Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de PARIS, 8ème chambre, 29/04/2024, 23PA02016, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées lui a accordé une pension militaire d'invalidité limitée à 35 % à compter du 26 août 2015 en raison d'un état post-traumatique et d'acouphènes bilatéraux permanents et d'enjoindre à la ministre des armées de lui allouer une pension militaire d'invalidité au taux de 65 %, soit 40 % pour le psycho-syndrome post-traumatique et 25 % pour l'hypoacousie gauche et acouphènes. Par jugement n° 1923751/5-3 du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 janvier 2019 de la ministre des armées en tant que la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... a été rejetée pour l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a fixé le taux de l'infirmité " état de stress post-traumatique " à 30 % à compter de la demande de révision du 26 août 2015 et a porté la pension de M. A... au taux global de 45 %, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gozlan d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise. Procédure devant la cour : Par requête enregistrée le 10 mai 2023, M. A..., représenté par Me Gozlan, demande à la cour : 1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1923751 du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident de 1987 ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 28 janvier 2019 en tant qu'a été rejetée sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident du 27 mai 1987 ; 3°) de lui allouer une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles d'hypoacousie " au taux de 15 % ; 4°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise médicale. Il soutient que : - le jugement attaqué a dénaturé le rapport d'expertise qui retenait une presbyacousie des deux côtés ; - la preuve de l'imputabilité entre ses pertes d'audition, nouvelle infirmité dont il souffre, et l'accident subi le 27 mai 1987 est rapportée par l'expertise du docteur D... et par le docteur C... ; - le rapport d'expertise qui a été déposé auprès du tribunal administratif de Paris est incomplet dès lors que : - devait être prise en compte par l'expert judiciaire l'expertise la plus proche de la date de la demande de révision de la pension, à savoir celle qui a été réalisée par le docteur C... en 2017, qui reconnaît l'imputabilité de l'infirmité au service et l'évalue à un taux de 15 % d'invalidité, - elle ne fixe pas le taux d'invalidité liée au supplément d'invalidité en rapport avec le service, l'affirmation selon laquelle les troubles auditifs d'origine traumatique se stabilisent au fil du temps quand l'origine du traumatisme disparu est contredite par d'éminents spécialistes, - les affirmations de la ministre des armées concernant le caractère stationnaire voire régressif des hypoacousies d'origine sono-traumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées ne sont ni documentées ni justifiées, - concernant la maladie de Ménière l'expertise du docteur C... pallie les lacunes du rapport d'expertise du docteur D.... Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, le ministre des armées conclut au rejet de l'appel de M. A.... Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 6 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 1er février 1953, a servi dans l'armée du 14 septembre 1969 jusqu'au 7 mars 2003, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par arrêté du 10 juin 2003, une pension militaire d'invalidité lui a été accordée au taux de 20 % avec jouissance à compter du 7 mars 2003 en raison d'un " psycho-syndrome post-traumatique " évalué à 10 % et d'" acouphènes bilatéraux permanents " évalués à 10 % en raison des blessures éprouvées par le fait du service et décelées respectivement les 24 juillet 1994 et 27 mai 1987. M. A... a demandé, le 26 août 2015, la révision de sa pension pour aggravation de ses deux infirmités pensionnées et a également demandé l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en raison d'une hypoacousie bilatérale et d'une baisse auditive bilatérale. Par décision du 28 janvier 2019, la ministre des armées lui a accordé un titre de pension militaire d'invalidité de 35 % en raison d'un " état de stress post-traumatique " évalué à 20 % et d'" acouphènes bilatéraux permanents " dont le taux d'invalidité a été maintenu à 10 %. Par ailleurs, dans la fiche descriptive des infirmités du 12 février 2019, il a été précisé à M. A... que l'hypoacousie bilatérale imputable à la blessure contractée en service et constatée le 27 mai 1987 par défaut de preuve et de présomption n'ouvrait pas droit à indemnisation compte tenu du taux d'invalidité évalué à 0 %, que la nouvelle baisse auditive bilatérale n'était pas imputable au service et du fait qu'il s'agissait d'une infirmité postérieure au service. 2. M. A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées lui a accordé une pension militaire d'invalidité limitée à 35 % à compter du 26 août 2015 en raison d'un état post-traumatique et d'acouphènes bilatéraux permanents et d'enjoindre à la ministre des armées de lui allouer une pension militaire d'invalidité au taux de 65 %, soit 40 % pour le psycho-syndrome post-traumatique et 25 % pour l'hypoacousie gauche et acouphènes. Par jugement avant-dire droit du 5 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a ordonné une expertise visant à déterminer le taux d'invalidité relatif au " psycho-syndrome post-traumatique " et le lien entre l'hypoacousie dont souffre M. A... et l'accident de service du 27 mai 1987. Les rapports d'expertise des docteurs D... et Schweitzer ont été déposés les 19 août et 28 octobre 2022. 3. Par jugement du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 janvier 2019 de la ministre des armées en tant que la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... a été rejetée pour l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a fixé le taux de l'infirmité " état de stress post-traumatique " à 30 % à compter de la demande de révision du 26 août 2015 et a porté la pension de M. A... au taux global de 45 %, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gozlan d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident de 1987. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En considérant que la majoration de l'atteinte auditive dont souffre M. A... du côté droit était liée à une presbyacousie et, pour le côté gauche, à une maladie de Ménière, les premiers juges qui n'ont pas exclu une presbyacousie du côté gauche n'ont, en tout état de cause, pas dénaturé le rapport d'expertise déposé devant eux. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à critiquer le jugement sur ce point. Sur la légalité de la décision du 28 janvier 2019 en tant qu'a été rejetée la demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident du 27 mai 1987 : 5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version applicable à la date de la demande de M. A... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 6. Il résulte de ces dispositions que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 7. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports rédigés les 10 juin 1975 et 30 juin 1987 respectivement par le capitaine commandant l'escadrille ALAT de l'école d'application de l'infanterie et par le lieutenant-colonel commandant du 44ème régiment d'infanterie que M. A..., sous-officier, mécanicien sur hélicoptère à l'école d'application de l'infanterie, a été amené à travailler à proximité de turbines en fonctionnement depuis trois années et a signalé le 4 juin 1975 une baisse acoustique ressentie depuis plusieurs semaines. Le 27 mai 1987, il a été exposé à un niveau sonore élevé lors de l'atterrissage d'un hélicoptère alors qu'il ne portait pas de protections auditives et il résulte du registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service du 44ème régiment d'infanterie, qu'il a alors été hospitalisé à l'hôpital d'instruction des armées Bégin du 2 au 11 juin 1987 au sein du service ORL pour " surdité de perception gauche de type endocochléaire ". Le bilan auditif réalisé le 13 mars 1991 a montré que ce dernier était atteint d'une audition symétrique avec des deux côtés une hypoacousie modérée sur les fréquences aiguës. 8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A... a été victime, le 24 juillet 1994, de multiples traumatismes dont une atteinte auditive gauche et des troubles de l'équilibre. Il résulte de la fiche descriptive des infirmités du 12 février 2019 qu'il a subi des pertes auditives successives moyennes de 12,5 décibels à l'oreille droite et de 5 décibels à l'oreille gauche et de 10 décibels à l'oreille droite et de 92,5 décibels à l'oreille gauche. 9. Il résulte du rapport d'expertise du 3 février 2017, que le docteur C..., oto-rhino-laryngologiste mandaté par la direction des ressources humaines du ministère de la défense dans le cadre de l'instruction de la demande de révision de pension pour aggravation présentée par M. A..., a relevé une perte auditive de l'intéressé de 10 décibels à l'oreille droite et 92,5 décibels à l'oreille gauche, a fixé le taux d'invalidité lié à cette infirmité à 15 % et a noté que " indiscutablement on retient une aggravation de la surdité liée au Ménière ". La commission de réforme des pensions militaires d'invalidité a rendu un avis dans sa séance du 16 janvier 2019 considérant qu' " il n'existe pas de lien actuel pouvant rattacher l'hypoacousie actuelle avec les pathologies survenues en service " et a retenu que la nouvelle baisse auditive bilatérale correspondant à 10 décibels à l'oreille droite et à 92,5 décibels à l'oreille gauche évalué à un taux d'invalidité de 15 % n'était pas imputable au service et notamment pas rattachable à la blessure du 27 mai 1987. 10. Selon le rapport d'expertise daté du 19 août 2022 rédigé par le docteur D..., désigné par le tribunal administratif de Paris, M. A... présente une atteinte auditive bilatérale des deux côtés en rapport avec des traumatismes sonores et une majoration à gauche due à la maladie de Ménière diagnostiquée en 1995. Il ajoute que l'hypoacousie post-traumatique se stabilise lorsque l'exposition aux nuisances sonores a cessé et que la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est liée des deux côtés à l'évolution avec l'âge conduisant à une presbyacousie et du côté gauche à la maladie de Ménière qui a conduit à une surdité sévère. Il précise que seule une partie des séquelles d'hypoacousie dont il souffre est en rapport direct et certain avec l'accident de service du 27 mai 1987 et que le bilan auditif réalisé en 1991 a montré une hypoacousie bilatérale modérée sur les fréquences aiguës. Il en conclut qu'à la date de la demande, le 26 août 2015, l'intéressé souffrait des séquelles des traumatismes sonores qu'il a subis à savoir des acouphènes et une atteinte auditive sur les fréquences aiguës sans prendre en compte la majoration de l'atteinte auditive gauche liée à la maladie de Ménière. 11. Il résulte de ces différentes expertises que les atteintes auditives dont M. A... se prévaut étaient modérées après l'accident de service dont il a été victime le 27 mai 1987, comme l'a montré le bilan auditif réalisé le 13 mars 1991. Si le ministre des armées soutient que l'hypoacousie post-traumatique se stabilise lorsque l'exposition aux nuisances sonores a cessé, M. A... produit des rapports d'expertise ou commentaires de médecins spécialistes ayant examiné des patients dont il indique que la situation serait comparable à la sienne, et qui indiquent au contraire qu'en cas de violent traumatisme sonore, la stabilisation n'est qu'apparente " pendant un temps plus ou moins long " et que " très souvent une dégradation cochléaire plus rapide que le voudrait l'âge du patient est constatée ". Les éléments ainsi produits par M. A... ne sont toutefois pas suffisants pour démontrer que la part de la nouvelle baisse auditive bilatérale dont il se prévaut pourrait être rattachée, en tout ou partie, de manière directe et certaine à l'accident de service du 27 mai 1987. Par ailleurs, il résulte des différentes expertises précitées qu'en ce qui concerne l'oreille gauche, la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est également liée à l'âge conduisant à une presbyacousie et elle est aussi la conséquence de la maladie de Ménière qui a conduit à une surdité sévère. Quant à l'oreille droite, aucun élément du dossier ne permet d'établir que l'hypoacousie modérée qui a été constatée à la date la plus proche de l'accident de service du 27 mai 1987 à savoir lors du bilan auditif réalisé le 13 mars 1991 se serait aggravée de manière directe et certaine en lien avec cet accident alors que l'expert désigné par le tribunal a relevé que la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est liée des deux côtés à l'évolution avec l'âge conduisant à une presbyacousie. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir que l'hypoacousie correspondant à la nouvelle baisse auditive bilatérale dont s'est prévalu M. A... dans sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité serait en lien direct et certain avec l'accident de service dont il a été victime le 27 mai 1987, aucune révision de sa pension militaire d'invalidité ne peut lui être allouée à ce titre. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions doivent, dès lors, être rejetées dans leur ensemble. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024. La rapporteure, A. Collet La présidente, A. Menasseyre La greffière, N. Couty La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02016
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 07/05/2024, 22MA00027, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, dans l'instance enregistrée sous le n° 2003709, d'annuler la décision du 3 octobre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis a refusé de reconnaître son accident du 17 juin 2019 imputable au service, ensemble la décision implicite rejetant sa demande de maintien du plein traitement dans l'attente de l'avis de la commission de réforme et d'enjoindre au directeur de l'établissement de la placer à plein traitement à compter du 26 août 2019 et de lui verser les sommes afférentes, et, dans l'instance enregistrée sous le n° 2105011, d'annuler la décision du 9 avril 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis a refusé de reconnaître son accident du 17 juin 2019 imputable au service et de prononcer les mêmes mesures d'injonction. Par un jugement n° 2003709 et 2105011 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l'annulation de la décision du 3 octobre 2019 et de la décision du 18 janvier 2020, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 janvier 2022 et le 2 juin 2022, Mme A..., représentée par la SELARL NOÛS Avocats, agissant par Me Leturcq, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2003709 et 2105011 du 25 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté sa requête n° 21005011 tendant à l'annulation de la décision du 9 avril 2021 refusant de reconnaître son accident du 17 juin 2019 comme imputable au service ; 2°) d'annuler la décision du 9 avril 2019 refusant d'imputer au service l'accident de trajet survenu le 17 juin 2019 comme la pathologie consécutive ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis de la placer à plein traitement à la date du 26 août 2019 et de lui verser les sommes afférentes à la reconstitution de son traitement depuis cette date ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le signataire de la décision en litige n'était pas compétent ; - la décision en litige est insuffisamment motivée dès lors que l'avis défavorable de la commission de réforme ne lui a pas été communiqué ; - la procédure suivie devant la commission de réforme est irrégulière dès lors que le médecin du travail n'a été ni informé ni consulté, que la commission de réforme n'a pas consulté d'expert et que la commission n'a pas examiné l'ensemble des pièces qu'elle a produites ; - l'accident dont elle a été victime est imputable au service en tant qu'accident de trajet entre le travail et son domicile. Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2022, le centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis, représenté par Me Million-Rousseau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante sont infondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - les observations de Me Broeckaert, représentant Mme A..., et celles de Me Million-Rousseau, représentant le centre hospitalier intercommunal (CHI) Aix-Pertuis. Considérant ce qui suit : 1. Le 17 juin 2019, après avoir effectué son service au centre hospitalier intercommunal (CHI) Aix-Pertuis, Mme A... est rentrée à son domicile en automobile. A son arrivée, elle a été victime d'un accident lorsqu'elle a été heurtée par son propre véhicule. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 avril 2021 refusant de reconnaître son accident du 17 juin 2019 comme imputable au service. Sur le bienfondé du jugement : 2. Mme A... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 11 du jugement attaqué. 3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (... ) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ( ...) .". Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. ". 4. Aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le médecin du travail attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 34, 43 et 47-7. / Le fonctionnaire intéressé et l'administration peuvent, en outre, faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ou la commission de réforme. ". 5. Mme A... ne peut utilement soutenir que le médecin du travail aurait dû être informé de la réunion de la commission de réforme le 20 janvier 2021 et de son objet, et que ce dernier aurait dû être sollicité pour remettre un rapport écrit, en se prévalant d'une part des dispositions précitées de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 et de l'article L. 4622-2 du code du travail, qui ne prévoient pas cette procédure, et d'autre part de celles de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 dès lors que n'était pas en cause un des cas prévus aux articles 34, 43 et 47-7 de ce décret. 6. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. (...) Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 7. La requérante soutient que la commission de réforme n'aurait pu valablement statuer en l'absence d'un médecin spécialiste en chirurgie thoracique, en pneumologie et en podologie à même de se prononcer sur l'état de fatigue qui serait à l'origine de son accident et donc sur le lien avec ses conditions de travail dans un service en sous-effectif chronique et dans le cadre d'un poste en inadéquation avec son état de santé après l'accident de service dont elle a été victime le 3 mars 2018. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'avis de la commission de réforme n'a été sollicité que sur l'imputabilité au service de l'accident survenu le 17 juin 2019 et Mme A... n'établit pas que la présence d'un médecin spécialiste aurait permis d'éclairer l'examen de son cas et déterminer l'imputabilité au service ou non de cet accident. Si Mme A... soutient que la commission de réforme aurait méconnu le périmètre de sa saisine pour avis et n'aurait pas examiné l'ensemble des pièces qu'elle a produites devant elle, elle n'établit pas, compte tenu des termes de l'attestation établie par la représentante syndicale qui l'a assistée devant la commission, seule pièce dont elle se prévaut à l'appui de ces allégations, que la commission de réforme n'aurait pas été suffisamment informée sur les circonstances de l'accident. Il ressort en outre des pièces du dossier que la commission de réforme a rendu son avis sur la base d'un dossier comprenant la déclaration d'accident de service de la requérante, le témoignage de son fils et le rapport du cadre du service de Mme A.... Dans ces conditions, la commission de réforme doit être regardée comme ayant été suffisamment informée et a pu régulièrement émettre son avis sans s'adjoindre un médecin dans les spécialités invoquées par Mme A.... 8. Si Mme A... soutient que la décision du 9 avril 2021 n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle n'a pas eu communication de l'avis de la commission de réforme malgré les demandes adressées en ce sens, elle reprend ce moyen en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 17 du jugement attaqué. 9. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. -Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (...) III. -Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l'enquête permet à l'autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l'accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l'accident du service. (...) ". Pour que soit reconnue l'existence d'un accident de trajet, il faut que le trajet du lieu de travail au domicile ne soit pas achevé. Tel n'est pas le cas lorsque l'intéressé se trouve déjà, lors de l'accident, à l'intérieur de son domicile ou de sa propriété. 10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été victime d'un accident le 17 juin 2019 après être rentrée de son lieu de travail en voiture et avoir pénétré dans l'enceinte de sa propriété, au moment où, étant sortie de son véhicule, elle fermait le portail d'entrée à sa propriété. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été percutée par son propre véhicule lequel a reculé car il n'avait pas été correctement immobilisé par un serrage suffisant du frein à main. Mme A... a alors été écrasée entre son véhicule et le portail qu'elle venait de fermer. Si Mme A... soutient qu'elle aurait ainsi été projetée sur la voie publique, elle ne l'établit en tout état de cause pas. L'accident dont a été victime la requérante s'étant produit à l'intérieur des limites de la propriété où se situe son domicile et alors que le trajet entre son lieu de travail et son domicile était achevé, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que cet accident ne pouvait pas être reconnu comme imputable au service. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHI Aix-Pertuis, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A.... Il y a lieu, en revanche, et en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 000 euros à verser au CHI Aix-Pertuis. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Mme A... versera au centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis. Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024. 2 N° 22MA00027
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 07/05/2024, 22MA01874, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête n° 1905902, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite du 28 mai 2019 par laquelle le directeur de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie, de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service, de la placer en position de congé pour maladie professionnelle à compter du 21 novembre 2018 et de régulariser rétroactivement son traitement. Par une requête n° 2106895, Mme B... a demandé à ce tribunal d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur de l'AP-HM a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service et a retiré sa décision de placement à plein traitement, de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service, de régularité rétroactivement son traitement. Par un jugement n°s 1905902, 2106895 du 2 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à la demande de Mme B... en annulant la décision implicite du 28 mai 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de Mme B.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juillet 2022 et le 30 mai 2023, Mme B..., représentée par la SELARL NOÛS Avocats, agissant par Me Leturcq, demande à la cour : À titre principal : 1°) d'annuler et de réformer le jugement n° 2106895 du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur de l'AP-HM a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service et a retiré sa décision de placement à plein traitement ; 3°) de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service ; 4°) de régulariser rétroactivement son traitement ; À titre subsidiaire : 5°) d'enjoindre au directeur de l'AP-HM de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; En tout état de cause : 6°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable ; - le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal ayant omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 1333-3 du code de la santé publique d'une part, et d'autre part au moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de la commission de réforme dans la mesure où seulement 5 pièces sur 32 auraient été transmises à l'instance consultative ; - le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions tendant à " reconnaître sa pathologie comme étant une maladie professionnelle ou un accident de service, ou tout du moins imputable au service " ; - l'expertise du docteur C..., et, par voie de conséquence, le jugement attaqué sont entachés d'irrégularité dès lors que l'expert n'a pas répondu à toutes les questions posées par le tribunal administratif de Marseille par ordonnance du 9 juillet 2020 ; - la décision du 2 juin 2021 est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 41 de la loi n° 83-33 du 9 janvier 1986, de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 16 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988, dès lors que la commission de réforme a omis de se prononcer sur l'imputabilité au service de sa pathologie ; - elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme s'est prononcée au vu d'un dossier incomplet ; - elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme ne s'est pas prononcée dans les délais prévus par l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 dès lors que la commission de réforme n'a pas consulté de médecin spécialiste pour statuer sur sa pathologie ; - l'AP-HM a méconnu son obligation de protection des agents dans l'exercice de leurs fonctions, en particulier elle a méconnu plusieurs obligations de protection prévues par le code du travail, notamment l'obligation de prévoir un examen médical préalable à sa prise de poste au sein du service de médecine nucléaire, de mettre en place des mesures de radioprotection et de la former à l'administration du médicament Lutathera ; - elle souffre d'une radiodermite aiguë, maladie répertoriée au tableau des maladies professionnelles n°6 prévu à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale, provoquée par l'exposition à des produits radioactifs au sein du service de médecine nucléaire ; - la décision du 2 juin 2021 est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle établit que son état de santé est en relation directe certaine et déterminante avec le service à compter du 21 novembre 2018, il s'agit soit d'une maladie professionnelle soit d'un accident de service ; Par des mémoires, enregistrés le 27 avril 2023 et le 20 juin 2023, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), représentée par Me Jean-Pierre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, par deux lettres du 20 mars 2023 et du 31 mai 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 22 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n°83-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n°2020-566 du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire au service dans la fonction publique hospitalière ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - les observations de Me Broeckaert, représentant Mme B..., celles de Mme B... et celles de Me Rougeyron, représentant l'AP-HM. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., infirmière diplômée d'État titulaire depuis 2003, a été affectée au pôle d'imagerie médicale du service de médecine nucléaire de l'hôpital de la Timone le 4 décembre 2017. En juin 2018, un examen radio-toxicologique urinaire a révélé une contamination de ses urines par de l'iode 131 à laquelle elle impute l'apparition d'une éruption cutanée au niveau de la base du cou. L'intéressée a été placée en congé maladie à compter du 21 novembre 2018. Par courrier du 26 mars 2019, elle a déposé une demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie pour une radiodermite consécutive à une exposition et utilisation de produits radio-isotopiques. Par une décision du 2 juin 2021, le directeur de l'AP-HM a refusé de reconnaître sa maladie imputable au service et a retiré sa décision de placement à plein traitement. 2. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2022 en tant que ce dernier n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 2 juin 2021. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 4. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date où l'accident intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B..., était entièrement régie par les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ". 6. Pour statuer sur la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de l'intéressée, il appartenait à l'AP-HM de vérifier, après avis de la commission de réforme, si la pathologie en cause présentait un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter son développement, réserve étant faite du fait personnel de l'agent ou de toute autre circonstance particulière conduisant à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Il ressort de l'avis de la commission de réforme du 26 avril 2021 que cette dernière s'est bornée à constater l'absence des critères fixés par le tableau n° 6 des maladies professionnelles et ne s'est pas prononcée sur le lien entre la maladie de Mme B... et les fonctions qu'elle a exercées au sein du service de médecine nucléaire. Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, la commission de réforme ne peut être regardée comme s'étant prononcée, même implicitement, sur l'existence d'un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie de Mme B.... Par suite, la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière. 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. La consultation préalable obligatoire de la commission de réforme constitue une garantie pour les agents publics qui sollicitent la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie. Au cas particulier, Mme B... a été privée de la garantie qui s'attache à ce que son dossier soit examiné par cette instance. Par suite, elle est fondée à demander l'annulation, pour vice de procédure, de la décision du 2 juin 2021. 9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cette décision. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le moyen retenu par le présent arrêt n'implique pas nécessairement que doive être enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B.... Il en résulte que la requérante est seulement fondée à demander qu'il soit enjoint à l'AP-HM de procéder au réexamen de sa demande tendant à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service. Il y a lieu d'enjoindre à l'AP-HM d'agir en ce sens dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais d'expertise : 11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HM les frais et honoraires de l'expertise du Dr C... du 22 octobre 2020, liquidés et taxés à la somme de 1 688,36 euros par l'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 23 décembre 2020. Sur les frais liés au litige : 12. Mme B... n'étant pas, dans présente instance, partie perdante, les conclusions présentées par l'AP-HM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, en application des dispositions de cet article, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1905902-2106895 du 2 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille sont annulés. Article 2 : La décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur de l'AP-HM a rejeté la demande de Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie est annulée. Article 3 : Il est enjoint au directeur de l'AP-HM de réexaminer la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : Les frais d'expertise du Docteur C..., taxés et liquidés à la somme de 1 688,36 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 23 décembre 2020 sont mis à la charge définitive de l'AP-HM. Article 5 : L'AP-HM versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille. Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024. N° 22MA01874 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 3ème chambre, 06/05/2024, 23NT03515, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 octobre 2019 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " C... " a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie constatée le 6 avril 2018 et de condamner l'EHPAD " C... " à lui verser une somme de 14 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral en lien avec la décision dont l'annulation est sollicitée et avec la pathologie imputable au service. Par un jugement n° 1914055 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 14 octobre 2019, enjoint à la directrice de l'EHPAD " C... " de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... constatée le 6 avril 2018 avec toutes les conséquences juridiques qui en découlent et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et rejeté les demandes indemnitaires de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2023, l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) "C...", représenté par Me Marchand, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 septembre 2023 ; 2°) de rejeter les demandes de Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la pathologie de Mme A... constatée le 6 avril 2018 était imputable au service dès lors que les conditions de travail ne pouvaient s'analyser en un contexte professionnel pathogène de nature à déclencher la maladie et que les difficultés rencontrées par Mme A... dans l'exercice de ses fonctions constituent un fait personnel détachable du service. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2024, Mme B... A..., représentée par Me Parent, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de condamner l'EHPAD " C... " à lui verser une somme de 14 000 euros en réparation du préjudice financier et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis en lien avec la décision litigieuse refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de mettre à la charge de l'EHPAD une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le moyen invoqué par l'EHPAD " C... " n'est pas fondé ; - l'illégalité de la décision du 14 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie lui a causé divers préjudices d'ordres financier et moral qu'il y a lieu d'évaluer à la somme globale de 14 000 euros. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lellouch, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Angibaud, représentant l'EHPAD " C... ", et de Me Parent, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., adjointe des cadres hospitaliers titulaire, exerçait ses fonctions au sein l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " C... " à E..., en qualité de gestionnaire des ressources humaines, depuis le mois de juillet 2017. Par une décision du 19 mars 2018, la directrice de l'établissement l'a informée de son changement d'affectation sur un poste d'accueil physique et téléphonique. Mme A... a déclaré, le 6 avril 2018, un arrêt maladie pour syndrome anxiodépressif réactionnel. Par un courrier du 30 mars 2019, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Malgré l'avis favorable émis le 26 septembre 2019 par la commission départementale de réforme, la directrice de l'EHPAD, par une décision du 14 octobre 2019, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette dernière décision et la condamnation de l'établissement au versement d'une somme de 14 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette décision et de l'imputabilité au service de sa pathologie. L'EHPAD " C... " relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 septembre 2023 en tant qu'il a annulé la décision du 14 octobre 2019. Par la voie de l'appel incident, Mme A... demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires et de condamner l'EHPAD à lui verser une somme de 14 000 euros en réparation de ses préjudices. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement ou d'une telle maladie, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 4. Il ressort des pièces du dossier que, par un rapport d'expertise du 20 mai 2019, un médecin psychiatre a estimé que l'état de santé de Mme A... était en lien direct et exclusif avec son activité professionnelle et que la pathologie dont elle souffrait, imputable au service, devait être prise en charge à compter du 6 avril 2018. La commission départementale de réforme s'est également prononcée en faveur d'une telle imputabilité aux termes d'un avis du 26 septembre 2019. 5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le poste de responsable des ressources humaines sur lequel Mme A... a été recrutée l'amenait à assumer la gestion administrative et de carrière des 145 agents de l'établissement, ainsi que cela ressort de l'extrait du rapport d'activité de l'année 2017 produit, et impliquait une très lourde charge de travail. Il ressort également des pièces du dossier que ce poste était resté vacant pendant un mois et demi, cette circonstance ayant généré un certain retard, et Mme A... soutient, sans être sérieusement contestée, n'avoir pas bénéficié, contrairement à ce qui avait été initialement prévu, d'une prise de poste en doublon avec la précédente gestionnaire pendant quatre semaines. Il est constant que l'intéressée rencontrait des difficultés pour absorber sa charge de travail. En outre, il ressort des attestations de l'agent qui a organisé son recrutement et de l'infirmière coordonnatrice de l'établissement qu'à compter du mois de novembre 2017, les relations ont commencé à se tendre entre Mme A... et la directrice de l'établissement. L'intimée produit également des courriels émanant de la CFDT permettant de constater que le climat social était dégradé au sein de l'EHPAD. Enfin, le changement d'affectation dont Mme A... a fait l'objet sept mois après sa prise de fonctions, a été annulé par un arrêt de la cour du 15 mars 2024, au motif qu'il constituait une sanction disciplinaire déguisée. Alors même que Mme A... a été déchargée d'une partie de ses fonctions à compter du mois de janvier 2018, une telle situation est de nature à caractériser un contexte professionnel pathogène de nature à susciter le syndrome dépressif de Mme A.... 6. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort aussi des pièces du dossier, tant des attestations établies par des collègues de travail de Mme A... que des fiches de notation de l'intéressée, que cette dernière était compétente et appréciée dans l'exercice de ses fonctions, au sein de l'EHPAD " C... " comme au sein d'autres établissements sociaux et médico sociaux, au service desquels elle avait assuré auparavant des missions de gestionnaire des ressources humaines. Enfin, ni les retards accumulés par Mme A..., ni les observations qu'elle a formulées à l'adresse de sa directrice sur la régularité des décisions prises par celle-ci ou des procédures qui lui étaient soumises, ne sauraient s'analyser en un fait personnel ou des circonstances particulières conduisant à détacher du service la survenance de la maladie. Il en va de même des difficultés d'ordre personnel que Mme A... a pu rencontrer, comme de la pathologie ayant conduit l'intéressée à suivre des séances de laser oculaire, qui demeurent sans lien direct avec la maladie constatée à l'origine de ses arrêts de travail. Dès lors, l'EHPAD " C... " a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... constatée le 6 avril 2018. 7. Il résulte de ce qui précède que l'EHPAD " C... " n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 14 octobre 2019. Sur les conclusions indemnitaires : 8. L'illégalité de la décision du 14 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'EHPAD " C... " à l'égard de l'intéressée et à ouvrir droit à réparation à son profit sous réserve que les préjudices dont elle se prévaut présentent un lien direct et certain avec cette illégalité. 9. La requérante se prévaut d'abord d'un préjudice financier. Toutefois, la perte des indemnités liées à l'exercice effectif de ses fonctions de responsable des ressources humaines et l'absence de versement de la prime de départ octroyée par le comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics ne présentent pas de lien direct avec l'illégalité de la décision litigieuse. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'illégalité fautive ait fait perdre à Mme A... des jours au titre de la " réduction du temps de travail ". Si elle fait valoir qu'elle a été privée du maintien de son plein traitement, l'exécution du jugement annulant la décision litigieuse du 14 octobre 2019 implique nécessairement le rétablissement de son plein traitement pour la période au titre de laquelle elle en a été illégalement privée ainsi que la prise en charge des frais en lien avec cette maladie. Il en va de même du versement d'une rente d'invalidité, dont le droit est conditionné à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie. 10. Mme A... se prévaut également d'un préjudice moral. Elle fait valoir que le refus pendant près de deux ans de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie l'a fragilisée et profondément affectée et que le fait d'avoir été privée tout au long de cette période du plein traitement auquel elle avait droit a en soi impacté sa situation personnelle. Il sera fait une équitable appréciation du préjudice moral ainsi subi par l'intéressée en l'évaluant à la somme globale de 2 500 euros. Si Mme A... demande réparation du préjudice moral lié à sa dépression réactionnelle, ce préjudice a été indemnisé dans le cadre de l'arrêt de la cour du 15 mars 2024. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral. Sur les frais liés à l'instance : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EHPAD " C... " demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cet établissement une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'EHPAD " C... " est condamné à verser à Mme A... une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 27 septembre 2023 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er. Article 3 : L'EHPAD " C... " versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La requête de l'EHPAD " C... " et le surplus des conclusions de Mme A... sont rejetés. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) C... et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2024. La rapporteure, J. LELLOUCH La présidente, C. BRISSON Le greffier, R. MAGEAU La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT03515
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 02/05/2024, 22BX00637, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Pau à titre principal d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de renouveler sa pension militaire d'invalidité pour l'infirmité d'état de stress post-traumatique et de fixer le taux de cette infirmité à 20 %, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise afin d'évaluer ce taux de l'infirmité à la date de sa demande. Par un jugement n° 1902594 du 29 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 février 2022 et un mémoire enregistré le 12 mai 2023, M. B..., représenté par la SCP Tucoo, Chala, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 2 août 2019 ; 3°) de fixer le taux de l'infirmité d'état de stress post-traumatique à 20 %, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise afin d'évaluer ce taux à la date de sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le 1er août 1971, lors d'une opération extérieure au Tchad, il a été victime de l'explosion accidentelle d'une grenade d'autodéfense au phosphore et a présenté de graves brûlures ; cet accident est à l'origine d'un état de stress post-traumatique pour lequel il n'a accepté de bénéficier d'un suivi spécialisé qu'à partir de novembre 2019 ; - l'expertise du docteur C... du 29 janvier 2019 a conclu à un taux de 20 % incurable après avoir tenu compte de l'amélioration de son état de stress post-traumatique, et le médecin chef chargé des pensions militaires d'invalidité a émis un avis favorable au maintien du taux de 20 % dans son avis du 2 avril 2019 ; c'est ainsi à tort que l'administration et le tribunal ont retenu un taux non indemnisable inférieur à 10 % ; - le taux de 20 % correspond à des troubles légers, ce qui est son cas ; - à titre subsidiaire, il sollicite une expertise médicale afin d'évaluer le taux de l'infirmité de stress post-traumatique à la date de sa demande ; Par des mémoires en défense enregistrés les 15 mars et 12 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - l'expertise du docteur C... du 29 janvier 2019 retient un taux inchangé de 20 %, alors que le rapport fait état d'une très nette amélioration par rapport à la précédente expertise du 27 juin 2016, même s'il persiste une légère sensibilité exacerbée aux actualités ; si le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a également conclu au maintien d'un taux de 20 % après avoir relevé que l'expertise médicale montre une très nette amélioration de l'état psychique pour des raisons familiales et professionnelles, la commission médicale dans son avis du 17 mai 2019, puis la commission de réforme dans son avis du 17 juillet 2019, ont estimé que l'infirmité de stress post-traumatique s'était améliorée et que son taux était devenu inférieur au minimum indemnisable de 10 % ; c'est à bon droit que le tribunal, constatant que M. B... ne présentait plus aucun trouble névrotique ou psychiatrique au sens du guide barème, a rejeté sa demande ; - les éléments postérieurs à la date du renouvellement de la pension ne peuvent être utilement invoqués ; - une expertise supplémentaire ne serait pas utile. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé volontaire dans l'infanterie de marine le 1er janvier 1968 et admis à la retraite le 10 octobre 1999 au grade d'adjudant-chef, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive mixte, concédée au taux de 100 % + 9 ° par arrêté du 29 août 2018, avec jouissance à compter du 24 janvier 2017, pour douze infirmités relatives à des blessures reçues par le fait du service le 1er août 1971, dont un état de stress post-traumatique au taux de 20 % à titre provisoire à compter du 8 mars 2016. Par une décision du 2 août 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande de renouvellement relative à cette dernière infirmité au motif que le taux d'invalidité n'atteignait plus le minimum indemnisable de 10 %, et a fixé le taux de sa pension définitive à 100 % + 6 °. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Pau, lequel a transmis son recours au tribunal administratif de Pau en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. Par un jugement du 29 décembre 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. (...) ". Aux termes de l'article 121-5 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Aux termes de l'article L. 125-1 de ce code : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. " Selon le guide-barème, les critères constitutifs de l'évaluation de l'invalidité pour les troubles psychiques sont la souffrance psychique, la répétition au sens psychopathologique par des troubles au long cours ou rémittents, la perte de la capacité relationnelle et le rétrécissement de la liberté existentielle. En outre, il y a lieu de tenir compte de la capacité de contrôle des affects et des actes, du degré de tolérance à l'angoisse et à la peur, de l'aptitude à différer les satisfactions et à tenir compte de l'expérience acquise, et des possibilités de créativité, d'orientation personnelle et de projet. L'absence de troubles décelables correspond à un taux de 0 % et les troubles légers à 20 %. 3. Il résulte de l'instruction que le 1er août 1971, lors d'une opération extérieure au Tchad, M. B..., alors âgé de 21 ans, a été brûlé au troisième degré sur 35 % de la surface corporelle par l'explosion accidentelle d'une grenade au phosphore. Bien que recouvert de sable, le feu est reparti à deux reprises. M. B... a fait l'objet d'un rapatriement sanitaire et a passé près d'un an à l'hôpital des armées de Percy-Clamart. Il a conservé de cet accident d'importantes séquelles physiques, notamment une perte d'usage de la main droite, une limitation douloureuse fonctionnelle de la flexion des deux genoux et des cicatrices chéloïdiennes avec troubles trophiques et vaso-moteurs, pour lesquelles il a obtenu, à compter de sa demande du 24 janvier 2017, une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 6 ° à titre définitif, assortie de l'allocation " grand mutilé ". L'infirmité de " stress post-traumatique, tristesse, irritabilité, état dépressif, personnalité phobo-obsessionnelle " pensionnée à titre provisoire au taux de 20 % à compter du 8 mars 2016 correspondait, selon l'expertise du 27 juin 2016, à des symptômes de tristesse, de culpabilité, d'auto-accusation, d'irritabilité et d'accès de colère sur une personnalité sous-jacente phobo-obsessionnelle, qualifiés d'incurables compte tenu de leur ancienneté. La même experte, qui a examiné l'intéressé le 29 janvier 2019 dans le cadre du renouvellement de cette pension et a maintenu le taux de 20 %, a constaté une très nette amélioration de l'état de M. B..., lequel a précisé qu'il n'avait pas estimé utile de recourir à un suivi psychiatrique car il allait mieux du fait d'un " sentiment de reconnaissance " et d'une vie familiale satisfaisante. Si l'experte n'a relevé comme symptôme notable qu'une légère sensibilité exacerbée aux actualités, elle a cependant considéré que l'invalidité était incurable. Le principe de la reconnaissance d'une souffrance psychique de type post-traumatique en lien avec l'accident grave subi par l'intéressé alors qu'il tentait de projeter au loin une grenade pour protéger ses hommes ne saurait être remis en cause. Au regard de l'amélioration constatée, laquelle ne permettait pas sans contradiction de maintenir le taux au même niveau que précédemment, il y a lieu de fixer à 10 % le taux d'invalidité afférent au stress post-traumatique. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande, et qu'il doit être enjoint au ministre des armées de lui concéder un droit à pension de 10 % pour l'infirmité d'état de stress post-traumatique à compter du 8 mars 2019. 5. M. B... n'établit pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par une décision du 24 mars 2022. Par suite, sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1902594 du 29 décembre 2021 et la décision de la ministre des armées du 2 août 2019 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. B... un droit à pension de 10 % pour l'infirmité d'état de stress post-traumatique à compter du 8 mars 2019. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLe greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX00637
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 8ème chambre, 29/04/2024, 23PA01817, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 23 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation des " séquelles de contusion cervicale, cervico-brachiale droite " déjà pensionnées à hauteur de 20 % + 10, et de fixer son droit à pension à titre définitif à 40 % au titre de cette infirmité. Par jugement n° 1924805/5-3 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par requête enregistrée le 2 mai 2023, M. B..., représenté par Me Haushalter, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1924805 du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 23 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation des " séquelles de contusion cervicale, cervico-brachiale droite " déjà pensionnées à hauteur de 20 % + 10 ; 3°) de lui allouer la révision de sa pension militaire d'invalidité en retenant une aggravation de 20 % de son infirmité " séquelles de contusion cervicale, cervico-brachiale droite " ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires qui courront sur les arrérages de pension dus et revalorisés à compter du 26 mai 2015, date de sa demande ainsi que les intérêts échus à la date du 9 janvier 2018, date de réception de son recours, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, lesquels seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts ; 5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros HT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que la décompensation neurologique dont il a été victime en 2015 porte de façon exclusive sur le territoire neurologique correspondant à celui décrit au titre de l'infirmité pensionnée, que cette aggravation constatée est exclusivement imputable à l'infirmité pensionnée et a été évaluée à 20 % par l'expert le docteur A... conduisant à un taux d'invalidité définitif de 40 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2024, le ministre des armées conclut au rejet de l'appel de M. B.... Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 13 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 29 octobre 1950, a servi dans l'armée du 14 septembre 1970 jusqu'au 27 avril 1998, date à laquelle il a été mis en position de retraite ; en dernier lieu, il y exerçait ses fonctions en qualité de médecin principal. Par arrêté du 29 mars 2016, une pension militaire d'invalidité lui a été accordée au taux de 85 % avec jouissance à compter du 9 avril 2014 en raison d'un " état de stress post-traumatique " évalué à 50 %, de " dorso-lombalgies chroniques " évaluées à 25 % + 5, de " séquelles de contusion cervicale " évaluées à 20 % + 10, de " séquelles de contusion cervicale, cervico-brachiale droite C 8 " évaluées à 20 % + 10 et de " séquelles de traumatisme sonore avec perte de sélectivité. Hypoacousie bilatérale " évaluées à 10 % + 15. Par demande enregistrée le 26 mai 2015, M. B... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de son infirmité pensionnée " séquelles de contusion cervicale ". Par décision du 23 août 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que l'aggravation des " séquelles de contusion cervicale, cervico-brachiale droite " n'était pas exclusivement imputable à l'infirmité déjà pensionnée liée à la blessure reçue en service le 11 juillet 1981 mais en relation médicale directe et déterminante avec une chute survenue le 23 avril 2015 alors qu'il a été rayé des contrôles depuis 1998. 2. M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler cette décision du 23 août 2017 et de fixer son droit à pension à titre définitif à 40 % au titre de l'infirmité précitée. Par un jugement avant dire-droit du 6 septembre 2021, le tribunal des pensions militaires d'invalidité a ordonné une expertise médicale et a désigné le docteur A..., lequel a déposé son rapport le 29 novembre 2021. Par jugement du 15 mars 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris, désormais compétent, a rejeté sa demande. 3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version applicable à la date de la demande de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. Il résulte du rapport de l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité que le 23 avril 2015, M. B... est tombé sur les fesses au cours d'une activité de débroussaillage. S'il n'a alors eu ni contusion ni hématome, le lendemain sont apparues des douleurs de l'avant-bras droit avec, selon ses dires, " œdème de l'avant-bras et de la main droite avec une douleur très intense au niveau de l'omoplate droite ainsi qu'une paralysie pratiquement totale de l'avant-bras droit et de la main droite. ". Selon l'expert, cette chute a décompensé sa pathologie et M. B..., qui souffrait d'une névralgie cervico-brachiale droite déficitaire a bénéficié, le 28 avril 2015, d'une intervention chirurgicale de décompression avec arthrodèse C6-C7 et C7-D1. Il garde une atteinte déficitaire sensitivomotrice du membre supérieur droit en rapport avec une atteinte de la racine cervicale C8 droite. Selon cet expert, la chute hors service survenue le 23 avril 2015 qui, en l'absence d'état antérieur, n'aurait pas été à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent, a décompensé l'atteinte cervicale déjà pensionnée et a aggravé ses conséquences. 5. Il résulte de ce qui précède qu'alors même que la chute dont a été victime M. B... est un élément révélateur de l'ampleur de son état préexistant et que cette chute aurait dû rester sans conséquence si l'intéressé ne souffrait pas de la pathologie pour laquelle il est pensionnée, elle a été le facteur déclenchant de l'aggravation de son infirmité. Dès lors, l'aggravation de l'infirmité définitive " séquelles de contusion cervicale, cervico-brachiale droite " dont souffre M. B... ne peut être regardée comme étant exclusivement liée à l'accident de service qui lui a ouvert droit à l'infirmité pensionnée mais est aussi en relation médicale directe avec la chute dont il a été victime le 23 avril 2015, dans laquelle l'aggravation en cause trouve son origine, alors qu'il a été rayé des contrôles depuis 1998. Par suite, elle ne peut lui ouvrir droit à la révision de sa pension pour aggravation au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et celles qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par suite, être également rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024. La rapporteure, A. Collet La présidente, A. Menasseyre La greffière, N. Couty La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA01817
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 7ème chambre, 25/04/2024, 23LY01315, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité (CRI) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision 1er décembre 2020 du service des retraites de l'État portant rejet de sa demande de retrait de suspension partielle de sa pension de victime civile de guerre et d'enjoindre à l'État de mettre un terme à la suspension de cette pension et de la lui verser rétroactivement. Par un jugement n° 2105463 du 17 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 avril et 13 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision du 26 mai 2021 ; 2) d'enjoindre à l'État de mettre un terme à la suspension de sa pension et de la lui verser rétroactivement ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que la commission de recours de l'invalidité a considéré qu'il ne pouvait pas cumuler la pension de victime civile de guerre, attribuée par un tribunal, avec la rente d'accident de travail, versée par la CNP Assurances ; - le jugement est irrégulier ; le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l'administration n'avait pas suspendu mais " procédé à ladite réduction en suspendant le paiement de la pension " ; le deuxième alinéa de l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne prévoit pas la suspension de la pension mais la déduction des autres indemnités de son montant ; - l'indemnisation de ses postes de préjudice, à supposer même qu'ils soient issus d'un même fait générateur, ne sont pas couverts par la pension de victime civile de guerre qui lui a été accordée ; le troisième alinéa de ces mêmes dispositions ne fait pas obstacle à une indemnisation au titre de préjudices non couverts par la pension. Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2023, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à l'annulation du jugement et au rejet de la requête de M. B... et demande de mettre à la charge de ce dernier une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier ; le recours était irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée ; - aucun moyen n'est fondé. Par une ordonnance du 6 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2023. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui est né en 1953, a été victime d'un accident de la circulation causé par un camion militaire en Algérie le 31 juillet 1961. Il est titulaire à ce titre d'une rente viagère versée par la CNP Assurances à la suite d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er décembre 1978. Par ailleurs, par un jugement du 8 décembre 2016, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille lui a accordé une pension de victime civile de guerre, définitivement concédée par un arrêté du 26 février 2018. En raison de la rente d'accident du travail servie par la CNP assurance pour le même fait générateur, le service des retraites de l'État, par une décision du 13 mars 2018, a suspendu partiellement le paiement de sa pension de victime civile de guerre concédée à titre définitif à compter du 1er janvier 2002. Par un courrier reçu le 2 février 2021, il a demandé à la commission de recours amiable d'annuler la décision du 1er décembre 2020 du service des retraites de l'État rejetant sa demande de retrait de la décision du 13 mars 2018. Par un jugement du 17 mars 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours amiable du 26 mai 2021 portant rejet de son recours contre la décision 1er décembre 2020. 2. Aux termes de l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions définitives ou temporaires, majorations et allocations concédées conformément aux dispositions du présent code ne sont cumulables avec toute autre indemnisation attribuée au titre d'un autre régime de réparation pour le même chef de préjudice que dans la limite fixée au deuxième alinéa. / En cas de pluralité d'indemnisations, la pension du présent code est attribuée mais les rentes, indemnités en capital, allocations temporaires d'invalidité ou toutes autres indemnités servies en vertu d'un autre régime de réparation aux victimes directes ou à leurs ayants cause, au titre des mêmes infirmités que celles qui ouvrent le droit à pension, ou au titre du décès, sont déduites du montant de la pension. / Les présentes dispositions ne font pas obstacle au versement d'indemnisations au titre des postes de préjudice qui ne sont pas couverts par la pension d'invalidité. ". Aux termes de l'article R. 162-1 du même code : " Lorsque l'indemnité non cumulable avec la pension a été attribuée sous la forme d'un capital, le montant de la pension est diminué de la rente viagère qu'aurait produite cette somme si elle avait été placée à capital aliéné. ". 3. M. B... soutient que la règle du non cumul ne lui est pas opposable dès lors que CNP Assurances, qui lui verse une rente, est un organisme de droit privé. Toutefois, cette rente, versée par l'État en exécution du jugement de la cour d'appel de Paris du 1er décembre 1978, ne constitue pas un régime d'indemnisation privée et pouvait donc valablement être prise en compte pour l'application du principe du non cumul prévu à l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite le moyen ne peut qu'être écarté. 4. Le requérant fait également valoir que, en méconnaissance de l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui prévoit uniquement une déduction de la pension, l'administration en a suspendu le paiement. Cependant, en procédant à une telle suspension, dans le respect des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 162-1 précité, l'administration s'est en réalité contentée de réduire sa pension à concurrence des sommes versées par ailleurs à l'intéressé. Ce moyen ne saurait donc davantage être retenu. 5. Il y a enfin lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter le moyen tiré de ce que les postes de préjudice indemnisés par la rente versée par CNP Assurances, à supposer même qu'ils soient issus d'un même fait générateur, ne sont pas couverts par la pension de victime civile de guerre accordée à l'intéressé. 6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir et l'autorité de la chose jugée opposées en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, en toutes ses conclusions, être rejetée. 7. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 avril 2024 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 23LY01315 2 ar
Cours administrative d'appel
Lyon
Tribunal des Conflits, , 13/05/2024, C4307, Publié au recueil Lebon
Vu, enregistré à son secrétariat le 25 janvier 2024, le jugement du 23 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi de la demande formée par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), subrogé aux droits de M. C... B..., tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 51 000 euros en réparation des préjudices subis par M. B... à raison de la maladie qu'il a contractée du fait de son exposition à l'amiante et à ce que la majoration de la rente servie à celui-ci soit fixée au maximum légal, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ; Vu l'arrêt du 2 février 2022 de la cour d'appel de Rennes confirmant le jugement du 11 mars 2021 du tribunal judiciaire de Rennes déclinant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de l'action indemnitaire formée devant lui par le FIVA ; Vu, enregistré le 6 mars 2024, le mémoire présenté par la SARL Le Prado - Gilbert pour le FIVA tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente ; Vu, enregistré le 7 mars 2024, le mémoire présenté par la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui s'en remet à la décision qui sera prononcée par le Tribunal des conflits quant à la détermination de l'ordre de juridiction compétent pour connaître de l'affaire ; Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée au ministre des armées et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, qui n'ont pas produit de mémoire ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; Vu la loi n° 200-1257 du 23 décembre 2000, notamment son article 53 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Pierre Collin, membre du Tribunal, - les observations de la SARL Le Prado - Gilbert pour le FIVA, - les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;1. M. C... B... a contracté une maladie résultant de son exposition à des poussières d'amiante au cours de la période où il était militaire au sein de la marine nationale. Il a saisi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de cette maladie. Il a accepté, le 18 novembre 2016, l'offre d'indemnisation proposée par le FIVA, laquelle incluait une rente à taux majoré. Ce fonds, subrogé dans les droits de M. B..., a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest d'une action tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute inexcusable de l'employeur. Par un jugement du 11 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Brest a décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de cette demande. Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 2 février 2022 de la cour d'appel de Rennes. Saisi par le FIVA des mêmes conclusions, le tribunal administratif de Rennes, estimant qu'elles relevaient de la compétence de la juridiction judiciaire, a, par un jugement du 23 janvier 2024, renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence. 2. Aux termes de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 : " I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : 1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ; (...) II. - Il est créé, sous le nom de "Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante", un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. / Cet établissement a pour missions de réparer les préjudices définis au I du présent article et d'identifier les personnes mentionnées au même I. (...) III. - Le demandeur justifie de l'exposition à l'amiante et de l'atteinte à l'état de santé de la victime. (...) Le fonds examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. (...) IV. - Dans les six mois à compter de la réception d'une demande d'indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d'indemnisation. (...) L'acceptation de l'offre (...) vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. (...) VI. - Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. (...) ". 3. Une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l'action qui aurait été engagée par le subrogeant. Ainsi, l'ordre de juridiction compétent pour connaître d'une action subrogatoire exercée par le FIVA en application des dispositions du VI de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 est celui qui aurait été compétent pour connaître d'une action engagée par la victime elle-même en vue de la réparation des préjudices résultant de la maladie professionnelle qu'elle a contractée à raison de son exposition à des poussières d'amiante. 4. Une telle action, lorsqu'elle est engagée à l'égard de l'Etat par un ancien militaire, procède de la mise en œuvre de la législation relative aux pensions militaires d'invalidité et des règles de droit commun de l'engagement de la responsabilité de la puissance publique, et non de la mise en œuvre des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, qui ne sont pas applicables à la situation de l'intéressé. Cette demande, qui ne se rattache pas au contentieux de la sécurité sociale, relève de la compétence de la juridiction administrative, y compris lorsqu'elle est fondée sur l'invocation d'une faute commise par l'Etat pris en sa qualité d'employeur. 5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de l'action subrogatoire engagée par le FIVA contre l'Etat en vue de la réparation des préjudices subis par M. B.... D E C I D E : -------------- Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par le FIVA. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 janvier 2024 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal. Article 3 : La présente décision sera notifiée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, au ministre des armées et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.
Tribunal des conflits
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 04/04/2024, 21VE02214, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Sous le n° 1905702, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre exécutoire du 25 février 2019 d'un montant de 24 815,37 euros émis à son encontre par la commune de Bagneux, de la décharger de l'obligation de payer cette somme et de mettre à la charge de la commune de Bagneux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 1909125, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision informelle par laquelle le maire de la commune de Bagneux l'a radiée des effectifs et a décidé de suspendre le versement de sa rémunération à compter du 24 janvier 2017, d'enjoindre à la commune de Bagneux de rétablir le versement de sa rémunération, jusqu'à son admission à la retraite, dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune de Bagneux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 1913275, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'avis du 5 juin 2018 par lequel la CNRACL s'est prononcée favorablement à sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 24 janvier 2017 et l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le maire de Bagneux a prononcé son admission à la retraite pour invalidité à compter du 24 janvier 2017 et de mettre à la charge de la commune de Bagneux la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. Par un jugement n° 1905702-1909125-1913275 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les demandes présentées sous les numéros 1909125 et 1913275, annulé le titre exécutoire du 25 février 2019 d'un montant de 24 815,37 euros émis par la commune de Bagneux et rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 juillet 2021, le 30 août 2021 et le 16 août 2023, Mme B..., représentée par Me Arvis, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a refusé de prononcer la décharge de la somme de 24 815,37 euros mise à sa charge par le titre exécutoire du 25 février 2019 et en tant qu'il a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le maire de Bagneux a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité ; 3°) de la décharger du paiement de la somme de 24 815,37 euros ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Bagneux la somme de 1 500 euros à verser à Me Arvis, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et au montant de l'aide juridictionnelle octroyée à Mme B.... Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce que la minute n'a pas été signée par l'ensemble des magistrats et le greffier ; - le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été complètement porté à la connaissance des parties avant l'audience ; - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas exposé les raisons pour lesquelles le tribunal administratif a estimé qu'il n'était pas possible de prononcer la décharge de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 25 février 2019 ; - les juges de première instance ont omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 7 juin 2018 ; - la mise à la retraite décidée par l'arrêté du 7 juin 2018 est illégale en ce qu'elle est rétroactive ; - le tribunal administratif ne pouvait rejeter les conclusions à fin de décharge dirigées contre le titre de recettes du 25 février 2019 dès lors qu'il n'était pas établi qu'elle aurait bénéficié d'une mesure excédant les droits que lui confère son statut de fonctionnaire ; - le titre exécutoire est dépourvu de base légale dès lors que la créance qu'il poursuit est entachée d'une rétroactivité illégale ; - le titre exécutoire du 25 février 2019 procède illégalement au retrait de la décision lui attribuant l'indemnité de coordination, qui est créatrice de droit et ne pouvait être retirée qu'en cas d'illégalité ; - le titre exécutoire du 25 février 2019 porte sur une créance prescrite en application de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - l'arrêté du 7 juin 2018 est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme ne s'est pas réunie dans des conditions régulières, seuls deux médecins généralistes étant présents et aucun médecin spécialiste n'étant présent ; - en outre, seul un représentant de l'administration était présent, en méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 qui en prévoit deux ; - l'arrêté du 7 juin 2018 est insuffisamment motivé ; - c'est à tort que les juges de première instance ont rejeté le moyen tiré de ce que l'arrêté du 7 juin 2018 était entaché d'une rétroactivité illégale. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, la commune de Bagneux, représentée par Me Peru, avocat, conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - Mme B... doit être regardée comme ayant abandonné le moyen tiré du caractère incomplet du sens des conclusions du rapporteur public ; - les autres moyens de la requête ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 17 janvier 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - l'arrêté du 4 août 2004 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Houllier, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de Mme B... et de Me Derridj, substituant Me Peru, pour la commune de Bagneux. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., assistante de conservation principale de première classe de la commune de Bagneux, fait appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 mai 2021 en tant que le tribunal a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Bagneux du 7 juin 2018 décidant sa mise à la retraite pour inaptitude et ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 24 815,37 euros mise à sa charge par un titre exécutoire émis par la commune le 25 février 2019. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". 3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée tant par le président de la formation de jugement et le rapporteur que par le greffier d'audience. Le moyen tiré du défaut de ces signatures manque donc en fait et doit être écarté. 4. En deuxième lieu, à supposer que Mme B... ait entendu maintenir le moyen tiré de ce que le sens des conclusions du rapporteur public du tribunal administratif n'a pas été communiqué de façon complète avant la tenue de l'audience, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision de nature à en établir le bien-fondé alors, au surplus, qu'il ressort de ses écritures ultérieures que le rapporteur public, après avoir indiqué le sens de ses conclusions, a précisé le moyen susceptible d'être retenu lorsqu'il a conclu dans le sens de la satisfaction. Par suite, ce moyen doit être écarté. 5. En troisième lieu, l'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. 6. Il résulte des principes qui viennent d'être rappelés que le moyen tiré par Mme B... de l'irrégularité du jugement attaqué au motif que le tribunal administratif ne s'est pas expressément prononcé sur les moyens tirés du défaut de base légale du titre exécutoire du 25 février 2019 et de la violation directe de la règle de droit doit être écarté. 7. En dernier lieu, Mme B... soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce que les juges de première instance ont omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 7 juin 2018, qu'elle avait soulevé au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté. S'il ressort du jugement attaqué que ce moyen, qui n'était pas inopérant contrairement à ce que soutient la commune de Bagneux, a été visé par les premiers juges, ils n'y ont pas répondu dans les motifs de leur jugement. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 et qu'il doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé. 8. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions de la demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 25 février 2019. Sur la légalité de l'arrêté du 7 juin 2018 : 9. En premier lieu, l'arrêté du 7 juin 2018, qui vise les dispositions applicables à la situation de Mme B..., indique que cette dernière est reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et renvoie aux procès-verbaux de la commission de réforme en sa séance du 23 janvier 2017 et de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL) du 5 juin 2018. Par suite, il est suffisamment motivé. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. La commission de réforme compétente est celle du département où le fonctionnaire exerce ou a exercé, en dernier lieu, ses fonctions. La composition et le fonctionnement des commissions de réforme sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, de la santé et du budget, pris après avis du conseil supérieur compétent. Cet arrêté peut prévoir la mise en place de commissions interdépartementales pour les collectivités et les établissements visés aux articles 17 et 18 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / (...) L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) " 11. En se bornant à soutenir que le respect de la procédure suivie devant la commission de réforme n'est pas démontré, Mme B..., qui n'établit au demeurant pas avoir sollicité la communication de l'avis rendu à son sujet, n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit, par suite, être écarté. 12. En troisième lieu, selon l'article 1er de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : / 1. Donne son avis, dans les conditions fixées par le titre II du présent arrêté, sur la mise à la retraite pour invalidité des agents affiliés à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; (...) ". Selon l'article 3 du même arrêté : " (...) Cette commission comprend : / 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; / 2. Deux représentants de l'administration ; / 3. Deux représentants du personnel. (...) ". Selon l'article 17 de cet arrêté : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. (...) / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. (...) ". 13. D'une part, il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 23 janvier 2017 qu'étaient présents, lors cette séance, deux médecins généralistes. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie de chef doit être écarté. 14. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision contestée. 15. En l'espèce, s'il est constant qu'aucun médecin spécialiste des pathologies affectant Mme B... n'était présent lors de la séance de la commission de réforme, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence d'un tel spécialiste aurait été manifestement nécessaire ou que la commission de réforme aurait été dans l'incapacité de se prononcer sur ses pathologies alors qu'un rapport médical avait été établi et transmis au préalable à la commission de réforme et que Mme B..., qui a comparu devant la commission de réforme et qui n'allègue pas que ce rapport aurait été incomplet, n'a pas souhaité y faire apporter des éléments complémentaires. Par suite, ce moyen doit être écarté. 16. Enfin, il résulte du procès-verbal de sa séance du 23 janvier 2017 que cinq membres de la commission de réforme ayant voix délibérative, dont deux praticiens, ont pris part à cette séance. Cette commission a ainsi pu valablement délibérer, alors même qu'un seul représentant de l'administration était présent le jour de la séance. Le moyen tiré d'un tel vice de procédure doit ainsi être écarté. 17. En quatrième lieu, il ressort du procès-verbal de la séance du 23 janvier 2017 que la commission de réforme a émis un avis par lequel elle se prononce tant sur l'existence et la gravité des pathologies de l'intéressée que sur l'imputabilité de ces pathologies au service et son inaptitude à l'exercice de ses fonctions, avant de se prononcer en faveur de sa mise à la retraite pour invalidité compte tenu de son inaptitude définitive à toutes fonctions. Par suite, l'avis rendu par la commission de réforme est suffisamment motivé au sens de l'article 17 précité de l'arrêté du 4 août 2004. Ce moyen doit donc être écarté. 18. En cinquième lieu, dès lors que Mme B... a été reconnue inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante aurait dû bénéficier d'une procédure de reclassement, à supposer qu'il soit soulevé, doit être écarté. 19. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. / Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le poste qui lui est assigné peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ". Selon l'article 37 de ce décret, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ". 20. D'autre part, selon l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ". Aux termes de l'article de l'article R. 36 du même code : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité ". 21. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité. 22. En l'espèce, l'arrêté attaqué, pris le 7 juin 2018 et notifié à l'intéressée le 20 août 2019, place Mme B... en retraite pour invalidité à compter du 24 janvier 2017, soit le lendemain de la séance de la commission de réforme du 23 janvier 2017 qui s'est prononcée en faveur de la retraite pour invalidité de la requérante en raison de son inaptitude à l'exercice de toutes fonctions. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... avait été, par un arrêté du maire du 16 janvier 2015, maintenue en disponibilité d'office dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. Par suite et en application des dispositions citées aux points 19 et 20 et des règles rappelées au point 21, l'administration était tenue de prendre une mesure rétroactive à la date du 24 janvier 2017 pour placer Mme B... dans une situation régulière, cette dernière ne pouvant plus être placée en disponibilité d'office eu égard à son inaptitude absolue et définitive à toute fonction, conformément aux dispositions de l'article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987. Par suite, le moyen tiré de la rétroactivité illégale de l'arrêté du 7 juin 2018 doit être écarté. 23. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 prononçant son admission à la retraite pour inaptitude à compter du 24 janvier 2017. Sur le bien-fondé du titre exécutoire du 25 février 2019 et les conclusions à fin de décharge : 24. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que, si le jugement annulant un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que ce jugement n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande. 25. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Selon l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa version applicable à la date du titre litigieux : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ". 26. En premier lieu, Mme B... soutient que le titre exécutoire litigieux est dépourvu de base légale dès lors qu'elle était titulaire d'une décision créatrice de droits lui affectant un demi-traitement et que ces versements ne pouvaient être rétroactivement interrompus. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé précédemment aux points 20 à 22 que l'arrêté du 7 juin 2018 a légalement pu fixer au 24 janvier 2017 la date d'admission à la retraite pour inaptitude de Mme B.... Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale du titre exécutoire du 25 février 2019 doit être écarté. 27. En second lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En revanche, elles ne sont pas applicables aux avances et versements indus portant sur des frais occasionnés par les déplacements temporaires des agents qui ne constituent pas un élément de leur rémunération. 28. Mme B... soutient que l'action en récupération de l'indu de la commune de Bagneux était prescrite à la date de l'émission du titre exécutoire le 25 février 2019. Il résulte de ce qui précède que le premier versement erroné a été mis en paiement en janvier 2017 de telle sorte que le délai de prescription a commencé à courir au 1er février 2017 et a expiré au 31 janvier 2019. Ainsi, pour ce qui concerne le versement de 257,49 euros indûment effectué au titre du mois de janvier 2017, la créance était prescrite à la date d'émission du titre exécutoire le 25 février 2019. En revanche, les autres créances, pour un montant total de 24 557,88 euros, dont les versements ont été effectués à compter de février 2017 et dont le délai de prescription a commencé à courir, au plus tôt au 1er mars 2017, n'étaient pas prescrites à la date d'émission du titre exécutoire litigieux. 29. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander la décharge de la somme de 257,49 euros. 30. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande qu'en tant qu'il a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à la décharge de la somme de 257,49 euros. 31. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requérante présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 mai 2021 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Bagneux du 7 juin 2018. Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 sont rejetées. Article 3 : Mme B... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 257,49 euros mise à sa charge par le titre exécutoire du 25 février 2019. Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 mai 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Bagneux. Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente, M. Camenen, président-assesseur, Mme Houllier, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024. La rapporteure, S. HOULLIERLa présidente, C. SIGNERIN-ICRE La greffière, T. RENÉ-LOUIS-ARTHUR La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE02214
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de PARIS, 6ème chambre, 02/04/2024, 22PA05212, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 6 juillet 2020 par laquelle la maire de Paris a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Par un jugement n° 2013934/2-3 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Lafforgue, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 6 juillet 2020 ; 3°) d'enjoindre à la maire de Paris de reconnaître l'imputabilité au service du myélome multiple dont il souffre, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision litigieuse est entachée de défaut de motivation en fait ; - elle est entachée de vice de procédure dès lors que la commission de réforme a siégé sans la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie dont il souffre ; - elle est entachée d'erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, la ville de Paris, représentée par Me Bazin, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C... sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès ; - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - les observations de Me Guillemard pour M. C..., - et les observations de Me Mercier pour la ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. M. C... a été recruté en tant qu'ouvrier spécial d'entretien général et affecté à la direction des parcs, jardins et espaces verts de la ville de Paris le 26 avril 2004. Il a par la suite été nommé dans le corps des adjoints techniques d'administrations parisiennes, en qualité de jardinier. Titularisé le 1er août 2007 dans le grade d'adjoint technique de 2e classe, il exerçait ses fonctions au cimetière de Thiais, relevant du service des cimetières de la ville de Paris. M. C... s'est vu diagnostiquer un myélome, pour lequel il a été placé en arrêt de travail à compter du 11 septembre 2008, puis en congé de longue durée à partir du 11 septembre 2009, enfin en disponibilité d'office du 25 septembre 2014 au 30 juin 2015, avant d'être admis d'office à la retraite pour invalidité le 1er juillet 2015. Le 13 mars 2019, M. C... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. La commission départementale de réforme, réunie en séance, le 24 juin 2020, a émis un avis défavorable à cette demande, puis, par une décision du 6 juillet 2020, la ville de Paris a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. M. C... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 6 octobre 2022, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les dispositions applicables : 2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, issue de l'ordonnance du 19 janvier 2017 : " (...) IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. (...) ". 3. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service prévu à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 régissant respectivement la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Le III de l'article 10, pour la fonction publique territoriale, dispose ainsi que : " A l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : / a) Au deuxième alinéa du 2°, les mots : " ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions " sont remplacés par les mots : ", à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service " ; / b) Au 4°, le deuxième alinéa est supprimé ; / c) Au cinquième alinéa du 4°, les mots : " de la deuxième phrase du quatrième " sont remplacés par les mots : " du quatrième ". 4. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 5. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 6. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. 7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. En l'espèce, si le certificat médical établi le 21 février 2019 mentionne un " myélome diagnostiqué en 2007 ", il ne permet pas, en l'absence de tout document médical datant de 2007, d'établir que cette affection a réellement été diagnostiquée à cette date. La maladie dont souffre M. C... doit donc, eu égard aux pièces versées à l'instance, être regardée comme ayant été diagnostiquée le 21 février 2019. En tout état de cause, la circonstance que la maladie de M. C... ait été diagnostiquée en 2007 ou le 21 février 2019 est sans incidence sur le droit applicable dès lors que dans l'un et l'autre cas, ce diagnostic est antérieur à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Il s'ensuit que la situation de M. C... est uniquement régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. 8. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". 9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Sur les conclusions à fin d'annulation : 10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 11. Il ressort des termes de la décision attaquée que celle-ci rejette la demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle du requérant en s'appropriant les motifs de l'avis de la commission départementale de réforme émis le 24 juin 2020, qui relève notamment l'absence de preuve d'un lien entre l'exposition aux produits pesticides à l'occasion du service et la maladie dont souffre M. C.... Ainsi, la décision qui comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée en fait, alors qu'elle est également suffisamment motivée en droit, ce que ne conteste pas au demeurant M. C.... 12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " (...) Ces commissions présidées, selon le cas, par le préfet de Paris, ou par le préfet de police ou leur représentant, qui dirige les délibérations mais ne prend pas part au vote, sont composées comme suit : / - deux praticiens de médecine générale, membres du comité médical dont relève l'agent, auxquels est adjoint, pour les cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste, qui participe aux délibérations mais ne participe pas aux votes (...) ". 13. Il résulte des dispositions précitées que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 14. En l'espèce, M. C... ne conteste pas avoir été examiné, préalablement à l'avis de la commission de réforme et à la prise de la décision en litige, par le professeur B..., expert agréé par la Cour de cassation, médecin spécialiste du département de médecine interne et d'immunologie clinique du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, le 8 janvier 2020. Il n'est pas établi, ni même allégué que le rapport de ce médecin n'aurait pas été transmis à la commission. Par suite, si la réunion de la commission a été tenue hors de la présence d'un médecin spécialiste, cette présence ne peut être regardée, en l'espèce, comme de nature à le priver d'une garantie et entrainer l'illégalité de la décision en litige. Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté. 15. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... est atteint d'un myélome multiple, cancer de la moelle osseuse diagnostiqué après son recrutement par la ville de Paris. Il est constant que ce dernier a, dans le cadre de son emploi d'ouvrier spécial d'entretien général, été en contact avec différents produits phytosanitaires, deux fois par an sur une période de quatre années, lors de la préparation du mélange à pulvériser, de l'épandage du produit et du nettoyage des machines destinées à l'application des pesticides, puis lors de contacts avec les végétaux traités. 16. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise mentionné au point 14, que le délai de survenue de la maladie est rapide par rapport au début de l'exposition professionnelle aux pesticides et que l'exposition ne répond pas aux critères habituels de responsabilité dans la survenue d'une hémopathie, dès lors, d'une part, que la durée d'exposition n'a été que de 20 mois, contre 120 mois en règle générale, et, d'autre part, que les mesures de protection ont été prises par l'employeur. 17. Pour contester les conclusions de ce rapport et l'avis de la commission de réforme, M. C... se prévaut d'abord de l'avis rédigé le 24 septembre 2019 par le médecin de prévention de la ville de Paris. Cependant, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, cet avis, qui liste les facteurs de risques professionnels liés aux tâches exercées par le requérant, ne permet pas d'établir un lien direct entre l'utilisation de produits phytosanitaires et la pathologie du requérant. M. C... se prévaut ensuite d'un extrait d'une synthèse d'expertise collective réalisée par l'INSERM en 2013 au sujet du lien entre exposition aux pesticides et myélome multiple, et de l'édition 2016 du " guide du patient sur le myélome multiple " édité par l'International Myeloma Foundation. Eu égard à leur caractère général, ces documents ne permettent pas non plus de contredire l'appréciation portée sur la situation personnelle du requérant par l'expert. Par ailleurs, pour contester plus précisément l'appréciation portée par l'expert sur les équipements de protection dont il disposait, M. C... produit un article publié en 2008 dans la revue Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé au sujet de l'efficacité des équipements de protection individuels (EPI) contre le risque phytosanitaire, la fiche de commercialisation de la combinaison de protection qu'il portait alors qu'il manipulait les produits en cause, les fiches réalisées par l'ANSES sur sept autres produits phytosanitaires, et le témoignage de son ancien supérieur hiérarchique. Cependant ces éléments ne permettent pas d'établir que les protections individuelles portées par le requérant lorsqu'il manipulait les produits en cause, consistant en une combinaison, des gants des bottes, des lunettes, un masque, auraient été inadaptées. Il résulte de ce qui précède que le lien direct entre l'affection de M. C... et son activité professionnelle à la ville de Paris n'est pas démontré. Le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur d'appréciation doit, par conséquent, être écarté. 18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la ville de Paris. Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. A..., president assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA05212
Cours administrative d'appel
Paris