Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
5955 résultats
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 20/05/2025, 22TL22376, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2020 du président du centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération en tant qu'il l'a placée à demi-traitement à compter du 1er juillet 2020 et a rejeté implicitement sa demande tendant à la prise en charge des arrêts de travail postérieurs au 1er juillet 2017 au titre de l'accident de trajet du 13 juin 2015, ainsi que la décision du 13 novembre 2020 portant rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté, de condamner le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération à lui verser la somme de 40 391,06 euros en réparation de ses préjudices, somme à parfaire et assortie des intérêts légaux à compter du 23 septembre 2020 et de mettre à la charge de cet établissement public intercommunal la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 4 avril 2022, enregistrée le même jour au greffe du tribunal, le président de la Section du contentieux du Conseil d'État a transmis au tribunal administratif de Montpellier la requête présentée par Mme B... en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative. Par un jugement n°2026745 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 novembre 2022, le 2 juin 2023 et le 22 mai 2024, Mme A... B..., représentée par Me Lapuelle, de la société d'exercice libéral par actions simplifiée Lapuelle, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 2026745 du tribunal administratif de Montpellier du 23 septembre 2022 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation ; 2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2020 par laquelle le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération a rejeté sa réclamation préalable d'indemnisation ; 3°) de condamner le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération à lui verser la somme de 46 028,56 euros en réparation de son préjudice financier, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir et assortie du montant des impositions dues sur ces salaires, et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020, date de réception de sa réclamation préalable et intérêts des intérêts à compter du 23 septembre 2021 ; 4°) de mettre à la charge du centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative Elle soutient que : Sur la responsabilité : - le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération a commis une faute en fixant au 30 novembre 2016 la date de consolidation de son état de santé en lien avec l'accident de service sans retenir une situation de rechute ; - il a également commis une faute en refusant de reconnaître un lien direct et certain, entre les arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017 et l'accident de trajet initial, alors qu'il s'agit d'une situation de rechute ; - elle est fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté du 17 juillet 2020, qui est entaché d'un vice de forme et de vices procédure ; - en raison de l'imputabilité de l'ensemble de ses arrêts de travail à l'accident de service, l'établissement public intercommunal a méconnu son droit à bénéficier d'un plein traitement durant son congé de maladie jusqu'à sa reprise, son reclassement ou sa mise à la retraite anticipée ; Sur le préjudice : - son préjudice financier porte sur les périodes du 1er septembre 2021 au 10 novembre 2021 puis du 11 février 2023 au 31 mai 2024, et s'élève à la somme totale de 46 028,56 euros ; - son préjudice extra-patrimonial, constitué d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence, peut être fixé à la juste somme de 5 000 euros. Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 avril et 26 juillet 2023 et le 24 juin 2024, le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération, représenté par Me Moly, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les conclusions à fin d'annulation présentées contre l'arrêté du 17 juillet 2020, remis en mains propres à l'agent le 21 juillet suivant, sont tardives et par là même irrecevables ; - les conclusions pécuniaires tenant à obtenir un plein traitement pour la période au cours de laquelle elle a été placée à demi-traitement ne sont pas fondées ; au surplus, il a été procédé à la régularisation de sa situation financière liée au placement en congé pour accident de service, du 2 décembre 2016 au 30 juin 2017 et le placement en congé de longue maladie décidé le 25 février 2020 pour la période du 1er janvier 2018 au 30 juin 2020 ; - il en va de même des conclusions à fin d'indemnisation tendant à obtenir l'indemnisation d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence. Par une ordonnance du 24 mai 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 9 juillet 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Moly, représentant le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération. Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., par Me Lapuelle, a été enregistrée le 13 mai 2025 et n'a pas été communiquée. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjointe technique territoriale, exerçant des fonctions d'agent d'entretien au sein du centre communal d'action sociale de Rodez (Aveyron), puis, après le transfert de compétences, le 1er janvier 2018, au centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération, a été victime d'un accident de la route, le 13 juin 2015, alors qu'elle rentrait de son lieu de travail à son domicile. Cet accident de trajet ayant été reconnu imputable au service et ayant donné lieu à un congé pour accident de service du 10 octobre 2015 au 30 septembre 2016 au regard de la persistance de cervicalgies, le président du centre communal d'action sociale de Rodez a, par une décision du 9 juin 2017, mis fin à une telle imputabilité au service en plaçant l'intéressée en congé de maladie ordinaire à compter du 2 décembre 2016 avec passage à demi-traitement à compter du 1er mars 2017. Par un jugement rendu le 11 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision au motif, d'une part, que le médecin agréé ayant réalisé la contre-visite le 2 juin 2017 était un médecin généraliste, sans compétence spéciale liée à l'affection de l'agent et, d'autre part, que la composition du comité médical était irrégulière et a rejeté le surplus de la demande. En exécution de ce jugement, le président du centre intercommunal d'action sociale de Rodez-Agglomération a, par un arrêté du 4 décembre 2019, placé Mme B... en congé pour accident de service du 2 décembre 2016 au 30 juin 2017. Le 7 janvier 2020, Mme B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017. Le 25 février 2020, elle a été placée en congé longue maladie à plein traitement pour la période du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2017, puis le 27 février suivant, pour la période du 1er janvier 2018 au 30 juin 2020. Par un arrêté du 17 juillet 2020, le président du centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération a maintenu le versement d'un demi-traitement à Mme B... à l'expiration de ses droits à congé de longue maladie dans l'attente de l'avis du comité médical ou de la commission de réforme. Après avoir sollicité, le 22 septembre 2020, par l'intermédiaire de son conseil, le versement d'une indemnité correspondant au plein traitement dont elle a été privée pour la période postérieure au 30 juin 2017 jusqu'à la date de sa reprise d'activité, ainsi que le versement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence, demandes qui ont été rejetées, le 13 novembre 2020, par son employeur, Mme B... a demandé l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2020 en tant qu'il lui a octroyé un demi-traitement à compter du 1er juillet 2020 et a implicitement rejeté sa demande du 27 janvier 2020 tendant à la prise en charge des arrêts de travail postérieurs au 1er juillet 2017 au titre de l'accident de trajet du 13 juin 2015, ainsi que le versement des sommes correspondant au demi-traitement non versé pour cette période et l'indemnisation de ses préjudices. Mme B... relève appel du jugement, rendu le 23 septembre 2022, du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses demandes de restitution de rémunérations et d'indemnisation de ses préjudices, demande l'annulation de la décision rejetant sa réclamation indemnitaire préalable et l'indemnisation de ses préjudices. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 novembre 2020 rejetant sa réclamation préalable d'indemnisation : 2. La décision implicite ou expresse par laquelle l'administration rejette la réclamation préalable indemnitaire dont elle est saisie, qui a pour seul objet de lier le contentieux en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ne peut faire l'objet de conclusions distinctes tendant à son annulation. 3. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la décision du 13 novembre 2020 par laquelle le président du centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération a rejeté la demande indemnitaire préalable de Mme B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de cette dernière qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a ainsi lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige et il n'y a pas lieu d'examiner de tels moyens, ni de statuer sur les conclusions d'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement : 4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". En ce qui concerne la faute tirée de l'illégalité du refus de reconnaître les arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017 comme imputables au service : S'agissant de la date de consolidation de la blessure liée à l'accident de trajet : 5. Le droit des agents publics à bénéficier d'une prise en charge par l'administration à raison d'un accident ou d'une maladie reconnus imputables au service est constitué à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. Ce droit inclut celui de bénéficier à nouveau d'une telle prise en charge en cas de rechute, c'est-à-dire d'une modification de l'état de l'agent constatée médicalement postérieurement à la date de consolidation de la blessure ou de guérison apparente et constituant une conséquence exclusive de l'accident ou de la maladie d'origine. 6. Mme B... soutient que la consolidation de sa blessure en lien avec l'accident de trajet, fixée à une date inexacte, révèle une faute de son employeur, qui n'a pas suivi l'avis de la commission de réforme, réunie le 3 juillet 2020, ayant fixé cette consolidation au 26 février 2020. Pour autant, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur ..., remis le 26 février 2020, que cette dernière date, fixée dans le cadre de la demande de congé de longue maladie de la fonctionnaire, se rapportait non à l'accident de trajet mais à la consolidation de son état de santé, à savoir un état antérieur à l'accident de trajet, caractérisé par une cervicarthrose pluri-étagée et étant à l'origine d'une hernie discale. En effet, la consolidation de sa blessure en lien avec l'accident de trajet a été initialement fixée au 30 novembre 2016, à la suite du rapport d'expertise, du docteur C..., remis le 7 mars 2017, puis, après une situation de rechute, constatée le 6 décembre 2016, a été définitivement arrêtée au 8 avril 2017 avec un taux de déficit fonctionnel permanent de 6%, l'aptitude de Mme B... à la reprise d'activité sur un poste aménagé ayant été retenue à cette date, même si cette dernière a cependant bénéficié d'un congé de maladie imputable au service jusqu'au 30 juin 2017. S'agissant de l'absence de reconnaissance d'une situation de rechute de la blessure liée à l'accident de trajet : 7. Si l'appelante, reprenant sa critique présentée devant le juge de première instance, invoque également le lien des arrêts travail postérieurs au 30 juin 2017 avec l'accident de trajet ayant eu lieu le 13 juin 2015, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur ..., remis le 25 novembre 2020, que ce dernier confirme l'existence d'un état antérieur, ainsi qu'il a été dit au point précédent. En effet, l'expert retient que les paresthésies du membre supérieur droit dans le territoire de la vertèbre cervicale C6 que Mme B... présente sont en relation avec une hernie discale accentuée par un état antérieur de cervicarthrose pluri-étagée importante. Face à ce diagnostic, Mme B... ne peut utilement invoquer les expertises, réalisées les 3 mai et 6 août 2018 et le 15 février 2019, par le docteur D..., médecin agréé, dès lors qu'elles n'ont pas eu pour objet de se prononcer sur l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017 et ne sauraient par là même contredire les conclusions du docteur .... 8. Dans ces conditions, au regard de la définition rappelée au point 5, ainsi que l'a retenu l'établissement public intercommunal, seul le lien direct entre les arrêts de travail du 2 décembre 2016 au 30 juin 2017 et l'accident de service du 13 juin 2015 est établi, alors que, ce même lien ne peut en, en revanche, être retenu s'agissant des arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017, qui, en l'état de l'instruction, procèdent d'un état antérieur de l'agent et ne sauraient être regardés comme la conséquence exclusive de l'accident de trajet. 9. Il résulte de ce qui précède qu'aucune illégalité fautive dans la fixation de la consolidation de son état médico-légal et de son congé de maladie en lien avec l'accident de trajet ne saurait être retenue. En ce qui concerne la faute tirée de l'illégalité de l'arrêté du 17 juillet 2020 : 10. Si un agent peut utilement exciper de l'illégalité d'une décision devenue définitive à l'appui de conclusions à fin d'indemnisation, c'est à la condition qu'il y ait un lien de causalité entre l'illégalité fautive ainsi invoquée et le préjudice dont il sollicite la réparation. 11. Par l'arrêté du 17 juillet 2020, devenu définitif, en l'absence de contestation dans les délais de recours, le président du centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération avait à statuer, après l'expiration du droit à congé de longue maladie d'une durée de trois ans et la constatation d'une inaptitude totale à ses fonctions, retenue par le comité médical, le 9 juin 2020, sur le maintien d'un demi-traitement à l'expiration des droits statutaires à congé de longue maladie dans l'attente de l'avis du comité médical ou de la commission de réforme sur une disponibilité d'office ou une mise à la retraite pour invalidité, et n'était donc pas saisi d'une demande d'imputabilité au service d'arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017 ou d'une situation de rechute de l'accident de trajet. 12. Dans ces conditions, au regard de l'objet de cet arrêté, et quand bien même il serait entaché du vice de forme et de l'irrégularité soulevés par la voie de l'exception, par l'appelante, le lien de causalité entre la faute tirée de ces illégalités et le préjudice invoqué tiré de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017 n'est pas établi. En ce qui concerne la faute tirée de la méconnaissance du droit de la requérante à bénéficier d'un plein traitement durant son congé de maladie jusqu'à sa reprise en raison de l'imputabilité de ses arrêts de travail à l'accident de service : 13. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 9, la faute qui résulterait de l'absence d'octroi d'un plein traitement au titre de l'imputabilité à l'accident de service des arrêts de travail postérieurs au 30 juin 2017 n'est pas établie et ne saurait être retenue. Par voie de conséquence, la demande de versement d'un plein traitement comme celle tenant à l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux allégués ne peuvent qu'être rejetées. 14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande pécuniaire et indemnitaire présentée à l'encontre du centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération. Sur les frais liés au litige : 15. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme que sollicite le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération sur ce même fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre intercommunal d'action sociale de Rodez Agglomération. Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne à la préfète de l'Aveyron, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL22376 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 09/05/2025, 24MA00743, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de rejet du ministre des armées née du silence gardé sur son recours administratif préalable obligatoire formé le 8 avril 2021 à l'encontre du titre de perception émis par la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger à son encontre le 30 avril 2015 pour un montant de 5 387,51 euros correspondant au remboursement de l'avance des frais de déménagement entre Brest et Northwood (Royaume-Uni) versée en août 2023, de le décharger de l'obligation de payer cette somme et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2103343 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. A.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 mars 2024 et 30 janvier 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet née sur son recours préalable obligatoire adressé le 8 avril 2021, ensemble le titre de perception du 30 avril 2015 ; 3°) de le décharger du paiement de la somme de 5 387, 51 euros ou, à titre subsidiaire, de lui accorder une réduction du montant dû ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête de première instance n'était pas tardive ; - le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de la prescription ; - le titre litigieux est insuffisamment motivé et ne comporte pas les bases de la liquidation ; - la créance était prescrite de même que l'action en recouvrement. Par mémoires en défense enregistrés les 15 et 16 janvier 2025, le ministre des armées demande à la Cour de rejeter la requête de M. A.... Il soutient que la requête de première instance de M. A... était tardive et que les moyens de la requête sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le livre des procédures fiscales ; - le code civil ; - le code de la défense ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 2007-640 du 30 avril 2007 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a souscrit, le 3 septembre 2007, un contrat d'engagement avec la marine nationale au grade de maître, spécialité " détecteur anti-sous-marin ", d'une durée de dix ans. Il était, jusqu'en 2013, affecté à Brest. Par une décision du 15 mai 2013, il a été muté à Northwood (Royaume-Uni) à compter du 12 août 2013. Après avoir fait établir, le 27 juin 2013, un devis par l'entreprise de déménagement " déménager sans stress, il a, le 12 juillet 2013, présenté au centre d'administration ministériel des indemnités de déplacement (CAMID), une demande d'avance des frais de déménagement à engager. Une avance d'un montant de 5 387,51 euros, correspondant à 90 % du montant total du devis précité lui a été versée en août 2023. N'ayant pas présenté, dans le délai imparti, les justificatifs établissant la réalité de la dépense exposée, un titre exécutoire d'un montant de 5 387,51 euros a été émis le 30 avril 2015. Une mise en demeure valant commandement de payer a été émise le 25 août 2015 pour un montant de 5 926,51 euros comprenant une majoration de 10 %. Par une lettre en date du 8 avril 2021, M. A... a, par l'intermédiaire de son avocate, demandé au ministre des armées d'annuler le titre de perception précité et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 5 387,51 euros. Cette demande a été implicitement rejetée. M. A... interjette appel du jugement du 13 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision implicite de rejet et de décharge. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 118 du décret susvisé du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dans sa rédaction alors applicable : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause ; 2° En cas d'opposition à poursuites, dans les deux mois qui suivent la notification de l'acte de poursuite. / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois dans le cas prévu au 1° et dans un délai de deux mois dans le cas prévu au 2°. A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée ". Par ailleurs, aux termes de l'article 119 du même décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118 ". Enfin, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. II.- Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : 1° Concernant le recrutement du militaire ou l'exercice du pouvoir disciplinaire ; 2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que ceux qui relèvent de la procédure organisée par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. " 3. En cas de notification au militaire d'un titre de perception, l'opposition à ce titre, émis en application des dispositions de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, doit être précédée, conformément aux dispositions du 2° du II de l'article R. 4125-1 du code de la défense, d'une réclamation au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, et non d'un recours devant la commission des recours des militaires. 4. Le tribunal administratif de Toulon a, par le jugement attaqué, jugé que la requête de M. A... était irrecevable faute pour celui-ci d'avoir exercé un recours administratif préalable dans les délais impartis. 5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, dès le 29 septembre 2015, soit dans les deux mois du premier acte de poursuite que constitue la mise en demeure valant commandement de payer en date du 25 août 2015 et conformément aux dispositions précitées du 1° de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012, M. A..., a par l'intermédiaire de son avocat, adressé à la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger (DSFIPE) un recours administratif préalable obligatoire dont il a été accusé réception, ainsi qu'établi par le tampon de la DSFIPE, le 9 octobre 2015. En l'absence de réponse sur ce recours administratif préalable obligatoire, une décision implicite de rejet est née six mois plus tard, soit le 9 avril 2016. 6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 7. Les règles énoncées au point 6, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision. 8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, une décision implicite de rejet est née le 9 avril 2016 sur le recours administratif préalable obligatoire exercé le 29 septembre 2015 par M. A.... L'administration n'ayant pas accusé réception de ce recours administratif et informé son auteur des conditions dans lesquelles il devrait être regardé comme implicitement rejeté, M. A... disposait, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable courant à compter de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de ce rejet. Il ne résulte toutefois d'aucune des pièces du dossier, et alors que plus aucun acte de poursuite n'a été engagé après la mise en demeure du 25 août 2015, que M. A... aurait eu connaissance de cette décision implicite de rejet de sa réclamation préalable obligatoire. En outre, si par une décision du 8 octobre 2018, le recours de M. A... a finalement été expressément rejeté par le directeur du CAMID, il n'est pas établi, en l'absence de signature par M. A... du récépissé produit par le ministre des armées ou d'un accusé de réception, que celui-ci aurait eu notification ou même connaissance de cette décision. Par suite, sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulon le 8 décembre 2021 n'était pas tardive. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit, dès lors, besoin de statuer sur l'autre cause d'irrégularité du jugement soulevée par le requérant, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa requête comme étant irrecevable. Il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par M. A.... Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge : 10. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. / Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. Pour les créances faisant l'objet d'une déclaration, une déclaration rectificative, indiquant les bases de la nouvelle liquidation, est souscrite. / L'ordre de recouvrer peut être établi périodiquement pour régulariser les recettes encaissées sur versement spontané des redevables ". Tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. 11. Le titre exécutoire du 30 avril 2015 porte la mention " Titre de perception émis à la demande du ministère de la défense au titre d'un trop-perçu de frais de déplacement (...). Conformément au décret n° 2007-640 du 30 avril 2007, vous avez perçu au mois d'août 2013 une avance sur frais de transport mobilier d'un montant de 5 387, 51 euros au titre de votre mutation de Brest vers Northwood (Grande Bretagne). Conformément aux dispositions mentionnées sur la demande préalable, le dossier de liquidation doit être transmis dans un délai de neuf mois suivant le versement de l'avance. Votre dossier n'étant pas parvenu au CAMID dans le délai imparti, vous êtes redevable d'un trop-perçu du même montant (...) ". Ce titre est ainsi suffisamment motivé en droit et en fait et comporte l'ensemble des éléments permettant à l'intéressé de comprendre les bases de la liquidation. Par suite, le moyen tiré de ce que ce titre exécutoire n'aurait pas été suffisamment motivé et ne comporterait pas les bases de la liquidation doit être écarté. 12. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive ". 13. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En revanche, elles ne sont pas applicables aux avances et versements indus portant sur des frais occasionnés par les déplacements des agents qui ne constituent pas un élément de leur rémunération. Il suit de là, s'agissant du remboursement d'une avance sur frais de déménagement, que seule la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil en vertu duquel " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ", est applicable. 14. La créance de l'Etat, née au terme du délai imparti à l'agent pour justifier de la réalité des frais de déménagement exposés, n'était pas prescrite à la date du titre de perception attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que la créance serait prescrite ne peut être qu'écarté. 15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ". 16. Si M. A... fait valoir que l'action en recouvrement serait prescrite, ce moyen est toutefois inopérant en l'absence de tout acte de recouvrement autre que la mise en demeure valant commandement de payer émise le 25 août 2015, soit dans le délai de quatre années précité. 17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation et de décharge présentées en première instance et en appel par M. A... doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 18. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... en première instance et en appel doivent, dès lors, être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2103343 du 13 février 2024 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de M. A... sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre des armées et à la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger. Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - M. Point, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025. N° 24MA00743 2 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 20/05/2025, 22TL21897, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner, à titre principal, la commune de Saint-Nazaire d'Aude à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident imputable au service, survenu le 27 décembre 2011 et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et d'ordonner une expertise médicale, à la charge de la commune de Saint-Nazaire d'Aude, en vue de déterminer les préjudices ainsi subis et de condamner la commune de Saint-Nazaire d'Aude à lui verser une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive et de mettre à la charge de la commune de Saint-Nazaire d'Aude une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n°2002147 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes et a rejeté la demande présentée par la commune de Saint-Nazaire d'Aude en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, M. B... A..., représenté par Me Bellet, de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Accore Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n°2002147, rendu le 30 juin 2022 ; 2°) à titre principal, de condamner la commune de Saint-Nazaire d'Aude à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident imputable au service, survenu le 27 décembre 2011 ; 3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et d'ordonner une expertise médicale, à la charge de la commune de Saint-Nazaire d'Aude, en vue de déterminer les préjudices ainsi subis ; 4°) de condamner la commune de Saint-Nazaire d'Aude à lui verser une provision d'un montant de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Nazaire d'Aude la somme de 4 000 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que les premiers juges ont présumé que la date de consolidation lui avait été notifiée au plus tard, le 29 avril 2014, date à laquelle la commune de Saint-Nazaire d'Aude a été informée par la caisse des dépôts et consignations qu'il s'était vu attribuer une allocation temporaire d'invalidité en fixant le taux d'invalidité et la date de consolidation ; - le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les premiers juges n'ont pas retenu l'aggravation de son état de santé ; - c'est à tort que les premiers juges ont accueilli l'exception de prescription quadriennale dès lors que ce n'est que le 24 octobre 2016 qu'il s'est vu notifier le taux d'invalidité ; - au surplus, les décisions de reconnaissance de huit situations de rechute constatées, entre le 27 juillet 2014 et le 12 septembre 2018, et les courriers échangés avec la commune et la caisse des dépôts et consignations ont eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription ; - la responsabilité sans faute de la commune pour l'indemnisation de ses préjudices en lien direct avec cet accident de service sera retenue ; - son préjudice, au regard du taux d'invalidité retenu et des troubles définitifs dans ses conditions d'existence, sera estimé à la juste somme de 60 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, la commune de Saint-Nazaire d'Aude, représentée par Me Moreau, de l'association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle MB Avocats, demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif de Montpellier, de rejeter la requête de M. A... et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - au regard de la date de consolidation de son état médico-légal, la demande de M. A... est prescrite ; contrairement à ce que soutient ce dernier, ni la procédure de révision quinquennale de l'allocation temporaire d'invalidité, ni la rechute, constatée le 9 mars 2017, n'ont eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription ; - à titre subsidiaire, la demande d'indemnisation doit être ramenée à de plus justes proportions. Par une ordonnance du 13 mars 2025, la date de clôture d'instruction a été fixée au 2 avril 2025. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me A..., représentant M. A..., - et les observations de Me Thuillier-Pena, représentant la commune de Saint-Nazaire d'Aude. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., attaché territorial principal, exerçant les fonctions de ... puis de ... de la commune de Saint-Nazaire d'Aude (Aude), depuis le 1er février 2005, a été victime, le 27 décembre 2011, d'une chute sur son lieu de travail conduisant à la reconnaissance d'un accident imputable au service. Après avoir adressé, le 18 janvier 2020, au maire de Saint-Nazaire d'Aude, une réclamation préalable indemnitaire, qui a été implicitement rejetée, il a sollicité la condamnation de la commune de Saint-Nazaire d'Aude à lui verser, à titre principal, une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices en lien avec cet accident de service ou, à titre subsidiaire, une provision de 10 000 euros. M. A... relève appel du jugement n°2002147, rendu le 30 juin 2022, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale : 2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. (...) Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". 3. En premier lieu, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions, s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime. 4. En deuxième lieu, la consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. Si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée. 5. En dernier lieu, lorsqu'il y a constat d'une situation de rechute, le fait générateur est identique à l'accident de service initial. 6. Si la date de consolidation de l'état médico-légal de M. A... à raison de l'accident de service, subi le 27 décembre 2011, a initialement été fixée au 29 février 2012, ainsi que l'a retenu la commission de réforme, dans son avis émis le 28 mars 2012, il résulte toutefois de l'instruction que la caisse des dépôts et consignations a, le 30 octobre 2013, ordonné, dans le cadre de l'instruction de la demande d'allocation temporaire d'invalidité, une expertise complémentaire au terme de laquelle, le 11 mars 2014, la date de consolidation a été fixée au 22 février 2012 avec, selon le barème des pensions d'invalidité, un taux d'invalidité de 30% tenant à la raideur douloureuse de l'épaule droite et respectivement de 8% et de 15% pour ce qui est de la raideur algique du rachis cervical et celle du rachis lombaire. A cet égard, l'appelant soutient qu'il n'a été informé des conclusions expertales et donc de la consolidation de son état que le 24 octobre 2016, date à laquelle il s'est vu notifier, par un arrêté du même jour du maire, l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité avec les taux d'invalidité retenus dans le cadre de la révision quinquennale. En réponse, la commune de Saint-Nazaire d'Aude se borne à soutenir qu'il est " peu vraisemblable " que M. A... n'ait pas eu connaissance, lors de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité, de cette date de consolidation sans établir qu'une telle information lui a été notifiée. Il suit de là qu'en l'absence d'une telle preuve, M. A... doit être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance jusqu'à la date du 24 octobre 2016. Dans ces conditions, le point de départ du délai de prescription mentionné à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 doit être fixé au 1er janvier 2017. Ainsi, à la date à laquelle M. A... a formulé sa demande indemnitaire préalable auprès du maire de Saint-Nazaire d'Aude, soit le 18 janvier 2020, sa créance et par là même son action en réparation, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, n'étaient pas prescrites. Au surplus, toutes les déclarations de M. A... adressées à son employeur et relatives aux situations de rechute postérieures, notamment celles des 9 mars et 27 juin 2017, 20 mars, 18 avril et 12 septembre 2018, se rapportent au même fait générateur que constitue l'accident de service et ont interrompu, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, citées au point 2, le délai de prescription. 7. Il résulte de ce qui précède, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Saint-Nazaire d'Aude. 8. Il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande indemnitaire présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier. En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Saint-Nazaire d'Aude : 9. En premier lieu, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent la réparation des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit du fait de l'accident ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité d'une personne publique ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait. 10. En deuxième lieu, constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions, tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il en est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service. 11. En dernier lieu, le droit des agents publics à bénéficier d'une prise en charge par l'administration à raison d'un accident ou d'une maladie reconnus imputables au service est constitué à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. Ce droit inclut celui de bénéficier à nouveau d'une telle prise en charge en cas de rechute, c'est-à-dire d'une modification de l'état de l'agent constatée médicalement postérieurement à la date de consolidation de la blessure ou de guérison apparente et constituant une conséquence exclusive de l'accident ou de la maladie d'origine. 12. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté par la commune de Saint-Nazaire d'Aude, que M. A..., qui est atteint des séquelles définitives, à l'occasion de l'accident de service, subi le 27 décembre 2011, et de situations de rechute, qui n'ont cependant pas aggravé les taux d'invalidité rappelés au point 5, est fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Saint-Nazaire de l'Aude afin d'obtenir la réparation des préjudices extrapatrimoniaux en lien direct avec les séquelles définitives dont il reste atteint. En ce qui concerne le préjudice : 13. M. A... sollicite l'indemnisation de ses séquelles définitives en lien direct avec l'accident de service. 14. Le déficit fonctionnel permanent n'est pas égal à la somme des taux d'invalidité retenus par le médecin expert, qui s'est fondé sur le barème des pensions d'invalidité des pensions civiles et militaires de retraite, pour déterminer l'allocation temporaire d'invalidité. Il peut cependant être fixé, compte tenu de l'ensemble des déficiences motrices rappelées au point 5 et des raideurs douloureuses qui touchent tant le rachis lombaire que cervical et l'épaule droite et de la nomenclature liée à l'évaluation des atteintes à l'intégrité physique et psychique, au taux maximal retenu, à savoir celui de 30%. Au regard de la circonstance que M. A... était âgé de 56 ans, à la date de consolidation de son état, il sera fait une juste appréciation du préjudice personnel subi par l'intéressé du fait de ces séquelles incluant les troubles définitifs dans ses conditions d'existence en lui accordant la juste somme de 46 000 euros. En outre, si M. A... demande également la réparation de tous les préjudices en lien avec son état de santé, il n'établit pas que ces préjudices ne seraient pas réparés par l'allocation temporaire d'invalidité qu'il perçoit, ni par l'indemnité complémentaire ainsi allouée incluant l'ensemble de ses troubles définitifs dans les conditions d'existence. 15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ou d'ordonner l'expertise complémentaire sollicitée par M. A..., à titre subsidiaire, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident de service, subi le 27 décembre 2011. Sur les frais liés au litige : 16. D'une part, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dans la présente instance, M. A... n'est pas fondé, en tout état de cause, à en solliciter le remboursement. 17. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Saint-Nazaire d'Aude, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, sur le même fondement, de mettre à la charge de la commune de Saint-Nazaire d'Aude la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n°2002147 du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé. Article 2 : La commune de Saint-Nazaire d'Aude est condamnée à verser la somme de 46 000 euros à M. A... en réparation de ses préjudices issus de l'accident de service subi le 27 décembre 2011. Article 3 : La commune de Saint-Nazaire d'Aude versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Nazaire d'Aude en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Saint-Nazaire d'Aude. Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL21897 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 21/05/2025, 24DA00146, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... E..., veuve D..., M. C... D... et Mme B... D..., épouse G..., ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 13 avril 2021 par laquelle le président de l'université de Rouen Normandie a rejeté leur demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont est décédé leur époux et père, M. A... D..., d'enjoindre au président de l'université de Rouen Normandie de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie et de les renvoyer devant l'organisme compétent pour la liquidation de leurs droits. Par un jugement n° 2200505 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 13 avril 2021 et a rejeté le surplus de leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2024, Mme E..., veuve D..., et ses enfants, représentés par Me Bouvet, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2023 en ce qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions ; 2°) d'annuler la décision du 16 juin 2023 par laquelle le président de l'université de Rouen Normandie a rejeté leur demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont est décédé leur époux et père, M. A... D... ; 3°) d'enjoindre à l'université de Rouen Normandie de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est décédé M. D... ; 4°) de les renvoyer devant l'organisme compétent pour la liquidation de leurs droits ; 5°) de mettre à la charge de l'université de Rouen Normandie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la pathologie cancéreuse dont leur époux et père est décédé est présumée imputable au service en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dès lors qu'elle figure dans le tableau des maladies professionnelles, qu'elle a fait l'objet d'une constatation médicale dans le délai de prise en charge et que la victime a été exposée à l'action d'agents nocifs mentionnés par ce tableau en exécutant des travaux susceptibles de provoquer la maladie ; - la pathologie dont M. D... est décédé présente à tout le moins un lien de causalité direct avec ses conditions de travail dès lors qu'il a travaillé dans des locaux amiantés, quand bien même ce lien ne serait pas exclusif ; - son exposition à l'amiante avant son entrée dans la fonction publique ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'un lien direct de causalité entre ses fonctions à l'université et sa maladie et à la prise en charge par son dernier employeur ; - aucune autre étiologie ne peut expliquer le cancer broncho-pulmonaire dont est décédé M. D... ; - aucune circonstance particulière n'est susceptible de détacher la pathologie du service. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2024, l'université de Rouen Normandie, représentée par Me Pichon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - et les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... D..., né le 15 avril 1964, a été recruté par l'université de Rouen Normandie comme technicien de recherche et de formation à compter du 1er avril 1994. L'intéressé étant décédé le 30 mai 2018 d'un cancer broncho-pulmonaire, son épouse a présenté le 30 janvier 2020 une déclaration de maladie professionnelle au titre de la pathologie à l'origine du décès. Par une décision du 13 avril 2021, le président de l'université Rouen Normandie a rejeté la demande visant à obtenir la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de M. D.... Le président de l'université a confirmé son refus par une décision du 16 juin 2023. Mme D... et ses deux enfants ont contesté ce refus d'imputabilité devant le tribunal administratif de Rouen qui, par un jugement du 28 novembre 2023, a considéré que leur recours était dirigé contre les deux décisions des 13 avril 2021 et 16 juin 2023, a annulé la première décision pour un vice de procédure et a rejeté le surplus de leurs conclusions. Mme D... et ses enfants relèvent appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de leur demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis qui prévoit notamment, aux termes de dispositions désormais codifiées à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique que : " (...) II. - Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...) IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions (...) ". 3. D'une part, l'application de ces dispositions est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Elles sont donc devenues applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat. D'autre part, le droit des agents publics à bénéficier d'une prise en charge par l'administration à raison d'un accident ou d'une maladie reconnus imputables au service est constitué à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. Il s'en déduit que, pour un accident survenu avant l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 ou une maladie diagnostiquée avant cette date, il convient d'apprécier leur imputabilité au service dans les conditions prévues par les dispositions applicables avant cette entrée en vigueur. 4. Il ressort des déclarations des requérants et des documents médicaux produits à l'instance que la pathologie présentée par M. D..., dont les requérants demandent l'imputabilité au service, a été diagnostiquée le 24 janvier 2018, avant l'entrée en vigueur des dispositions issues de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de la présomption d'imputabilité au service prévues par ces dispositions. 5. En second lieu, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'imputabilité au service aurait été présentée en vue de l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité, en principe versée, en supplément de son traitement, au fonctionnaire atteint d'une maladie professionnelle et maintenu en activité. Par ailleurs, avant que l'ordonnance du 19 janvier 2017 ne rende applicable aux fonctionnaires, en introduisant un article 21 bis dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la présomption d'imputabilité au service des maladies désignées par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, aucune disposition de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ou du code des pensions civiles et militaires de retraite, ni aucune autre disposition législative ne rendaient applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique de l'Etat ce régime de présomption d'imputabilité au service d'une maladie. Dans ces conditions, il appartient aux appelants d'établir que la maladie dont a souffert M. D... présente un lien direct avec les conditions dans lesquelles ce dernier a exercé ses fonctions à l'université de Rouen Normandie, de nature à susciter le développement de sa maladie, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. D'autre part, M. D... a exercé, de 1994 à 1999, les fonctions d'opérateur maintenance sur le site de la faculté de médecine et de l'institut universitaire de technologie Madrillet, le conduisant à réaliser des travaux de maintenance tous corps d'état en maçonnerie, menuiserie, vitrerie, peinture, plomberie et électricité. Les requérants produisent sur ce point l'attestation établie le 2 mars 2021 par un ancien collègue de l'intéressé, indiquant que celui-ci intervenait sur des matériaux amiantés tels des clapets coupe-feu, des trappes de désenfumage, des dalles de revêtement de sols, des tuyaux d'évacuation des eaux usées, et des plafonds et faux-plafonds floqués. Toutefois, ce témoignage est en partie contredit par les dossiers techniques amiante (DTA) des bâtiments et un rapport diagnostic établi en 1996 dont il ressort que l'amiante a été décelée sur ce site au niveau des conduits de fluide, des dalles de sol en vinyle et d'un revêtement de mur en panneaux vissés, à l'exclusion des flocages, faux plafonds et calorifuges qui ne contiennent pas d'amiante. Aussi, et alors que la fréquence des interventions de M. D... n'est pas précisée au cours des cinq années pendant lesquelles il a été affecté sur le site de Madrillet, il n'est pas établi que ses travaux l'auraient conduit à une exposition à l'amiante dans des conditions expliquant sa maladie. M. D... a exercé son activité à l'unité de formation et de recherche (UFR) STAPS, de 1999 à 2018, en qualité d'électricien, chargé de la mise en place des installations électriques, de leur rénovation et du remplacement des boîtiers et de travaux de raccordement, nécessitant le percement et la découpe de parois et de cloisons. Si des matériaux à base d'amiante étaient présents dans les menuiseries et revêtements extérieurs des bâtiments de l'UFR STAPS, dans les conduits de fluides et des gaines de ventilation de ces bâtiments, dans le ragréage de certains sols, dans certains revêtements de sol, dans le plancher haut sous-face de l'escalier et les enduits de cet escalier et dans la sortie de toiture en amiante-ciment, il n'est pas démontré que les travaux liés à la maintenance des installations électriques, dont la fréquence est imprécise, auraient conduit M. D... à intervenir sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante dans des conditions telles que sa pathologie devrait être regardée comme imputable au service. Ni la circonstance que les bâtiments dans lesquels l'intéressé a exercé ses fonctions ont fait l'objet de travaux de désamiantage, ni les documents généraux sur les risques auxquels sont exposés les ouvriers chargés de la maintenance ne sont de nature à établir un tel lien. A cet égard, le certificat médical du 4 février 2020 évoque les activités professionnelles de l'intéressé dans des locaux amiantés tout en précisant que, si le scanner du 21 février 2018 montre un épanchement pleural et une masse hilaire droite, il n'est pas possible de noter des plaques pleurales caractérisées d'une exposition à l'amiante du côté gauche. Le certificat du 21 janvier 2021, qui mentionne que les requérants sont en mesure de " bénéficier de la prise en charge au titre des maladies professionnelles n° 30 bis " en raison de l'exposition à l'amiante de leur époux et père au cours de son parcours professionnel, se réfère au tableau des maladies professionnelles n° 30 bis annexé au code de la sécurité sociale pour l'application d'une présomption d'imputabilité à laquelle, ainsi qu'il a été dit plus haut, ils ne peuvent pas prétendre. Par suite, en l'absence de lien direct entre la pathologie dont M. D... est décédé et les conditions dans lesquelles ce dernier a exercé ses fonctions à l'université de Rouen Normandie, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du refus de reconnaitre sa maladie comme imputable au service. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs conclusions d'annulation de ce refus d'imputabilité. Par suite, leurs conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Rouen Normandie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont les requérants demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme dont l'université de Rouen Normandie demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D... et autres est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'université de Rouen Normandie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., veuve D..., première désignée dans la requête, et à l'université de Rouen Normandie. Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025. Le président-rapporteur, Signé : J-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M-P. Viard La greffière, Signé : A-S. Villette La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme Pour la greffière en chef, par délégation, La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°24DA00146
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 21/05/2025, 23DA01386, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le préfet de la région Normandie l'a radiée des cadres de la fonction publique et a prononcé son admission à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2018 en tant qu'il ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son invalidité et d'enjoindre au préfet de la région Normandie de prendre une décision l'admettant à la retraite pour invalidité imputable au service. Par un jugement n° 2103760 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me André, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 en tant qu'il refuse de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité ; 3°) d'enjoindre au préfet de la région Normandie de prendre une décision l'admettant à la retraite pour invalidité imputable au service ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité interne par voie d'exception d'illégalité de l'avis conforme du ministre du budget du 8 février 2021 l'ayant admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service ; les éléments médicaux qu'elle produit sont de nature à contredire l'avis conforme sur lequel l'autorité administrative s'est fondée. Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il se réfère pour partie à ses écritures de première instance et fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé ; le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 9 septembre 2021 est nouveau en appel et est par suite irrecevable. Par une ordonnance du 5 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 mars 2024 à 12h00. Par un courrier du 18 mars 2024, il a été demandé aux parties, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire une pièce en vue de compléter l'instruction ; le ministre de l'intérieur a produit le 26 mars 2025 la pièce demandée qui a été communiquée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjointe administrative principale de deuxième classe affectée à la préfecture de l'Eure, a été victime d'un accident de trajet le 23 octobre 2008, reconnu imputable au service par un arrêté du 25 octobre 2018. La consolidation de ses blessures a été fixée au 28 janvier 2009. Au début de l'année 2013, Mme A... a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail en raison de douleurs. Le 10 octobre 2017, la commission départementale de réforme a rendu un avis favorable à une mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité. Le bureau des pensions et allocations d'invalidité du ministère de l'intérieur a transmis au service des retraites de l'Etat (SRE) une proposition d'allocation d'une rente viagère d'invalidité en faveur de Mme A.... Le ministre chargé du budget a, le 28 septembre 2018, émis un avis favorable à une radiation des cadres pour invalidité au titre d'une infirmité non imputable au service, sans droit à une rente viagère d'invalidité. Par un arrêté du 25 octobre 2018, la préfète de la région Normandie a prononcé la radiation des cadres de Mme A... pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2018. Par une décision du 7 novembre 2018, le ministre de l'intérieur a refusé d'octroyer à Mme A... une rente viagère d'invalidité. 2. Par un jugement n° 1900573 du 18 décembre 2020, le tribunal de Rouen a annulé l'arrêté du 25 octobre 2018, au motif que le signataire de l'avis du 28 septembre 2018 ne pouvait pas être identifié et qu'il était donc impossible de vérifier sa compétence et a, par voie de conséquence, annulé l'arrêté du 7 novembre 2018. Après avoir recueilli l'avis conforme du SRE daté du 8 février 2021, le préfet de la région Normandie a, par un arrêté du 9 septembre 2021, de nouveau prononcé la radiation des cadres de Mme A... et l'a admise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2018. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son invalidité. 3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait entendu soulever en appel le moyen tiré du défaut de motivation à l'encontre de l'arrêté contesté. L'irrecevabilité de ce moyen invoquée en défense par le ministre doit donc être rejetée. 4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être radié des cadres par anticipation (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article L. 29 de ce code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". 5. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...) ". Aux termes de l'article R.*4 du même code : " L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. / Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession ". Aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27. (...) ". Aux termes de l'article R. 49 bis du même code, issu du décret du 18 avril 2011 relatif à la procédure d'admission à la retraite pour invalidité des fonctionnaires civils de l'Etat : " Dans tous les cas, la décision d'admission à la retraite pour invalidité, prise en application de l'article L. 31, est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget ". 6. La situation d'un fonctionnaire civil mis à la retraite à raison d'une incapacité évaluée par un taux global d'invalidité résultant, d'une part, de blessures ou maladies contractées ou aggravées en service, et d'autre part, de blessures ou maladies non imputables au service, relève des dispositions précitées de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé. Lorsque l'invalidité n'est pas imputable au service, la décision d'admission à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire doit être prise par le ministre dont il relève, sur avis conforme du ministre chargé du budget. 7. Le contrôle complet du juge de l'excès de pouvoir, sur l'imputabilité au service de l'invalidité, s'exerce même au cas où le ministre avait compétence liée par l'avis du ministre chargé du budget pour prendre la décision attaquée. L'appelante est par suite recevable à exciper de l'illégalité de cet avis conforme à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté portant radiation des cadres et admission à la retraite pour invalidité non imputable au service. 8. Il ressort des observations jointes à l'avis conforme du 8 février 2021 que pour proposer la mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité non imputable au service sur le fondement de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le ministre chargé du budget s'est fondé sur la circonstance que la lombodiscarthrose dont souffre Mme A... n'était pas imputable à l'accident et plaçait, à elle seule, l'intéressée dans l'incapacité de continuer à exercer ses fonctions. 9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise du 14 juin 2013 établi par le Dr D..., que Mme A... a été victime d'un accident de trajet le 23 octobre 2008. Les constatations médicales réalisées par son médecin traitant consistaient alors en un " traumatisme psychologique " et une " douleur du 5ème doigt de la main droite " suivies, quelques jours plus tard, par des contractures dorsales, cervicales et lombaires. Elle a repris ses fonctions le 8 décembre 2008, la consolidation étant fixée au 28 janvier 2008 avec une constatation de douleurs cervicales gauches modérées. Selon les termes du rapport du 14 juin 2013, une rechute avec soins sans arrêt de travail a été constatée le 15 septembre 2009 pour des " douleurs cervicales gauche modérées ", le 1er avril 2010 pour " persistance lombalgies cervicalgies " puis le 26 juillet 2010 pour " persistance lombalgies cervicalgies ". L'intéressée s'est vu remettre, le 28 septembre 2010, un certificat de guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure. Elle a ensuite fait l'objet de plusieurs arrêts de travail entre le 19 janvier et le 5 juillet 2013 pour des douleurs du membre inférieur associées à des lombalgies dont les examens par imagerie par résonnance magnétique (IRM) ont révélé qu'ils étaient causés par une lombosciatique gauche. Le Dr D... indique que la pérennisation des rachialgies constatées depuis 2009 peut être interprétée " comme la décompensation d'une arthrose rachidienne avérée mais jusque-là muette cliniquement " et relève qu'à la date de l'expertise son invalidité est en majeure partie due à cette maladie, favorisée par une morphologie lombaire particulière, évoluant pour son propre compte et qui préexistait à l'accident sous forme latente. Il en conclut que l'état de santé de Mme A... résulte alors en partie et non exclusivement des suites de l'accident de trajet du 23 octobre 2008. En outre, l'expertise réalisée le 14 septembre 2017 par le Dr B..., rhumatologue - médecin agréé, précisée par un complément d'expertise du 23 juillet 2018 transmis par l'appelante, a estimé à 15 % le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) correspondant à la pathologie au jour de l'expertise, dont 8 % dus à l'accident imputable au service et 7 % dus aux séquelles évoluant pour leur propre compte et liées, " non pas à un état antérieur, mais à l'aggravation progressive de l'état de santé de Mme A... ". Le Dr B... en conclut que cette aggravation, estimée à 7 %, place à elle-seule l'agent dans l'incapacité à continuer ses fonctions. Le 10 octobre 2017, la commission départementale de réforme, qui a entériné le taux d'IPP et sa ventilation entre l'accident imputable au service et l'aggravation de l'état de santé de Mme A..., a rendu un avis favorable à une mise à la retraite pour invalidité. 10. Il ressort ainsi des expertises précitées, suffisamment précises et circonstanciées, que la maladie liée à une morphologie lombaire particulière dont Mme A... est atteinte, qui a été révélée à l'occasion des examens médicaux effectués à la suite des rachialgies dont elle a souffert après l'accident de trajet dont elle a été victime en 2008, s'est développée de manière autonome et est à l'origine de l'aggravation de son état de santé. Selon l'avis des experts, l'invalidité causée par cette maladie non imputable au service est de nature à elle seule à la placer dans l'incapacité de continuer à exercer ses fonctions alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la requérante, que les séquelles résultant de l'accident de trajet dont elle a été victime seraient de cette nature. Par suite, l'avis du ministre du budget du 8 février 2021 est fondé. Dans ces conditions, et quand bien même la commission de réforme du personnel d'Etat réunie le 24 septembre 2013 a émis un avis favorable à la prise en charge des arrêts du 26 février 2013 au 5 mai 2013 et du 1er juin 2013 au 14 juillet 2013 au titre de la rechute de l'accident de trajet de 2008, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 9 septembre 2021 est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'avis conforme du ministre du budget du 8 février 2021. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience publique du 22 avril 2025 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, Présidente-rapporteure, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : A-S Villette La République mande et ordonne au préfet de la région Normandie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière, Anne-Sophie Villette 1 2 N°23DA01386 1 3 N°"Numéro"
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 6ème chambre, 07/05/2025, 24PA01392, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices subis à la suite de l'accident médical dont il estime avoir été victime le 3 mars 2005, de prescrire une expertise aux fins de les décrire et de les évaluer, et de sursoir à statuer sur leur indemnisation définitive. Par un jugement du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Paris, avant dire droit sur les demandes de M. B..., a condamné l'Etat à lui verser une provision de 15 000 euros et a ordonné une expertise médicale. Suite au dépôt de son rapport par l'expert, il a demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser une indemnité totale de 376 104,37 euros et d'ordonner un complément d'expertise afin d'évaluer d'autres postes de préjudices. Par un jugement n° 2000753/5-4 et 2020191/5-4 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme totale de 56 104,37 euros portant intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2019 dont à déduire la somme de 15 000 euros versée à titre provisionnel, a mis les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 1 960 euros à la charge de l'Etat, et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 25 mars 2024, M. B..., représenté par la SCP Tarlier - Rèche - Guille-Meghabbar, agissant par Me Rèche, doit être regardé comme demandant à la Cour : 1°) de réformer ce jugement du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire et a rejeté sa demande d'expertise complémentaire ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 1 157 826,37 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal sur la somme de 248 104,37 euros à compter de la demande préalable indemnitaire ; 3°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise en donnant mission à l'expert désigné de se prononcer sur le besoin d'assistance par une tierce personne et de sursoir à statuer sur l'indemnisation définitive de ce chef de préjudice ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'erreurs d'appréciation et de droit en estimant dans son jugement du 26 janvier 2024 qu'il ne pouvait pas demander une nouvelle expertise en invoquant la responsabilité pour faute de l'Etat, alors qu'il n'avait pas répondu dans son jugement avant-dire droit du 31 mars 2023 sur l'arbitrage entre responsabilité sans faute ou pour faute de l'Etat, avait sursis à statuer sur les moyens non jugés après s'être uniquement prononcé sur les préjudices non couverts par la pension militaire ; - il est fondé à invoquer la responsabilité de l'Etat pour faute en raison de l'inutilité de la vaccination antiamarile qui lui a été imposée alors qu'il n'avait pas vocation à intervenir dans un pays à risque de contracter la fièvre jaune et, à titre subsidiaire et pour le même motif, celle sans faute de l'Etat pour soins défectueux administrés par un médecin militaire au sein d'un hôpital militaire ; - la somme allouée au titre du préjudice d'agrément doit être portée à 100 000 euros, celle allouée au titre du préjudice sexuel à 25 000 euros et celle allouée au titre du préjudice d'établissement à 100 000 euros ; - il ouvre également droit au versement de la somme de 909 722 euros au titre de l'assistance par une tierce personne dont l'évaluation pourra, si besoin est, faire l'objet d'une expertise complémentaire ; - la réparation intégrale de ses préjudices pourra le cas échéant intervenir après un complément d'expertise aux fins d'évaluation des postes qui n'ont pas encore été examinés. Par ordonnance du 5 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2025 à 12 heures. Un mémoire présenté par le ministre des armées, enregistré le 2 avril 2025 après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Rèche, pour M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 9 janvier 1984, s'est engagé volontairement dans l'armée le 22 décembre 2003 et a été réformé le 1er décembre 2008. Il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour avoir développé une sclérose en plaques dans les suites de sa vaccination contre la fièvre jaune le 3 mars 2005, durant son incorporation. Par un arrêt définitif du 7 mars 2018, la cour régionale des pensions de Montpellier a confirmé le jugement par lequel le tribunal des pensions de Montpellier a annulé la décision du 5 octobre 2009 du ministre des armées rejetant la demande de M. B... tendant au bénéfice d'une pension, lui a reconnu le droit d'en bénéficier au motif qu'il rapportait la preuve de présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir un lien causal entre la vaccination contre la fièvre jaune et l'apparition de la sclérose en plaques dont il est atteint. Par un arrêt définitif du 8 juin 2021, la cour administrative de Marseille a estimé que le requérant ouvrait droit à compter du mois de mars 2008 à une pension militaire d'invalidité à ce titre, au taux de 70 %. Le 13 mars 2019, M. B... a demandé au ministre des armées l'indemnisation des préjudices personnels résultant de sa maladie, imputables selon lui au service et non réparés par la pension militaire d'invalidité. Le 15 juillet 2019, il a formé un recours administratif préalable obligatoire contre la décision implicite de rejet, née du silence gardé par l'administration sur sa demande, devant la commission des recours des militaires. Il relève appel du jugement du 26 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir ordonné avant-dire droit une expertise, a condamné l'Etat à lui verser la somme totale de 56 104,37 euros, en tant que le tribunal n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire et a rejeté sa demande d'expertise complémentaire. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des pièces du dossier que, saisi d'une demande d'indemnisation sur le seul fondement de la responsabilité sans faute, par son jugement avant-dire droit du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a reconnu à l'intéressé le droit d'être indemnisé des préjudices subis du fait de la maladie imputable au service, autres que ceux que la pension militaire d'invalidité qui lui a été attribuée a pour objet de réparer, en raison du lien de causalité direct entre la vaccination contre la fièvre jaune du 3 mars 2005 et l'apparition de la sclérose en plaques diagnostiquée en 2006. Si par un mémoire enregistré le 4 décembre 2023, M. B... a invoqué en première instance la responsabilité pour faute de l'Etat, le caractère définitif du rejet de sa demande indemnitaire du fait de l'expiration des voies de recours s'opposait à ce qu'il demande la réparation des préjudices imputés à la même vaccination, en invoquant pour la première fois ce nouveau fondement de responsabilité. En tout état de cause, il ressort du point 2 du jugement attaqué que les premiers juges, qui ont visé ce moyen invoqué par le requérant, y ont répondu. Dès lors le jugement n'est pas entaché d'omission à statuer. Sur les conclusions indemnitaires : S'agissant de la responsabilité : 3. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, dès lors que la faute de l'Etat n'a pas été invoquée en temps utile devant le tribunal, les conclusions de la requête fondées sur la responsabilité pour faute de l'Etat, sont irrecevables. En tout état de cause, quand bien même était-il affecté à la date de sa vaccination comme cuisinier à Villacoublay, dès lors qu'en application de l'article L. 4121-5 du code de la défense, M. B... pouvait être appelé à servir en tout lieu et en tout temps, sa vaccination contre la fièvre jaune dans un but préventif ne saurait être constitutive d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service. Ainsi, en se bornant à soutenir que la vaccination contre cette maladie dont il a fait l'objet n'était pas nécessaire, il n'établit pas qu'une faute aurait été commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service. 4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée au titre d'une vaccination, non dépourvue d'intérêt, par un médecin militaire. 5. En dernier lieu, eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui dispose que : " les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension lorsque les infirmités pensionnées sont la cause directe et déterminante du besoin d'assistance ", la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne. 6. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a ainsi entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Dès lors que le régime spécial susvisé permet aux militaires d'obtenir également la réparation de frais afférents à l'assistance par une tierce personne, M. B... qui n'allègue pas ne pas en bénéficier, n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit à indemnisation à ce titre. S'agissant des préjudices indemnisables : 7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B... subit un préjudice sexuel du fait de l'accident médical en cause. Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant le montant de sa réparation à 10 000 euros. 8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les troubles subis par M. B... rendent plus difficile la perspective de fonder une famille. Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant le montant de sa réparation à 20 000 euros. 9. Il résulte de l'expertise que les conséquences de l'accident médical du 3 mars 2005 ont pour effet de priver M. B... de toute vie sociale et de limiter les activités sportives qu'il peut pratiquer. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'agrément en portant le montant de sa réparation à 20 000 euros. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, qu'il y a lieu de porter à 73 104,37 euros le montant de l'indemnité totale due par l'Etat à M. B.... Sur les frais d'instance : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par l'article 1er du jugement du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris est portée à 73 104,37 euros. Article 2 : Le jugement du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 avril 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - Mme Jayer, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025. La rapporteure, M-D. JAYERLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 24PA01392
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 3ème chambre, 30/04/2025, 472660, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le président du conseil départemental du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 23 avril 2018 par lequel le président du conseil départemental du Nord l'a radiée des cadres pour être admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2018. Par deux jugements n° 20002726 et n° 1908047 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Par un arrêt n° 22DA00227, 22DA00228 du 2 février 2023, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté, après les avoir joints, les appels formés par Mme B... contre ces deux jugements. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 avril et 3 juillet 2023 et le 13 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de Mme A... B... et à la SARL Gury et Maître, avocat du département du Nord direction des affaires juridiques et de l'achat public ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., qui exerçait les fonctions de secrétaire médico-sociale au sein du service prévention santé de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de Maubeuge-Jeumont, a bénéficié d'un congé de longue durée du 22 mai 2012 au 21 mai 2017 en raison d'un syndrome anxio-dépressif chronique. Par un arrêté du 23 avril 2018, le président du conseil départemental du Nord l'a radiée des cadres pour être admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2018. Par un arrêté du 17 janvier 2020, le président du conseil départemental du Nord a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce que la maladie dont elle souffre soit reconnue imputable au service. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 février 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a joint et rejeté ses appels contre les deux jugements du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Lille ayant rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date du litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Douai a retenu qu'il existait un lien direct entre les troubles anxio-dépressifs dont Mme B... a souffert et ses conditions de travail dans sa première affectation à l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de Maubeuge-Haumont en 2006 et dans sa seconde affectation à l'unité territoriale de Maubeuge-Jeumont à compter du 1er décembre 2007 et jusqu'à son premier arrêt maladie en 2012, mais a jugé que les troubles de la personnalité du registre névrotique dont souffrait la requérante selon certains rapports médicaux constituaient un élément de nature à détacher sa maladie du service. En statuant ainsi alors même qu'elle notait que ces troubles névrotiques ne s'étaient pas révélés avant les difficultés professionnelles rencontrées par Mme B..., qui avaient causé leur " décompensation ", la cour a implicitement mais nécessairement recherché un lien exclusif entre les conditions de travail de l'intéressée et sa pathologie et commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, tant en ce qu'il se prononce sur la légalité de l'arrêté refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de la maladie que sur celle de l'arrêté de radiation des cadres, dès lors que la légalité de celui-ci a été appréciée par la cour au regard de l'absence d'imputabilité au service de la maladie ayant causé l'invalidité. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord la somme de 2 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt n° 22DA00227, 22DA00228 du 2 février 2023 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé. Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Douai. Article 3 : Le département du Nord versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au département du Nord. Délibéré à l'issue de la séance du 10 avril 2025 où siégeaient : Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure. Rendu le 30 avril 2025. La présidente : Signé : Mme Sylvie Pellissier La rapporteure : Signé : Mme Nicole da Costa La secrétaire : Signé : Mme Nathalie Martinez-CasanovaECLI:FR:CECHS:2025:472660.20250430
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 9ème chambre, 15/05/2025, 496092, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler son titre de pension du 27 juin 2022 en tant qu'il applique une décote et ne prévoit pas de rente d'invalidité. Par un jugement n° 2204495 du 20 mars 2024, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser au cabinet Buk Lament-Robillot, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes, - les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'un titre de pension a été concédé à Mme B... par un arrêté du 27 juin 2022. Mme B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre en tant qu'il applique une décote et ne prévoit pas de rente d'invalidité. 2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que pour estimer que la demande de Mme B..., enregistrée le 31 août 2022 au greffe du tribunal administratif de Montpellier, était tardive et, par suite, irrecevable, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a relevé, d'une part, qu'elle avait certifié avoir reçu le titre de pension en litige dans le document intitulé " déclaration pour la mise en paiement de la pension de retraite " qu'elle avait signé et sur lequel elle avait apposé la date du 20 juin 2022, et que, d'autre part, il n'était pas établi que l'enveloppe qu'elle avait produite, expédiée par le service des retraites de l'Etat le 30 juin 2022, contenait ce titre. En statuant ainsi, alors qu'il était constant que le titre de pension avait été concédé par un arrêté du 27 juin 2022, ce dont il résultait que Mme B... ne pouvait avoir reçu ce titre une semaine avant qu'il ne soit adopté, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 4. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que le cabinet Buk Lament-Robillot, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 3 000 euros à verser à ce cabinet.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Montpellier est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier. Article 3 : L'Etat versera au cabinet Buk Lament-Robillot, avocat de Mme B..., la somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce cabinet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 10 avril 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 15 mai 2025. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Lionel Ferreira Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2025:496092.20250515
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 7ème chambre, 03/04/2025, 22LY03443, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident de service dont elle a été victime. Par un jugement n° 2000526, 2100376 du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Procédure devant la cour I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 novembre 2022 et le 6 juin 2023 sous le n° 22LY03443, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un mémoire enregistré le 11 mai 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les éléments du dossier démontrent suffisamment la matérialité des faits et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. Par une ordonnance du 19 février 2025, l'instruction a été close au 6 mars 2025. La MGEN Côte-d'Or a présenté un mémoire, enregistré le 18 mars 2025, qui n'a pas été communiqué. II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 novembre 2022 et le 27 juin 2023, sous le n° 22LY03461, Mme A..., représentée par la SCP Clemang, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros ; 2°) de condamner solidairement l'Etat et le SIVOS à lui verser 20 500 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 150 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique, 15 000 euros au titre des souffrances endurées, avec les intérêts capitalisés à compter du mois de septembre 2022 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat et du SIVOS la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la matérialité des faits est suffisamment établie par les pièces du dossier ; - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi ; - l'accident du 17 septembre 2015 a été à l'origine d'un traumatisme crânien, puis d'un décollement postérieur du vitré de l'œil droit, à l'origine d'une baisse de l'acuité visuelle ainsi que de séquelles neurocognitives et psychiatriques et d'un déficit de l'épaule gauche chez une gauchère ; elle ne présentait aucun état préalable ; - son préjudice d'agrément est constitué, dès lors que, grande lectrice auparavant, elle ne peut plus lire que dix minutes d'affilée, qu'elle ne peut plus s'adonner à ses activités de jardinage sans l'aide de ses proches, qu'elle ne peut plus pratiquer le piano à défaut de pouvoir lire les partitions, qu'elle ne peut plus pratiquer le vélo, ni le ski, ni la randonnée, ni le canoë kayak ; ce préjudice sera justement réparé par un montant de 80 000 euros ; - le déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 60 % ; il devait lui être accordé un montant fixé à au moins 500 euros par mois en moyenne basse, au regard du barème des cours d'appel et de la jurisprudence de la juridiction administrative ; le montant alloué doit être réévalué à la somme de 20 500 euros ; - le déficit fonctionnel permanent, évalué à 59,5 %, doit être réévalué à 150 000 euros, en fixant un point d'indice à 2 920 euros au regard du barème des cours d'appel pour une femme de cet âge ; - les souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, seront justement réévaluées à 15 000 euros ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, est constitué par le handicap qu'elle présente et par une importante prise de poids en lien avec les traitements ; il sera justement réévalué à la somme de 5 000 euros. Par des mémoires enregistrés les 11 mai et 19 juin 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi, ce dont atteste le certificat médical établi par le médecin traitant de Mme A... le 18 septembre 2015 ; - Mme A... ne justifie pas du préjudice d'agrément dont elle se prévaut, faute de démontrer l'effectivité de la pratique régulière d'une activité qui serait désormais entravée ou empêchée par les photographies et attestations produites ; la pratique occasionnelle d'activités est déjà indemnisée par le déficit fonctionnel permanent ; à considérer ce préjudice comme constitué, il ne pourrait donner lieu qu'à une fraction, évaluée entre 5 et 10 %, du déficit fonctionnel permanent, soit un montant entre 5 750 et 23 000 euros, également limitée à une fourchette entre 7 500 et 30 000 euros en tenant compte du montant, surévalué, demandé par la requérante au titre de son déficit fonctionnel permanent ; - le déficit fonctionnel temporaire a été justement évalué, au regard du barème de l'ONIAM et du taux retenu par les experts, pour une durée de 41 mois ; - le déficit fonctionnel permanent a été justement apprécié par les premiers juges au regard du barème de l'ONIAM ; - les souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par les experts, sont justement indemnisées par le montant fixé à 8 000 euros par les premiers juges, qui ont retenu la fourchette haute du barème de l'ONIAM ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 7, a également été justement réparé par les premiers juges, qui là encore ont appliqué la fourchette haute du barème ONIAM. Par un mémoire enregistré le 6 juin 2023, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'annuler le jugement, ainsi que de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. La requête a été communiquée à la MGEN section de la Côte-d'Or, caisse de sécurité sociale de Mme A..., qui n'a pas présenté d'observations. Par une ordonnance du 13 février 2025, l'instruction a été close au 27 février 2025. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de l'Etat ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère, - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public, - et les observations de Me Buvat, représentant le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure des écoles, a été victime le 17 septembre 2015 d'un accident alors qu'elle était en salle de classe à l'école élémentaire de Noiron-sous-Gevrey, un tableau s'étant détaché du mur et lui ayant occasionné un grave traumatisme au crâne ainsi qu'à l'épaule gauche. Par arrêté de la rectrice de l'académie de Dijon du 19 octobre 2015 cet accident a été reconnu imputable au service. A la demande de Mme A..., une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, dont le rapport a été déposé le 1er août 2019. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à cet accident. Par un jugement du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Sous la requête n° 22LY03443, le SIVOS doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir intégralement l'Etat. Sous la requête n° 22LY03461, Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; 3. Faute d'avoir d'office mis en cause la MGEN, section de la Côte-d'Or, à laquelle est affiliée Mme A..., pour qu'elle exerce l'action mentionnée ci-dessus, le tribunal, qui a méconnu la portée des dispositions précitées, a entaché le jugement attaqué d'irrégularité. Il y a donc lieu, dans la limite des conclusions dont la cour est saisie en appel, d'annuler ce jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens de première instance et d'appel présentés par le SIVOS et par Mme A.... Sur la responsabilité de l'Etat : 4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 5. Lorsqu'un fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, impute les préjudices qu'il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l'emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public dont elle a la charge, et qu'il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu'elles soient solidairement condamnées à réparer l'intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d'une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles exposées au point précédent et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d'autre part, de mettre à la charge de l'autre collectivité publique, s'il n'a pas été mis à la charge de l'employeur et s'il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d'indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis. 6. Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu'une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées au point précédent doit être supportée par l'autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l'affirmative, pour quel montant. 7. En l'espèce, la responsabilité du rectorat de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, qui n'a pas présenté de conclusions d'appel ni contesté en première instance que Mme A... avait été victime d'un accident de service le 17 septembre 2015, est engagée pour risque. Sur les préjudices de Mme A... : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 8. Mme A... a été placée en congé de maladie à plein traitement depuis son accident, ce temps de congé étant pris en compte au titre de ses droits à pension et de son avancement. Elle n'a donc subi aucune perte de rémunération liée à son emploi de professeure des écoles. Elle n'établit pas davantage qu'elle aurait été privée de possibilités de promotion du fait de son accident. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice professionnel doivent être rejetées. En ce qui concerne les préjudices temporaires : 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire dont a été atteinte Mme A... durant la période allant du jour de l'accident à sa date de consolidation, soit du 17 septembre 2015 au 20 février 2019, peut être évalué à 60 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 9 000 euros. 10. En second lieu, Mme A... a enduré des souffrances, fixées par les experts à 4 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 8 000 euros. En ce qui concerne les préjudices permanents : 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... subit un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident de 59,5 %. Il y a lieu, compte tenu de son âge à la date de la consolidation de son état de santé, d'indemniser ce préjudice à hauteur de 140 000 euros. 12. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de la requérante, évalué par les experts à 2 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant une indemnité de 2 000 euros. 13. En dernier lieu, Mme A... demande une somme de 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, dont l'expertise reconnaît l'existence, mais sans autre précision. Elle se prévaut d'activités antérieures de cyclisme, randonnée et ski, sans en justifier suffisamment. En revanche, et comme elle le démontre, l'état de son épaule et ses difficultés visuelles l'empêchent de s'adonner normalement à ses activités de jardinage, de couture et de lecture, avec une importante propension à la fatigue. Il sera fait une juste réparation de son préjudice d'agrément en lui accordant à ce titre une somme de 7 000 euros. 14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 166 000 euros en réparation des préjudices de Mme A..., dont doit être déduite la provision de 80 000 euros qui lui a déjà été versée. Sur l'appel en garantie du SIVOS : En ce qui concerne l'exception de prescription : 15. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Et aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ". 16. Il résulte de l'instruction que l'accident dont Mme A... a été victime a eu lieu le 17 septembre 2015. Le délai de prescription contre cet accident, qui a commencé à courir le 1er janvier 2016, a été interrompu par la requête en référé expertise présentée par Mme A... le 7 juin 2018, et n'a recommencé à courir que le 1er janvier 2020, avant d'être à nouveau interrompu. Ainsi, quand bien même le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Briondon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges n'était pas partie à l'instance de référé-expertise, l'exception tirée de la prescription de la créance de Mme A... ne peut qu'être écartée. En ce qui concerne le défaut d'entretien normal de l'ouvrage : 17. Aux termes de l'article L. 212-4 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d'œuvres protégées. ". 18. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. 19. Le SIVOS, auquel la commune de Noiron-sur-Gevrey a transféré sa compétence en matière d'équipement et de fonctionnement des écoles publiques, conteste la matérialité des faits survenus le 17 septembre 2015 à l'origine des préjudices dont Mme A... s'est prévalue devant le tribunal. Le SIVOS oppose que l'accident n'a été constaté par aucun témoin direct, et que les témoignages de personnels en poste à l'école ne font état ni de la présence de Mme A... ni de la moindre anomalie le jour de l'accident. Il résulte cependant de l'instruction que Mme A..., enseignante au sein du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), avait un emploi du temps variable, distinct de celui s'appliquant habituellement aux autres enseignants, et qu'elle n'était pas nécessairement connue de tous les agents de l'école. Par ailleurs, à l'exception d'une erreur de date dans un échange par mail, qui indique le 18 septembre au lieu du 17 septembre 2015, son récit, cohérent, n'a pas varié, comme le montrent notamment le témoignage de sa sœur, l'attestation de la directrice de l'école à laquelle elle a rapporté l'accident dès le lendemain matin ainsi que les différents mails et la déclaration d'accident de service renseignée le 29 septembre 2015. Il en ressort que Mme A... a déclaré qu'elle était seule le 17 septembre 2015 à 11 heures 15 dans la salle où a eu lieu l'accident et qu'elle était en train de procéder à un affichage quand le volet gauche du tableau a basculé, la blessant à la tête et à l'épaule. Elle indique avoir brièvement perdu connaissance puis, à son réveil, s'être rendue chez sa sœur, qui habite à proximité, et le lendemain chez son médecin traitant qui l'a placée en arrêt de travail. Le certificat médical établi par ce dernier le 18 septembre 2015 fait état d'un " traumatisme (écrasée par un tableau) " et d'une " entorse cervicale, + traumatisme crânien + traumatisme épaule G + omoplate G. ". Par ailleurs, l'agent d'entretien atteste avoir retrouvé ce volet au sol le 17 septembre au soir, descellé de son support, alors que le lendemain matin la directrice a constaté que l'intéressée portait une minerve. Rien dans les productions du SIVOS ne permet d'établir que la description, précise et crédible, que l'intéressée a faite de l'accident serait mensongère, ni que l'intéressée aurait une part de responsabilité dans la survenue de cet accident. Ainsi, le SIVOS n'est pas fondé à soutenir que l'existence d'un lien de causalité entre le dommage subi par Mme A... et l'ouvrage public dont elle était usagère ne serait pas avéré. 20. Par ailleurs, pour justifier du bon entretien de l'ouvrage, le SIVOS produit des attestations de son président et d'un de ses agents techniques qui affirment que le tableau était parfaitement fixé. Elles ne permettent toutefois pas de connaître la date à laquelle ce constat a été réalisé. Si le SIVOS indique que tous les tableaux de l'école ont été vérifiés, mais après l'accident, et que l'assistant de prévention des circonscriptions du Grand Dijon, lors de sa visite de l'établissement le 14 mars 2014, n'a relevé aucune défaillance particulière de ce matériel, la fiche établie par la suite relève certaines vétustés au sein de l'école, dont une moquette murale qui se décolle, sans que soit spécialement remis en cause le fait que le tableau était ancré sur un mur revêtu d'une moquette murale, qui plus est vieillissante, par seulement quatre vis alors que son dispositif de fixation en prévoit huit, et que les simples chevilles cylindriques entourant les vis étaient dépourvues de tout système anti arrachement. Les photographies produites montrent un orifice au mur, qui présente des éléments de dégradation. Si aucun débris de plâtre ou élément de fixation, au demeurant pour partie encore fichés dans le volet, n'ont été retrouvés au sol, et si le bureau, dont rien n'indique d'ailleurs qu'il aurait été sur la trajectoire de chute, n'a pas été dégradé, de telles circonstances ne sauraient suffire pour conclure à l'absence de chute de cet élément. Faute d'autres explications à la chute du tableau qu'une installation et une maintenance non conformes aux règles de l'art, le SIVOS, auquel il appartenait de prévenir le danger en prenant toutes les précautions nécessaires, notamment en s'assurant qu'il était correctement fixé, de surcroît dans un lieu fréquenté quotidiennement par de jeunes enfants et leurs enseignants, ne peut dès lors être regardé comme justifiant d'un entretien normal de l'ouvrage. 21. Il résulte de ce qui précède que le SIVOS a manqué à son obligation d'entretien normal des installations dont il est maître d'ouvrage. Eu égard au caractère exclusif de ce manquement dans la survenue de l'accident dont a été victime Mme A..., il y a lieu de condamner le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros mise à sa charge par le présent arrêt. Sur les intérêts et leur capitalisation : 22. Les intérêts et leur capitalisation ont été demandés pour la première fois en appel le 28 novembre 2022. Mme A... ayant présenté une demande indemnitaire préalable reçue par le ministre de l'éducation nationale le 30 août 2019, la somme ci-dessus portera intérêts à compter de cette dernière date. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022, dès lors qu'à cette date ils étaient dus au moins pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur les frais liés au litige : 23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat les sommes au titre des frais exposés par Mme A... d'une part et le SIVOS d'autre part et non compris dans les dépens. 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au SIVOS la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 25. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du SIVOS la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 septembre 2022, en tant qu'il a condamné le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à garantir intégralement l'Etat et fixé le montant de la réparation due à Mme A... à 134 000 euros, est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 166 000 euros en réparation de ses préjudices, dont doit être déduite la provision de 80 000 euros déjà accordée. Cette somme portera intérêts à compter du 30 août 2019. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 3 : L'Etat sera garanti par le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros, y compris les intérêts et leur capitalisation. Article 4: Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Les conclusions du SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges et le surplus de celles présentées par Mme A... sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, au syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, à la MGEN, section de la Côte d'Or, et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre, Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025. La rapporteure, I. BoffyLe président, V.-M. Picard La greffière, M. C... La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 22LY03443, 22LY03461 ar
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 19/03/2025, 23DA00602, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 15 février 2021 par laquelle le ministre de la justice a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 19 novembre 2020 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse rejetant sa demande tendant à la reconnaissance d'un accident de service survenu, selon elle, le 7 avril 2016, et d'enjoindre à ce dernier de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Par un jugement n° 2102786 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 6 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Maricourt, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la justice du 15 février 2021 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision du ministre de la justice du 15 février 2021 est insuffisamment motivée ; - l'administration n'a pas procédé à une nouvelle instruction de sa demande, en méconnaissance de l'injonction faite au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, par un jugement du tribunal administratif de Lille du 16 septembre 2020 annulant une précédente décision de refus de reconnaissance d'accident imputable au service ; - le rejet de sa demande méconnaît les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ; - ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il méconnaît les obligations en matière de santé et de sécurité incombant à l'employeur en vertu des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2024, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 5 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 décembre 2024. En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 25 février 2025, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance par les décisions en litige du champ d'application dans le temps de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui n'était pas encore entré en vigueur aux dates de survenance de l'accident invoqué par Mme C... et de présentation de sa demande et de ce qu'en conséquence, il y a lieu de procéder à une substitution de base légale et d'appliquer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 9 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public, - et les observations de Me Maricourt, représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., éducatrice spécialisée auprès de la protection judiciaire de la jeunesse depuis 2006, exerçait ses fonctions depuis le 27 mars 2012 au sein de l'unité éducative de milieu ouvert (UEMO) d'Hénin-Beaumont, relevant du service territorial éducatif en milieu ouvert (STEMO) de Béthune. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire, à plusieurs reprises, au cours du second semestre de l'année 2015, puis en congé de maladie de longue durée pour la période comprise entre le 22 avril 2016 et le 21 octobre 2018. Par un courrier du 14 décembre 2017, Mme C... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident qu'elle affirme avoir subi le 7 avril 2016. Le 25 mai 2018, la commission de réforme a émis un avis défavorable sur la demande de l'intéressée. Par une décision du 1er juin 2018, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a rejeté sa demande. Par un jugement n°1806823, 180909 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et enjoint au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse de se prononcer à nouveau sur la demande de Mme C.... Par une décision du 19 novembre 2020, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse du Grand-Nord a, de nouveau, refusé de reconnaître que Mme C... avait été victime, le 7 avril 2016, d'un accident de service. Par un courrier du 17 décembre 2020, reçu le 18 décembre 2020, Mme C... a formé un recours hiérarchique, rejeté 15 février 2021 par une décision expresse du ministre de la justice. Mme C... relève appel du jugement du 1er février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2021. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Tant la demande de première instance que la requête d'appel doivent être regardées comme tendant à l'annulation, non seulement de la décision du 15 février 2021 rejetant le recours hiérarchique de Mme C..., que de la décision initiale du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord du 19 novembre 2020 refusant de reconnaître qu'elle a été victime d'un accident de service. En ce qui concerne la base légale des décisions contestées : 3. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. 4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un congé pour invalidité temporaire imputable au service : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 5. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, et dont les dispositions sont désormais reprises aux article L. 822-18 à L. 822-25 du code général de la fonction publique : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / II. - Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) / VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 6. L'application de ces dernières dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique d'Etat, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était au demeurant prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019. 7. Le droit des agents publics à bénéficier d'une prise en charge par l'administration à raison d'un accident ou d'une maladie reconnus imputables au service est constitué à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. Du fait de l'annulation, par le jugement du 16 septembre 2020, de sa décision du 1er juin 2018, le directeur interdépartemental de la protection judiciaire de la jeunesse s'est retrouvé saisi de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service, présentée par Mme C... le 14 décembre 2017, d'un accident du travail survenu le 7 avril 2016. Il lui appartenait ainsi d'examiner cette demande au regard des conditions de fond fixées par les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Par suite, les décisions contestées du 19 novembre 2020 et du 15 février 2021 refusant de reconnaître que Mme C... avait été victime d'un accident imputable au service le 7 avril 2016 et rejetant le recours hiérarchique formé par cette dernière, ne pouvaient trouver leur base légale dans les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'ordonnance du 19 janvier 2017, dont ces décisions ont fait application. Toutefois, le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de cette ordonnance est le même que celui dont l'investit l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires. Aussi dans cette mesure, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié de la consultation de la commission de réforme qui a émis un avis le 25 mai 2018, il y a lieu de substituer ces dispositions à la base légale retenue par les décisions contestées. En ce qui concerne le moyen tiré de défaut de motivation de la décision du 15 février 2021 : 8. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Et aux termes de l'article 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " La décision rejetant un recours administratif dirigé contre une décision soumise à obligation de motivation en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 est motivée lorsque cette obligation n'a pas été satisfaite au stade de la décision initiale ". 9. La décision du 19 novembre 2020 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Nord, refusant de reconnaître l'existence d'un accident imputable au service à l'origine de la pathologie de Mme C..., cite les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et vise le décret du 14 mars 1986, dont elle fait application. Elle précise de manière suffisamment détaillée les considérations de fait sur laquelle elle se fonde en énonçant notamment que l'état anxiodépressif de l'intéressée " est lié à des difficultés professionnelles générales et à un contexte de travail global insusceptible de revêtir le caractère d'un évènement soudain, que l'intéressée n'apporte en outre aucun élément permettant de rattacher ces affections médicales à l'intervention de l'entretien hiérarchique qui s'est déroulé le 7 avril 2016 ". Les mentions que comporte cette décision sont ainsi de nature à mettre en mesure l'appelante d'en discuter utilement les motifs et le juge d'exercer son contrôle. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 15 février 2021 rejetant le recours hiérarchique de Mme C..., qui ne présentait pas un caractère obligatoire, doit être écarté. En ce qui concerne les moyens relatifs au défaut d'examen de la situation particulière de Mme C... et à la méconnaissance de l'injonction prescrite par le jugement du 16 septembre 2020 : 10. Il ressort des termes du jugement du 16 septembre 2020 que le tribunal administratif de Lille, après avoir annulé la décision du 1er juin 2018 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord refusant de reconnaître que Mme C... avait été victime d'un accident imputable au service, au double motif que cette décision avait été signée par une autorité incompétente à cet effet et était insuffisamment motivée, a enjoint au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord de se prononcer à nouveau sur cette demande. Eu égard aux motifs de cette annulation contentieuse, et en l'absence de nouvelle circonstance de droit ou de fait pertinente, ce jugement impliquait seulement l'intervention d'une nouvelle décision, suffisamment motivée et signée par une autorité compétente, sans imposer à l'administration de reprendre dans son intégralité la procédure d'examen de la demande de Mme C... et, en particulier, de convoquer à nouveau l'intéressée, de la soumettre à un nouvel examen médical ou de procéder à une nouvelle consultation de la commission de réforme. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions contestées seraient intervenues à l'issue d'un examen insuffisant de la situation particulière de Mme C... et en méconnaissance du caractère exécutoire du jugement du 16 septembre doivent être écartés. En ce qui concerne les moyens relatifs à la qualification d'accident de service de la rencontre de médiation du 7 avril 2016 : 11. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 12. Il ressort des pièces du dossier qu'après le signalement par Mme C... à la directrice du STEMO de Béthune, durant le mois de juillet 2015, d'un vol d'argent liquide dont elle avait été victime sur son lieu de travail, ses relations avec les membres de son environnement professionnel se sont fortement dégradées, l'intéressée reprochant à sa supérieure hiérarchique directe, responsable de l'UEMO d'Hénin-Beaumont, d'être à l'origine de rumeurs selon lesquelles elle avait accusé du vol deux de ses collègues et de l'émergence à son détriment d'un climat conflictuel au sein du service. Mme C... a été placée en congé de maladie ordinaire à plusieurs reprises durant le second semestre 2015 et, sur le conseil de la directrice du STEMO, a consulté le médecin de prévention, qui l'a reçue à plusieurs reprises. Saisi d'un courrier de l'avocate de Mme C..., signalant une situation de harcèlement dont cette dernière s'estimait victime et réclamant l'engagement d'une enquête administrative, le directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse a organisé une réunion, qui s'est tenue le 5 février 2016, à laquelle ont notamment participé Mme C... et la directrice de l'UEMO, et à l'issue de laquelle a été préconisée l'organisation d'entretiens visant à dissiper les malentendus à l'origine de cette situation et à rétablir l'apaisement entre les protagonistes. Le 23 février 2016, la directrice du STEMO a reçu, en présence d'un représentant syndical, Mme C... qui, au cours de cet entretien, a exposé plusieurs griefs concernant la responsable de l'UEMO. Ces deux agentes ont été conviées par la directrice du STEMO à une " rencontre de médiation ", organisée le 7 avril 2016. L'appelante affirme avoir été victime, au cours de cet entretien, d'un choc émotionnel entraînant une dégradation de son état psychique, à l'origine des arrêts de travail qui lui ont été prescrits à compter du 22 avril 2016, conformément aux recommandations du médecin de prévention qui l'avait reçue la veille et du congé de maladie de longue durée dont elle a bénéficié pour la période comprise entre le 22 avril 2016 et le 21 octobre 2018. 13. En premier lieu, Mme C... soutient que le refus de reconnaissance, en tant qu'accident imputable au service, de la rencontre de médiation du 7 avril 2016 méconnaît les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Elle doit ainsi être regardée comme invoquant la méconnaissance, par les décisions contestées, des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette ordonnance. A cet égard, elle fait valoir que cette réunion, qui a effectivement eu lieu pendant ses heures de service et sur son lieu de travail, est constitutive d'un événement unique et précis à l'origine de sa pathologie, alors même qu'elle se trouvait déjà dans une situation difficile, et que les experts ont relevé l'absence d'état antérieur. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise établi le 26 février 2018 par le médecin psychiatre qui suit régulièrement l'intéressée depuis mai 2016, que celle-ci souffre depuis la fin de l'année 2015 de troubles anxiodépressifs présentant un caractère réactionnel à un environnement délétère marqué notamment par une dégradation de ses relations professionnelles avec sa supérieure hiérarchique directe, ainsi qu'avec ses collègues de travail, ayant nécessité un premier arrêt de maladie dès cette période. Ainsi, ces troubles ne constituent pas la conséquence directe de l'événement précis que constitue la rencontre de médiation du 7 avril 2016. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette rencontre aurait donné lieu de la part des supérieures de Mme C... à des comportements ou à des propos excédant l'exercice normal de leur pouvoir hiérarchique, l'appelante n'apportant aucune précision sur les circonstances à l'origine de la réaction émotionnelle intense qu'elle dit avoir éprouvée à cette occasion. Enfin, l'avis de la commission de réforme du 25 mai 2018, qui n'est entaché d'aucune contradiction interne, relève que " l'intéressée n'apporte pas la preuve qu'elle a été victime d'un fait accidentel à un moment précis " de sorte que l'arrêt de travail, les soins et examens spécialisés dont elle a bénéficié ne sont pas à prendre en compte au titre d'un accident de service. Dans ces conditions, l'entretien du 7 avril 2016 ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, alors même qu'il a pu avoir un effet aggravant sur l'état de santé de l'intéressée. Par suite, les décisions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dans leur rédaction applicable au litige. 14. En deuxième lieu, il est constant, comme le mentionnent d'ailleurs l'avis de la commission de réforme du 25 mai 2018 et le recours hiérarchique formé par Mme C..., que sa demande portait sur la reconnaissance d'un accident imputable au service. Les décisions contestées ont eu pour objet exclusif le rejet de cette demande. Par suite, et alors que, comme a été dit au point précédent, l'administration n'a ainsi pas méconnu les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, Mme C... ne saurait utilement soutenir que ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de l'existence d'un lien entre les troubles anxiodépressifs dont elle souffre et les conditions d'exercice de son activité professionnelle, qui ne pourrait être utilement invoqué qu'à l'encontre d'une décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté comme inopérant. 15. Enfin, Mme C... soutient que son employeur aurait méconnu ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité posées par les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, notamment en tardant à prendre en considération ses demandes de mutation et tendant à la reprise de son activité professionnelle dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Toutefois, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 13, la rencontre du 7 avril 2016 ne saurait être qualifiée d'accident du travail. 16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les frais d'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par Mme C..., soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de la justice. Délibéré après l'audience publique du 4 mars 2025 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2025. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au ministre de la justice ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière, C. Huls-Carlier 2 N°23DA00602
Cours administrative d'appel
Douai