Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
5819 résultats
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 05/01/2023, 22DA00926, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... demandé au tribunal administratif de Lille, par quatre demandes distinctes, en premier lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune d'Orchies de reconnaître cette imputabilité et de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 17 décembre 2014, jusqu'à la consolidation de son état de santé, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 le plaçant en disponibilité d'office pour une durée d'un an " allant jusqu'au 16 décembre 2020 inclus ", en troisième lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune d'Orchies de reconnaître cette imputabilité et de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 17 décembre 2014 jusqu'à la consolidation de son état de santé, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, en quatrième lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le maire de la commune d'Orchies a renouvelé sa mise en disponibilité d'office à compter du 17 décembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune d'Orchies de le placer dans une position statutaire régulière, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans un délai de trente jours à compter du jugement à intervenir. Par un jugement n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les demandes de M. A..., a annulé ces arrêtés et a enjoint au maire de la commune d'Orchies de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint M. A..., à compter du 13 décembre 2014, de reconstituer sa carrière et de le placer dans une position statutaire régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, a mis à la charge de la commune d'Orchies la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes ainsi que les conclusions présentées par la commune d'Orchies sur le même fondement. Procédure devant la cour : I/ Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22DA00926 le 29 avril 2022 et le 30 septembre 2022, la commune d'Orchies, représentée par Me Deregnaucourt, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de M. A... ; 2°) de rejeter, dans cette mesure, les demandes présentées par M. A... en première instance ; 3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en application des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale est notamment subordonnée à la condition que l'agent établisse que cette maladie est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions ; - M. A... n'établit pas la réalité des conditions de travail auxquelles il impute la pathologie dont il souffre ; - le lien entre cette pathologie et l'exercice par M. A... de ses fonctions n'est pas démontré ; - M. A... présentait un état antérieur de nature à détacher la survenance de cette pathologie de l'exercice de ses fonctions ; - le moyen tiré par M. A... de ce que sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre ne présentait pas un caractère tardif est inopérant, dès lors que l'arrêté du 25 novembre 2020 rejetant cette demande n'était pas fondé sur la tardiveté de celle-ci ; - les autres moyens soulevés par M. A... en première instance, tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés, de l'insuffisance de motivation des arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021 par lequel le maire de la commune d'Orchies a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre et de l'irrégularité de la procédure de consultation du comité médical préalablement aux arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021 le plaçant en disponibilité d'office ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2022, M. A..., représenté par Me Jamais, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour, de mettre à la charge de la commune d'Orchies la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la commune d'Orchies ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022. II/ Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01859 le 29 août 2022, la commune d'Orchies, représentée par Me Leuliet, demande à la cour : 1°) sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15, R. 811-17 et R. 811-18 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lille ; 2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'exécution du jugement attaqué risque de l'exposer à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies ; - en application des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale est notamment subordonnée à la condition que l'agent établisse que cette maladie est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions ; - M. A... n'établit pas la réalité des conditions de travail auxquelles il impute la pathologie dont il souffre ; - le lien entre cette pathologie et l'exercice par M. A... de ses fonctions n'est pas démontré ; - M. A... présentait un état antérieur de nature à détacher la survenance de cette pathologie de l'exercice de ses fonctions ; - ces moyens sont sérieux ; - ils sont de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ; - l'exécution de ce jugement risque d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public, - et les observations de Me Leuliet, représentant la commune d'Orchies, et de Me Jamais, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ingénieur principal territorial, a intégré les services de la commune d'Orchies le 1er mai 2013, par voie de mutation, en qualité de directeur des services techniques. Il a fait l'objet d'un premier arrêt de travail entre le 15 septembre et le 31 octobre 2014, puis a été placé à compter du 17 décembre 2014 en position de congé de maladie longue durée. Ce congé a été renouvelé sans interruption jusqu'au 16 décembre 2019, en raison d'un " burn-out " et d'un état anxio-dépressif réactionnel. Le 23 avril 2019, M. A... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Par deux arrêtés du 25 novembre 2020, le maire de la commune d'Orchies a, respectivement, rejeté sa demande et l'a placé en disponibilité d'office jusqu'au 16 décembre 2016. A la suite d'une ordonnance du 26 janvier 2021, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a prononcé la suspension de l'arrêté du 25 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffrait M. A... et a enjoint au maire de la commune d'Orchies de réexaminer la situation de ce dernier, cette autorité a pris, le 25 juin 2021, deux nouveaux arrêtés, d'une part, réitérant sa décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... et, d'autre part, maintenant celui-ci en disponibilité d'office à compter du 17 décembre 2020, " à titre provisoire ", dans l'attente de l'avis du comité médical saisi en vue de se prononcer sur le renouvellement de cette position. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00926, la commune d'Orchies relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les deux arrêtés du 25 novembre 2020 et les deux arrêtés du 25 juin 2021. Elle demande également à la cour, par une requête enregistrée sous le n° 22DA01859, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. 2. Ces deux requêtes tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 8 mars 2022 et au rejet de la demande de première instance de M. A... : En ce qui concerne les dispositions applicables : 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. / (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Le III de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 modifie, notamment, les dispositions, citées au point précédent du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en excluant les cas de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service du dispositif de maintien en congé de maladie avec conservation de l'intégralité du traitement qu'elles prévoient. 5. L'application de ces dispositions résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire, auquel renvoient d'ailleurs les dispositions du VI de ce même article. Elles ne sont donc entrées en vigueur, en ce qui concerne la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, publié au journal officiel de la République française du 12 avril 2019. Ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle la maladie est diagnostiquée. 6. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier qu'en 2014, le médecin traitant de M. A... a diagnostiqué que ce dernier souffrait d'un " burn-out " sévère, et que le médecin psychiatre qui a suivi l'intéressé, a constaté dans un certificat médical établi le 8 avril 2019, que M. A... souffrait d'un épuisement professionnel physique et psychique " survenu dans le cadre d'une souffrance au travail ". Ainsi, la pathologie dont souffre M. A... a été diagnostiquée avant l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Les droits de M. A... à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie doivent donc, contrairement à ce que soutient la commune d'Orchies, être examinés au regard des dispositions, citées au point 3, du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. En ce qui concerne l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A... : 7. Pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. D'une part, M. A..., qui, depuis son entrée dans la fonction publique en 1982, a exercé différents métiers impliquant de nombreuses responsabilités, fait valoir que, lorsqu'en mai 2013, il a été nommé, par voie de mutation, au poste de directeur des services techniques de la commune d'Orchies, ceux-ci présentaient d'importants dysfonctionnements tenant, en particulier, à l'inexistence de l'encadrement intermédiaire, exclusivement constitué par les deux agents de maîtrise affectés aux ateliers municipaux, ce qui le contraignait à assurer l'encadrement direct des assistants territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), des agents intervenant dans le service de restauration scolaire et de ceux qui assuraient la propreté des locaux municipaux, ainsi qu'à l'insuffisance des moyens informatiques, limités à un unique ordinateur attribué à sa secrétaire sans connexion au réseau de la commune. M. A... fait également valoir qu'il n'a pas disposé des moyens nécessaires à l'accomplissement de la mission de réorganisation des services techniques qui lui avait été confiée, en l'absence, notamment, de fourniture des nouveaux logiciels prévus pour la gestion des remplacements du personnel et des interventions des services techniques. Il expose, en outre, que de nouvelles missions lui ont été dévolues au cours de l'année 2013, telles que la mise en œuvre des temps d'activité périscolaires, la co-animation des trois conseils de quartier de la commune et le suivi technique des actions à réaliser, la mise en œuvre d'un " agenda 21 " et la préparation de la commission extramunicipale de l'environnement, ainsi que le suivi des six emplois jeunes recrutés au sein des ateliers municipaux, en relation avec leurs tuteurs, les financeurs et les services sociaux. Il souligne, enfin, que le remplacement de sa secrétaire, en arrêt de travail pour une durée d'environ six mois depuis le début de l'année 2014, n'a été que partiellement assuré à l'issue de quatre mois d'absence, et qu'il s'est trouvé contraint de prendre temporairement en charge tant la gestion des absences des agents des services techniques et de leurs remplacements que le traitement des demandes d'occupation du domaine public. Ces éléments précis, relatifs à l'ampleur de la charge de travail assumée par M. A..., sont corroborés par les indications figurant dans le compte-rendu de l'entretien professionnel de l'intéressé du 16 décembre 2013, en ce qui concerne la réorganisation du service et l'attribution à M. A... de nouvelles missions. Ils ne sont pas sérieusement contestés par la commune d'Orchies, qui se borne à soutenir que leur matérialité est insuffisamment établie sans fournir elle-même aucun élément de nature à contredire ceux apportés par M. A.... 9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait état, dans un courriel du 25 septembre 2014, de symptômes physiques d'épuisement ainsi que d'anxiété pour lesquels il a entrepris de consulter une psychologue clinicienne. Il affirme, à cet égard, qu'au retour d'un premier congé pour maladie ordinaire, en novembre 2014, les relations avec sa hiérarchie se sont fortement dégradées, ce qui a aggravé ses souffrances psychologiques. Le médecin traitant de M. A... précise, dans un certificat suffisamment lisible du 26 mars 2019, que celui-ci souffrait depuis 2014 d'un " burn-out sévère ", résultant d'un " stress professionnel majeur ". Le médecin psychiatre qui a pris M. A... en charge à partir de février 2015 a, quant à lui, relevé dans un certificat médical du 8 avril 2019, que celui-ci souffrait d'un épuisement professionnel physique et psychique " survenu dans le cadre d'une souffrance au travail ". Par ailleurs, si M. A... a fait état, dans son courriel du 25 septembre 2014, d'une " surdose de travail qui perdure maintenant depuis plusieurs années ", son médecin traitant relève dans le certificat du 26 mars 2019 qu'il suivait ce patient depuis " plus de 20 ans " et que ce dernier ne présentait pas d'antécédents du type de la pathologie diagnostiquée en 2014. Il ressort, en outre, du rapport d'expertise établi le 20 novembre 2019 par le chef du service psychiatrique du centre hospitalier de Lille Nord, mandaté en tant qu'expert par le comité médical départemental, que l'effondrement de M. A... résulte d'un épuisement professionnel tant physique que psychique, que " sa symptomatologie est liée de façon directe et certaine avec cette souffrance au travail " et qu'elle " est donc imputable au service à compter du 13 décembre 2014 ". Ni la circonstance que les médecins qui ont diagnostiqué la nature et l'origine de la pathologie présentée par M. A... ont nécessairement été conduits, compte-tenu de ce type de pathologie, à tenir compte des propres déclarations l'intéressé, ni celle que les certificats médicaux du 26 mars 2019 et du 8 avril 2019 ont été rédigés à sa propre initiative pour être produits à l'appui de sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service, ne suffisent à remettre en cause les conclusions concordantes de ces trois praticiens. Au demeurant, la commission départementale de réforme a émis, le 16 octobre 2020, un avis favorable à la reconnaissance d'imputabilité au service. 10. Dans les conditions énoncées aux deux points précédents, la pathologie dont souffre M. A... présente un lien direct avec les conditions dans lesquelles il exerçait ses fonctions, qui étaient de nature à susciter le développement de la maladie en cause. 11. Pour contester l'imputabilité au service de la pathologie de M. A..., la commune d'Orchies soutient que l'intéressé présentait un état antérieur en s'appuyant sur le contenu du courriel, mentionné au point 8, du 25 septembre 2014, dans lequel le requérant admettait prendre à sa charge, à son initiative, une importante charge de travail et que cette situation perdurait depuis plusieurs années. Toutefois, ainsi que précisé au point 9, M. A... ne peut être considéré comme souffrant d'un épuisement professionnel préexistant à sa prise de fonctions dans les services de la commune d'Orchies. S'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. A... a pu accepter d'assumer de nombreuses missions et présente un tempérament qualifié de perfectionniste, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser un fait personnel de cet agent de nature à détacher du service la survenance de sa pathologie. Dans ces conditions, aucun fait personnel de M. A... ni aucune autre circonstance particulière ne conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de sa maladie du service. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Orchies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A..., ainsi que les arrêtés du 25 novembre 2020 et du 25 juin 2021, pris en conséquence des deux précédents, le plaçant en situation de disponibilité d'office, a enjoint au maire de la commune d'Orchies de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint M. A..., à compter du 13 décembre 2014, de reconstituer sa carrière et de le placer dans une position statutaire régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, a mis à la charge de la commune d'Orchies la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. A... ainsi que les conclusions présentées par la commune d'Orchies sur le même fondement. Sur la demande de sursis à exécution du jugement du 8 mars 2022 : 13. La cour rejetant par le présent arrêt les conclusions de la commune d'Orchies tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 8 mars 2022, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur les frais relatifs aux instances : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par la commune d'Orchies soient mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans l'instance n° 22DA00926 et ne peut être regardé comme tel dans l'instance n° 22DA01859. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Orchies, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par M. A... dans l'instance n° 22DA00926. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA01859 de la commune d'Orchies tendant au sursis à exécution du jugement n° 2100174, 2100175, 2105134, 2105135 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lille. Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par la commune d'Orchies est rejeté. Article 3 : La commune d'Orchies versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Orchies et à M. B... A.... Délibéré après l'audience publique du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient : - Mme Nathalie Massias, présidente de la cour, - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de la cour, Signé : N. Massias La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière C. Huls-Carlier 2 Nos 22DA00926 et 22DA01859
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANCY, 3ème chambre, 29/12/2022, 22NC00103, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 6 mai 2014 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) a refusé de reconnaître comme imputable au service l'affection dont elle est atteinte du fait de la vaccination contre le virus de l'hépatite B qu'elle a subie au titre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle et, d'autre part, d'enjoindre à cet établissement de reconstituer les droits auxquels elle pouvait prétendre au titre du régime des accidents de service, au besoin en procédant aux rappels de traitements correspondants et au calcul de l'allocation temporaire d'invalidité, et de l'indemniser de l'ensemble des frais qu'elle a acquittés et qui auraient dû être pris en charge par son employeur. Par un jugement n° 1403621 du 16 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 6 mai 2014, a enjoint au directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... et d'en tirer toutes les conséquences de droit, a mis à la charge de cet établissement le versement à l'intéressée d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par un arrêt n° 17NC00897 du 26 mars 2019, la cour a rejeté l'appel formé contre ce jugement par l'établissement public de santé Alsace Nord et a mis à la charge de cet établissement le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2021 sous le n° 21EX58, Mme C... B..., représentée par Me Roth, a demandé l'exécution du jugement n° 1403621 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 février 2017, confirmé par arrêt n° 17NC00897 de la cour du 26 mars 2019. Par des lettres des 15 septembre et 2 novembre 2021, la présidente de la cour a invité le directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord à justifier de la nature et de la date des mesures prises pour l'exécution du jugement ou à faire connaître les raisons qui pourraient en retarder l'exécution. Par un courrier, enregistré le 12 novembre 2021, l'établissement public de santé Alsace Nord, représenté par Me Clamer, a informé la cour des mesures prises pour l'exécution de ce jugement. Par une lettre du 15 novembre 2021, copie de ce courrier a été transmise au conseil de Mme B... avec un délai de quinze jours pour la présentation d'éventuelles observations en réplique. Par une décision du 7 janvier 2022, la présidente de la cour a procédé au classement administratif de la demande d'exécution. Par un courrier, enregistré le 11 janvier 2022, le conseil de Mme B... a informé la cour qu'il estimait que l'établissement public de santé Alsace Nord n'avait pas tiré toutes les conséquences de droit et de fait du jugement n° 1403621 du 16 février 2017 et de l'arrêt n° 17NC00897 du 26 mars 2019. Par une ordonnance du 14 janvier 2022, la présidente de la cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de Mme B... tendant à l'exécution du jugement n° 1403621 du 16 février 2017, confirmé par l'arrêt n° 17NC00897 du 26 mars 2019. Par deux mémoires complémentaires, enregistrés les 1er février et 9 mai 2022, Mme C... B..., représentée par Me Roth, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'ordonner, sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, que l'établissement public de santé Alsace Nord lui verse la somme de 3 000 euros mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le jugement du 16 février 2017 et l'arrêt du 26 mars 2019 ; 2°) d'ordonner, sous astreinte de cent euros par jour de retard, l'exécution du jugement n° 1403621 du 16 février 2017, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts depuis cette date ; 3°) d'ordonner en conséquence de procéder au rappel de l'intégralité des traitements, indemnités et primes de toute nature dont elle a été privée depuis 1993, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts depuis lors, d'assurer le remboursement de l'intégralité des frais qu'elle a avancés au titre de la prise en charge de sa pathologie et d'établir, en liaison avec la Caisse des dépôts et consignations, le décompte de ses droits à la retraite du fait de son invalidité. Elle soutient que : - du fait de la reconnaissance de l'imputabilité au service des conséquences dommageables de la vaccination, elle a droit à l'intégralité des traitements et des primes depuis l'accident de service survenu en 1993 à la troisième injection et jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité en 2011, déduction faite des sommes de toute nature perçues dans le même temps en compensation de ses arrêts de travail en maladie ordinaire ; - elle a également droit au remboursement intégral de tous les frais de matériel et de soins, rendus nécessaires par son état et non pas depuis la reconnaissance de la maladie professionnelle en 2010 ; - il appartient à l'établissement public de santé Alsace Nord de saisir la commission départementale de réforme du Bas-Rhin afin de fixer une date de consolidation et un taux d'incapacité permanente pour la détermination du montant de l'allocation temporaire d'invalidité à lui verser jusqu'à la retraite, puis, au cours de cette retraite, pour celle du montant de la rente d'invalidité ; - aucune prescription n'est opposable à ses créances ; - la date de consolidation ne peut être fixée après sa mise à la retraite sous peine de la priver du bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité et de la rente d'invalidité. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 mai 2022, l'établissement public de santé Alsace Nord, représenté par Me Clamer, conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'il a satisfait intégralement à son obligation d'exécution et que les conclusions de Mme B... tendant au paiement de l'intégralité des traitements et des primes, dont elle a été privée depuis son accident de service, et au remboursement des divers frais de matériel et de soins, rendus nécessaires par son état de santé depuis 1994, qui relèvent d'un litige distinct de celui de l'exécution, ne sont pas recevables. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - la loi n° 80-539 du 10 juillet 1980 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n°2004-806 du 9 août 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public, - et les observations de Me Roth pour Mme B... et de Me Condello pour l'établissement de santé Alsace Nord. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... B... a été recrutée par l'établissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) en 1991 en qualité d'agent des services hospitaliers. Exerçant les fonctions d'aide-soignante, elle a subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à cette activité professionnelle, trois injections d'un vaccin contre le virus de l'hépatite B en octobre et novembre 1992 et en janvier 1993, puis un rappel de ce vaccin le 24 novembre 1993. Atteinte d'une sclérose en plaques, qu'elle a déclarée comme maladie professionnelle le 18 octobre 1993, elle a recherché, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 118 de la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, la responsabilité de l'Etat au titre de cette affection qu'elle imputait à la vaccination qu'elle avait subie. Par une décision n° 345696 du 6 novembre 2013, le Conseil d'Etat a considéré que la sclérose en plaques développée par Mme B... devait être regardée comme imputable à cette vaccination. Par un courrier du 27 janvier 2014, Mme B... a demandé au directeur de l'établissement public de santé mentale Alsace Nord de reconnaitre l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont elle est atteinte et d'en tirer les conséquences juridiques et financières. Cette demande a été rejetée par une décision du 6 mai 2014. Par un jugement n° 1403621 du 16 février 2017, confirmé par un arrêt n° 17NC00897 de la cour du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a enjoint au directeur de l'établissement, dans un délai de deux mois suivant sa notification, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... et d'en tirer toutes les conséquences de droit dans le délai de deux mois. La requérante demande l'exécution de ce jugement et de cet arrêt. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 921-2 du même code : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel. ". Aux termes de l'article R. 921-5 du même code : " Le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande. / Lorsque le président estime qu'il a été procédé à l'exécution ou que la demande n'est pas fondée, il en informe le demandeur et procède au classement administratif de la demande. ". Aux termes de l'article R. 921-6 du même code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. / (...) / Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet. ". 3. D'une part, en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'impliquent nécessairement cette décision, il appartient au juge, saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites, ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision. 4. D'autre part, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être. 5. Enfin, il résulte encore de ces dispositions qu'il appartient au juge de l'exécution de prescrire les mesures qu'implique nécessairement la décision dont l'exécution lui est demandée par la partie intéressée, alors même que ces mesures ne figuraient pas expressément dans la demande présentée au président de la juridiction ou dans les mémoires produits après l'ouverture de la procédure juridictionnelle. Il n'en va autrement que lorsque la partie qui a saisi la juridiction d'une demande d'exécution a indiqué, sans équivoque, qu'elle renonçait au bénéfice d'une partie de ces mesures. Sur les conclusions à fin d'exécution du jugement et de l'arrêt : 6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 10 du code de la santé publique, alors en vigueur : " Toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B (...). ". Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 7. Il résulte de l'instruction que, pour justifier de l'exécution du jugement n° 1403621 du 16 février 2017, confirmé par l'arrêt n° 17NC00897 du 26 mars 2019, l'établissement public de santé Alsace Nord fait valoir que, par une décision du 15 mai 2019, son directeur a reconnu l'imputabilité au service de la sclérose en plaques contractée par Mme B.... Il indique également avoir, par un mandat émis le 2 juillet 2019, versé à la requérante la somme de 1 500 euros mise à sa charge par l'arrêt de la cour en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient encore que, le médecin agréé, saisi par ses soins pour expertise le 3 juin 2019, ayant fixé la date de consolidation à la date de remise de son rapport, soit le 9 janvier 2020, et le taux d'incapacité à 81 %, il a ouvert une procédure en vue de l'attribution à l'intéressée de l'allocation temporaire d'invalidité. 8. En premier lieu, Mme B... ne saurait utilement contester la date de consolidation retenue par l'expert, une telle contestation relevant d'un litige distinct de celui de l'exécution. 9. En deuxième lieu, la requérante ne conteste pas que, comme le soutient l'établissement public de santé Alsace Nord, la somme de 1 500 euros mise à la charge de cet établissement par l'arrêt de la cour en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative lui a été payée. 10. En troisième lieu, aux termes du deuxième paragraphe de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1980, relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, reproduit à l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. / En cas d'insuffisance de crédits, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle y pourvoit et procède, s'il y a lieu, au mandatement d'office. / (...) ". 11. Si l'établissement public de santé Alsace Nord ne justifie pas avoir versé à Mme B... la somme de 1 500 euros mise à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le deuxième paragraphe de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 prévoit que, lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice, dont l'expiration permet au représentant de l'Etat dans le département ou à l'autorité de tutelle de procéder au mandatement d'office. Ces dispositions permettent ainsi à Mme B... de demander, pour leur application, le mandatement d'office de la somme en cause en exécution de l'article 4 du dispositif du jugement n° 1403621 du 16 février 2017. 12. Enfin, il résulte de l'instruction que l'exécution de ce jugement et de l'arrêt n° 17NC00897 du 26 mars 2019 impliquait également que le directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord place rétroactivement la requérante en congé de maladie imputable au service pour l'ensemble des périodes couvertes par des arrêts de travail justifiés par sa pathologie et de maintenir, pour ces mêmes périodes, après déduction des sommes perçues par l'intéressée en conséquence de ces arrêts de travail, l'intégralité de son traitement et de ses rémunérations accessoires, à l'exception des primes et indemnités liées à l'exercice des fonctions ou présentant le caractère d'un remboursement de frais. L'autorité administrative était encore tenue, pour satisfaire à son obligation d'exécution, de reconstituer les droits à retraite de Mme B..., dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, notamment en effectuant le versement, auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL), des cotisations dont elle a été privée durant les périodes en cause. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... aurait préalablement adressé à son employeur une demande de remboursement, accompagnée de justificatifs, des honoraires médicaux et des frais de soins et de matériel directement entraînés par sa pathologie et demeurés à sa charge. Dans ces conditions, elle ne saurait reprocher à celui-ci un défaut de versement à ce titre. 13. Les sommes versées par l'établissement public de santé Alsace Nord seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement au greffe de la cour, le 13 septembre 2021, des conclusions à fin d'exécution présentées par Mme B... et les intérêts échus le 13 septembre 2022, puis tous les douze mois consécutifs à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. 14. Il résulte de tout ce qui précède que, à la date du présent arrêt, l'établissement public de santé Alsace Nord n'avait pas pris l'ensemble des mesures propres à assurer l'exécution intégrale du jugement n° 1403621 du 16 février 2017 et de l'arrêt n° 17NC00897 du 26 mars 2019. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au directeur de cet établissement de prendre ces mesures, dans les conditions précisées aux points 11 et 12 du présent arrêt, dans un délai de trois mois suivant la notification de cet arrêt et, en cas d'inexécution totale ou partielle, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard. D E C I D E : Article 1er : Il est enjoint à l'établissement public de santé Alsace Nord, avant l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, de prendre les mesures appropriées en vue, d'une part, de placer rétroactivement Mme B... en congé de maladie imputable au service pour l'ensemble des périodes couvertes par des arrêts de travail justifiés par sa pathologie, d'autre part, de maintenir, pour ces mêmes périodes, après déduction des sommes perçues par l'intéressée en conséquence de ces arrêts de travail, l'intégralité de son traitement et de ses rémunérations accessoires, à l'exception des primes et indemnités liées à l'exercice des fonctions ou présentant le caractère d'un remboursement forfaitaire, enfin, de constituer ses droits à la retraite, notamment en versant à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales le montant des cotisations dont elle a été privée durant les périodes en cause. Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'établissement public de santé Alsace Nord s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification du présent arrêt, pris les mesures mentionnées à l'article 1er. Le taux de cette astreinte est fixé à deux cents euros par jour de retard. Article 3 : Les sommes versées à Mme B... porteront intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement au greffe de la cour, le 13 septembre 2021, de ses conclusions à fin d'exécution. Les intérêts échus le 13 septembre 2022, puis tous les douze mois consécutifs à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'établissement public de santé Alsace Nord. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - M. Meisse, premier conseiller, - M. Marchal, conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022. Le rapporteur, Signé : E. A... Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 22NC00103 2
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 22/12/2022, 464247, Inédit au recueil Lebon
Vu les procédures suivantes : 1° Sous le n° 464247, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 mai, 20 août et 12 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H... E... et l'association Génération Harkis demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-393 du 18 mars 2022 relatif aux mesures d'indemnisation des préjudices et aux mesures d'aide sociale en faveur des harkis, des autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles et le décret n° 2022-394 du 18 mars 2022 relatif à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 2° Sous le n° 464249, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 20 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... I... et le Comité Harkis et Vérité demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir les deux mêmes décrets ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 3° Sous le n° 464250, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 21 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... I... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir les deux mêmes décrets ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 4° Sous le n° 464252, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 20 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... I... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir les deux mêmes décrets ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... 5° Sous le n° 468852, par une requête enregistrée le 10 novembre 2022, M. G... F... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le décret n° 2022-394 du 18 mars 2022 relatif à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles ainsi que la décision de refus implicite née le 12 juillet 2022 du silence gardé par la Première ministre sur son recours gracieux dirigé contre ce décret ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - le code civil ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de procédure pénale ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes, - les conclusions de Mme D... de Moustier, rapporteure publique ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2022, présentée par M. E... et l'association Génération Harkis pour la requête n° 464247 ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2022, présentée par M. A... I... et le comité Harkis et Vérité, pour la requête n° 464249 ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2022, présentée par M. C... I..., pour la requête n° 464250 ; Considérant ce qui suit : 1. Les questions prioritaires de constitutionnalité et requêtes de l'association Génération Harkis et de M. H... E..., du Comité Harkis et Vérite et de M. A... I..., de Mme B... I..., de M. C... I... et de M. G... F... sont dirigées contre les mêmes dispositions législatives et réglementaires. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. Sur l'intervention de M. J... I... : 2. M. J... I..., en sa qualité d'enfant de harki, doit être regardé comme justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien de la requête de M. C... I.... Ses interventions sont, par suite, recevables. Sur les questions prioritaires de constitutionnalité : 3. L'article 1er de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français dispose que : " La Nation exprime sa reconnaissance envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu'elle a abandonnés. / Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l'indignité des conditions d'accueil et de vie sur son territoire, à la suite des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie, des personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles, hébergés dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu'à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d'exclusion, de souffrances et de traumatismes durables ". En vertu de son article 3 : " Les personnes mentionnées à l'article 1er, leurs conjoints et leurs enfants qui ont séjourné, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l'une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret peuvent obtenir réparation des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans ces structures. / La réparation prend la forme d'une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans des conditions et selon un barème fixés par décret. Son montant est réputé couvrir l'ensemble des préjudices de toute nature subis en raison de ce séjour. En sont déduites, le cas échéant, les sommes déjà perçues en réparation des mêmes chefs de préjudice ". L'article 4 de cette même loi institue une commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement sous statut civil de droit local et les membres de leurs familles, qui est chargée notamment de statuer sur les demandes de réparation présentées sur le fondement de l'article 3. 4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 5. Les requérants soutiennent que ces dispositions, citées au point 3 de la loi du 23 février 2022, qui excluent toute mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison de l'abandon des harkis à leur propre sort en Algérie, méconnaissent la faculté d'agir en responsabilité protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et le droit à un recours juridictionnel effectif protégé par son article 16, et qu'elles portent atteinte au droit de propriété protégé par ses articles 2 et 17 ainsi qu'au principe d'égalité protégé par son article 6. En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : 6. En adoptant les dispositions contestées, le législateur, à qui il est à tout moment loisible, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel, a souhaité, d'une part, exprimer solennellement la reconnaissance de la Nation envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu'elle a abandonnés, et d'autre part, instituer un mécanisme de réparation forfaitaire des préjudices subis par ces mêmes personnes et leurs familles résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans les structures dans lesquelles ils ont été accueillis sur le territoire national, à raison de la responsabilité fautive de l'Etat. 7. Ce régime légal de responsabilité pour faute de l'Etat a pour objectif de permettre l'indemnisation du préjudice lié à la très grande précarité matérielle dans laquelle ont vécu ces personnes et leurs familles, parfois pendant de très longues années, et aux atteintes qui ont été portées à leurs libertés individuelles ainsi qu'aux privations diverses qu'elles ont subies dans le cadre de leur séjour dans les structures où elles ont été accueillies. Son caractère forfaitaire dispense les personnes concernées d'établir l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ce préjudice et la faute de l'administration. La loi du 23 février 2022 fait également obstacle à ce que l'Etat puisse opposer la prescription sur le fondement des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. 8. Les requérants invoquent l'atteinte disproportionnée que porteraient ces dispositions au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ainsi que la faculté d'agir en responsabilité, garantie par son article 4, au motif qu'elles ne prévoient pas, par ailleurs, de mécanisme de réparation pour les préjudices liés aux représailles et aux massacres dont les supplétifs de l'armée française en Algérie et leurs familles ont été victimes sur le territoire algérien, après le cessez-le-feu du 18 mars 1962 et la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962, et à leur absence de rapatriement en France. Toutefois, un grief tiré de ce que des dispositions législatives seraient entachées d'incompétence négative ne peut être utilement présenté qu'à la condition de contester les insuffisances du dispositif qu'elles instaurent et non pour revendiquer la création d'un régime dédié. Or, le grief tiré de ce que les dispositions législatives en cause porteraient une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel, en ce qu'elles ne créent pas un dispositif de réparation de préjudices qui, tant par leur cause que leur nature, ne sauraient être assimilés à ceux qu'elles régissent, doit être analysé comme reprochant à ces dispositions d'être, à cet égard, entachées d'incompétence négative faute d'avoir créé un régime de responsabilité dédié à la réparation de ces préjudices distincts. Ce grief est, par suite, inopérant. En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : 9. Si le droit à réparation instauré par l'article 3 de la loi du 23 février 2022, qui a vocation à indemniser les personnes qui ont séjourné, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans les structures dont la liste est fixée par décret, pour les préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans ces structures, est soumis à la condition que les bénéficiaires justifient de leur séjour effectif dans de telles structures, ce qui exclut leurs ayants-droit, et revêt un caractère forfaitaire, l'institution d'un tel dispositif d'indemnisation pour des créances qui seraient prescrites en application du droit commun ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme portant atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration du des droits de l'homme et du citoyen 26 août 1789 : 10. Les requérants ne sauraient soutenir utilement que le législateur, en ne prévoyant pas au bénéfice des personnes visées par la loi du 23 février 2022 un régime de réparation identique à celui qui s'applique, sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale, aux personnes qui ont fait l'objet d'une détention provisoire avant d'être relaxées ou acquittées, aurait méconnu le principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, eu égard aux différences de situation entre les unes et les autres. 11. Il résulte de ce qui précède que les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas de caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel. Sur la légalité externe des deux décrets attaqués : 12. En premier lieu, si, en vertu du b) du 4° de l'article L. 611-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est chargé de donner son avis sur les projets de décret concernant ses ressortissants, il résulte des dispositions de l'article L. 611-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de son annexe que les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil, leurs conjoints et leurs enfants n'ont pas la qualité de ressortissants de l'Office. Le moyen tiré de ce que les décrets attaqués seraient, en raison de l'absence de consultation de l'Office, entachés d'un vice de procédure ne peut, par suite, qu'être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'absence de consultation des organismes de sécurité sociale, aucune disposition n'imposant que les décrets leur soient soumis pour avis. 13. En second lieu, les décrets attaqués, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n'avaient pas à être soumis au contreseing des ministres chargés de la sécurité sociale et des affaires sociales, en l'absence de mesure d'exécution à prendre de leur part. Sur la légalité interne du décret n° 2022-393 du 18 mars 2022 : 14. L'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 2° Si la demande présente un caractère financier (...) ; ". En vertu de l'article L. 231-6 du même code, " lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie, un délai différent de ceux prévus aux articles L. 231-1 et L. 231-4 peut être fixé par décret en Conseil d'Etat ". 15. L'article 1er du décret n° 2022-393 du 18 mars 2022 relatif aux mesures d'indemnisation des préjudices et aux mesures d'aide sociale en faveur des harkis, des autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles fixe à six mois le délai à l'expiration duquel le silence gardé par la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles sur les demandes de réparation qui lui sont adressées vaut décision de rejet. 16. Le dispositif de réparation instauré par l'article 3 de la loi du 23 février 2022 est ouvert aux personnes qui ont séjourné entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975 dans l'une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret, afin de permettre à ces personnes d'obtenir mécaniquement réparation des préjudices liés aux conditions dans lesquelles elles ont été accueillies dans ces structures et y ont séjourné. D'une part, l'ancienneté des faits couverts par le dispositif de réparation et la difficulté pour les personnes concernées de réunir les pièces justificatives permettant d'attester de leur séjour dans une telle structure, et en particulier, de la durée de ce séjour, et d'autre part, l'existence de pouvoirs importants d'instruction complémentaire qui sont conférés à la commission nationale indépendante de réparation qui statue de manière collégiale, et qui peut en particulier demander à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre de procéder à tout complément d'instruction utile, qui peut également entendre le demandeur ainsi que toute personne et solliciter un avis ou une consultation de tout tiers qualifié, donnent à la procédure ainsi mise en place le caractère de complexité justifiant la fixation d'un délai dérogatoire de six mois, d'ailleurs plus favorable pour les intéressés que le délai de droit commun de deux mois prévu par les dispositions citées au point 14 de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. Ce délai, justifié par un motif d'intérêt général, ne méconnaît pas, en tout état de cause, le principe d'égalité des usagers devant le service public. Sur la légalité interne du décret n° 2022-394 du 18 mars 2022 : 17. En premier lieu, la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation instituée par l'article 4 de la loi du 23 février 2022, qui est placée auprès du Premier ministre, est assistée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui assure son secrétariat et instruit les demandes de réparation qui lui sont adressées. En vertu de l'article 1er du décret n° 2022-394, les membres de la commission ne reçoivent aucune instruction dans l'exercice de leurs attributions. Ni les modalités de désignation des membres de la commission, ni sa composition, pas davantage que les missions qui lui sont attribuées ne sont de nature à remettre en cause son indépendance. Par suite, les moyens tirés de ce que les dispositions du décret n° 2022-394 seraient de nature à méconnaître " l'exigence d'indépendance " de cette instance chargée de statuer sur les demandes de réparation ou une quelconque stipulation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou un prétendu principe général du droit relatif à l'indépendance des autorités chargées de statuer sur les demandes de réparation d'un préjudice né d'une faute de la puissance publique, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés. 18. En deuxième lieu, d'une part, dès lors que le caractère forfaitaire de la réparation dont le montant est prévu par l'article 9 du décret n° 2022-394 est déterminé à l'article 3 de la loi du 23 février 2022 pour l'application de laquelle ce décret a été pris et que cette même loi prévoit également que seules les personnes ayant séjourné dans les structures d'accueil pendant la période considérée peuvent demander réparation de leur préjudice, il ne peut être utilement reproché au pouvoir réglementaire d'avoir limité l'indemnisation des personnes à ce titre et d'en avoir exclu leurs ayants-droit ou héritiers. Par suite, le moyen tiré de ce que ce décret serait à ce titre entaché d'illégalité ne peut qu'être écarté. 19. En troisième lieu, la circonstance que les dispositions législatives sur le fondement desquelles a été pris le décret attaqué instaurent une réparation forfaitaire à laquelle les ayants-droit des personnes concernées ne peuvent pas prétendre n'induit pas en elle-même une méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 20. En dernier lieu, en prévoyant que le montant de la réparation mentionnée à l'article 3 de la loi du 23 février 2022 susvisée comporte une somme minimale, fixée à 2 000 euros lorsque le demandeur a séjourné dans les structures évoquées à ce même article pendant une durée inférieure à trois mois et à 3 000 euros pour une durée supérieure, ainsi qu'une somme proportionnelle à la durée effective du séjour, correspondant à 1 000 euros pour chaque année passée par le demandeur au sein de ces structures, le Premier ministre n'a pas entaché le décret d'erreur manifeste d'appréciation. 21. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de Mme B... I..., M. A... I... et le Comité Harkis et Vérité, M. C... I..., M. H... E... et l'association Génération Harkis et M. G... F... doivent être rejetées. 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Les interventions de M. J... I... au soutien de la requête n° 464252 sont admises. Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par Mme B... I..., M. A... I... et le Comité Harkis et Vérité, M. C... I..., M. H... E... et l'association Génération Harkis et par M. G... F.... Article 3 : Les requêtes de Mme B... I..., M. A... I... et le Comité Harkis et Vérité, M. C... I..., M. H... E... et l'association Génération Harkis, et de M. G... F... sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... I..., M. A... I... et au Comité Harkis et Vérité, à M. C... I..., à M. H... E... et à l'association Génération Harkis, à M. G... F..., au ministre des armées et à M. J... I.... Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre. Délibéré à l'issue de la séance du 12 décembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. David Moreau, maître des requêtes et Mme Christelle Thomas, maître des requêtes-rapporteure. Rendu le 22 décembre 2022. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Christelle Thomas La secrétaire : Signé : Mme Claudine RamalahanoharanaECLI:FR:CECHR:2022:464247.20221222
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 3ème chambre, 11/01/2023, 20LY02757, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Par deux requêtes distinctes, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 24 avril et 30 octobre 2019 par lesquelles le maire de Dijon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif. Par un jugement n° 1901819-1903583 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... n° 1901819 tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2019 et a rejeté la requête n° 1903583 de Mme A... ainsi que les conclusions présentées par la commune de Dijon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 septembre 2020 et 1er décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Leleu, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 juin 2020 ; 2°) d'enjoindre au maire de Dijon de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Dijon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'un médecin spécialiste siégeant à la commission de réforme ; - elle est illégale au regard du défaut d'information du droit à être assisté d'un médecin lors de cette commission ; - l'avis de la commission de réforme est irrégulier faute de mentionner le décompte des voix permettant de vérifier le résultat du vote émis par ses membres ; - c'est à tort que le tribunal administratif, au prix d'une erreur de droit le conduisant à considérer l'absence de dysfonctionnement dans le service, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif, qui est lié à ses conditions de travail, sans qu'un évènement extérieur ne permette de détacher sa pathologie du service. Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juillet et 22 décembre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Dijon, représentée par Me Corneloup, avocat, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 2 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2021. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - et les observations de Me Gouy-Paillier pour Mme A... ainsi que celles de Me Metz pour la ville de Dijon. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjointe technique territoriale de 2ème classe de la commune de Dijon¸ a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 18 janvier 2018. Par lettre du 2 octobre 2018, elle a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont elle souffre. Elle relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2019 par laquelle le maire de Dijon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Sur la légalité de la décision du 30 octobre 2019 : 2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ". 3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision litigieuse. 4. La commission de réforme disposait du rapport circonstancié d'expertise du docteur B..., médecin psychiatre, qui a examiné l'intéressée le 10 février 2019, de sorte que les éléments d'information dont elle disposait étaient suffisants pour éclairer l'examen du cas de Mme A.... Dans ces conditions, eu égard aux éléments dont disposait la commission de réforme, l'absence d'un médecin spécialiste n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé Mme A... d'une garantie. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 5 février 2019 adressé par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Côte d'Or, Mme A... a été avertie de la date à laquelle devait se réunir la commission de réforme, le 3 avril 2019, de la possibilité de consulter son dossier et de présenter des observations. Mme A... a été informée, dans le courrier de convocation à la séance de la commission, de la possibilité d'être assistée de " la personne de son choix ". Si la requérante se plaint de ne pas avoir été spécifiquement informée de la possibilité d'être assistée d'un médecin, elle n'invoque aucun élément à caractère médical qu'elle aurait été empêchée de faire valoir au cours de la séance du 3 avril 2019, lors de laquelle elle a été représentée ainsi que le mentionne son procès-verbal, de sorte qu'elle n'a pas été effectivement privée d'une garantie. 7. En troisième lieu, ce procès-verbal permet en l'espèce de s'assurer que le quorum a été atteint, et que la commission de réforme a pu valablement délibérer. Si Mme A... soutient que l'avis de cette commission est irrégulier faute de mentionner le décompte des voix, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que figure la mention du nombre des votes sur l'avis rendu par la commission de réforme. 8. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique. 9. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la présomption prévue par les dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale au motif que l'affection dont elle souffre serait de nature professionnelle. Il y a lieu d'examiner la légalité du refus d'imputabilité au service qui lui a été opposé au regard des seules dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, aux termes desquelles : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 11. Mme A... soutient que sa maladie a été suscitée par ses conditions de travail au sein de la Crèche des Grésilles. Si elle fait état d'un conflit avec la direction, elle a cependant, bénéficié entre septembre 2016 et juillet 2017, d'un congé de formation professionnelle (CFP) à l'issue duquel elle a obtenu le diplôme d'Etat d'Auxiliaire de Puériculture. Lorsqu'elle réintégré ses fonctions à temps complet au sein de la crèche, la structure a connu un changement de direction, de sorte que les difficultés relationnelles dont elle se prévaut avec l'ancienne directrice de la crèche jusqu'en août 2016 ne peuvent être regardées comme ayant directement contribué au développement de sa maladie, pour laquelle le congé de maladie a débuté le 18 janvier 2018. Mme A... évoque également les nombreux changements qu'elle a découverts de retour à son poste, du fait de la réorganisation du service, et qu'elle explicite dans le document " descriptif journées " produit devant le tribunal. Si elle se plaint du fonctionnement en sous-effectif de l'établissement et de la surcharge de travail qu'elle subirait en conséquence, aucun élément du dossier, en particulier ce document comportant le résumé de ses activités journalières sur la période courant du mois de juillet 2017 au mois de janvier 2018, ne permet de considérer que l'exercice des fonctions de Mme A... ou ses conditions de travail, auraient été susceptibles d'affecter son état psychique. Les certificats médicaux qu'elle produit, rédigés à partir de ses propres déclarations, sans identifier aucune cause professionnelle susceptible d'expliquer l'état pathologique de la patiente, ne permettent pas davantage de tenir pour établi l'existence d'un lien direct avec sa pathologie. Par ailleurs, si le docteur B... a conclu, à l'issue de son examen de Mme A... du 10 février 2019, à l'imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs dont souffre l'agent, ce médecin psychiatre a relevé une fragilité du système de défense de l'intéressée dont il a estimé ne pas pouvoir tenir compte en l'absence d'antécédents de troubles psychiques. Le rapport d'expertise du docteur C..., également psychiatre, qui a examiné Mme A... le 30 janvier 2019, a considéré qu'elle présente une fragilité due notamment à des évènements personnels traumatisants, de sorte que la pathologie dépressive de la requérante a pu être favorisée par des éléments de sa personnalité. 12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'injonction : 13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre la décision du 30 octobre 2019, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Dijon de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ne peuvent dès lors qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme A... demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la ville de Dijon, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme que la ville de Dijon demande au titre de ses frais non compris dans les dépens sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la ville de Dijon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la commune de Dijon. Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, M. Gilles Fédi, président-assesseur, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2023. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de la Côte d'Or en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY02757
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/12/2022, 22NT01176, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle la ministre des armées a décidé de présenter son dossier devant la commission de réforme des militaires et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre à la ministre de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie liée aux évènements du 19 février 2018. Par une deuxième requête, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2018 par lequel la ministre des armées l'a radié des contrôles d'office à compter du 20 juin 2018 pour inaptitude physique et la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire. Par une troisième requête, M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel la ministre des armées a expressément rejeté ses recours administratifs préalables obligatoires. Par un jugement n° 1802916, 1900040, 1901587 du 24 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces trois requêtes. Par un arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021, la cour a annulé ce jugement du tribunal administratif de Caen ainsi que la décision du 4 juin 2019 de la ministre des armées portant radiation des contrôles de M. A... pour inaptitude définitive. Par un article 2, il a été enjoint à la ministre des armées de prononcer, dans un délai d'un mois, la réintégration juridique de M. A... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des contrôles pour inaptitude jusqu'à ce que, après une nouvelle saisine de la commission de réforme, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision statuant sur son éventuelle inaptitude à l'exercice de toute fonction dans les armées. Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. A... a été rejeté et la somme de 1 800 euros a été mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Procédure en exécution devant la cour : Par une lettre, enregistrée le 10 février 2022, M. A... a présenté une demande tendant à obtenir l'exécution de cet arrêt. Par une ordonnance n° 22NT01176 du 21 avril 2022, le président de la cour a ouvert une phase juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021. Par des mémoires, enregistrés les 3 mai et 9 août 2022, M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la cour d'assortir l'injonction prononcée dans l'arrêt du 9 novembre 2021 d'une astreinte et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Il soutient que : - rien ne justifie que sa réintégration juridique se limite à la période du 20 juin au 9 octobre 2018 ; il aurait dû être réintégré juridiquement jusqu'à ce que la commission de réforme se prononce sur son aptitude à l'exercice de toute fonction dans l'armée et non jusqu'au terme de son contrat d'engagement, lequel au demeurant a été prorogé ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Caen dans un jugement n° 1900271, 1901588 du 24 mars 2020 ; en exécution de ce jugement il doit être placé en position d'affection présumée imputable au service (APIAS) ; sa reconstitution de carrière devra tenir compte des possibilités de prolongation de contrat ou de concours internes auxquelles il aurait pu prétendre et de la perte de chance qu'il a subie ; - rien ne justifie qu'il ne perçoive pas sa solde ainsi que les primes et indemnités y afférentes depuis le 20 juin 2018, ainsi que le prévoit les articles L. 4138-2 et R. 4138-52 du code de la défense ; - il reste en attente d'une décision de rétablissement dans ses droits à pension et dans ses droits sociaux ; - il n'est pas précisé si la commission de réforme va se réunir ; son avis du 4 février 2020 est illégal et inexistant compte tenu de l'arrêt du 9 novembre 2021 qui entraîne de facto l'annulation de tous les actes préparatoires à la décision du 4 juin 2019 ; cet avis est contraire aux dispositions des articles 5 et 12 de l'arrêté du 20 septembre 2006 pris en application de l'article 6 du décret du 20 septembre 2006 ; seule la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité est compétente pour statuer sur sa situation afin que puisse être clos son dossier " APIAS " ; - la décision du 18 juillet 2022 prise par le ministre des armées après recours administratif obligatoire préalable, qui considère à tort qu'il " a été rayé des contrôles au terme de son contrat le 10 octobre 2018 " et " qu'il n'y a plus lieu de se prononcer sur son aptitude médicale à servir ", procède à une exécution irrégulière de l'arrêt du 9 novembre 2021 ; elle ne peut se fonder sur l'avis de la commission de réforme du 4 février 2020. Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet des conclusions présentées par M. A.... Il soutient que : - la somme de 1 812,06 euros a été versée à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens mis à la charge de l'Etat par l'arrêt du 9 novembre 2021 ; - la contestation des mesures prises en exécution de l'arrêt relève d'un litige distinct ; - après avoir réintégré juridiquement un agent bénéficiant d'un contrat à durée déterminée, l'administration peut décider de ne pas renouveler son contrat au-delà de la date à laquelle il serait normalement parvenu à expiration ; de ce fait M. A... a été replacé juridiquement en position d'activité à compter du 20 juin 2018 jusqu'au 9 octobre 2018, date du terme de son contrat de volontaire ; - un agent irrégulièrement évincé ne peut en l'absence de service fait prétendre à un rappel de traitement ; M. A... ne peut donc prétendre à sa rémunération ; en outre, la contestation de l'absence de versement de sa solde constitue un litige distinct de celui jugé par la cour dans l'arrêt du 9 novembre 2021 ; - les règles relatives à la reconstitution de carrière ne sont pas applicables aux agents contractuels puisqu'ils n'ont pas de " carrière " ; - la régularisation de ses droits à pension est en cours ; M. A... perçoit depuis le mois de juin 2018 une pension de retraite au titre de son invalidité d'un montant brut mensuel de 84,85 euros qui devrait faire l'objet d'un trop-versé au titre de la période concernée par sa réintégration juridique. Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2022, M. A... demande à la cour d'assortir l'injonction prononcée le 9 novembre 2021 d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et de porter la somme sollicitée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à 4 000 euros. Il ajoute que : - il appartient à l'administration de déterminer le statut de sa DAPIAS, ouvert à compter du 19 février 2018, avant de saisir la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité ; - rien ne permet d'affirmer que son contrat n'aurait pas été prolongé au regard de son évaluation de décembre 2017, de ses capacités sportives et de son aptitude médicale en vue d'occuper un emploi d'officier de conduite des opérations ; - l'exécution du jugement du tribunal administratif de Caen impose l'application de l'article L. 4138-2 du code de la défense ; en ayant ouvert la DAPIAS à compter du 19 février 2018 sans l'avoir clôturée, la ministre a prorogé de fait la durée de son contrat. Par un courrier du 11 octobre 2022, resté sans réponse, il a été demandé au ministre des armées de justifier des mesures prises en ce qui concerne le calcul des droits à pension de M. A.... Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. A... a intégré la marine nationale le 10 octobre 2016 en qualité de volontaire aspirant. Son contrat d'un an, prenant fin le 9 octobre 2017, a été renouvelé une fois. A compter du 18 janvier 2018, l'intéressé a été placé en arrêt de travail. Le 20 avril 2018, la ministre des armées a saisi la commission de réforme des militaires afin qu'elle se prononce sur l'aptitude de M. A.... L'avis de cette instance a été rendu le 18 mai 2018. Par un arrêté du 13 juin 2018, la ministre des armées a radié des contrôles M. A... avec effet au 20 juin 2018. Par un arrêté du 4 juin 2019, elle a rejeté les recours administratifs préalables obligatoires présentées par l'intéressé. Par un jugement n° 1802916, 1900040, 1901587 du 24 mars 2020 le tribunal administratif de Caen a rejeté les requêtes déposées par M. A... tendant à l'annulation de ces trois " décisions ". Ce jugement a été annulé par un arrêt de la cour n° 20NT01535 en date du 9 novembre 2021. Aux termes de l'article 1er de cet arrêt, la décision du 4 juin 2019 a été annulée. Aux termes de l'article 2, il a été enjoint à la ministre des armées de prononcer, dans un délai d'un mois, la réintégration juridique de M. A... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des contrôles pour inaptitude jusqu'à ce que, après une nouvelle saisine de la commission de réforme, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision statuant sur son éventuelle inaptitude à l'exercice de toute fonction dans les armées. L'article 3 a rejeté le surplus de la requête et l'article 4 a mis la somme de 1 800 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le 10 février 2022, M. A... a présenté une demande d'exécution de cet arrêt. Par une ordonnance du 21 avril 2022, le président de la cour a ouvert la phase juridictionnelle de cette instance. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...). Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...). ". Il résulte articles L. 911-4, R. 921-5 et R. 921-6 du code de justice administrative qu'il appartient au juge de l'exécution de prescrire les mesures qu'implique nécessairement la décision dont l'exécution lui est demandée par la partie intéressée, alors même que ces mesures ne figuraient pas expressément dans la demande présentée au président de la juridiction ou dans les mémoires produits après l'ouverture de la procédure juridictionnelle, sauf lorsque la partie qui a saisi la juridiction d'une demande d'exécution a indiqué, sans équivoque, qu'elle renonçait au bénéfice d'une partie de ces mesures. Sur la réintégration de M. A... : 3. Par une décision du 22 décembre 2021, la ministre des armées a réintégré juridiquement M. A... en position d'activité du 20 juin 2018 au 9 octobre 2018 sans le bénéfice de sa solde. Cette décision a été prise au vu de l'avis de la commission de réforme du 4 février 2020 qui a confirmé son inaptitude au service dans les armées. Par suite, en se fondant sur un avis de la commission de réforme postérieur à la décision du 4 juin 2019, la ministre doit être regardée comme ayant exécuté l'injonction qui lui était faite. Si M. A... soutient qu'il aurait dû être réintégré jusqu'à ce que la commission de réforme se réunisse, et ne pouvait être privé de sa solde et des indemnités prévues à l'article R. 4138-52 du code de la défense, cette question qui nécessite de se prononcer notamment sur la reconduction de son contrat de travail au-delà du 9 octobre 2018, n'a pas été jugée dans l'arrêt de la cour du 9 novembre 2021 dont il sollicite l'exécution. Elle relève par suite, ainsi que le soutient le ministre, d'un litige distinct. Pour le même motif l'intéressé n'est pas fondé à soutenir dans le cadre de la présente instance que l'avis de la commission de réforme du 4 juin 2019 ainsi que la décision du 22 décembre 2021 et celle du 18 juillet 2022 prise après saisine de la commission des recours des militaires, seraient entachés d'illégalité. M. A... se prévaut, par ailleurs, de ce que, par un jugement n° 1900271-1901588 du 24 mars 2020 devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a ordonné à la ministre des armées d'ouvrir une déclaration d'affectation présumée imputable au service (DAPIAS) dans un délai de deux mois. Cette injonction ne présente toutefois pas le même objet que celle prononcée par la cour dans son arrêt du 9 novembre 2021. Il n'appartient dès lors pas au juge de l'exécution d'en connaître. Sur la reconstitution de la carrière et des droits à pension de M. A... : 4. La reconstitution de carrière d'un agent irrégulièrement évincé implique nécessairement la régularisation de son affiliation à la caisse de retraite ou au régime de pension dont il aurait relevé en l'absence d'intervention de la décision d'éviction illégale et, par suite, le versement par l'employeur des cotisations correspondantes. Cette obligation procède directement de l'annulation de la décision d'éviction illégale et n'a pas un caractère distinct de la reconstitution de carrière à laquelle l'employeur est tenu dans son ensemble. 5. M. A... ne bénéficiait que d'un contrat de travail d'un an, qui a été renouvelé une fois. Par suite, il ne pouvait prétendre à un déroulement de carrière. Dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le ministre des armées n'aurait pas procédé à la reconstitution de sa carrière en exécution de l'arrêt de la cour du 9 novembre 2021. 6. En revanche, les conclusions présentées M. A... en vue de la reconstitution de ses droits à pension de retraite tendent à l'exécution de l'une des conséquences juridiques de l'arrêt du 9 novembre 2021 et n'en constituent pas un litige distinct. Il appartient dès lors au juge de l'exécution d'en connaître. Dans son mémoire du 21 septembre 2022, le ministre des armées indique que M. A... perçoit depuis le mois de juin 2018 " une pension de retraite au titre de son invalidité ", d'un montant brut mensuel de 84,85 euros, qui devrait faire l'objet d'un trop-versé au titre de la période concernée par sa réintégration juridique et que la régularisation de ses droits à pension est en cours. Il n'a cependant apporté aucune réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour le 11 octobre 2022, lui demandant de justifier des mesures prises en ce qui concerne le calcul des droits à pension de M. A.... Dans ces conditions, l'intéressé est fondé à soutenir qu'il n'a pas été procédé à l'exécution intégrale de l'arrêt du 9 novembre 2021. Il y a donc lieu d'enjoindre, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, au ministre des armées de rétablir M. A... dans ses droits à pension de retraite dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. 7. Il résulte de tout ce qui précède que, les conclusions à fin d'exécution de l'arrêt n° 20NT01535 du 9 novembre 2021 présentées par M. A... doivent être accueillies dans la limite mentionnée ci-dessus. Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Il est enjoint, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, au ministre des armées de rétablir M. A... dans ses droits à pension de retraite dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 2 : L'Etat communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises en exécution de l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 décembre 2022. Le rapporteur, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01176
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 30/12/2022, 20TL04309, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 20 septembre 2017 rejetant sa demande d'indemnisation des préjudices résultant de son accident de service survenu le 2 novembre 1979 et d'enjoindre à la ministre des armées de donner une suite favorable à sa demande. Par un jugement n° 1802298 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 novembre 2020, sous le n°20MA04309 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL04309, M. B... A... représenté par Me Vincensini, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 22 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) d'annuler la décision du 25 avril 2018 de la commission de recours des militaires rejetant son recours préalable contre la décision du 20 septembre 2017 ; 3°) d'annuler la décision du 20 septembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation de ses préjudices ; 4°) d'ordonner au ministre des armées de l'indemniser des préjudices résultant de son accident de service du 2 novembre 1979 ; 5°) de procéder avant dire droit à la désignation d'un expert ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son droit à indemnisation n'est pas prescrit, la date de consolidation de son état de santé n'a jamais été fixée avant le certificat médical du 25 avril 2016 ; - le délai de recours ne peut courir qu'à partir du moment où la date de consolidation retenue est notifiée à l'intéressé ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 433-17 du code de la sécurité sociale ; or celle-ci ne lui a jamais été notifiée ; - à titre subsidiaire, dans la mesure où la date de consolidation retenue par le jugement de première instance ne correspond pas aux prétentions des parties et ne résulte d'aucune constatation médicale, un expert pourra être désigné afin de permettre qu'il soit mis fin au litige. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A.... Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - l'administration a fixé au 2 septembre 1988 la date de consolidation des blessures de M. A... compte tenu des éléments contenus dans son dossier médical et notamment de la fiche descriptive des infirmités ayant donné lieu à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité établie le 2 mai 2000 ; - la créance de M. A... était prescrite lorsqu'il a formé, le 10 décembre 2014, sa demande d'indemnisation quelle que soit la date de consolidation retenue parmi les différentes dates de consolidation qui ont fait l'objet de discussion ; - M. A... s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité à titre définitif le 7 mai 2007, laquelle était accompagnée d'une évaluation de l'invalidité par un médecin expert qui a pu évaluer le déficit fonctionnel et l'atteinte à son état général causés par ses blessures, de sorte qu'il était en mesure de présenter une demande indemnitaire à l'administration avant que sa créance ne soit prescrite ; - la date de consolidation est une constatation d'un état de fait ; - les dispositions de l'article R.433-17 du code de la sécurité sociale, relatives au versement des indemnités journalières par la caisse primaire d'assurance maladie en matière d'indemnisation d'incapacité temporaire, ne sont pas applicables ; - la réalisation d'une expertise n'est pas utile. Par une ordonnance du 4 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 juillet 2022 à 12h. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjudant de l'armée de l'air, relève appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 20 septembre 2017 rejetant sa demande de versement d'une indemnité destinée à réparer les préjudices patrimoniaux, extrapatrimoniaux, d'agrément et sexuel résultant de son accident de service survenu le 2 novembre 1979. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service. / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Ces dispositions, qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, ne font pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. 3. D'autre part, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée dispose que : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". L'article 2 de la même loi dispose : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance " ;et enfin aux termes de son article 3 : " " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ". 4. Pour l'application de ces dispositions s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur l'Etat au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. L'expiration du délai de prescription est par ailleurs sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation des préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée. 5. S'il ne résulte pas de l'instruction qu'une date de consolidation ait été retenue par les médecins expert lors de l'attribution à M A..., le 2 mai 2000, de sa pension militaire d'invalidité, l'intéressé a bénéficié le 7 mai 2007 d'une majoration de celle-ci au titre de l'aggravation séquellaire de l'accident du 2 novembre 1979 à la suite des constats dressés par la fiche descriptive des infirmités établie le 16 avril 2007. Cette fiche retient un degré d'invalidité totale de 50 %, du fait de séquelles de traumatisme cervical, de fractures du cotyle gauche, persistance de douleurs de la hanche gauche, et de séquelles de fracture du nez. Ces séquelles correspondent à une aggravation de l'état de M. A... par rapport à celui consécutif à son accident de service. Elles sont identiques à celles mentionnées dans le certificat médical du 25 avril 2016 établi par le médecin généraliste de M. A... et il ne résulte pas de l'instruction qu'elles aient connu de nouvelles évolutions après que son état se soit aggravé et que sa pension ait fait l'objet d'une majoration au mois de mai 2007. L'état initial de M A... doit ainsi nécessairement être regardé comme ayant été consolidé antérieurement à la date du 7 mai 2007, et l'aggravation de son état de santé comme ayant été consolidée à cette date, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que différentes dates de consolidation ont été successivement retenues par l'administration ou que le service de santé des armées n'ait pas établi de certificat de consolidation de ses blessures. Le certificat médical du 25 avril 2016 qui indique que les blessures peuvent être regardées comme consolidées ce même jour, sans plus de précision et sans étayer ses dires par les historiques médicaux des séquelles, n'est pas de nature à remettre en cause les constatations qui précèdent. La créance de M A... était par conséquent prescrite à la date du 10 décembre 2014 à laquelle il a sollicité l'indemnisation de ses préjudices. 6. M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 433-17 du code de la sécurité sociale qui concernent le versement des indemnités journalières par la caisse primaire d'assurance maladie en matière d'indemnisation d'incapacité temporaire et ne sont pas applicables à l'espèce. 7. L'intéressé, qui a sollicité le 11 janvier 2007 la révision de sa pension en raison de l'aggravation de ses séquelles, a été destinataire et a pu prendre connaissance des éléments médicaux à l'origine de la majoration de sa pension tels que figurant sur la fiche descriptive des infirmités de 2007 et dont il ressortait que la date de consolidation des séquelles initiales est antérieure à celle du mois de mai 2007, de sorte qu'en tout état de cause, l'absence de notification de la date de consolidation de ses séquelles n'a pas été de nature à retarder le point de départ du délai de prescription de sa créance. 8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise laquelle ne revêtirait pas de caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022. La rapporteure, C. Arquié La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20TL04309
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 21/12/2022, 20BX03086, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, à titre principal, d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle La Poste a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 15 avril 2016. Par un jugement n° 1800175 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Dounies, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juillet 2020 ; 2°) d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle La Poste a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 15 avril 2016 ; 3°) de faire exécuter le jugement rendu par le tribunal administratif de Limoges le 23 novembre 2017 ; 4°) d'enjoindre à La Poste de procéder à la réintégration de M. B..., dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à venir et, ce, sous astreinte de 1 000 euros par jours de retard ; 5°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance. Il soutient que : - le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse du 4 décembre 2017 ; - cette décision est insuffisamment motivée ; - la poste s'est estimée liée par l'avis de la commission de réforme ; - cet avis est lui-même insuffisamment motivé dès lors que la commission ne s'est pas prononcée sur l'imputabilité au service de son invalidité ; - la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et constitue une sanction déguisée caractérisant un détournement de pouvoir alors qu'il a été victime de harcèlement moral ; - l'affection dont il souffre est imputable au service. Par un mémoire enregistré le 8 septembre 2021, La Poste, représentée par Me Magne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre des frais exposés pour l'instance. Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique, - et les observations de Me Gaucher-Piola, représentant La Poste. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été recruté par La Poste, en septembre 1978, en qualité de mécanicien dépanneur puis chef de travaux automobiles. Il a été placé, à compter du 24 octobre 2009, en congé de longue maladie puis de longue durée, renouvelé jusqu'au 15 avril 2016. Par une décision du 10 février 2016, la direction du service courrier-colis du Limousin de La Poste a prononcé la mise à la retraite d'office de M. B... pour invalidité à compter du 15 avril 2016. Par un jugement n° 1600498 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation des décisions renouvelant son congé de longue durée et a annulé la décision prononçant cette mise à la retraite d'office en raison de son insuffisante motivation. Par une décision du 4 décembre 2017, La Poste a, de nouveau, prononcé la mise à la retraite d'office de M. B... pour invalidité à compter du 15 avril 2016. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des points 3 et 4 du jugement attaqué que le tribunal a considéré que la décision litigieuse était suffisamment motivée. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de se prononcer sur ce moyen. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée, de ce que l'avis rendu par la commission de réforme le 10 février 2016 serait insuffisamment motivé au regard de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre, de ce que La Poste se serait crue, à tort, liée par cet avis, de ce que ni La Poste ni la commission de réforme n'ont examiné si cette pathologie était imputable au service alors que tel serait le cas, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges. 4. En deuxième lieu, et ainsi que l'ont dit les premiers juges, l'appelant n'est pas recevable à demander, dans le cadre d'un litige pour excès de pouvoir, à fortiori devant la cour administrative d'appel, l'exécution d'un précédent jugement du tribunal administratif devenu définitif. Par suite, les conclusions de la requête tendant à ce que soit ordonnée l'exécution du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé une décision du 10 février 2016 plaçant d'office M. B... à la retraite pour invalidité, lesquelles ne sont au surplus assorties d'aucun moyen, ne peuvent qu'être rejetées. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ". 6. M. B... se prévaut de plusieurs certificats médicaux établis par un psychiatre les 23 septembre 2014, 13 janvier 2015 et 27 octobre 2015, dont le dernier en date indique que " son état actuel lui permet d'envisager une reprise professionnelle à mi-temps thérapeutique ". Il se prévaut également de l'attestation établie le 25 janvier 2016 par son médecin généraliste qui fait état de son aptitude à reprendre le travail ainsi que d'attestations établies par un médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie qui indique qu'il " voudrait réaliser sa thérapie par le travail ". Toutefois, ces certificats, qui ne contestent pas la gravité de l'affection dont souffre l'intéressé, ne permettent pas, à eux seuls, de remettre en cause l'avis rendu par la commission de réforme au sein de laquelle siégeaient trois médecins et qui a confirmé les préconisations du médecin expert qui a examiné en dernier lieu M. B... le 25 septembre 2015. Au demeurant, il résulte des motifs du jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 novembre 2017, devenu définitif et dont se prévaut M. B..., que des expertises médicales ont été réalisées par un psychiatre spécialiste du centre hospitalier Esquirol les 25 septembre 2014, 27 mars 2015 et 25 septembre 2015. Or il ressort de ces expertises que l'intéressé a souffert, au cours de la période correspondant aux deux derniers renouvellements de son congé de longue durée, d'un trouble bipolaire non traité en phase hypomaniaque assorti d'un discours fixe de récriminations relatif à son travail et à sa hiérarchie, avec des éléments mégalomaniaques, une humeur haute avec excitation psychique et persistance d'un sentiment de persécution incompatibles avec une reprise de son travail. 7. En quatrième lieu, la décision litigieuse se borne à constater que M. B... est désormais inapte à tous postes. Par suite, l'appelant ne peut utilement soutenir, à l'encontre de cette décision, qu'il aurait été victime de harcèlement moral au cours de sa carrière et que ce harcèlement serait à l'origine de la pathologie dont il souffre. En outre, il ne peut pas plus utilement soutenir que cette mise à la retraite constituerait une sanction déguisée caractérisant un détournement de pouvoir dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'appelant est effectivement inapte à tous postes. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de mise à la retraite d'office du 4 décembre 2017 et à l'exécution du jugement du 17 novembre 2017. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonctions et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 9. Enfin, il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que demande La Poste au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance. DÉCIDE : Article 1er : la requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société La Poste. Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient : M. Didier Artus, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022. Le rapporteur, Manuel C... Le président, Didier ArtusLa greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°20BX03086 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 16/12/2022, 21BX01994, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 26 novembre 2019 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant au versement de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Par un jugement n° 2000249 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 mai 2021, le 27 juillet 2021 et le 17 mars 2022, Mme F..., représentée par Me Amadio, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2021 ; 2°) d'annuler la décision du Premier ministre du 26 novembre 2019 ; 3°) d'enjoindre au Premier ministre de lui attribuer l'aide financière prévue par le décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale, sous forme d'un capital, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que son père ayant été arrêté avant d'être exécuté le 9 mai 1945, elle avait droit à l'indemnisation prévue par le décret du 27 juillet 2004. Par des mémoires en défense enregistrés le 7 juillet 2021 et le 3 août 2021, le Premier ministre conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens de Mme F... ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 23 février 2022, la ministre des armées s'associe aux conclusions du Premier ministre tendant au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de Mme F... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme G... A..., - les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 26 novembre 2019, le Premier ministre a refusé d'accorder à Mme F... le bénéfice de l'aide financière prévue par le décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Mme F... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les condition mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code (...) ". Aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, désormais codifié à l'article L. 342-3 de ce code : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ ". Et aux termes de L. 290 du même code, désormais codifié l'article L. 343-5 : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur le champ ". 3. M. B... D..., le père de Mme F..., entré dans la résistance française en Indochine au mois d'octobre 1942, était gendarme affecté à Phu-Xuan-Hoï. Il ressort du rapport établi le 2 novembre 1945 par le lieutenant E..., qui résidait dans un bungalow voisin, que, le 9 mars 1945, des soldats japonais ont fait irruption dans le quartier de Nhabe, se sont dirigés vers le bungalow de M. D... et ont fusillé ce dernier dès leur entrée dans le bâtiment. Ce rapport indique également que le chef de ces soldats a déclaré que M. D... " avait été tué parce qu'il avait voulu résister " et ne fait état ni de combat, ni d'aucun autre décès ou dégradation qui seraient intervenus dans le quartier Nhabe le 9 mars 1945. En l'absence de toute autre perte humaine ou matérielle, les événements décrits par le lieutenant E..., qui se sont déroulés dans un secteur sous contrôle japonais, ne peuvent être considérés comme constituant un assaut de l'armée japonaise, contrairement à ce que soutient le Premier ministre. Au regard de ces éléments, le père de la requérante ne peut être regardé comme étant mort au combat, alors même qu'il aurait armé ses fusils à l'approche des soldats japonais, mais doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une arrestation et d'une exécution sur le champ. Sa disparition, qui est intervenue dans les conditions fixées par l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, a ainsi eu lieu dans des circonstances sans rapport avec les lois classiques de la guerre, répondant au critère fixé par les auteurs du décret du 27 juillet 2004, qui vise à réparer les actes de barbarie commis durant la période de l'Occupation. Par suite, Mme F... est fondée à soutenir que le Premier ministre a commis une erreur d'appréciation en considérant que son père n'était pas décédé dans des circonstances correspondant à celles prévues par l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du Premier ministre du 26 novembre 2019. Sur l'injonction : 5. Au regard de ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que la Première ministre accorde à Mme F... le bénéfice de l'aide financière prévue par le décret du 27 juillet 2004, sous la forme d'une indemnité, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Sur les frais liés au litige : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2021 et la décision du Premier ministre du 26 novembre 2019 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la Première ministre d'accorder à Mme F... le bénéfice de la mesure de réparation prévue par le décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale, sous forme d'une indemnité, dans un délai de trois mois. Article 3 : L'État versera à Mme F... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... et à la Première ministre. Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Marianne Hardy, présidente, Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure, Mme Charlotte Isoard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. La rapporteure, Charlotte A...La présidente, Marianne Hardy La greffière, Marion Azam Marche La République mande et ordonne à la Première ministre en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 21BX01994 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 13/12/2022, 20TL03556, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 29 octobre 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande d'allocation temporaire d'invalidité et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1806450 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°20MA03556 puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL03556, M. B..., représenté par Me Salies, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) d'annuler la décision du 29 octobre 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son taux d'incapacité permanente partielle est de 8% pour le genou et de 3% s'agissant des lombalgies ; - il ressort de l'avis du docteur C... et de celui de la commission de réforme que s'agissant du genou, si un taux de 4% préexistant est retenu, les experts s'accordent à retenir un taux de 8%, qui est " non médicalement séparable " ; - son taux d'incapacité permanente partielle global à retenir est de 10,88%, et en application du mode de calcul figurant en annexe du code des pensions civiles et militaires, compte tenu de la coexistence de deux infirmités ; il remplit dès lors les conditions pour bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité et c'est par une appréciation erronée des pièces que l'Etat et le tribunal ont refusé de faire droit à sa demande. Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B.... Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête de M. B.... Il fait valoir que la requête est tardive et que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de l'intéressé. Par une ordonnance du 3 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 août 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ; - la loi n° 2020-456 du 11 mai 2020 ; - la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ; - l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., surveillant brigadier au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), victime d'accidents de service les 21 novembre 1997, 15 avril 1998, 9 février 2006 et 9 décembre 2013 ayant occasionné des dommages à son genou gauche et au niveau de ses lombaires, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 29 octobre 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité. Par un jugement n°1806450 du 10 juillet 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur la fin de non-recevoir : 2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". L'article R. 751-3 du même code précise que : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) ". Toutefois, l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions administratives, applicable aux juridictions administratives durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire en vertu de l'article 2 de cette ordonnance dispose que : " Lorsqu'une partie est représentée par un avocat, la notification prévue à l'article R. 751-3 du code de justice administrative est valablement accomplie par l'expédition de la décision à son mandataire. (...) ". Par ailleurs, le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus, date de la publication de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. 3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance, notamment du document intitulé " accusé de réception d'un courrier du greffe " que le jugement attaqué a été notifié le 10 juillet 2020 à 16 heures 51 au conseil du requérant alors que le régime de l'état d'urgence sanitaire était encore en vigueur. Cette notification mentionnait le délai d'appel de deux mois ainsi que les dispositions précitées de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020. Il en résulte que le délai de recours contentieux, qui a couru à compter de cette notification, expirait le vendredi 11 septembre 2020. Par conséquent, la requête d'appel de M. B..., qui a été enregistrée le 15 septembre 2020, soit postérieurement à l'expiration du délai de recours, est tardive et, par suite, irrecevable. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le garde de sceaux, ministre de la justice doit être accueillie. Sur les frais liés au litige : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance le versement de la somme que demande M. B... sur ce fondement. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 29 novembre 2022 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement. 2 N°20TL03556
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de LYON, 3ème chambre, 23/11/2022, 20LY02728, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand : 1°) d'annuler la décision du 4 septembre 2018 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Billom a rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 30 octobre 2018 ; 2°) d'enjoindre au centre hospitalier de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service, de la placer en congé maladie imputable au service à compter du 2 septembre 2017 et de la rétablir dans ses droits financiers, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) de condamner le centre hospitalier de Billom à lui verser la somme totale de 60 000 euros, dont 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et 10 000 euros au titre de son préjudice moral ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Billom la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1900428 du 20 juillet 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions, a enjoint à la directrice du centre hospitalier de Billom de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 2 septembre 2017, et de la rétablir dans ses droits financiers à compter de cette date, a mis à la charge du centre hospitalier de Billon le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2020 et un mémoire en réplique, non communiqué, enregistré le 15 avril 2021, le centre hospitalier de Billom, représenté par l'AARPI Publica Avocats, agissant par Me de Froment, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 juillet 2020 ; 2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B... devant ce tribunal, ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise avant-dire droit ; 3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la présomption d'imputabilité n'étant pas irréfragable, c'est à tort que le tribunal administratif annulé le refus de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... ; compte tenu des rapports d'expertise des docteurs D... et C... ; - les autres moyens de Mme B... soulevés en première instance sont infondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me Dubreuil, conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise avant-dire droit. Elle demande à la cour de faire droit à ses demandes indemnitaires et d'annuler le jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Billom en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision attaquée est insuffisamment motivée ; - elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a été privée des garanties prévues par l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme ; - le syndrome du canal carpien, qui a justifié ses arrêts de travail, constitue une maladie inscrite au tableau des maladies professionnelles ; l'administration ne justifie pas d'éléments lui permettant de renverser la présomption d'imputabilité de cette pathologie au service ; il suffit que la pathologie ait été aggravée par le service. - l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; elle a été contrainte de rembourser les sommes indûment versées et a subi un préjudice économique à hauteur de 50 000 euros ; son préjudice moral doit être réparé par le versement d'une indemnisation de 10 000 euros. Par ordonnance du 17 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2021. Par un courrier du 7 novembre 2022, les parties ont été informées de ce que, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt de la cour est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme B..., par la voie de l'appel incident, qui soulèvent un litige distinct de celui de l'appel principal et qui ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux. Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2022, Mme B... a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - et les observations de Me Gevaudan pour le centre hospitalier de Billom et de Me Dubreuil pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B... exerce depuis 2005 les fonctions d'aide-soignante au centre hospitalier de Billom. Souffrant d'un syndrome du canal carpien, elle a formulé, le 7 avril 2017, une demande de reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service. Par une décision du 4 septembre 2018, la directrice du centre hospitalier a rejeté sa demande. Le recours gracieux formé par Mme B... le 30 octobre 2018 est resté sans réponse, faisant naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 20 juillet 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions, a enjoint à la directrice du centre hospitalier de Billom de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 2 septembre 2017, et de la rétablir dans ses droits financiers à compter de cette date, a mis à la charge du centre hospitalier de Billon le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Le centre hospitalier de Billom relève appel de ce jugement, de même que Mme B..., par la voie de l'appel incident, en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur l'appel principal : Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges : 2. Les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 mai 2020. 3. Il s'ensuit que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont applicables au présent litige. 4. Aux termes de ce texte : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, les fonctions de Mme B..., qui exerce comme aide-soignante en milieu gériatrique, " comport[e]nt de façon habituelle des mouvements d'extension du poignet et de préhension des mains, lors des transferts de patients et des toilettes de patients notamment " comme l'atteste d'ailleurs le médecin du travail dans son rapport du 5 mai 2017, de sorte que le syndrome du canal carpien dont souffre Mme B... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Le premier rapport d'expertise du docteur D... a relevé, sans autre précision, une " pathologie indépendante, évoluant pour son propre compte ". S'estimant insuffisamment informée par cette expertise, la commission de réforme s'est prononcée en faveur d'une contre-expertise à l'issue de la séance du 27 octobre 2017. Le docteur C... a conclu, sans autre précision, que " la demande de prise en charge au titre de la maladie professionnelle ne peut pas être justifiée ". Eu égard aux termes dans lesquels sont rédigés ces deux rapports d'expertises et si comme le fait valoir le centre hospitalier de Billom, l'employeur n'est pas lié par l'avis de la commission de réforme, il n'existe, en l'espèce, aucun élément médical sérieux susceptible de démontrer l'existence d'un état de santé antérieur préexistant ou toute circonstance particulière conduisant à détacher la survenance de la maladie du service. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le centre hospitalier de Billom n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 4 septembre 2018 par laquelle sa directrice a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B..., ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Sur les conclusions à fin d'injonction de Mme B... : 8. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles que les premiers juges ont déjà enjoint au centre hospitalier de Billom de prendre. Sur l'appel incident : 9. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande, après l'expiration du délai d'appel, l'annulation de l'article 4 du dispositif du jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande. Devant le tribunal administratif, Mme B... a demandé la réparation des préjudices ayant prétendument résulté pour elle, non seulement de l'illégalité de la décision du 4 septembre 2018, mais également de la faute consistant pour le centre hospitalier à continuer à lui verser indûment l'intégralité de son traitement, pour lui en réclamer ensuite le remboursement. Ces conclusions, soulèvent un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal, et ne sont, par suite, pas recevables. [0]Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le centre hospitalier de Billom demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de l'intimée, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Billom le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B.... D E C I D E : Article 1er : La requête du centre hospitalier de Billom est rejetée. Article 2 : Le centre hospitalier de Billom versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : L'appel incident de Mme B... et le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Billom et à Mme A... B.... Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient : M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère, Mme Sophie Corvellec, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Gilles Fédi La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY02728
Cours administrative d'appel
Lyon