Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de DOUAI, 3ème chambre, 04/06/2024, 23DA01256, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le A... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Fécamp à lui verser la somme de 47 100 euros en réparation des préjudices subis par M. B..., dans les droits duquel il est subrogé, en raison de la maladie professionnelle qu'il a contractée dans l'exercice de ses fonctions. Par un jugement n° 2102835 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Fécamp à verser la somme de 8 000 euros au FIVA et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 juin 2023, et un mémoire en réplique enregistré le 18 avril 2024, le FIVA, représenté par Me Raffin, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 23 mai 2023 ; 2°) de porter le montant de la condamnation de la somme de 8 000 euros à celle de 47 100 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire, et de la capitalisation de ces intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Fécamp une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il est subrogé dans les droits de M. B... qui a obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au cours de sa carrière de 1976 à 2010 et dont il a indemnisé les préjudices extra-patrimoniaux pour un montant de 47 100 euros ; - ancien employeur de M. B..., la commune de Fécamp doit, même en l'absence de faute de sa part, prendre en charge cette indemnité réparant les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément subis par l'intéressé ; - une carence fautive est imputable à la commune de Fécamp dans la mise en œuvre des mesures de sécurité et de protection contre le risque d'exposition à l'amiante dès lors qu'elle avait ou aurait dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante et qu'elle n'a pris aucune des mesures nécessaires pour préserver la santé de son agent ; - la victime a subi un préjudice moral spécifique lié à l'anxiété ressentie à l'annonce de la maladie et à la perspective d'une issue fatale, qui doit être évalué à la somme de 22 600 euros ; des souffrances physiques compte tenu de traitements médicamenteux, chimiothérapique et radiothérapique particulièrement lourds, qui doivent être fixées à la somme de 11 300 euros ; un préjudice esthétique en lien avec ces traitements, évalué à la somme de 2 000 euros ; un préjudice d'agrément résultant de l'arrêt par la victime de ses activités favorites, évalué à la somme de 11 200 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2024, la commune de Fécamp, représentée par Me Tarteret, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué, à ce que l'Etat la garantisse des sommes mises à sa charge se rapportant à la période d'indemnisation antérieure à 1977 et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du FIVA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité n'est pas engagée dès lors qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations visant à assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de ses agents ; - les préjudices dont le FIVA demande l'indemnisation ne sont pas tous imputables à l'exposition de l'agent à l'amiante dans les services de la commune, dès lors que l'intéressé y a été exposé sur les chantiers maritimes de Paimpol où il a travaillé entre 1967 et 1970, qu'il est fumeur et qu'il présente une prothèse bilatérale totale de la hanche et une autre pathologie cancéreuse sans lien avec l'amiante ; - la carence fautive de l'Etat dans la prévention des risques liés à l'amiante implique un partage de responsabilité pour l'année 1976 et l'engagement de la seule responsabilité de l'Etat pour les années antérieures ; - les préjudices ne sont pas établis ou sont surévalués. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2024, le ministre du travail conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - l'appel en garantie n'est pas recevable ; - les moyens tendant à la mise en cause de l'Etat ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 15 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mai 2024, à 12 heures. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le FIVA n'est pas recevable en appel à rechercher la responsabilité fautive de la commune de Fécamp dès lors qu'il se fonde sur une cause juridique distincte de celle de la demande qu'il avait présentée contre cette collectivité devant le tribunal administratif, et qui était uniquement fondée sur la responsabilité sans faute. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, notamment son article 53 ; - le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - et les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., contrôleur de travaux à la commune de Fécamp jusqu'au 1er septembre 2010, date de son départ à la retraite, a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre de ses fonctions professionnelles de forgeron. Il a présenté un adénocarcinome broncho-pulmonaire infiltrant primitif diagnostiqué le 5 novembre 2019, dont il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service. Par un arrêté du 21 octobre 2020, pris au vu d'un avis favorable de la commission de réforme du 10 septembre 2020, la commune de Fécamp a reconnu le caractère de maladie professionnelle à la pathologie de M. B.... Celui-ci a saisi le A... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), sur le fondement de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, et a accepté le 11 février 2021 l'indemnisation forfaitaire proposée par cet organisme pour ses préjudices extra patrimoniaux, fixés au montant total de 47 100 euros. Subrogé dans les droits de M. B..., le FIVA a demandé le remboursement de cette somme par un courrier adressé le 18 mars 2021 à la commune de Fécamp, qui n'y a pas donné suite. Le FIVA a saisi le tribunal administratif de Rouen en vue d'obtenir la condamnation de la commune à lui verser la somme de 47 100 euros. Le fonds relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal a fixé à 8 000 euros le montant des réparations mises à la charge de la commune de Fécamp. Celle-ci sollicite, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement et la condamnation de l'Etat à la garantir des condamnations prononcées à son encontre trouvant leur origine dans une exposition de M. B... à l'amiante au cours des années antérieures à 1977. Sur la responsabilité de la commune de Fécamp : 2. Aux termes de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 : " I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : / 1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité (...) / II. - Il est créé, sous le nom de " A... d'indemnisation des victimes de l'amiante ", un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. / Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis au I du présent article (...) / III. - Le demandeur justifie de l'exposition à l'amiante et de l'atteinte à l'état de santé de la victime (...) / (...) Vaut justification de l'exposition à l'amiante la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité (...) / VI. - Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes (...) ". 3. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que M. B..., employé par la commune de Fécamp en qualité de forgeron de 1976 à 2010, a présenté un adénocarcinome broncho-pulmonaire infiltrant diagnostiqué en 2019. Le caractère professionnel de cette pathologie, mentionnée au tableau 30 bis du régime général de la sécurité sociale, a été reconnu par un arrêté du maire de la commune de Fécamp du 21 octobre 2020. Par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la responsabilité de la commune est engagée à l'égard de M. B..., même en l'absence de faute, au titre des préjudices extrapatrimoniaux qu'il a subis du fait de cette maladie. La commune de Fécamp ne saurait utilement se prévaloir, pour échapper à sa responsabilité, de ce qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations visant à assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de ses agents. La circonstance que M. B... a également été exposé à l'amiante dans un cadre professionnel antérieur ou présente d'autres pathologies qu'un adénocarcinome broncho-pulmonaire est sans influence sur son droit à réparation des préjudices résultant de sa maladie professionnelle. Par suite, et contrairement à ce que soutient la commune de Fécamp, le FIVA, subrogé dans les droits de M. B... en application des dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, est fondé à demander la condamnation de la commune de Fécamp à l'indemniser des préjudices extrapatrimoniaux subis par l'intéressé, dans la limite des sommes qui lui ont été effectivement versées. 5. Par ailleurs, si le FIVA soutient que les dommages dont il demande réparation sont également imputables à une faute de nature, selon lui, à engager la responsabilité de la commune de Fécamp, il se fonde à cet égard sur une cause juridique distincte de celle de la demande qu'il avait présentée contre cette collectivité devant le tribunal administratif et qui était uniquement fondée sur la responsabilité pour risque permettant d'obtenir de l'employeur public, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant les chefs de préjudice distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Par suite, ses conclusions fondées sur la responsabilité pour faute de la commune ont le caractère d'une demande nouvelle qui n'est pas recevable devant la cour. Sur l'évaluation des préjudices : 6. Le juge administratif, saisi de l'action indemnitaire du FIVA subrogé dans les droits de la victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées en application des dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, n'est pas lié par l'évaluation des préjudices retenue par le FIVA. Il appartient au juge d'évaluer lui-même le montant des préjudices au regard des éléments versés au dossier, et de fixer en conséquence le montant des indemnités dues au FIVA dans la limite du montant accordé à la victime. 7. En premier lieu, si le FIVA fait état du préjudice spécifique d'anxiété subi par M. B..., qui a été exposé à l'amiante pendant plusieurs années, il n'apporte à l'instance aucun élément précis permettant d'apprécier les conditions dans lesquelles l'intéressé, connaissant les effets nocifs de l'amiante, a pu éprouver une anxiété particulière à cet égard, avant de présenter un adénocarcinome broncho-pulmonaire diagnostiqué en 2019 à l'âge de soixante-neuf ans. Par ailleurs, si l'intéressé a subi plusieurs cures de chimiothérapie et des séances de radiothérapie, il résulte de l'instruction que ces traitements ont également été rendus nécessaires par un carcinome urothélial de vessie avec envahissement ganglionnaire et métastases osseuses, non imputable à l'amiante. Dans ces conditions, eu égard à la gravité du cancer broncho-pulmonaire, à l'âge de M. B..., et à la circonstance que les soins qu'il a subis incluaient le traitement d'une autre pathologie cancéreuse, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice moral imputable à sa maladie professionnelle en accordant la somme de 4 000 euros au FIVA. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les séances de chimiothérapie ont été à l'origine de souffrances physiques pour M. B..., quand bien même le phénomène douloureux a été correctement contrôlé par le traitement morphinique. Si ce traitement a également permis de traiter un carcinome urothélial de vessie sans lien avec la maladie professionnelle de l'intéressé, il sera fait une plus juste appréciation de l'ampleur des souffrances imputables au seul cancer broncho-pulmonaire en portant la somme allouée à ce titre par les premiers juges de 4 000 euros à 6 000 euros. 9. En troisième lieu, le FIVA demande l'indemnisation du préjudice esthétique de M. B... en se bornant à soutenir qu'il a subi des traitements chimiothérapiques et radiothérapeutiques. Par suite, la demande tendant à l'indemnisation de ce poste de préjudice ne peut qu'être rejetée, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges. 10. En dernier lieu, le FIVA produit en appel un courrier de l'épouse de M. B..., indiquant que celui-ci ne peut plus se livrer à ses activités de randonnée et de baignade en raison des traitements, toujours en cours. Le FIVA justifie ainsi de l'existence d'un préjudice d'agrément subi par M. B.... Eu égard à la circonstance que les soins reçus par l'intéressé sont rendus nécessaires par deux pathologies cancéreuses, dont l'une seulement est imputable à son exposition à l'amiante, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément résultant de l'adénocarcinome broncho-pulmonaire en l'évaluant à la somme de 2 000 euros. Sur les intérêts et leur capitalisation : 11. Le FIVA demande en appel que la somme mise à la charge de la commune de Fécamp soit assortie des intérêts et de leur capitalisation. 12. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter de la réception par la partie débitrice de la réclamation de la somme principale. Le FIVA a droit aux intérêts légaux à compter de la réception de sa demande par l'administration, soit le 22 mars 2021. 13. Pour l'application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière et, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Le FIVA a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire d'appel le 29 juin 2023. Cette capitalisation prend donc effet à compter du 29 juin 2023, date à laquelle elle a été demandée et alors que les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle ultérieure. Sur l'appel en garantie : 14. La commune appelle l'Etat en garantie en raison de sa carence fautive à n'avoir pris aucune norme propre à protéger les travailleurs exposés à l'amiante avant l'édiction du décret n° 77-949 du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante. 15. D'une part, pour justifier d'une exposition de M. B... à l'amiante avant 1976, année au cours de laquelle il a été recruté par la commune de Fécamp, celle-ci se prévaut du compte-rendu de l'expertise médicale du 3 juin 2020 et de l'avis du médecin de prévention du 12 mai 2020, dont il ressort que l'intéressé a occupé un poste de chaudronnier " aux chantiers maritimes de Paimpol à Fécamp " et dans l'entreprise SNI, avant son recrutement comme fonctionnaire municipal. Toutefois, ces éléments sont très imprécis sur les conditions d'activité de M. B... entre 1967 et 1976. Si la commune de Fécamp invoque l'arrêté du 7 juillet 2000 fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs exposés à l'amiante, cet arrêté ne permet pas d'identifier les anciens employeurs privés de M. B.... 16. D'autre part, M. B... a vu sa maladie professionnelle liée à son exposition à l'amiante reconnue par la commune de Fécamp où il a exercé, pour l'essentiel, son activité professionnelle entre 1976 et 2010. La commune, qui ne donne aucune indication sur les conditions d'emploi de M. B... en 1976 et 1977 ne démontre pas que l'intéressé aurait été exposé au risque d'inhaler des poussières d'amiante dès avant le 17 août 1977, de telle sorte que la responsabilité de l'Etat serait engagée pour ne pas avoir pris de mesures particulières avant cette date. 17. Il résulte de ce qui précède que la commune de Fécamp n'est pas fondée à appeler l'Etat en garantie. 18. Il résulte de tout ce qui précède que le FIVA est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a limité le montant de la condamnation mise à la charge de la commune de Fécamp à la somme de 8 000 euros, qu'il y a lieu de la porter à 12 000 euros et de l'assortir des intérêts et de leur capitalisation. Il résulte également de ce qui précède que la commune de Fécamp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif l'a condamnée à verser la somme de 8 000 euros au FIVA et a rejeté l'appel en garantie formé contre l'Etat. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du FIVA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Fécamp demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fécamp la somme demandée par le FIVA sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 8 000 euros que le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Fécamp à verser au FIVA est portée à 12 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts à compter du 22 mars 2021 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 29 juin 2023 puis à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen n° 2102835 du 23 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au FIVA, à la commune de Fécamp et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités. Délibéré après l'audience publique du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2024. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière, C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01256
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 28/05/2024, 23DA01281, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de la Somme d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et d'ordonner une expertise visant à déterminer le taux d'invalidité concernant, d'une part, sa blessure à la cheville et, d'autre part, la maladie lombaire contractée dans l'exercice de ses fonctions. Par un jugement n° 1903510 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif d'Amiens, auquel sa demande a été transmise en application des dispositions de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté celle-ci. Par un arrêt n° 21DA02149 du 26 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'instabilité de sa cheville droite, a annulé cette décision dans cette mesure, a enjoint au ministre des armées, dans un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt, de concéder à M. B... une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % au titre de cette infirmité et a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par une décision n° 467854-468899 du 30 juin 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté le pourvoi présenté par le ministre de la défense contre les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai faisant partiellement droit à la requête d'appel de M. B..., a annulé l'article 4 de cet arrêt rejetant le surplus des conclusions de la requête d'appel de l'intéressé et, dans cette mesure, a renvoyé l'affaire devant la cour. Procédure devant la cour : I.- Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2021, ainsi qu'un mémoire enregistré après renvoi le 30 octobre 2023 sous le n° 23DA01281, M. B..., représenté par Me Stéphanie Calot-Foutry, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de la lombosciatalgie récidivante ; 2°) d'annuler dans cette mesure la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées, le cas échéant après avoir ordonné une expertise afin d'évaluer le taux d'invalidité résultant de la lombosciatalgie récidivante, de lui accorder une pension militaire d'invalidité en tenant compte d'une invalidité globale supérieure à 30 %, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec effet au 2 avril 2013 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'il présente des lombosciatalgies récidivantes qui justifient à elles-seules un taux d'invalidité supérieur à 30 % et la reconnaissance d'un droit à pension en application des articles L. 2, L. 4 et L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2022, le ministre des armées conclut au rejet des conclusions de M. B.... Il fait valoir que les lombosciatalgies récidivantes que présente M. B... doivent être regardées, d'une part, comme une maladie au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et, d'autre part, comme étant à l'origine d'un taux d'invalidité de 25 %. Par ordonnance du 9 janvier 2024, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2024 à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. II.- Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2021, ainsi que des mémoires enregistrés après renvoi les 30 octobre 2023 et 26 février 2024 sous le n° 23DA01286, M. B..., représenté par Me Stéphanie Calot-Foutry, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de la lombosciatalgie récidivante ; 2°) d'annuler dans cette mesure la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées, le cas échéant après avoir ordonné une expertise afin d'évaluer le taux d'invalidité résultant de la lombosciatalgie récidivante, de lui accorder une pension militaire d'invalidité en tenant compte d'une invalidité globale supérieure à 30 %, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec effet au 2 avril 2013 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il présente des lombosciatalgies récidivantes qui justifient à elles-seules un taux d'invalidité supérieur à 30 % et la reconnaissance d'un droit à pension en application des articles L. 2, L. 4 et L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le ministre des armées n'est pas recevable à contester l'imputabilité de son affection au service pour la première fois après le renvoi de l'affaire devant la cour ; en tout état de cause, son affection est imputable à des faits et circonstances particulières de service. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2022, ainsi que des mémoires en défense enregistrés après renvoi les 19 janvier 2024 et 13 mars 2024 sous le n° 23DA01286, le ministre des armées conclut au rejet des conclusions de M. B.... Il fait valoir que : - les lombosciatalgies récidivantes que présente M. B... doivent être regardées, d'une part, comme une maladie au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et, d'autre part, comme étant à l'origine d'un taux d'invalidité de 25 % ; - en tout état de cause, M. B... n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'imputabilité au service de cette affection, cette preuve ne pouvant être apportée par la seule référence aux conditions générales du service communes à tous les agents ; - à cet égard, il n'a, à aucun moment de la procédure, entendu reconnaître l'imputabilité de l'affection au service de l'intéressé ; il est recevable à contester cette imputabilité, même après l'intervention de la décision du 30 juin 2023 du Conseil d'Etat. Par une lettre du 26 février 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période au cours de laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience et que l'instruction pourrait être close à partir du 13 mars 2024 sans information préalable. Une ordonnance portant clôture de l'instruction immédiate a été prise le 3 avril 2024. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Guy Foutry, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., militaire sous contrat dans l'armée de l'air depuis le 2 mars 1998, a demandé, le 2 avril 2013, la concession d'une pension militaire d'invalidité au titre d'une lombosciatalgie récidivante et de séquelles d'instabilité de la cheville droite. Par une décision du 29 novembre 2016, le ministre de la défense a rejeté cette demande aux motifs que le taux d'invalidité résultant de la lombosciatalgie, maladie contractée en temps de paix, n'atteignait pas le minimum requis de 30 % pour ouvrir des droits à pension et que celui résultant de l'instabilité de la cheville droite, acquise à la suite d'une blessure, n'atteignait pas le minimum requis de 10 %. Par un arrêt du 26 juillet 2022, la cour, jugeant que l'infirmité relative à la cheville droite justifiait le bénéfice d'une pension calculée sur la base d'un taux d'invalidité de 15 % a, dans ses articles 1er à 3, annulé le jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif d'Amiens rejetant la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle porte sur cette infirmité et a enjoint au ministre des armées de concéder à l'intéressé la pension correspondante. Puis, jugeant que l'infirmité relative à la lombosciatalgie ne justifiait en revanche pas le bénéfice d'une pension dès lors que son taux n'atteignait pas le seuil de 30 %, la cour a, dans son article 4, rejeté le surplus des conclusions de l'appel de M. B... en tant qu'elles portent sur cette infirmité. Par une décision du 30 juin 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de pourvois présentés par le ministre des armées et par M. B... a confirmé les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour, annulé son article 4 et, dans cette mesure, renvoyé l'affaire devant elle. Il appartient dès lors à la cour de statuer sur les conclusions de M. B... tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif d'Amiens et de la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense en tant qu'ils rejettent sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité résultant de la lombosciatalgie et, d'autre part, à la concession d'une telle pension. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... tendant à la concession d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité résultant de la lombosciatalgie récidivante : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. / (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / (...) / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 14 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. / (...) ". 3. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'examen de M. B... par le médecin expert désigné par l'administration dans le cadre de l'instruction de sa demande, qu'il présente des lombosciatalgies rebelles et invalidantes et un déconditionnement rachidien en lien avec discopathie et instabilité discale étagées lombo-sacrées ainsi que des épisodes de discopathies protusives. Cette affection est à l'origine de douleurs en regard de l'épineuse de L4 et S1, de l'épineuse de L5 et en para-vertébral à droite, d'un signe de sonnette selon le trajet radiculaire de S1 déclenché à la palpation de l'espace intervertébral de L5-S1 à droite, d'une limitation des rotations et inclinaisons ainsi bien à droite qu'à gauche ainsi que d'une extension raide et douloureuse. Pour justifier du lien de cette affection avec le service, M. B... s'est prévalu, dans le cadre de sa demande de pension militaire d'invalidité, de quatre incidents survenus en service les 2 octobre 2000, 31 octobre 2008, 11 avril 2011 et 2 décembre 2011, à l'origine d'arrêts de travail et de soins voire d'hospitalisations, et a en outre invoqué dans le cadre de la procédure contentieuse un autre incident survenu le 10 septembre 2004 ainsi que ses conditions générales d'exercice et son exposition au port de charges lourdes. 5. Toutefois, si les rapports des incidents des 2 octobre 2000, 31 octobre 2008, 11 avril 2011 et 2 décembre 2011 mentionnent que M. B... a ressenti de fortes douleurs au niveau de son dos lors de la manutention de charges lourdes, il ne résulte en revanche pas de ces rapports que des incidents particuliers se soient produits au cours de ces opérations ou que celles-ci procèderaient de conditions anormales d'exercice. En outre, il résulte de l'instruction, notamment des deux rapports relatifs à l'incident du 10 septembre 2004 invoqué en dernier lieu par M. B..., que la chute du plateau d'un camion dont il a été victime a uniquement été à l'origine d'un traumatisme de la jambe gauche, aucun élément médical ne rendant compte de répercussions particulières au niveau lombaire ou dorsal. Si le rapport d'expertise médicale du 9 janvier 2016 mentionne que la lombosciatalgie de M. B... a été " provoquée par des mouvements combinés du rachis et le port de charges lourdes imposées par le poste occupé dans le cadre de l'activité militaire " et s'il est constant que les missions de M. B... exercées au sein d'escadrons de soutien de l'infrastructure l'ont exposé au port de charges lourdes, il n'apporte néanmoins aucun élément de nature à établir la fréquence de ces travaux de manutention pas plus que la part qu'ils représentent dans ses missions. Il résulte par ailleurs de l'instruction que d'autres épisodes douloureux sont aussi survenus dans des circonstances sans lien avec le service. Notamment, le médecin expert désigné par l'administration dans le cadre de l'examen de sa demande a relevé une récidive en avril 2009 après des travaux de terrassement, sans qu'il soit justifié que ces derniers aient été réalisés dans le cadre du service. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne justifiant ni de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de sa lombosciatalgie récidivante ni que ses conditions générales de service aient été particulières par rapport aux militaires servant dans les mêmes unités que lui ou l'aient particulièrement prédisposé au développement d'une telle maladie, l'imputabilité de celle-ci au service ne peut être tenue pour établie. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, il ne résulte pas de l'instruction que cette imputabilité ait été précédemment admise par le ministre des armées, alors en particulier que la décision attaquée du 29 novembre 2016, suivant en cela les avis du 1er mars 2016 du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, du 8 novembre 2016 de la commission consultative médicale et du 24 novembre 2016 de la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité, se borne à refuser sa demande en raison du taux de l'infirmité résultant de cette affection sans qu'il soit besoin de rechercher son origine. En tout état de cause, le ministre des armées est recevable à contester l'imputabilité au service de la maladie au titre de laquelle un militaire sollicite la concession d'une pension même pour la première fois dans le cadre de la procédure contentieuse engagée par l'intéressé, dès lors que le juge administratif y intervient en qualité de juge de plein contentieux et qu'il lui appartient de se prononcer directement sur les droits de l'intéressé au bénéfice de la pension dont la concession est demandée. A cet égard, cette contestation, dès lors que le ministre des armées à la qualité d'intimé, peut être régulièrement formée à tout moment, y compris dans le cadre de l'instruction complémentaire qui a en l'espèce été ouverte par le renvoi de l'affaire devant la cour. 7. Il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par M. B..., que celui-ci n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle rejette sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité résultant de la lombosciatalgie et, d'autre part, à la concession d'une telle pension. Ses conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement dans cette mesure et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions de première instance doivent, à leur tour, être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... et Me Stéphanie Calot-Foutry sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Les conclusions de M. B... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 29 novembre 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle rejette sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité résultant de la lombosciatalgie et, d'autre part, à la concession d'une telle pension sont rejetées. Article 2 : Les conclusions de M. B... et de Me Stéphanie Calot-Foutry présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre des armées et à Me Stéphanie Calot-Foutry. Délibéré après l'audience publique du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre, Signé : M.P. Viard La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, par délégation, La greffière 2 N°23DA01281,23DA01286
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 7ème chambre, 23/05/2024, 22PA04964, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête n° 1920234, Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 13 avril 2018. Par une requête n° 1920716, Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 13 avril 2018, ainsi que le titre de pension dont elle a reçu notification le 22 juillet 2019. Par une requête n° 2000291, Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 13 avril 2018. Par un jugement n°s 1920234/5-3, 1920716/5-3 et 2000291/5-3 du 18 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes, après les avoir jointes. Procédure devant la Cour : I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 22PA04964, le 22 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Izadpanah, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n°s 1920234/5-3, 1920716/5-3 et 2000291/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 18 mai 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2000291 tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 13 avril 2018 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 13 avril 2018 ; 3°) d'enjoindre au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait donner à sa radiation des cadres et à sa mise à la retraite un caractère rétroactif à compter du 13 avril 2018 ; - elle n'avait pas atteint la limite d'âge de son emploi le 13 avril 2018. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par Me Maury, conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 7 septembre 2022. II°) Par une requête, enregistrée sous le n° 22PA04965, le 22 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Izadpanah, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n°s 1920234/5-3, 1920716/5-3 et 2000291/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 18 mai 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande n° 1920234 tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 13 avril 2018 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 13 avril 2018 ; 3°) d'enjoindre au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait donner à sa radiation des cadres et à sa mise à la retraite un caractère rétroactif à compter du 13 avril 2018 ; - elle n'avait pas atteint la limite d'âge de son emploi le 13 avril 2018. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par Me Maury, conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 7 septembre 2022. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code monétaire et financier ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Desvigne-Repusseau, - les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique, - et les observations de Me Maury, avocate de la Caisse des dépôts et consignations. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjointe administrative principale de 1ère classe à la Caisse des dépôts et consignations, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 13 avril 2018, par un arrêté pris le 16 juillet 2019 par le directeur général de cet établissement public, après avis de la commission de réforme du 15 mars 2019. Par un arrêté du 4 novembre 2019, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a rapporté l'arrêté du 16 juillet 2019 et, au visa du même avis de la commission de réforme et de l'avis conforme du ministre chargé du budget du 12 juillet 2019, a admis l'intéressée à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 13 avril 2018. Mme A... fait appel, par deux requêtes, du jugement du 18 mai 2022 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes n° 1920234 et n° 2000291 tendant à l'annulation de ces arrêtés. 2. Les requêtes n° 22PA04964 et n° 22PA04965, présentées pour Mme A..., concernent la situation d'une même fonctionnaire, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu, pour le juge de la légalité, de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive. 4. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la demande n° 1920234 de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2019 devant le Tribunal administratif de Paris, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a, par un arrêté du 4 novembre 2019, procédé au retrait, et non à l'abrogation, de cet arrêté. Or, en cours d'instance devant le tribunal, Mme A... a présenté dans le délai de recours contentieux, sous le n° 2000291, une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2019. Dès lors que le retrait de l'arrêté du 16 juillet 2019 n'a pas acquis un caractère définitif, la demande n° 1920234 tendant à l'annulation de cet arrêté conservait un objet. Si, en se bornant à indiquer, dans son mémoire en défense présentée dans l'instance n° 22PA04965, que " l'arrêté du directeur général de la [Caisse des dépôts et consignations] du 16 juillet 2019 (...) a été retiré par celui du 4 novembre 2019 ", la Caisse des dépôts et consignations a entendu soutenir que les premiers juges auraient entaché le jugement attaqué d'irrégularité en ne prononçant pas un non-lieu à statuer, il résulte toutefois de ce qui vient d'être dit, outre le fait que les arrêtés en litige n'ont pas exactement le même objet, que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a écarté la fin de non-recevoir opposée par la Caisse des dépôts et consignations tirée de ce que l'arrêté du 16 juillet 2019 a été rapporté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 4 novembre 2019 : 5. D'une part, aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, applicable en vertu de l'article L. 2 du même code aux fonctionnaires de la Caisse des dépôts et consignations auxquels s'appliquent les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 84-16 du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable à la date d'effet de la mise à la retraite de Mme A... : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article / (...) ". Aux termes de l'article L. 31 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date d'effet de la mise à la retraite de Mme A... : " (...) l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme (...) / Le pouvoir de décision appartient (...) au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances / (...) ". Aux termes de l'article R. 49 bis du même code, dans sa rédaction applicable à la date d'effet de la mise à la retraite de Mme A... : " (...) la décision d'admission à la retraite pour invalidité, prise en application de l'article L. 31, est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget ". 6. Aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable en vertu de l'article 2 de cette loi aux fonctionnaires de la Caisse des dépôts et consignations, établissement public de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date d'effet de la mise à la retraite de Mme A... : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie / Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature, s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an / 4° A un congé de longue durée (...) de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée / (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette loi, dans sa rédaction applicable à la date d'effet de la mise à la retraite de Mme A... : " (...) / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 (...) ". 7. D'autre part, aux termes de l'article R. 36 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la date d'effet de la mise à la retraite de Mme A... : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité ". 8. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité. 9. Il ressort des pièces du dossier qu'à raison d'un syndrome anxio-dépressif, Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 9 février 2004, avant d'être placée, à compter du 11 janvier 2005, en congé de longue maladie à raison de cette même affection puis, à compter du 8 mars 2009, en congé de longue durée toujours à raison de la même affection, renouvelé jusqu'au 7 mars 2017. Par une décision du 5 juillet 2012, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a reconnu l'affection de Mme A... comme imputable au service. Mme A... a été placée en position de disponibilité d'office pour raison médicale, à compter du 8 mars 2017, par un arrêté du 16 juin 2017 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, celui-ci ayant en outre, par le même arrêté, rapporté l'arrêté du 28 février 2017 autorisant l'intéressée à reprendre ses fonctions à compter du 8 mars 2017. Cet arrêté du 16 juin 2017 a été annulé par un jugement n° 1718646/5-3 du 28 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris, devenu définitif, au motif que Mme A... avait effectivement repris son service à partir du 8 mars 2017. Après avoir saisi la commission de réforme qui, dans sa séance du 15 mars 2019, a émis un avis favorable à la mise en disponibilité d'office de Mme A... pour raison médicale du 13 avril 2017 au 12 avril 2018 ainsi qu'à son admission à la retraite d'office pour invalidité à compter du 13 avril 2018 en raison de son inaptitude définitive et absolue à toute fonction, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, par un arrêté du 1er avril 2019, dont la légalité a été confirmée par le Tribunal administratif de Paris par un jugement n° 1914676/5-3 du 12 janvier 2022, puis par la Cour administrative d'appel de Paris par une ordonnance n° 22PA02944 du 27 février 2023, devenue définitive, a de nouveau placé Mme A... en position de disponibilité d'office pour raison de santé à compter cette fois-ci du 13 avril 2017, date à laquelle l'intéressée a été victime d'une rechute de son affectation imputable au service, jusqu'au 12 avril 2018. Le ministre chargé du budget a donné le 12 juillet 2019 un avis favorable à la mise à la retraite d'office de Mme A... pour invalidité imputable au service à compter du 13 avril 2018. En conséquence Mme A... a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 13 avril 2018, par un premier arrêté du 16 juillet 2019, ensuite rapporté par un nouvel arrêté du 4 novembre 2019 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité cette fois-ci imputable au service, toujours à compter du 13 avril 2018. 10. En premier lieu, la requérante soutient que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait donner à sa radiation des cadres et à sa mise à la retraite un caractère rétroactif à compter du 13 avril 2018. Toutefois, il est constant que Mme A... avait, en application des dispositions précitées de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, épuisé ses droits à congé à raison de son syndrome anxio-dépressif le 13 avril 2017, date de rechute de sa maladie professionnelle, et que par suite elle a été légalement placée en disponibilité d'office pour raison médicale à cette date du 13 avril 2017. Il est tout aussi constant que ce placement en disponibilité d'office n'a pas été renouvelé après le 12 avril 2018 et que, par suite, l'administration était tenue de faire rétroagir au 13 avril 2018 sa décision d'admission à la retraite afin de placer Mme A... dans une situation régulière. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué du 4 novembre 2019 serait entaché d'une rétroactivité illégale doit être écarté. 11. En second lieu, la requérante soutient qu'elle n'avait pas atteint la limite d'âge de son emploi le 13 avril 2018. Toutefois, les dispositions précitées de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui constituent la base légale de l'arrêté attaqué du 4 novembre 2019, ont pour objet même de ne pas subordonner la radiation des cadres par anticipation d'un agent à la condition que celui-ci ait atteint la limite d'âge. Par suite, ce moyen, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 16 juillet 2019 : 12. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 4 novembre 2019, qui retire l'arrêté du 16 juillet 2019, les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2019 ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes n° 1920234 et n° 2000291. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E: Article 1er : Les requêtes n° 22PA04964 et n° 22PA04965 de Mme A... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la Caisse des dépôts et consignations et à Me Izadpanah. Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Hamon, présidente, - M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller, - Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024. Le rapporteur, M. DESVIGNE-REPUSSEAULa présidente, P. HAMON La greffière, L. CHANA La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°s 22PA04964,22PA04965
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 4ème chambre, 24/05/2024, 19PA02124, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun : 1°) à titre principal, de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme globale de 250 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux qu'il estime avoir subis et à lui rembourser la somme de 8 319,52 euros, augmentée des intérêts de retard correspondant au montant des congés, des heures supplémentaires, des heures de récupération, des heures libérées et des frais médicaux qui lui sont dus ; 2°) à titre subsidiaire, de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de sa retraite " valorisée " et la somme de 250 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis ; 3°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au département du Val-de-Marne de revaloriser sa pension de retraite ainsi que sa retraite additionnelle en prenant en compte l'avancement auquel il avait droit et les cotisations qu'il aurait versées au titre de la retraite additionnelle. Par un jugement n° 1600515 du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à payer à M. C... la somme de 243 720 euros au titre des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis. Procédure devant la cour : Par un arrêt avant dire droit du 9 avril 2021, la Cour a, sur la requête présentée par le département du Val-de-Marne tendant à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à M. C... la somme de 243 000 euros et au rejet des conclusions de M. C... présentées à titre incident, ordonné une expertise. Par une ordonnance du 1er juillet 2021, le président de la Cour administrative d'appel a désigné M. le docteur A... F... en qualité d'expert. M. le docteur A... F... a déposé son apport le 22 septembre 2023. Par un mémoire, enregistré le 4 décembre 2023, M. C... persiste dans ses précédentes conclusions par lesquelles il demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête du département du Val-de-Marne ; 2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, - de réformer le jugement n° 1600515 du 7 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 243 720 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis ; - de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une indemnité de 311 950 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 8 319,52 euros au titre des frais médicaux, des congés et heures dus et de 50 000 euros au titre du traitement discriminatoire ; - à titre subsidiaire, d'enjoindre au département du Val-de-Marne de revaloriser sa pension de retraite ainsi que sa retraite additionnelle afin de prendre en compte son avancement ; 3°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son conseil n'a pas été convoqué avec lui par l'expert ; - l'expert n'a pas pris en compte l'ensemble des pièces produites devant lui ; - le rapport d'expertise contient de nombreuses imprécisions et erreurs sur sa situation personnelle et rapporte des propos qu'il n'a pas tenus devant l'expert ; - le rapport d'expertise écarte à tort l'existence d'un syndrome de stress post-traumatique alors que l'expert relève par ailleurs des symptômes correspondant à ce syndrome. Par un mémoire enregistré le 2 février 2024, le département du Val-de-Marne, représenté par la SELAS Seban et associés, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement n° 1600515 du 7 mai 2019 en tant que le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser à M. C... une somme de 243 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis en ramenant le montant de l'indemnité due à de plus justes proportions ; 2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... au titre de l'appel incident ; 3°) de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise. Il soutient que : - l'expertise a été menée dans des conditions régulières ; - l'appréciation de l'expert doit être retenue s'agissant du taux de déficit fonctionnel permanent ; - M. C... n'établit pas avoir subi un préjudice d'agrément ni un préjudice esthétique ; - la réparation retenue par le tribunal au titre de la souffrance morale et des troubles dans les conditions d'existence est excessive. La clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2024 à 12 h 00 par une ordonnance du 4 janvier 2024. Un mémoire pour M. C... a été enregistré le 4 mars 2024 à 18h33, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué. Vu : - les autres pièces du dossier ; - l'ordonnance du 23 mai 2024, par laquelle le premier vice-président de la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. le docteur A... F.... Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bruston, - les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique, - et les observations de Me Lefébure, représentant le département du Val-de-Marne et de Me d'Allivy Kelly, représentant M. C.... Une note en délibéré a été enregistrée le 22 mars 2024 pour M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., technicien principal de première classe, affecté au sein de l'ancien service informatique du département du Val-de-Marne, a été victime, le 22 août 2008, d'une chute dans l'atelier du service, reconnue comme accident imputable au service le 4 février 2009. L'intéressé a été placé en congé de maladie du 22 août 2008 au 1er décembre 2014. La commission de réforme ayant reconnu son inaptitude définitive à toutes fonctions, M. C... a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2014 et bénéficie d'une pension d'invalidité comprenant une rente d'invalidité au taux de 59%. Par courrier du 27 juillet 2015, M. C... a présenté une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident du 22 août 2008, qui a été rejetée par un courrier du président du conseil départemental du Val-de-Marne du 18 novembre 2015. Par un jugement du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à payer à M. C... la somme de 243 720 euros au titre des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis. Le département du Val-de-Marne relève appel de ce jugement en tant qu'il a été condamné au versement d'une somme de 243 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux. M. C..., par la voie de l'appel incident, sollicite la réformation de ce jugement en tant que le tribunal n'a fait que partiellement droit à ses conclusions. Sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Val-de-Marne aux conclusions d'appel incident de M. C... : 2. Si M. C... a sollicité, devant le juge de première instance, l'indemnisation de ses préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime, en invoquant tant la responsabilité pour faute que la responsabilité sans faute du département, il résulte du jugement attaqué que les premiers juges ont prononcé la condamnation du département sur le fondement de la responsabilité sans faute après avoir écarté l'existence d'une faute de l'employeur public à l'origine des préjudices invoqués. Si M. C... expose par la voie de l'appel incident que l'accident de service est imputable à une faute de son employeur en raison d'une défaillance dans l'organisation du service, il soulève ainsi, à l'appui de sa demande de condamnation portant sur des préjudices distincts de ceux pour lesquels il a obtenu réparation, un moyen fondé sur une cause juridique distincte de celle qui fonde l'appel principal du département. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département du Val-de Marne aux conclusions d'appel incident doit être accueillie. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et des articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, les fonctionnaires des collectivités territoriales qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. 4. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. 5. Comme l'a jugé le tribunal administratif de Melun au point 5 de son jugement attaqué, sans que celui-ci soit discuté en cause d'appel, son accident du 22 août 2008 ayant été reconnu par le département du Val-de-Marne comme étant imputable au service, M. C... est fondé à prétendre, au titre de la responsabilité sans faute, à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux liés aux pertes de revenus et l'incidence professionnelle ou des préjudices personnels liés aux affections dont il est atteint du fait de cet accident. En ce qui concerne les dépenses de santé : 6. M. C... justifie avoir exposé, au titre des frais médicaux non pris en charge par l'assurance maladie, une somme de 1 405,52 euros correspondant à des séances de kinésithérapie et de rééducation de la main et du poignet gauche. Ces frais étant justifiés, M. C... est fondé à demander leur prise en charge par le département quand bien même celui-ci soutient qu'il n'a pas commis de faute. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux permanents : 7. En premier lieu, M. C... sollicite l'indemnisation de sa souffrance morale en faisant référence au déficit fonctionnel permanent dont il est atteint. Il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions de l'expertise contradictoire réalisée par M. le docteur F..., qui ne sont pas utilement remises en cause par M. C..., lequel se borne à pointer les imprécisions du rapport d'expertise sur sa situation personnelle et à contester les propos qu'il aurait tenus devant l'expert, que l'intéressé souffre d'algodystrophie au poignet ainsi que d'une dépression réactionnelle sans état psychiatrique antérieur mais que ni l'étude des pièces ni l'examen clinique ne retrouve de syndrome post-traumatique, en l'absence de reviviscence diurne et nocturne. Ni l'expertise médicale du docteur B..., médecin agréé, en date du 3 juin 2014 réalisée dans le cadre de l'attribution de la pension d'invalidité au requérant par la CNRACL, ni les certificats médicaux du Dr D..., psychiatre de M. C..., ne permettent de contredire ces conclusions. Il résulte, en outre, de l'instruction, que le taux d'incapacité permanente partielle liée aux séquelles au poignet, doit être évalué au taux non contesté de 35 %. S'agissant du syndrome de dépression réactionnelle, dès lors qu'il n'y a pas lieu de limiter, comme l'a fait l'expert, le taux d'incapacité au maximum du barème du concours médical, ce taux peut être fixé à 30 % conformément aux conclusions du docteur B.... En outre, il ressort des rapports d'expertise que le syndrome de dépression réactionnelle dont souffre M. C... est consécutif aux lésions dont il souffre au poignet, de sorte que ces différentes infirmités ont entre elles un rapport d'aggravation justifiant que soit appliquée la règle de la validité restante. Dès lors, le déficit fonctionnel permanent dont souffre, après consolidation, M. C..., né le 20 mai 1962, doit être fixé à 55 % comprenant 35 % d'invalidité pour une algodystrophie de la main gauche, et 30 % pour un syndrome dépressif, après application de la règle de la validité restante. Ainsi, le déficit fonctionnel permanent peut être évalué à la somme de 125 500 euros. 8. En deuxième lieu, s'il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait régulièrement pratiqué le " muay thaï ", il établit cependant qu'il exerçait bien, en 2007, une activité d'animateur sportif bénévole pour la Fédération de Muay Thai (boxe thaïlandaise) au sein du club omnisport de Villeneuve-Saint-Georges. Il y a lieu, dès lors, d'évaluer son préjudice d'agrément et les troubles dans les conditions d'existence subis à la somme de 12 500 euros. 9. En troisième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas des expertises médicales, que le requérant aurait subi un préjudice esthétique permanent, la circonstance qu'il serait obligé de porter constamment un bandage n'étant pas établie. Dès lors, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être rejetées. 10. Il résulte de tout ce qui précède que le département du Val-de-Marne est fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à M. C... la somme de 243 720 euros au titre des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis résultant de l'accident de service survenu le 22 août 2008 et à demander que le montant de l'indemnisation soit ramené à la somme de 139 405,52 euros. Sur les frais de l'expertise ordonnée en appel : 11. Les frais de l'expertise du docteur A... F... ordonnée par la Cour ont été taxés et liquidés à la somme de 2 400 euros par une ordonnance du 23 mai 2024 du premier vice-président de la cour administrative d'appel de Paris. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive du département du Val-de-Marne le paiement de ces frais. Sur les frais non compris dans les dépens : 12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La somme de 243 720 euros que le département du Val-de-Marne a été condamné à verser à M. C... est ramenée à la somme de 139 405,52 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 400 euros, sont mis à la charge définitive du département du Val-de-Marne. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié au département du Val-de-Marne, à M. C... et au préfet du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 15 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Bruston, présidents, M. Mantz, premier conseiller, Mme Saint-Macary, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024. La présidente rapporteure, S. BRUSTON L'assesseur le plus ancien, P. MANTZLa greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA02124
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 7ème chambre, 23/05/2024, 20LY02041, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1908888 du 27 mai 2020, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour La cour, par un arrêt avant dire droit no 20LY02041 du 31 mars 2022, a sursis à statuer sur les conclusions des parties et a ordonné une expertise aux fins de déterminer les caractéristiques et l'étiologie de la pathologie au titre de laquelle il sollicite l'attribution d'une pension d'invalidité et si elle trouve son origine, son déclenchement ou son aggravation dans les événements de service dont il fait état, et en tout état de cause le taux de l'invalidité en résultant. Par une ordonnance du 8 avril 2022, le président de la cour a désigné le Dr A... en qualité d'expert. Par une ordonnance du 15 décembre 2022, le président de la cour a désigné le Dr D... en qualité de sapiteur. Le rapport de l'expertise a été déposé au greffe de la cour le 16 janvier 2024. Le rapport d'expertise déposé le 16 janvier 2024 a été communiqué aux parties qui ont été invitées à produire leurs observations. Par une ordonnance du président de la cour du 23 janvier 2024, les frais d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 4 600 euros. Par des mémoires enregistrés le 13 février 2024 et le 1er mars 2024, M. C..., représenté par Me Borchtch, persiste dans ses précédentes conclusions, demandant de statuer, à titre principal, sur son taux d'invalidité définitif sur la base du rapport d'expertise du 15 janvier 2024 et de se prononcer sur l'imputabilité au service de son affection et, subsidiairement, de condamner l'administration à lui verser une somme de 165 402,50 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'il a subis, de porter la somme demandée à l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 6 000 euros et de mettre à la charge de l'État les entiers dépens, et notamment, les frais d'expertise médicale. Il soutient que : - l'affection dont il souffre résulte du service ; - le taux de sa pension militaire d'invalidité doit être fixé à 33,5 % ; - ses préjudices doivent être indemnisés. Par des mémoires enregistrés les 16 et 23 février 2024, le ministre des armées conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens. Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par une ordonnance du 1er mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2024. Par des courriers des 1er et 14 mars 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés, d'une part, de ce que la demande indemnitaire de M. C..., nouvelle en appel, était irrecevable, d'autre part, de ce que faute d'avoir présenté auprès de l'administration une demande de pension militaire d'invalidité pour infirmité liée à la dépression, les conclusions présentées à cet égard étaient également irrecevables. Le ministre a répondu à ces courriers par des mémoires enregistrés les 8 mars, 15 et 20 mars 2024, qui ont été communiqués pour les deux premiers. M. C... a répondu au second courrier par un mémoire enregistré le 18 mars 2024, qui a été communiqué. Vu les autres pièces du dossier ; - l'ordonnance du 9 juin 2022 par laquelle le président de la cour a accordé une allocation provisionnelle de 2 880 euros au Dr A... ; - l'ordonnance du 6 mars 2023 par laquelle le président de la cour a accordé une allocation provisionnelle de 880 euros au Dr D... ; - l'ordonnance du 22 janvier 2024 par laquelle le président de la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par le Dr A... à la somme de 3 600 euros TTC (en ce compris l'allocation provisionnelle) et par son sapiteur, le Dr D..., à la somme de 1 000 euros (en ce compris l'allocation provisionnelle). Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ; - et les observations de Me Borchtch, pour M. C... ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2024, présentée pour M. C... ; Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né en 1981, a exercé les fonctions de militaire sous contrat du 20 février 2009 au 19 février 2014, date de sa radiation des contrôles pour infirmité. Le 11 septembre 2015, il a sollicité auprès de la ministre des armées le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, refusée par une décision du 3 octobre 2017. M. C... relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Par un arrêt avant dire droit du 31 mars 2022, la cour a ordonné une expertise médicale concernant l'infirmité liée à son algie vasculaire faciale (AVF). L'expert désigné par le tribunal a rendu son rapport le 16 janvier 2024. Sur la recevabilité des conclusions : En ce qui concerne la pension militaire d'invalidité pour dépression : 2. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C..., dont la demande de pension militaire d'invalidité pour " algie vasculaire de la face (chronique) " a été refusée, aurait également saisi vainement l'administration d'une demande de pension pour " dépression ". Les conclusions présentées à ce dernier titre directement devant la cour sont dès lors irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 3. Les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices non couverts par la pension militaire d'invalidité, qu'il s'agisse de ses frais de santé, de ceux exposés pour l'assistance d'une tierce personne et des dépenses liées à l'incidence professionnelle, et de ses préjudices corporels et moraux, n'ont pas été soumises aux premiers juges. Elles sont donc nouvelles en appel et, par suite, irrecevables. Elles ne peuvent en conséquence qu'être rejetées. Sur l'ouverture des droits à pension militaire d'invalidité relatifs à l'algie vasculaire faciale (AVF) : 4. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 6 de ce même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...). ". Aux termes de l'article L. 2 de ce même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de dépôt de sa demande de pension par M. C... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 de ce code, dans sa version alors applicable : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) /3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples ". Aux termes de l'article L. 9 du même code : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 % (...) ". Et aux termes de son article L. 10 : " Les degrés de pourcentage d'invalidité (...) correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit se placer à la date de la demande de pension de l'intéressé pour évaluer ses droits à pension militaire d'invalidité, et notamment le taux d'invalidité résultant de l'infirmité en cause, soit en l'espèce, pour l'infirmité liée à l'algie vasculaire faciale dont souffre M. C..., au 11 septembre 2015. 6. Pour leur application, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. 7. Le guide barème, auquel l'administration se réfère, précise que l'appréciation de l'invalidité provoquée par les névralgies, auxquelles sont assimilées les algies, est un problème des plus délicats. Elles sont en effet des troubles essentiellement subjectifs, qui mettent en cause le degré de sincérité du malade, sa suggestibilité, son coefficient de tolérance, d'émotivité ou de pusillanimité. Selon ce guide, ces pathologies d'intensité moyenne, avec signes objectifs manifestes, gêne considérable de la marche et du travail donnent droit à un taux d'invalidité entre 25 et 40 %. 8. Dans son rapport d'expertise médicale du 15 janvier 2024, le médecin neurologue, qui rappelle que la littérature médicale confirme l'existence d'AVF causées par un traumatisme, indique que, depuis le choc pendant le temps du service dont il a été victime à l'arcade sourcilière droite lors d'un match de rugby le 21 décembre 2012, M. C... souffre de cette pathologie migraineuse atypique sévère et que cette dernière s'est aggravée, en particulier depuis des séances de tir d'entraînement le 14 juillet 2013 et de course à pied le 8 septembre 2014. Il résulte plus particulièrement de ce rapport que, malgré le délai qui sépare l'accident du 21 décembre 2012 de sa demande de pension pour infirmité, une filiation médicale directe et certaine existe entre cet accident et l'AVF dont il souffre. Si le ministre attribue cette algie au choc à l'origine de céphalées migraineuses subi du côté gauche par M. C... en octobre 2009 lors d'une rixe en dehors du service, rien au dossier ne permet de rattacher de manière plausible ces deux affections entre elles. Si M. C... ne s'est plaint de douleurs associées à l'AFV qu'au début du mois de janvier 2013, et non dans la semaine suivant le choc alors que, selon l'article de la revue médicale repris par l'expert dans son rapport, l'algie se développe dans ce délai, ce seul fait ne saurait suffire à remettre en cause la filiation médicale directe retenue par l'expertise. Il apparaît ainsi qu'une " filiation " au sens des dispositions ci-dessus existe entre l'accident qui s'est produit le 21 décembre 2012, mais également les deux autres évènements " traumatiques " survenus par la suite, et l'algie dont souffre M. C.... Sans être sérieusement contesté sur ce point, l'expert chiffre le taux de déficit fonctionnel de l'intéressé au taux de 30 % au 23 mars 2016, date de consolidation de sa pathologie, qui correspond à des troubles d'intensité moyenne, dans les limites fixées par le guide barème. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 3 octobre 2017 rejetant sa demande de pension militaire. 10. L'exécution du présent arrêt implique que la pension militaire d'invalidité de M. C... soit liquidée en tenant compte d'un taux de 30 % pour l'infirmité " algie vasculaire de la face ", à compter du 11 septembre 2015, date de la demande. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les dépens : 11. Les frais et honoraires de l'expertise judiciaire prescrite le 31 mars 2022 doivent être mis à la charge définitive de l'État. Sur les frais liés au litige : 12. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 mai 2020 et l'arrêté de la ministre des armées du 3 octobre 2017 sont annulés. Article 2 : Il y a lieu de fixer le pourcentage d'invalidité de M. C... au taux de 30 %. Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité de M. C... dans les conditions prévues ci-dessus. Article 4 : L'État versera une somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 600 euros, sont mis à la charge définitive de l'État (ministère des armées). Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre des armées. Une copie en sera adressée pour information au Dr A..., expert et au Dr D..., sapiteur, désignés par la cour. Délibéré après l'audience du 6 mai 2024 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 20LY02041 2 ar
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 5ème chambre, 24/05/2024, 23PA02469, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 octobre 2021 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a rejeté son recours gracieux tendant au bénéfice du complément d'allocation pour enfant à charge prévu à l'article D. 4123-6 du code de la défense, au titre de l'enfant de sa compagne, bénéfice qui lui avait été refusé une première fois par une décision du 19 aout 2021. Par un jugement n° 2126062 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée 5 juin 2023, M. B..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 avril 2023 ; 2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2021 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a rejeté sa demande de complément d'allocation pour enfant à charge, au titre de l'enfant de sa compagne ; 3°) d'enjoindre à l'administration de faire droit à sa demande de complément d'allocation et de la lui verser dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont entachés leur jugement d'une erreur de droit ; - les décisions sont entachées d'erreur de droit dès lors que le simple dépôt d'une demande d'adoption suffisait pour que le fils de sa compagne soit reconnu comme son enfant à charge ; - elles sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors que le fils de sa compagne est à sa charge et qu'une procédure d'adoption a été engagée ; - elles méconnaissent le principe d'égalité. Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2023, le directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, représenté par Me Abecassis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Dubois ; - les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ; - et les observations de Me Abecassis représentant l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., alors qu'il était sous-officier de la gendarmerie nationale, a été victime en décembre 2013 d'un accident de la circulation reconnu imputable au service. Cet accident lui a occasionné des infirmités entrainant une invalidité au taux de 100 %, justifiant l'octroi d'une pension d'invalidité par arrêté du 1er octobre 2018. Par un arrêté du 21 octobre 2020, M. B... a été radié définitivement des cadres de la gendarmerie pour réforme définitive à compter du 21 janvier 2021. M. B... a alors sollicité le bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire géré par l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP), sur le fondement des dispositions de l'article D. 4123-6 du code de la défense. Par une décision du 24 février 2021, une allocation de 53 421 euros et un complément d'allocation de 65 567 euros lui ont été attribués, tenant compte de ses deux enfants nés de sa relation avec sa compagne à laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité. M. B... a alors sollicité auprès de l'établissement public la prise en compte, aux fins de revalorisation de cette allocation, de l'enfant de sa compagne dont il partage la charge avec elle. Sa demande ayant été rejetée par une décision du 19 août 2021 du directeur de l'EPFP, il a formé, le 30 septembre 2021, un recours gracieux à l'encontre de celle-ci, rejeté par une décision du 7 octobre 2021. M. B... relève appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit. Sur le bien-fondé de la demande : 3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 4123-6 du code de la défense : " Lorsque l'infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l'intéressé :1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : a) S'il est marié ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou a des enfants à charge : montant égal à celui prévu à l'article D. 4123-4 pour le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant avec un ou plusieurs enfants à charge ; / b) Dans les autres cas : montant égal à celui prévu à l'article D. 4123-4 pour le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant sans enfant à charge; / c) Pour les taux d'invalidité inférieurs à 40 %, l'allocation principale est calculée proportionnellement au taux d'invalidité. / 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à celui fixé au 2° de l'article D. 4123-4. Les allocations visées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'intéressé. Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ". Aux termes du 2° de l'article D. 4123-4 du même code : " 2° Enfants à charge, c'est-à-dire âgés de moins de vingt-cinq ans ou infirmes : montant égal à la solde budgétaire annuelle correspondant à l'indice brut 702 (...). / Par enfant, il faut entendre : a) Les enfants légitimes ; / b) Les enfants naturels reconnus ; / c) Les enfants légitimes ou naturels reconnus, conçus avant le décès du militaire ; / d) Les enfants adoptés ayant fait l'objet d'une adoption simple ou plénière, sous réserve qu'avant le décès de l'intéressé : i) Pour l'adoption plénière, le placement de l'enfant en vue de son adoption prévu à l'article 351 du code civil ait été effectivement réalisé ;ii) Pour l'adoption simple, la requête prévue à l'article 353 du code civil ait été déposée ". 4. Au soutien de sa demande de révision du complément d'allocation qui lui a été allouée sur le fondement de l'article D. 4123-6 du code de la défense en conséquence de son inaptitude totale à ses fonctions militaires, M. B... fait valoir que les dispositions précitées ouvrent droit, pour le calcul du taux du complément d'allocation prévu au 2° de l'article D. 4123-6 du code de la défense, à la prise en compte d'un enfant non encore adopté à la date de la demande d'allocation, dont la procédure d'adoption simple est en cours. Il en conclut que le taux du complément d'allocation auquel il a droit en application des dispositions précitées devrait tenir compte de l'enfant de sa partenaire de pacte civil de solidarité, pour lequel il a déposé le 28 décembre 2020 auprès du tribunal judiciaire de Bordeaux une requête aux fins d'adoption simple. Toutefois, les dispositions du 2° de l'article D. 4123-4, auxquelles renvoient celles de l'article D. 4123-6 n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre la prise en compte d'un enfant dont l'adoption n'aurait pas été prononcée. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que les décisions de l'EPFP refusant de prendre en compte l'enfant de sa compagne pour le calcul de l'allocation qui lui est versée serait entachée d'erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées des articles D. 4123-4 et D. 4123-6 du code de la défense. 5. En second lieu, M. B... soutient que la décision du directeur de l'EPFP méconnaitrait le principe d'égalité, dès lors que le fils de sa compagne est à sa charge au même titre que les deux enfants nés de leur relation. Toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative règle de façon différente des situations différentes, à la condition que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. A cet égard, les deux enfants nés de la relation de M. B... avec la partenaire avec laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité se trouvent dans une situation différente de celle de l'enfant de sa compagne issu d'une précédente relation, avec lequel il n'a pas de lien juridique, et la différence de traitement résultant de la différence de situation entre ces enfants ne présente pas de caractère disproportionné. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que celles à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence. Sur les frais liés à l'instance : 7. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPFP le versement de la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 8. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros demandée par l'EPFP sur le fondement des mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre des armées et au directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Vinot, présidente de chambre, - M. Marjanovic, président assesseur, - M. Dubois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024. Le rapporteur, J. DUBOIS La présidente, H. VINOT La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02469
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21/05/2024, 21VE02426, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a contesté devant le tribunal administratif d'Orléans la décision du 9 février 2018 du ministre des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité et demandé d'ordonner une expertise médicale. Par un jugement n° 1903876 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 août 2021 et le 23 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Moumni, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 9 février 2018 ; 3°) d'ordonner une expertise afin d'évaluer le taux d'invalidité et le lien d'imputabilité au service ; 4°) d'enjoindre au ministre des armées de prendre une décision d'imputabilité au service dans un délai de deux mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le tribunal a omis de statuer sur sa demande d'annulation de la décision du 9 février 2018 ; - la concordance des temps entre la survenance des douleurs et le service constitue un fait précis ; - compte tenu de son anomalie morphologique, le sport intensif a déclenché des douleurs aux genoux ; elle bénéficie ainsi d'une présomption d'imputabilité ; - elle n'avait aucun signe de gonarthrose avant son intégration ; - sa maladie n'est pas rattachable à un fait précis mais aux conditions de service ; - l'administration ne démontre pas que la pratique sportive n'a pas aggravé son état. Par deux mémoires en défense enregistrés le 17 décembre 2021 et le 27 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - à la date de la demande de pension, la présomption d'imputabilité invoquée par la requérante n'existait pas ; - ses douleurs aux genoux n'ont pas été constatées pendant une période ouvrant droit au bénéfice de la présomption ; - les conditions générales de service ne constituent pas une preuve d'imputabilité ; - elle ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité au service. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 février 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a souscrit un contrat d'engagement dans l'armée de l'air de quatre ans le 5 mai 2011. A l'issue de son contrat, elle a été radiée des cadres le 5 mai 2015. Le 30 juillet 2017 elle a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour des gonalgies. Par décision en date du 9 février 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'expertise en contestant la légalité de cette décision. Sur la régularité du jugement : 2. Si Mme A... soutient que le tribunal a omis de statuer sur sa demande d'annulation de la décision du 9 février 2018, il ressort toutefois de ses écritures de première instance qu'elle ne demandait pas expressément l'annulation de cette décision. En tout état de cause, pour rejeter la demande d'expertise présentée par Mme A..., le tribunal s'est prononcé sur le bien-fondé de la décision du 9 février 2018 en considérant que Mme A... ne rapportait aucun fait précis ni circonstances particulières lesquelles ne peuvent être constituées par les exercices sportifs imposés pendant les classes, auxquels pourrait être imputée sa pathologie, et que par conséquent, une expertise n'était pas justifiée. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ". Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'elle n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'elle a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile. 4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code dans sa version applicable à la date de la demande instaurant les conditions d'une présomption d'imputabilité lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire : " (...)La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. " 5. Il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui n'allègue pas avoir accompli des services en temps de guerre, campagne de guerre ou en opération extérieure ne se trouvait dans aucun des cas limitativement prévus par les dispositions précitées au point 4 de l'article L. 121-2 dans sa rédaction alors en vigueur du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre dans lesquels la présomption d'imputabilité s'applique. 7. En second lieu, Mme A... soutient que la pratique intensive de sport pendant ses classes est à l'origine de la gonarthrose dont elle souffre dès lors qu'elle présentait une anomalie morphologique appelée genu varum. Elle produit un certificat médical de juillet 2021 d'un chirurgien orthopédique spécialiste de la hanche et du genou attestant avoir eu la requérante en consultation le 5 octobre 2012 pour des douleurs aux genoux et mentionnant que sur un genou varum, " un effort physique intense peut favoriser des douleurs. Elles pourraient être liées à un effort intense fourni pendant les classes militaires ". Elle produit également un courrier d'un chirurgien orthopédiste du 17 juillet 2012 selon lequel les gonalgies apparaissent dans certaines positions, debout ou assise, et dans les exercices physiques et préconisant de la dispenser d'épreuves physiques sollicitant de façon répétée les membres inférieurs. Toutefois, ces certificats ne permettent pas d'imputer, même de façon probable, les douleurs dont souffre Mme A... à la pratique sportive pendant ses classes, dont elle ne précise au demeurant pas la durée. Par ailleurs, il ressort du livret médical militaire enregistrant chronologiquement les consultations médicales de l'intéressée que les douleurs aux genoux ne sont indiquées pour la première fois qu'au cours de la consultation du 30 juin 2012 alors que Mme A... a procédé auparavant, depuis son incorporation, à plusieurs consultations pour des motifs médicaux divers. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'apparaît pas de " concordance temporelle " entre sa période de formation militaire initiale et l'apparition de ses gonalgies susceptible d'établir l'existence d'un lien. Dans ces conditions, la demande d'expertise ne présente pas d'utilité et doit être par suite rejetée. Par conséquent et en tout état de cause, les conclusions présentées en appel tendant à l'annulation de la décision du 9 février 2018 doivent également être rejetées. 8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction, celles tendant à ce que la cour fixe un taux d'invalidité et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, M. Ablard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024. La rapporteure, A-C. LE GARS Le président, S. BROTONS La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 21VE02426 2
Cours administrative d'appel
Versailles
cour administrative d'appel de Toulouse, , 30/05/2024, 23TL01783, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat, pris en la personne du ministre de la culture, à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 15 620 euros. Par une ordonnance n° 2303064 du 6 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à Mme A... à titre de provision la somme de 15 620 euros et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, la ministre de la culture demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de rejeter la demande de Mme A.... Elle soutient que : - s'il n'est pas contesté que les maladies contractées par Mme A... en 2012 et 2020 ont été reconnues imputables au service et consolidées au 28 mars 2022 avec des taux d'incapacité permanente partielle (IPP) respectivement de 10% et 2%, Mme A... n'établit pas la réalité et l'étendue du préjudice extrapatrimonial allégué en se bornant à se référer au référentiel Mornet. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, Mme B... A... représentée par Me Betrom conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - le taux d'incapacité est en lui-même la preuve d'un préjudice extra-patrimonial ; - le barème Mornet sur lequel la demande a été fondée est équivalent au barème de l'ONIAM concernant les préjudices extra-patrimoniaux. Par une ordonnance du 3 octobre 2023, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 3 novembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., technicienne d'art à la Manufacture de la savonnerie de Lodève (Hérault), a été victime de maladies professionnelles, déclarées les 13 mars 2012 et 19 juin 2020, qui ont été reconnues imputables au service par le ministre de la culture par décision du 1er juin 2020 fixant des taux d'incapacité permanente partielle (IPP) respectivement de 10% et 2%. Elle a sollicité, par une réclamation préalable du 13 mars 2022, la réparation de ses préjudices extra patrimoniaux au titre de la responsabilité sans faute de l'administration. Cette réclamation étant restée sans réponse, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier qui, par une ordonnance n° 2303064 du 6 juillet 2023, a condamné l'Etat à lui verser à titre de provision la somme de 15 620 euros et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la présente requête, la ministre de la culture relève appel de cette ordonnance. Sur la provision : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. 3. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait. 4. Pour estimer que l'obligation dont se prévalait Mme A... n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a pu se fonder sur la décision du 1er juin 2020 fixant les taux d'incapacité permanente partielle (IPP) respectivement de 10% et 2%. La ministre de la culture n'apporte en appel aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation. Il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu, Mme A... n'avait pas à apporter d'autres éléments pour justifier de l'existence de ses préjudices. 5. Par ailleurs, en fixant à la somme de 15 620 euros le montant de la provision à laquelle l'intimée pouvait prétendre compte tenu de son âge de 62 ans à la date de sa consolidation, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier n'a pas fait une évaluation excessive de ses préjudices. 6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la ministre de la culture tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2303064 du 6 juillet 2023 doit être rejetée. Sur les frais liés à l'instance : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. ORDONNE : Article 1er : La requête de la ministre de la culture est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de la culture et à Mme B... A.... Fait à Toulouse, le 30 mai 2024. La juge d'appel des référés, A. Geslan-Demaret La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 2 N°23TL01783
Cours administrative d'appel
Toulouse
Conseil d'État, Juge des référés, 27/05/2024, 493413, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 11 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... doit être regardé comme demandant au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre et d'annuler l'exécution de la décision implicite de rejet de sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2020-335 du 25 mars 2020 ; 2°) de suspendre et d'annuler l'exécution de la décision implicite de rejet de sa demande tendant au versement d'une pension militaire d'invalidité ; 3°) d'ordonner une expertise médicale tendant à l'évaluation de ses préjudices ; 4°) d'instruire sa demande de pension militaire d'invalidité ; 5°) d'ordonner le versement rétroactif d'une pension militaire d'invalidité à compter de l'année 1997 ; 6°) de condamner le ministre des armées à lui verser des dommages et intérêts du fait de la durée excessive de la procédure ; 7°) de condamner le ministre des armées aux entiers dépens. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. D'une part, M. B... demande que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation du décret n° 2020-335 du 25 mars 2020. Cependant, il n'invoque aucun élément permettant de regarder la condition d'urgence comme satisfaite. 3. D'autre part, le juge des référés du Conseil d'Etat ne peut être régulièrement saisi, en premier et dernier ressort, d'une requête tendant à la mise en œuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prendre ressortit lui-même à la compétence directe du Conseil d'Etat. L'article R. 522-8-1 du même code prévoit que, par dérogation aux dispositions du titre V du livre III relatif au règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative, le juge des référés qui entend décliner la compétence de la juridiction rejette les conclusions dont il est saisi par voie d'ordonnance. 4. M. B... doit être regardé comme demandant au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite de rejet de sa demande tendant au versement d'une pension militaire d'invalidité, d'instruire sa demande de pension militaire d'invalidité, d'ordonner une expertise médicale tendant à l'évaluation de ses préjudices, d'ordonner le versement rétroactif d'une pension militaire d'invalidité à compter de l'année 1997, de condamner le ministre des armées à lui verser des dommages et intérêts du fait de la durée excessive de la procédure. Toutefois, ce recours n'est pas manifestement au nombre de ceux dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître en premier et dernier ressort. 5. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que la requête de M. B... ne peut être accueillie. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B.... Fait à Paris, le 27 mai 2024 Signé : Christophe ChantepyECLI:FR:CEORD:2024:493413.20240527
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 3ème chambre, 30/04/2024, 22LY03444, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure I- Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 mars 2020 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Mens a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute du 5 septembre 2016 au 4 septembre 2017, la décision du 10 juin 2020 portant rejet de son recours gracieux et les arrêtés successifs la plaçant en congé de maladie non imputable au service puis en disponibilité d'office pour raison de santé. II- Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre exécutoire n° 732 du 26 août 2020 d'un montant de 5 895,05 euros émis par l'EHPAD de Mens, correspondant à l'indemnité journalière qui lui a été versée du 5 septembre 2019 au 29 février 2020. Par un jugement nos 2004197-2005895 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation du titre exécutoire du 26 août 2020 émis au titre de la récupération des indemnités journalières, et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 24 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Kummer, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2022 ; 2°) d'annuler les décisions de la directrice de l'EHPAD intercommunal de Mens du 16 mars et du 10 juin 2020 et les arrêtés successifs la plaçant en congé de maladie non imputable au service puis en disponibilité d'office pour raison de santé, ainsi que le titre exécutoire du 26 août 2020 et la décision de la directrice de l'EHPAD datée du même jour ; 3°) d'enjoindre à la directrice de l'EHPAD de Mens de prendre une décision de reconnaissance de la rechute le 5 septembre 2016 de sa maladie imputable au service du 7 avril 2014, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de la mettre dans une position statutaire régulière et de procéder à la reconstitution de carrière à compter du 5 septembre 2016, ou de la faire convoquer par un médecin expert psychiatre agrée afin de dire s'il y a consolidation, fixer la date et le taux d'invalidité partielle permanente ; 4°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise médicale ; 5°) de mettre à la charge de l'EHPAD intercommunal de Mens une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle peut utilement contester la régularité de l'avis rendu le 7 novembre 2017 par la commission de réforme, les décisions attaquées étant fondées sur cet avis, et le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 février 2020 ne s'étant pas prononcé sur sa régularité ; - elle n'a pas été informée de la date de la séance de la commission de réforme ni de ses droits, en méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 ; le médecin de prévention n'a pas non plus été informé de la séance et n'a pas remis de rapport écrit ; la commission de réforme était irrégulièrement composée faute de comporter un psychiatre ; - sa maladie est imputable au service ; - le tribunal administratif était compétent pour statuer sur le litige relatif aux indemnités journalières, qui est la conséquence du refus de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service ; - le titre exécutoire ne comporte pas les éléments textuels, les bases de liquidation et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde ; - elle a droit au maintien d'un demi-traitement pour la durée de la procédure d'admission à la retraite. La requête a été communiquée à l'EHPAD intercommunal de Mens, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par ordonnance du 14 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2024. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 26 janvier 1986 ; - le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. En exécution d'un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 mai 2019 (n° 1604420), l'EHPAD intercommunal de Mens a reconnu l'imputabilité au service de la pathologie pour laquelle Mme B..., infirmière titulaire, avait bénéficié d'arrêts de travail du 7 avril 2014 au 30 novembre 2014. L'intéressée, de nouveau arrêtée à compter du 5 septembre 2016, a demandé la reconnaissance d'une rechute de sa pathologie professionnelle. Par un jugement du 18 février 2020 (n° 1800116), le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 13 novembre 2017 par laquelle la directrice de l'EHPAD l'avait maintenue en congé pour maladie ordinaire du 5 septembre 2016 au 4 septembre 2017, pour insuffisance de motivation. Par une décision du 16 mars 2020, la directrice de l'EHPAD a opposé un nouveau refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressée pour laquelle elle avait été arrêté à compter du 5 septembre 2016, et l'a maintenue en congé de maladie ordinaire pour cette période. Le 10 juin suivant la directrice de l'EHPAD a rejeté le recours gracieux formé par Mme B..., par une décision du 16 juin suivant, elle l'a maintenue en disponibilité pour raison de santé jusqu'au 4 septembre 2020. Par ailleurs, par un titre exécutoire émis le 26 août 2020, la directrice de l'EHPAD a réclamé à l'intéressée le reversement d'une somme de 5 895,05 euros correspondant à l'indemnité journalière qui lui avait été versée pour la période du 5 septembre 2019 au 29 février 2020. Mme B... relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 16 mars 2020 et 10 juin 2020, des arrêtés successifs l'ayant placée en congé de maladie ordinaire puis en disponibilité d'office pour raison de santé, du titre exécutoire du 26 août 2020 et du courrier l'accompagnant. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L.142-1 du code de la sécurité sociale : " Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs : / 1° A l'application des législations et réglementations de sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire : " Des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent : / 1° Des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 321-1 5° du code de la sécurité sociale : " L'assurance maladie comporte : (...) 5° l'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant (...) de continuer ou de reprendre le travail (...) ". Aux termes de l'article R. 323-11 du même code : " La caisse primaire de l'assurance maladie n'est pas fondée à suspendre le service de l'indemnité journalière lorsque l'employeur maintient à l'assuré, en cas de maladie, tout ou partie de son salaire ou des avantages en nature, soit en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, soit en vertu des usages, soit de sa propre initiative. / Toutefois, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues. / Lorsque, en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, le salaire est maintenu en totalité ou en partie sous déduction des indemnités journalières, l'employeur qui paie tout ou partie du salaire pendant la période de maladie sans opérer cette déduction est subrogé de plein droit à l'assuré dans ses droits aux indemnités journalières pour la période considérée, à condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période. / Dans les autres cas, l'employeur est seulement fondé à poursuivre auprès de l'assuré le recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières, dans la limite du salaire maintenu pendant la même période. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1960 relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial : " Le présent décret fixe le régime de sécurité sociale applicable, en matière d'assurance maladie, maternité, décès et invalidité (allocations temporaires et soins), aux agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial, affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou à un régime spécial de retraites ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " I. En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 321-1 dudit code, a droit à une indemnité (...) ". 3. En ce qui concerne les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des collectivités publiques, le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend. En l'espèce, l'EHPAD intercommunal de Mens a versé à Mme B... des indemnités journalières constituant des prestations versées à un assuré social en application du code de la sécurité sociale. Est sans incidence à cet égard la circonstance que ces prestations ont été versées à l'intéressée du fait que l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 5 septembre 2016 n'a pas été reconnue par l'administration. Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont décliné la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur ce litige. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le refus de reconnaissance de l'imputabilité de la maladie au service : 4. Aux termes de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1986 visée ci-dessus, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, applicable en l'espèce compte tenu de la date à laquelle la maladie en litige a été diagnostiquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 visé ci-dessus : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 5. Lorsqu'un acte est annulé par le juge pour vice de forme, l'administration peut, pour reprendre la même décision, se référer au premier avis émis par un organisme consultatif sans le consulter à nouveau, sous réserve que cet avis ne soit entaché d'aucune irrégularité. Il ne ressort de la circonstance que Mme B... ne s'est pas prévalue des dispositions de l'arrêté du 4 août 2004 au cours de l'instance à l'issue de laquelle le tribunal administratif de Grenoble a rendu son jugement du 18 février 2020, ni qu'elle ne serait plus recevable à le faire à l'encontre des décisions des 16 mars et 10 juin 2020, ni qu'elle a été informée conformément à ces dispositions avant la séance tenue par la commission de réforme le 4 novembre 2017. En l'absence de toute pièce au dossier justifiant de ce qu'elle a été informée de la séance et de ses droits, elle a été effectivement privée d'une garantie. Elle est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande relative au refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête. En ce qui concerne les décisions portant placement en congé de maladie ordinaire puis en disponibilité d'office pour raison de santé : 6. Mme B... doit être regardée comme demandant à la cour d'annuler la décision du 16 mars 2020 l'ayant placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 5 septembre 2016 au 4 septembre 2017, ainsi que les décisions l'ayant placée pour les périodes ultérieures en disponibilité d'office pour raison de santé. 7. En premier lieu, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Les décisions ayant placé Mme B... en disponibilité d'office pour raison de santé pour les périodes du 5 septembre 2017 au 4 mars 2020 étant antérieures à la décision du 16 mars 2020 et non consécutives à celle-ci, le moyen tiré de ce qu'elles doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de cette dernière décision doit être écarté. 8. En deuxième lieu, la décision du 16 mars 2020 ayant placé Mme B... en congé de maladie du 5 septembre 2016 au 4 septembre 2017 et la décision du 16 juin 2020 ayant prolongé le placement en disponibilité pour raison de santé de la requérante jusqu'au 4 septembre 2020, édictées consécutivement à la décision du 16 mars 2020 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie en litige, doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de cette dernière. La requérante est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre ces décisions. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. Les annulations prononcées par le présent arrêt impliquent seulement, eu égard à leurs motifs, que l'administration réexamine la situation de Mme B..., en procédant régulièrement aux consultations légalement requises. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois. Sur les frais liés au litige : 10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD intercommunal de Mens le paiement des frais exposés par Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Les décisions de la directrice de l'EHPAD intercommunal de Mens du 16 mars 2020 portant, d'une part, refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... et d'autre part, placement de celle-ci en congé de maladie ordinaire du 5 septembre 2016 au 4 septembre 2017, la décision du 10 juin 2020 portant rejet du recours gracieux et celle du 16 juin 2020 portant prolongation d'une disponibilité d'office pour raison de santé, sont annulées. Article 2 : Le jugement n° 2004197-2005895 du 27 septembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : Il est enjoint à l'EHPAD intercommunal de Mens de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et à l'EHPAD intercommunal de Mens. Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY03444
Cours administrative d'appel
Lyon