Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/10/2024, 23MA02143, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... D... veuve B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 5 septembre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui attribuer une pension en qualité de conjoint survivant de victime civile. Par un jugement du 27 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a sursis à statuer sur cette demande et a ordonné une expertise en vue de se prononcer sur la cause du décès de l'époux de Mme D.... Par l'effet de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a transmis au tribunal administratif de Marseille le dossier de la demande introduite par Mme D.... Par un jugement n° 2003836 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 août 2023, Mme D..., représentée par Me Mimouna, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 avril 2023 ; 2°) d'annuler cette décision de la ministre des armées du 5 septembre 2017 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui attribuer la pension de réversion " invalidité ", à compter de la date de sa première demande du 26 octobre 2010 ; 4°) de " condamner " l'Etat à lui verser le montant global des arrérages correspondant à sa pension de réversion pour les années 2010 à 2022 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable ; - le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation alors que, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, elle a rapporté la preuve que son époux était atteint d'une invalidité dont le taux était égal à 90 % ; - s'étant déroulée en méconnaissance du principe du contradictoire, l'expertise médicale diligentée est irrégulière et les conclusions de l'expert de justice doivent donc être écartées ; - les dispositions des articles L. 143-2 et L. 143-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'ont pas été observées alors que les deux conditions légales lui permettant de prétendre à l'obtention de la réversion de la pension, soit l'existence d'un taux d'invalidité affectant le conjoint lors de son décès à hauteur de 85 % et la preuve de la relation causale et déterminante entre les blessures subis par ce conjoint et son décès, sont en l'espèce réunies ; - les conclusions expertales se cantonnent à l'exposé des simples scénarii hypothétiques. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué. Il fait valoir que : - le moyen tiré de l'irrégularité de l'expertise manque en fait ; - alors que le fait que le tribunal administratif de Marseille n'a retenu ni les arguments, ni les pièces produites par l'une des parties, ne saurait être qualifié d'insuffisance de motivation, ce moyen est en tout état de cause infondé ; - les autres moyens soulevés par Mme D... ne sont pas davantage fondés. Par une ordonnance du 26 mars 2024, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 29 mars 2024, a été reportée au 2 mai 2024, à 12 heures. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 décembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Mimouna, représentant Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. Né le 2 janvier 1935 et décédé le 17 février 2008, M. H... B..., de nationalité tunisienne, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 50 %, au titre de blessures subies en qualité de victime civile d'actes de guerre. Par un courrier daté du 13 octobre 2010, reçu le 26 octobre suivant, sa veuve, Mme D..., a sollicité l'attribution d'une pension en sa qualité de conjointe survivante. La ministre des armées a, le 5 septembre 2017, refusé de faire droit à cette demande. Mme D... a alors sollicité du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille l'annulation de cette décision. Par un jugement du 27 juin 2019, ce tribunal a ordonné une expertise afin de déterminer les causes du décès de M. B.... Après que, par l'effet de la loi susvisée du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille lui a transmis le dossier de la demande présentée par Mme D... et qu'un rapport d'expertise a été déposé à son greffe, le tribunal administratif de Marseille, a, par un jugement du 12 avril 2023, rejeté cette demande. Par la présente requête, Mme D... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " 3. Si Mme D... soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle avait apporté la preuve de ce que son époux était atteint d'une invalidité dont le taux était égal à 90 %, un tel moyen n'a pas trait à la motivation du jugement attaqué ni, plus généralement, à sa régularité, mais à son bien-fondé. Au demeurant, il apparaît que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens que Mme D... a soulevés devant eux, au vu de l'argumentation qui les assortissait et que leur jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la régularité de l'expertise : 4. En premier lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. 5. Par son jugement du 27 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a désigné le docteur I... G... en qualité d'expert avec pour mission de dire si l'occlusion intestinale aigüe sur bride dont a été victime M. B... était en lien avec l'opération chirurgicale de l'abdomen que ce dernier avait subie suite à la blessure par explosion qu'il avait reçue dans son enfance et d'apporter toutes précisions utiles sur l'étiologie de la lésion ayant entraîné son décès. Toutefois, le 28 octobre 2019, le bureau situé à Tunis de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG) a renvoyé au tribunal administratif de Marseille le dossier d'expertise adressé à ce médecin, avec pour objet : " Dossier d'expertise adressé par erreur au docteur I... G..., stomatologue " et pour observation : " Cette expertise semble être du ressort d'un gastro-entérologue ". La présidente du tribunal administratif de Marseille a alors, par une ordonnance du 8 juillet 2022, désigné le docteur E... C..., spécialisée en chirurgie viscérale et digestive, en remplacement du docteur G... pour procéder à la mission qui lui avait été confiée par ce jugement du 27 juin 2019. A l'article 3 de cette ordonnance du 8 juillet 2022, il est précisé que celle-ci sera notifiée, notamment, à Mme D.... Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et en particulier de la lecture du rapport d'expertise déposé par le docteur C... que celle-ci a convoqué Mme D... à un accédit par une lettre dont l'accusé de réception a été signée par cette dernière le 30 septembre 2022. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir ne pas avoir été informée de la désignation du docteur C... en qualité d'expert en remplacement du docteur G..., ni contactée par cette dernière. Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d'expertise doit, par suite, être écarté. 6. En second lieu, Mme D... soutient que le docteur C... s'est borné, dans son rapport, à exposer des scenarii qui ne permettent pas de déterminer les causes du décès de son époux. Mais cette circonstance n'est pas de nature, en tant que telle, à entacher l'expertise conduite d'irrégularité dès lors que cet expert indique, dans ce rapport, ne pas pouvoir établir de lien direct et certain entre le traumatisme abdominal subi par M. B... et l'occlusion sur bride qui a entraîné son décès en raison de la carence des pièces médicales qui lui ont été fournies. Dans ces conditions, et compte tenu de cette carence, il ne saurait lui être reproché d'avoir insuffisamment rempli sa mission. 7. Il s'ensuit qu'aucune irrégularité conduisant à écarter les conclusions de l'expert de justice désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille ne peut être en l'espèce retenue. En ce qui concerne la légalité de la décision de la ministre des armées du 5 septembre 2017 : 8. Aux termes de l'article L. 209 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de décès de la victime, ses ayants droit peuvent, dans les mêmes conditions que les ayants droit des militaires, se prévaloir des dispositions du livre Ier y compris celles prévues par le 2° de l'article L. 43 en faveur des conjoints survivants des invalides à 85 % et au-dessus. (...) ". Cet article L. 43 dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Ont droit à pension : / 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les conjoints survivants de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension ; / 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension. (...) ". 9. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les demandes de pension autres que les pensions de réversion, formulées par les conjoints survivants ou orphelins de militaires décédés dans leur foyer, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné l'ancien militaire ou marin pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. / Le rapport visé à l'alinéa précédent fera ressortir d'une façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service. / Les postulants à pension y joindront tous documents utiles pour établir la filiation de l'affection, cause du décès, par rapport aux blessures ou aux maladies imputables au service dans les conditions définies à l'article L. 2. (...) ". 10. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime en 1939 d'une explosion ayant pour conséquences une amputation des doigts des deux mains, des lésions cutanées multiples, surtout au niveau de l'abdomen, ainsi qu'une perforation digestive pour laquelle il a subi une opération chirurgicale et qu'il est décédé d'une occlusion intestinale sur bride en 2008. Mais, d'une part, il est constant que M. B... bénéficiait, depuis le 1er février 1949, d'une pension au taux de 50 % et, eu égard au caractère imprécis et peu circonstancié des pièces médicales qu'elle produit, l'appelante, qui n'a au demeurant pas demandé la révision du taux de pension militaire d'invalidité accordée à feu son époux, n'établit pas que le montant de celui-ci aurait dû être fixé à plus de 85 %. D'autre part, par son jugement du 27 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a ordonné une expertise avant dire droit, motif pris de ce que, au regard des pièces qui lui étaient soumises, l'appréciation du lien de causalité entre la chirurgie réparatrice de l'abdomen survenue des suites de l'explosion dont M. B... avait été victime en 1939, la bride cicatricielle et l'occlusion intestinale aigüe dont il est décédé, nécessitait l'éclairage d'un avis expertal. Or, ainsi que l'ont relevé à raison les premiers juges dans leur jugement attaqué du 12 avril 2023, dans le rapport qu'il a déposé le 14 novembre 2022, rejoignant ainsi l'avis émis le 31 octobre 2013 par la commission consultative médicale, l'expert désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a estimé que la carence des pièces médicales descriptives du type d'occlusion et du geste chirurgical pratiqué chez M. B..., qui au demeurant était hypertendu traité et diabétique, à la suite de sa perforation digestive ne lui permettait pas de désigner de façon directe et certaine son traumatisme abdominal comme étant la cause de l'occlusion sur bride ayant entraîné son décès. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le décès de son époux a été causé par les blessures reçues au titre desquelles il était titulaire d'une pension. Il s'ensuit que Mme D... n'a pas de droit à pension en application des dispositions précitées des articles L. 43 et L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et la ministre des armées n'a pas entaché sa décision contestée d'une erreur d'appréciation à ce titre. Ce moyen doit être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui attribuer une pension en qualité de conjoint survivant de victime civile. Sur les conclusions à fin d'injonction : 12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : En ce qui concerne les dépens : 13. Aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 40 de la même loi " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie. / (...) / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat. " Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / (...) ". 14. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat. 15. Les frais et honoraires de l'expertise confiée au docteur C..., liquidés et taxés à la somme de 800 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2022, doivent être mis à la charge de l'Etat, et non pas à celle, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de Mme D..., dès lors que celle-ci bénéficiait en première instance de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Marseille du 17 septembre 2018. Il y a donc lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure. En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 800 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2022 sont mis à la charge définitive de l'Etat, au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le jugement n° 2003836 du tribunal administratif de Marseille du 12 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... veuve B..., à Me Rihda Mimouna, et au ministre des armées et des anciens combattants. Copie en sera adressée au docteur E... C..., expert de justice. Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024. 2 No 23MA02143 ot
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 24/09/2024, 22BX02271, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le courrier du 30 octobre 2020 par lequel la cheffe du service administratif et technique de la police nationale l'a mis en demeure de reprendre ses fonctions à compter du lendemain de la notification de ce courrier et la décision par laquelle la même autorité a suspendu sa rémunération pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021. Par un jugement n°s 2100239, 2100678 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021, a enjoint à l'Etat de verser à M. D... l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021, assorties des intérêts de retard, et a rejeté le surplus des conclusions de M. D.... Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 août 2022, 22 septembre 2023 et 29 novembre 2023, le préfet de la Martinique, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est approprié les conclusions, représenté par Me Yang-Ting Ho, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a, à ses articles 1er et 2, annulé la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021 et enjoint à l'Etat de de verser à M. D... l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021, assorties des intérêts de retard ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Martinique ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ; 4°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision contestée en s'appuyant sur un rapport d'expertise du 17 février 2022 ; eu égard à l'avis émis par un médecin agréé le 19 juin 2019 et par la commission de réforme, laquelle s'est bien prononcée sur l'accident de service du 5 octobre 2017, M. D... ne pouvait plus bénéficier d'un congé de maladie imputable au service ; - M. D..., qui était apte à reprendre ses fonctions, était tenu de reprendre son poste sous peine de suspension du versement de son traitement, et aucun élément ne permettait à l'administration de regarder cette reprise comme étant contre-indiquée ; - il conviendra à tout le moins d'organiser une expertise médicale pour déterminer à quelle date M. D... a été apte à reprendre ses fonctions ; - le jugement attaqué a été entièrement exécuté. Par des mémoires enregistrés les 30 juin 2023, 30 octobre 2023 et 16 février 2024, M. D..., représenté par Me Keïta Capitolin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés. Une note en délibéré a été produite pour M. D... le 6 septembre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, - les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public, - et les observations de Me Deyris, représentant M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., brigadier-chef de la police nationale, a été affecté à compter du 2 septembre 2008 à la direction départementale de la sécurité publique de Fort-de-France, au sein de la formation motocycliste. Le 5 octobre 2017, il a été renversé par un véhicule. Cet accident, reconnu imputable au service par un arrêté du préfet de la Martinique du 14 août 2018, lui a occasionné des blessures au niveau de l'épaule, du bras, du poignet et du genou gauches. L'intéressé a été placé en congé de maladie imputable au service à compter du 5 octobre 2017. L'administration a décidé, en 2019, de faire procéder à une contre-visite de M. D... par un médecin agréé. Le rapport du 7 juillet 2019 du Dr E..., médecin agréé, a conclu à l'aptitude médicale de M. D... à reprendre ses fonctions sur un emploi sédentaire à temps plein pendant six mois puis sur son poste habituel. Par un avis du 21 novembre 2019, la commission de réforme a confirmé que M. D... était médicalement apte à reprendre ses fonctions. Par un courrier du 20 février 2020, le directeur départemental de la sécurité publique de la Martinique a demandé à M. D... de reprendre son service à compter du 9 mars 2020. Ce dernier n'a pas repris ses fonctions et a adressé à son administration un avis de prolongation d'arrêt de travail établi le 23 juin 2020 couvrant la période du 1er juillet 2020 au 31 mars 2021, puis un nouvel avis de prolongation d'arrêt de travail établi le 24 mars 2021, portant sur la période du 1er avril au 31 décembre 2021. Par un courriel du 9 octobre 2020, le Dr B..., médecin inspecteur régional de la police nationale, a indiqué que M. D... était apte à reprendre ses fonctions. Par un courrier du 30 octobre 2020, la cheffe du service administratif et technique de la police nationale a mis M. D... en demeure de reprendre ses fonctions à compter du lendemain de la réception de ce courrier et l'a informé, qu'à défaut, une suspension de traitement pour service non fait serait mise en œuvre sans délai. L'intéressé n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, la cheffe du service administratif et technique de la police nationale a suspendu sa rémunération à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui s'est approprié les conclusions d'appel présentées par le préfet de la Martinique, relève appel du jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique en ce qu'il a annulé cette décision de suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021 et a enjoint à l'Etat de verser à l'intéressé l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021. 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. ". Aux termes de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 de finances rectificatives pour 1961 : " L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. / Il n'y a pas service fait : / 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services ; ". 3. Aux termes du II l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...). Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019 : "Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être pris en charge au titre de l'accident de service ou de la maladie professionnelle les arrêts de travail et les frais médicaux présentant un lien direct et certain avec la maladie y compris, le cas échéant, s'ils interviennent postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Une liste de médecins agréés généralistes et spécialistes est établie dans chaque département par le préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du Conseil départemental de l'ordre des médecins et du ou des syndicats départementaux des médecins. /Les médecins agréés sont choisis, sur leur demande ou avec leur accord, parmi les praticiens âgés de moins de soixante-treize ans ayant au moins trois ans d'exercice professionnel, dont, pour les généralistes, un an au moins dans le département pour lequel la liste est établie (...) ". Aux termes de l'article 24 de ce décret : " Sous réserve des dispositions de l'article 27 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ". Aux termes de l'article 25 du même décret : " Pour obtenir un congé de maladie ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire adresse à l'administration dont il relève, dans un délai de quarante-huit heures suivant son établissement, un avis d'interruption de travail. Cet avis indique, d'après les prescriptions d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme, la durée probable de l'incapacité de travail (...) L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite./Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'administration, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé ". 5. Il ressort de la chronologie des faits rappelée au point 1 et des pièces du dossier que tant le médecin agréé que la commission de réforme ont constaté l'aptitude de M. D... à reprendre son travail. Si, postérieurement à ces avis, le requérant a produit de nouveaux avis de prolongation de son arrêt de travail, ces certificats médicaux n'apportaient aucun élément nouveau sur l'état de santé de l'intéressé par rapport aux constatations sur la base desquelles ont été rendus ces avis. Dans ces conditions, l'administration n'était pas tenue de diligenter une nouvelle contre-visite avant de mettre en demeure l'agent de reprendre son service et de tirer les conséquences de l'absence de service fait. 6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles 24 et 25 du décret du 14 mars 1986 pour annuler la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021. 7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. D... à l'encontre de cette décision. 8. M. D... soutient qu'il aurait dû être placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service. Toutefois, l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont applicables, s'agissant de la fonction publique d'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Par ailleurs, les droits des agents en matière d'accident de service sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu. En l'espèce, l'accident de service dont a été victime M. D... s'étant produit le 5 octobre 2017, soit avant le 24 février 2019, sa situation est dès lors régie non par les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, ainsi qu'il le soutient, mais par celles de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 précitées. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait dû bénéficier d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. 9. Par ailleurs, M. D... ne produit aucun élément médical de nature à remettre en cause l'appréciation portée tant par le médecin agréé que par la commission de réforme sur son aptitude médicale à une reprise de ses fonctions. En particulier, si le rapport d'expertise médicale établi le 17 février 2022 par le Dr A..., chirurgien et médecin légiste, indique que l'intéressé présente une lésion musculaire de l'épaule gauche en rapport avec l'accident survenu le 5 octobre 2017 qui empêche " l'exécution de quelques gestes particuliers du côté gauche ", ce rapport ne conclut cependant pas à une inaptitude de l'intéressé à une reprise de ses fonctions. 10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021 et a enjoint à l'Etat de de verser à M. D... l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021, assorties des intérêts de retard. 11. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°s 2100239, 2100678 du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique sont annulés. Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Martinique tendant à l'annulation de la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de sa rémunération pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021, ensemble ses conclusions à fin d'injonction, sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... D.... Copie en sera adressée au préfet de la Martinique. Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient : M. Laurent Pouget, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Vincent Bureau, conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve Dupuy Le président, Laurent Pouget Le greffier, Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX02271
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/10/2024, 23MA02947, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 avril 2020 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service, à compter du 8 avril 2019, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2006242 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2023 et 27 juin 2024, M. C..., représenté par Me Ittah, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 octobre 2023 ; 2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 29 avril 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens. Il soutient que : - les éléments médicaux qu'il fournit sont de nature à contredire les avis sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour le placer en disponibilité, en invalidité et à la retraite ; - l'autorité administrative n'a pas respecté le champ d'application des dispositions statutaires en ne lui proposant ni un congé de longue maladie, ni un reclassement, ni une adaptation de poste ; - si le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur l'avis de la commission de réforme interdépartementale du 4 juillet 2019 concluant à son inaptitude totale et définitive, y a siégé un médecin, qui avait rendu, le 16 février 2016, un rapport d'expertise concluant à l'absence d'inaptitude aux fonctions alors que, le 10 juillet 2017, il concluait finalement à une inaptitude totale et définitive à sa fonction statutaire, adoptant ainsi une position contraire à ses premières conclusions de 2016, sans qu'il ne soit justifié de la divergence de ces conclusions ; on peut s'interroger sur son impartialité ; - l'autorité administrative ne prouve pas lui avoir proposé de reclassement ad hoc, voire même d'avoir étudié cette possibilité ; - en agissant au mépris du principe du contradictoire et d'un avis médical contraire, l'autorité administrative a manqué à ses obligations légales et réglementaires. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - à titre principal : . conformément aux dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, la requête est irrecevable, faute pour M. C... de produire une copie de l'arrêté du 29 avril 2020 ; . le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité en ce que la demande de première instance doit être regardée comme irrecevable en raison de sa tardiveté ; - à titre subsidiaire : . le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire dans le cadre de l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 1710135 est inopérant ; . le moyen tiré de l'exception d'illégalité des arrêtés ayant prononcé et maintenu sa disponibilité d'office que M. C... semble invoquer est irrecevable ; . les autres moyens de la requête ne sont pas fondés. Un courrier du 5 juin 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 5 août 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Brigadier-chef en poste à la direction zonale de la police aux frontières (PAF) Sud de Marseille, M. C... a été placé en congé de maladie ordinaire du 12 août 2015 au 6 mars 2016, puis du 8 avril 2016 au 7 avril 2017. Par un courrier du 2 août 2016, il a demandé à être placé en congé de longue maladie. Toutefois, le comité médical interdépartemental a rendu, par deux fois, des avis défavorables les 18 octobre 2016 et le 14 mars 2017, le déclarant également, tout d'abord, inapte à la reprise, puis, par son second avis, inapte de manière absolue et définitive à toute fonction. Par un courrier du 18 avril 2017, M. C... a formé un recours auprès du comité médical supérieur. Parallèlement, la commission de réforme interdépartementale, chargée d'étudier son dossier de mise à la retraite pour invalidité, a reporté son avis dans l'attente de celui du comité médical supérieur, saisi par l'intéressé le 18 avril 2017. Par des arrêtés pris les 9 mai et 3 octobre 2017, M. C... a été placé pour la première fois en disponibilité d'office du 8 avril 2017 au 7 avril 2018, puis prolongé du 8 octobre au 7 avril 2018. Par des arrêtés du 26 septembre 2018, il a été maintenu dans cette position, pour six mois, à compter du 8 avril 2018. Par un avis du 4 juillet 2019, la commission de réforme interdépartementale l'a finalement déclaré inapte définitivement à ses fonctions statutaires et à tout reclassement. Après avoir recueilli l'avis conforme du service des retraites de l'Etat daté du 24 avril 2020, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a, par un arrêté du 29 avril 2020, radié des cadres M. C... et l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 8 avril 2019. M. C... relève appel du jugement du 9 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté du 29 avril 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, dans la première partie de sa requête intitulée " Faits ", M. C... critique les décisions par lesquelles le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a mis en disponibilité d'office et l'a prolongé dans cette position. Il se plaint, en outre, de ce que, dans l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 1710135 dans le cadre de laquelle il a demandé l'annulation de ces décisions, le principe du contradictoire aurait été méconnu par les premiers juges. A la page 9 de cette même requête, l'appelant ajoute que " si l'administration peut décider la mise en disponibilité d'office pour raison de santé, elle doit néanmoins respecter un certain nombre d'obligations afférentes, principalement eu égard le respect du principe du contradictoire et la volonté non-équivoque de reclassement du fonctionnaire ". A supposer que, par ces développements, l'appelant ait entendu soulever des moyens, ceux-ci sont inopérants au regard de l'objet du jugement attaqué et du seul arrêté contesté dans la présente instance. Pour ce motif, ces moyens ne peuvent qu'être écartés. 3. En deuxième lieu, en se bornant à affirmer qu'en agissant au mépris du principe du contradictoire et de l'avis médical contraire, l'administration a manqué à ses obligations légales et réglementaires, M. C... n'assortit pas ce moyen des précisions permettant à la Cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté. 4. En troisième lieu, l'appelant ne peut utilement contester l'impartialité de l'un des médecins qui a siégé lors de la séance de la commission de réforme interdépartementale réunie le 4 juillet 2019 en se bornant à soutenir que ce dernier aurait alors changé d'avis sur son inaptitude totale et définitive par rapport à de précédentes conclusions qu'il avait été amené à livrer. Il suit de là que ce moyen doit être écarté. 5. En quatrième lieu, l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Selon l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ". 6. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été reconnu inapte de façon totale et définitive aux fonctions de policier ainsi qu'à l'exercice de toutes fonctions dans l'administration, par un expert-psychiatre, le docteur B..., qui l'a examiné à deux reprises, les 20 septembre 2016 et 16 février 2017, par le comité médical interdépartemental le 14 mars 2017 ainsi que, par le comité médical supérieur et la commission de réforme, dans leurs avis respectifs des 6 novembre 2018 et 4 juillet 2019. Si M. C... affirme avoir continué à travailler " au sein de divers services publics " et qu'il produit à cet égard une fiche médicale du 3 juin 2019, qui l'a déclaré apte à un emploi d'adjoint administratif au sein des services de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, ni cette fiche, ni les autres documents médicaux dont se prévaut l'appelant pour établir l'amélioration de son état de santé et son aptitude à exercer une activité, ne sont suffisamment circonstanciés pour être de nature à remettre en cause ces avis unanimes. Par suite, et ainsi que l'a relevé à raison le tribunal administratif de Marseille, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud aurait commis une erreur d'appréciation au regard de son état de santé. Ce moyen doit être écarté. 7. En cinquième et dernier lieu, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement. 8. M. C... ayant été reconnu inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration avait manqué à ses obligations en matière d'adaptation du poste de travail et de reclassement doit être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les dépens : 10. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. C... tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " 12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024. 2 No 23MA02947 fm
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 24/09/2024, 22BX02412, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Bayonne à lui verser la somme totale de 119 800 euros au titre des préjudices qu'il a subis en raison de la maladie professionnelle qu'il a contractée le 9 novembre 2012, et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019. Par un jugement n° 2000239 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Pau a condamné la commune de Bayonne à verser à M. A... la somme de 46 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa maladie, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 septembre 2022 et un mémoire enregistré le 6 février 2024, M. A..., représenté par Me Lemiere, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°2000239 du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2022 en tant qu'il a condamné la commune de Bayonne à lui verser une somme limitée à 46 000 euros en réparation de ses préjudices ; 2°) de condamner la commune de Bayonne à lui verser la somme totale de 119 800 euros au titre des préjudices qu'il a subis en raison de la maladie professionnelle qu'il a contractée le 9 novembre 2012, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Bayonne la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur les préjudices patrimoniaux : - il a subi un préjudice économique temporaire du fait de l'arrêt brutal de sa carrière qui doit être évalué à 10 000 euros ; contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, son arrêt brutal de carrière n'a pas été réparé par le versement d'une allocation temporaire d'invalidité ; - il a subi un préjudice économique retentissant relatif à sa mise à la retraite d'office compte tenu de l'impossibilité pure et simple d'exercer une quelconque activité professionnelle qui doit être évalué à 10 000 euros ; contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, ce préjudice n'a pas été réparé par le versement d'une rente viagère d'invalidité ; Sur les préjudices extra-patrimoniaux : - s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, le pourcentage de 25% a été retenu à tort par les premiers juges, il doit être évalué à 31 000 euros (600 euros par mois pendant 52 mois) et non à 6 000 euros comme l'a retenu le tribunal ; - s'agissant du déficit fonctionnel permanent, le taux retenu doit être de 30%, soit une indemnisation à hauteur de 48 800 euros ; - s'agissant du pretium doloris, le taux retenu de 4/7 par le tribunal est juste, toutefois le barème appliqué doit être rehaussé pour atteindre une indemnisation à hauteur de 10 000 euros ; - s'agissant du préjudice d'agrément, il doit être évalué à 10 000 euros et non à 3 000 euros comme l'ont retenu les premiers juges. La requête a été communiquée à la commune de Bayonne qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance. Par ordonnance du 7 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mars 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de M. Ellie, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., agent de la commune de Bayonne, a été victime d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service a été reconnue par la collectivité à compter du 9 novembre 2012. Par courrier du 30 septembre 2019, M. A... a adressé à la commune de Bayonne une demande indemnitaire préalable afin d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait de cette maladie. En l'absence de réponse de la collectivité, M. A... a saisi le tribunal administratif de Pau qui, par le jugement attaqué du 30 juin 2022, a reconnu la responsabilité sans faute de la commune de Bayonne dans la survenance de cette maladie et a condamné cette collectivité au versement d'une somme de 46 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019, date de réception de la demande préalable indemnitaire. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a condamné la commune à un versement limité à cette somme et demande une réévaluation de ses préjudices à hauteur de 119 800 euros. Sur les préjudices : 2. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 3. Il résulte de l'instruction que M. A..., né en 1968, présente depuis 2012, suite à l'utilisation de produits chimiques dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, entre 2003 et 2012, au sein du service de signalisation routière de la commune de Bayonne, une hyperréactivité bronchique reconnue comme maladie professionnelle correspondant aux " Rhinite et asthmes professionnels " listés à l'annexe II - tableau n°66 des tableaux des maladies professionnelles prévus à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale. La date de consolidation de cette maladie professionnelle a été fixée par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Pau, le Professeur B..., à la date non contestée du 18 juin 2018. Par arrêté du 9 mars 2021, le maire de Bayonne a admis M. A... à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2021. 4. Au titre des préjudices patrimoniaux, M. A..., qui demande réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute de la collectivité, soutient qu'il a subi un préjudice économique temporaire du fait de l'arrêt brutal de sa carrière ainsi qu'un préjudice économique retentissant relatif à sa mise à la retraite d'office compte tenu de l'impossibilité pure et simple d'exercer une quelconque activité professionnelle, préjudices qui doivent selon lui être évalués à 10 000 euros chacun. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 2 que M. A... ne peut se prévaloir, sur le terrain de la responsabilité sans faute de la commune de Bayonne, objet du présent litige, que de la réparation des préjudices patrimoniaux qui ne résultent pas des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle liées à son incapacité physique consécutive à sa maladie professionnelle, quand bien même il n'aurait pas été bénéficiaire, dans les faits, d'une allocation temporaire d'invalidité ou d'une rente viagère d'invalidité. Or, M. A... ne fait valoir aucun préjudice patrimonial autre que ceux résultant de ses pertes de revenus ou de son incapacité physique de travailler. Par suite, sa demande relative à la réparation de ses préjudices patrimoniaux doit être rejetée. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : 5. Il résulte de l'instruction que, pour évaluer le déficit fonctionnel temporaire de M. A..., l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Pau a scindé en deux la période précédant la date de la consolidation de sa maladie professionnelle en prenant en compte l'amélioration notable de son état de santé à compter du 16 mars 2017, date de sa mise sous traitement permanent par Xolair. L'expert a ainsi évalué le déficit fonctionnel temporaire subi par M. A... à 25% au titre de la période du 9 novembre 2012 au 15 mars 2017, puis à 10% au titre de la période du 16 mars 2017 au 18 juin 2018. Comme l'ont retenu les premiers juges, durant ces périodes, les conditions d'existence de M. A... ont été sensiblement dégradées du fait de ses crises d'asthmes, des différents traitements et de son obligation d'éviter tout effort. Il ne résulte toutefois d'aucun élément de l'instruction, contrairement à ce que soutient le requérant, qui n'apporte au demeurant aucun élément nouveau en appel sur ce point, que ce poste de préjudice n'ait pas fait l'objet d'une juste évaluation par les premiers juges qui ont fixé le montant de son indemnisation à 6 000 euros. S'agissant des préjudices permanents : Quant au déficit fonctionnel permanent : 6. Il résulte de l'instruction que, pour évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent de M. A... à 20%, l'expert désigné s'est référé à deux indicateurs : le barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité de droit commun du concours médical et le barème du code des pensions civiles et militaires de retraite tel qu'issu du décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction résultant de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964. Il résulte de ce rapport d'expertise, que M. A... souffre d'un asthme modéré contrôlé nécessitant un traitement de fond associant cinq médicaments dont l'un responsable d'effets secondaires indésirables. Si le requérant soutient que le taux retenu doit être majoré compte tenu du fait que sa maladie nécessite un traitement continu avec une dépendance thérapeutique en corticoïdes ou des hospitalisations répétées, il résulte de l'instruction que l'expert a pris en compte l'ensemble de ces éléments et notamment la nécessité pour M. A... de suivre un traitement en continu. Par ailleurs, il résulte des éléments produits en appel et notamment des deux certificats médicaux datés des 9 et 15 mars 2023, consécutifs à un épisode d'aggravation de la maladie ayant nécessité une hospitalisation, que la maladie dont souffre M. A... peut connaitre des épisodes d'aggravation notable. Il peut ainsi être fait une juste évaluation du préjudice en le fixant à la somme, supérieure à celle retenue par les premiers juges, de 40 000 euros. Quant aux souffrances physiques et morales : 7. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. A... ont été évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 7. Par suite, et alors que le requérant n'apporte aucun élément supplémentaire sur ce point en appel, c'est en faisant une juste appréciation que les premiers juges ont fixé la réparation de ce préjudice à la somme de 7 000 euros. Quant au préjudice d'agrément : 8. Il résulte de l'instruction que M. A... ne peut plus pratiquer le sport ni les activités de bricolage et de jardinage auxquels il s'adonnait avant la survenance de sa maladie. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, évalué à 3 000 euros par les premiers juges, en fixant sa réparation à la somme de 4 000 euros. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a condamné la commune de Bayonne à lui verser une somme limitée à 30 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent et à 3 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément et à demander que l'indemnisation de ces chefs de préjudice soient respectivement portée à 40 000 euros et 4 000 euros. Ainsi, il est fondé à demander que la somme que la commune de Bayonne a été condamnée à lui verser en réparation de son préjudice total soit portée à 57 000 euros. Sur les frais liés au litige : 10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". 11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bayonne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'indemnité que la commune de Bayonne a été condamnée à verser à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2022 est portée à 57 000 euros. Article 2 : Le jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : La commune de Bayonne versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la commune de Bayonne et à M. C... B..., expert. Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Nicolas Normand, président assesseur, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024. La rapporteure, Héloïse E... La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX02412
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 30/09/2024, 22VE01764, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 19 février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité, pour des séquelles de blessures au cuir chevelu par plombs, de fixer son taux d'invalidité estimé sur la base du guide-barème des invalidités à hauteur de 35% et de le renvoyer vers la sous-direction des pensions du ministère des armées pour la liquidation de ses droits, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder l'ouverture de ses droits au titre de la pension d'invalidité au taux de 35%, avec effet à compter du 13 janvier 2017, sous astreinte d'un montant de 1 000 euros par jour de retard, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder l'aggravation de sa pension au titre de troubles visuels à type rétrécissement du champ visuel, indépendamment de l'infirmité résultant des blessures reçues, et de fixer le taux d'invalidité à hauteur de 5%, de dire que la valeur du point de pension sera fixée à 15,05 euros conformément aux conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, en fonction de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique d'Etat tel qu'il a été défini par le ministre chargé de la fonction publique au 1er janvier 2022 et publié par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 000 euros au titre du préjudice résultant de l'absence fautive de reconnaissance du lien d'imputabilité au service de l'infirmité subie en 1979 à l'occasion du service, de condamner l'Etat à lui verser, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, la somme de 15 000 euros assortie des intérêts au taux légal, le tout au titre des souffrances physiques endurées, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément résultant des blessures subies en 1979 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 1904406 du 24 mai 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 juillet 2022, le 25 janvier 2023, le 23 mai 2024 et le 24 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Rochefort, avocate, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 19 février 2018 ; 3°) à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de lui accorder une pension militaire d'invalidité ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la même autorité de procéder à une nouvelle instruction de sa demande, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; 4°) et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à Me Rochefort sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu'il aurait dû bénéficier d'une présomption d'imputabilité au service ; - le jugement et la décision attaqués sont entachés d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'agression par arme à feu qu'il a subie, alors qu'il était soldat en tenue militaire, l'a été dans le cadre du service, avec les moyens du service, et du fait du service ; - cet accident a eu lieu sur son itinéraire normal entre son domicile et la caserne et il ne peut être regardé comme ayant quitté cet itinéraire ; - aucune faute ne peut lui être reprochée. Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2023 et le 19 juillet 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés. Un mémoire, présenté par le ministre des armées, enregistré le 22 août 2024, n'a pas été communiqué. Un courrier a été adressé le 4 juillet 2024 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par les derniers alinéas des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative. Un avis d'audience a été adressé le 22 août 2024 aux parties portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 25 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Aventino, - les conclusions de M. Frémont, rapporteur public, - et les observations de Me Rochefort pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., engagé volontaire, affecté au 21ème régiment d'infanterie de marine à la caserne de Laon-Sissonne dans l'Aisne entre le 5 juin 1979 et le 29 mars 1980, a sollicité le 19 avril 2017 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour une infirmité liée à des séquelles de blessures d'un accident survenu en novembre 1979. La ministre des armées a, par une décision du 19 février 2018, rejeté sa demande au motif que son infirmité n'était pas imputable au service. M. A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif d'Orléans a expressément répondu aux moyens contenus dans les écritures produites par le requérant. En particulier, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de ce que les faits dont il a été victime au cours d'un accident de trajet sont présumés imputables au service. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer ne peut qu'être écarté. 3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur la légalité de la décision du 19 février 2018 : 4. Aux termes des dispositions applicables de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes des dispositions applicables de l'article L. 121-2 de ce code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 5. Il résulte de ces dispositions que, si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 6. En outre, est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un militaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et le lieu où il a été autorisé à se rendre en permission et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. 7. A supposer même, ainsi que M. A... le soutient, qu'il ait été victime, fin novembre 1979, d'un tir de plusieurs plombs de chasse dans le cuir chevelu alors qu'il se rendait, vêtu de son uniforme, à l'issue d'une permission, à la caserne où il était affecté, il ressort des énonciations concordantes de l'intéressé que cet accident a eu lieu alors qu'il se rendait à pied de la gare d'Austerlitz au domicile d'un ami, pendant le délai d'attente de sa correspondance entre les deux trains le conduisant de son domicile à sa caserne d'affectation. Dès lors, compte tenu du lieu de survenance de l'accident et du mobile du détour qu'il aurait ainsi effectué, lequel ne saurait en l'espèce se rattacher à une nécessité de la vie courante, cet accident ne peut, en tout état de cause, être regardé comme s'étant produit à l'occasion du service. La ministre des armées n'a donc entaché sa décision ni d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées, ni commis d'erreur d'appréciation en refusant à M. A... l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité consécutive à l'accident prétendu. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 février 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient : M. Even, président de chambre, Mme Mornet, présidente assesseure, Mme Aventino, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024. La rapporteure, B. AventinoLe président, B. Even La greffière, I. Szymanski La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 22VE01764
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de PARIS, 6ème chambre, 09/07/2024, 22PA04190, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler : 1°) la décision du 21 octobre 2021 par laquelle l'adjoint au directeur de l'Institution nationale des Invalides (INI) a, d'une part, refusé son intégration au sein de cette institution et, d'autre part, prolongé son détachement du 1er juillet 2021 au 31 janvier 2022 ; 2°) la décision du 25 novembre 2021 par laquelle l'adjoint au directeur de l'INI a refusé de renouveler son détachement au-delà du 1er février 2022. Par un jugement n° 2127785/5-2 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 septembre et le 13 octobre 2022, Mme E..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2022 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions de l'adjoint au directeur de l'INI du 21 octobre 2021 et du 25 novembre 2021, mentionnées ci-dessus ; 3°) d'enjoindre à l'INI et au ministre des armées de prononcer son intégration dans le corps des infirmiers civils en soins généraux et spécialisés du ministère de la défense dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il n'est pas établi que le jugement attaqué comporte les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - ce jugement ne s'est pas prononcé sur la légalité de la décision du 21 octobre 2021 en tant qu'elle prolonge son détachement, et en particulier sur le moyen tiré de sa rétroactivité illégale ; - il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ; - il a à tort analysé les décisions en litige comme un refus de renouveler son détachement, alors qu'elles ont refusé son intégration ; - la décision du 2 juin 2021 avait prononcé son intégration dans le corps des infirmiers civils en soins généraux et spécialisés du ministère de la défense, et ne pouvait légalement être retirée par la décision contestée du 21 octobre 2021 ; - le tribunal administratif aurait dû, pour se prononcer sur ce moyen, sauf à méconnaitre son office, solliciter la production des échanges intervenus entre l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et l'INI au sujet de son détachement et de son intégration ; - les dispositions de la loi du 5 août 2021, notamment celles de son article 14, n'autorisaient l'INI qu'à la suspendre de ses fonctions ; - les décisions du 21 octobre et du 25 novembre 2021, refusant son intégration, puis le renouvellement de son détachement, ne pouvaient se fonder sur l'absence de production d'un justificatif de vaccination à une période à laquelle elle se trouvait placée en congé de maladie ; - elles sont entachées de détournement de pouvoir ; - la décision du 21 octobre 2021 est entachée de rétroactivité illégale en ce qu'elle prolonge son détachement à partir du 1er juillet 2021. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2023, l'Institution nationale des Invalides (INI), représentée par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Un mémoire a été présenté pour l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris le 13 juin 2024. Par un mémoire en réplique, enregistré le 13 juin 2024, Mme E... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 83-631 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; - le décret n°2014-847 du 28 juillet 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique - et les observations de Me Arvis, pour Mme E..., de Me Delvolvé pour l'Institution nationale des Invalides (INI) et de Me Rajbenbach pour l'AP-HP. Considérant ce qui suit : 1. Mme E..., infirmière titulaire de la fonction publique hospitalière en poste à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), a été détachée à compter du 1er juillet 2020 dans le corps des infirmiers civils en soins généraux et spécialisés du ministère de la défense au sein de l'Institution nationale des Invalides (INI). Le 2 juin 2021, cette institution s'est prononcée en faveur de son intégration. Toutefois, faute pour Mme E... d'apporter la preuve du respect de son obligation vaccinale, l'INI a, par une décision du 21 octobre 2021, refusé de l'intégrer et prolongé son détachement du 1er juillet 2021 au 31 janvier 2022. Par une seconde décision, en date du 25 novembre 2021, l'INI a refusé de renouveler son détachement au-delà du 1er février 2022. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ces décisions. Par un jugement du 13 juillet 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Mme E... fait appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière. Ainsi, le moyen tiré de l'absence des signatures requises manque en fait. 3. En deuxième lieu, le bienfondé du jugement du tribunal administratif est sans incidence sur sa régularité. Les moyens selon lesquels ce jugement serait entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, doivent donc être écartés comme inopérants. 4. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision prise par l'adjoint au directeur de l'INI le 25 novembre 2021 que l'INI a refusé de renouveler le détachement de Mme E... au-delà du 1er février 2022. Les premiers juges ne se sont donc, contrairement à ce que soutient Mme E..., pas mépris sur l'objet de cette décision. 5. En quatrième lieu, il ressort de la demande introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif par Mme E..., qu'elle a contesté la décision du 21 octobre 2021 en tant qu'elle avait prolongé son détachement du 1er juillet 2021 au 31 janvier 2022, en soutenant notamment que cette décision était entachée de rétroactivité illégale. Les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ce moyen qui n'était pas inopérant, et ne l'ont pas visé dans leur jugement. Leur jugement doit donc être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme E... tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2021. 6. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme E... tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2021, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2021. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2021 : 7. En premier lieu, par une décision du 1er février 2020, M. B... D..., directeur de l'Institution nationale des Invalides, a donné délégation à M. F... A..., son adjoint, pour signer l'ensemble des actes relevant de sa compétence, au nombre desquels figure la gestion des personnels, conformément aux dispositions de l'article L. 622-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait. 8. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes du courrier adressé le 2 juin 2021 par l'INI à la direction des ressources humaines de l'Hôpital Georges Pompidou, auprès duquel Mme E... était affectée avant son détachement, que l'INI s'est borné à émettre " un avis favorable " à son intégration et à solliciter l'agrément de l'AP-HP, sans décider de l'intégrer. Mme E... n'est donc pas fondée à faire état de ce courrier pour soutenir qu'elle aurait été intégrée dans le corps des infirmiers civils du ministère de la défense dès le 2 juin 2021, et que, par sa décision du 21 octobre 2021, l'INI aurait illégalement retiré une décision créatrice de droit. 9. En troisième lieu, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. / (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. (...) / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont (...) agents publics. (...) / (...) V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. (...) ". 10. Il n'est pas contesté qu'à la date de la décision contestée, Mme E... n'avait pas fourni le certificat de vaccination ou de rétablissement prévu à l'article 13 de la loi du 5 août 2021, cité ci-dessus, ni justifié en quoi son état de santé empêchait le respect de ses obligations légales. Dans ces conditions, compte des missions de Mme E..., et même si elle était alors placée en congé de maladie, l'INI a pu, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation, décider dans l'intérêt du service de refuser son intégration. 11. En quatrième lieu, Mme E... qui n'a fait l'objet d'aucune mesure de suspension, ne saurait invoquer utilement les dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 relatives à la possibilité de prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19. 12. En cinquième lieu, cette rétroactivité étant nécessaire à la régularisation de la situation de Mme E... dont le détachement avait été décidé pour une durée d'une année à compter du 1er juillet 2020, l'INI pouvait légalement donner effet à compter du 1er juillet 2021 à la décision par laquelle il a, le 21 octobre 2021, prolongé ce détachement. Le moyen tiré d'une violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs doit donc être écarté. 13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des échanges intervenus entre l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et l'INI au sujet de son détachement et de son intégration, que les conclusions de Mme E... tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2021 doivent être rejetées. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2021 : 14. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 et 10 ci-dessus, l'INI a pu, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation, décider dans l'intérêt du service de refuser de prolonger le détachement de Mme E... au-delà du 1er février 2022. 15. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2021. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'INI qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'INI sur le fondement de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2127785/5-2 du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme E... tendant à l'annulation de la décision de l'adjoint au directeur de l'INI du 21 octobre 2021. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... et ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Paris contre la décision de l'adjoint au directeur de l'INI du 21 octobre 2021, sont rejetés. Article 3 : Les conclusions de l'INI présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au ministre des armées, à l'Institution nationale des Invalides et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris. Délibéré après l'audience du 24 juin 2024, à laquelle siégeaient : Mme Bonifacj, présidente de chambre, M. Niollet, président-assesseur, M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22PA04190
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 03/10/2024, 22VE00948, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans : - à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé à l'encontre de la décision du 26 juillet 2018 prise par cette même autorité le plaçant en congé de longue durée pour maladie du 10 juillet 2018 au 9 janvier 2019 inclus, en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son affection, ainsi que la décision du 12 mai 2020, par laquelle la ministre des armées a refusé de lui attribuer une pension militaire d'invalidité ; - d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître le lien au service de son affection et de le rétablir dans l'ensemble de ses droits, dans un délai d'un mois et sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard ; - à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral, matériel et corporel subi du fait de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection et du défaut d'attribution de la pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1901407 du 22 février 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 avril 2022 et 31 janvier 2023, M. A... D..., représenté par Me Maumont, avocate, doit être regardé comme demandant à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 4 juin 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de son affection et de le placer en congé de longue maladie en lien avec le service, avec toute conséquence de droits et intérêts, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation et est insuffisamment motivé ; - l'imputabilité au service de sa maladie est établie ; l'infarctus à l'origine de son état anxio-dépressif a en effet pour origine une anxiété liée à une succession d'évènements survenus avant 2012, tels des mauvais traitements et une mutation pour cause de restructuration en 2009 ; le compte-rendu d'expertise du Dr B... du 28 octobre 2019 indique que l'accident cardiovasculaire dont il a été victime en juillet 2013 est dû au service, de même que le certificat du Dr C..., et il est patent qu'à compter de sa mission à Djibouti, il a dû prendre des anxiolytiques dont la prescription s'est prolongée sur plusieurs années. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Florent, - et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... D..., militaire sous contrat au sein de l'armée de l'air, entré en service le 3 mars 1998, relève appel du jugement du 22 février 2022 en tant que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre et pour lequel il bénéficie d'un congé de longue durée depuis le 10 juillet 2018. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. D'une part, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de citer précisément l'ensemble des pièces du dossier ayant servi à forger sa conviction, a suffisamment précisé, aux points 4 à 6 de sa décision, les motifs pour lesquels il a considéré que l'état anxio-dépressif de M. D... ne pouvait être regardé comme présentant un lien direct avec ses fonctions ou ses conditions de travail. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté. 3. D'autre part, si le requérant soutient que les juges de première instance ont commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et ne peuvent qu'en affecter le bien-fondé. Ils doivent, par suite, être écartés. Sur la légalité de la décision attaquée : 4. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. (...) ". Aux termes de l'article R. 4138-47 de ce code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service. ". 5. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. M. D... fait valoir qu'il a connu des difficultés professionnelles au cours de sa carrière, en particulier des mauvais traitements de la part de son supérieur hiérarchique durant sa période d'affectation à Djibouti entre 2011 et 2013, ayant généré chez lui un syndrome anxio-dépressif, qui a lui-même causé l'infarctus du myocarde dont il a été victime le 7 juillet 2013, à l'âge de trente-quatre ans, et que les importantes séquelles de cet accident cardiaque, venues s'ajouter à de nouvelles difficultés professionnelles, ont encore accentué son affection psychologique, laquelle doit en conséquence être regardée comme imputable au service. 7. Au soutien de ses allégations, M. D... produit son dossier de suivi médical professionnel, lequel fait état, le 11 mars 2012, d'une anxiété réactionnelle et de troubles du sommeil en raison de difficultés avec son supérieur hiérarchique (" mauvais traitements ", " sarcasmes "), une attestation de collègue datée du 30 octobre 2020 indiquant que M. D... avait fait part de son mal-être et de ses rapports conflictuels avec sa hiérarchie à la suite de son affectation à Djibouti avant d'être orienté vers le service médical de la base aérienne, un certificat médical du médecin du personnel naviguant en date du 14 août 2013 indiquant comme facteurs de risques de l'intéressé essentiellement un tabagisme en cours de sevrage et une anxiété, une expertise médicale du 28 octobre 2019 mentionnant une " nécrose localisée sur coronaires saines " et estimant possible de relier cet accident cardiaque au fait de service et enfin, une attestation de collègue datée du 2 novembre 2020 indiquant que M. D... a connu des difficultés croissantes pour poursuivre sa carrière comme agent d'opération, l'intéressé s'étant vu refuser l'accès au corps des sous-officiers par le recrutement " passerelle tardive " en raison de son inaptitude médicale avant que l'administration décide de ne pas renouveler son contrat et refuse la prise en charge financière de sa reconversion. 8. Toutefois, il ne ressort pas des pièces produites, notamment pas du recueil médical établi par le médecin militaire en fonction à Djibouti à l'époque des faits, ni du certificat médical daté du 28 mars 2022 de son psychothérapeute, lequel se borne à faire état, sans constatation personnelle, d'allégations du requérant sur des faits de service remontant à une dizaine d'années, que les troubles anxieux constatés en mars 2012 ayant conduit à la prescription d'anxiolytiques durant dix jours se seraient poursuivis jusqu'à une époque contemporaine à celle de la survenance de l'infarctus, alors au demeurant que cet accident cardiaque s'est produit au cours d'une permission. Les pièces médicales du 14 août 2013 et 28 octobre 2019 sont par ailleurs insuffisamment circonstanciées pour établir que l'accident cardiaque du requérant présente un lien direct avec un trouble anxieux lui-même imputable au service. En outre, ce dernier certificat relève que l'infarctus subi par le requérant courant juillet 2013 a provoqué au plan psychologique chez l'intéressé un retentissement majeur sur sa vie personnelle, familiale et professionnelle et les ordonnances produites prescrivant des anxiolytiques puis des antidépresseurs à M. D... sont toutes postérieures à l'accident cardiaque. Enfin, le requérant ne produit aucun élément, hormis l'attestation du 2 novembre 2020, permettant d'établir les difficultés professionnelles alléguées postérieurement à son accident cardiaque, le requérant ayant repris ses fonctions durant près de quatre ans avant d'être placé en congé de maladie pour syndrome anxio-dépressif. 9. Dans ces circonstances, l'état anxio-dépressif qui a fondé la mise en congé de longue durée de M. D... ne peut être regardé comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail. 10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 juin 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... D... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente, M. Camenen, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024. La rapporteure, J. FLORENTLa présidente, C. SIGNERIN-ICRE La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 22VE00948
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/10/2024, 23NT01652, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 mai 2021 par laquelle la ministre des armées l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne et qu'elle prend insuffisamment en compte ses services hors d'Europe. Par un jugement n°2103465 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2023, le 24 août 2024 et le 6 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Michel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 12 mai 2021 en tant qu'elle fixe sa date de départ à la retraite et de majoration pour tierce personne au 14 avril 2020 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de sa pension de retraite prenne effet au 14 janvier 2018 ou au 14 janvier 2019 au plus tard et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres, lorsque cette rétroactivité est justifiée par la nécessité de placer l'agent dans une situation administrative régulière ou par la nécessité de remédier à une irrégularité : * or, son placement en congé de longue maladie est entaché d'illégalité, dès lors qu'il n'est pas intervenu à sa demande ; * la procédure ayant conduit à son placement en congé de longue maladie n'a pas été respectée, faute pour l'administration d'avoir consulté au préalable le comité médical et d'avoir été expertisé par un médecin agréé ; * il ne pouvait être placé en congé de longue maladie dès lors qu'il n'était pas susceptible de reprendre ses fonctions ; - son placement tardif à la retraite pour invalidité est illégal, en l'absence de toute initiative de la part de son employeur, il a été contraint d'attendre le mois de septembre 2019 pour solliciter lui-même sa mise à la retraite pour invalidité ; - les services médicaux militaires ont constaté son inaptitude définitive dès le mois de mars 2018 ; - à supposer que sa pathologie ne puisse être regardée comme stabilisée à cette date, sa mise à la retraite aurait dû intervenir à l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de sa mise en congé de maladie ordinaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir à titre principal que la cour n'est pas compétente pour statuer sur le litige qui lui est soumis, en vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - l'arrêté du 14 mars 1986 modifié, relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ingénieur civil divisionnaire de la défense, a contracté, au début de l'année 2018, une maladie non imputable au service. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 et maintenu dans cette position jusqu'au 13 avril 2020. Il a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 14 avril 2020 par un arrêté de pension du 31 mai 2021, révisé le 2 août 2021 afin de modifier la bonification pour services civils effectués hors d'Europe, le 4 octobre 2021 pour prendre en compte de la majoration pour assistance d'une tierce personne, puis le 11 octobre 2021 pour une nouvelle modification de la bonification pour services civil effectués hors d'Europe. M. A... a demandé l'annulation de son arrêté de pension, en tant qu'il fixe son admission à la retraite au 14 avril 2020, en tant qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des bonifications pour services civils hors d'Europe et qu'il fixe au 14 avril 2020 la date d'attribution de la majoration pour assistance d'une tierce personne. Par un jugement du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. A... demande l'annulation de ce jugement ainsi que l'annulation de la décision du 12 mai 2021 de la ministre des armées, en tant qu'elle fixe sa date de départ à la retraite et de majoration pour tierce personne au 14 avril 2020. Sur l'exception d'incompétence de la cour opposée par l'Etat : 2. Le présent litige ne porte pas sur une contestation du bulletin de pension de M. A... mais sur la décision de l'administration d'admettre ce dernier à la retraite. Le contentieux porté devant la cour ne vise pas à contester les modalités de liquidation de la pension de M. A..., mais tend à contester la date d'effet de la décision procédant à la radiation des cadres de l'intéressé. Par suite, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que la cour n'est pas compétente pour statuer sur le litige qui lui est soumis, en vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la date d'effet de la décision procédant à la radiation des cadres de M. A... : 3. D'une part, aux termes de l'article R.36 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité. ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 28 du décret du 14 mars 1986 susvisé, dans sa version applicable à l'espèce : " Pour l'application des dispositions de l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, le ministre chargé de la santé détermine par arrêté, après avis du comité médical supérieur, une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux caractères définis à l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. Sur cette liste doivent figurer les affections qui peuvent ouvrir droit au congé de longue durée prévu ci-après. Toutefois, le bénéfice d'un congé de longue maladie demandé pour une affection qui n'est pas inscrite sur la liste prévue à l'alinéa précédent peut être accordé après l'avis du comité médical compétent. ". 5. En l'espèce, il ressort des mentions de l'arrêté du 14 mars 1986 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale que le Syndrome de Guillain Barré dont souffre M. A... n'est pas inscrit sur la liste indicative des maladies qui peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. M. A... a été placé en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 et maintenu dans cette position jusqu'au 13 avril 2020. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment d'un courriel du 2 novembre 2022 du secrétariat du comité médical du Finistère adressé à M. A..., que, contrairement à ce que soutient le ministre qui ne produit pas le procès-verbal de l'avis du comité médical du Finistère dont il se prévaut, que ce même comité n'a pas, lors de sa séance du 26 avril 2018, émis d'avis concernant le bénéfice d'un congé de longue maladie pouvant être octroyé au requérant et que l'admission à congé de longue maladie à compter du 14 janvier 2018 pour une période de six mois, prolongée de trois mois, n'a pas fait l'objet d'une saisine du comité médical du Finistère. La circonstance que le comité médical départemental du Finistère a ensuite été saisi régulièrement pour le renouvellement du congé de longue maladie de l'intéressé, à compter du 14 octobre 2018, est sans incidence sur l'illégalité du placement initial de M. A... en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018. L'avis du comité médical contribuant à la garantie que la décision prise le sera de façon éclairée, quand bien même cet avis n'est que consultatif, le placement de M. A... en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 est illégal et c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'était pas possible de placer M. A... à la retraite à une date antérieure à sa radiation des cadres, compte tenu de cette illégalité. Le requérant est donc fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes. 6. Il résulte de ce qui précède que le placement à la retraite de M. A..., antérieurement à sa radiation des cadres, est nécessaire pour redresser l'illégalité résultant de son placement irrégulier en congé de longue maladie. Par suite, la décision ministérielle du 12 mai 2021 par laquelle la ministre des armées a admis M. A... à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite, doit être annulée. Il résulte de l'instruction que M. A... a été placé, pour le motif exposé au point précédent, dans une situation administrative irrégulière dès le 15 janvier 2018. Il est donc fondé à demander son admission à la retraite rétroactive à compter du 15 janvier 2018 pour remédier à cette situation. En ce qui concerne la majoration pour tierce personne : 7. Aux termes de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne prévue à l'article L. 30 bis est accordée sur sa demande et quelle que soit la date à laquelle la pension lui a été concédée, à tout titulaire d'une pension civile d'invalidité qui justifie remplir les conditions fixées audit article. (...) ". 8. Il résulte de l'instruction que M. A... a présenté une demande de majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne le 20 décembre 2019. Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à demander son admission à la retraite rétroactive à compter du 15 janvier 2018, et qu'à la date de sa demande de majoration, il pouvait bénéficier d'une pension de retraite, en fixant comme date d'attribution de la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne, le 14 avril 2020, date à laquelle la pension de retraite pour invalidité lui a été accordée, le ministre a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite. En outre, M. A... remplissait au 15 janvier 2018 la condition de handicap rendant nécessaire l'assistance d'une tierce personne. C'est donc à tort que le tribunal a estimé que l'administration ne pouvait légalement faire droit à la demande de majoration formulée par M. A..., dès lors qu'à la date de sa demande, il n'était pas titulaire d'une pension de retraite. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes, ainsi que de la décision du 12 mai 2021 par laquelle le ministre des armées l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de la pension de retraite de M. A... prenne effet au 15 janvier 2018 et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il convient également d'enjoindre au ministre des armées d'attribuer à M. A... la majoration pour tierce personne à cette même date du 15 janvier 2018, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La décision du 12 mai 2021 par laquelle le ministre des armées a admis M. A... à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, est annulée en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne. Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de la pension de retraite de M. A... prenne effet au 15 janvier 2018 et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il est également enjoint au ministre des armées d'attribuer à M. A... la majoration pour tierce personne avec effet à cette même date du 15 janvier 2018, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024. Le rapporteur, F. PONS Le Président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01652
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/10/2024, 23MA02257, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Marseille, d'annuler la décision du 1er juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour infirmités nouvelles " syndrome anxiodépressif " et " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne ". Par un jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille, d'une part, a annulé la décision du 1er juin 2018, d'autre part, a fixé le taux d'invalidité de l'infirmité " syndrome anxiodépressif persistant " à 30 % dont 10 % imputable au service, et, enfin, a attribué une pension militaire d'invalidité à M. B... au taux de 30 %, au titre de l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", à compter du 22 avril 2016. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er septembre 2023 et 30 mai 2024, le ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a statué sur l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", et de rejeter la demande de M. B... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une insuffisante motivation, dès lors que le tribunal n'a pas précisé les causes de l'atteinte vasculaire et artérielle de M. B... ni distingué entre les parts imputables et les parts non imputables ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ; - M. B... présentait quatre facteurs de risques d'athérosclérose, de sorte que le stress ne peut être retenu comme facteur essentiel à l'origine de la pathologie ; - il n'existe aucun lien direct et certain entre un ou des faits précis de service et l'origine de l'infirmité invoquée ; la référence à un surmenage et au stress professionnel très important s'accompagnant d'élévation tensionnelle ne saurait suffire à apporter la preuve de l'imputabilité au service. Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 décembre 2023 et 7 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Dakessian, conclut à titre principal au rejet de la requête et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ou, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée avant dire droit une expertise médicale, et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés. Un courrier du 15 avril 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 24 juin 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, produit par le ministre des armées le 24 juin 2024 après notification de l'ordonnance de clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Le 8 juillet 2024, le ministre des armées a produit une copie intégrale du compte rendu de coronographie du 25 mars 2016, en réponse à une mesure d'instruction qui lui a été adressée par la Cour, le 5 juillet 2024, par application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Dakessian, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 22 juillet 1970, a exercé les fonctions de médecin des armées jusqu'au 31 août 2016, date à laquelle il a été rayé des contrôles de l'armée. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %, concédée par arrêté du 25 février 2013 pour l'infirmité " cervicalgies, dysesthésie des 3 doigts de la main droite, flexion légèrement limitée, extension normale ", il a sollicité, par une demande enregistrée le 22 avril 2016, la révision de sa pension pour deux infirmités nouvelles " syndrome dépressif réactionnel et épuisement professionnel " et " coronaropathie sévère de stress - angor. Occlusion artérielle sur poussée tensionnelle ". Par une décision du 1er juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par la présente requête, le ministre des armées relève appel du jugement du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il s'est prononcé sur l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", en attribuant à ce titre une pension au taux de 30 % au bénéfice de M. B... à compter du 22 avril 2016. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction en vigueur au jour de la demande de pension de M. B... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 4 du même code dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". 3. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'article L. 3 du même code, alors en vigueur, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 4. En outre, lorsque, comme en l'espèce, le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il lui incombe d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques. A cet égard, ne sauraient, en tant que tels, hors opération militaire, constituer un fait précis ou des circonstances particulières de service, le stress ou le surmenage auxquels le militaire est soumis dans le cadre de l'exercice normal de ses missions. 5. Pour reconnaître à M. B... le droit à une pension militaire d'invalidité, au taux de 30 %, au titre de l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", le tribunal administratif de Marseille, suivant en cela les conclusions de l'expertise médicale du 20 septembre 2017, s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé, sans facteur de risque marqué, présentait en revanche un surmenage et un stress professionnel très important s'accompagnant d'élévation tensionnelle responsable " en grande partie " de l'atteinte vasculaire coronarienne et artérielle. Toutefois, selon les termes mêmes de cette expertise, tels qu'ils viennent d'être retranscrits, l'infirmité dont il s'agit ne peut être regardée comme totalement imputable à l'exercice par M. B... de son activité de chirurgien au sein des armées, de sorte qu'elle ne résulte pas d'une maladie dont le degré d'invalidité qu'elle entraîne atteint ou dépasse 30 %. En outre, il résulte de l'instruction que des facteurs de risques d'athérosclérose ont été identifiés le 25 août 2017 par le médecin en chef du service de santé des armées de l'hôpital d'instruction des Armées Sainte-Anne de Toulon. S'il est certes exact que ce médecin a réévalué sa position le 26 octobre 2023 en excluant toute hérédité coronarienne, d'autres facteurs de risque sont objectivés dans le dossier médical de M. B..., notamment dans le compte rendu de la coronographie réalisée le 25 mars 2016 à la polyclinique " Les Fleurs ", telles qu'une dyslipidémie modérée, une certaine labilité tensionnelle, ainsi qu'un tabagisme sevré et une hypercholestérolémie. Enfin, si l'ensemble des pièces du dossier médical indiquent que M. B... a ressenti de vives douleurs de la fesse au cours d'une intervention chirurgicale qu'il a pratiquée le 24 juin 2015 dans des conditions difficiles, du fait de tensions avec un infirmier, il ne résulte d'aucune des expertises et avis médicaux produits au dossier que l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne ", au titre de laquelle il a bénéficié de la mise en place d'endoprothèses de l'iliaque primitive gauche et de cinq stents actifs le 25 mars 2016, trouverait son origine dans ce seul évènement, ni, en tout état de cause, que cette intervention, ou, d'une manière plus générale, ses fonctions de chirurgien au sein de l'hôpital d'instruction des Armées Sainte-Anne de Toulon, auraient été réalisées dans des circonstances particulières de service justifiant qu'il soit fait droit à sa demande de révision de sa pension. 6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale ni de statuer sur la régularité du jugement contesté, que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 1er juin 2018 et jugé que l'intimé avait droit à une pension au taux d'invalidité de 30%. Par suite, le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé, et la demande de M. B... tendant à la révision de sa pension d'invalidité pour l'infirmité nouvelle " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne " rejetée, de même que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il annule la décision du 1er juin 2018 de la ministre des armées en tant qu'elle rejette la demande de révision de la pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne ". Article 2 : L'article 3 du jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 3 : La demande de révision de pension d'invalidité présentée par M. B... pour l'infirmité nouvelle " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne " est rejetée. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 1er octobre 2024. N° 23MA02257 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 16/10/2024, 23DA01615, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Cuincy a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service et la décision du 6 août 2020 par laquelle la même autorité lui a refusé l'octroi à titre provisoire d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service, et d'enjoindre à la commune de Cuincy de procéder à la régularisation de sa situation, notamment financière. Par un jugement n° 2006144 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2023 et le 15 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Piret, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 et la décision du 6 août 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Cuincy de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service ou, à défaut, de saisir le comité médical afin qu'il se prononce sur son taux d'incapacité temporaire et de procéder à la régularisation financière de sa situation incluant le règlement de cent-quatre-vingt-quinze heures de récupération non prises, seize jours de congés non pris et des frais de déplacement, les sommes versées étant assorties des intérêts, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Cuincy une somme de 17 252,09 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande d'annulation de la décision du 6 août 2020 est recevable dès lors que cette décision constitue un refus de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire ; - l'arrêté du 18 juin 2020 a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission de réforme ne s'était pas préalablement prononcée sur le taux de son incapacité permanente ; - cet arrêté est insuffisamment motivé ; - l'administration ne pouvait rejeter sa demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service dès lors que le maire ne disposait pas du taux d'incapacité permanente partielle lui permettant de se prononcer sur sa demande ; - elle a droit au bénéfice d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service dès lors, d'une part, qu'elle justifie d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % et, d'autre part, que sa pathologie résulte de façon directe et certaine du harcèlement moral et sexuel dont elle a été victime dans l'exercice de ses fonctions. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, et un mémoire enregistré le 6 mai 2024, qui n'a pas été communiqué, la commune de Cuincy, représentée par Me Beguin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 9 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 mai 2024. Une note en délibéré présentée pour Mme B..., par Me Piret, a été enregistrée le 9 octobre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Piret, représentant Mme B..., et de Me Beguin, représentant la commune de Cuincy. Une note en délibéré, enregistrée le 9 octobre 2024, a été présentée pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjointe territoriale principale d'animation de la commune de Cuincy (Nord), est chargée, au sein du service " éducation-jeunesse ", de l'accueil de loisirs sans hébergement (ALSH) et de la coordination des temps périscolaires pour les enfants de six à douze ans. Placée en congé de longue maladie du 20 mai 2019 au 19 mai 2020 pour un syndrome anxiodépressif, elle a demandé, le 22 juin 2019, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. En dépit d'un avis favorable de la commission de réforme à cette demande, le maire de la commune de Cuincy a refusé, par un arrêté du 18 juin 2020, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B.... Par un courrier du 2 juillet 2020, l'intéressée a sollicité la communication du formulaire de déclaration d'accident ou de maladie nécessaire à la présentation d'une demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service, dont elle réclamait, dans ce même courrier, le bénéfice avec un effet rétroactif. En réponse, le maire de la commune de Cuincy lui a adressé le 6 juillet 2020 une copie du formulaire de déclaration de maladie professionnelle complété par Mme B... le 22 juin 2019, en lui rappelant que sa demande d'imputabilité a été rejetée par un arrêté du 18 juin 2020. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation de l'arrêté du 18 juin 2020 et du courrier du 6 août 2020, en sollicitant de la juridiction diverses mesures tendant à obtenir une régularisation financière de sa situation en conséquence de la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie. Par un jugement du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement et réitère devant la cour l'ensemble de ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction. Sur la légalité externe de l'arrêté du 18 juin 2020 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 211-6 du même code : " Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation (...) de faits couverts par le secret ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical (...) Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique ". Aux termes de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions ont été reprises depuis à l'article L. 121-6 du code général de la fonction publique : " Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal (...) ". 3. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives précitées que le refus de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie est au nombre des décisions qui doivent être motivées. Si le respect des règles relatives au secret médical ne peut avoir pour effet d'exonérer l'administration de l'obligation de motiver sa décision, dans des conditions de nature à permettre au juge de l'excès de pouvoir d'exercer son contrôle, elle ne peut divulguer des éléments couverts par le secret médical. 4. L'arrêté contesté vise les dispositions législatives et réglementaires dont elle fait application, notamment la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et le décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime de congé maladie des fonctionnaires territoriaux. Après avoir rappelé qu'une maladie qui n'est pas inscrite au tableau des maladies professionnelles doit, pour être reconnue imputable au service, être essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et être susceptible d'entraîner une incapacité permanente de 25 %, ce même arrêté mentionne qu'aucun taux d'incapacité n'a été fixé dans les rapports d'expertise et que le comportement de Mme B... a entraîné plusieurs conflits au sein de la collectivité. Eu égard au nécessaire respect des règles relatives au secret médical, ces considérations sont suffisamment détaillées pour permettre au juge d'exercer son contrôle sur les motifs de la décision rejetant la demande d'imputabilité présentée par la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté. 5. En second lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable : " La commission de réforme est consultée par l'autorité territoriale : (...) / 3° Lorsque l'affection résulte d'une maladie contractée en service telle que définie au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans les cas où les conditions prévues au premier alinéa du même IV ne sont pas remplies ". Aux termes de l'article 37-8 du même décret, dans sa version applicable : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". Aux termes de l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale : " Le taux d'incapacité mentionné au septième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ". 6. Il n'est pas contesté que le syndrome anxiodépressif dont souffre Mme B... ne relève pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, tenant, d'une part, à ce que la pathologie présente un lien essentiel et direct avec l'exercice des fonctions et, d'autre part, à ce qu'elle entraîne une incapacité correspondant à un taux déterminé par la commission de réforme qui doit être au moins égal à 25 %. Il ressort des pièces du dossier que, appelée à se prononcer sur le droit de Mme B... à obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service dans les conditions prévues par le 3° de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987, la commission de réforme a émis un avis favorable, estimant ainsi nécessairement que la pathologie de la requérante est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions et est susceptible d'entraîner une incapacité permanente de 25 % au moins. Le maire de la commune de Cuincy s'est prononcé au vu de cet avis, lequel ne présente qu'un caractère consultatif, et n'a donc entaché sa décision d'aucun vice de procédure. Sur la légalité interne de l'arrêté du 18 juin 2020 : 7. Pour l'application des dispositions du troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, citées au point 5, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. Mme B... impute son syndrome anxiodépressif, diagnostiqué en mai 2019, aux agissements de harcèlement sexuel et de harcèlement moral dont elle indique être victime. A supposer que ces agissements ne soient pas considérés comme constitutifs de harcèlement, elle soutient qu'ils se trouvent directement à l'origine de sa pathologie. 9. En premier lieu, aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable et dont les dispositions ont été reprises depuis aux articles L. 133-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : / a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; / b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ; / 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements / (...) ". Il résulte de ces dispositions que des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tels, passibles d'une sanction disciplinaire. 10. Mme B... justifie à l'instance avoir reçu depuis le téléphone portable de son chef de service, entre les mois de juillet 2015 et avril 2017, des messages dont les termes ont été repris au point 9 du jugement attaqué et qui constituent des propos à connotation sexuelle répétés tenus dans le cadre du service sans être aucunement désirés par la requérante. Ces messages ont porté atteinte à sa dignité et créé à son encontre une situation intimidante et offensante, de sorte qu'ils constituent des agissements de harcèlement sexuel au sens des dispositions citées au point précédent. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique de Mme B... aurait réitéré ses propos après avril 2017, alors que la pathologie de la requérante a été constatée pour la première fois le 20 mai 2019, deux ans plus tard. La requérante, qui n'en fait pas état dans sa demande d'imputabilité, a été examinée par deux experts psychiatres le 16 juillet 2019 et le 14 janvier 2020 qui reprennent ses déclarations dans leurs rapports sans mentionner les agissements de harcèlement sexuel dont elle a été victime entre juillet 2015 et avril 2017. Dans ces conditions, la pathologie déclarée en mai 2019 ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec ces agissements subis deux ans plus tôt. 11. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 12. Mme B... reproche à la commune de Cuincy l'absence d'entretien d'évaluation et de notation depuis 2008, le rejet de ses demandes de formation et le refus de la nommer dans un corps de catégorie supérieure. Si aucun entretien professionnel n'a été organisé entre 2008 et 2019, en méconnaissance des dispositions applicables en la matière aux fonctionnaires territoriaux, il n'est pas contesté que l'ensemble des agents municipaux se sont trouvés dans la même situation. Il n'est pas établi que l'absence fautive d'entretien professionnel a eu des répercussions sur l'évolution de la carrière de Mme B... qui, recrutée comme agent territorial d'animation de 2ème classe en 2007, a ensuite été promue au grade d'agent d'animation principal, ou sur son régime indemnitaire. Si l'administration n'a pas donné de suite favorable à sa demande de formation, présentée à plusieurs reprises, en vue de l'obtention du diplôme d'Etat professionnel jeunesse, éducation populaire et sport, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que cette formation, d'un coût de 7 500 euros, constituerait un droit pour les agents. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la formation litigieuse aurait répondu aux besoins de la commune de Cuincy. La circonstance que, en dépit de ses demandes, Mme B... n'a pas été nommée dans le corps de catégorie B des animateurs ne révèle pas de situation discriminatoire à son endroit, alors que le service était constitué d'agents de catégorie C à l'exception du chef de service et du responsable du service scolaire, lorsque la requérante a été placée en congé de maladie. Si deux collègues de Mme B... ont été nommées dans des emplois d'animateur à la fin de l'année 2020, il ressort du compte-rendu du comité technique du 15 décembre 2020 que ces nominations sont justifiées par une réorganisation des services. 13. Mme B... soutient faire l'objet d'un harcèlement moral de la part de son chef de service et de plusieurs agents municipaux, qui se sont ligués contre elle et ont provoqué une dégradation de ses conditions de travail ayant conduit à son arrêt pour maladie. Elle produit plusieurs attestations faisant état des absences répétées et de la désinvolture du chef de service, ainsi que de son comportement hautain et méprisant, notamment à l'égard du personnel féminin, et plusieurs messages de son supérieur hiérarchique la rappelant à l'ordre dans des termes peu aimables. Pour justifier de ses qualités professionnelles, la requérante, qui indique n'avoir jamais fait l'objet de recadrages ou de sanctions disciplinaires, produit de nombreuses attestations émanant de parents d'élèves louant son professionnalisme et d'anciens collègues décrivant la requérante comme très investie dans ses missions, ainsi qu'un rapport d'inspection établi en juin 2015 attestant de ses capacités, de la pertinence et de l'aspect novateur de sa pratique. Toutefois, la commune de Cuincy produit en défense de nombreuses attestations établies par la plupart de ses collègues du service éducation-jeunesse qui dénoncent son caractère directif, sa tendance à se positionner au-delà de ce qu'exige son niveau de responsabilité, son habitude à critiquer ouvertement et à plusieurs reprises les conditions dans lesquelles sont accomplies les missions du service, et son comportement incorrect à l'égard de ses collègues, qui font état de propos désobligeants, dévalorisants ou calomnieux, certaines attestations témoignant de son plaisir " à menacer, à rabaisser, à manipuler ". Le comportement de Mme B... dans l'exercice de ses fonctions a encore été relevé dans le cadre d'un partenariat intercommunal, au cours duquel sa posture considérée comme inadaptée et agressive a conduit à des récriminations de la part de la commune partenaire, quel que soit par ailleurs le bien fondé des critiques formulées par la requérante. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Mme B... s'est à plusieurs reprises adressée à l'ensemble du service au moyen de la messagerie électronique, sans avoir consulté au préalable son supérieur hiérarchique, conduisant celui-ci à lui reprocher de façon récurrente de ne pas respecter la hiérarchie. Les collègues de Mme B... font état de ses demandes contradictoires ou peu explicites, de ses retards et de son habitude de mettre en cause ses collègues, qui perturbent l'activité du service et sont à l'origine d'une détérioration de l'ambiance professionnelle. Ce comportement a pu avoir des effets néfastes sur la santé et l'environnement de travail de ses collègues, certains témoignages indiquant qu'elle entretient une relation toxique au sein du service. Les menaces de mort dont Mme B... soutient avoir été l'objet de la part d'une des agentes du service en mai 2018 sont vivement contestées par la collègue ainsi mise en cause. Les témoignages établis par des tiers revêtent une faible valeur probante dès lors que les menaces alléguées ont été tenues au téléphone, entre Mme B... et sa collègue. Le courriel envoyé par la requérante et la déclaration de main courante du 15 décembre 2018, qui ne mentionnent pas de menaces de mort, révèlent seulement une altercation survenue entre les deux protagonistes dans le cadre professionnel fortement dégradé tel qu'il a été décrit plus haut. Les insultes reçues par Mme B... de la part d'une autre collègue du service, d'ailleurs reconnues par celle-ci excédée par le comportement de la requérante, sont révélatrices de cette ambiance délétère et non d'une volonté de la harceler. 14. Enfin, la requérante soutient avoir été mise à l'écart du service pour ne pas avoir été consultée sur certaines problématiques qu'elle avait l'habitude de prendre en charge. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses fonctions nécessitaient qu'elle participe aux réunions portant sur les sujets dont elle indique avoir été écartée. 15. Il résulte de ce qui précède, eu égard au comportement de Mme B... dans le cadre professionnel, que les faits qu'elle impute à son employeur ne font pas présumer des agissements constitutifs de harcèlement moral ou sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral. 16. En troisième lieu, dans leurs rapports des 17 novembre 2019 et 17 février 2020, les deux experts psychiatres relatent les faits rapportés par Mme B..., diagnostiquent son syndrome anxiodépressif et, après avoir relevé l'absence de tout antécédent sur ce point, en déduisent que la pathologie de la requérante présente un lien direct avec le service. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que cette pathologie est survenue dans un climat professionnel très conflictuel dont la requérante, par son comportement, est à l'origine. Il en résulte, alors même qu'elle ne présente aucun antécédent, que le syndrome anxiodépressif dont souffre Mme B... résulte d'un fait personnel conduisant à détacher la survenance de la maladie du service au sens des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. 17. En dernier lieu, il n'est pas contesté que, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de la requérante, le maire de la commune de Cuincy s'est fondé, d'une part, sur l'absence de taux d'incapacité permanente déterminé par les experts médicaux et la commission de réforme, et, d'autre part, sur les importantes difficultés comportementales de la requérante à l'origine de la dégradation des conditions de travail dont elle se plaint. Si Mme B... conteste le premier motif de refus au motif que le maire ne pouvait légalement fonder la décision contestée sur l'absence de taux d'incapacité permanente, il ressort des pièces du dossier que, retenant seulement l'autre motif, il aurait pris la même décision à son égard. Dès lors, le moyen tiré du caractère illégal du motif relatif à l'absence de taux d'incapacité ne peut qu'être écarté. 18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cuincy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme dont la commune demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Cuincy présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Cuincy. Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 octobre 2024. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01615
Cours administrative d'appel
Douai