient l'attribution d'un taux d'invalidité de 15 % ; - s'agissant de la dernière infirmité : * les troubles du rachis correspondants, dus au premier et au quatrième accidents et imputables au service, justifient également l'attribution d'un taux d'invalidité de 15 %, et non de 10 %, l'expertise médicale réalisée par l'administration ne respectant les préconisations de l'instruction du 20 juillet 1976 et les avis du médecin en charge des pensions, de la commission consultative médicale et de la commission de réforme ne lui étant pas opposables faute d'être contradictoires. Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2022, 31 janvier et 5 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Mattler, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., caporal-chef de l'armée de terre, radié des contrôles pour réforme définitive à compter du 13 février 2018, a présenté, les 28 octobre 2016 et 5 février 2018, deux demandes de pension militaire d'invalidité, au titre des quatre infirmités dénommées " lombalgies chroniques ", " séquelles du traumatisme du genou droit ", " séquelles de traumatisme de la hanche droite ", et " séquelles de traumatisme du rachis cervical ". Par une décision du 24 juin 2019, prise après avis de la commission consultative médicale du 9 mai 2019 et de la commission de réforme du 12 juin 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement du 11 janvier 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Pour écarter comme inopérant le moyen tiré par M. A... de l'irrégularité de l'avis émis le 9 mai 2019 par la commission consultative médicale, au regard des dispositions de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1924, prise pour l'application du décret du 31 octobre 1924 relatif aux attributions de la commission consultative médicale, le tribunal s'est fondé sur l'absence de publication de cette instruction contrairement aux prescriptions de l'article R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration. Ce faisant, alors même que le ministre des armées n'avait pas invoqué l'inapplicabilité de cette instruction, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen, dont il aurait dû informer préalablement les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, mais s'est borné à répondre au moyen dont il était saisi. Son jugement n'est donc à cet égard entaché d'aucune irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la demande de pension de M. A... du 28 octobre 2016 : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 4 du même code dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 2 de ce code et qui est applicable à la demande de pension de M. A... du 5 février 2018 : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code, qui reprend les principes posés à l'ancien article L. 4 : " (...) Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code, qui reprend les principes posés à l'ancien article L. 4 : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; b) 40 % en cas d'infirmités multiples ". 4. Si la décision en litige se prononce sur les deux demandes de pension présentées par M. A... au titre de quatre infirmités, la seconde de ces demandes, du 5 février 2018, porte seulement sur les douleurs lombaires chroniques. Par suite, les droits à pension de M. A... doivent être appréciés, s'agissant de ces quatre infirmités, en fonction des circonstances de droit et de fait en vigueur au jour de sa première demande, le 28 octobre 2016, tandis que les douleurs lombaires chroniques doivent également être appréciées en fonction des circonstances prévalant au jour de la seconde demande, le 5 février 2018. En ce qui concerne les douleurs lombaires chroniques : S'agissant de l'instruction de la demande de pension concernant ces troubles : 5. En premier lieu, la circonstance que la décision en litige ne vise pas l'avis rendu par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité le 28 janvier 2019 est sans incidence sur sa régularité. Elle n'est, par ailleurs, pas de nature à démontrer, par elle-même, que la ministre des armées n'aurait pas tenu compte de cet avis pour statuer sur la demande de pension de M. A.... Il ne résulte, en outre, d'aucune disposition ni d'aucun principe que cet avis devrait être rendu au terme d'un examen médical du militaire, ni qu'il devrait donner lieu à une information préalable de celui-ci. Enfin, un tel avis, bien qu'émanant du médecin en chef du service des pensions du ministère des armées, en charge de l'instruction des demandes en vertu des dispositions de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne lie pas le ministre et est au nombre des pièces sur lesquelles ce dernier et le juge des pensions peuvent valablement s'appuyer pour déterminer les droits à pension du militaire. Par suite, M. A... n'est pas fondé à prétendre que cet avis ne lui serait pas opposable. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 151-12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " Lorsque l'instruction médicale est achevée, le dossier est soumis pour avis à la commission consultative médicale dans les cas prévus par arrêté des ministres chargés des anciens combattants et victimes de guerre et du budget, ou lorsque l'un ou l'autre des services mentionnés à l'article R. 151-18 l'estime utile. (...) ". 7. D'une part, en se bornant à soutenir, après avoir cité les termes de l'article 1er de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1924 prise pour l'application du décret du 31 octobre 1924 relatif aux attributions de la commission consultative médicale, à affirmer que le ministre " n'établit ni l'identité des membres de la commission consultative médicale qui y ont siégé, ni leur qualité, ni la régularité de leur désignation ", M. A... n'assortit pas son moyen tiré de l'irrégularité de l'avis rendu par cette commission le 9 mai 2019 des précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. 8. D'autre part, contrairement à ce que soutient M. A..., la commission consultative médicale n'a pas proposé de rabaisser le taux d'invalidité susceptible d'être attribué pour l'infirmité de douleurs lombaires chroniques, mais a proposé de considérer que seule une part de ce taux était imputable à un fait de service. Ainsi, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que cette commission aurait dû, en application de l'article 3 de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1920, procéder à un nouvel examen médical avant d'émettre son avis. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que, préalablement à la saisine de cette commission, le militaire, qui a déjà été examiné par le médecin expert, devrait être soumis à un nouvel examen médical. 9. Enfin, en l'absence de principe général consacrant l'indépendance des organismes consultatifs médicaux de l'administration des pensions, M. A... ne peut utilement se plaindre du manque d'indépendance de la commission consultative médicale à l'égard du service des pensions du ministère des armées pour soutenir que son avis serait pour ce motif irrégulier. S'agissant des droits à pension de M. A... concernant les douleurs lombaires chroniques : 10. Pour l'application des dispositions citées au point 3, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. 11. Pour refuser de faire droit à la demande de pension de M. A... liée aux douleurs lombaires dont il souffre depuis le choc qu'il a reçu le 15 septembre 2010 alors qu'il était transporté dans un camion, la ministre des armées a considéré que si cette infirmité justifiait l'attribution d'un taux global d'invalidité de 10 %, une part de ces troubles doit être imputée à une maladie étrangère au service, en l'occurrence, une scoliose et qu'en conséquence, le taux indemnisable directement lié au service est inférieur au taux de 10 % éligible à pension prévu par l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, cité au point 3. 12. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la seule désignation de cette infirmité dans la décision en litige comme " douleurs lombaires chroniques ", au lieu de " séquelles de traumatismes lombaires ", alors qu'il est constant qu'aux termes de la décision attaquée, la ministre des armées a considéré de tels troubles comme résultant d'une blessure, éligible à pension en cas d'attribution d'un taux d'invalidité d'au moins 10 %, est sans incidence sur ses droits à pension à ce titre. 13. En deuxième lieu, le médecin expert a considéré, dans son avis du 28 juin 2018, qu'à la suite notamment d'un choc lors d'un déplacement en camion le 15 septembre 2010 et de la prise en charge d'un patient agité le 25 août 2014, M. A... souffre de lombalgies chroniques, matérialisées selon lui par des protrusions discales, avec raideur, et que cette infirmité justifie l'attribution d'un taux d'invalidité de 10 %. En se référant également, aussi bien à l'épisode de lombosciatalgie droite survenu chez l'intéressé le 23 novembre 2016, soit cinq jours après l'accident de service ayant donné lieu à un rapport circonstancié du 22 décembre 2016, qu'aux protrusions discales décelées le 23 novembre 2016 par imagerie médicale, le médecin expert a nécessairement pris en compte cet accident du 23 novembre 2016 et les séquelles de traumatismes qu'en a conservées l'intéressé, pour proposer le taux d'invalidité de 10 %. La circonstance que la décision en litige ne mentionne pas la chute dans l'escalier du 15 avril 2015 au nombre de circonstances qui ont été à l'origine de ces troubles, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment des mentions du livret médical militaire de l'intéressé, que celui-ci a consulté un médecin militaire, le 16 avril 2015, pour une " recrudescence de lombalgies ", est sans incidence sur le degré d'invalidité qui a été médicalement constaté par l'expert. Si pour contester cette évaluation, et solliciter l'attribution d'un taux de 15 %, M. A... se prévaut du rapport établi le 15 février 2020 par un expert mandaté par ses soins, complété le 8 mars 2022, il résulte de ce document que pour proposer un tel taux, au demeurant, faiblement supérieur à celui reconnu, le médecin ne s'appuie pas sur d'autres éléments de gêne fonctionnelle que ceux retenus par le médecin expert. Il ne résulte pas de l'instruction que cette infirmité devrait entraîner un taux d'invalidité supérieur à 10 %. 14. Certes, en troisième lieu, pour proposer ce taux global de 10 %, le médecin expert, qui avait pourtant connaissance de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à la situation de M. A..., et plus particulièrement la radiographie médicale du 9 janvier 2013 faisant apparaître à cette date une " minime inflexion scoliotique lombaire convexe gauche ", n'a pas évoqué, dans son avis du 28 juin 2018, un état pathologique préexistant de nature à expliquer, au moins pour partie, la survenance des troubles lombaires. Certes encore, à partir de ce même document médical, la commission consultative médicale a estimé que le taux d'invalidité de 10 % était pour partie imputable à cette maladie, étrangère au service, et la ministre s'est fondée sur ce motif pour refuser de faire droit au titre de cette infirmité à la demande de pension de M. A..., alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment ni du rapport du médecin mandaté par l'intéressé, ni des éléments d'appréciation retenus par la commission consultative médicale tenant à la faible cinétique des accidents de 2010, 2014 et 2016 et aux caractères minime et stable des modifications de la charnière lombo-sacrée de l'intéressé entre 2010 et 2016, que celui-ci présentait un tel état avant la survenance du premier traumatisme, le 15 septembre 2010, ni que cette scoliose serait une affection indépendante des faits lui ayant procuré les douleurs lombaires et étrangère à ces troubles. 15. Néanmoins, comme en première instance, en appel, le ministre des armées souligne que l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, qui s'appuie sur une imagerie médicale du 23 novembre 2016, fait apparaître des protrusions discales qui, d'après la documentation médicale produite par le ministre et non sérieusement contestée par l'appelant, se caractérisent par une étiologie liée au vieillissement. Bien que le médecin expert n'ait pas considéré cette pathologie comme une cause des troubles lombaires de M. A..., étrangère au service, celui-ci ne remet en cause ni la réalité de cette affection, ni son rôle dans l'invalidité évaluée à 10 % par cet expert, ni son absence de lien avec le service. 16. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à solliciter une pension d'invalidité au titre des douleurs lombaires chroniques dont il souffre. En ce qui concerne les séquelles de traumatisme du genou droit : 17. Pour refuser d'accorder à M. A... une pension au titre de cette infirmité, causée par la chute dans un escalier alors qu'il était en service, le 15 avril 2015, la ministre s'est fondée sur le motif que l'invalidité qui en résulte doit être évaluée à moins de 10 %. Selon l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, cette infirmité consiste en une atteinte mécanique dégénérative du genou droit qui entraîne des douleurs fonctionnelles, sous-rotuliennes et aléatoires, qui, après examen, ne se traduit ni par une boiterie, ni par une diminution de la flexion et qui correspond à un taux d'invalidité de 8 %. Si une boiterie a été décelée médicalement, le 15 avril 2015, et a pu de nouveau être observée le 15 février 2020 par le médecin mandaté par M. A..., il ne résulte pas de l'instruction que cette gêne fonctionnelle aurait été observée dans les suites de cet accident, ni au jour de sa demande de pension du 28 octobre 2016. Il n'est pas davantage justifié par des pièces médicales que la moindre qualité de flexion du genou droit par rapport au genou gauche, observée le 15 février 2020 par le médecin mandaté par le requérant, en mesurant la distance " talon-fesse " en position couchée, laquelle n'a pas été mesurée par le médecin expert, se traduirait, quant à elle, par une lésion fonctionnelle justifiant une évaluation à 10 % du degré d'invalidité retenue par la ministre. Il en va de même de l'existence d'une subluxation et d'une lésion du ménisque, déjà prises en compte par le médecin expert. 18. Par conséquent, M. A... n'est pas fondé à solliciter une pension d'invalidité au titre des séquelles de traumatisme du genou droit dont il souffre. En ce qui concerne les séquelles de traumatisme de la hanche droite : 19. Pour refuser de faire droit à la demande de pension de M. A... s'agissant de ces troubles causés par la chute dans l'escalier du 15 avril 2015, la ministre a retenu qu'ils lui procurent un degré d'invalidité inférieur à 10 %. Selon le médecin expert, qui propose de retenir à ce titre un taux d'invalidité de 5 %, l'infirmité en cause correspond, à partir des doléances de M. A..., à des limitations douloureuses des amplitudes, des douleurs au creux de l'aine, alors que l'examen médical du militaire s'avère normal. 20. D'une part, le moyen de M. A... consistant à soutenir que les avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et de la commission consultative médicale ne lui seraient pas opposables en ce qui concerne l'évaluation du degré d'invalidité attaché à cette infirmité, et renvoyant, pour ce faire, au moyen afférent à l'infirmité de douleurs lombaires chroniques, doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 5 à 9, la commission consultative médicale ne s'étant du reste pas prononcée sur le traumatisme de la hanche droite. Si, au sujet de cette même infirmité, M. A... soutient également que ne lui serait pas opposable l'avis de la commission de réforme, faute pour cet organisme d'être indépendant à l'égard de l'administration des pensions militaires d'invalidité, ce moyen ne peut qu'être écarté pour le même motif que celui énoncé au point 9. 21. D'autre part, l'asymétrie des amplitudes décelée, le 15 février 2020, par le médecin désigné par M. A..., et constatée, selon celui-ci, au jour des demandes de pension de l'intéressé, n'est corroborée par aucune des pièces médicales contemporaines de l'accident de service et de ses suites, qu'il s'agisse du rapport du 23 avril 2015 rédigé par un radiologiste, de l'arthroscanner de la hanche droite réalisé le 9 juillet 2015, de l'échographie du 9 juillet 2015, de l'IRM du bassin et des hanches réalisée le 29 juillet 2015, ou de celle des articulations sacro-iliaques du 23 décembre 2016. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette asymétrie se traduirait par une gêne fonctionnelle supplémentaire par rapport à la raideur constatée au jour des demandes, ni qu'elle présenterait un caractère fluctuant qui justifierait de prendre en compte une modification de l'état de santé de l'intéressé postérieure à ces demandes. 22. Enfin, si le médecin mandaté par M. A... souligne, dans son rapport initial du 15 février 2020 comme dans son rapport complémentaire du 8 mars 2022, que celui-ci présente une sacro-iliite, c'est-à-dire une inflammation des deux principales articulations postérieures du bassin, il résulte des pièces médicales auxquelles se réfère cet expert que l'appelant présente, depuis le 11 août 2014, une inflammation de la partie gauche du bassin. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est du reste pas allégué, que cette inflammation, qui ne touche pas la hanche droite au titre de laquelle la demande de pension de M. A... a été présentée, jouerait un rôle causal dans l'apparition et la persistance des séquelles de traumatisme dont il demande ainsi l'indemnisation. 23. Par suite, M. A... n'est pas fondé à solliciter des droits à pension au titre de cette infirmité. En ce qui concerne les séquelles de traumatisme du rachis cervical : 24. La ministre des armées a rejeté la demande de pension de M. A... concernant les séquelles de traumatisme du rachis cervical dont il est atteint depuis le choc survenu lors d'un transport dans un camion le 15 septembre 2010, et la chute dans l'escalier du 15 avril 2015, au motif qu'il n'en est résulté pour lui aucune gêne fonctionnelle, ainsi que l'ont considéré le médecin expert, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et la commission de réforme. 25. D'une part, le moyen tiré de l'inopposabilité de l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité ne peut qu'être écarté pour les motifs énoncés au point 5. Le moyen tiré du caractère non contradictoire de l'avis rendu par la commission de réforme le 12 juin 2019 n'est, quant à lui, pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. 26. D'autre part, selon l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, si cette chute du 15 avril 2015 a causé au militaire des douleurs polyarticulaires telles que des cervicalgies, coxalgies, une gonalgie droite, et a augmenté les lombalgies, dont des " paresthésies de C8 " et si, à la radiographie du 23 avril 2015, apparaissaient de discrets troubles de la statique C1C2 et C3C4, avec suspicion d'entorse bénigne, l'examen de l'intéressé n'a révélé aucune anomalie ni aucune douleur. Dans ces conditions, la circonstance que cet expert a rendu son avis sans mesurer les amplitudes de mouvement du rachis est sans incidence sur la pertinence de ses conclusions. Il est vrai que le médecin désigné par M. A... affirme, dans ses avis des 15 février 2020 et 8 mars 2022, que l'intéressé présentait, au jour de ses demandes, une limitation importante, une névralgie radiculaire cervico-brachiale et des troubles de la statique C1-C2 et C3-C4. Mais, en l'absence de tout élément justifiant le caractère fluctuant de la pathologie en cause dont ne se prévaut d'ailleurs pas M. A..., ni ces rapports, ni les pièces médicales contemporaines de la chute dans l'escalier ne sont de nature à établir l'existence, au jour de ses demandes de pension, de troubles lui causant une gêne fonctionnelle, propre à justifier l'attribution d'un taux d'invalidité. 27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire-droit, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et à la détermination du taux d'invalidité applicable à ses infirmités. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente de la Cour, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024. N° 22MA009792
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 18/03/2024, 22MA00578, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, par une requête enregistrée sous le n° 1810051, d'annuler le titre de perception émis le 9 avril 2018 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur mettant à sa charge une somme de 13 201,38 euros correspondant à un demi-traitement du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, ainsi que la décision du 1er octobre 2018 ayant rejeté son recours du 12 juin 2018, et de la décharger des sommes correspondantes. Elle a demandé au tribunal administratif, en deuxième lieu, par une requête enregistrée sous le n° 1908168, d'annuler le titre de perception émis le 29 novembre 2018 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur mettant à sa charge une somme de 37 601,21 euros, correspondant à un demi-traitement du 1er juin 2016 au 31 mai 2018, la décharge de l'obligation de payer ces sommes compte tenu des négligences fautives de l'Etat, l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 l'admettant à la retraite pour invalidité et qu'il soit enjoint à l'administration de lui octroyer une rente viagère d'invalidité. Par un jugement nos 1810051, 1908168 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2022 et le 18 juillet 2023, et un troisième mémoire présenté le 23 janvier 2024, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, Mme B..., représentée par Me Portier, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2021 ; 2°) à titre principal, d'annuler les titres de perception émis le 9 avril 2018 et le 29 novembre 2018 et la décharger totalement de l'obligation de payer les sommes correspondantes ; 3°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 et d'annuler, par voie de conséquence, les titres de perception qui se fondent sur cet arrêté ; 4°) d'enjoindre au rectorat de lui octroyer une rente viagère d'invalidité ; 5°) à titre subsidiaire, de la décharger partiellement de l'obligation de payer les sommes réclamées ; 6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a omis de statuer sur le moyen tendant à contester la validité des titres de perception litigieux ; - le tribunal, qui s'est exclusivement fondé sur l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, a omis de répondre au moyen tiré de ce que sa situation relevait de l'article 27 du même décret ; - les titres de perception des 9 avril 2018 et 29 novembre 2018 n'indiquent pas les bases de la liquidation et il n'est pas possible de comprendre le calcul de l'indu qui a été effectué ; - l'arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 22 mai 2018 l'admettant à la retraite avec un effet rétroactif est illégal compte tenu du principe général du droit de non-rétroactivité des actes administratifs ; - c'est à tort que le tribunal a considéré que la question de la légalité de l'arrêté du 22 mai 2018 constituait un litige distinct ; - à titre subsidiaire, l'administration qui lui a versé, à tort, un plein traitement en lieu et place d'un demi-traitement a méconnu l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - sa situation lui ouvrait droit au bénéfice d'un demi-traitement du 9 mars 2016 au 22 mai 2018, en vertu de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le versement du plein traitement ne constitue pas une erreur de liquidation mais résulte de son affectation à la direction des services départementaux de l'éducation nationale à compter du 1er septembre 2016, décision d'affectation qui était créatrice de droits ; - la lenteur de l'administration dans la gestion de son dossier est constitutive d'une carence fautive de nature à justifier la décharge partielle de son obligation de payer ; - cette faute lui a causé un important préjudice financier. Par un mémoire, enregistré le 24 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut à sa mise hors de cause. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 juin 2023 et le 26 septembre 2023, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Un courrier du 11 mai 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Par ordonnance du 8 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Le 23 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés : - de l'irrégularité du jugement qui a retenu qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 ; - de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 prononçant la mise à la retraite de Mme B..., formulées pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille dans la demande n° 1908168, alors que Mme B... a nécessairement eu connaissance de cet arrêté du 22 mai 2018, qu'elle avait joint à sa demande enregistrée le 5 décembre 2018 devant le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1810051, soit depuis plus d'un an. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure, - les conclusions de M. François Point, rapporteur public, - et les observations de Me Portier, pour Mme B..., présente. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., professeure des écoles, a été placée en congé de maladie ordinaire du 9 mars 2015 au 8 mars 2016 avant d'être admise à la retraite pour invalidité à compter du 9 mars 2016 par un arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 22 mai 2018. Par l'émission de deux titres de perception des 9 avril 2018 et 29 novembre 2018, l'administration a mis à sa charge les sommes de 13 201,38 euros et 37 601,21 euros pour des indus de rémunération pour les périodes respectives du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016 et du 1er juin 2016 au 31 mai 2018. Par une requête enregistrée sous le n° 1810051 Mme B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre émis à son encontre le 9 avril 2018 et la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le recteur a rejeté son recours, ainsi que la décharge des sommes ainsi réclamées. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1908168, Mme B... a demandé au tribunal d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 29 novembre 2018, ainsi que la décharge de la somme correspondante. Par un mémoire complémentaire du 5 mars 2021, la requérante a demandé en outre l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 la plaçant à la retraite et l'octroi d'une rente viagère d'invalidité. Mme B... relève appel du jugement du 20 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ces deux demandes, a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 et rejeté le surplus de ses demandes. Sur la demande de mise hors de cause du ministre de l'économie, des finances et de la relance : 2. Aux termes de l'article 66 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le ministre des finances et, s'il s'agit d'un litige relatif à l'existence ou à l'étendue d'un droit à pension ou à rente viagère d'invalidité, le ministre dont relevait le fonctionnaire ou le militaire doivent être appelés à produire à la juridiction administrative leurs observations sur les pourvois formés contre les décisions prises en application du présent code. ". Le présent litige est, notamment, relatif à l'étendue du droit à pension de Mme B.... Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à demander sa mise hors de cause. Sur le jugement en tant qu'il statue sur la demande n° 1810051 : En ce qui concerne la régularité du jugement : 3. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 1, par le jugement attaqué le tribunal a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016, au motif que si l'administration avait émis le 9 avril 2018 un premier titre de perception correspondant à la rémunération indument versée à Mme B... du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, elle avait toutefois fixé, dans le second titre émis, le début de la période d'indu au 1er juin 2016 au motif que la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 était prescrite. Le tribunal en a déduit que, ce faisant, l'administration devait être regardée " comme ayant retiré sa décision en ce qui concerne la période allant du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 ". 4. Toutefois le titre émis le 9 avril 2018 comporte comme mention en objet de la créance " rémunération perçue à plein traitement du 08.03.2016 au 31.12.2016 au lieu du demi-traitement durant la période du demi-traitement suite à épuisement des droits à congé et dans l'attente d'une mise à la retraite pour invalidité " tandis que le titre émis le 29 novembre 2018 mentionne en objet de la créance " trop-perçu sur rémunération du 09/03/16 au 31/05/18 : traitement brut et indemnité de résidence perçus à tort suite à mise en retraite d'office pour invalidité au 09/03/16. ". La nature des créances réclamées par ces deux titres de perception, à savoir d'une part le plein-traitement au lieu du demi-traitement et d'autre part le demi-traitement, bien que recouvrant partiellement la même période, était donc distincte. C'est donc à tort que le tribunal a estimé qu'en ayant émis le titre du 29 novembre 2018 l'administration devait être regardée comme ayant retiré sa décision en ce qui concerne la période allant du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016. En outre et en tout état de cause, le titre de recettes du 29 novembre 2018, qui faisait l'objet d'une contestation dans l'instance enregistrée sous le n° 1908168, n'était pas définitif de sorte que le tribunal ne pouvait valablement statuer en non-lieu, le retrait, à le supposer opéré, n'ayant pas acquis de caractère définitif. 5. D'autre part, en soutenant que " le tribunal administratif ne s'est pas positionné sur le moyen soulevé par Mme B... et s'est exclusivement fondé sur l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 alors même que [...] Mme B... relevait de l'article 27 ", Mme B... doit être regardée comme soutenant que le tribunal n'a pas répondu au moyen, invoqué par elle, tiré de la méconnaissance de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, en vertu duquel après une période de douze mois consécutifs de congés maladie le fonctionnaire peut être admis à la retraite et le paiement du demi-traitement est maintenu. Ce moyen n'a pas été analysé par le tribunal, qui n'y a pas non plus répondu. La requérante est, dans ces conditions, fondée à soutenir que le jugement est irrégulier. 6. Par suite, il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement en tant qu'il se prononce sur l'instance enregistrée sous le n° 1810051 et d'évoquer immédiatement ce litige. En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du titre du 9 avril 2018 et de la décision rejetant le recours gracieux, ainsi qu'à la décharge des sommes correspondantes : 7. En premier lieu, les moyens critiquant les vices propres dont la décision de rejet du recours gracieux serait entachée ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une demande tendant à la fois à l'annulation d'un acte administratif et du refus de faire droit au recours gracieux présenté à l'encontre de ce même acte. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer l'incompétence de l'auteur de la décision du 1er octobre 2018 rejetant son recours gracieux contre le titre de perception du 9 avril 2018. 8. En deuxième lieu, aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint au titre exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. Toutefois, le titre de perception émis le 9 avril 2018, qui mentionne comme objet de la créance " rémunération perçue à plein traitement du 08.03.2016 au 31.12.2016 au lieu du demi-traitement durant la période de maintien à demi-traitement suite à épuisement des droits statutaires à congé et dans l'attente d'une mise à la retraite pour invalidité ", indiquait suffisamment les bases de la liquidation de la créance réclamée. 9. En troisième lieu l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif au régime de congés de maladie des fonctionnaires dispose que : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, dès lors que le titre émis le 9 avril 2018 ne visait pas à récupérer ce demi-traitement mais seulement le plein-traitement maintenu par erreur par l'administration au lieu du demi-traitement, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions. 10. En quatrième lieu, si la requérante soutient qu'elle aurait à bon droit bénéficié d'un plein traitement compte tenu de son affectation à compter du 1er septembre 2016 à la " direction des services départementaux de l'éducation nationale Marseille 1er arrondissement " elle ne le démontre pas en se bornant à se prévaloir d'une mention sur le site " I-Prof " qui n'est pas corroborée par ses bulletins de paie pour la période du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2016 correspondante. 11. En cinquième lieu, une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En conséquence, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation. Dans ce cas, il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement. 12. Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la dette dont le remboursement lui est réclamé est imputable à une erreur que l'administration a laissé perdurer, alors que le maintien de son plein traitement après le 9 mars 2016 au lieu du demi-traitement qui lui était dû, ne lui est réclamé par le titre attaqué que pour la période du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, soit pour une durée de dix mois, et que, s'agissant d'une simple erreur de liquidation, l'administration était fondée à lui demander le remboursement des sommes indûment perçues. En tout état de cause, à supposer même établie l'existence d'une faute dans la gestion de son traitement, pour cette période, la requérante ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien avec une telle faute. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander une diminution du montant de la somme mise à sa charge pour la période du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est fondée ni à demander l'annulation du titre de perception du 9 avril 2018 ou de la décision du 1er octobre 2018 rejetant son recours gracieux, ni la décharge des sommes correspondantes ou leur réduction. Sur le jugement en tant qu'il statue sur la demande n° 1908168 : En ce qui concerne les conclusions en annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 de mise à la retraite : 14. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, le délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut plus exercer de recours juridictionnel ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 15. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 prononçant la mise à la retraite de Mme B..., formulées pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille, alors que Mme B... avait nécessairement eu connaissance de cet arrêté du 22 mai 2018, qu'elle avait joint à sa demande enregistrée le 5 décembre 2018 devant le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1810051, depuis plus d'un an, sont irrecevables. 16. Par suite, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 29 novembre 2018 et à la décharge ou à la réduction des sommes correspondantes : 17. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à en relever appel en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande. 18. D'une part, le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance, ou de laquelle cette créance est fondée, est devenue définitive, comme le prévoient au demeurant, les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. 19. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. Une décision affectant à titre rétroactif un fonctionnaire en congé de maladie n'est pas nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de ce fonctionnaire et ne présente pas non plus le caractère d'une mesure de régularisation. Elle est, par suite, entachée d'une rétroactivité illégale en tant qu'elle porte sur une période antérieure à son intervention. 20. Par suite, la créance réclamée à Mme B... est infondée en tant qu'elle correspond aux demi-traitements récupérés sur le fondement des dispositions illégalement rétroactives de l'arrêté du 22 mai 2018. Mme B... est donc fondée à demander la décharge des sommes correspondantes. 21. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi qu'il a été dit, il résulte de ces dispositions, que tout titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. 22. Si les mentions du titre de perception émis le 29 novembre 2018 " trop-perçu sur rémunération : -du 09/03/16 au 31/05/18 : traitement brut et indemnité de résidence perçus à torts suite à mise à retraite d'office pour invalidité au 09/03/2016. La période du 09/03.16 au 31/05/16 est prescrite, le montant de la dette a été ramené de 40 748,89 euros à 37 601,21 euros. Le montant de cette période n'est donc pas inclus dans le titre de perception " permettaient de comprendre qu'un trop-perçu de rémunération était réclamé pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2018, ni les mentions du titre de recettes du 29 novembre 2018, ni celles des bulletins de salaire de juin 2018 et novembre 2017 auxquels il se réfère et que Mme B... reconnaît avoir reçus, ne permettent de comprendre les modalités de calcul du quantum de la créance réclamée, alors notamment que les calculs figurant dans le titre du 29 novembre 2018 ne correspondent pas avec ceux du courrier du 1er octobre 2018 adressé à Mme B... en réponse à son recours gracieux contestant le titre émis le 9 avril 2018. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que le titre de perception émis le 29 novembre 2018 ne comporte pas l'indication des bases de liquidation de la créance telle qu'exigée par les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 citées au point 5. 23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et notamment ceux relatifs à la régularité du jugement, la requérante est fondée à demander l'annulation totale du titre de perception émis le 29 novembre 2018 ainsi que la décharge partielle des sommes correspondant à la récupération du demi-traitement dû à Mme B... sur la période du 9 mars 2016 au 22 mai 2018, trop-perçu émis sur le fondement de l'arrêté du 22 mai 2018 entaché de rétroactivité illégale. Sur les frais liés au litige : 24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement nos 1810051, 1908168 du 20 décembre 2021 est annulé. Article 2 : Le titre de perception du 29 novembre 2018 est annulé. Article 3 : Mme B... est partiellement déchargée de la somme mise à sa charge par ce titre et correspondant à la récupération du demi-traitement qui lui était dû sur la période du 9 mars 2016 au 22 mai 2018 sur le fondement de l'arrêté du 22 mai 2018 entaché de rétroactivité illégale. Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des demandes de première instance et des conclusions d'appel de Mme B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille. Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, où siégeaient : - M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - Mme Isabelle Gougot, première conseillère, - Mme Isabelle Ruiz, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2024. 2 N° 22MA00578
Cours administrative d'appel
Marseille