Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de LYON, 3ème chambre, 12/07/2023, 21LY01551, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 2°) d'enjoindre au maire de Bourgoin-Jallieu de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) de condamner la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices découlant des fautes commises selon lui par la commune ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1903182 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, M. C..., représenté par Me Clement, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) d'enjoindre au maire de Bourgoin-Jallieu de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 4°) de condamner la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre, qui est lié à ses conditions de travail ; - l'illégalité de la décision du 28 novembre 2018 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bourgoin-Jallieu ; - la responsabilité de cette commune est également engagée à raison de la faute liée à la désorganisation du service résultant du refus d'application des dispositions prévues par le guide communal relatif à l'organisation du temps de travail ; - il a subi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral qui peuvent être évalués à la somme de 3 000 euros ; - c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le lien de causalité ne serait pas établi. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, la commune de Bourgoin-Jallieu, représentée par la SELARL ADP Affaires Droit Public-Immobilier, agissant par Me Fyrgatian, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés. Par ordonnance du 5 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Metzger pour la commune de Bourgoin-Jallieu. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et à la condamnation de cette commune à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique. 3. Par suite, il y a lieu d'examiner la légalité du refus d'imputabilité au service qui a été opposé à M. C... au regard des seules dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, aux termes desquelles : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 5. M. C..., adjoint technique territorial en charge de l'entretien des installations sportives au sein du service des sports de la commune de Bourgoin-Jallieu, a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 17 mai 2018 et jusqu'au 31 juillet 2018, à raison d'un état dépressif. Pour soutenir, en dépit de l'avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie de la commission de réforme émis le 8 novembre 2018, que sa maladie a été suscitée par ses conditions de travail, le requérant fait état en particulier des difficultés rencontrées par les agents dans la gestion des plannings, lesquels ne seraient pas communiqués suffisamment à l'avance pour leur permettre d'organiser leur vie personnelle. Il se prévaut à cet égard du signalement d'un membre du CHSCT, faisant état d'une situation de danger grave et imminent, à raison de " multiples changements pouvant intervenir, y compris sur les jours de repos prévus et des appels sur le téléphone personnel des agents pour des changements de planning répétés ". Il ressort néanmoins du rapport de l'enquête administrative diligentée sur ce point que les agents sont globalement satisfaits de leur travail et de son organisation, que les difficultés proviennent essentiellement d'un manque de compréhension de l'annualisation du temps de travail, que M. C..., à l'inverse de ses collègues, n'échange pas avec son responsable, lequel est pourtant à leur écoute, qu'il ne subit pas plus de changements de planning qu'auparavant et qu'il peut bénéficier comme ses collègues d'au moins un week-end par mois. Si le requérant se plaint d'un épuisement professionnel, il ne fait pas état d'éléments factuels probants permettant de considérer que l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail auraient été susceptibles d'affecter son état psychique. M. C... se prévaut également des conclusions administratives du docteur B..., psychiatre, aux termes duquel sa " pathologie anxio-dépressive avec idées suicidaires évoquées est une pathologie qui relève de la maladie professionnelle au titre de l'épuisement professionnel. Il y a un lien de causalité direct et certain entre la pathologie présentée par l'agent et l'activité professionnelle. Donc les soins et arrêt de travail sont imputables au service ". Toutefois, ce rapport, rédigé à partir de ses propres déclarations, sans identifier aucune cause professionnelle susceptible d'expliquer l'état pathologique du patient, ne permet pas davantage de tenir pour établi l'existence d'un lien direct avec sa pathologie. Par ailleurs, ce médecin psychiatre, qui a examiné M. C... le 11 juillet 2018, a considéré qu'il " existe une prédisposition par une fragilité patente chez un Monsieur qui a peu de moyens affectifs ou socio relationnels de s'étayer ", de sorte que la pathologie dépressive du requérant a pu être favorisée par des éléments de sa personnalité. 6. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre M. C..., la commune de Bourgoin-Jallieu n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 25 août 2000 : " La possibilité de travailler selon un horaire variable peut être organisée, sous réserve des nécessités du service, après consultation du comité technique. / Cette organisation définit une période de référence, en principe une quinzaine ou un mois, au sein de laquelle chaque agent doit accomplir un nombre d'heures de travail correspondant à la durée réglementaire afférente à la période considérée. / Un dispositif dit de crédit-débit peut permettre le report d'un nombre limité d'heures de travail d'une période sur l'autre. Il précise le maximum d'heures pouvant être inscrit au débit ou au crédit de la situation des agents. Pour une période de référence portant sur la quinzaine ou le mois, ce plafond ne peut respectivement être fixé à plus de six heures et plus de douze heures. / L'organisation des horaires variables doit être déterminée en tenant compte des missions spécifiques des services ainsi que des heures d'affluence du public et comprendre soit une vacation minimale de travail ne pouvant être inférieure à quatre heures par jour, soit des plages fixes d'une durée au minimum équivalente, au cours desquelles la présence de la totalité du personnel est obligatoire, et des plages mobiles, à l'intérieur desquelles l'agent choisit quotidiennement ses heures d'arrivée et de départ. / Un décompte exact du temps de travail accompli chaque jour par chaque agent doit être opéré. Tout agent est tenu de se soumettre à ces modalités de contrôle. ". 8. En application de ces dispositions, la commune de Bourgoin-Jallieu a déterminé les modalités d'organisation du temps de travail, après avis du comité technique du 21 février 2012, au sein d'un guide relatif à l'organisation du temps de travail, lequel prévoit, en particulier, qu'une journée de travail ne peut être inférieure à 7 heures et supérieure à 10 heures. Si le requérant fait état de ce qu'il a parfois travaillé, en août 2018 et en septembre 2018, moins de 7 heures par jour, les préjudices invoqués par le requérant et qui résulteraient selon lui d'un épuisement professionnel, ne peuvent être regardés comme étant en lien direct et certain avec une telle illégalité. Comme l'ont relevé les premiers juges, la faute résultant de la méconnaissance de la règle susmentionnée ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices dont il est demandé la réparation. 9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. 10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la commune de Bourgoin-Jallieu présente au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bourgoin-Jallieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Bourgoin-Jallieu. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2023. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01551
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/07/2023, 22MA01201, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a confirmé le rejet par le ministre des armées de sa demande de révision de ses droits à pension et d'enjoindre au sous-directeur des pensions de lui délivrer un nouveau titre de pension prenant en compte une aggravation de 10 % de ses " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " et de 10 % de son " état anxiodépressif ", avec effet à compter de la date d'enregistrement de sa demande, soit le 19 avril 2018. Par un jugement n° 2100090 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 avril 2022, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 et d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer un nouveau titre de pension, avec effet à compter du 18 novembre 2020, date d'enregistrement de sa demande de réexamen des droits à pension, en prenant en compte une aggravation de 10 % des acouphènes dont il souffre, et en retenant donc un taux global de 20 % pour cette infirmité, et, d'autre part, une aggravation de 10 % de son état anxiodépressif et en retenant donc un taux global de 35 % pour cette infirmité ; 2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert de justice, avec pour mission de : . se faire communiquer l'intégralité de son livret médical militaire ; . de convoquer les parties ; . d'examiner les infirmités en cause ; . de préciser le diagnostic de chacune de ces infirmités et d'en fixer le taux d'invalidité ; . d'indiquer si ces infirmités se sont aggravées en se plaçant à la date de sa demande, soit le 18 novembre 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance tant des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre applicables au litige que de la jurisprudence des anciennes juridictions des pensions militaires d'invalidité : pour décider que la demande d'aggravation n'était pas justifiée, le tribunal administratif de Nice s'est appuyé sur le rapport de l'expert oto-rhino-laryngologue (ORL) mandaté par le ministre des armées alors que cet expert s'est exprimé en termes de probabilité et qu'il n'a pas explicité les autres étiologies qu'il entendait retenir ; il n'a ainsi pas mentionné ce que l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre identifie comme " l'atteinte à l'état général " justifiant le pourcentage attribué ; - l'opinion majoritairement admise par la communauté des ORL est qu'une hypoacousie sono-traumatique peut évoluer de manière péjorative, y compris en l'absence de nouvelles expositions au bruit lésionnel et que l'aggravation de la dégradation auditive survient alors de manière progressive, irréversible et inopérable ; - le tribunal administratif de Nice a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits et des moyens de preuve portés à sa connaissance en se référant aux seules conclusions de l'expert ORL ; en tout état de cause, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas consulté, préalablement à sa demande de réexamen des droits à pension, un expert ORL auprès d'une cour d'appel pour anticiper les arguments de l'administration dès lors qu'aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne prévoit cette modalité ; la preuve de l'aggravation d'une ou de plusieurs infirmités peut se faire par tous moyens et la production aux débats de première instance d'un certificat de son masseur-kinésithérapeute indiquant que son état psychique s'est aggravé est opérante. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 doit être confirmé alors que M. A... n'apporte aucun élément de nature à justifier l'augmentation du taux d'invalidité de 10 % qu'il réclame pour les infirmités " acouphènes " et " état anxiodépressif ", et que ses moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 9 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 10 mars 2023, a été reportée au 14 avril 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Né le 23 juin 1942, M. A..., a été libéré de ses obligations légales de service actif le 1er mars 1968 au grade de sous-lieutenant et rayé des contrôles du 26ème régiment d'infanterie. Le 1er juillet 1969, il a été promu au grade de lieutenant de réserve. Le 24 juin 1975, M. A... a été victime d'un traumatisme sonore au cours d'une séance de tir au bazooka. Par arrêté du 2 avril 1996, il s'est vu concéder, au titre des blessures imputables à cette accident survenu en service, une pension militaire d'invalidité au taux global de 75 %, pour des sensations vertigineuses, un état anxiodépressif, une hypoacousie droite ainsi que des acouphènes. Par un courrier 15 avril 2018, reçu le 19 avril suivant, M. A... a demandé la révision de cette pension militaire d'invalidité au titre d'une aggravation de ces infirmités. Par une décision du 20 avril 2020, rectifiée le 16 septembre 2020, le ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande. M. A... a alors contesté cette décision en tant qu'elle porte sur les infirmités ayant trait à son état anxiodépressif et aux acouphènes dont il souffre, devant la commission de recours de l'invalidité. Celle-ci a rejeté son recours préalable obligatoire par décision du 18 novembre 2020. M. A... relève appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 2. Selon l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 3. Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 4. Par ailleurs, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. En ce qui concerne l'infirmité lié à l'état anxiodépressif : 5. Il résulte de l'instruction que l'infirmité pensionnée de M. A... au taux de 25 %, correspondant à un état anxio-dépressif, a été jugée imputable au service, par jugement du tribunal des pensions de Nice du 6 décembre 1994, au motif que " ses déficiences auditives imputables lui renvoient une image dévalorisée de lui-même qui entraîne une baisse de ses activités psychiques et physiques ". Pour demander la révision de sa pension au titre de l'aggravation de cette infirmité, M. A... se borne, en appel comme en première instance, à produire un certificat d'un masseur-kinésithérapeute du 7 février 2018, ainsi qu'un certificat de son médecin otorhinolaryngologiste du 13 décembre 2017, qui par leur contenu, ne permettent pas d'évaluer l'aggravation de son état à un taux supérieur à celui de 5 % proposé par le médecin psychiatre désigné par l'administration, soit un taux inférieur au taux de 10 % éligible à une révision de pension ainsi qu'il a été dit au point 4. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 en ce qu'elle a rejeté sa demande de révision de pension liée à une aggravation de l'état anxiodépressif dont il souffre. En ce qui concerne l'infirmité liée aux acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite : 6. Pour demander la révision de sa pension au titre de l'aggravation de son infirmité aux acouphènes permanents dont il souffre, M. A... produit des certificats de médecins otorhinolaryngologistes des 13 décembre 2017 et 26 septembre 2019, qui objectivisent une aggravation de cette infirmité, sans en préciser les causes, tandis que le médecin expert de l'administration, dans son avis du 29 octobre 2019, confirmé par celui du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 28 novembre 2019, admet cette aggravation et l'évalue à 10 %, mais émet l'hypothèse de causes extérieures, dont " la presbyacousie et les altérations neuro-vasculaires dans un contexte de dépression psychique ", non sans souligner le lien étroit entre la surdité, les acouphènes et les vertiges dont est atteint l'intéressé. Ainsi, l'instruction ne permet pas à la Cour de déterminer si cette aggravation de l'infirmité pensionnée de M. A... est en lien exclusif avec le service. Il y a donc lieu, avant dire droit, d'ordonner une expertise dans les conditions définies à l'article 2 du dispositif ci-après. D É C I D E : Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement n° 2100090 du tribunal administratif de Nice du 17 mars 2022 en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation de son état anxiodépressif sont rejetées. Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. A..., procédé par un expert médical, désigné par la présidente de la Cour dans la spécialité otorhinolaryngologie, à une expertise avec mission de : 1°) se faire communiquer les documents médicaux utiles à sa mission et examiner M. A... ; 2°) déterminer, en se plaçant au jour de l'enregistrement de la demande de révision de l'intéressé, soit le 19 avril 2018, si l'aggravation des " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " est due à des causes étrangères à cette infirmité pensionnée liée à l'accident dont M. A... a été victime le 24 juin 1975, et notamment, le cas échéant, si elle est seulement due au vieillissement ou si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée ; 3°) déterminer, en se plaçant au jour de l'enregistrement de la demande de révision de l'intéressé, soit le 19 avril 2018, le taux d'invalidité correspondant à l'aggravation de l'infirmité liée aux " acouphènes permanents à timbre aigu au niveau de l'oreille droite " dont il souffre, en référence au guide-barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 4°) de fournir, plus généralement, tous éléments susceptibles d'éclairer la Cour. Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant. Article 4 : L'expertise sera réalisée au contradictoire de M. A... et du ministre des armées. Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance. Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023. 2 No 22MA01201 ot
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 13/07/2023, 20BX01441, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par un arrêt avant dire droit du 22 septembre 2022, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1902693 du 5 mars 2020 qui avait renvoyé M. B... devant l'administration afin qu'elle détermine le taux d'invalidité de son infirmité d'impotence fonctionnelle des mains, et a ordonné une expertise afin de déterminer si la maladie imputable au service était à l'origine d'un taux d'invalidité ouvrant droit à pension. Le rapport d'expertise a été enregistré le 26 décembre 2022. Par des mémoires enregistrés les 19 janvier et 27 février 2023, M. B..., représenté par la SELARL Avocats du Grand Large, demande à la cour, à titre principal de retenir un taux d'incapacité de 50 à 80 %, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise afin de déterminer son taux d'invalidité à la date du 11 décembre 2017. Il soutient que : - le taux d'invalidité de 8 % retenu par l'expert correspond à l'évolution à la date de l'expertise, le 19 décembre 2022, et non à la date du 11 décembre 2017 à laquelle il devait se placer conformément à la mission qui lui avait été confiée ; en outre, l'expert n'indique pas la méthode utilisée pour aboutir à un taux de 8 %, et il ne tire pas les conséquences de ses propres constatations dès lors que la fibromyalgie qu'il décrit se traduit par une extrême sensibilité à la douleur, ce qui ne saurait correspondre à un taux de 8 % ; en conséquence, la cour retiendra le taux supérieur ou égal à 50 % et inférieur à 80 % ayant conduit à lui accorder le statut de travailleur handicapé ; - au cours de l'expertise, l'examen s'est limité à des manipulations douloureuses des poignets et des doigts, que l'expert a poursuivies en affirmant que tout allait bien malgré les douleurs ; aucune fibromyalgie n'a jamais été diagnostiquée, et cette pathologie a été écartée par un courrier du 13 avril 2020 remis à l'expert, lequel n'a pas pris connaissance de la totalité du dossier médical et a prêté des propos erronés à ses confrères ; l'expert s'est montré agressif et insultant à son égard ; ainsi, une nouvelle expertise apparaît nécessaire ; - sa démarche est motivée par la reconnaissance de ses infirmités, sans laquelle la prise en charge de ses soins par le service des pensionnés de la caisse nationale militaire de sécurité sociale prendra fin. Par des mémoires enregistrés les 6 février et 7 avril 2023, le ministre des armées maintient ses conclusions aux fins d'annulation du jugement et de rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal. Il soutient que : - l'expert rappelle que suite au diagnostic de kyste arthrosynovial et de syndrome du canal carpien droit associé à un syndrome du canal carpien gauche, M. B... a subi le 4 juillet 2017 une cure du syndrome du canal carpien gauche, puis le 2 octobre 2017 une exérèse du kyste synovial lunaire et une neurolyse du nerf médian droit, et il retient comme étiologie à la gêne fonctionnelle des deux mains une fibromyalgie, pathologie fonctionnelle indépendante évoluant pour son propre compte ; il précise que l'incapacité fonctionnelle est une sensation d'enraidissement douloureux des deux poignets touchant les chaînes digitales, avec des douleurs mécaniques et neuropathiques, ce qu'il évalue au taux de 8 % au regard du guide-barème des invalidités, soit un taux inférieur au minimum indemnisable de 10 % prévu à l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et au minimum de 30 % pour une maladie prévu à l'article L. 121-5 ; - en tout état de cause, l'infirmité d'impotence fonctionnelle des mains apparaît sans lien avec le service dès lors qu'elle est liée à une fibromyalgie, pathologie chronique dont la physiopathologie n'est pas encore établie selon les conclusions de l'expert ; - l'expert a rempli sa mission, et le moyen tiré de ce qu'il aurait tenu des propos agressifs ou insultants manque en fait. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., maréchal des logis chef affecté à la Musique de la Garde républicaine en qualité de clarinettiste depuis le 4 avril 2005, a présenté le 11 décembre 2017 une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité d'impotence fonctionnelle des mains. Il a contesté la décision de rejet du 1er février 2018 devant le tribunal administratif de Poitiers, lequel, par un jugement du 5 mars 2020, l'a annulée et a renvoyé l'intéressé devant l'administration pour la détermination du taux d'invalidité. M. B..., qui avait bénéficié d'un arrêt de travail depuis le 27 février 2017 puis d'un congé de longue maladie à compter du 18 août 2017, a été reconnu définitivement inapte par le service de santé des armées le 24 juillet 2020. 2. Saisie d'un appel de la ministre des armées, la cour, par un arrêt du 22 septembre 2022, a annulé le jugement pour irrégularité au motif qu'il appartenait au tribunal de se prononcer lui-même sur les droits à pension de l'intéressé, a jugé que l'infirmité d'impotence des mains résultait d'une maladie imputable au service, et a ordonné une expertise aux seules fins d'évaluer le taux d'invalidité correspondant à la date du 11 décembre 2017, au regard du guide barème applicable aux pensions militaires d'invalidité. L'expert a déposé son rapport le 26 décembre 2022. 3. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : / (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / (...). " Aux termes de l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / (...). " Il résulte de ces dernières dispositions que l'évaluation de l'invalidité au titre de laquelle la demande de pension est sollicitée doit être faite à la date de la demande de pension. 4. Le guide barème applicable aux pensions militaires d'invalidité cote les raideurs de l'extension et de la flexion du poignet de 5 à 8 % à droite et de 4 à 6 % à gauche. Il comporte par ailleurs un chapitre consacré aux névralgies, dans lequel il est précisé : " L'appréciation de l'invalidité provoquée par les névralgies est un problème des plus délicats. (...) / d) L'invalidité, momentanée ou persistante, doit être appréciée en fonction à la fois de l'intensité et de l'extension des névralgies, de la gêne fonctionnelle apportée au travail et du retentissement possible sur l'état général. (...). " Les taux d'invalidités sont définis en prenant pour exemple la névralgie sciatique persistante : 10 à 20 % pour une névralgie légère sans trouble grave de la marche, 25 à 40 % pour une intensité moyenne avec une gêne considérable de la marche et du travail, 45 à 60 % pour une névralgie grave rendant le travail et la marche impossibles, nécessitant souvent le séjour au lit, et 40 à 80 % pour une névralgie compliquée de réaction causalgique plus ou moins intense ou de retentissement sur l'état général. 5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que la maladie imputable au service était caractérisée en 2017 par un syndrome bilatéral du canal carpien associé à des kystes synoviaux, le kyste arthrosynovial scapho-lunaire droit, particulièrement douloureux, ayant récidivé après une ponction réalisée le 25 avril 2017. Malgré deux interventions chirurgicales, à gauche le 4 juillet 2017 et à droite le 2 octobre 2017, un déficit sensitivo-moteur des deux mains a persisté, ainsi que des limitations d'amplitudes fonctionnelles essentiellement liées à d'importantes douleurs. L'expert a constaté à l'examen une flexion dorsale des poignets de 50° à droite et 60° à gauche, une flexion palmaire symétrique à 70°, une douleur en amplitude extrême du poignet droit, à l'origine de tremblements d'attitude, une extension des doigts longs complète mais douloureuse, un signe de Tinel en regard de chaque canal carpien, et une force de serrage symétrique d'intensité moyenne. L'infirmité qu'il a retenue est " une sensation d'enraidissement douloureux des deux poignets touchant les chaînes digitales, avec des douleurs à la fois mécaniques et neuropathiques ", dont il a fixé le taux d'invalidité à 8 %, sans aucune explication, alors qu'un tel taux correspond à la cotation de simples raideurs articulaires du poignet droit selon le guide barème. L'expert n'a pas tenu compte de l'impotence fonctionnelle des deux poignets et des deux mains en lien avec la persistance de douleurs particulièrement invalidantes, qu'il a attribuées à une fibromyalgie, " pathologie indépendante évoluant pour son propre compte ", au motif qu'à la date de l'expertise, le tableau clinique et les examens réalisés ne permettaient pas de " trouver une organicité " à des douleurs d'une telle intensité. Toutefois, dans un courrier du 13 avril 2018 qui figurait au dossier médical remis à l'expert, le médecin chef du service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué a écarté l'hypothèse d'une fibromyalgie et expliqué que les influx nociceptifs et neuropathiques s'étaient accumulés du fait du syndrome du canal carpien bilatéral en rapport avec un exercice professionnel musical intensif, que le phénomène douloureux était devenu quotidien et permanent dans les suites opératoires de la seconde intervention, très douloureuse, de décompression du canal carpien droit et de traitement du kyste arthrosynovial, ce qui avait entraîné une altération importante du sommeil et de l'anxiété, et que la chronicité des douleurs était en relation avec une modification de la sensibilité du système nerveux central, en réponse à ce " contexte biopsychosocial (...) devenu délétère à la longue pour ce patient ". Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, les douleurs à l'origine de l'essentiel de l'impotence fonctionnelle sont en lien avec la maladie imputable au service, et doivent être prises en compte pour l'évaluation du taux d'invalidité. 6. Il résulte de l'instruction, notamment du courrier du 13 avril 2018 mentionné au point précédent, qu'à la date de la demande de pension, M. B... présentait des douleurs permanentes aux deux mains et aux deux poignets, avec des paroxysmes " chaque fois qu'il utilise un tant soit peu ses mains ", à type de brûlures et de décharges électriques, s'accompagnant de troubles de la sensibilité subjective (engourdissement, fourmillements) et de la sensibilité objective (altération de la sensation de froid ou de chaleur), ainsi que des troubles vaso-moteurs. Ces douleurs ont rendu la reprise du travail impossible, ainsi qu'il a été dit au point 1, et ont eu un retentissement sur l'état général, avec une altération importante du sommeil et une anxiété. Par suite, il y a lieu de retenir l'infirmité " impotence fonctionnelle douloureuse des deux poignets et des deux mains, avec troubles de la sensibilité et limitation d'amplitude fonctionnelle " au taux de 60 %. 7. Il résulte de ce qui précède que la décision du 1er février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... doit être annulée, et qu'il doit être enjoint au ministre des armées de concéder à M. B... un droit à pension temporaire au taux de 60 % à compter du 11 décembre 2017 pour l'infirmité " impotence fonctionnelle douloureuse des deux poignets et des deux mains, avec troubles de la sensibilité et limitation d'amplitude fonctionnelle ". 8. Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 520 euros par une ordonnance du président de la cour du 5 janvier 2023, doivent être mis à la charge de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : La décision du 1er février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... est annulée. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. B... un droit à pension temporaire au taux de 60 % à compter du 11 décembre 2017 pour l'infirmité " impotence fonctionnelle douloureuse des deux poignets et des deux mains, avec troubles de la sensibilité et limitation d'amplitude fonctionnelle ". Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 520 euros par une ordonnance du président de la cour du 5 janvier 2023, sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. D... B.... Une copie en sera adressée pour information au docteur C..., expert. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX01441
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 11/07/2023, 21BX03472, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, à titre principal, d'annuler la décision du 29 mai 2019 du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse en ce qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 4 septembre 2018, la décision du 5 juin 2019 par laquelle la même autorité a précisé ses droits à rémunération pour la période du 4 juin 2018 au 13 mai 2019, ensemble la décision du 24 juillet 2019 de rejet de son recours gracieux, et, à titre subsidiaire et avant dire droit, de prescrire une expertise médicale. Par un jugement n° 1902194 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 août 2021, M. B..., représenté par Me Vigreux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 1er juillet 2021 ; 2°) à titre principal, d'annuler les décisions du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse des 29 mai, 5 juin et 24 juillet 2019 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le refus du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie à compter du 4 septembre 2018 ne pouvait être légalement fondé sur les seules conclusions du médecin agréé du 30 avril 2018, sans saisine préalable obligatoire de la commission de réforme ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, bien qu'entrées en vigueur le 24 février 2019, ne peuvent concerner que les déclarations d'accident de service postérieures à cette date, de sorte que les articles 47-6 et 47-10 du décret du 13 mars 1983 lui sont inopposables et n'étaient pas applicables à la date de son accident de service survenu en septembre 2013, y compris pour les congés prolongés en lien avec cet accident antérieurement au 24 février 2019 ; par voie de conséquence, les décisions contestées sont dépourvues de fondement légal ; - les décisions contestées sont entachées de vices de procédure ; elles ont été prises sans avis préalable de la commission de réforme, en méconnaissance des articles 13, 18 et 19 du décret du 14 mars 1986 dans sa version alors applicable ; il a reçu sa convocation pour un examen par un médecin agréé la veille pour le lendemain ; il n'a pas été informé des motifs de cet examen et de ses droits à consultation de son dossier et à la préparation de sa défense ; - les décisions contestées sont entachées d'erreur d'appréciation de son état de santé, sa maladie actuelle traduisant une évolution des pathologies initiales résultant de son accident de service ; - une mesure d'expertise médicale avant-dire droit pourrait s'avérer utile. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Agnès Bourjol, - et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., éducateur de la protection judiciaire et de la jeunesse (PJJ), a fait, le 24 septembre 2013, une chute dans les escaliers de l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée de Nevers où il travaillait, qui a été reconnue comme un accident imputable au service par un certificat administratif du 10 octobre 2013. Il a bénéficié d'un placement en congé de maladie entre le 24 septembre 2013 et le 15 avril 2018, puis entre le 4 et le 12 septembre 2018, entre le 16 octobre et le 10 novembre 2018 et entre le 19 mars et le 13 mai 2019. Le médecin agréé ayant estimé, le 30 avril 2019, que les arrêts de travail à compter du 4 septembre 2018 n'étaient pas imputables au service, le directeur interrégional de la PJJ Ile de France et outre-mer a, le 29 mai 2019, décidé de placer M. B... en congé de maladie pour accident de service pour la période du 24 septembre 2013 au 15 avril 2018 et en congé de maladie ordinaire pour les périodes postérieures. Par une décision du 5 juin 2019, la même autorité a précisé les périodes des droits à rémunération à plein traitement et à demi-traitement de l'intéressé. M. B... a alors formé un recours gracieux contre ces deux décisions, qui a été rejeté par décision du 24 juillet 2019. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Mayotte d'une demande tendant à l'annulation des décisions susmentionnées des 29 mai, 5 juin et 24 juillet 2019. Il relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ". 3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique d'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 5. Aux termes de l'article 22 du décret du 21 février 2019 précité : " Le fonctionnaire en congé à la suite d'un accident ou d'une maladie imputable au service continue de bénéficier de ce congé jusqu'à son terme. Toute prolongation de ce congé postérieure à l'entrée en vigueur du présent décret est accordée dans les conditions prévues au chapitre Ier. Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 47-2 à 47-7 du décret du 14 mars 1986 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret. / Les délais mentionnés à l'article 47-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date ". 6. En outre, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Dès lors, la situation de M. B..., dont l'accident est survenu le 24 septembre 2013, et dont la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée avant le 24 février 2019, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 7. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable au présent litige : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 (...) ". Ces dernières dispositions imposent la consultation de la commission de réforme dans tous les cas où le bénéfice du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 est demandé par un agent, hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste. Aux termes de l'article 26 de ce même décret : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. / La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. ". 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de prendre en charge, sous le régime de l'accident de service, les arrêts de maladie de M. B... entre le 4 et le 12 septembre 2018, entre le 16 octobre et le 10 novembre 2018 et entre le 19 mars et le 13 mai 2019, l'administration s'est prononcée en faveur du placement en congé de maladie ordinaire de l'intéressé uniquement au vu des conclusions du médecin agréé du 30 avril 2019. Ainsi, en faisant application des dispositions des articles 47-6 et 47-10 du décret du 13 mars 1986 dans leur version issue du décret du 21 février 2019, qui n'étaient alors pas applicables à la situation de l'intéressé, l'administration a commis une erreur de droit, les droits de M. B... devant s'apprécier au 24 septembre 2013, date de survenance de son accident. Les décisions contestées auraient ainsi dû être prises après avis de la commission de réforme, en application des dispositions précitées applicables à la situation de M. B.... 10. Une telle omission de consultation préalable la commission de réforme a nécessairement privé l'appelant d'une garantie et constitue ainsi une irrégularité de nature à entacher d'illégalité les décisions contestées, nonobstant la faculté offerte à la commission de réforme, dont la saisine était obligatoire, de recourir à un expert médical. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que la décision du 29 mai 2019 et la décision du 5 juin 2019 la confirmant, ensemble le rejet de son recours gracieux, ont été pris en méconnaissance des dispositions alors applicables de l'article 26 du décret du 14 mars 1986, et doivent donc être annulés. 11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1902194 du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Mayotte et les décisions du directeur interrégional Ile-de-France et outre-mer de la protection judiciaire de la jeunesse des 29 mai, 5 juin et 24 juillet 2019 sont annulés. Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller, Mme Agnès Bourjol, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023. La rapporteure, Agnès BOURJOLLa présidente, Marie Pierre BEUVE DUPUY La greffière, Sylvie HAYET La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21BX03472
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/07/2023, 23MA01308, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, d'enjoindre à l'État de lui attribuer une pension dans un délai de deux mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 1909393 du 21 mars 2023, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de la requête de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai et 16 juin 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 23 juin 2023 à 18h 58, et non communiqué, Mme B... épouse A..., représentée en dernier lieu par Me Candon, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler cette ordonnance du 21 mars 2023 ; 2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Marseille ; 3°) de désigner tel expert pour accomplir la mission définie par le tribunal des pensions militaires le 30 août 2019 ; 4°) d'ordonner toute mesure propre à établir ses droits ; 5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Candon, la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve du renoncement par celui-ci de la part contributive de l'Etat. Elle soutient que : - en considérant que le délai d'un mois pour confirmer sa requête courait à compter du 10 février 2023, alors que son conseil n'en a eu connaissance que le 13 février, date de mise à disposition sur l'application Télérecours, et sans tenir compte du mémoire du 11 mars, malgré le caractère franc du délai d'un mois, le premier juge a méconnu les articles R. 612-5-1 et R. 611-8-6 du code de justice administrative, au terme d'une mauvaise computation du délai d'un mois prévu par le premier texte ; - en tout état de cause, les dispositions du second texte, en ce qu'elles fixent à deux jours le délai au terme duquel une consultation de courrier via Télérecours est réputée accomplie, sont contraires aux stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - l'état du dossier ne permettait pas au premier juge de s'interroger sur l'intérêt qu'il conservait pour la requérante qui, comme le ministre des armées, était dans l'attente des opérations d'expertise ordonnées par le tribunal des pensions militaires, avait sollicité la désignation d'un nouvel expert et, pour cette raison, le report de la clôture de l'instruction. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... épouse A..., a présenté le 30 juin 2017 une demande de pension de victime civile de guerre au titre des infirmités dénommées " éviscération de l'œil droit ", " déficits auditifs " et " traumatisme crânien " et qu'elle impute à une explosion survenue en 1957 pendant la guerre d'Algérie, que la ministre des armées a rejetée par une première décision du 24 octobre 2017. Saisi du recours de Mme B... épouse A... contre cette décision, le tribunal des pensions militaires de Marseille a, par jugement rendu avant dire droit le 30 août 2019, sursis à statuer sur sa demande et ordonné une expertise médicale aux fins de décrire les infirmités dont elle souffre, et de déterminer le taux d'aggravation imputable au service et le caractère curable ou non de ces affections. Après nouvel examen de la demande de pension de Mme B... épouse A..., et au vu des nouveaux éléments produits par celle-ci, la ministre des armées a pris une deuxième décision de refus le 9 avril 2019. Par une ordonnance du 21 mars 2023, dont Mme B... épouse A... relève régulièrement appel, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille lui a donné acte du désistement de sa requête tendant à l'annulation de cette décision de refus et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui accorder le bénéfice d'une pension. Sur l'admission de Mme B... épouse A... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président.(...) / L'aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d'aide juridictionnelle établit l'insuffisance des ressources ". 3. Eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de Mme B... épouse A..., et alors qu'en vertu de l'article L. 711-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'aide juridictionnelle est accordée de plein droit notamment aux auteurs de recours formés contre les décisions rendues en matière de pensions de victimes civiles de guerre, il y a lieu, ainsi d'ailleurs qu'elle le demande, de prononcer l'admission provisoire de l'intéressée au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur le bien-fondé de l'appel de Mme B... épouse A... : 4. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ". A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé en application des dispositions qui viennent d'être citées, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par ces dispositions, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. 5. Il ressort des pièces soumises au tribunal que tant la demande de Mme B... épouse A... du 7 novembre 2019 contre la décision du 9 avril 2019 refusant une deuxième fois de lui accorder une pension militaire d'invalidité, telle que complétée le 6 mai 2020, que les écritures en défense produites par le ministre des armées les 6 avril et 26 juin 2020, étaient présentées comme conditionnées aux opérations d'expertise ordonnées avant dire droit par le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 30 août 2019 et sollicitaient d'ailleurs la jonction de l'instance avec celle ayant donné lieu à ce jugement. Certes, au jour où le président de la troisième chambre du tribunal a invité la requérante à confirmer le maintien de sa demande, celle-ci n'avait pas produit de nouvelles écritures depuis presque trois années. Mais il est constant, d'une part, que l'intéressée a saisi l'expert désigné par le tribunal des pensions de Marseille de cinq demandes tendant à l'organisation d'une réunion d'expertise, la dernière datant du 22 octobre 2020, d'autre part qu'elle a demandé en conséquence au tribunal administratif, le 1er octobre 2020, le report de la clôture d'instruction, dont la date indicative avait été communiquée en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative le 11 juin 2020, ainsi que le cas échéant la désignation d'un nouvel expert, et enfin que l'expert judiciaire a informé la juridiction, par courrier du 2 janvier 2023, qu'il ne souhaitait plus accomplir sa mission, faute d'avoir reçu la somme de 2 300 euros qu'il réclamait à titre provisionnel pour lui et son sapiteur, sans que le tribunal, qui était tenu d'assurer le suivi de la mesure d'instruction, procède à la désignation d'un nouvel expert. 6. Compte tenu de l'ensemble des circonstances énoncées au point précédent, qui ne permettaient pas de s'interroger sur l'intérêt que la requête de Mme B... épouse A... conservait pour elle, et alors au demeurant que celle-ci a présenté le 11 mars 2023 un mémoire confirmant expressément et formellement le maintien de sa demande, soit dans le délai d'un mois imparti par le courrier du 10 février 2023, qui est un délai franc, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, en regardant l'absence de réponse de l'intéressée à son courrier du 8 février 2023 comme traduisant une renonciation de sa part à l'instance introduite. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de l'appel, l'ordonnance donnant acte de son désistement doit être annulée. Dès lors qu'aucune des parties à l'instance n'a saisi la Cour de conclusions au fond, l'affaire doit être renvoyée au tribunal. Sur les frais liés au litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... épouse A... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Mme B... épouse A... est admise au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle. Article 2 : L'ordonnance n° 1909393 rendue le 21 mars 2023 par le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée. Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... épouse A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., à Me Candon et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023. N° 23MA013082
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 07/07/2023, 470588, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 janvier 2020 par laquelle le service des retraites de l'Etat lui a concédé une rente viagère d'invalidité en tant qu'elle fixe la date d'effet de celle-ci au 11 septembre 2018. Par un jugement n° 1925185 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 18 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2023, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droit et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., major de police, a été admis à la retraite à compter du 1er janvier 2012. Par un arrêté du 23 septembre 2019, le service des retraites de l'Etat lui a concédé une rente viagère d'invalidité à compter du 20 novembre 2018. M. B... a formé un recours gracieux tendant à ce que la date d'effet de sa rente soit fixée au 18 octobre 2016. Par une décision du 22 janvier 2020, le service des retraites de l'Etat n'a que partiellement fait droit à cette demande en fixant cette date au 11 septembre 2018. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2020. Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 3. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article ". Et aux termes du premier alinéa de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services ". 4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors applicable : " Le droit à cette rente est également ouvert au fonctionnaire retraité qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article L. 31. Dans ce cas, la jouissance de la rente prend effet à la date du dépôt de la demande de l'intéressé, sans pouvoir être antérieure à la date de publication de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il en est également ainsi lorsque l'entrée en jouissance de la pension est différée en application de l'article L. 25 du présent code ". 5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. 6. En vertu des dispositions contestées du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraites, le fonctionnaire retraité, dont la maladie professionnelle a été reconnue imputable au service postérieurement à sa radiation des cadres, ne jouit de la rente viagère d'activité qu'à compter de la date de dépôt de sa demande d'attribution de cette rente et non, contrairement au fonctionnaire radié des cadres sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraites et dont la maladie professionnelle a été auparavant reconnue imputable au service, à la date de cette radiation. S'il en résulte une différence de traitement, celle-ci est justifiée par une différence objective de situation en rapport direct avec l'objet de la loi. 7. En deuxième lieu, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, (...) se trouve dans l'incapacité de travailler à le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ". En fixant la date de jouissance de la rente viagère d'activité, pour les fonctionnaires retraités, à la date de dépôt de la demande d'attribution de cette rente, le législateur n'a pas méconnu les exigences découlant de ces dispositions. 8. Il suit de là que la question de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Sur l'autre moyen : 9. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 10. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. B... soutient, en outre, que le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant qu'un fonctionnaire retraité ne peut bénéficier d'une rente viagère qu'à compter de la demande tendant au bénéfice d'une telle rente, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires que cette rente doit être versée à compter de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie professionnelle. 11. Ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.... Article 2 : Le pourvoi de M. B... n'est pas admis. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel. ECLI:FR:CECHR:2023:470588.20230707
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/06/2023, 22MA00430, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par deux requêtes distinctes, M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 8 avril 2019 par laquelle la ministre des armées lui a attribué une pension militaire d'invalidité, en tant qu'elle fixe le taux d'invalidité à seulement 10 %, d'enjoindre à la ministre de fixer le taux de son invalidité à 20 % et d'ouvrir ses nouveaux droits à pension à compter du 15 mars 2017, et, d'autre part, d'annuler la décision du 31 août 2020 par laquelle la ministre des armées, dans le cadre de l'instruction de sa demande de renouvellement de cette pension, a fixé le taux d'invalidité à seulement 15 %, ainsi que la décision du 23 mars 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 31 août 2020, et d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux de son invalidité à 30 % et d'ouvrir ses nouveaux droits à pension à compter du 15 mars 2020. Par deux jugements distincts n° 1911511 et n° 2103075 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. B.... Procédure devant la Cour : I - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22MA00430 les 3 février 2022, 16 février 2023 et 23 mars 2023, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1911511 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) à titre principal, de dire et juger qu'il a droit à une pension au taux de 20 % au titre des blessures reçues en service les 2 novembre 2012 et 21 août 2015 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a violé les dispositions des articles L. 121-1, L. 125-1, L. 125-3 et L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et a insuffisamment motivé sa décision ; - rien ne justifiait que soit écartée une partie du taux d'invalidité au titre d'une antériorité qui n'entraînait aucune invalidité et n'avait aucune incidence fonctionnelle ; en estimant que rien n'a été opposé à l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, le jugement est entaché d'une motivation erronée qui confine à la dénaturation des éléments du dossier ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle est fondée sur l'avis émis par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, lequel n'est prévu que par une circulaire du 12 février 2010 mais pas par une disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, non contradictoire, a eu une influence sur le sens de la décision dès lors qu'il a conduit le ministre à saisir la commission consultative médicale ; - postérieurement à l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 8 janvier 2019, l'administration ne lui a pas communiqué de constat provisoire, et ce, en méconnaissance de l'article R. 151-12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; il a de ce fait été privé d'une voie de recours devant la commission de réforme prévue par l'article R. 151-12-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; si le ministre produit un projet de constat provisoire, établi le 24 janvier 2019, l'instruction du dossier n'était pas encore terminée à cette date et il n'y a pas eu de constat provisoire rectificatif ; - toute évaluation d'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et faire ressortir la gêne fonctionnelle le justifiant en application de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la prise en compte par l'administration d'une invalidité antérieure aux accidents de service pour limiter à 10 % le taux d'invalidité imputable repose sur des avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité et de la commission consultative médicale qui ne contiennent aucune démonstration médicale ; la simple mention d'une lombalgie antérieure aux accidents ne saurait justifier cette décision ; - s'il a existé une erreur du service de santé des armées sur son aptitude postérieurement à l'accident du 2 novembre 2012, cette erreur constitue en elle-même un fait de service au sens de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - compte tenu de la contradiction évidente entre les avis médicaux, le tribunal ne pouvait se prononcer sans l'instauration d'une mesure d'expertise. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février, 21 mars et 30 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un courrier du 6 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 7 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Par lettre du 24 mai 2023, les parties ont été informées de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, dans ses différentes branches, du moyen relatif au vice de procédure entachant la décision du 8 avril 2019, ainsi que du moyen tiré du défaut de motivation de cette même décision. Par un mémoire enregistré le 26 mai 2023, le ministre des armées a fait connaître ses observations en réponse au moyen d'ordre public. Par un mémoire enregistré le 27 mai 2023, M. B... a fait connaître ses observations en réponse au moyen d'ordre public. II - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22MA00431 les 3 février 2022 et 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2103075 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) à titre principal, de dire et juger qu'il a droit à une pension au taux de 30 % au titre des blessures reçues en service les 2 novembre 2012 et 21 août 2015 à compter du 15 mars 2020 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - cette procédure présente à juger les mêmes questions que celles posées par l'instance n° 22MA00430 ; - ainsi, le tribunal a violé les dispositions des articles L. 121-1, L. 125-1, L. 125-3, L. 151-6, et R. 151-1 à R. 151-18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - rien ne justifiait que soit écartée une partie du taux d'invalidité au titre d'une antériorité qui n'entraînait aucune invalidité et n'avait aucune incidence fonctionnelle ; en estimant que rien n'a été opposé à l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, le jugement est entaché d'une motivation erronée qui confine à la dénaturation des éléments du dossier ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle est fondée sur l'avis émis par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, lequel n'est prévu que par une circulaire du 12 février 2010 mais pas par une disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, non contradictoire, a eu une influence sur le sens de la décision dès lors qu'il a conduit le ministre à saisir la commission consultative médicale ; l'autorité décisionnelle, qui n'a pourtant pas compétence liée, suit systématiquement cet avis ; - quant à l'avis de la commission consultative médicale, il ne fait que reprendre la position antérieure du 8 février 2019, oubliant au passage que le taux n'est plus de 20 % mais de 30 % ; - la prise en compte par l'administration d'une invalidité antérieure aux accidents de service repose sur des avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité et la commission consultative médicale qui ne contiennent aucune démonstration médicale ; la simple mention d'une lombalgie antérieure aux accidents ne saurait justifier cette décision ; - s'il a existé une erreur du service de santé des armées sur son aptitude postérieurement à l'accident du 2 novembre 2012, cette erreur constitue en elle-même un fait de service au sens de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - compte tenu de la contradiction évidente entre les avis médicaux, le tribunal ne pouvait se prononcer sans l'instauration d'une mesure d'expertise. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 21 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - M. B... n'est pas recevable à solliciter l'annulation de l'arrêté de concession du 31 août 2020 ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Un courrier du 6 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 7 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la circulaire n° 230125/DEF/DGA/DRH-MD/SPGRH/FM4 du 12 février 2010 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Une note en délibéré présentée par le ministre des armées, a été enregistrée dans l'instance n° 20MA00430 le 2 juin 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans la Légion Etrangère le 16 décembre 2011 et radié des contrôles le 10 février 2020, s'est vu concéder, par décision du 8 avril 2019, une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour une durée de trois années à compter du 15 mars 2017, au titre de l'infirmité " Séquelles de traumatisme lombaire avec lombalgies L5-S1 chroniques invalidantes ". Dans l'instance enregistrée sous le n° 22MA00430, M. B... relève appel du jugement n° 1911511 du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision en tant que la ministre a fixé son taux d'invalidité à seulement 10 %. 2. Le 3 octobre 2019, M. B... a sollicité le renouvellement de cette pension. Par une décision du 8 septembre 2020, la ministre des armées a octroyé à l'intéressé une pension militaire d'invalidité à titre définitif, et a fixé le taux global d'invalidité à 15 %. M. B... a exercé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision, en tant qu'elle lui refuse un taux d'invalidité à 30 %, devant la commission de recours de l'invalidité, laquelle a rejeté son recours par une décision du 23 mars 2021. Dans l'instance enregistrée sous le n° 22MA00431, M. B... relève appel du jugement n° 2103075 du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 mars 2021 de la commission de recours de l'invalidité. 3. Les recours susvisés nos 22MA00430 et 22MA00431 concernent la situation d'un même militaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt. Sur la régularité des jugements attaqués : 4. Si M. B... soutient que les jugements attaqués sont entachés d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne la justification de la prise en compte d'un état antérieur pour limiter le taux d'invalidité de 10 % retenu par la décision du 8 avril 2019, puis de 15 % par la décision du 23 mars 2021, il doit toutefois être regardé, compte tenu de l'argumentation qu'il développe, comme ayant entendu contester l'appréciation qui a été faite par les premiers juges sur cette question et non la régularité du jugement. 5. Par ailleurs, si M. B... soutient que le tribunal administratif a commis des " dénaturations des pièces du dossier ", ce moyen, qui relève de la cassation, ne saurait être accueilli en appel. Sur le bien-fondé des jugements attaqués : En ce qui concerne la régularité des décisions attaquées : 6. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. Toutefois, le requérant n'est pas recevable à invoquer pour la première fois en appel des moyens contestant la régularité de cette décision, sauf s'il s'agit de moyens d'ordre public. 7. En premier lieu, M. B..., qui n'a pas soulevé devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, puis devant le tribunal administratif de Marseille, des moyens contestant la régularité de la décision du 8 avril 2019, n'est pas recevable à soutenir, pour la première fois en appel, que cette décision serait entachée de vices de procédure et d'un défaut de motivation. Par suite, de tels moyens, irrecevables, ne peuvent qu'être écartés. 8. En second lieu, aux termes de l'article R. 153-3 du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre : " Le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre instruit la demande. Il recueille l'avis de la commission consultative médicale dans les cas prévus par arrêté des ministres chargé des anciens combattants et victimes de guerre et du budget et lorsque l'un ou l'autre des services mentionnés au présent article l'estime utile. / Le dossier est ensuite transmis au service désigné par le ministre chargé du budget pour liquider et concéder les pensions du présent code, qui procède à l'attribution de la pension et à l'envoi du titre de pension, ou indique au service instructeur, s'il y a lieu, les raisons pour lesquelles il rejette, en tout ou partie, l'attribution de la pension. ". La circulaire n° 230125/DEF/DGA/DRH-MD/SPGRH/FM4 relative à la constitution, à l'instruction et à la liquidation des dossiers de pension d'invalidité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre du 12 février 2010, publiée au Bulletin Officiel des Armées (BOC N° 14 du 9 avril 2010, texte 2) dispose que : " 1.2.2.1 Après achèvement de l'instruction médicale du dossier dans les conditions du point 1.2.1. de la présente circulaire, le médecin chargé des PMI du CEM/CR procède à l'examen des droits à pension de l'intéressé et consigne son avis au moyen de l'imprimé figurant en annexe VI. Le médecin chargé des PMI du CEM/CR peut formuler un avis sur l'imputabilité au service de l'infirmité qui ne préjuge pas du résultat de l'étude juridique à effectuer par les services administratifs de la SDP et fait connaître s'il estime opportun que la commission consultative médicale soit saisie, dans les cas où cette saisine ne revêt pas un caractère obligatoire. (...) 1.2.3 Sur le fondement de l'avis du médecin chargé des PMI du CEM/CR sur les aspects médico-légaux du dossier, notamment sur l'imputabilité au service de l'infirmité, et des éléments recueillis au cours de l'instruction administrative, la SDP établit un projet de constat provisoire des droits à pension comportant le cas échéant mention du droit ou de l'absence de droit aux allocations aux grands mutilés, à l'hospitalisation ou à la majoration pour tierce personne. Ce projet devra être conforme, quant au diagnostic et au taux d'invalidité, à l'avis du médecin précité. Si la SDP souhaite une expertise complémentaire, elle transmet le projet de constat provisoire pour recueillir l'avis de la commission consultative médicale (CCM) et l'indiquera sur le constat provisoire des droits à pension ". 9. D'une part, si M. B... persiste à soutenir, dans les mêmes termes qu'en première instance, que la décision du 23 mars 2021, par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 31 août 2020 en tant que la ministre des armées a fixé à 15 % le taux global d'invalidité pour lui octroyer une pension militaire d'invalidité à titre définitif, est entachée d'un vice de procédure résultant de ce que l'intervention du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité n'est pas prévue par les dispositions réglementaires, que ce médecin ne l'a pas examiné avant de rendre son avis, non soumis au contradictoire ni communiqué, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 et 5 de leur jugement. 10. D'autre part, il ne résulte nullement de l'instruction que tant la ministre que la commission de recours de l'invalidité se seraient estimées en situation de compétence liée, de sorte que le moyen tiré de ce que l'administration suit systématiquement l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité doit être écarté. En ce qui concerne le bien-fondé des décisions en litige s'agissant du taux d'invalidité retenu par l'administration : 11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 121-2-3 dudit code précise que : " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". L'article L. 125-3 de ce même code renvoie à un décret le soin de fixer " les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité ". L'article L. 125-5 de ce code dispose que : " Lorsqu'il s'agit d'amputations ou d'exérèses d'organe, les pourcentages d'invalidité figurant aux barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 sont impératifs. Dans les autres cas, ils ne sont qu'indicatifs. ". Enfin, selon l'article L. 151-6 dudit code : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 (...). / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ". 12. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime de deux accidents de service, le 2 novembre 2012 et le 21 août 2015, à l'occasion desquels il a été blessé au dos. Si les suites du premier accident ont été favorables, la radiographie du rachis lombaire réalisée le 6 novembre 2012 a toutefois objectivé l'existence d'une anomalie transitionnelle de la jonction lombo-sacrée avec apophysomégalie gauche de L5 ainsi qu'une néo-articulation transverso-sacrée gauche avec pincement discal au niveau L5-S1 sans lésion osseuse d'origine traumatique. L'existence de cette pathologie antérieure au premier accident est confirmée par l'imagerie médicale du rachis lombaire réalisée le 15 septembre 2015, à la suite du second accident de service, qui a révélé plusieurs anomalies au niveau du disque L5-S1. Si M. B..., qui ne conteste pas l'existence de cet état antérieur, soutient néanmoins qu'il ne pouvait être pris en compte pour fixer le taux d'invalidité appliqué au titre de la pension temporaire qui lui a été octroyée par décision du 8 avril 2019, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale du 14 novembre 2018, que les gênes fonctionnelles dont souffre l'intéressé résultent notamment de lombalgies chroniques et que celui-ci avait déjà été victime de tels symptômes avant l'accident initial du 2 novembre 2012, ainsi que cela ressort de l'extrait du livret médical produit dans l'instance. S'il est certes exact que l'expert n'a pas pris en compte l'antériorité de ces anomalies pour fixer à 20 % le taux d'invalidité, motif pris de ce qu'elles n'auraient pas un caractère péjoratif suffisant, il résulte néanmoins de son rapport que c'est précisément au niveau du disque L5-S1 que M. B... a dû subir une cure chirurgicale de hernie discale le 16 décembre 2016 ainsi qu'une arthrodèse le 24 novembre 2017. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'appelant, compte tenu de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à cette infirmité et à la gêne fonctionnelle en résultant, l'administration était fondée, s'appuyant en cela tant sur l'avis du médecin chargé des pensions du 8 janvier 2019 que sur celui de la commission consultative médicale du 8 février 2019, à prendre en compte cet état antérieur pour déterminer le taux d'invalidité à appliquer, la circonstance que l'intéressé avait été déclaré apte à la suite des tests dits " C... " (A...) le 4 avril 2014 n'étant pas de nature, à cet égard, à établir que les gênes fonctionnelles dont il demeure atteint seraient entièrement imputables aux accidents de services subis en 2012 et 2015. Enfin, alors que, par la décision en litige, la ministre a décidé de suivre l'avis de la commission consultative médicale, selon lequel la part imputable au service de l'invalidité est de 10 %, M. B... ne produit aucune pièce médicale de nature à remettre en cause l'avis de la commission sur ce point. Par suite, c'est à bon droit que, par sa décision du 8 avril 2019, la ministre des armées lui a accordé une pension d'invalidité au taux de 10 % pour la période du 15 mars 2017 au 14 mars 2020. 13. En second lieu, aux termes de l'article R. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " A l'issue du délai de trois ans, pour la ou les infirmités résultant uniquement de blessures, la situation du pensionné doit être définitivement fixée : / 1° Soit par la conversion de la pension temporaire en pension définitive à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif (...) ". 14. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 12, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la pathologie révélée par les examens d'imagerie médicale réalisés après les accidents de service subis en 2012 et 2015 ne pouvait être prise en compte par la commission de recours de l'invalidité lorsqu'elle a rejeté son recours administratif préalable obligatoire par décision du 23 mars 2021, et ainsi confirmé la décision par laquelle la ministre des armées a fixé le taux d'invalidité pris en compte au titre de la pension définitive qui lui a été octroyée pour l'infirmité " Séquelles de traumatisme lombaire avec lombalgies L5-S1 chroniques invalidantes ". L'appelant ne produit par ailleurs pas davantage d'éléments médicaux de nature à remettre en cause ce taux, fixé à 15 % sur une invalidité totale de 30 %, compte tenu de cet état antérieur, sur le fondement tant de l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité émis le 9 juillet 2020 que de celui rendu le 17 décembre 2020 par la commission consultative médicale. Par suite, c'est à bon droit que, par sa décision du 23 mars 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire et confirmé la décision de la ministre des armées lui octroyant une pension définitive au taux de 15 %. 15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ni de se prononcer sur la fin de non-recevoir, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes d'annulation de la décision du 8 avril 2019 de la ministre des armées et de la décision du 23 mars 2021 de la commission de recours de l'invalidité. Ses requêtes d'appel doivent donc être rejetées, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023. N° 22MA00430, 22MA00431 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 15/06/2023, 22BX00397, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Limoges d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour diverses infirmités. Par jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019, le tribunal des pensions militaires a accordé à M. C... un droit à pension au taux de 20 % à compter du 23 septembre 2010 pour l'affection " séquelles de coxarthrose droite traitée par prothèse de hanche, douleurs intermittentes avec limitation des activités sportives " et un droit à pension au taux de 15 % pour l'affection " séquelles de lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale L5-S1 ". Par un arrêt n° 19/00002-3 du 28 octobre 2019, la cour régionale des pensions militaires de Limoges a, sur appel de la ministre des armées et de M. C..., annulé partiellement le jugement du tribunal des pensions de Limoges et accordé une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité n° 3 : acouphènes bilatéraux, au taux d'invalidité de 10 %. Par une décision n° 437228 du 31 janvier 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires de Limoges et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Procédure devant la cour : Par des mémoires, enregistrés les 11 mai, 26 juillet, 30 septembre et 21 octobre 2022, et 11 avril 2023, la ministre puis le ministre des armées demandent à la cour de réformer le jugement du tribunal des pensions militaires de Limoges du 15 mai 2019 en ce qu'il a accordé à M. C... un droit à pension militaire d'invalidité pour séquelles de coxarthrose droite et lombosciatalgies, et de rejeter la demande présentée par M. C... devant ledit tribunal. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal des pensions militaires a accordé à M. C... un droit à pension au taux de 20 % en raison de la coxarthrose dont il souffre ; en effet, l'expert missionné par l'administration n'a pas établi de lien de causalité direct et certain entre la course du 13 novembre 2001 et la coxarthrose, même si cette épreuve a pu la révéler ; dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue au cours du service ou a été favorisée ou déclenchée par les conditions de celui-ci ; ainsi, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ; la responsabilité du service dans cette maladie chronique qu'est l'arthrose de la hanche ne peut donc être retenue, d'autant plus que la marche-course du 13 novembre 2001 était une épreuve banale, la participation de M. C... à cette marche devant être regardée comme des circonstances générales de service ; le Conseil d'Etat a précisé le sens de l'expression " conditions générales de service " dans une décision n° 396419 ; - c'est également par une inexacte qualification des faits que le tribunal a accordé à M. C... un taux d'invalidité de 15 % pour ses lombosciatalgies, qu'il a considérées comme issues d'un vol en avion le 17 juillet 2006 ; le compte-rendu d'hospitalisation de septembre 2006 mentionne la présence d'un lumbago sans évènement déclenchant particulier ; le fait que le livret militaire de l'intéressé mentionne de nombreux antécédents lombalgiques, sans précision sur leur origine, ne saurait suffire à établir leur rattachement au service ; le lien de cause à effet de cette pathologie avec le vol du 17 juillet 2006 n'est en tout cas pas établi dans les conditions exigées par l'article L. 2 du code ; - en revanche, le tribunal a rejeté à bon droit le recours de M. C... au titre des acouphènes bilatéraux ; en effet, la seule circonstance qu'un militaire soit exposé durant sa carrière à divers chocs sonores et que les acouphènes se soient manifestés au cours du service reste insuffisante pour caractériser le fait précis ou les circonstances particulières exigées par l'article 2 du CPMIVG ; - en tout état de cause, la preuve de l'imputabilité d'une affection ne peut être fondée sur la seule circonstance que l'intéressé en était indemne lors de son incorporation ; - à titre subsidiaire, le droit applicable à l'instruction d'une demande de pension militaire est celui en vigueur à la date de la demande. Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars, 2 juin, 8 et 16 août 2022, 24 et 27 octobre 2022 et 11 avril 2023, M. C... demande à la cour : 1°) de réformer le jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019 du tribunal des pensions militaires de Limoges en ce qu'il a limité son taux d'invalidité pour coxarthrose droite à 20 % au lieu de 30 %, et en ce qu'il ne lui pas reconnu un taux d'invalidité de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux dont il est affecté ; 2°) de confirmer l'attribution d'une pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux d'invalidité de 15 % en raison des séquelles au pied gauche d'une hernie discale, et de lui attribuer cette pension sur la base d'un taux de 30 % en raison des séquelles des traumatismes qui ont provoqué une coxarthrose de la hanche droite et d'un taux de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux. Il soutient que : - les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés ; - il souffre de trois infirmités irréversibles: séquelles d'une coxarthrose droite, séquelles au pied gauche à la suite d'une hernie discale et séquelles de traumatismes sonores nécessitant le port permanent d'appareils auditifs aux deux oreilles ; pour chacune de ces infirmités, le bénéfice de la présomption d'imputabilité au service doit lui être reconnu ; au surplus, il a, conformément aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, apporté toutes les preuves de l'existence de faits précis et de circonstances particulières de service ; le ministre ne peut s'appuyer, pour lui refuser les taux d'invalidité qu'il réclame, sur le fait que tous les militaires ont les mêmes conditions générales d'exercice, ce qui est faux ; en outre, des microtraumatismes répétés peuvent avoir des conséquences chez certains et pas chez d'autres ; en tout état de cause, l'administration n'a jamais réussi à établir que d'autres facteurs auraient été les causes déterminantes de ses trois pathologies ; par suite, la seule circonstances que lesdites pathologies pourraient avoir été favorisées par d'autres facteurs ne suffit pas à écarter la preuve de leur imputabilité ; - s'agissant de sa coxarthrose, absolument aucune pièce médicale antérieure à l'épreuve de course du 13 novembre 2001 ne fait état d'arthrose à sa hanche droite ; s'agissant de ses douleurs sciatiques, il n'en avait jamais souffert avant 2006 ; si tel avait été le cas, il n'aurait jamais été déclaré apte à s'engager et n'aurait pas été envoyé en opérations extérieures ; tous les examens réalisés avant 2006 sont normaux ; contrairement à ce que peut laisser entendre la rédaction de l'arrêt de renvoi du Conseil d'Etat, il n'a pas souffert de " lombosciatalgies " au pluriel, ni d'une maladie dégénérative du dos, mais d'une seule et même affection, issue d'une hernie discale L5-S1, qui a été opérée en 2006 ; la récupération neurologique ayant été incomplète, il souffre toujours de séquelles de l'unique sciatique survenue en 2006 ; enfin, s'agissant de ses acouphènes, il les rattache à des faits précis, qui se sont déroulés en République centrafricaine, à Djibouti et à Coëtquidan ; - il ressent des douleurs permanentes et a désormais des problèmes physiques qui le handicapent dans sa vie de tous les jours ; la pension militaire d'invalidité ayant pour finalité l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent résultant d'une infirmité contractée en service, il demande que lui soit appliquée la " jurisprudence Brugnot " issue de l'arrêt du Conseil d'Etat du 1er juillet 2005 et que lui soit reconnu un taux d'invalidité de 30 % en raison des séquelles des traumatismes qui ont provoqué une coxarthrose de la hanche droite, un taux d'invalidité de 15 % en raison des séquelles au pied gauche d'une hernie discale et un taux d'invalidité de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux nécessitant le port permanent d'appareils auditifs ; - il renonce à demander l'attribution d'un taux d'invalidité pour les séquelles de paludisme et de leishmaniose, dont il ne souffre pas réellement au quotidien. Par une ordonnance du 20 mars 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 12 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, - les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né en 1956, a été engagé le 1er septembre 1976 dans l'armée de terre et a été rayé des cadres le 16 janvier 2015 au grade de colonel. Le 23 septembre 2010, il a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour diverses pathologies dont il est affecté, une coxarthrose de la hanche droite, des séquelles de lombosciatique, des problèmes auditifs à type d'hypoacousie et d'acouphènes bilatéraux, ainsi que les séquelles d'un paludisme, d'une leishmaniose et d'une entorse au genou droit. Le 3 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande, décision que M. C... a contestée devant le tribunal des pensions militaires de Limoges. Par un jugement du 15 mai 2019, ce tribunal a estimé que l'intéressé devait se voir reconnaître un taux d'invalidité de 20 % pour séquelles de coxarthrose droite et de 15 % pour lombosciatalgies, et a rejeté le surplus de ses prétentions. Le ministre des armées et M. C... ayant tous deux relevé appel de ce jugement, la cour régionale des pensions militaires de Limoges, après avoir joint les requêtes, a, par un arrêt du 28 octobre 2019, réformé le jugement en ce qu'il n'avait pas accordé en outre à M. C... un droit à pension au taux d'invalidité de 10 % au titre de l'infirmité " acouphènes bilatéraux ". Sur pourvoi de la ministre des armées, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une décision du 31 janvier 2022, annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires de Limoges et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. La ministre puis le ministre des armées concluent à l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Limoges et au rejet de la demande de M. C.... Par la voie de l'appel incident, M. C... conclut à la réformation du jugement en ce qu'il ne lui pas a reconnu un taux d'invalidité de 30 % en raison des séquelles des traumatismes qui ont provoqué une coxarthrose de la hanche droite et un taux de 10 % en raison des séquelles de traumatismes sonores bilatéraux. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". En vertu de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...). / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (...) ". Aux termes de l'article L. 4 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) /3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples ". 3. Il résulte des dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 4. En premier lieu, pour reconnaître à M. C... un droit à pension d'invalidité au taux de 20 % pour la coxarthrose droite dont il souffre et qui lui a valu la pose d'une prothèse totale de hanche, le tribunal des pensions militaires de Limoges a retenu que cette pathologie se rattache par un lien direct et déterminant de cause à effet à la course dite COVAPI (contrôle obligatoire de la valeur physique individuelle) du 13 novembre 2001, qu'elle a considérée comme un fait de service précis qui ne rentre pas dans les circonstances normales de service. 5. Le rapport médical circonstancié établi le 19 décembre 2001 indique que le colonel C... a ressenti, à l'issue de l'épreuve COVAPI du 13 novembre 2001 " une douleur au niveau de la hanche droite ", en raison de laquelle il s'est présenté au médecin militaire le 20 novembre. A la suite de cette consultation, le livret médical de l'intéressé mentionne, à la date du 6 décembre 2001, " arthrose de la hanche ". Si M. C... fait valoir qu'il n'avait jamais souffert de sa hanche auparavant, l'arthrose est, comme le fait valoir le ministre, une maladie dégénérative d'installation progressive à partir de la quarantaine, qui n'est souvent diagnostiquée que lorsque la douleur et la gêne fonctionnelle apparaissent. En l'espèce, alors que la présence d'une arthrose déjà installée a pu être révélée par la marche/course du 13 novembre 2001, la date d'apparition de cette pathologie ne peut être déterminée et M. C... n'établit pas l'existence d'un lien de cause à effet entre l'épreuve COVAPI précitée et cette affection, ni même entre le service et celle-ci, quand bien même les entraînements seraient à l'origine, comme il le soutient, de nombreux micro-traumatismes dus au port de chaussures rigides sans dispositif d'amortissement des chocs, ce qui n'est pas établi. 6. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Limoges a reconnu à M. C... un taux d'invalidité de 20 % pour sa " coxarthrose droite traitée par prothèse de hanche, douleurs intermittentes avec limitation des activités sportives " en la rattachant " par un lien direct et déterminant de cause à effet à un fait de service précis ", en l'occurrence, la marche/course COVAPI du 13 novembre 2001. Dès lors, l'appel incident de M. C... sur ce point, tendant à ce que le taux d'invalidité résultant de cette maladie soit porté à 30 % ne peut qu'être rejeté. 7. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que M. C... souffre de lombosciatalgies, issues d'une lombosciatique traitée par intervention chirurgicale sur une hernie discale L5-S1 le 22 septembre 2006. Il ressort des rapports médicaux versés au dossier que M. C... est rentré de Polynésie française le 17 juillet 2006 et que, dès son arrivée en métropole, à la suite d'un vol qualifié de " prolongé et inconfortable " par les conclusions du rapport d'expertise du Dr B... du 6 avril 2016, au demeurant peu contemporain des faits, il a ressenti de vives douleurs dans le bas du dos, puis dans la jambe gauche, de la cuisse jusqu'au pied, pour lesquelles il a consulté à plusieurs reprises le médecin militaire les 19, 24 et 28 juillet 2006, puis les 4 et 7 septembre 2006, avant d'être envoyé en consultation au Val-de-Grâce le 8 septembre suivant auprès d'un neurochirurgien, qui a décidé de l'opérer le 22. Cependant, M. C... n'établit pas que l'affection en cause est imputable au vol des 17-19 juillet 2006, dès lors qu'une discopathie suffisamment évoluée pour recevoir une indication chirurgicale ne saurait s'installer en quelques jours, le vol incriminé pouvant là encore avoir agi comme un révélateur de la pathologie discale, dont la sciatique n'est qu'une des manifestations. Ainsi, la circonstance que les douleurs soient apparues après ce vol ne suffit pas à elle seule à démontrer que les lombosciatalgies dont souffre aujourd'hui M. C... s'y rattacheraient par un lien direct et certain. 8. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Limoges a reconnu à M. C... un taux d'invalidité de 15 % relatif à l'infirmité " lombosciatalgies traitées par cure de hernie discale L5-S1 ". 9. En troisième et dernier lieu, il est également constant que M. C... souffre d'une hypoacousie et d'acouphènes bilatéraux, qui nécessitent désormais le port de prothèses auditives. M. C... impute cette infirmité à des tirs d'entraînement à Coëtquidan et à des tirs réels sans protections auditives en Centrafrique et à Djibouti. Cependant, il se prévaut à cet égard d'un taux d'invalidité de 10 % qui ne peut lui ouvrir droit à une pension militaire d'invalidité au regard des dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires et des victimes de guerre. Par ailleurs, il n'identifie pas une circonstance de tir précise qui serait à l'origine d'une blessure ayant entraîné cette infirmité. 10. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal des pensions militaires de Limoges a refusé de lui reconnaître une invalidité imputable à l'exercice de ses fonctions militaires en raison de ses problèmes auditifs. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019 du tribunal des pensions militaires de Limoges doit être annulé en tant qu'il a reconnu à M. C... un taux d'invalidité de 20 % en raison de la coxarthrose de sa hanche droite et un taux d'invalidité de 15 % en raison des lombosciatalgies dont il est affecté, et que l'appel incident de M. C... doit être rejeté. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2017/4 du 15 mai 2019 du tribunal des pensions militaires de Limoges est annulé en tant qu'il a attribué à M. C... un taux d'invalidité de 20 % en raison de la coxarthrose de sa hanche droite et un taux d'invalidité de 15 % en raison des lombosciatalgies dont il est affecté. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal des pensions militaires de Limoges est rejetée en tant qu'elle portait sur l'attribution d'une pension d'invalidité pour coxarthrose et lombosciatalgies. Article 3 : L'appel incident de M. C... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. A... C.... Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023. La rapporteure, Florence Rey-Gabriac La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 22BX00397 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 20/06/2023, 21VE02408, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Grigny à lui verser les sommes respectives de 150 000 et 200 000 euros en réparation des préjudices d'ordre moral et matériel imputables aux fautes commises à son encontre par les services communaux. Par un jugement n° 1905703 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Grigny à verser à Mme A... la somme de 1 500 euros et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 août 2021, Mme A..., représentée par Me de Folleville, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ; 2°) de condamner la commune de Grigny à lui verser les sommes respectives de 150 000 et 200 000 euros en réparation des préjudices d'ordre moral et matériel imputables aux fautes commises à son encontre par les services communaux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Grigny le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme A... soutient que : - la commune de Grigny a méconnu son obligation de sécurité à son égard ; - elle a subi des agressions de la part de son supérieur hiérarchique ; - elle a été victime de harcèlement moral ; - elle a en tout état de cause droit d'être indemnisée des préjudices nés de sa maladie professionnelle relatifs à ses frais médicaux, au non versement de primes, à des troubles dans les conditions d'existence et à un préjudice moral ; - la commune a commis une faute en ne lui fournissant pas de feuilles de soins. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2023, la commune de Grigny, représentée par Me Carrère, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne pour laquelle il n'a pas été produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Villette, - les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique, - et les observations de Me de Folleville, pour Mme A... et de Me Langlet, pour la commune de Grigny. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjointe administrative de deuxième classe, a été recrutée en 1993 par la commune de Grigny. Elle a été affectée à un poste d'agent d'accueil au sein du centre culturel de la commune. Elle a déclaré au mois de juillet 2012 une dépression en réaction à la dégradation de ses conditions de travail et a été placée en congé pour maladie à compter du 20 juillet 2012. Par un arrêté du 15 octobre 2012, Mme A... a été placée en congé pour accident de service à compter du 20 juillet 2012. Ce congé imputable au service a été renouvelé, de façon continue, jusqu'au 10 juillet 2020, date à laquelle Mme A... a été licenciée pour inaptitude physique. Le 19 mars 2019, elle a saisi la commune de Grigny d'une demande indemnitaire portant sur l'absence de versement d'éléments de rémunération et sur l'indemnisation qu'elle estime avoir subis à raison de diverses fautes commises par la commune, ainsi que du fait de son invalidité imputable au service. Mme A... relève appel du jugement du 14 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a limité à 1 500 euros la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Grigny à son profit. Sur la rémunération de Mme A... : 2. Mme A... demande le versement de primes, fondées sur deux délibérations du conseil municipal de la commune de Grigny en date des 8 juillet 1985 et 19 novembre 1991, qui ne lui auraient pas été versées depuis son placement en congé. 3. D'une part, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, entré en vigueur postérieurement à la déclaration de son invalidité imputable au service et au dernier renouvellement de son congé maladie. 4. D'autre part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires (...) ". Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. " ; 5. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de dispositions expresses en sens contraire des délibérations qui les instituent, le droit à rémunération des fonctionnaires territoriaux en congé de maladie ne comprend pas les indemnités accessoires attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais. En l'espèce, la prime annuelle prévue par la délibération du 8 juillet 1985 est versée aux agents au prorata des heures effectuées. L'indemnité prévue par la délibération du 19 novembre 1991 vise à compenser les conditions difficiles de travail des agents de la commune face à une population socialement défavorisée. Par suite, ces indemnités doivent être regardées comme liées à l'exercice effectif des fonctions des agents. Aucune disposition de ces délibérations ne prévoit leur maintien en cas de placement en congé de maladie. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à en demander le versement pour la période comprise entre son placement en congé et son licenciement. Sur les conclusions indemnitaires de Mme A... : 6. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et L. 417-8 du code des commune qui instituent, en faveur des fonctionnaires territoriaux victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne l'existence d'une faute : 7. En premier lieu, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". 8. Mme A... produit un courrier du 2 décembre 2010 dans lequel elle faisait état du dysfonctionnement des outils informatiques et téléphoniques mis à sa disposition, d'une vitre cassée et de fauteuils cassés dans son bureau au centre culturel Sydney Bechet. Néanmoins, il résulte de l'instruction que des travaux et des interventions ont été réalisés en janvier 2011 pour y remédier. Elle produit également le compte rendu d'une visite du médecin du travail réalisée dans ce centre culturel le 3 juillet 2012 faisant état d'un travail isolé, d'un défaut de vérification périodique des systèmes incendie et électrique, d'odeurs nauséabondes, du manque de formation à la santé au travail des agents, de problèmes d'humidité, d'un mauvais stockage des archives et de produits périmés dans la trousse à pharmacie. Néanmoins, à la suite de cette visite, des travaux ont été réalisés dans les bureaux et la cuisine du centre culturel en vue d'y reprendre les peintures et les sanitaires et que la commune a contesté l'absence de réalisation des vérifications précitées et invité les agents à faire remonter tout besoin en matériel. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que ces difficultés aient été à l'origine de la pathologie de la requérante qui résulte d'un stress post-traumatique faisant suite à l'envahissement du centre culturel quelques mois plus tôt. Enfin, si Mme A... se plaint de l'accès du public à son bureau, cet état de fait est inhérente à sa mission d'accueil. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la commune de Grugny aurait ainsi commis une faute à l'origine de sa pathologie. 9. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que son supérieur hiérarchique aurait été régulièrement en état d'ébriété et aurait eu un comportement agressif à l'égard des agents et du public du centre culturel, elle ne l'établit pas par les documents qu'elle produit qui se bornent tous à reprendre ses seules allégations. 10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la seule reconnaissance de l'imputabilité au service de son état de santé serait de nature à caractériser l'existence d'une faute de la part de la commune à l'origine de celui-ci. 11. En quatrième lieu, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements de harcèlement sont ou non établis. Le juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 du présent arrêt que Mme A... n'établit pas avoir été sciemment soumise à des conditions de travail dégradées ni avoir été exposée à des agressions de son supérieur hiérarchique. Mme A... ne conteste pas utilement que l'interruption du versement de son traitement entre les mois de décembre 2017 et mai 2018 était justifié par son refus de se présenter aux expertises médicales diligentées par son employeur, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait revêtu un caractère excessif. De même, le versement tardif de son allocation de retour à l'emploi est lié, certes à une erreur de la commune, mais également au délai mis par la requérante pour saisir Pôle Emploi d'une demande d'indemnisation. Si Mme A... a sollicité des feuilles de soins permettant une prise en charge par avance de ses frais médicaux en vain, elle ne justifie pas en avoir sollicité en vain le remboursement. Enfin, si le tribunal administratif de Versailles a jugé, par un jugement n° 2005965 du 23 septembre 2022 devenu définitif, que son licenciement pour inaptitude était illégal, il a jugé que Mme A... aurait dû être évincée du service au travers d'une mise en disponibilité d'office. Dès lors, les éléments produits par Mme A... ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que sa dépression imputable au service trouverait sa cause dans une faute commise par l'administration. En ce qui concerne les préjudices de Mme A... : 14. En premier lieu, Mme A... ne produit toujours en appel aucun justificatif des frais de déplacement aux expertise médicales et commission de réforme qu'elle invoque. 15. En deuxième lieu, elle ne justifie pas de l'envoi en lettre avec accusé de réception de ses arrêts de travail et ainsi des frais invoqués au titre de ces envois. Elle ne justifie pas non plus des sommes restées à sa charge à raison des consultations réalisées auprès de son médecin traitant pour l'obtention de prolongations de ces arrêts. 16. En troisième lieu, si Mme A... fait valoir la prise en charge de frais induits par le paiement d'ordonnances non couvertes par la commune de Grigny, elle ne produit à l'instance ni ces ordonnances ni la preuve d'un quelconque paiement. 17. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 et 13 du présent arrêt qu'en l'absence de faute de la commune, Mme A... n'est pas fondée à demander la condamnation de celle-ci à l'indemniser de la perte des primes liées à l'exercice de ses fonctions à raison de son placement en congé. 18. En cinquième lieu, Mme A... soutient avoir subi des troubles dans les conditions d'existence du fait de l'arrêt du versement de son traitement entre les mois de décembre 2017 et mai 2018. Néanmoins, Mme A... ne conteste pas utilement que cette suspension, fondée sur l'article 15 du décret du 30 juillet 1987, trouve sa cause dans son refus de se présenter aux expertises médicales diligentées par son employeur. Les troubles invoqués ne présentent dès lors pas de lien de causalité avec la maladie dont souffre Mme A.... 19. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... était atteinte entre 2012 et 2020 d'un syndrome dépressif sévère. Dès lors, elle est fondée à demander que l'indemnisation des souffrances endurées et du préjudice moral qu'elle a subi soit portée à la somme de 5 000 euros. Sur l'absence de fourniture de feuilles de soins : 20. Mme A... soutient que la commune a commis une faute en ne lui fournissant pas des attestations de prise en charge de ses frais médicaux la dispensant d'avancer ses frais. Néanmoins, à supposer même une faute ainsi commise, elle ne fait état d'aucun préjudice distinct de ceux évoqués ci-dessus. 21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander que la somme à laquelle la commune de Grigny a été condamnée soit portée à 5 000 euros et à demander la réformation du jugement du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Versailles en ce sens. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Grigny une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La commune de Grigny est condamnée à verser à Mme A... la somme de 5 000 euros. Article 2 : Le jugement n° 1905703 du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La commune de Grigny versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Grigny. Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président M. Mauny, président assesseur, Mme Villette, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023. La rapporteure, A. VILLETTELe président, P.-L. ALBERTINILa greffière, F. PETIT GALLAND La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE02408
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 20/06/2023, 21TL02308, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 qui lui concède une pension militaire d'invalidité, en tant qu'il ne lui accorde qu'un taux de 15% au titre de l'infirmité de la cheville gauche et ne lui accorde pas de pension au titre des acouphènes et de la baisse d'audition de l'oreille gauche, d'ordonner une expertise médicale et de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 4 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 1905782 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 14 juin 2021 sous le n° 21MA02308 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02308, et un mémoire enregistré le 19 mai 2022, M. B... A..., représenté par la SELARL MDMH agissant par Me Moumni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 avril 2021 ; 2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise judiciaire aux fins de se prononcer sur le lien d'imputabilité au service des affections auditives et déterminer le taux d'invalidité subi, et sur l'aggravation de son infirmité concernant la blessure à la cheville et corriger le taux d'invalidité ; 3°) d'annuler l'arrêté n° A016 du 28 janvier 2019 ; 4°) de réformer la décision du 19 février 2019 en tant qu'elle ne lui accorde qu'un taux de 15% au titre de l'infirmité de la cheville gauche et qu'elle rejette sa demande de pension au titre des acouphènes et de la baisse d'audition de l'oreille gauche ; 5°) de lui attribuer une pension au taux de 35% ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'apportait pas de preuves suffisantes s'agissant d'une part, du taux pour l'invalidité relative à sa cheville gauche et, d'autre part, de l'imputabilité concernant l'invalidité relative aux acouphènes et à la surdité ; - le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation s'agissant de l'infirmité relative aux entorses récidivantes de la cheville gauche au regard des importantes séquelles dont il reste atteint à la suite de sauts en parachute ; il apporte la preuve de la gravité de l'aggravation des entorses ; il a été contraint d'arrêter la course, la randonnée et la natation compte-tenu de ses souffrances quotidiennes ; le taux de 15% attribué est sous-évalué ; l'expertise menée n'était pas adéquate ; - le jugement est également entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation s'agissant de l'imputabilité au service des acouphènes et de l'atteinte auditive qui doit être reconnue dès lors qu'il a été exposé à de nombreux et violents bruits sonores d'une extrême intensité, lui occasionnant nécessairement des séquelles auditives : il a participé quotidiennement à des entraînements et exercices de tirs de munition puissants ainsi que des manipulations d'explosifs et de nombreuses missions effectuées dans des conditions extrêmes ; l'administration n'établit pas la preuve contraire à l'imputabilité des affections dont il souffre ; ces deux infirmités étant liées, un taux d'invalidité de 35% aurait dû lui être accordé ; - une expertise avant-dire droit permettrait d'évaluer de manière fiable et certaine, contradictoire et impartiale les infirmités dont il reste atteint, leur taux et leur imputabilité. Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 avril 2022 et le 12 juillet 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - concernant l'infirmité " Entorses récidivantes de la cheville gauche. Raideur de la cheville gauche avec pied équin ", les certificats médicaux établis par le médecin généraliste du requérant, qui n'a effectué aucun examen médical contrairement à l'expert désigné, ne sont pas de nature à démontrer que le taux déterminé par ce dernier serait sous-estimé et à remettre en cause le jugement contesté ; - concernant les affections auditives, aucune pièce médico-administrative ne démontre que M. A... aurait subi des traumatismes sonores entre 2005 et 2010 ; en vertu des articles L. 9 et L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicables à l'espèce, la demande du requérant relative au regroupement de ses acouphènes et de sa surdité doit être rejetée ; en tout état de cause, le certificat médical du 7 juin 2012 fait état d'une " surdité brusque gauche type hydrops " susceptible de correspondre à une maladie de Ménière et par nature étrangère au service ; ainsi, les troubles auditifs du requérant sont sans relation avec un fait précis de son service mais résultent d'une maladie sans lien avec celui-ci. Par ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 11 novembre 1973, qui a servi dans l'armée de terre du 1er octobre 1997 au 31 décembre 2012, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée par arrêté n° A016 du 28 janvier 2019 au taux de 15% prenant effet au 28 mars 2014, au titre de l'infirmité " Entorses récidivantes de la cheville gauche. Raideur de la cheville gauche avec pied équin ". En revanche, ses autres infirmités concernant des acouphènes permanents et une baisse de l'audition de l'oreille gauche, dont il a demandé la prise en compte dans sa demande de pension du 28 mars 2014, ont été estimées comme n'étant pas imputables au service par défaut de preuve et de présomption. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 qui lui concède une pension militaire d'invalidité, en tant qu'il ne lui accorde qu'un taux de 15% au titre de l'infirmité de la cheville gauche et ne lui accorde pas de pension au titre des acouphènes et de la baisse d'audition de l'oreille gauche et d'ordonner une expertise médicale. Par un jugement du 16 avril 2021 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Il demande que lui soit attribuée une pension militaire d'invalidité au taux de 35%. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension, la pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé et son entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. Aux termes de l'article L. 2 du même code : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". L'article L. 9 de ce code renvoie à un décret le soin de fixer " les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité ". Aux termes de l'article L. 26 de ce code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 3. En outre, l'article L. 3 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, (...) soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (...) ". En application de ces dispositions, la présomption d'imputabilité peut bénéficier à l'intéressé à condition que la preuve d'une filiation médicale soit apportée. Cette filiation médicale, qui suppose une identité de nature entre l'infirmité pensionnée et l'infirmité invoquée, peut être établie soit par la preuve de la réalité des soins reçus de façon continue pour l'affection pensionnée soit par l'étiologie même de l'infirmité en cause. En ce qui concerne les entorses récidivantes de la cheville gauche : 4. Il résulte de l'instruction que M. A... a été victime d'un accident, le 20 mai 2003, à l'occasion d'une séance de sport. Il s'est sévèrement blessé à la cheville gauche en glissant sur un caillou. Un diagnostic d'entorse de la cheville a été posé le lendemain, nécessitant son immobilisation, sans pose de plâtre ni opération chirurgicale. Il a ensuite bénéficié de soins de kinésithérapie et devant la persistance des douleurs, il a subi une intervention chirurgicale, le 10 mai 2010, par arthroscopie associée à une ligamentoplastie. L'état de sa cheville a ensuite évolué vers de l'arthrose. Selon l'expert qui l'a examiné le 20 février 2018, M. A... présente des séquelles d'arthrose avec limitation des amplitudes articulaires, le pied ne dépassant pas l'angle droit en flexion dorsale et limité de -10° en flexion plantaire par rapport au côté droit. L'expert a estimé qu'un taux d'invalidité de 15% pouvait lui être attribué au regard du guide barème des invalidités de février 2003. M. A... expose qu'il souffre d'importantes séquelles compte-tenu des nombreuses entorses qu'il a subies à la suite de sauts en parachute et qu'il a été contraint d'arrêter la course, la randonnée et la natation compte-tenu de ses souffrances quotidiennes. Toutefois, les certificats médicaux établis par son médecin généraliste les 16 juillet 2018 et 28 août 2022, selon lesquels il a pu constater une aggravation de son état clinique justifiant une réévaluation du degré d'invalidité, ajoutant qu'une arthrodèse de cheville ou une prothèse a été proposée par son chirurgien orthopédique, ne permettent pas de considérer que le taux d'invalidité tel que défini par l'expert serait sous-évalué. En ce qui concerne les acouphènes permanents et la baisse de l'audition de l'oreille gauche : 5. M. A..., qui a servi dans l'armée de terre jusqu'au 31 décembre 2012, notamment au centre parachutiste d'instruction spécialisée du service action de la direction générale des services extérieurs en tant qu'opérationnel, soutient avoir été exposé à de nombreux et violents bruits sonores dès lors qu'il a participé quotidiennement à des entraînements et exercices de tirs de munition puissants, ainsi qu'à des manipulations d'explosifs et a effectué de nombreuses missions dans des conditions extrêmes en Irak en 2005, au Liban en 2007, 2008 et 2010, et en Afghanistan à six reprises entre 2002 et 2011. Selon les conclusions de l'expert médical qui a remis son rapport le 7 février 2018, M. A... est atteint d'une surdité gauche dont le taux d'invalidité est évalué à 15% et d'acouphènes au taux de 20%. La perte d'audition subie par l'intéressé a pu être mesurée auprès d'un médecin oto-rhino-laryngologiste entre 2010 et 2012. Alors que cette aggravation a été considérée comme relevant d'une surdité brusque par ce médecin, et stabilisée en 2017, aucune pièce médicale ne permet cependant de justifier d'un lien de causalité entre la pathologie dont il souffre et le service. Si selon deux attestations émanant de son supérieur hiérarchique et d'un témoin des faits, M. A... a été victime en juin 2010 d'un traumatisme sonore malgré le port de ses protections auditives lors d'une séance d'entraînement au cours de laquelle il a eu pour mission d'effectuer l'effraction d'une porte avec une charge d'explosif, et a consulté le service de santé, aucune pièce médicale ne permet cependant de justifier des conséquences de ce traumatisme, lequel n'a pas été mentionné dans le livret médical de l'intéressé. Il résulte par ailleurs d'un courrier médical du 11 octobre 2010 que M. A... souffre d'acouphènes depuis environ un an à la date dudit courrier, soit antérieurement au traumatisme sonore dont il a été victime en juin 2010. Selon son livret médical, des acouphènes importants sont mentionnés ainsi qu'une aggravation de l'hypoacousie en novembre 2012. Toutefois, s'il se prévaut des conditions extrêmes auxquelles il aurait été exposé lors des nombreuses opérations extérieures auxquelles il a participé, il ne résulte d'aucune pièce qu'il aurait été victime d'un incident particulier à l'origine des pathologies en cause. En outre, alors que sa surdité gauche est apparue de manière brusque dans le courant de l'année 2012, il résulte de l'instruction que M. A... n'a effectué aucune mission en opération extérieure après le 13 janvier 2010, en raison d'une inaptitude temporaire à compter du 10 novembre 2010, et a effectué sa dernière mission en Afghanistan du 18 janvier au 18 avril 2011 avant d'être déclaré inapte de manière définitive le 3 janvier 2012. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les infirmités dont souffre M. A... concernant sa surdité gauche et ses acouphènes soient imputables au service. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale laquelle ne revêtirait pas de caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Ses conclusions demandant de statuer sur les dépens doivent dès lors en tout état de cause être également rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL02308 2
Cours administrative d'appel
Toulouse